Table des matières

Avant-propos

Jumeler l'alphabétisation et le théâtre : l'idée n'est pas nouvelle. Mais, jusqu'à présent, aucune démarche andragogique n'avait été proposée aux formateurs et aux formatrices qui avaient le goût d'essayer quelque chose de différent, d'innover dans la créativité, en s'inspirant d'une vision de l'alphabétisation qui place la personne apprenante au centre de son apprentissage, et surtout, qui s'inspire des grands courants humanistes de l'éducation. Bien plus que l'apprentissage de la lecture et de l'écriture, l'alphabétisation c'est avant tout une démarche éducative qui vise le développement de la personne apprenante en tant que personne.

Le théâtre a tout pour plaire en alphabétisation.

Le théâtre est formateur : il peut servir de cadre d'apprentissage à la lecture et à l'écriture. Il peut également servir de cadre d'apprentissage à la vie.

Le théâtre est libérateur : jouer, c'est mettre une parcelle de soi-même dans chaque personnage.

Le théâtre est engagement : envers l'équipe, la pièce, son travail et celui des autres.

Le théâtre est porteur d'espoir : envers la vie et ce qu'elle pourrait être, grâce à l'imagination.

Merci à Susanne Jeanson, auteure de cet ouvrage et inspiratrice de ce projet, qui m'a fait découvrir le côté jardin de l'alphabétisation.

Merci au Secrétariat national à l'alphabétisation et au ministère de la Formation, des Collèges et des Universités de l'Ontario pour leur appui financier à ce projet innovateur.

Et place au théâtre!

Isabelle Guérard
Directrice du Trésor des mots à Orléans
De 1996 à 2001

La forme masculine utilisée dans ce guide désigne aussi bien les femmes que les hommes. Elle n'est utilisée que pour alléger le texte.

Introduction

«L'imagination est plus importante que la connaissance.»
Einstein

Une expérience à transmettre

Le but de ce guide «Écrire pour dire» est de partager une expérience personnelle, sur l'utilisation de l'écriture théâtrale collective, en tant qu'outil d'apprentissage, en milieu d'alphabétisation. Il a été écrit à l'intention des alphabétiseurs qui ont le désir de transformer des heures d'apprentissage ardues en heures créatives et stimulantes pour leur clientèle apprenante.

Il est vrai, que l'enseignement du français peut se limiter aux leçons de grammaire et à un apprentissage purement technique de la langue, sans pour autant en exploiter la dimension créative. Or, en alphabétisation, peu importe l'approche, qu'elle soit fonctionnelle ou communautaire, les alphabétiseurs s'évertuent à inventer des manières différentes d'intervenir. L'écriture théâtrale collective figure parmi ces démarches.

Ce guide présente, en plus d'une description détaillée de la démarche utilisée, des outils et des méthodes de créativité. Il comprend une description sommaire des compétences d'animation de groupe que l'alphabétiseur trouvera utile lorsqu'il entreprend un projet semblable. Le lecteur trouvera également un tableau des étapes de l'écriture théâtrale collective expérimentée en milieu d'alphabétisation.

Les personnes apprenantes créent leur pièce de théâtre collective en améliorant leurs compétences vis-à-vis de l'orthographe, la conjugaison des verbes, de la structure de phrases, la construction de tout un texte. Un projet d'écriture théâtrale collective consiste en une activité de groupe qui peut développer et renforcer chez la personne apprenante sa confiance en soi, son estime personnelle, son assurance, son vocabulaire ainsi que sa maîtrise de la langue française.

Un dialogue peut ressembler à une simple conversation. Un échange entre deux personnes, c'est ni plus ni moins qu'un dialogue. Cette communication peut contenir tout le potentiel d'un projet théâtral. De sorte que l'expérience et les connaissances personnelles des apprenants sont un creuset de richesses indispensables pour l'écriture de la pièce de théâtre collective. Ce contenu abondant sert à la création des personnages et à la construction du scénario collectif. L'écriture théâtrale permet à la personne apprenante d'apprivoiser des mots auxquels elle donne un sens. L'apprenant intègre ces mots, ces phrases dans un dialogue théâtral. La créativité et l'appel à l'imaginaire ajoutent des éléments dynamiques et amusants à cette pratique, souvent laborieuse, de l'apprentissage du français.

En participant activement à un projet d'écriture théâtrale collective, la personne apprenante s'initie au jeu. Quoi de plus édifiant en alphabétisation que de pouvoir jouer avec les mots!

Chapitre 1 – Écrire une pièce de théâtre collective en milieu d'alphabétisation

Plus nous observons et sommes conscients, plus nous pourrons établir des connexions mentales qui aboutiront en des idées nouvelles et pertinentes.
Melissa Strickland

Apprendre à mieux lire et à mieux écrire en créant......en participant.........en jouant!

Ce premier chapitre présente une application pratique d'un projet d'écriture théâtrale collective réalisé en milieu d'alphabétisation. Étape par étape, le lecteur suivra la démarche créative de l'écriture d'une pièce de théâtre collective par un groupe d'apprenants, dirigés et soutenus par un alphabétiseur. Le déroulement successif des étapes de la construction du projet d'écriture théâtrale collective commence d'abord par le réchauffement à l'écriture. S'ensuivent la création des personnages, la construction de l'histoire, utilisant le synopsis et le canevas et, finalement, l'écriture des dialogues composant les scènes de la pièce de théâtre collective. Les techniques de recherche d'idées et les méthodes d'animation utilisées pour stimuler l'imagination des participants et organiser les idées du groupe sont décrites au chapitre 2.

L'écriture théâtrale d'une part et la pratique du théâtre en général permettent d'éveiller et de développer des compétences de communication verbale. L'expression théâtrale, qu'elle soit écrite ou verbale, permet à l'apprenant de mettre à épreuve l'ensemble de ses aptitudes créatives, d'exercer ses habiletés à communiquer, de s'extérioriser, de mieux se connaître, d'échanger avec ses pairs, d'expérimenter des facettes de son intelligence et de sa personnalité qui seraient moins sollicitées dans un enseignement purement linéaire.

L'écriture théâtrale collective dans le contexte de l'alphabétisation cherche d'abord à aider la personne apprenante à se dégager de ses craintes face à l'écriture en se situant dans un contexte familier d'expression orale. Il s'agit de l'accompagner dans un processus de libération de l'expression où la parole incite à l'écriture. Dans ce contexte, l'apprenant fait l'expérience de l'écriture par le truchement d'une activité créative non contraignante.

1.1 Une définition de l'écriture collective théâtrale

Afin de bien cerner le concept de l'écriture théâtrale collective en milieu d'alphabétisation, consultons le dictionnaire. Allons-y simplement comme l'alphabétiseur le fait régulièrement en contexte de classe avec les personnes apprenantes. Définissons les termes.

Écriture : représentations de la parole et de la pensée par des signes graphiques conventionnels. Manière, art de s'exprimer.

Collective : Qui concerne un ensemble de personnes; de groupe.

Théâtre : Art visant à représenter devant un public une suite d'événements où des êtres humains agissent et parlent.

Alphabétiser : Apprendre à lire et à écrire à un groupe social.

Alphabétiseur : Celui qui apprend à lire et à écrire à un individu ou à un groupe social.

De ces mots découle la phrase descriptive du projet.

Un ensemble de personnes apprenantes formant un groupe qui s'exprime par des signes graphiques conventionnels, c'est-à-dire le français, dans un contexte d'alphabétisation, par une action d'écriture théâtrale collective, animée par un alphabétiseur. En d'autres mots, un groupe d'individus qui améliorent leurs habiletés de lecture et d'écriture en écrivant une pièce de théâtre.

1.2 Les objectifs d'apprentissage

Cette initiative se résume à aider un groupe d'apprenants à écrire collectivement une pièce de théâtre pour renforcer leurs habiletés d'écriture et de lecture.

Les objectifs d'apprentissage pour I' apprenant sont de trois ordres :

  • stimuler son imagination et sa créativité,
  • accroître ses habiletés d'écriture et de lecture,
  • développer son autonomie face à l'apprentissage.

La personne apprenante, en utilisant l'ensemble de ses capacités dans le cadre de ce projet d'écriture théâtrale collective, apprend à développer de nouvelles compétences. L'apprenant fera appel à son expérience de tous les jours pour alimenter son écriture. Par des exercices simples, il reproduira des situations familières sous forme de dialogues. Il apprendra à exprimer son vécu par écrit, à structurer son langage sous forme de phrases, à choisir ses mots et à organiser ses idées avec cohérence. Il se peut que l'apprenant se découvre un bagage important de capacités déjà acquises. En faisant le transfert du langage courant par l'intermédiaire du théâtre à la forme écrite, l'apprenant utilisera son pouvoir d'imagination et prendra conscience que ce pouvoir de l'imaginaire peut lui être utile dans son apprentissage.

Dans la liste suivante figure une liste d'objectifs spécifiques d'apprentissage que la personne apprenante maîtrisera au fur et à mesure.

L'apprenant réussira à :

  • Structurer une phrase;
  • Conjuguer des verbes;
  • Organiser ses idées en un tout cohérent;
  • Organiser un texte;
  • Travailler en groupe;
  • Améliorer sa lecture à haute voix;
  • Améliorer sa compréhension des textes lus;
  • Critiquer un texte de façon constructive;
  • Enrichir son vocabulaire;
  • Transférer ses connaissances personnelles;
  • Valoriser son expérience de vie;
  • Avoir du plaisir à apprendre;
  • Risquer pour apprendre davantage;
  • Développer son esprit critique;
  • Identifier ses besoins d'apprentissage;
  • Prendre en charge son apprentissage;
  • Devenir une personne apprenante autonome;
  • Utiliser ses outils, le dictionnaire, le «Bescherelle», son intuition.

Tel qu'indiqué dans la publication de l'Association canadienne des troubles d'apprentissage (1991), les apprenants ne pratiquent généralement pas assez l'écrit. L'écriture théâtrale collective veut faciliter ce travail exigeant et ardu pour la personne apprenante. Tous les alphabétiseurs connaissent cette difficulté face à la pratique de l'écriture et souriront, peut-être, en lisant ces lignes - car le fait d'écrire une pièce

de théâtre ne fait pas disparaître le problème, mais offre plutôt une façon créative de motiver la personne apprenante à utiliser l'écriture.

Les histoires font partie de la vie de tout le monde. Il est donc relativement facile pour l'apprenant d'imaginer des éléments de dialogues puisqu'il se réfère à son vécu et à son environnement. Dans le modèle proposé, l'apprenant apprend à transposer des informations de son quotidien dans un contexte imaginaire. La participation d'un groupe à cet exercice amène naturellement l'apprenant à prendre un certain plaisir à travailler.

L'utilisation de l'écriture théâtrale ajoute un élément majeur, celui du jeu. Écrire, c'est difficile pour les apprenants en milieu d'alphabétisation, jouer avec des mots pour inventer des répliques transforme la tâche d'écrire. Elle la rend accessible et AMUSANTE.

Afin de donner un aperçu de l'envergure d'une initiative du genre, les principaux ingrédients nécessaires à la réalisation d'un projet d'écriture théâtrale collective en milieu d'alphabétisation sont énoncés dans la liste suivante.

1.3 Les ingrédients principaux de la démarche

  • Un alphabétiseur aventureux ayant le goût du risque et ayant l'apprentissage à cœur (aimer le théâtre peut être un atout)
  • Un groupe d'apprenants et d'apprenantes engagés dans le projet.
  • Un travail d'écriture théâtrale collective.
  • Une durée de 20 semaines d'ateliers d'une durée de 2 heures et demie chacun.
  • 5 ateliers consacrés au réchauffement à l'écriture.
  • 3 ateliers consacrés à la création du personnage.
  • 2 à 3 ateliers pour la rédaction du synopsis de l'histoire de la pièce
  • 10 à 12 ateliers consacrés à l'écriture des dialogues.
  • 1 atelier pour une lecture devant les personnes apprenantes des autres classes (optionnel)_

1.3.1 Engagement de l'alphabétiseur et de la personne apprenante

Le succès du projet d'écriture collective théâtrale dépend de l'assiduité de l'alphabétiseur et des personnes apprenantes. Il est donc essentiel dès le départ que tous les participants prennent conscience de l'importance de leur engagement et qu'ils le respectent. Que ce soit l'alphabétiseur ou l'apprenant, chaque participant devra assumer son rôle et ses responsabilités au cours des étapes de création de la pièce collective.

Le rôle de l'alphabétiseur sera :

  • d'accorder son attention aux apprenants;
  • de gérer le temps;
  • de préparer chaque session avec un objectif précis du résultat à atteindre;
  • d'établir tout le programme de la création de la pièce avec les apprenants;
  • de s'engager à mener le projet d'écriture collective à terme.

Le rôle de la personne apprenante sera :

  • de comprendre les exigences du projet;
  • de participer pleinement;
  • de s'engager à être présents aux ateliers.

1.3.2 Le classeur collectif

Le classeur collectif est une boîte en carton ou autre dans laquelle les apprenants conserveront leurs écrits, dessins et découpages. Chaque apprenant aura un dossier à son nom et il y aura aussi un dossier de groupe pour classer les productions collectives. La personne apprenante pourra revoir son travail aussi souvent qu'elle le voudra, s'en inspirer et observer ses progrès. Ce classeur collectif devient un véritable trésor de mots et une preuve concrète de la créativité des apprenants et de leurs efforts continus. Soit dit en passant, tous les moyens utilisés pour renforcer l'estime personnelle et la confiance des apprenants ont un effet bénéfique sur leur développement.

En ce qui touche l'aspect matériel, le papier, le découpage, les feuilles volantes, je vous suggère de ne rien jeter. Vous gardez tout. Ces morceaux pourraient être recyclés dans la pièce de théâtre à un moment donné. Conservez-les dans un classeur collectif dans lequel tous les travaux des apprenants seront rangés.

1.4 Une période de réchauffement

Comme dans toutes les disciplines, qu'elles soient artistiques ou sportives, les participants engagés dans le projet d'écriture théâtrale collective doivent aborder une période de réchauffement. Avant de courir le cent mètres, l'athlète réchauffe bien ses muscles, s'étire et prépare son organisme au défi de la course. Pareillement, la personne apprenante se pratique à écrire des mots, des bouts de phrases, des messages, de courts récits, quelques lignes pour se réchauffer le cerveau. Les activités d'écriture mènent la personne apprenante à exercer son imagination, à augmenter son vocabulaire et à écrire des phrases.

1.4.1 Rédaction à partir d'un thème

Quelques thèmes sont proposés ici. L'alphabétiseur demande à la personne apprenante de rédiger un court texte à partir des thèmes suggérés ou de ceux de son répertoire. Ce premier exercice renseigne l'alphabétiseur sur le degré de résistance des apprenants. Ce phénomène de la résistance et des blocages à la créativité et à l'apprentissage est décrit au chapitre 3.

Activité 1 : Écrire pour dire avec des mots simples
Thème 1 (recommandé) :

  • J'écris une lettre à ma mère, je suis «dans le trouble».
  • J'écris une lettre à ma blonde, à mon mari, à mon ami(e).
  • J'écris une lettre de présentation. Moi je m'appelle (nom) et j'aimerais vous parler de moi.

Thème 2 :

  • Je rédige un bulletin de sport.
  • Je rédige un bulletin de météo - on annonce une tempête.
  • Je rédige une présentation pour un artiste populaire.

Thème 3 :

  • J'écris un rap.
  • J'écris un poème.
  • J'écris des paroles nouvelles sur un air connu.

1.4.2 Lecture de pièces de théâtre

La personne apprenante comprendra mieux le concept de l'écriture théâtrale collective, si elle a la possibilité de lire des pièces de théâtre.

L'alphabétiseur peut initier son groupe au texte théâtral, en lui procurant des lectures choisies. Ces textes se trouvent en bibliothèque. Il est aussi possible de s'en procurer auprès d'une compagnie de théâtre amateur ou professionnelle de son quartier, de sa ville ou de son village. Souvent les membres de la troupe peuvent recommander des textes.

Au cours d'une activité de lecture, les apprenants font la lecture d'un extrait d'une pièce à haute voix en classe. L'alphabétiseur incite les apprenants à analyser certains aspects du texte. Ils nomment les personnages en observant leurs traits de caractères, leur apparence physique, leur attitude et leur motivation. Les apprenants déterminent à quel moment de la journée se déroule l'action et à quel endroit. C'est un début d'observation.

Une deuxième activité consiste à lire une partie d'une courte pièce de théâtre ou d'un conte et ensuite d'inviter les apprenants à imaginer la suite de l'histoire. Les personnes apprenantes décident ensemble du dénouement de l'histoire, en écrivant une courte scène utilisant les personnages de la pièce ou du conte. Il est très important au cours de cette période de réchauffement de maintenir un climat de jeu. L'apprenant écrit en s'amusant d'abord, il corrige après.

1.4.3 Jeux de rôles

Une autre façon d'introduire l'écriture collective dans un groupe consiste à faire imaginer une situation proche de la réalité des apprenants. L'alphabétiseur et le groupe choisissent un thème qu'ils utiliseront pour écrire une courte scène.

Exemple de thème ou de situation de départ : les personnes apprenantes du groupe constituent les membres d'une famille traditionnelle. Chaque personne apprenante assume un rôle : le père, la mère, le grand-père, la grand-mère, le frère, la sœur, le cousin, la cousine, etc. La famille doit prendre une décision concernant la préparation des repas, puisque la mère commence à travailler à l'extérieur du foyer. Quelqu'un n'accepte pas que la mère soit libérée de cette tâche. Il y a un problème.

Le groupe doit écrire cette scène, exposer le problème et la solution. Cette activité d'écriture peut illustrer le processus de prise de décision familiale par consensus. Les apprenants donnent leur point de vue sur la situation et choisissent un personnage. À partir de leur point de vue ils rédigent le dialogue. Le groupe se réchauffe, se familiarise avec l'écriture. Le dialogue à cette étape peut demeurer éclaté. L'essentiel est de jouer avec des mots et des bouts de phrases.

1.4.4 Adapter pour créer

Pour faciliter le travail d'écriture pendant cette période de réchauffement, l'alphabétiseur demande au groupe de sélectionner un conte ou une légende qu'il adaptera en dialogue. Les participants pourront commencer à imaginer des répliques sur la toile de fond d'une histoire connue et pour des personnages déjà créés. Ce travail d'adaptation semble tout à fait à la portée des apprenants débutants. En plus, les nouveaux arrivants possédant des histoires et légendes de leur pays d'origine peuvent les raconter et ensuite les adapter en dialogue. Cette activité est valorisante et permet aux personnes de s'appuyer sur des fondations solides, des connaissances acquises. De plus ce contenu enrichit la classe.

L'alphabétiseur entraîne la personne apprenante à observer des éléments de la structure de l'histoire en lui posant des questions. Décrivez le problème. Quel personnage subit ou crée le problème? Est-ce que le problème a un effet sur les autres personnages? Cette analyse rudimentaire de la structure d'un conte ou d'une légende prépare doucement la personne apprenante à voir la structure d'une pièce de théâtre.

1.4.5 Initiation à l'écriture des dialogues

L'alphabétiseur initie les apprenants à écrire des dialogues en leur offrant des pistes à élargir. Les apprenants commencent à travailler en groupes de deux, toutefois un personnage peut être ajouté à chaque exemple, si le nombre des participants est impair.

Pistes à explorer :

  • Deux personnes discutent énergiquement sur un quai à Shippagan;
  • Deux personnes se racontent un événement en étendant du linge sur la corde à linge;
  • Deux écoliers, un garçon et une fille, parlent d'une soirée de danse à l'école;
  • Un homme et une femme négocient la garde de leur chien pendant les vacances;
  • Une vieille dame téléphone à son fils pour avoir de ses nouvelles;
  • Deux tasses de thé qui attendent deux clients qui tardent à se présenter;
  • Deux poissons, un petit et un gros qui discutent de leur avenir;
  • Deux joueurs de hockey après un match gagné ou perdu;
  • Deux fermiers regardent leurs champs de blé à l'automne;
  • Deux ou trois personnes prises dans un ascenseur en panne.

L'alphabétiseur explique que le dialogue est une conversation entre deux personnages. Cette conversation doit faire comprendre l'action et faire avancer l'histoire. Les apprenants veillent à bien décrire les sentiments qui habitent les personnages en écrivant les répliques de leurs dialogues. L'alphabétiseur et les apprenants apportent des revues, des journaux et des magazines en classe. Utilisant ce matériel, les apprenants composent leur personnage. Tel un photo roman ou une bande dessinée, le groupe agence les photos ou les dessins de personnages en ordre varié et construit une petite histoire dialoguée à partir des photos rassemblées. Chaque apprenant écrit les répliques pour son personnage.

1.4.6 Apprendre à mieux écrire à travers les dialogues

Au cours d'une deuxième étape d'écriture, les apprenants révisent les aspects grammaticaux et orthographiques de leur dialogue. En troisième lieu, les apprenants lisent les textes au groupe. L'alphabétiseur demande au groupe de commenter les textes. L'alphabétiseur met l'accent sur les points forts surtout. Selon certains critères, tels le vocabulaire approprié, le sujet, l'aspect humoristique ou dramatique du texte, il félicite et encourage les participants. Toutes les idées, les commentaires sont notés et conservés dans le classeur collectif pour usage ultérieur si possible.

Suggestions : L'alphabétiseur demande aux apprenants à l'occasion, de développer certaines notions de grammaire ou d'utiliser certaines règles dans leur exercice d'écriture de dialogues ou de descriptions.

Voici un extrait d'un dialogue rédigé par deux apprenants, de niveau intermédiaire. L'alphabétiseur demande à l'apprenant d'utiliser des mots de relations dans son dialogue. Dans l'exemple qui suit les mots de relation sont indiqués en gras.

Scène entre l'avocat du Diable et le médecin Maladroit

Avocat : Voulez-vous défendre le procès de la défunte Mélanie?

Médecin : On m'appelle pour faire l'autopsie. Désormais, je ne ferai plus de bêtises semblables. Au lieu de commencer par le ventre, j'ai commencé par la tête.

Avocat : Mélanie est morte en mangeant du poisson cuivré.

Médecin : On avait donné un médicament contraire à ce qu'elle avait l'habitude de prendre.

Avocat : À condition que l'on me paie mes honoraires avant de commencer le procès.

Médecin : Par conséquent, tu es un avocat avare.

Avocat : Je m'en fous. Fiche-moi la paix!

Quelques exemples de mots de relation :

Alors, auparavant, depuis, désormais, lorsque, pendant, soudain, ensuite, à cause de, c'est pourquoi, parce que, puisque, de peur que, de sorte que, de manière que, au contraire, pourtant, par contre, tandis que, toutefois, ainsi, or, puis, à condition que, à moins que.

1.5 Créer un personnage

Pourquoi commencer avec le personnage?

Le personnage pour la personne apprenante est son point d'ancrage. Son outil de création en quelque sorte. C'est à travers ce personnage que la personne apprenante choisira de s'exprimer. Toutes les autres activités de la création de la pièce collective sont soumises au consensus du groupe. Le personnage appartient à la personne apprenante. Elle n'a pas à négocier qui sera ce personnage, c'est à elle de l'inventer de toutes pièces. Le personnage fait partie de l'intégrité de l'apprenant. C'est par l'entremise de ce personnage qu'il exercera son pouvoir personnel, sa logique et sa créativité. Il en sera fier et ce personnage répondra à ses besoins personnels d'expression. Peut-être sera-t-il même un exutoire, pour rire, pour pleurer, pour se dégager de toute une gamme d'émotions. Ce personnage lui fera du bien et il lui appartient. C'est un peu sa pâte à modeler.

Le personnage se construit en trois étapes :

  1. La description physique du personnage;
  2. La description de l'environnement et des antécédents familiaux du personnage;
  3. La description psychologique et émotive (émotionnelle?) du personnage.

À travers les activités suggérées et d'autres de votre propre crû, les personnages, ces piliers de votre histoire, prennent forme.

Rappelons qu'à la suite de chaque exercice d'écriture, chaque apprenant se relit et se corrige. Cette révision se fait de façon systématique après chaque exercice d'écriture. L'alphabétiseur soutient le groupe en circulant parmi les apprenants, en donnant de l'aide individuelle. Il les encourage constamment, en notant ce qu'ils ont fait de bien.

1.5.1 Étape 1 – La description physique du personnage

  • Calquer un personnage et le recréer avec le concassage

Le mot «calquer» signifie reproduire ou copier un dessin. «Calquer un personnage» veut dire choisir une personne que l'on connaît pour s'en servir comme modèle. Calquer un personnage est un point de départ. La technique du concassage, décrite au chapitre 2 est un outil idéal et très pratique pour transformer le personnage calqué ou copié en une création nouvelle et originale.

Voici un exemple d'une tante Germaine, personne très drôle, qui servira de modèle de calquage et de concassage. Dans la colonne de gauche, Germaine est décrite telle qu'elle existe en réalité. Dans la colonne de droite, Germaine a été transformée en un personnage fictif qui s'appelle Mademoiselle des Lupines. Voyons ce que cela peut donner.

Personne réelle
Ma tante Germaine
Personnage fictif
Mademoiselle des Lupins

Ma tante Germaine a les cheveux blonds. Elle est frisée comme un mouton. Elle porte des robes souvent fleuries et un gros tablier blanc. Elle rit tout le temps et aime manger des gâteaux et des biscuits. Elle est très douce. Elle a les yeux bleus et ne ferait pas mal à une mouche. Elle a souvent les joues roses. Tante Germaine, c'est un ange!

Mademoiselle des Lupins a les cheveux bruns foncés. Ils sont gras. Elle a une coupe carrée au menton ce qui la rend très sévère. Ses yeux sont noirs et très petits. Contrairement à ma tante Germaine elle est plutôt maigre, a le visage long et a le bec pincé. Elle est très nerveuse et a une voix criarde. Elle ne rit jamais.. Elle nous fait peur. Mademoiselle des Lupins est une sorcière!

Il est aussi possible de combiner maintenant les deux exemples contrastés ci-dessus pour créer un troisième personnage, plus nuancé. À vous de jouer!

L'alphabétiseur suggère à l'apprenant de choisir une personne qu'il connaît et d'utiliser le concassage pour la transformer en personnage fictif. L'alphabétiseur utilise les verbes du concassage (voir chapitre 2) pour stimuler l'imagination des apprenants. L'apprenant débute sa description en trouvant des mots pour décrire l'apparence extérieure du personnage. Pour les personnes apprenantes, pour qui l'apprentissage de la langue française représente un plus grand défi, l'alphabétiseur suggère de dessiner d'abord le personnage ou de le construire à partir de coupures de revues et de trouver les mots justes dans une deuxième étape. Chaque effort conduira la personne apprenante à décrire son personnage avec de plus en plus de précision.

En alphabétisation, généralement la personne apprenante possèdent un vocabulaire limité. Les coupures de journaux, les photos, les cartes postales, les dessins l'aideront à effectuer sa recherche descriptive. Des mots comme sourcil, lobe, tempe, chauve, ne font pas nécessairement partie du vocabulaire de base de la personne apprenante. C'est en échangeant avec ses pairs, en cherchant dans le dictionnaire et avec l'aide de l'alphabétiseur que l'apprenant alimente son vocabulaire.

Le vocabulaire pour décrire l'univers affectif et émotif exigera également de l'enrichissement. Le nouvel arrivant aura naturellement recours à la phonétique et aux mots de sa langue maternelle comme le créole, par exemple, pour établir les bases de sa description. Il transfère ses connaissances en français dans une deuxième étape. Cet exercice doit ressembler à un jeu, sans intensité ni stress pour la personne apprenante.

Dans la première phase, la personne apprenante doit apprendre à se laisser aller, à ouvrir les vannes de son imagination. Cette tâche de recherche d'idées n'est pas facile pour tout le monde et certaines personnes éprouvent des blocages. Ce n'est qu'au cours de la deuxième phase que l'apprenant fait le tri de ses idées pour épurer et rendre plus claire la description de son personnage.

La démarche d'écriture théâtrale collective présentée ici consacre au moins trois ateliers au développement du personnage. Si vous utilisez le dessin, le découpage et le collage, il faudra peut-être allouer du temps supplémentaire pour l'écriture. Quoiqu'il arrive, il est préférable de compléter le programme de la session pour habituer la personne apprenante à une certaine rigueur, afin qu'elle s'habitue à organiser son travail de création dans le temps requis. Ce segment du découpage et de collage ne devrait pas dépasser 40 minutes.

Si un apprenant change plusieurs fois d'idées sur son choix de personnage, l'alphabétiseur pourra à ce moment-là ajouter un atelier pour le développement du personnage et couper ailleurs. Cependant, il faut voir à ne pas brimer les autres apprenants du groupe, qui veulent aller plus vite. À la fin du deuxième atelier, l'alphabétiseur rappelle que le prochain atelier sera le dernier consacré à la création du personnage.

Le prochain segment de l'atelier sera consacré à l'écriture des phrases pour décrire le personnage. Cette étape dure environ une heure et demie, divisée par une pause de 15 minutes. Durant cette heure et demie d'écriture, la personne apprenante écrit des phrases, cherche des mots dans les dictionnaires. En bout de ligne, elle effectue une première révision grammaticale de leurs phrases. Comme d'habitude, l'alphabétiseur circule pour apporter son aide. Quinze minutes avant la fin de l'atelier, l'alphabétiseur invite les personnes apprenantes qui sont disposées à le faire à lire à haute voix la description de leur personnage. Encore une fois, l'alphabétiseur encourage la personne apprenante et mentionne les qualités de son texte.

Il conserve toutes les descriptions initiales des personnages et invite les apprenants à les ranger dans le classeur collectif. Il est primordial que l'alphabétiseur conserve précieusement ce travail car il arrive parfois que l'apprenant les égare, ou même qu'il n'ait pas développé le sens organisationnel entourant le papier, les livres, etc. Petit à petit il y prendra goût. Parfois, ce goût met du temps à se développer et à se manifester. Le déroulement du travail de groupe est facilité par cette organisation des textes qui peut faire gagner du temps à la longue.

1.5.2 Étape 2 - La description de l'environnement et des antécédents familiaux du personnage

À chaque étape, l'apprenant approfondit sa connaissance de son personnage. Au cours de cette deuxième étape, l'apprenant devra créer l'environnement du personnage. L'alphabétiseur invite l'apprenant à écrire au sujet des éléments connus du personnage réel, de les changer en utilisant la méthode du concassage ou selon son imaginaire, s'il préfère. L'apprenant construit d'abord l'univers physique et extérieur du personnage. Utilisez les phrases suivantes pour aider l'apprenant à développer et à créer ces aspects de son personnage.

Je construis mon personnage

Mon personnage s'appelle : ___________________

  1. Je décris son allure physique.
    ______________________
    ______________________
  2. Je décris sa famille (père, mère, frères, sœurs, oncles et tantes, enfants, conjoint ou conjointe, amie ou ami, etc.).
    ______________________
    ______________________
    ______________________
  3. Je décris son emploi du temps (travail, sport, loisirs, passe-temps).
    ______________________
    ______________________
    ______________________
  4. Je décris sa maison, sa ville, son village, sa province, son pays, sa planète extra-terrestre.
    ______________________
    ______________________
    ______________________
  5. Je décris un de ses problèmes et un de ses talents.
    ______________________
    ______________________
    ______________________

1.5.3 Étape 3 – La description psychologique et émotive du personnage

Les dimensions psychologiques sont plus abstraites, donc en général plus difficiles à cerner pour les apprenants en milieu d'alphabétisation. Les apprenants découvriront tout un vocabulaire, un univers de nuances pour exprimer des émotions et des besoins affectifs. À l'aide de cette liste de mots et ceux de votre répertoire vous conduirez l'apprenant à décrire l'univers émotif et affectif du personnage.

Je (nom du personnage) me sens :

Vocabulaire de termes émotifs et affectifs

Fier
Accusé
Admiré
Déçu
Hostile
Abandonné
Étonné
Jaloux
Fou d'amour
Alarmé

En colère
Triste
Incapable
Provoqué
Nerveux
Furieux
Agacé
Gêné
Fou de rage
Soupçonneux

Fragile
Surpris
Déboussolé
Flatté
Isolé
Frustré
Agressif
Tourmenté
Insulté
Audacieux

Farouche
Tiraillé
Exubérant
Incommodé
Charmé
Contrarié
Honteux
Embarrassé
Comblé
Arrogant

Les apprenants complètent les phrases suivantes et cherchent la définition de ces mots dans le dictionnaire.

Pour décrire la peur :
Je (nom du personnage) suis enragé(e), contrarié(e), alarmé(e), préoccupé(e), effrayé(e), terrifié(e), troublé(e) et ainsi de suite.

Pour décrire la tristesse :
Je (nom du personnage) suis triste, froissé(e), tourmenté(e), angoissé(e), peiné(e), déprimé(e), malheureux(euse).

Pour décrire le bonheur :
Je (nom du personnage) suis heureux(euse), chanceux(euse), ravi(e) , fortuné(e), content(e) rayonnant(e) de bonheur.

Pour décrire l'amour :
Je (nom du personnage) suis affectueux(euse), sensible, tendre, attaché(e), passionné(e), respecté(e), admiré(e).

Exemple de description de personnage rédigé par une personne apprenante de niveau intermédiaire.

«Esmeralda Monténégro habite au 163, rue El Paso à Cevilla, Madrid (Espagne). Elle a 26 ans et pèse environ 119 livres. Elle a les cheveux noirs, les yeux noirs et la peau brune. Elle a un nez en forme de trompette. Elle est élégante et s'habille soigneusement. Elle a un grain de beauté sur la joue. Elle est gentille, généreuse, forte et sympathique. Elle est agréable, mais mauvaise quand elle se fâche. Elle joue de la guitare et elle aime la lecture, le tennis et le golf. Elle porte les bijoux de sa grand-mère.»

Résumons ce que les apprenants ont accompli depuis le début des ateliers :

  • Le groupe a participé à plusieurs activités de réchauffement. L'alphabétiseur a pris soin d'inclure quelques mots du vocabulaire théâtral.
  • Les apprenants ont lu au moins une pièce de théâtre.
  • Ils ont écrit des répliques collectivement et individuellement.
  • Chaque apprenant a construit son personnage.
  • Chaque apprenant a appris à ranger son travail méthodiquement dans le classeur collectif.

La prochaine étape consiste à écrire l'histoire.

1.6 Construire l'histoire

Les humains en général aiment raconter des histoires. Les grands s'étonnent de regarder les enfants inventer des aventures spontanément à deux, à trois, à quatre joueurs. L'enfant imagine un tas de personnages pour alimenter sans cesse son scénario. L'adulte aussi aime raconter des histoires, de sa vie, parfois même des anecdotes drôles et comiques sur des choses cocasses qui lui arrivent. L'adulte raconte aussi l'histoire des autres. En racontant toutes ces histoires, il ajoute des éléments, il exagère, il rétrécit, il se contredit.

Il est donc tout à fait naturel de s'inspirer des méthodes traditionnelles, pour se donner une structure organisée, afin d'encadrer la démarche de l'écriture collective théâtrale. Vous pouvez choisir un héros ou un personnage principal qui aura un problème ou un manque (accident, motivation), subira un vol, une peine d'amour, des problèmes financiers etc. Le personnage en question peut fuir ou faire face au problème. Il peut se créer d'autres problèmes plus graves et finir vaincu ou il peut, après avoir relevé plusieurs défis, être victorieux.

Vous pouvez aussi, emprunter une autre voie en vous inspirant des méthodes traditionnelles et innover en adoptant une approche plus personnelle. Libre à vous d'expérimenter! La présente démarche est fondée, en partie sur les méthodes traditionnelles et le processus «work in progress». Il en est résulté une méthode structurée, mais ouverte au développement et à la spontanéité des apprenants.

Selon la démarche utilisée, à chaque étape d'écriture, à chaque scène, les apprenants assument la responsabilité de réviser et de corriger leurs textes. La création de la pièce est au service de l'apprentissage du français. Les personnes apprenantes travaillent à tour de rôle, parfois seules, parfois en sous-groupes ou en grand groupe. Tout au long du processus d'écriture le groupe fonctionne par consensus. Lorsque certains apprenants sont absents, les autres écrivent des répliques pour d'autres personnages que les leurs. C'est un élément important à discuter. Une fois engagé dans l'écriture de la pièce, le groupe essaie de maintenir un rythme de croisière dans la production, ce qui favorise le maintien de leur intérêt et de leur motivation.

1.6.1 Le synopsis

Un synopsis est un récit très bref de ce qui constitue le schéma d'un scénario.

La personne apprenante rédige un court texte qui résume la pièce de théâtre du point de vue de son personnage. En écrivant ce texte, l'apprenant rassemble une série de renseignements. Il doit, pour le rédiger, trouver un sens aux personnages inventés par le groupe et imaginer des liens possibles entre eux, pour construire son point de vue de l'histoire. L'alphabétiseur lui suggère de considérer dans son synopsis, en plus des personnages, le lieu de l'action, le déroulement de l'action et la fin de l'histoire. Il lui rappelle les questions qui, quoi, où, quand, comment et pourquoi . La personne apprenante se prépare ainsi à travailler le canevas qui se fera en groupe lors de la prochaine étape. L'alphabétiseur explique clairement les étapes du travail à venir.

Pourquoi demander aux apprenants de rédiger un synopsis à cette étape en particulier? La composition d'un court synopsis individuel à ce point sert, d'une part, à soumettre l'apprenant à un exercice de synthèse des idées émises. Il sert aussi à vérifier la compréhension des personnes apprenantes sur le déroulement du projet d'écriture. À l'aide de cette rédaction, l'alphabétiseur évalue les progrès d'apprentissage du groupe et ajoute des exercices pour renforcer certaines faiblesses qu'il aura observées.

Les synopsis seront conservés dans le classeur collectif à la fin de l'exercice. Comme pour toutes les autres étapes d'écriture, l'apprenant révise et corrige son texte. Occasionnellement, pour varier la dynamique dans le groupe, les apprenants peuvent faire corriger leur texte par un autre membre du groupe.

Il est important de rappeler de temps à autre que la pièce de théâtre est l'œuvre du groupe. Toutefois, ces textes serviront à alimenter les discussions que le groupe entretiendra au sujet du canevas à construire.

1.6.2 Le canevas

Le canevas, c'est le plan de la pièce de théâtre. Que ce soit pour rédiger un texte narratif ou un texte imaginaire dialogué, il incombe aux créateurs de bâtir un plan du texte. Ce plan comprend la situation de départ, l'événement perturbateur, les péripéties éventuelles créées ou subies par les personnages, la progression de l'action dans laquelle évoluent les personnages et le dénouement ou la solution.

Résumons les éléments principaux du canevas :

  • le lieu de l'action,
  • les personnages,
  • le déroulement,
  • le dénouement.

Le canevas de base est la carte géographique qui indique au groupe la marche à suivre pour diriger l'action de la pièce. Le canevas aide aussi l'alphabétiseur à organiser les étapes de l'écriture collective des dialogues.

Pour chaque élément du canevas, l'alphabétiseur passe les étapes suivantes :

  • définir et bien articuler le sujet;
  • recueillir toutes les informations et les opinions du groupe;
  • amener le groupe à évaluer les opinions et ensuite;
  • terminer avec la prise de décision.

L'alphabétiseur anime une session dans laquelle il amène le groupe d'apprenants à prendre une décision par consensus, tel que décrit au chapitre 2.

Pour faciliter la discussion de groupe, l'alphabétiseur se réfère à trois questions.

  • Première question
    En quoi consiste la motivation des personnages?

    Les apprenants s'interrogent sur ce qui motive les personnages à agir de telle ou telle manière. Qu'est-ce qui pourrait mettre les personnages en présence des uns des autres? Qu'est-ce qui motiverait les personnages à se trouver dans un lieu plutôt qu'un autre? Tous les personnages sont différents. Le groupe doit choisir le motif ou la raison qui les réunit, crée un intérêt, un problème.
  • Deuxième question
    Est-ce que le public va le croire?
    Le groupe reçoit toutes les idées et les analyse. Il détermine avec discernement si la ligne de pensée, ou le fil conducteur de l'histoire, est crédible. L'idée la plus farfelue peut fonctionner si elle est appuyée par une certaine logique.
  • Troisième question
    Où a lieu l'action?

    Le groupe doit décider du lieu de l'action. Tous les déplacements des personnages doivent être documentés dans l'action de la pièce. Il est donc prudent, dans le cas d'une première œuvre collective, de limiter l'espace à un ou deux lieux. Le groupe doit gérer cette information dans le déroulement des scènes et le public doit pouvoir suivre l'action. Il est préférable d'opter pour la simplicité des lieux. Un lieu qui permet aux personnages d'évoluer et de bouger convenablement.

Une fois les questions posées, on élimine les hypothèses invraisemblables, inefficaces ou qui semblent poser problème. L'apprenant utilise les informations contenues dans les synopsis pour démarrer les discussions. CEPENDANT, comme toutes les idées sont valables et pour honorer les créateurs, l'alphabétiseur les note sur une autre feuille pour une utilisation ultérieure, si possible. Ce qui semble s'insérer dans un déroulement logique à cette étape peut changer plus tard avec les dialogues. Le groupe s'accorde la liberté de changer d'idée si nécessaire pour le bien du produit final. À toute fin pratique, cette façon de faire est plus agréable et acceptable pour la personne apprenante, qui offre ses idées au groupe. Le groupe doit décider quel point de vue possède le plus de potentiel dramatique; on cherche un point de vue et un fil conducteur assez intéressants pour amener le groupe à y greffer ses dialogues.

Le groupe discute de plusieurs possibilités et atteint un consensus. Le thème principal de la pièce émerge avec l'écriture de la pièce. Il y a une synergie qui s'installe entre les apprenants, ce qui permet un jeu amusant. Certains auteurs manient assez bien le caractère de leur personnage et leur dialogue coule de source. Par exemple, un personnage crétin et sadique agit de façon cohérente avec sa méchanceté. Il faut dire que l'influence de la télévision et du cinéma contribuent à former nos dramaturges de textes collectifs. Le style mystère est donc très populaire et très riche en possibilités dramatiques.

Ce canevas de base donne une direction générale aux apprenants. Tout changement est encore possible si le groupe en décide ainsi. Les bonnes idées arrivent parfois en cours de route et le plus souvent de façon inattendue. La porte de la créativité et de l'imagination demeure toujours ouverte.

1.6.3 L'écriture des dialogues

Le groupe est maintenant prêt à entreprendre l'écriture des dialogues et de la pièce collective. Rappelons que le dialogue est un échange entre deux personnages et que cette conversation doit servir à faire avancer l'histoire. L'alphabétiseur encadre le travail d'écriture en donnant des consignes précises aux apprenants. En suivant le canevas établi par le groupe, les apprenants entament l'écriture de leur premier dialogue. Chaque apprenant utilise son personnage et le fait parler et agir dans le lieu de l'action choisi par le groupe. L'alphabétiseur résume les éléments du canevas retenu et s'assure que tout le monde a compris.

L'écriture du dialogue est un peu comme le jazz, il faut se laisser de l'espace pour improviser et créer des moments merveilleux, spontanés et imprévus, dans un cadre précis.

Dans cette première tentative d'écriture de dialogue, le groupe crée des scènes dans lesquelles on présente des personnages, un lieu d'action et le problème ou une indication du problème. L'alphabétiseur rappelle au groupe que la pièce doit maintenir l'intérêt du spectateur. Il soutient le groupe en apportant des suggestions au sujet de l'action. Il écrit au tableau une liste de mots qui sert à enrichir le vocabulaire des apprenants. Les apprenants travaillent parfois en sous-groupes de deux ou trois pour inventer une scène1.

Voici un exemple d'un premier dialogue écrit par un apprenant évalué au niveau avancé.
Acte 1 – Ouverture
Réjean est en avant-scène. Le rideau est fermé.

Réjean : Bonjour! Bonjour!
Ah! Il fait beau aujourd'hui, hein!

(Voix hors champ) : Oui, il fait très beau!

Réjean : Tu sais, je ne te connais pas, mais j'ai le sentiment que t'es le genre qui apprécie la vie. Tu sais, la vie est remplie de bonnes occasions cachées, mais c'est pour cela que c'est intéressant.

(Voix hors champs) : Ah oui, vraiment?

Réjean : J'ai trouvé quelque chose qui va certainement changer la vie de ma femme et moi. On arrive à notre 30e anniversaire et je n'étais pas certain comment on le fêterait. Tout à coup, j'ai eu l'idée de l'amener en croisière! Après m'être informé, j'ai réalisé un vrai «deal». Une vraie aubaine! Si j'amène un ou deux couples, les économies sur l'achat peuvent être doublées. Pas seulement pour nous, mais pour les autres aussi. Voilà mon beau défi. Si seulement je pouvais trouver quelqu'un d'autre.

1.6.4 L'autocorrection

La révision du texte se fait en deux temps. Après l'exercice d'écriture, l'apprenant relit son dialogue. Il essaie de déterminer si le dialogue est cohérent. S'il travaille en équipe de deux, les apprenants lisent leur texte à haute voix. Chaque apprenant écrit les répliques pour son personnage dans le dialogue. Il n'y a pas de scripteur, car l'apprentissage de l'écriture nécessite que l'apprenant participe entièrement. La consigne est simple : tout le monde écrit.

Dans le deuxième temps de la révision, la personne apprenante corrige l'orthographe et la grammaire. L'apprenant peut utiliser un surligneur pour relever les mots à corriger ou à vérifier.

Ces aide-mémoire assisteront la personne apprenante dans sa révision de texte.

Aide mémoire pour la revision du premier temps de mon dialogue Crochet

1- Est-ce que mon dialogue correspond au canevas élaboré par le groupe?

2- Est-ce que les mots que dit mon personnage lui ressemblent?

3- Est-ce que je peux ajouter des détails pour rendre mon dialogue plus précis ou intéressant?

4- Est-ce que mon dialogue est complet? Est-ce que je mentionne le lieu et le problème?

Aide mémoire pour le deuxième temps de révision de mon dialogue Crochet

1- Je vérifie la ponctuation telle que les virgules, les points, les points d'interrogation, de ponctuation.

2- Je vérifie les majuscules.

3- Je surligne ou je souligne tous les mots dont je ne suis pas certain de l'orthographe et je vérifie dans le dictionnaire.

4- Je vérifie la conjugaison de mes verbes.

Aide-mémoire pour améliorer ma phrase Crochet

1- Est-ce que ma phrase est trop longue?

2- Est-ce que ma phrase reflète bien mon idée?

3- Est-ce que ma phrase a du sens?

Lorsque les apprenants ont complété l'étape de la révision, ils remettent leur travail à l'alphabétiseur. Ce dernier transcrit les scènes sur traitement de texte en vue de l'atelier suivant. L'alphabétiseur a en main trois ou quatre scènes qu'il agence, selon le canevas et sa logique. Les apprenants et l'alphabétiseur ajusteront l'agencement des scènes lors de l'atelier suivant au besoin2.

Pendant les semaines qui suivent, les apprenants écrivent des dialogues qui font avancer l'action de la pièce. Il est important de se donner un calendrier (voir exemple au point 1.7) pour motiver et inciter le groupe à la production. Il faut prévoir pour un groupe d'apprenants de niveau intermédiaire et avancé, environ 20 semaines pour écrire la pièce, en travaillant au moins deux à trois heures par atelier de travail. D'atelier en atelier, l'histoire se construit. Finalement, vous avez en main une pièce de théâtre écrite collectivement par les personnes apprenantes de votre classe. Projet accompli! Bravo!

Ceci complète le chapitre consacré à la description de la démarche d'écriture théâtrale collective en milieu d'alphabétisation. Jetons un regard maintenant sur quelques outils, et quelques méthodes et techniques qui peuvent faciliter le travail de l'alphabétiseur.

1.7 Ateliers pour la mise en œuvre du projet d'écriture théâtrale collective

Cinq ateliers de réchauffement à l'écriture3

Atelier 1

L'apprenant invente en utilisant les activités suggérées par l'alphabétiseur

Écrire pour dire des mots simples

Atelier 2

Le groupe lit des pièces de théâtre. Début d'observation des éléments d'une pièce, d'un personnage, d'une intrigue, d'un dénouement.

Lecture de pièces de théâtre

Atelier 3

Le groupe utilise des faits divers dans la vie courante pour construire un dialogue. Le groupe invente des personnages familiaux stéréotypés.

Jeux de rôles

Atelier 4

Le groupe transforme un conte en dialogue. Le groupe analyse la structure du conte et écrit l'histoire en forme de répliques.

Adapter pour créer

Atelier 5

Le groupe écrit des courts dialogues, utilisant les exemples suggérés.

Initiation à l'écriture

Trois ateliers - Création de personnage

Atelier 6

Le groupe calque, dessine et fait un collage d'un personnage. Le groupe écrit les mots pour décrire l'apparence physique de leur personnage.

Description physique du personnage

Atelier 7

Le groupe complète le formulaire descriptif suggéré et écrit un court texte sur un aspect important de son passé concernant la famille. Le groupe écrit des courtes phrases pour décrire le passé du personnage.

Description de l'environnement et antécédents familiaux

Atelier 8

Le groupe complète les phrases suggérées en utilisant le vocabulaire des termes émotifs et affectifs. Le groupe découvre un trait de caractère dominant chez le personnage inventé.

Description de l'univers psychologique et émotif

Deux ateliers pour construire l'histoire et le canevas de la pièce collective

Atelier 9

Chaque apprenant écrit un résumé de l'histoire du point de vue de son personnage. L'alphabétiseur évalue le progrès en écriture et la compréhension des apprenants. Le groupe élabore le canevas. L'alphabétiseur explique le processus du consensus. Le groupe discute et arrive à une décision.

Synopsis

Atelier 10

L'alphabétiseur amène le groupe à déterminer ensemble les éléments de l'action ainsi que le déroulement.

Canevas

Dix autres ateliers consacrés à l'écriture des dialogues qui font avancer l'histoire

Atelier 10

Le groupe entame l'écriture des premières scènes. Le groupe débute l'histoire en écrivant des dialogues qui introduisent les personnages. Cet exercice d'écriture créative compose la première partie de l'atelier. La deuxième partie de l'atelier consiste à réviser et à corriger le texte. Les apprenants lisent à voix haute leur texte.

Atelier 11

Les apprenants lisent à voix haute les scènes produites lors de l'atelier précédent tel qu'agencées par l'alphabétiseur. L'alphabétiseur anime une discussion sur l'agencement des scènes. L'alphabétiseur reçoit les commentaires du groupe. Le groupe s'entend sur le déroulement de l'action. Le groupe continue l'écriture des scènes suivantes, révise leur texte et lit à haute voix les scènes produites.

Atelier 12

Les apprenants lisent à voix haute les scènes produites lors de l'atelier précédent tel qu'agencées par l'alphabétiseur. Discussion sur l'agencement des scènes. L'alphabétiseur reçoit les commentaires du groupe. Le groupe s'entend sur le déroulement de l'action. Le groupe continue l'écriture des scènes suivantes, révise leur texte et lit à haute voix les scènes produites.

Atelier 13

Les apprenants lisent à voix haute les scènes produites lors de l'atelier précédent tel qu'agencées par l'alphabétiseur. Discussion sur l'agencement des scènes. L'alphabétiseur reçoit les commentaires du groupe. Le groupe s'entend sur le déroulement de l'action. Le groupe continue

l'écriture des scènes suivantes, révise leur texte et lit à haute voix les scènes produites.

Atelier 14 (spécial)

Sortie : aller voir une pièce de théâtre

Atelier 15

L'alphabétiseur donne une dictée des mots dont l'épellation semble difficile pour l'ensemble du groupe et qui reviennent souvent dans les dialogues. L'alphabétiseur passe en revue les verbes qui posent problème aussi. Les apprenants lisent à voix haute les scènes produites depuis le début de la pièce. Discussion sur l'agencement des scènes. L'alphabétiseur reçoit les commentaires du groupe. Le groupe s'entend sur le déroulement de l'action. Le groupe poursuit l'écriture des scènes suivantes, révise et lit à haute voix l'ensemble des scènes produites.

Atelier 16

L'alphabétiseur commence la session en demandant au groupe de raconter l'action dans chaque scène en leurs propres mots. Il inscrit sur une grande feuille le déroulement de l'action de la pièce. Le groupe décide de la direction que prendront les prochaines scènes. Le groupe entame une discussion sur le point culminant de la pièce. Le groupe continue l'écriture des scènes suivantes, révise leur texte et lit à haute voix les scènes produites.

Atelier 17

L'alphabétiseur demande au groupe d'écrire une courte composition surprise de cinq lignes sur le thème suivant : pourquoi j'aime mon personnage? Il pourra ainsi utiliser ces textes pour évaluer le progrès des apprenants. Le groupe fait un retour sur le travail de l'atelier précédent en lisant la pièce. Le groupe continue l'écriture des scènes suivantes, révise leur texte et lit à haute voix les scènes produites.

Atelier 18

L'alphabétiseur trace un portrait de l'action de la pièce sur une grande feuille ou au tableau. Le groupe lit la pièce en suivant le chemin tracé au tableau. Le groupe engage une discussion sur le dénouement de la pièce et arrive à une décision par consensus. Le groupe continue l'écriture des dernières scènes de la pièce, révise le texte et lit à haute voix les scènes produites.

Atelier 19

Le groupe fait un retour sur le travail de l'atelier précédent en lisant la pièce. Le groupe identifie les passages qui ont besoin d'amélioration. L'alphabétiseur aide le groupe à se partager ce travail de réécriture.

Atelier 20

La pièce est complétée. Le groupe lit la pièce. Il y a une célébration et l'alphabétiseur distribue à chaque apprenant une copie de la pièce de théâtre, mise en page et corrigée. Les noms des auteurs sont mentionnés dans le texte.

L'alphabétiseur peut à partir de ce canevas d'activités en ajouter de son propre crû, selon son style et sa personnalité, pour stimuler la créativité et motiver les personnes apprenantes de son groupe.

Chapitre 2 – Les outils au service de la créativité

«La créativité est ce processus qui a pour résultat une œuvre personnelle, acceptée comme utile et satisfaisante pour un groupe social à un point quelconque dans le temps.»
Stein

Écrire un texte collectif théâtral avec un groupe restreint suppose que le groupe produira assez d'idées pour créer des personnages, un lieu, un thème, une intrigue, c'est-à-dire tout un scénario.

Ce chapitre présente des techniques et des méthodes reconnues, capables de susciter l'émergence des idées pour faciliter la rédaction d'une dramatique théâtrale. L'alphabétiseur pourra les utiliser pour construire des éléments de la pièce collective, notamment pour la création des personnages. Trois méthodes de recherche et d'organisation d'idées sont illustrées : la carte mentale de Buzan, le remue-méninges et le concassage d'Osborn. Une série de compétences d'animation et des techniques de gestion d'idées sont élaborées pour indiquer une marche à suivre indispensable à l'alphabétiseur œuvrant auprès d'un groupe d'apprenants en milieu d'alphabétisation.

2.1 Rechercher des idées

2.1.1 Le fonctionnement du cerveau

Il importe pour mieux apprécier les techniques du «brain-storming» et de la carte mentale de comprendre comment fonctionne le cerveau humain. Cette compréhension du cerveau humain convainc de l'importance d'exploiter une multitude de méthodes créatives pour faciliter et augmenter l'apprentissage. Prenons, par exemple, Léonard de Vinci, peintre, sculpteur, architecte, ingénieur et grand savant italien, responsable de plusieurs inventions scientifiques et de créations d'œuvres d'art. Les recherches modernes sur le fonctionnement du cerveau révèlent que de Vinci utilisait les deux hémisphères de son cerveau, tant le côté gauche que le côté droit. Le cerveau gauche, ou hémisphère gauche, est spécialisé dans l'information verbale, c'est-à-dire le langage, la logique, les chiffres et l'analyse, tandis que le cerveau droit, ou hémisphère droit, est associé à l'imagination, au rythme, à la rêverie, aux couleurs, et aux dimensions.

Lorsqu'un individu apprend à conjuguer des verbes, analyser des textes, appliquer des règles de grammaire, écrire des mots, il utilise vraisemblablement l'hémisphère gauche du cerveau. Par ailleurs, lorsqu'il imagine et invente un personnage, une intrigue, un costume, une mélodie, il exploite l'hémisphère droit. La combinaison de la création d'une pièce de théâtre collective et de l'apprentissage du français engagerait donc l'utilisation des deux hémisphères du cerveau. Dans le processus de l'écriture théâtrale collective, l'apprenant fait appel à sa logique et aussi à son imagination créative.

La possibilité d'exploiter une plus grande diversité de ses ressources mentales, c'est ce qu'offre l'écriture théâtrale collective à la personne apprenante en alphabétisation.

2.1.2 La carte mentale de Buzan

Ce concept du «mind mapping» ou carte mentale vient de Tony Buzan, un pédagogue britannique qui l'a inventé, inspiré par nul autre que Léonard de Vinci. En liant les sens physiques à l'esprit, en utilisant des crayons de différentes couleurs, en prenant des notes à partir de mots clés et en occupant l'espace du papier d'une façon non linéaire, Buzan a développé une méthode de recherche d'idées à laquelle participent les deux hémisphères du cerveau.

Dans un contexte de travail d'équipe, les apprenants sont appelés à réfléchir ensemble et à contribuer leurs connaissances au travail du groupe. Ensemble, ils constituent un cerveau collectif enrichi par l'apport de chaque individu. La carte mentale de Buzan est une méthode pour associer des idées ou une façon de faire ressortir des idées et de les rassembler. Elle peut aussi servir à trouver des liens entre des idées. Elle est utilisée aussi bien seule qu'en groupe.

En contexte de groupe avec des apprenants, il s'agit de prendre une feuille volante aussi grande que possible. On inscrit au milieu de la feuille le sujet ou l'objet de recherche du groupe. Dans le contexte d'alphabétisation, on se permet aisément d'employer des symboles, des dessins et des mots pour encourager une plus grande participation. On peut même y coller une photo ou une coupure de magazine.

À partir du sujet ou de l'objet au milieu de la page, on invite les personnes apprenantes à ajouter autour de l'idée centrale toutes les idées qui leur viennent à l'esprit. Attention de relier par des traits ou des lignes les idées qui se ressemblent. Ce qui en ressort est un système d'embranchements, ou un système d'artères et de veines, allant dans plusieurs directions. Ce portrait permet de voir rapidement en un coup d'œil les grandes lignes des idées explorées. Une sorte de photo démontrant les sous thèmes et les idées se rattachant à l'idée centrale.

2.1.3 Le «brain-storming»

La deuxième méthode de recherche d'idées, le remue-méninges, vient d'Alex Osborn (1950). Il avait observé que trop souvent les idées nouvelles étaient sabotées dès le départ. Les gens perdaient un temps fou à dire non ou à critiquer des suggestions! Pour contrecarrer ce réflexe, il a élaboré une méthode qui retarde ce réflexe de jugement des idées. Mot d'ordre : ATTENDRE. Il y aura jugement, oui, mais plus tard.

D'abord, c'est le temps de s'amuser, d'explorer. Laisser libre cours aux idées folles, farfelues, sérieuses; même les idées les plus plates sont les bienvenues. Laissons d'abord une chance aux idées de fleurir, de s'épanouir complètement, de devenir des idées complètes. Il faut approfondir les idées, en faire le tour et en profiter pour «faire du pouce» sur les idées des autres. Voilà, comment Osborn (1950) a ouvert la porte à ce qu'on appelle maintenant le «remue-méninges».

Comment faire une tempête d'idées - les règles du remue-méninges :

Comme pour toute méthode, Osborn a proposé des règles à observer. Ces règles sont simples, faciles à apprendre et agréable à observer.

  • Ne pas critiquer les idées exprimées.
  • Toutes les idées sont bonnes et acceptées. (C'est bon de rire et ça détend.)
  • «Faire du pouce» sur les idées des autres... Cela veut dire qu'une idée peut en apporter une autre.
  • Produire le maximum d'idées.

L'intégration du «brainstorming» en milieu d'alphabétisation

En alphabétisation, cette étape prend du temps, surtout au début, parce que c'est nouveau et que les personnes apprenantes n'ont pas l'habitude d'associer des idées farfelues à l'apprentissage. Il y a des blocages. Ces blocages sont à la fois importants et délicats. Il faut en tenir compte. Ils diminuent doucement au fur et à mesure que les membres du groupe apprennent à se connaître.

Il convient de s'assurer que les personnes apprenantes comprennent le but de l'exercice et de leur expliquer la pertinence de l'activité de remue-méninges relativement à leur objectif premier d'apprendre à mieux écrire et à mieux lire en français. Alors, avant d'entreprendre le «brainstorming», un moment interactif de questions et réponses est de mise. L'alphabétiseur explique le lien entre le processus de remue-méninges pour rechercher des idées et l'écriture de la pièce de théâtre collective.

L'exécution du remue-méninges en milieu d'alphabétisation

Il y a plusieurs façons d'aborder le «remue-méninges» et de démarrer une session avec un groupe. Le principe de base consiste à produire le maximum d'idées et à suivre les règles du «remue-méninges». Il est important de mentionner que le rythme de participation des personnes apprenantes en alphabétisation est très lent au début.

Un premier exercice pourrait se dérouler comme suit :

  1. D'abord l'alphabétiseur prend une feuille de papier et y inscrit un mot ou une idée.
  2. L'alphabétiseur passe une feuille aux personnes apprenantes, qui, à tour de rôle, écrivent un mot de leur choix. On fait le tour plusieurs fois avec la feuille. L'alphabétiseur explique aux personnes apprenantes que la première étape consiste à expérimenter, découvrir, jouer avec des sons pour imaginer des mots. Dès le départ, l'alphabétiseur veille à dédramatiser le processus d'écriture en mettant la correction au second plan pour permettre à la personne apprenante de plonger sans crainte dans l'expérience de l'écriture. Les apprenants écrivent librement une phrase ou des mots pour le plaisir d'apprendre à jouer avec des mots.
  3. Dans une étape ultérieure, les apprenants corrigent et révisent collectivement en utilisant les outils : dictionnaire, grammaire, etc.
  4. Ensuite, les apprenants inscrivent leurs «découvertes» au tableau ou, préférablement, sur une grande feuille (2' x 3') qui sera conservée par l'alphabétiseur. On laisse aller l'imagination dans un premier temps et on organise dans un deuxième temps.

Ce premier exercice permet d'entrer en douceur dans la technique du brassage d'idées. Pour les groupes qui éprouvent beaucoup de difficulté à embarquer dans ce genre d'activités, il est bon de limiter les sessions à une courte période, de 10 à 15 minutes, pendant plusieurs jours. Ceci permet à la personne apprenante de s'habituer car il faut une certaine assurance pour prendre le risque d'exprimer ses idées. La personne apprenante a besoin d'un temps pour s'habituer et se sentir à l'aise dans le groupe. Les alphabétiseurs expérimentés pourront vous le confirmer.

Mais, quel bonheur lorsque les idées sont toutes notées sur la grande feuille et affichées au mur!4

2.2. Le concassage et la création du personnage

Comme nous l'avons déjà vu au chapitre un, la première phase de travail dans la construction de la pièce s'enclenche avec la création des personnages. Dans la démarche proposée dans ce guide, chaque personne apprenante créera un personnage qui évoluera dans la pièce. Pour certains apprenants, travailler à partir de concepts abstraits est une tâche bien difficile. Alors, pour faciliter la création du personnage, on invite la personne apprenante à calquer son personnage sur un modèle de personne connue ou célèbre. L'apprenant utilisera la méthode du concassage développée par Osborn (1950) pour le mouler selon sa fantaisie, en une création unique et complètement différente du sujet avec lequel il a commencé.

Calquer un personnage sur une personne que l'on connaît

La marche à suivre :

  1. La personne apprenante choisit pour son personnage quelqu'un de connu, un ami lointain, un oncle, une tante, un copain, un ennemi, son patron, la femme de son patron, la voisine d'à côté, etc.
  2. En utilisant les exemples du concassage qui suivent, elle le refait complètement. Elle grossit le personnage ou le fait maigrir, le décrit avec ses qualités et ensuite lui trouve des défauts, etc. Le personnage de départ est une pâte à modeler pour la personne apprenante. Elle peut s'en donner à cœur joie en lui donnant l'allure et le caractère de son choix ou en le déformant à volonté. De la même manière, l'apprenant peut utiliser cette méthode de concassage pour créer les autres aspects de la pièce collective, le lieu, les liens entre les personnages, les atmosphères.

Le concassage ou les questions d'Osborn

Plusieurs auteurs ont repris les concepts d'Osborn pour les adapter à leurs besoins. Vous pouvez faire de même, en ajoutant à la liste de mots ci-dessous.

Verbe Explication

Combiner

Combiner des unités, des buts, des objectifs, des motifs, des ingrédients, des idées, des couleurs pour créer des ensembles, pour faire des assortiments, etc.

Réduire

Réduire le volume, la taille, le poids, le prix, la qualité, l'emploi, la fiabilité, la beauté...

Exciter

Exciter les sens : l'ouïe, la vue, l'odorat, le goût, le toucher. Le comportement, du calme au nerveux, les nuances de tempérament.

Modifier

Modifier quelque chose sans en altérer la nature essentielle, changer une allure, une attitude, un comportement.

Augmenter

Augmenter le poids, le volume, la taille, le prix, la durée, l'emploi, la qualité, la beauté, la laideur, la maladie, la puissance, la faiblesse, la méchanceté, le courage, etc.

Théâtraliser

Théâtraliser, donner un aspect théâtral, décorer, déguiser, habiller, mettre en scène, emballer, en vedette, en gestuelle, en mime, en voix.

Inverser

Inverser l'usage, la structure, la forme, les fonctions, le temps, l'espace. Dire le contraire, faire le contraire.

Imaginer

Imaginer, rêver l'impossible, inventer une fin absurde. Imaginer le meilleur et le pire. Se projeter dans le temps, futur ou passé. Imaginer un monde d'une autre planète.

Tératologiser

Tératologiser, rendre monstrueux, catastrophique. La tératologie est la science qui traite des maladies congénitales.

Varier

Varier le lieu, la fonction, le jeu, le but, le temps, la qualité, les personnages, la raison, la perspective, la musique, les accents, les décors, l'éclairage.

Minimiser

Minimiser, enlever, condenser, omettre de dire, de faire, briser en petits morceaux, séparer.

Substituer

Substituer, prendre la place de quelque chose;matériau, personne, chose, voix, pouvoir, méthode, processus, procédure, ingrédient peut remplacer ce qui est déjà en place.

Réarranger

Réarranger, Inter-changer des composantes, des «patterns», des séquences, des horaires, des accessoires.

Une fois les personnages créés, le groupe procède au développement de l'environnement et des circonstances entourant l'ensemble des personnages. Au début, ce défi semble impossible à relever étant donné la variété des personnages, mais la synergie des idées et du groupe conduit vers des terrains surprenants. L'expérience en vaut la peine! Encore une fois, ce processus de création nécessite de l'organisation pour pousser le développement de la création collective un peu plus loin.

2.3 Six étapes pour gérer les idées du groupe

L'alphabétiseur devra gérer et diriger le flot d'idées provenant du groupe. Il devra garder le cap sur l'idée maîtresse du projet de la pièce. Des quantités d'idées ont été produites lors de l'exercice de concassage. À travers les six étapes décrites ci-dessous, l'alphabétiseur saura contrôler la tempête d'idées et ainsi diriger le travail du groupe vers l'objectif de la pièce collective.

  1. NOTER toutes les idées
    Une personne du groupe doit noter toutes les idées. Dans un contexte d'alphabétisation cette tâche, comme celle de l'animation de groupe, revient à l'alphabétiseur. Idéalement ces notes sont prises sur de grandes feuilles et affichées au mur à la vue de tous les participants. Si c'est impossible, un volontaire peut prendre en note toutes les idées et les remettre au groupe à la prochaine session.
  2. ORGANISER l'information - diriger les idées qui circulent
    L'alphabétiseur qui anime la session est donc responsable d'organiser les idées que proposent les participants. L'alphabétiseur aide le groupe à formuler des idées en lui offrant des pistes, en utilisant des mots clés (voir le concassage). Ne pas oublier les quatre règles du remue-méninges. C'est à l'alphabétiseur de rappeler ces règles au groupe.
  3. S'AMUSER!
    Il est évident que la session de remue-méninges ira bon train si les personnes apprenantes sont détendues et ont du plaisir. Il ne faut pas avoir peur de dire des choses ridicules ou de jouer. Vous pouvez apporter à l'occasion des jouets ou du maïs soufflé, des crayons à dessin, des bonbons, des fruits frais pour conserver la légèreté de l'atmosphère.
  4. LIMITER LA DURÉE DE L'EXERCICE - pour rester frais et dispos
    Une session de 15 à 20 minutes est suffisante. Surtout au début, car les apprenants ne sont pas nécessairement habitués à faire un effort pour chercher des idées dans ce sens. Cette activité est exigeante mentalement et il faut éviter que les participants s'en lassent.
  5. FAIRE DES COPIES - tout le monde en veut
    Une fois la session terminée, on laisse les feuilles accrochées au mur, si possible, pour l'atelier suivant mais il est préférable de copier la liste au propre et d'en remettre une copie à chaque participant. Ne changez pas l'ordre des idées à cette étape. Cela viendra plus tard. Conservez toutes les idées.
  6. ÉVALUER, AJOUTER - c'est le temps de critiquer... Ouf!
    Habituellement, l'évaluation des idées ne se fait pas la même journée que la session de remue-méninges. Ceci évite beaucoup d'embarras aux personnes apprenantes timides. Il est préférable de laisser passer un peu de temps, ce qui permet aux gens de se détacher de leurs idées. C'est pendant cette session que les personnes apprenantes utilisent et développent leur esprit d'analyse et leur esprit critique. L'alphabétiseur peut rappeler au groupe que les participants évaluent des idées et non les personnes qui les ont émises. Le groupe évalue les idées en fonction de la pièce, en ajoutant et en éliminant de l'information au besoin. Chaque personne participe à tour de rôle. Un apprenant peut sauter son tour sans rien dire ni rien ajouter. Il n'est pas nécessaire de forcer la note. Tôt ou tard, selon le rythme de chacun, les idées émergeront. L'alphabétiseur peut accorder des temps d'arrêt pour réfléchir (deux à trois minutes) et poursuivre la discussion. Il peut demander d'établir un ordre de priorité entre les idées d'une liste.

Les étapes de gestion des idées font donc partie de chaque phase de remue-méninges. Dans les ateliers d'écriture, l'alphabétiseur assume le travail de gestion des idées. Les personnes apprenantes disposées et capables de le faire peuvent également participer à la gestion des idées en assumant une des tâches décrites plus haut.

2.4 Six questions clés pour organiser l'action de la pièce

Comme pour les apprenants en journalisme ou en communication, les personnes apprenantes en alphabétisation engagées dans l'écriture de la pièce collective utiliseront les six questions clés pour développer l'histoire. Ces questions aident à déterminer si le groupe a vu l'histoire sous tous les angles possibles. Pour les créateurs de la pièce collective, ces questions peuvent stimuler la pensée créative et faciliter l'organisation de l'action. L'alphabétiseur responsable du groupe peut utiliser ces questions pour animer et structurer ses ateliers de créativité.

Qui? (le personnage)
Qui est le personnage le plus touché par le problème, l'action, le drame, l'histoire? Qui dans son entourage représente d'autres aspects du problème? Quel est leur lien avec le personnage principal, ou le héros, ou les membres de la famille? Si une gaffe a été commise, qui est responsable, qui va en profiter, qui va l'utiliser? Qui sera blessé, moralement, physiquement, psychologiquement, mentalement? Qui sera inclus ou exclu?

Quoi? (l'action)
Qu'est-ce qui est arrivé? Qu'est-ce que c'est? Que devrait-on faire? ou ne pas faire? Qu'arrivera-t-il si tel ou tel geste est posé? Quel est l'échec? le succès?

Quand? (le temps)
L'action se passe-t-elle de nos jours, dans le passé, dans le futur? Le personnage doit-il se presser, attendre? Est-ce préférable que cette action se passe plus tôt ou plus tard? À quelle heure? En quelle saison? Après, pendant, avant, au cours de....

Comment? (Le moyen, la méthode)
Comment la chose ou la situation est-elle est arrivée? Prévenue? détruite? endommagée? volée? construite? faite? changée? Comment décrire ce qui se passe? Comment le dire? Comment le faire comprendre? Comment ce début mène-t-il à cette fin? Comment ça se passe dans la vraie vie? Comment ça se passe dans la tête de chaque personnage?

Où? (lieu)
Où a lieu cet événement? Est-ce que la même chose s'est déjà produite à cet endroit? Est-ce que cet événement ou action a un impact sur d'autres lieux ou environnements? Ces endroits ou environnements sont-ils en danger? Quel est l'effet du lieu sur les personnages?

Pourquoi? (but)
Pourquoi les personnages ont-ils fait cette chose? Pourquoi a-t-elle été permise? Pourquoi le problème, la situation, l'incident n'a-t-il pas été évité? Pourquoi les autres personnages réagissent-ils de manières différentes? Pourquoi ce problème en particulier et pas un autre? Pourquoi ce lieu en particulier?

Ces six questions encadreront, en grande partie, le travail du groupe au niveau de la création des idées, qui une fois réunies, composeront les éléments principaux de la pièce collective. Laissons maintenant l'aspect créativité du projet pour jeter un regard sur des compétences touchant l'animation de groupe.

2.5 L'animation et l'écriture théâtrale en milieu d'alphabétisation

Les techniques d'animation décrites dans cette section sont tirées principalement de Yves St-Arnaud (1989). Elles ont été adaptées aux besoins des intervenants en milieu d'alphabétisation.

Une partie importante du travail de l'alphabétiseur est d'animer le groupe de personnes apprenantes afin qu'elles puissent travailler ensemble de façon efficace et harmonieuse. Pour ce faire, l'alphabétiseur doit connaître quelques notions d'animation de groupe. Quelques compétences de base sont énumérées ci-dessous. Ces compétences aideront l'alphabétiseur à animer son groupe et à susciter sa participation à toutes les étapes de la création de la pièce.

Comment mieux se comprendre et se faire comprendre?

La clientèle apprenante en alphabétisation est très diversifiée. Les personnes apprenantes issues des communautés culturelles différentes apportent avec elles une culture et des traditions, nouvelles et différentes. De plus, la clientèle de personnes apprenantes varie en âge. Il est de plus en plus fréquent de retrouver des adolescents en rattrapage dans les milieux d'alphabétisation. Les mots utilisés en alphabétisation sont donc très importants. Voici quelques exemples de tâches d'animation que l'alphabétiseur utilisera avec le groupe pour faciliter la compréhension des contenus.

  1. Clarifier les mots : L'alphabétiseur invite les apprenants à expliquer les mots qui semblent nouveaux pour le groupe. Il invite le groupe à demander des explications si les mots utilisés ne sont pas compris.
  2. La reformulation : L'alphabétiseur essaie de redire dans ses propres mots les propos de la personne apprenante pour voir s'il a bien compris ce que l'apprenant voulait exprimer.
  3. Le résumé-synthèse : L'alphabétiseur résume ou fait une synthèse des éléments importants discutés par le groupe. Il amène le groupe à se rapprocher de son but, l'écriture de la pièce, et même à discuter quelque chose d'important qui vient de se passer dans le groupe.
  4. L'explicitation : L'alphabétiseur aide l'apprenant à se faire comprendre lorsqu'il s'exprime de façon implicite. Il invite le groupe à mieux comprendre les propos de l'apprenant en vérifiant si le sens qu'il accorde à ce que l'apprenant vient de dire est en fait ce qu'il voulait dire. L'explication rend ce que l'apprenant a dit explicite. Cette fonction de clarification favorise la circulation des idées au sein du groupe.

2.6 Des compétences d'animation utiles pour les alphabétiseurs

Au début des ateliers, les apprenants ne communiquent pas beaucoup entre eux. Cependant, au fil des jours ils font connaissance, ils discutent davantage, ils s'agitent et il devient nécessaire de maintenir l'organisation du groupe. Dans la section qui suit, quatre techniques d'animation sont présentées.

  1. Accorder la parole : Il y a plusieurs façons d'accorder la parole à une personne au sein d'un groupe. L'alphabétiseur invite les personnes apprenantes à parler lorsqu'elles le veulent, spontanément. Les apprenants sont souvent timides, alors l'alphabétiseur peut leur demander de lever la main lorsqu'ils veulent intervenir. L'alphabétiseur peut également faire le tour du groupe méthodiquement pour que chacun exprime ses commentaires ou sa contribution.
  2. Susciter la participation : C'est une chose délicate d'insister pour qu'une personne apprenante timide participe activement à l'activité du groupe. L'alphabétiseur peut demander le point de vue de la personne qui ne participe pas verbalement mais trop d'insistance peut entraîner l'effet contraire. Il faut faire preuve de discernement.
  3. Refréner la participation : Autant certains préfèrent le silence, autant d'autres accaparent le micro. C'est une opération délicate que de trouver un équilibre sans créer de conflits interpersonnels. Cependant, l'alphabétiseur peut évoquer les raisons pour lesquelles il désire réfréner la participation très active d'une personne apprenante en lui donnant une raison ou une explication acceptable, par exemple au sujet du temps qui passe ou de son désir de connaître l'opinion de tout le monde. Il sera alors plus facile pour la personne d'accepter la consigne.
  4. Sensibiliser au temps : Au début d'une session, l'alphabétiseur peut démontrer au groupe comment il compte répartir le temps disponible entre les différentes tâches. Il peut préparer un programme, un ordre du jour ou simplement une liste d'activités ou de sujets, sur une feuille volante ou au tableau, et y inscrire vis-à-vis de chaque activité le temps requis, comme sur une feuille de route ou un horaire. Plus tard, il pourra simplement afficher la liste des activités et demander aux apprenants d'établir le temps qu'ils jugent nécessaire pour compléter le programme de l'atelier.

2.7 La prise de décision par consensus

Un consensus est un accord entre des personnes. L'écriture de la pièce collective est basée sur l'habileté du groupe à atteindre des consensus et à prendre des décisions. Tout le projet prend sa force dans la capacité du groupe à imaginer des possibilités créatives d'action pour son projet, d'abord, et à se mettre d'accord sur ces possibilités ensuite. L'alphabétiseur a la responsabilité de faire respecter une procédure de prise de décision, ce qui rend le travail méthodique, ordonné, clair et objectif. Lorsque la discussion menant à la prise de décision est bien enclenchée et que le groupe semble prêt à avancer à une autre étape, l'alphabétiseur enchaîne avec cette procédure en quatre parties.

  1. Définir : L'alphabétiseur fait une description-synthèse de la décision à prendre. Par exemple, pour le dénouement de la pièce, le groupe doit décider du lieu de la dernière scène. Demandez à un apprenant de formuler la description de la décision à prendre dans ses mots et vérifiez ensuite si les autres membres du groupe ont compris.
  2. Cueillir : L'alphabétiseur va ensuite chercher les opinions des participants sur la décision à prendre. Les opinions émises qui ne touchent pas le sujet directement sont inscrites ailleurs, soit sur une autre feuille ou au tableau. L'alphabétiseur explique que ces opinions feront partie des discussions plus tard. On évite ainsi de frustrer les apprenants et on prend la décision nécessaire pour faire avancer le projet de la pièce.
  3. Évaluer : Il est temps maintenant de discuter des opinions faisant l'objet du consensus. Plusieurs suggestions ont été émises. L'alphabétiseur doit amener le groupe à se mettre d'accord sur un choix.
  4. Décider : La décision peut être implicite, c'est-à-dire, que tout le monde peut être d'accord naturellement. Par contre l'accouchement de cette décision peut être pénible. Pour avoir consensus, tout le groupe doit pouvoir accepter la décision. Ce processus de prise de décision fait partie intégrante de chaque étape de création de la pièce.

Ceci complète le chapitre consacré aux méthodes et techniques de créativité, de recherches d'idées et d'animation de groupe. Ces compétences et ces techniques se sont révélés très utiles lors de la réalisation de ce projet d'écriture théâtrale collective. Le chapitre suivant traite de l'importance de se connaître en tant qu'alphabétiseur et décrit quelques obstacles à la créativité et à l'apprentissage.

Chapitre 3 – La connaissance de soi et les obstacles à la créativité

«La vie est un processus continu de découverte de soi.»
James Gardener

Ce troisième chapitre identifie les freins à l'apprentissage et à la créativité. Il donne un aperçu du vocabulaire technique de théâtre requis pour mener à bien un projet d'écriture collective. Un dernier élément complète ce programme, celui de la connaissance de soi. Charles Maccio (1992) auteur de plusieurs livres sur l'écriture et ses difficultés inhérentes, propose entre autres deux compétences pour assurer le succès d'un projet d'écriture : la connaissance de soi et l'écoute des autres.

Pour améliorer son écriture, il faut pratiquer en écrivant un peu tous les jours. Cependant l'alphabétiseur doit veiller à ne pas demander à l'apprenant de produire quelque chose qui est au delà de ses forces, car il est essentiel de bâtir la confiance sur des expériences positives. Il est indispensable pour dédramatiser l'écriture, de faire en sorte que les fautes de français ne soient plus perçues comme des erreurs honteuses, mais comme des occasions d'apprendre. Cette attitude libère l'apprenant et l'incite à prendre des risques pour expérimenter avec l'écriture. La nouveauté, bien que stimulante, peut aussi faire peur et inciter à reculer. Cette résistance est normale et passera avec le temps.

En milieu d'alphabétisation, le facteur temps est indéniablement important. Prendre son temps et adapter son rythme à celui des personnes apprenantes est indispensable. Il faut se le rappeler constamment car ce facteur temps est souvent la clé du succès. Une personne apprenante stressée, comme un alphabétiseur pressé, peut brimer la créativité, l'imagination et l'apprentissage.

3.1 Des obstacles à la créativité participative

Abordons en premier lieu les freins possibles à l'apprentissage de la personne apprenante en alphabétisation. Ils peuvent être nombreux et insoupçonnés. La situation familiale peut déranger la personne apprenante, car il est possible qu'elle ne reçoive aucun appui de sa famille pour étudier. Elle peut même le faire en cachette. La personne peut être issue d'un milieu violent. Elle peut avoir faim et éprouver de la difficulté à se rendre au centre d'alphabétisation parce qu'elle est sans le sou. Il n'est pas rare que des apprenants se déplacent vers un quartier éloigné de chez eux pour ne pas révéler à leur milieu leur faiblesse en lecture et en écriture.

Ces réalités et bien d'autres encore peuvent toucher les personnes apprenantes qui fréquentent les centres d'alphabétisation. D'un autre ordre d'idées les préjugés face à l'apprentissage et l'enseignement peuvent constituer des blocages importants.

Le pire de ces freins à l'apprentissage et à la créativité est la peur. La peur d'avoir l'air fou, la peur de perdre la face et la peur de perdre son temps. Les témoignages des apprenants désemparés devant des expériences négatives de leurs années à l'école le démontrent largement. Poser une question à haute voix devant un groupe constitue tout un exploit pour la personne apprenante. Les craintes font surface. Et l'apprenant figera parce qu'il craint le ridicule ou d'être humilié.

Afin de contrecarrer ces d'obstacles, ce projet d'écriture théâtrale collective encourage l'apprenant à prendre des risques pour découvrir son potentiel créateur et pour améliorer sa connaissance du français. Les discussions en groupe et le travail collectif favorisent les déblocages.

Une liste d'obstacles accompagnés de répliques typiques, sont présentés à titre d'exemple pour illustrer la résistance qu'on rencontre parfois lorsqu'une nouvelle idée est offerte courageusement ou spontanément.

Quelques obstacles à la créativité ou éteignoirs

  • Obstacle : un esprit critiqueux
    La réplique - Vous voulez monter un spectacle de Noël avec toute l'école? Ce n'est pas réaliste. Imaginez le trouble avec les apprenants. (C'est ce que l'on appelle tuer une idée dans l'œuf au lieu de la nourrir.)
  • Obstacle : l'éducation traditionnelle
    La réplique - Pardon, le découpage et le dessin pour enseigner le français? J'ai toujours dit que la dictée, les verbes, la composition sont les seules façons d'apprendre le français.
  • Obstacle : Les experts sont les autres
    La réplique - On est un groupe de bénévoles, on ne peut pas imaginer faire ce projet-là tout seuls. Il nous faut un expert, un consultant qui connaît ça.
  • Obstacle : l'expérience (celui ou celle qui a déjà tout vu et tout entendu)
    La réplique - Je me souviens, on avait essayé ça une année, mais ça n'a pas marché, ça ne marchera pas encore, vous allez voir!
  • Obstacle : Le refus de remettre en question
    La réplique - Écoutez, cette idée n'est pas possible, nous avons toujours fonctionné comme ça. Ça va bien de même, pourquoi réparer quelque chose qui n'est pas cassé. On ne peut pas juste arriver et tout changer pour rien. Voyons!
  • Obstacle : La peur du ridicule
    La réplique - Qu'est-ce que tu crois? Je vais décrire un personnage, c'est bien trop «niaiseux» , tout le monde va se moquer de moi. C'est pour les artistes.
  • Obstacle : La peur d'être jugé
    La réplique - On va dire que je ne sais pas ce que je fais, que je suis tombé sur la tête, que je me prends pour un autre. Et puis après, qu'est-ce que le monde va dire?
  • Obstacle : La peur du nouveau
    La réplique - On l'a jamais essayé, il peut y avoir des conséquences néfastes. On est mieux de rester avec ce qu'on connaît. C'est plus sûr!
  • Obstacle : La peur de se tromper
    La réplique - Et si on se trompe, on a l'air de quoi? J'ai mis des années à bâtir ma crédibilité, si je me trompe, ça va me compliquer la vie.
  • Obstacle : La peur de ne pas gagner, la compétition
    La réplique : Moi, je veux réussir et je sais comment y arriver. Je vais faire comme j'ai toujours fait. Je ne peux pas me permettre de perdre, tout ce que je veux c'est de gagner et être le premier. Je ne changerai rien.
  • Obstacle : Le refus de prendre des risques
    La réplique - C'est bien trop risqué, ça peut aller d'un côté comme de l'autre.
  • Obstacle : L'insistance pour l'efficacité
    La réplique - Non, non et non! Ce n'est pas efficace, on ne pourra jamais couvrir tout le programme avec un projet de fou comme ça. Soyez raisonnable!
  • Obstacle : La peur de l'imaginaire
    La réplique - Vraiment! vous plaisantez, ce n'est que perte de temps, toutes ces balivernes. Je préfère beaucoup que tout soit parfaitement agencé d'une manière claire et précise. Partir avec des idées comme ça m'énerve et c'est dérangeant. Faisons comme on fait toujours. Franchement, s'il fallait toujours faire ce qu'on imagine!

3.2 Se connaître en tant qu'alphabétiseur

Un alphabétiseur qui ne connaît pas le théâtre devrait-il tenter ou non une expérience semblable? Absolument! Cette expérience sera d'autant plus riche pour lui que les efforts de recherche et de création le stimuleront dans sa pratique et cette motivation se communiquera aux personnes apprenantes ainsi qu'aux collègues.

Le doute, toutefois, est porteur de promesses, car il pousse l'individu à en savoir plus long avant d'agir. Et cette démarche de recherche est salutaire et enrichit tous ceux qui s'embarquent dans l'aventure de la création collective. Commençons cette recherche à la case départ, par la connaissance de soi dans son rôle d'alphabétiseur.

Un court questionnaire vous aidera dans cet examen. Chaque question exige un peu de réflexion. Normalement, plus le répondant a de réponses affirmatives, plus il penche vers le modèle créatif d'intervention. Cependant, ce questionnaire ne prétend aucunement à la rigueur scientifique. Il a été élaboré dans le seul but de stimuler et de guider la réflexion. Pour approfondir vos connaissances sur le sujet, prière de lire : Malcolm Knowles, (1990) L'apprenant adulte : vers un nouvel art de la formation, ainsi que C. Paquette (1985) Intervenir avec cohérence : vers une pratique articulée de l'intervention.

Quelle sorte d'alphabétiseur êtes-vous?

Êtes-vous un alphabétiseur créatif, autoritaire ou un mélange des deux? Possédez-vous des qualités de leadership qui encouragent la créativité et l'autonomie chez vos apprenants? Contribuez-vous au développement de la créativité ou êtes-vous, sans le savoir, l'éteignoir qui étouffe la première flamme d'originalité ou de changement à votre programme établi?

La mise en marche d'un projet d'écriture théâtrale collective nécessite une ouverture d'esprit et une grande souplesse de la part de l'alphabétiseur. Il devient donc utile de faire un court bilan de ses tendances pour essayer de discerner sa propre aptitude à la gestion démocratique des activités de créativité en contexte d'apprentissage avec des adultes. Malcolm Knowles (1990), a étudié les comportements des intervenants des deux tendances et affirme que le leader créatif possède une grande ouverture d'esprit qui favorise l'apprentissage chez la personne apprenante. Les critères suivants sont adaptés de son modèle de leader créatif.

Répondez aux affirmations suivantes pour découvrir des indices sur vos tendances.

critères 1 en accord 2 3 4 5 en désaccord

1- Je suis convaincu que les apprenants sont capables d'apprendre.

2- J'aime faire participer les personnes apprenantes à toutes les étapes de la planification du projet d'écriture théâtrale.

3- Je suis convaincu que les apprenants peuvent s'auto réaliser.

4-Si je crois que les apprenants réussiront, je sais que cela va les influencer et qu'ils finiront par réussir.

5- J'apprécie beaucoup l'individualisme des personnes apprenantes avec qui je travaille.

6- J'aime récompenser les efforts de créativité des personnes apprenantes.

7- J'aime les imprévus et le changement dans ma classe.

8- J'aime que les apprenants deviennent autonomes et apprennent à s'organiser.

9- J'insiste sur des aspects de motivation qui touchent les apprenants de l'intérieur.

10- Je me sens à l'aise lorsque les personnes apprenantes prennent part aux décisions qu'ils aident à formuler.

3.3 La résistance et les blocages à la créativité et à l'apprentissage

Exprimer ses idées devant un groupe est très difficile. Imaginez comme ce problème peut sembler parfois insurmontable aux personnes apprenantes en alphabétisation. Imaginez la résistance que pourront manifester les personnes apprenantes confrontées au défi d'exprimer leurs idées devant un groupe et d'accepter les idées folles de ses pairs. Ce processus peut leur sembler ridicule et terriblement difficile. Certaines personnes éprouveront beaucoup d'angoisse et d'anxiété avant de vaincre leur timidité.

En tant qu'alphabétiseur, éprouvez-vous de la résistance aux nouvelles idées, aux nouvelles méthodes? Qu'est-ce que la résistance dans la créativité? Connaissez-vous l'effet d'entraînement qui cause le sabotage des nouvelles idées? Je résiste, tu résistes, nous résistons. Ce sont des freins, un instinct de protection devant l'inconnu. En un mot, la PEUR! Tout le monde peut éprouver de la résistance à un moment donné. Vous connaissez-vous en tant qu'alphabétiseur et connaissez-vous votre niveau de résistance?

Les réponses à ce questionnaire peuvent donner des indices sur les freins qui empêchent habituellement d'aller de l'avant. Il peut mettre en lumière certaines croyances limitatives. Ces affirmations peuvent accompagner et déclencher votre réflexion sur les freins à l'apprentissage et à la créativité. Bien entendu il n'y a pas de bonnes ou de mauvaises réponses. Il s'agit d'un exercice d'auto découverte.

Affirmations 1 En accord 2 3 4 5 En désaccord

1- J'ai appris qu'il fallait toujours donner la bonne réponse.

2- Je sais ce que je sais et je n'aime pas chercher de midi à quatorze heures pour des prétendues nouvelles réponses.

3- Je suis une expert et je sais ce qui se fait et qui ne se fait pas.

4- Il faut protéger les nouvelles idées, car elles ont besoin de grandir.

5- J'aime remettre en question les nouvelles idées pour leur permettre d'évoluer.

6- Les nouvelles idées, ça veut dire le changement. Le changement, ça me dérange.

7- Je ne dis pas ce que je pense, j'ai peur d'avoir l'air ridicule.

8- Je garde mes idées folles pour moi, les gens vont me juger et je vais perdre ma crédibilité.

9- J'ai peur de me tromper.

10- J'ai peur de me faire voler mes idées.

11- J'aime trop rêver.

12- Je n'ai pas de temps à perdre à penser à des idées farfelues, j'aime les choses logiques et organisées.

13- J'ai de la difficulté à généraliser, à comparer.

Mettre la résistance en veilleuse permet de découvrir de nouvelles façons de voir et de faire les choses.

3.4 Le vocabulaire théâtral

Le groupe d'apprenants et d'apprenantes devra se familiariser dès le départ avec quelques mots de vocabulaire théâtral pour se donner des points de repère. Il ne faut pas prendre pour acquis que les apprenants comprennent d'emblée tout ce vocabulaire. D'un autre côté, il n'est pas nécessaire de trop insister là-dessus non plus. Dans notre contexte, le théâtre est un outil et non une fin en soi. Il est prudent de doser. Cependant, l'apprenant utilisera ce vocabulaire lorsqu'il commencera à rédiger les répliques d'un dialogue. En introduisant ces mots très tôt dans le processus, ils deviennent rapidement des mots ordinaires que l'usage fréquent rend de plus en plus familiers. Consultez le glossaire du vocabulaire théâtral à la fin de ce guide.

Dès le début, l'alphabétiseur invite les personnes apprenantes à chercher elles-mêmes les mots dans le dictionnaire. Les premiers mots du vocabulaire théâtral que l'apprenant devra connaître sont les suivants :

Réplique : Texte dit par un personnage au cours d'un dialogue.

Dialogue : Ensemble des répliques échangées entre les personnages d'une pièce de théâtre.

Personnage : Personne imaginaire représentée dans une œuvre de fiction; rôle joué par un acteur.

3.5 Un vocabulaire tout court

Il n'y a pas que le vocabulaire théâtral qui compte. Lorsqu'il apprend à écouter les conversations des gens dans la vie courante, l'apprenant peut structurer son écoute en prenant des notes pour enrichir son vocabulaire. Un apprenant lors d'un cours du soir a partagé cette anecdote avec le groupe :

«Mon père, en arrivant au Canada, il y a bien des années, utilisait un petit carnet de notes pour écrire les mots qu'il n'arrivait pas à comprendre. Il écrivait ces mots au son. Lorsqu'il venait à son cours d'alphabétisation, le soir, il demandait à son alphabétiseur de l'aider à défricher ces mots.»

L'alphabétiseur, dans ce cas, en apprend autant que les personnes apprenantes. Il y a un partage des rôles, c'est l'apprenant qui contribue son expérience et celle de son père au bénéfice du groupe. Cet apprenant a donné un conseil judicieux que l'alphabétiseur ne pouvait pas donner. La suggestion de la personne apprenante prenait racine dans l'expérience de vie d'un immigrant. Les nouveaux arrivants ont été touchés par ce témoignage. Ils ont appris une méthode pratique pour enrichir leur vocabulaire. Dans le contexte du projet d'écriture théâtrale collective, ils pourront utiliser cette technique de recherche de mots comme point de repère pour reproduire des parties de dialogue. Cet exemple illustre comment les personnes apprenantes contribuent à enrichir le vocabulaire, le contenu, les méthodes et le climat d'apprentissage d'une classe d'alphabétisation.

Pour ce qui est des exemples de contenu dramatique, il est relativement facile d'en trouver. La plupart des personnes apprenantes ont accès à un téléviseur ou ont déjà passé une soirée au cinéma. L'alphabétiseur demande aux apprenants de faire des liens entre les dialogues qu'ils observent dans leur vie courante et les scènes qu'ils voient à la télévision. La personne apprenante apprend à observer des éléments précis; par exemple, la longueur des répliques, souvent très courtes à la télévision, les attitudes des personnages, la durée des scènes. Déjà, dès le premier atelier, certains apprenants peuvent raconter des séquences de leur feuilleton ou film préféré.

Ce chapitre a couvert trois éléments de base qui aideront l'alphabétiseur à mieux se connaître et à mieux comprendre les apprenants qui participeront à un projet d'écriture théâtrale collective en milieu d'alphabétisation :

  • les obstacles à la créativité,
  • une meilleure connaissance de soi en tant qu'intervenant en milieu d'alphabétisation,
  • l'importance d'un certain vocabulaire technique théâtral.

Conclusion

Intervenir auprès des personnes apprenantes en alphabétisation est un privilège et une responsabilité où s'entremêlent joie et rigueur.

Utiliser le théâtre comme moyen d'apprentissage met à la disposition de l'alphabétiseur et de la personne apprenante, des siècles de connaissances et des possibilités infinies de créativité.

L'écriture théâtrale, le travail en groupe, les échanges culturels, le partage des expériences humaines enrichissent la démarche de l'alphabétisation en la rendant concrète et dynamisante pour la personne apprenante. Découvrir des nouveaux mots, donner du sens aux mots employés, apprendre à utiliser le mot juste pour mieux s'exprimer, pour mieux définir sa pensée, voilà le travail de l'alphabétisation.

Terminons en citant les mots de Paolo Freire.

«Les gens ne se créent pas dans le silence mais dans la prise de parole et l'effort, le tout dans un esprit d'action et de réflexion.»

Bibliographie

Association canadienne des troubles d'apprentissages. Réussir l'alphabétisation, Guide de dépistage et de formation des adultes ayant des troubles d'apprentissage, Toronto,1991.

Balazard, Sophie, Gentet-Ravasco, Elisabeth. L'atelier d'expression et d'écriture au collège. Paris, Armand Colin, 1998.

Bouchard, Alfred. La langue théâtrale. Vocabulaire des termes et des choses du théâtre. Genève, Slatkine «Ressources», 1982 no. 141 p. 387.

Buzan, Tony. Une tête bien faite, Exploitez vos ressources intellectuelles, Les Éditions d'Organisation, 1995.

Buzan, Tony, Barry Buzan. The Mind Map Book, The Penguin Group, 1996.

Corvin, Michel. Dictionnaire encyclopédique du théâtre, Paris, Bordas, 1991.

Demory, Bernard. La créativité en pratique et en action. Montréal, Les Éditions Agence d'arc, inc. et Paris, Chotard et Associés Éditeurs, 1986, 5e édition.

Gardner, Howard. Frames of Mind The Theory of Multiple Intelligences. Basic Books, Harper/Collins Publishers Inc, 1993.

Gelb, Michael J. How To Think Like Leonardo da Vinci. Dell Publishing, Division of Random House, 2000.

Knowles, Malcolm. L'apprenant adulte : vers un nouvel art de la formation. Paris, Éditions d'organisation, 1990

Lebel, Huguette. Mes secrets d'écriture. Les Éditions du Trécarré, 1994.

Le Petit Larousse, Paris, Éditions Larousse, 2002.

Maccio, Charles. Savoir écrire un livre... un rapport... un mémoire (De la pensée à l'écriture) Lyon, Chronique Sociale, 1992.

Ménard,Marie (Consultante en technique d'innovation). Recueil de textes - La créativité au service de l'éducateur d'adultes. M. Ed. Andragogie, 1999.

Michael J. Gelb. How to think like Leonardo da Vinci? New York, N.Y., Dell Publishing, division of Random House, Inc., 2000.

Paquette, Claude. Intervenir avec cohérence : vers une pratique articulée de l'intervention. Montréal, Québec/Amérique, 1985.

Pavis, Patrice. Dictionnaire du théâtre, 2e édition, Paris, Messidore Éditions sociales, 1987.

Raudsepp, Eugène. Êtes-vous créatifs? Éditions Albin Michel, 1983.

St-Arnaud, Yves. Les petits groupes, Participation et communication, Montréal, Les Presses de l'Université de Montréal, 1989.

Timbal-Duclaux, Louis. Techniques du récit et composition dramatique. Éditions Écrire Aujourd'hui, 1997.

Glossaire

Alphabétiser : Apprendre à lire et à écrire à un individu ou à groupe social.

Alphabétiseur : Celui qui apprend à lire et à écrire à un individu ou à un groupe social.

Acte : Division externe de la pièce en parties d'importance sensiblement égale, en fonction du déroulement de l'action.

Aparté : Mot ou parole que l'acteur dit à part soi et que le spectateur seul est censé entendre.

Avant-scène : Partie de la scène comprise entre la rampe et le cadre de la scène.

Canevas : Résumé ou scénario d'une pièce pour les improvisations des acteurs, en particulier ceux de la commedia dell'arte .

Caractère : Trait propre à une personne qui permet de la distinguer des autres. Ensemble des traits physiques, psychologiques et moraux d'un personnage. Les caractères constituent, selon Aristote, un des six éléments de la tragédie, avec le chant, l'élocution, la fable, la pensée et le spectacle.

Comédie : Action scénique qui provoque le rire par la situation des personnages ou par la description des mœurs et des caractères et dont le dénouement est heureux.

Coulisse : Partie d'un théâtre située sur les côtés et en arrière de la scène, derrière les décors et qui est cachée aux spectateurs.

Cour : Côté droit de la scène, vue prise de la salle.

Décor : Arrangement de la scène en vue de donner aux spectateurs un réfèrent spatial. On a aujourd'hui tendance à restreindre ce mot pour désigner un aménagement constitué de panneaux peints et de quelques objets et à recourir à scénographie pour désigner le décor construit.

Distribution : Répartition des rôles. Se dit d'un tableau où sont présentés les personnages et leurs interprètes.

Dramaturge : Auteur d'un texte dramatique.

Héros : Personnage principal d'une œuvre.

Hors-scène : Espace où se déroule ou sont censés se dérouler des événements qui sont en dehors du champ de perception du public. Il peut s'agir des coulisses d'où proviennent des effets spéciaux, d'une autre aire de jeu d'où l'action est retransmise de façon médiatique ou d'un espace purement imaginaire.

Intrigue : Ensemble des événements qui constituent le déroulement de la pièce. Suite de rebondissements, entrelacements de conflits ou d'obstacles et moyens mis en œuvre pour les surmonter.

Jardin : Côté gauche de la scène, vue prise de la salle.

Léonard de Vinci : Peintre, sculpteur, architecte, ingénieur et savant italien. Il vécut surtout à Florence et à Milan, avant de partir pour la France en 1516, à l'invitation de François 1er. Il est d'abord célèbre comme peintre, auteur de la Joconde, etc. Mais ce grand initiateur de la Seconde Renaissance s'intéressa à toutes les branches de l'art et de la science, ainsi qu'en témoignent ses écrits et ses étonnants carnets de dessin.

Personnage : Personnage imaginaire représenté dans une œuvre de fiction; rôle joué par un acteur.

Réplique : texte dit par un personnage au cours d'un dialogue.

Scène :Terme désignant l'espace de jeu et ses dégagements, par rapport à la salle où se tient le public. Partie, division d'un acte où il n'est prévu aucun changement de personnages.

Tableau : Division d'un texte dramatique ou scénique, fondée sur un changement d'espace ou d'espace-temps. Constitue une alternative à l'acte ou à la scène.

Thème : Sujet, idée, proposition qu'on développe dans une œuvre. Le thème se détaille en motifs.

Tragédie : Action scénique dont les péripéties sont mues par la fatalité et dont le dénouement est généralement funeste. La première présentée en Nouvelle-France fut Héraclius de Pierre Corneille, en 1651, du vivant de l'auteur.

Crédits

Encadrement du projet
Isabelle Guérard, directrice

Responsable des services aux membres
Lucie Rochon

Révision linguistique
Louise (Bastien) Delisle
Mise en page
Michel Delorme

Impression
S.G. Printing

Édition et distribution
Le Trésor des mots

1344, promenade Youville
Orléans (Ontario)
K1C 2X8
Téléphone : (613) 824-9999
Télécopieur : (613) 824-9985
Courriel : mots®canada.com
Site Web : http : ://www.nald.ca/tresor/tresor.htm

Tous droits réservés. © Le centre d'alphabétisation, le Trésor des mots, 2001

L'auteure tient à remercier du fond du cœur les personnes apprenantes qui ont participé à cette démarche; Carmillo, Cindy, Dilhia, Gina, Jean, Lourdes, Mark et Marie. Elle remercie également Isabelle Guérard, Denise Lemire, Maryse Lairot, Louise (Bastien) Delisle, Gilles Laporte et Michel Delorme pour leurs précieux conseils et encouragements.


  • 1 Il arrive parfois dans les cours d'alphabétisation que les apprenants s'absentent. Le cas échéant, l'alphabétiseur permet aux personnes présentes d'expérimenter l'écriture de dialogue avec les personnages des personnes absentes. Ceci permet au travail de progresser et ne ralentit pas les apprenants qui assistent à chaque cours.
  • 2 Un travail considérable est requis de la part de l'alphabétiseur pour mettre au propre le travail des apprenants. À chaque atelier, les apprenants doivent avoir en main les nouvelles pages de dialogue. L'alphabétiseur suit de près l'évolution des personnages et s'assure que le groupe respecte le canevas. Le groupe peut décider à un moment donné d'altérer des éléments de l'action ou de l'intrigue. Il faut être ouvert et prêt à tout.
  • 3 Suite à chaque exercice d'écriture, le groupe révise et corrige.
  • 4 La plupart des Centres d'alphabétisation ont des moyens modestes. L'utilisation des grandes feuilles facilite le travail d'animation en permettant d'inscrire sur papier toutes les idées exprimées par les personnes apprenantes. Le groupe peut s'y référer au besoin pour se rafraîchir la mémoire. D'autant plus que ces feuilles démontrent concrètement le travail d'un atelier. Si le centre d'alphabétisation n'a pas les moyens d'acheter ces feuilles, on peut coller plusieurs feuilles de format lettre (8½ x 11") ensemble pour produire le même effet. La valorisation du travail effectué par la personne apprenante est d'importance capitale; son travail doit être exposé à la vue de ses collègues. Cela rehausse son estime personnelle et alimente sa motivation.