« Les courants de pensée féministe », Louise Toupin, Version revue du texte Qu'est-ce que le féminisme? Trousse d'information sur le féminisme québécois des 25 dernières années, 1997.
Louise
TOUPIN
Chargée de cours en études féministes
Introduction
- au commencement étaient trois grandes tendances
- une question préalable : qu'est-ce que le féminisme ?
1- Le féminisme libéral égalitaire
-causes de la subordination ou qui est "l'ennemi principal"?
-stratégies de changement
2- Le féminisme de tradition marxiste
-causes de la subordination ou qui est "l'ennemi principal" ?
-stratégies de changement3- Les métamorphoses du courant marxiste féministe
-les courants féministes socialistes
-le féminisme «populaire»
-le courant du salaire contre travail ménager
4- Le féminisme radical : la grande «rupture»
-causes de l'oppression ou qui est «l'ennemi principal» ?
-stratégies de changement
5- Les métamorphoses du courant radical
-un continuum de pensée oscillant entre l'explication sociale et l'explication biologique
-le courant radical matérialiste
-le courant radical de la différence : «de la spécificité» à «de la femelléité»6- Le renouvellement des perspectives: l'exemple du féminisme noir et les perspectives lesbiennes
-les perspectives lesbiennes7- Au confluent d'autres influences
- le féminisme environnementaliste
Le mouvement des femmes, impulsé par le féminisme, est l'un des grands mouvements sociaux de ce siècle. Cela est maintenant communément admis. Ce qui est moins convenu, c'est qu'il est traversé par divers courants d'idées. On peut en effet de moins en moins parler du féminisme comme d'un bloc homogène ou monolithique. Quels sont donc ces courants de pensée qui animent le féminisme et le mouvement des femmes ?
Le texte Les courants de pensée féministe de Louise Toupin, qui constitue une version revue et augmentée du texte paru sous le même titre dans la "Trousse d'information sur le féminisme québécois des 25 dernières années" Qu'est-ce que le féminisme ?, [éditée par le Centre de documentation sur l'éducation des adultes et la condition féminine (CDEACF) et Relais femmes en 1997], entend justement mettre en évidence trois grandes traditions de pensée féministe ; ces dernières constituent des points de repère utiles à la compréhension de l'évolution des diverses tendances féministes.
Ce texte décrit les traditions du féminisme libéral, du féminisme marxiste et du féminisme radical au double plan de leur analyse des causes de la subordination des femmes et de leurs stratégies de changement. Il traite ensuite des métamorphoses qu'elles ont connues (courant radical matérialiste, courant radical de la différence, courants féministes socialistes, courant du salaire au travail ménager, courant du féminisme populaire et du féminisme environnemental) ainsi que des perspectives nouvelles qui les ont traversées (féminisme noir ou de couleur, perspectives lesbiennes).
Soulignons que ces diverses étiquettes ne sont pas envisagées comme des catégories d'exclusion, mais plutôt comme des pistes de compréhension des traditions de pensée féministe et de leur évolution. Conçu dans un but pédagogique, le texte doit être considéré comme un "work in progress", susceptible d'être enrichi au fil des discussions qu'il suscitera.
On peut rejoindre Louise Toupin à l'adresse Internet suivante
:
toupin.louise@uquam.ca
Elle est disponible pour donner des ateliers de formation sur le sujet aux groupes de femmes qui le désirent. Pour organiser de telles formations, ou obtenir la brochure complète Qu'est-ce que le féminisme?, communiquer à cet effet avec Relais-femmes.
Comme tout mouvement social, le mouvement féministe est traversé
par différents courants de pensée. Chacun à sa façon, ces courants cherchent
à comprendre pourquoi et comment les femmes occupent une position subordonnée
dans la société. Comment les décrire et les inventorier ? Les idées étant
des représentations humaines de la réalité sociale, l'opération qui
consiste à tenter de les classer ne peut être qu'une tentative plus ou moins
arbitraire d'interprétation de ces idées.
Le mouvement néo-féministe1
qui apparaît à la fin des années 1960 en Occident, refusait, à ses débuts,
de se voir accoler quelque étiquette que ce soit, revendiquant plutôt le droit
à sa spécificité singulière, à son originalité, à son "autonomie" de pensée
et d'action. Le féminisme du début des années 1970 n'acceptait qu'un qualificatif
: révolutionnaire.
Mais peu à peu, d'autres féministes revendiquèrent d'autres
étiquettes : des femmes afro-américaines et/ou lesbiennes aux États-Unis contestèrent
très vite le type de féminisme préconisé par les pionnières du néo-féminisme.
Le besoin de "classer" ces divers courants du féminisme devenait de plus en
plus nécessaire, ne serait-ce que pour s'y retrouver soi-même.
Depuis 1975, plusieurs typologies des courants de pensée
féministe ont été produites, majoritairement par des féministes universitaires
américaines.2
Chacune de ces typologies offre sa propre logique de classement, sa propre
sophistication. Au lieu d'en faire la recension, tentons plutôt de retenir
de ces typologies la puissance explicative qu'elles peuvent comporter sur
le plan de l'analyse et de l'évolution de la pensée féministe. Comment chaque
courant comprend-il les causes de la subordination des femmes et quelles stratégies
de changement propose-t-il pour en venir à bout ? Ce sont là les pistes retenues
pour exposer les traditions de pensée féministe qui sont apparues avec le
néo-féminisme.
Il va sans dire que cette nouvelle synthèse qui est ici présentée
n'a aucune prétention à être "la meilleure", et encore moins à être définitive.
Elle se présente humblement comme un "work in progress", perfectible au gré
des discussions et de l'évolution de la pensée et des pratiques féministes.
Au commencement étaient trois grandes tendances
Pour débuter, il peut être intéressant de retourner aux premiers
écrits du néo-féminisme, aux États-Unis et au Québec, qui traitaient déjà
de cette question afin de voir comment, à l'époque, on concevait les courants
féministes alors en émergence.
Shulamith Firestone écrit, dans La dialectique du sexe,
qu'il y a selon elle trois courants féministes aux États-Unis en 19703.
Il y aurait eu d'abord les féministes "conservatrices" ; elle entendait par
là les féministes libérales réformistes du NOW, le National Organization of
Women, fondé par Betty Friedan en 1966. Il y aurait eu ensuite les "politicos"
: il s'agissait des femmes dans les groupes de la gauche (appelée Movement
aux États-Unis à l'époque). Et, finalement, il y aurait eu les féministes
radicales, son camp.
En 1973, ici même au Québec, le Centre des femmes4,
dans son journal Québécoises Deboutte, identifiait lui aussi trois
courants au sein du féminisme québécois (sans compter le sien propre) : le
féminisme "réformiste", le féminisme "culturaliste", celui qui s'attaquait
aux aspects culturels de l'oppression et, en troisième lieu, le féminisme
"opportuniste ou individualiste", celui des femmes qui luttent seules pour
faire carrière dans le monde des hommes. Le Centre des femmes, pour sa part,
se réclamait d'un féminisme "révolutionnaire" autonome, mais dont la lutte
devait être "intimement liée à celle des travailleurs"5.
Donc, si on fait exception du "féminisme opportuniste ou individualiste",
on reconnaît, dans cette classification, les trois tendances décelées par
S. Firestone : réformiste (ou libérale), radicale (ou culturelle), politique
(ou révolutionnaire).
En 1982, des militantes du Centre de formation populaire,
dans une brochure sur Le mouvement des femmes au Québec, identifiaient
à peu près de la même façon les courants du féminisme québécois : le courant
réformiste libéral, le courant marxiste (orthodoxe et non-orthodoxe), et le
courant radical6.
Grosso modo, c'est donc autour de trois grandes tendances
qu'était axé l'éventail des courants politiques du féminisme dans sa première
décennie, du moins selon la vision qu'en avaient alors des militantes du mouvement
féministe à l'époque : la tendance libérale égalitaire (les "conservatrices"
de S. Firestone et les "réformistes" du Centre des femmes), la tendance marxiste
et socialiste (les "politicos" de S. Firestone et les "révolutionnaires"
du Centre des femmes) et la tendance radicale (les "culturalistes"
de Centre des femmes).
Ces trois grandes tendances de la pensée féministe demeurent,
encore aujourd'hui, des points de repère, une sorte de tronc commun à partir
duquel l'évolution de la pensée féministe peut être comprise, car c'est beaucoup
dans le sillage des lacunes mêmes de cette classification et des critiques
dont elle a été l'objet que les raffinements des théories actuelles ont pu
voir le jour7.
Voyons donc d'abord en quoi ces trois grandes tendances se caractérisent et se différencient aux deux plans de l'analyse de l'oppression des femmes et des stratégies de changement proposées. Nous verrons ensuite certaines critiques qui ont été formulées à l'endroit de cette classification et les raffinements consécutifs qui lui ont été apportés, spécialement à partir de 1975.
Une question préalable : qu'est-ce que le féminisme ?
Disons d'abord qu'il n'y a pas de "théorie générale" du féminisme.
Il y a plutôt des courants théoriques divers qui, comme on l'a mentionné au
début, cherchent à comprendre, chacun à sa façon, pourquoi et comment les
femmes occupent une position subordonnée dans la société. Lorsqu'on parle
de "la pensée féministe", on fait généralement appel à ce bloc de courants
hétérogènes qui tentent d'expliquer pourquoi les femmes se retrouvent ainsi
subordonnées.
Remarquons que certaines femmes ne croient pas qu'il s'agit
de subordination d'un sexe par rapport à l'autre. Elles estiment plutôt qu'il
s'agit de "complémentarité naturelle" des sexes. Elles posent là toute la
question de la définition du féminisme car, en effet, peut-on parler de féminisme
s'il n'y a pas, à la base, une révolte contre sa position sociale subordonnée
? Peut-on parler de féminisme s'il n'y a pas, non plus, la reconnaissance
d'une cause sociale à cette subordination ?
Il semble que non. La révolte contre sa situation apparaît comme une condition
sine qua non du féminisme. Pas de problème, donc pas de révolte ! Le
féminisme pourrait dès lors être ainsi défini :
Qu'est-ce que le féminisme ?
Il s'agit d'une prise de conscience d'abord individuelle,
puis ensuite collective, suivie d'une révolte contre l'arrangement des rapports
de sexe et la position subordonnée que les femmes y occupent dans une société
donnée, à un moment donné de son histoire.
Il s'agit aussi d'une lutte pour changer ces rapports et cette situation.
A partir de là, les féministes divergent : comment expliquer cette place subordonnée
des femmes ? Comment changer cette situation? C'est ici que nous retrouvons
les trois grandes traditions de pensée féministe et leur évolution respective,
ainsi que les tentatives de classification de ces dernières.
1-LE FEMINISME LIBERAL EGALITAIRE
Le féminisme libéral égalitaire (appelé aussi "réformiste",
ou féminisme des droits égaux), est en filiation directe avec l'esprit de
la Révolution française : avec sa philosophie, le libéralisme, et avec son
incarnation économique, le capitalisme. Liberté (individuelle) et égalité
seront deux de ses principaux axes de lutte.
Les féministes libérales égalitaires ont donc réclamé pour
les femmes, depuis plus d'un siècle, l'égalité des droits avec les hommes
: égalité de l'accès à l'éducation ; égalité dans le champ du travail, en
matière d'occupations et de salaires ; égalité dans le champ des lois : des
lois civiles (capacité juridique pleine et entière), des lois criminelles
(rappel de toutes mesures discriminatoires) et égalité politique (comme par
exemple le droit de vote). L'égalité complète permettrait aux femmes de participer
pleinement à la société, sur un pied d'égalité avec les hommes.
Le courant féministe libéral égalitaire n'est pas, comme
on le verra, le seul courant féministe à réclamer de tels droits. Cependant,
il se différencie des autres par l'identification des causes de la subordination
des femmes dans la société et par ses stratégies de changement.
Causes de la subordination ou qui est "l'ennemi
principal"8 ?
Le courant féministe libéral égalitaire épouse grosso modo
la philosophie du libéralisme, avons-nous dit. Cela signifie qu'on croit la
société capitaliste perfectible. On croit en sa capacité de réforme. Le problème
est qu'il est simplement mal ajusté aux femmes. A preuve : à l'intérieur de
ce système, les femmes sont discriminées socialement, politiquement et économiquement.
La cause est à trouver dans leur socialisation différenciée : des préjugés,
des stéréotypes, des mentalités et des valeurs rétrogrades en sont responsables.
Les lieux où s'expriment cette discrimination sont l'éducation, le monde du travail, les professions, les églises, les partis politiques, le gouvernement, l'appareil judiciaire, les syndicats, la famille, donc à peu près partout.
Le moyen le plus efficace pour enrayer la discrimination
faite aux femmes réside d'abord dans l'éducation non sexiste. Il s'agit de
socialiser autrement les femmes. C'est en changeant les mentalités qu'on changera
la société. L'autre moyen réside dans les pressions pour faire changer les
lois discriminatoires. Ces pressions peuvent prendre la forme de mémoires
au gouvernement, de sensibilisation du public par des colloques, par la formation
de coalitions d'appui à certaines revendications, de lobbies, etc.
Le féminisme libéral égalitaire est le courant modéré du féminisme. Le Conseil du statut de la femme, l'Association d'éducation féminine d'éducation et d'action sociale, la Fédération des femmes du Québec, jusqu'à tout récemment, se sont traditionnellement situés dans ce courant de pensée. Au fil des ans, il a toutefois subi l'influence des autres courants de pensée du féminisme. Ainsi, la notion de discrimination "systémique" (qui a donné lieu aux revendications de programmes d'accès à l'égalité et à l'équité salariale portées par ces groupes) provient, sur le plan de l'analyse, des deux autres courants du féminisme (marxiste et radical) pour qui l'oppression des femmes provient d'un "système", et n'est pas redevable simplement à des mentalités ou valeurs individuelles rétrogrades. Voyons donc ces deux autres traditions de pensée féministe.
2-LE FEMINISME DE TRADITION MARXISTE
Le mouvement féministe, qui connaît un deuxième souffle en
Occident au tournant des années 1970, naît dans un climat d'effervescence
sociale fortement marqué par les idéaux de gauche issus de la tradition marxiste.
C'est ainsi que la plupart des féministes, et dans leurs écrits et dans leurs
actions, tiendront compte du marxisme, soit pour se situer à l'intérieur de
cette tradition, soit pour s'en démarquer, soit pour le contester dans ses
fondements.
Nous ferons état d'abord du point de vue marxiste classique sur la question des femmes, puis de certaines métamorphoses féministes de cette tradition de pensée.
Causes de l'oppression ou qui est l'ennemi principal" ?
Pour les marxistes féministes orthodoxes9,
c'est l'organisation économique, le capitalisme, qui explique l'exploitation
des deux sexes. L'oppression des femmes est en effet datée historiquement
: elle est née avec l'apparition de la propriété privée.
Ce fut là, selon Engels, "la grande défaite historique
du sexe féminin", qui coïncide avec l'arrivée de la
société divisée en classes et l'avènement du capitalisme.
Outre Engels, la tradition de pensée dont s'inspirent les marxistes
féministes orthodoxes de la décennie 1970 remonte notamment
à August Bebel, Clara Zetkin et Alexandra Kollontaï10,
et est demeurée pratiquement inchangée pendant un siècle
(1879-1970)
Pour ces marxistes, le besoin de transmettre ses propriétés
par l'héritage et, pour ce faire, d'être certain de sa descendance,
a rendu nécessaire l'institution du mariage monogamique. C'est ainsi
que les femmes furent mises sous le contrôle des maris, dans la sphère
privée de la famille, hors de la production sociale. C'est là
la cause de leur oppression.
L'oppression des femmes est donc due au capitalisme. Elle est née avec
l'apparition de la propriété privée, et elle va disparaître
avec le renversement du capitalisme. L'"ennemi principal" n'est
plus identifié aux préjugés ou aux lois injustes envers
les femmes, comme dans le féminisme libéral, mais bien au système
économique et à la division sexuée du travail qu'il a
instaurée : aux hommes la production sociale et le travail salarié,
aux femmes le travail domestique et maternel gratuit à la maison, hors
de la production sociale.
Le patriarcat, que les féministes radicales définiront comme
étant le pouvoir des hommes dans la famille et dans toute la société,
apparaît donc, aux yeux des marxistes orthodoxes, comme un simple produit
du capitalisme, une "mentalité", qui disparaîtra avec
le renversement du capitalisme. Le patriarcat occupe donc une place secondaire
dans l'explication de l'oppression des femmes, cette dernière étant
liée aux formes de l'exploitation capitaliste du travail.
Le lieu où s'exprime d'abord l'exploitation se situe dans le monde du travail, dans l'économie. C'est ainsi que le travail gratuit des femmes sera toujours analysé dans ses rapports avec l'économie capitaliste.
Pour les marxistes féministes orthodoxes, la fin
de l'oppression des femmes coïncidera avec l'abolition de la société
capitaliste divisée en classes et son remplacement par la propriété
collective. La famille conjugale tombera donc en désuétude
puisqu'une prise en charge collective des enfants et du travail domestique
sera instaurée.
Comme l'oppression des femmes est due à leur enfermement dans la
sphère privée, hors de la production sociale, la stratégie
de changement proposée passe par la réintégration des
femmes dans la production sociale, au sein du marché du travail salarié,
et leur participation à la lutte des classes, côte-à-côte
avec les camarades, pour abolir le capitalisme. Chez les marxistes orthodoxes,
il n'y a pratiquement pas de place pour la lutte féministe autonome,
celle-ci ne pouvant que disperser les forces en luttant ainsi "contre
les hommes".
Cependant, la voie des réformes n'est pas pour autant mise de côté.
Elles sont même nécessaires pour améliorer le sort des
femmes. Elles doivent cependant avoir pour objectif de mettre à nu
les contradictions du système et la profondeur de la subordination
des femmes.
A première vue, donc, les revendications préconisées
et appuyées par les marxistes féministes (droit au travail
social, droit aux garderies, égalité des chances dans l'emploi,
l'éducation, les salaires, l'avortement libre et gratuit etc. ) peuvent
ressembler aux revendications des féministes libérales. Elles
s'en démarquent cependant par l'objectif final qui est de "dévoiler
les contradictions" pour aider à renverser ultimement le système
économique. Ces revendications se démarquent surtout par le
refus de ces marxistes de s'inscrire dans la mouvance du mouvement féministe.
Il est en effet à noter que le féminisme sera toujours considéré
par ces orthodoxes, femmes et hommes, comme étant un mouvement "individualiste-bourgeois",
allant à l'encontre des intérêts de la classe ouvrière,
et qu'il fallait combattre de toutes les façons. Au Québec,
on retrouva ces types d'opposantes à la lutte autonome des femmes
et au féminisme principalement dans les groupuscules marxistes-léninistes
qui fleurirent durant la décennie 70. L'action des ces marxistes
orthodoxes à l'endroit des femmes ne se situait donc pas à
l'intérieur du mouvement des femmes d'alors, puisqu'ils combattaient
toute lutte autonome des femmes11.
Signalons enfin que cette opposition à la lutte autonome des femmes s'est manifestée aussi un peu partout en Europe à la même époque, et cela jusqu'aux débuts des années 1980 ; les premiers textes du mouvement féministe, par le soin qu'ils mettaient à se démarquer de l'orthodoxie marxiste, en portent d'ailleurs la trace12. Cette "guerre froide" à l'endroit du féminisme épousait trait pour trait une vieille querelle entre le mouvement socialiste international et le mouvement féministe, datant celle-là de la fin du XIXe siècle13.
3- LES METAMORPHOSES DU COURANT MARXISTE FEMINISTE
Les insuffisances et les lacunes du courant marxiste orthodoxe
concernant l'explication de l'oppression des femmes entraîneront une métamorphose
du marxisme féministe. Cette métamorphose, dont on peut constater
les traces jusqu'à nos jours, est cependant souvent passée sous
silence dans la documentation sur l'évolution des courants de pensée
féministe. De ce fait, elle demeure largement méconnue de la part
de nombre de femmes occidentales qui sont devenues féministes14
durant les décennies conservatrices des années 80 et 90, marquées
par un «backlash» féministe et l'éclatement des régimes
socialistes au pouvoir en URSS et en Europe de l'Est.
Pourtant, alors que tout ce qui touche de près ou de loin au marxisme
durant cette période - et aujourd'hui encore - est considéré
comme dépassé, voire même rejeté, par à peu
près tout le monde occidental, incluant le monde féministe, nombre
de femmes du tiers monde, notamment, continuent pour leur part d'imprégner
leurs analyses et leurs pratiques d'une analyse de classe, qu'elles ont su adapter
à leurs contextes nationaux 15.
Sans compter qu'en Occident, il y eût, et cela depuis les débuts
des années 70, plusieurs tentatives de la part de nombre de féministes
d'allier une analyse «de classe» à une analyse «de
sexe». Bref, ce ne sont pas toutes les féministes qui ont laissé
tomber l'analyse de classe pour lui substituer l'analyse de sexe, même
si c'est l'image qui peut parfois se dégager du mouvement féministe.
- les courants féministes socialistes
Alors que les marxistes orthodoxes, rappelons-nous,
portaient d'abord et avant tout leur attention aux classes sociales et
au système économique capitaliste, seul responsable de l'oppression
des femmes, les courants féministes socialistes porteront une égale
attention au sexe (appelé «le patriarcat») et aux classes
sociales (appelé «le capitalisme») dans leurs analyses de
l'oppression des femmes. Les féministes socialistes tenteront ainsi de
comprendre comment le patriarcat s'articule au capitalisme et vice-versa. Elles
parleront de deux systèmes d'oppression des femmes : le patriarcat
et le capitalisme 16.
Puis, peu à peu, les analyses cherchant des explications unifiées
à l'oppression des femmes (l'«ennemi principal») se verront
délaissées, aidées en cela par le développement
des perspectives lesbiennes, du Black Feminism et des femmes du «tiers
monde", ainsi que par le discrédit graduel entourant tout ce qui
touche au marxisme à la suite de la chute du mur de Berlin. On en vint
à considérer, chez les féministes socialistes, que l'oppression
des femmes relevait de plusieurs formes ou systèmes de domination : racisme,
(hétéro)sexisme, classisme, ethnicisme.
Certaines d'entre elles en vinrent cependant à délaisser l'idée
même de transformation sociale, de changement systémique, réduisant
parfois «le social» à des «représentations»,
l'oppression à des «discours». Elles grossiront les rangs
du postmodernisme, très présent notamment dans les universités
américaines 17. D'autres évolueront
vers un féminisme plus multiculturel, ou «global» 18,
tentant d'articuler toutes les formes d'oppression que vivent les femmes sur
la planète, se rapprochant ainsi des préoccupations de plusieurs
féministes du tiers monde et de femmes œuvrant dans les milieux
populaires des pays industrialisés.
- le féminisme «populaire»
Par cette appellation de féminisme «populaire»
19, nous entendons englober le militantisme
de nombre de femmes pauvres, ici comme dans le tiers monde qui, ne se définissant
pas nécessairement comme féministes, ont néanmoins des
pratiques et une vision s'apparentant à la tradition féministe.
Il s'agit d'un féminisme dont la pratique est enracinée dans le
quotidien, et dont les mobilisations s'organisent autour des conditions de survie
des familles ou des communautés. Ces mobilisations constituent des lieux
extrêmement importants d'affirmation des femmes et de réappropriation
d'elles-mêmes. Ce type de militantisme fait référence à
ce que recouvre grosso modo le terme anglais de «grass-roots activism».
Ce type de militantisme a toujours côtoyé le mouvement féministe
«officiel», agissant le plus souvent en parallèle. On peut
faire remonter sa tradition de lutte aussi loin qu'aux révoltes frumentaires,
liées aux émeutes provoquées par les famines dans l'histoire
: on retrouvait les femmes aux premiers rangs des luttes pour le pain, réclamant
du blé et du froment 20.
On trouve aujourd'hui ce militantisme non seulement dans les pays du tiers monde,
où il est très présent, mais aussi dans le tiers monde
des pays industrialisés, soit chez les femmes des groupes populaires,
assistées sociales, qui vivent l'appauvrissement au quotidien. La perspective
de subsistance, qui est celle de bon nombre de groupes ou de réseaux
(DAWN, 1992), s'ancre dans l'idée que le sexisme n'est qu'une des formes
de l'oppression des femmes ; le sexisme n'est souvent pas vécu comme
étant le premier lieu de l'oppression des femmes dans le tiers monde,
et les luttes pour y mettre fin sont donc insuffisantes pour venir à
bout de l'oppression dont elles souffrent : pauvreté due aux effets du
système économique basé sur le profit, racisme, exclusion,
etc. Pour elles, la lutte en faveur de l'égalité sexuelle doit
s'accompagner de changements sur d'autres fronts.
Un des messages portés par ce type d'analyse et de pratiques est qu'il
faut élargir la définition classique du féminisme de façon
à englober le plus possible la totalité de ce qui opprime les
femmes et qui forme des systèmes d'injustices inextricablement liées
entre eux. Un autre message réside dans le fait qu'il force à
reconnaître qu'il y a une diversité de féminismes de par
le monde, ces derniers pouvant emprunter plus d'une forme, et qu'il faut créer
des liens entre toutes ces formes de luttes et leurs protagonistes. C'est un
appel à la solidarité internationale féministe.
Il y eût aussi d'autres tentatives de «réformer»
le marxisme classique en y insufflant une perspective féministe et cela,
dès les tout débuts du cette seconde phase du mouvement féministe.
Mentionnons le courant du salaire contre travail ménager, dont on peut
aujourd'hui constater les retombées notamment dans les diverses tentatives
de reconnaissance du travail invisible des femmes sur la planète.
- le courant du salaire contre travail ménager
Le courant dit du «salaire contre travail ménager»
naît dès les débuts du néo-féminisme en Occident
autour d'un livre phare : Le pouvoir des femmes et la subversion sociale
21. Co-signé par une italienne,
Mariarosa Dalla Costa, et une anglo-américaine, Selma James, le livre
apparaît comme une tentative d'adapter l'analyse marxiste à celle
de l'oppression des femmes. Édité en 1972 en italien et en anglais,
il sera traduit rapidement dans plusieurs langues et sera l'occasion, à
partir de ce moment, de la création de groupes militant en faveur d'un
salaire contre le travail ménager dans plusieurs pays, de part et d'autre
de l'Atlantique : Italie, Angleterre, Allemagne, Suisse, États-Unis,
Canada anglais.
Ces groupes eurent une existence relativement brève 22,
cependant que l'analyse sous-jacente à ce courant a jeté les bases
théoriques de la reconnaissance du travail invisible des femmes, et il
est à l'origine des analyses qui, aujourd'hui, tentent de rendre visible
tout le secteur invisible et non payé de l'économie.
Alors que les marxistes classiques s'intéressent à la production
des marchandises, les marxistes du courant du salaire contre le travail
ménager s'intéressent au travail de reproduction des êtres
humains, donc au travail généralement exercé par des
femmes, principalement dans la famille. La maison apparaît alors comme
le premier lieu de travail des femmes. Elles y produisent ce qu'il y a de plus
précieux : les êtres humains. Elles reproduisent non seulement
la vie, mais elles permettent aux être humains de «fonctionner»
: aux hommes de travailler, aux enfants d'être éduqués,
aux malades et aux vieillards d'être soignés et entretenus. Massivement,
les femmes s'occupent donc de l'entretien matériel, mais aussi immatériel
(affectif) des êtres humains.
Or ce travail, clé de voûte de la reproduction humaine des sociétés,
est le lieu de l'exploitation des femmes, car il se fait gratuitement, dans
la dépendance économique. Cette «condition» de ménagère
constitue «le plus petit dénominateur commun» entre toutes
les femmes dans tous les pays. Au niveau mondial, cette condition détermine
la place des femmes, où qu'elles soient, à quelque classe qu'elles
appartiennent. Pour briser cette détermination, pour abolir ce rôle
de ménagère, on propose la stratégie du salaire contre
le travail ménager.
Même si cette stratégie n'a pas été retenue par les
féministes et le mouvement des femmes, elle a quand même poursuivi
son chemin jusqu'à nos jours sous diverses formes. Mentionnons au Québec,
la lutte de l'Association féminine d'éducation et d'action sociale
(AFEAS) pour faire reconnaître un statut pour les travailleuses au foyer
; mentionnons les luttes de l'Association des femmes collaboratrices pour faire
reconnaître aux femmes, associées avec leur conjoint dans une entreprise,
un statut, un salaire et bon nombre d'avantages sociaux qui y sont généralement
rattachés. Mentionnons aussi les luttes des femmes dans les associations
de défense des assistés sociaux, qui militent dans leurs quartiers
pour améliorer la qualité de leurs conditions de vie, qui sont
aussi pour elles leurs conditions de travail. Mentionnons enfin la revendication
de la Marche des femmes de 1995 en faveur de l'implantation d'«infrastructures
sociales» et de la reconnaissance des services sociaux rendus massivement
par des femmes.
Ces initiatives s'inscrivent en filiation avec le courant du salaire contre travail ménager, pour qui la maison, le quartier, la communauté, constituaient «l'autre moitié de l'organisation capitaliste», l'autre moitié de l'économie, que l'on définissait jusqu'alors comme uniquement constituée du marché.
4- LE FEMINISME RADICAL : LA GRANDE «RUPTURE»
Même si les traditions de pensée libérale
et marxiste ont été déterminantes dans la formation et
l'évolution du néo-féminisme en Occident, il n'en reste
pas moins que l'émergence d'une pensée féministe radicale
constitue la grande «rupture» opérée par le
néo-féminisme à la fin de la décennie 1960. «Radical»
signifiait qu'on entendait remonter, dans l'explication de la subordination
des femmes, «à la racine» du système. Le système
auquel on faisait référence n'était pas, comme chez les
marxistes, le système économique, mais le système social
des sexes, qu'on nommera patriarcat. «Radical» signifiait
surtout qu'on allait assister à une toute nouvelle façon de penser
les rapports hommes-femmes, étrangère aux explications libérale
ou marxiste, et se présentant comme «autonome», et sur le
plan de la pensée, et sur le plan de l'action.
Le réformisme libéral et la superficialité
de son analyse de la discrimination des femmes sont rejetés par les nouvelles
féministes qui arrivent sur la scène publique à la fin
des années 1960. Le marxisme aussi est rejeté (en tout ou en partie)
en raison de son incapacité de concevoir les femmes en dehors de la classe
de leur mari. On rejette de même ses traditions de luttes et son fonctionnement
«machiste», refusant toute place centrale à la lutte autonome
des femmes. Le féminisme radical venait donc combler certaines lacunes
et du libéralisme et du marxisme.
Cependant, le féminisme radical n'a jamais constitué un courant
homogène. Par exemple, il n'y eut jamais, comme dans le cas des marxistes
féministes, des «orthodoxes». Il s'agit d'un courant éclaté
dont les composantes partagent cependant une conviction commune : l'oppression
des femmes est fondamentale, irréductible à quelque autre oppression,
et traverse toutes les sociétés, les «races» et les
classes. A partir de ce constat commun, les sous-courants radicaux divergent
quant à l'analyse de l'oppression des femmes. Avant d'aborder les multiples
métamorphoses du courant radical, voyons comment y sont articulées,
au plan général, les causes de l'oppression des femmes et les
stratégies de changement.
-Causes de l'oppression ou qui est l'«ennemi
principal» ?
L'«ennemi principal» ne se situe ni dans les préjugés,
ni dans les lois injustes, comme chez les féministes du courant libéral,
ni dans le système capitaliste, comme chez les marxistes féministes.
C'est le patriarcat qui explique la domination des femmes par les hommes. Alors
que chez les marxistes féministes le capitalisme occupait une place centrale
dans l'explication, et le patriarcat une place secondaire, chez les radicales,
c'est exactement l'inverse: le patriarcat occupe une place première et
le capitalisme une place secondaire. L'«ennemi principal» devient
donc le pouvoir des hommes, les hommes comme classe sexuelle. Kate Millet, Shulamith
Firestone, Ti-Grace Atkinson 23, pour ne
nommer qu'elles, sont, aux États-Unis, les initiatrices de ce courant.
L'expression première du patriarcat se manifeste par le contrôle
du corps des femmes, notamment par le contrôle de la maternité
et de la sexualité des femmes. Le lieu où le patriarcat
s'exprime se situe d'abord dans la famille et dans tout le domaine de
la reproduction, mais aussi dans toute la société et à
tous les niveaux (politique, économique, juridique), de même que
dans les représentations sociales, le patriarcat constituant un véritable
système social, un système social des sexes ayant créé
deux cultures distinctes : la culture masculine dominante, et la culture féminine
dominée.
-Stratégies de changement
L'objectif ultime du féminisme radical est, grosso modo, le renversement
du patriarcat. Cet objectif passe par la réappropriation par les femmes
du contrôle de leur propre corps. Plusieurs stratégies seront envisagées,
allant du développement d'une culture féminine «alternative»
(création d'espaces féminins comme les centres de santé,
les maisons d'hébergement pour femmes victimes de violence, le théâtre,
le cinéma, les festivals, les commerces, maisons d'édition, librairies,
magazines destinés aux femmes), jusqu'au «séparatisme»
(la vie entre lesbiennes ou célibataires seulement), en passant
par l'offensive directe contre le patriarcat (manifestations contre la
pornographie, les concours de beauté, les déploiements militaires,
les mutilations sexuelles, appuis à l'avortement, etc. ).
La recherche d'«alternatives» sociales féministes et leur
mise en pratique contribua beaucoup à la grande vogue du courant radical.
Il était axé sur des solutions, des concrétisations d'utopies
féministes, ici et maintenant.
5-LES METAMORPHOSES DU COURANT RADICAL
Il est extrêmement difficile de faire la recension des
métamorphoses qu'a connues le courant radical, surtout en quelques lignes,
car nous sommes ici face à une panoplie sans précédent
de textes provenant de mouvements très éclatés, de disciplines
les plus diverses, et d'horizons s'étendant désormais bien au-delà
des pays de l'Atlantique nord, le tout étant en mutation constante. Toute
tentative de classification sera donc approximative. Il ne peut s'agir, tout
au plus, que d'une indication de points de repère, que l'on espère
utile à la compréhension de la dynamique de l'évolution
de la pensée féministe.
Disons d'abord que les métamorphoses du courant radical ont emprunté
plusieurs directions et ont été effectuées sous diverses
influences. L'une de celles-ci est venue de la psychanalyse et a provoqué
l'approfondissement de la notion de «différence féminine».
A partir des années 1975 en effet, l'influence de la psychanalyse française
et la critique qu'en fera, entre autres, Luce Irigaray dans Spéculum
de l'autre femme 24, seront déterminantes
à cet égard notamment aux États-Unis et en Italie. Le féminisme
radical était basé, comme on l'a vu, sur une prémisse :
l'existence d'un groupe social «femmes» partageant une oppression
commune. Sous l'influence notamment de la psychanalyse, l'on parlera désormais
de plus en plus de «différence» commune, au lieu d'oppression
commune. Mais de quelle différence parle-t-on au juste ? Cette différence
est-elle d'abord sociale, c'est-à-dire créée par la société,
ou est-elle d'abord «biologique», puis psychologique ?
La réponse à ces questions provoquera, principalement à
partir du milieu de la décennie 1970, une sophistication du courant radical
lui-même ; il éclatera en plusieurs tendances ou réponses
: radical de la différence, échelonnant des positions variant
de (pour utiliser des étiquettes employées par Francine Descarries
et Shirley Roy) radical «de la spécificité», à
radical «de la fémelléité» 25;
puis, en réaction à cette dernière tendance, surgira en
France le courant radical matérialiste. Ce sont là des
étiquettes qui peuvent donner une idée des métamorphoses
du courant radical.
Parallèlement à ces métamorphoses, des critiques
centrales viendront ébranler non seulement le féminisme radical,
mais bien l'ensemble des trois traditions de pensée féministe,
comme on le verra plus loin : il s'agit de la critique de l'hétérosexualité
comme institution centrale ou pierre d'angle du patriarcat, effectuée
par des lesbiennes. Elles apporteront dès lors une nouvelle perspective
sur chacun de ces trois courants. Il en est ainsi du féminisme noir (Black
Feminism) qui, lui aussi, enrichira de sa perspective l'ensemble de l'édifice
de la pensée féministe ; les féministes afro-américaines
remettront en question la notion même de différence féminine
: pour elles, la différence cachait les différences
de toutes sortes qui composaient le groupe des femmes.
D'autres perspectives, issues de l'extérieur du féminisme, viendront
à leur tour critiquer les courants existants. Mentionnons à cet
égard les perspectives postmodernes, qui connaîtront une grande
vogue à partir des années 1990 dans le monde universitaire féministe
anglo-américain surtout 26. Elles
seront contestées par nombre de féministes, car ces approches
remettent en question l'idée même d'une oppression commune à
toutes les femmes, et donc de toute lutte féministe basée sur
un projet politique commun 27. Voyons d'abord
ces métamorphoses de la pensée radicale.
Un continuum de pensée oscillant entre l'explication
sociale et l'explication biologique
Il faut voir ici l'évolution du courant radical sur un continuum,
comportant plusieurs positions théoriques s'échelonnant entre
deux pôles, selon l'importance plus ou moins grande que l'on accorde à
la «biologie» ou au «social» dans l'explication de l'oppression
commune des femmes : plus on croit que la dite différence féminine
est sociale, plus on se situe du côté du pôle matérialiste.
Plus on croit que la dite différence est «naturelle» ou «biologique»,
plus on se situe du côté du pôle de la «fémelléité»
______________________________________________________________
Métamorphoses du courant radical selon l'explication de l'oppression
des femmes
matérialiste----------------------«de la spécificité»----------------------«de
la fémelléité»
explication sociale---------> moins sociale--------->plus biologique----------->biologique
______________________________________________________________
Voyons comment chacun se situe sur ce continuum.
-Le courant radical matérialiste.
>Le courant radical matérialiste est issu d'une critique
des deux courants marxiste et radical. Il constitue en quelque sorte une tentative
de combinaison de ces deux courants, différente cependant de la tentative
des féministes socialistes. Plusieurs sous-courants le composent, épousant
souvent les frontières des pays. Ainsi, il y a un féminisme radical
matérialiste français 28et
québécois 29, et un féminisme
matérialiste anglo-américain 30.
Par exemple, le féminisme radical matérialiste français,
tout en critiquant profondément le marxisme, en conserve cependant la
méthode (matérialiste) et certains concepts pour comprendre l'oppression
des femmes. Il donne toutefois à ces concepts des contenus différents,
issus de la problématique radicale. Ainsi, les rapports de sexes sont
vus comme des rapports de travail, des rapports d'exploitation. Le travail des
femmes et leur corps même sont appropriés par les hommes qui en
sont les premiers bénéficiaires. Les hommes et les femmes forment
des classes de sexe.
Ce courant a cherché à comprendre l'oppression des femmes dans
un contexte plus global que celui de l'économie capitaliste et son mode
de production. Il a tenté de dépasser le clivage sexe/classe et
la perspective des féministes socialistes pour appréhender «la
nature spécifique de l'oppression des femmes» ; ce sera, pour Colette
Guillaumin, l'appropriation, l'appropriation de la classe des femmes par la
classe des hommes 31; la base économique
de cette oppression-subordination se situera, pour Christine Delphy, dans le
«mode de production domestique» 32.
On ne réfléchit plus, comme chez les féministes socialistes,
en termes de dialectique classe/sexe, mais plutôt en termes de «système
social des sexes» 33.
Le courant matérialiste français est né
en réaction à la montée en France du féminisme «de
la néo-féminité» 34,
issu de la psychanalyse (appelé aussi, comme on le verra, féminisme
de la «fémelléité» ou «de la différence»).
Pour ces matérialistes, la «différence des sexes»
n'est autre que la hiérarchie des sexes. L'idée de différence
féminine fut créée par la classe des hommes comme prétexte
pour asservir les femmes. L'oppression des femmes est donc à chercher
dans la matérialité des faits sociaux, des rapports sociaux
de sexe, (d'où le nom féministes matérialistes), et non
dans la psychologie ou la biologie des femmes. On entend lutter pour attaquer
les racines sociales de la différence. «Nous voulons comprendre
et mettre à jour les déterminants historiques et sociaux qui ont
permis qu'un groupe social puisse être traité comme un bétail
: qui ont fait de nous - la moitié de l'humanité - des êtres
domestiqués, élevés en vue de la reproduction et de l'entretien
de l'espèce» 35.
Le courant radical matérialiste se situe donc à une extrémité
ou à un pôle de notre continuum : le pôle de l'explication
clairement sociale de l'oppression des femmes.
-le courant radical de la différence : «de
la spécificité» à «de la fémelléité».
Cet autre axe de la métamorphose du féminisme radical
comporte un foisonnement de problématiques et ce n'est que pour la commodité
de notre propos que nous empruntons ces appellations et que nous situons ces
problématiques entre ces deux appellations.
Le courant radical «de la spécificité». On
se rappelle que, pour le féminisme radical, l'expression première
du patriarcat se manifeste par le contrôle du corps des femmes, principalement
de la maternité et de la sexualité des femmes. Le courant radical
«de la spécificité» sera ce courant qui axera son
action et sa pensée autour du thème de la réappropriation
du corps des femmes. Le mouvement de santé des femmes, le mouvement
pour combattre la violence envers les femmes, les groupes de services mis sur
pied à ces fins, les réflexions féministes sur les nouvelles
technologies de la reproduction, sont au nombre des incarnations de ce courant
dit «de la spécificité», axé sur cet objectif
de la réappropriation du corps des femmes 36.
Dans la foulée des «alternatives» sociales qui ont pu s'édifier
dans l'action, des «îlots d'émancipation et d'expérimentation
sociale» ont pu être ainsi imaginés. Il s'agissait là
d'un terrain fertile pour déployer, selon les mots de Francine Descarries
et Shirley Roy, «le questionnement relatif à la 'différence',
à l'éthique et à l'identité féminines qui
occupera éventuellement une grande partie de l'espace discursif des années
'80 et qui sera au cœur même de la problématique du courant
«de la fémelléité» 37.
Le courant «de la fémelléité». Si l'on
a pu caractériser la pensée et l'action du féminisme radical
«de la spécificité» par le thème de la réappropriation
de son propre corps, on pourrait dans la même veine caractériser
la pensée du courant radical «de la fémelléité»
par celui de l'identification à son propre corps. Voici
comment Francine Descarries et Shirley Roy le décrivent :
«Nommé à partir du néologisme «fémellité», le féminisme de la fémelléité prend son origine dans une réflexion plus métaphorique que matérialiste. Œuvre de philosophes, psychanalystes, psychologues et femmes de lettres, le courant de la fémelléité propose une réflexion relative à l'existence d'un territoire, d'un savoir, d'une éthique et d'un pouvoir féminins. A l'encontre des égalitaristes et des radicales, [elles] visent [...] la reconnaissance de la différence, de la féminité et du féminin comme territoire spécifique de l'expérience et du pouvoir-savoir des femmes ; un tel territoire devant être protégé contre l'emprise du pouvoir patriarcal et celui de l'assujettissement aux valeurs marchandes. Dès lors, elles revendiquent la réappropriation de la maternité, de l'acte de création/procréation, de la culture et de l'imaginaire féminins au niveau des idées et de l'Être» 38
On prend soin d'ajouter que «seule l'absence d'un recul suffisant empêche
de proposer une classification des diverses tendances à l'intérieur
de ce courant de la fémelléité», terme emprunté
à Colette Chiland qui le définissait comme «concept charnière
entre le biologique et le psychologique, lié à l'expérience
du corps» 39. Le courant radical
«de la fémelléité» se situerait donc à
l'autre extrémité ou pôle de notre continuum : le pôle
de l'explication de plus en plus biologique, non pas cette fois
de l'oppression des femmes, mais de la «différence féminine».
6-LE RENOUVELLEMENT DES PERSPECTIVES: l'exemple du féminisme noir et des perspectives lesbiennes
Parallèlement à ces métamorphoses des courants marxiste et radical, d'autres critiques fondamentales viendront ébranler, avions-nous annoncé précédemment, l'ensemble des trois traditions de pensée féministe.
Il faut souligner à ce sujet l'apport du "Black Feminism" dans l'élargissement de la pensée marxiste et radicale. La critique qu'apportèrent les femmes afro-américaines durant la décennie 1970 fut à cet égard déterminante dans l'enrichissement de la pensée féministe: elles ont expliqué que ce qu'il y avait de fondamental pour elles dans la compréhension de leur oppression ne résidait pas seulement dans les classes sociales, ou encore dans le sexisme, mais bien dans le racisme qui imprégnait toute leur vie.
On leur doit notamment d'avoir poussé les féministes à articuler dans leurs analyses de l'oppression des femmes non seulement le duo sexe/classe, mais le trio sexe/classe/"race" ou ethnie 40, auquel s'ajoute souvent, chez un certain nombre d'entre elles, un quatrième élément, la discrimination envers les lesbiennes, formant ainsi le quatuor sexe/classes/race/homophobie. L'ajout essentiel de cette quatrième dimension dans la compréhension de l'oppression des femmes est due notamment à des lesbiennes noires 41. Les féministes afro-américaines ont en réalité contribué à faire éclater la notion de "différence commune" entre toutes les femmes. Pour elles, la différence cachait bel et bien les différences. Le féminisme des femmes de couleur ("Women of color feminism") est issu directement des analyses et des luttes du Black feminism.
Les lesbiennes, auto-identifiées ou non, ont toujours été nombreuses dans le mouvement féministe et elles ont été de toutes les luttes. Cependant, les efforts théoriques pour systématiser l'expérience lesbienne dateraient de l'après-guerre 42.
Les "Daughters of Bilitis" furent, aux Etats-Unis, les premières à exposer publiquement l'existence lesbienne à l'intérieur du mouvement de défense des droits des homosexuels durant les années 1950-60. Ce mouvement se situait à l'intérieur d'une perspective libérale de défense des droits.Le livre phare est à cet égard Sappho was a right-on woman 43.
Puis, au début de la décennie 1970, sont apparues des lesbiennes "radicales" (au sens américain de "séparatistes") qui, comme les féministes radicales, ont été les premières à établir l'"autonomie" de leur groupe. L'"autonomie" chez ces lesbiennes signifie ici autonome par rapport à tout groupe autre que lesbien. Les "Furies" (nom du groupe et de leur journal) et les "Radicals lesbians" sont associées à ce courant qui, à l'instar de certains sous-courants du féminisme radical, entendaient développer une culture autonome, mais lesbienne, hors de la société actuelle. La phrase de Ti-Grace Atkinson: "Le féminisme est la théorie, le lesbianisme est la pratique" caractériserait bien ce courant.
Vers le milieu des années 1970, des lesbiennes marxistes forment un courant autonome à l'intérieur du courant du salaire au travail ménager. Elles ont, entre autres, apporté à ce courant une dimension supplémentaire: faire l'amour fait partie du travail ménager gratuit des femmes à l'intérieur d'un couple 44.
Vers la fin des années 1970, sont apparues des lesbiennes-féministes. Adrienne Rich, Susan Brownmiller, Nicole Brossard sont associées à ce courant, qui pousse plus avant l'analyse en identifiant nommément l'hétérosexualité comme institution au centre des rapports de domination hommes-femmes, une institution contraignante 45 pour les femmes, car une série de coercitions est nécessaire pour les y maintenir.
Vers la fin des années 1970 toujours, apparaît un courant matérialiste chez les lesbiennes. L'oeuvre majeure est à cet égard la théorie de l'appropriation de la féministe matérialiste Colette Guillaumin 46. Ces lesbiennes ont trouvé dans cette théorie un moyen de se situer à l'intérieur des rapports de sexes 47.
On le voit, les lesbiennes se situent non pas dans une seule catégorie englobante, mais dans toutes les perspectives féministes: libérale, marxiste, radicale, matérialiste. Leur principal apport réside sûrement dans la remise en question du caractère universel et immuable de l'hétérosexualité comme modèle d'organisation des relations entre les humains. De ce fait, elles ont contribué à «créer une rupture du paradigme naturaliste à travers lequel furent pensés, depuis le siècle des Lumières, sexe, genre et hétérosexualité» 48 .
7- AU CONFLUENT D'AUTRES INFLUENCES
Jusqu'ici, nous avons traité de trois traditions de pensée et de leurs métamorphoses, ainsi que de l'apport de perspectives nouvelles traversant les divers courants les composant. Résumons notre cheminement à cet égard. Si les lacunes des grandes influences intellectuelles du féminisme occidental, dans sa seconde phase (1970+), donnèrent lieu à une métamorphose du courant radical, ces mêmes lacunes ont aussi provoqué une métamorphose du courant marxiste féministe. Alors que les marxistes orthodoxes dirigeaient toute leur attention vers les classes sociales dans le capitalisme, les féministes socialistes portèrent pour leur part la leur et vers capitalisme et vers patriarcat dans leurs analyses, les radicales la concentrant plutôt vers le patriarcat, compris comme un système social. Le Black feminism, les femmes du tiers-monde et les lesbiennes féministes notamment, forceront ces courants à intégrer à leurs analyses de classe et de sexe les dimensions "races", ethnie, hétérosexualité, exclusion sociale.
Rappelons que notre intention, en mettant en évidence trois grandes traditions de pensée et leurs métamorphoses, n'est pas de figer les tendances féministes dans trois catégories étanches. Au contraire, il s'agit, sur un plan pédagogique, d'identifier des points de repère à partir desquels l'évolution de la pensée féministe peut être comprise. Il s'agit faire valoir que la tradition intellectuelle et militante du féminisme est variée, et que les féministes et les femmes du mouvement des femmes ne pensent pas toutes de la même façon. Il s'agit de donner des pistes de compréhension de cette tradition et son évolution. Nul doute que l'évolution future du féminisme et du mouvement des femmes nécessitera l'utilisation d'autres catégories, d'autres vocables, en lieu et place de celles et de ceux que nous utilisons aujourd'hui pour nous comprendre.
Car le libéralisme, le marxisme et le radicalisme féministes ne sont évidemment pas les seules influences qui ont marqué et qui marquent désormais l'évolution du féminisme et de sa pensée. Nous avons noté au passage la psychanalyse qui a fortement influencé le courant radical de la différence (on pense ici aux oeuvres de Luce Irigaray notamment). Il faudrait ajouter à la liste des influences, entre autres celles des perspectives spirituelles, écologistes, post-modernes et «queer». Nous nous limiterons ici à l'examen rapide d'un courant très prégnant de l'évolution du féminisme des années 80 et 90, soit le féminisme environnementaliste, réservant l'approfondissement des autres à une étape ultérieure de ce «work in progress» que constitue le présent document.
- le féminisme environnementaliste
Appelé aussi écoféminisme par l'écrivaine française Françoise D'Eaubonne qui lança l'appellation en 1974 49, le féminisme environnementaliste devint populaire durant la décennie 1980; des désastres écologiques et environnementaux tels ceux de Three Mile Island aux Etats-Unis, de Seveso en Italie, de Bhopal en Inde, de Greenham Common en Angleterre furent au nombre de ses catalyseurs.
Issu des courants écologiste et pacifiste, auxquels se sont jointes des féministes radicales de la différence et des féministes de tradition marxiste ou socialiste, le féminisme environnementaliste fait un ajout aux analyses du courant de l'écologie. Alors que les écologistes porteront leur attention principalement sur l'épuisement des ressources et la destruction de l'environnement, les féministes environnementalistes ajouteront que la responsabilité de ces catastrophes est imputable, au-delà des systèmes capitaliste et socialiste, aux hommes, appelés par certaines le "Système mâle" (D'EAUBONNE, 1974, 221).
Le féminisme environnementaliste établit des liens entre l'oppression des femmes et celle de la nature, et «comprendre le statut de ces liens est indispensable à toute tentative de saisir adéquatement l'oppression des femmes aussi bien que celle de la nature» 50 . On considère qu'il existe des liens directs entre le violence patriarcale contre les femmes et la violence contre la nature et les peuples. On voit des liens directs entre l'agression industrielle et militaire contre l'environnement et l'agression physique contre le corps des femmes. Certaines établissent des liens entre la violence des guerres et des destructions environnementales et la violence du viol.
Tout comme le courant écologiste, le féminisme environnementaliste ou écoféminisme
est loin de constituer un mouvement homogène 51.
Des tendances plus spirituelles et «fondamentalistes», identifiant
la nature à la biologie des femmes et réfléchissant en termes de «principe
féminin» ou d'«essence cosmique de la féminité»
52, côtoient des tendances plus
politiques, en lien avec les partis «Verts». Pour certaines de ces
dernières, la libération des femmes ne peut être obtenue en vase clos, mais
doit faire partie d'une lutte plus longue pour la préservation de la vie sur
la planète. Elles établissent pour ce faire des alliances avec les femmes du
tiers-monde, engagées dans des luttes contre la destruction des ressources naturelles,
qui sont la base première de leur subsistance 53.
A côté du sexisme (dont la mise en évidence est largement dûe au féminisme radical),
à côté de l'exploitation de classe (privilégiée par les analyses marxistes),
du racisme (que le féminisme noir a fait découvrir aux féministes blanches),
et de l'hétérosexisme (rendu visible par les lesbiennes), la destruction écologique
vient ainsi s'ajouter aux divers «piliers sur lesquels repose la structure
du patriarcat» 54.
NOTES
Le
préfixe “néo” accolé à “féminisme” est utilisé ici pour parler de cette
seconde phase du féminisme qui fait son apparition au milieu des années
1960 aux Etats-Unis, et quelques années plus tard ailleurs en Occident.
Quant à la première phase, elle s’échelonne, grosso modo, sur un siècle,
qui se terminerait avec le début des années 1960.
(retour au texte)
Mentionnons
YATES, Gayle Graham. What Women Want: The Ideas of the Movement.
Cambridge, Mass. Harvard University Press, 1975; JAGGAR, Alison et de Paula
Rothenberg. Feminist Frameworks: Alternative Theoretical Accounts of
the Relations Between Women and Men. New-York, McGraw-Hill, 1978, 1984
et 1993; EISENSTEIN, Hester. Contemporary Feminist Thought. Boston,
G.K. Hall, 1984; McFADDEN, Maggie. “Anatomy of Difference: Toward a Classification
of Feminist Theory”, Women’s Studies International Forum, 7, 6, 1984;
CASTRO, Ginette,.Radioscopie du féminisme américain. Paris, Presses
de la Fondation nationale de science politique, 1984; DESCARRIES-BELANGER,
Francine et de Shirley Roy. Le mouvement des femmes et ses courants de
pensée.Essai de typologie. Ottawa, Les Documents de l’ICREF/CRIAW, no.
19, 1988; MATHIEU, Nicole-Claude. “Identité sexuelle/sexuée/de sexe: trois
modes de conceptualisation du rapport entre sexe et genre”, dans MATHIEU,
N-C. L’anatomie politique. Catégorisations et idéologies du sexe.
Paris, Côté-femmes, 1991; TONG, Rosemarie. Feminist Thought: A Comprehensive
Introduction. Boulder, Col. Westview Press, 1989; BRYSON, Valery. Feminist
Political Theory: An Introduction. London, Macmillan, 1992; CLOUGH,
Patricia Ticineto. Feminist Thought: Desire, Power, and Academic Discourse.
Cambridge, Mass. Blackwell, 1994, etc.
(retour au texte)
FIRESTONE,
Shulamith. La dialectique du sexe..Le dossier de la Révolution féministe.
Paris Stock, 1972, p. 48.
(retour au texte)
Le
Centre des femmes, le premier du nom, fut formé en janvier 1972, à la mort
du Front de libération des femmes du Québec, premier groupe du néo-féminisme
québécois (1969-1971). Le Centre des femmes vécut jusqu’en 1975. Sur l’histoire
de ces deux groupes, voir O’LEARY, Véronique et Louise Toupin. Québécoises
Deboutte, tome 1. Une anthologie de textes du Front de libération
des femmes (1969-1971) et du Centre des femmes (1972-1975). Montréal,
Remue-ménage, 1982.
(retour au texte)
«
Pour un mouvement de femmes, mais lequel?», Québécoises Deboutte,
1, 4, mars 1973, p. 2-3, réédité dans O’LEARY, Véronique et Louise Toupin.
Québécoises Deboutte, tome 2, Collection complète des journaux. Montréal,
Remue-ménage, 1983, p. 94-96.
(retour
au texte)
BRODEUR, Violette et all. Le mouvement des femmes au Québec. Etude des groupes montréalais et nationaux. Montréal., Centre de formation populaire, 1982, p. 8. Pour sa part, Armande Saint-Jean dans Pour en finir avec le patriarcat identifie “quatre principales familles de pensée féministe”. Si on met de côté sa première catégorie, qui regroupe celles qui “refusent elles-mêmes de s’appeler féministes”, on retrouve aussi les trois autres courants mentionnés ailleurs, soit “réformiste”, “marxiste” et “radical”. Voir SAINT-JEAN, Armande. Pour en finir avec le patriarcat . Montréal, Primeur, 1984, p. 98-100. (retour au texte)
Voir
à ce sujet MAYNARD, Mary. “Beyond the ‘Big Three’: the Development of Feminist
Theory Into the 1990s”, Women’s History Review, 4, 3, 1995, p. 259-281.
(retour au texte)
L’expression
“ennemi principal” fait référence à un texte “fondateur“ du néo-féminisme
français, écrit en 1970 par Christine Delphy, sous le pseudonyme de : DUPONT,
Christine. “ L’ennemi principal”, Partisans, 54-55, juillet-octobre
1970, p. 157-172. (retour
au texte)
ENGELS,
Frederich, L’origine de la famille, de la propriété privée et de l’Etat,
Paris, Editions sociales, 1954 (1ère édition: 1884). BEBEL, August, La
femme dans le passé, le présent et l’avenir, Genève, Slatkine Reprints,
1979 (lère édition: 1879). ZETKIN, Clara, Batailles pour les femmes,
Paris, Editions sociales, 1980 (réunit des textes écrits entre 1889 et 1932).
KOLLONTAI, Alexandra, Conférences sur la libération des femmes, Paris,
La Brèche, 1978 (prononcées en 1921).
(retour au texte)
La
petite histoire de cette véritable “guerre froide” livrée par les groupes
marxistes-léninistes à l’endroit des groupes féministes du Québec peut être
retracée dans O’LEARY , Véronique et Louise TOUPIN, Québécoises Deboutte,
Tome 1: Une anthologie de textes du Front de libération des femmes (1969-1971)
et du Centre des femmes (1972-1975), Montréal, Revue-ménage, 1982, p.
34-39.
(retour au texte)
Voir,
par exemple, pour la France, le texte déjà cité “L’ennemi principal” de
Christine DUPONT, écrit en 1970; pour l’Italie, Le pouvoir des femmes
et la subversion sociale de Mariarosa DALLA COSTA et Selma JAMES, écrit
en 1971 et, pour le Québec, le journal QUEBECOISES DEBOUTTE, édité par le
Centre des femmes entre les années 1972 et 1975.
Le ton quelque
peu suranné émanant de ces textes témoigne du fait qu’ils ont été écrit
en plein dans cette époque de “guerre froide ” livrée par ces orthodoxes
à l’endroit de toutes les féministes sans exception.
(retour
au texte)
Sur
cette vieille querelle, voir PICQ, Françoise “ ‘Le féminisme bourgeois’:
une théorie élaborée par les femmes socialistes avant la guerre de 14”,
dans COLLECTIF, Stratégies de femmes, Paris, Tierce, 1984, p. 391-404.
Le livre
de Renée COTE, sur l’histoire de La Journée internationale des femmes
(Montréal, Remue-ménage, 1984) illustre, sous forme imagée, les liens
difficiles que les femmes féministes et socialistes ont historiquement entretenus.
(retour au texte)
FALUDI, Susan, Backlash, la guerre froide contre les femmes. Paris, des femmes/Antoinette Fouque, 1993. (retour au texte)
Voir entre autres DAWN, Femmes du Sud: autres voix pour le XXIe siècle. Paris, Côté-femmes, 1992. MOHANTY, Chandra T., RUSSO, Ann, TORRES, Lourdes, Third World Women and the Politics of Feminism, Bloomington, Ind. Indiana University Press, 1991. (retour au texte)
Une revue d’ oeuvres d’ auteures se situant dans la mouvance
des courants socialistes et radical matérialiste est incluse notamment dans
les deux articles suivants:
JUTEAU,
Danielle et Nicole Laurin .“L’évolution des formes de l’appropriation des
femmes: des religieuses aux mères porteuses”, Revue canadienne de sociologie
et d’anthropologie, 25, 2, mai 1988, p. 183-192.
HENNESSY,
Rosemary et Chrys INGRAHAM, “Introduction: Reclaiming Anticapitalist Feminism”,
Materialist Feminism: A Reader in Class, Difference, and Women’s Lives,
New-York, Routledge, 1997, p. 1-14.
(retour
au texte)
Voir HENNESSY, op.cit. (retour au texte)
BUNCH, Charlotte, “Prospects for Global Feminism”, dans JAGGAR, Alison et ROTHENBERG, Paula (eds.) Feminist Frameworks, 3e edition, New-York, McGraw-Hill, 1993, p,.249-252. (retour au texte)
... utilisée dans un texte du groupe de solidarité internationale, le 5e monde. Voir “Solidarité internationale des femmes”, UniversElles, 2,4, avril 1990, p. 3-4. (retour au texte)
Voir ROWBOTHAM, Sheila, Féminisme et révolution, Paris, Petite bibliothèque Payot, 1972, p. 33. (retour au texte)
DALLA COSTA, Mariarosa et Selma JAMES, Le pouvoir des femmes et la subversion sociale, Genève, Editions Adversaire, 1973. (retour au texte)
Les groupes du salaire contre le travail ménager ont existé à partir de 1972 jusqu’au début des années 80, à une exception : le groupe anglais, qui existe toujours, est connu sous le nom de International Wages for Housework Campaign . Il a notamment oeuvré pour que soit inclu dans le document final de la Conférence mondiale des femmes de Nairobi,en 1985, un paragraphe sur la reconnaissance du travail non payé des femmes dans le PNB des divers pays. Il a ensuite fait pression sur chaque pays, au moyen d’une pétition, afin que les législatures nationales donnent suite à cet engagement de Nairobi. (retour au texte)
Voir MILLET, Kate. La politique du mâle. Paris, Stock, 1971. FIRESTONE, Shulamith. La dialectique du sexe. Paris, Stock, 1972. ATKINSON, Ti-Grace. Odyssée d’une amazone. Paris, Des Femmes, 1975. (retour au texte)
IRIGARAY, Luce. Spéculum de l’autre femme. Paris, Minuit 1974. (retour au texte)
DESCARRIES-BELANGER Francine et Shirley Roy. Le mouvement des femmes et ses courants de pensée: essai de typologie. Ottawa, Institut canadien de recherches sur les femmes, Les Documents de l’ICREF, no 19. 1988. (retour au texte)
Pour une bonne bibliographie à ce sujet, voir DAGENAIS, Huguette et Gaëtan Drolet, “Féminisme et postmodernisme”, Recherches féministes, 6,2,1993, p. 151-164. (retour au texte)
Voir entre autres NICHOLSON, Linda J. (ed.) Feminism/Postmodernism.New-York, Routledge 1990. (retour au texte)
...initié en France par la revue Questions féministes.
L’ éditorial du premier numéro expose les grands axes de ce courant: “Variations
sur des thèmes communs”, Questions féministes, 1, nov. 1977, p. 3-
19.
Voir aussi
des variantes de ce courant en France: BATTAGLIOLA, Françoise (et all.)
. A propos des rapports sociaux de sexe. Parcours épistémologiques.
Paris, Centre de sociologie urbaine, 1990.
(retour
au texte)
....développé dans JUTEAU, Danielle et Nicole Laurin, op. cit. p. 192-207. (retour au texte)
Voir LANDRY, Donna et Gerald MacLean. .Materialist Feminisms. Cambridge, Mass. Blackwell, 1993. Aux Etats-Unis, des universitaires s’identifiant au féminisme matérialiste ont créé un site sur Internet qui agit comme forum de discussion. Voir: matfem@csf.colorado.edu. Voir aussi HENNESSY, Rosemary et Chrys Ingraham,. Materialist Feminism: A Reader in Class, Difference, and Women,s Lives. New-York, Routledge, 1997. (retour au texte)
GUILLAUMIN, Colette, Sexe, race et pratique du pouvoir: l’idée de Nature. Paris, Côté-femmes, 1992. (retour au texte)
DUPONT (Delphy), Christine, “L’Ennemi principal”, Partisans, 54-55, juillet-octobre 1970. (retour au texte)
MATHIEU, Nicole-Claude, L’anatomie politique: catégorisations et idéologies du sexe. Paris, Côté-femmes, 1991. (retour au texte)
... principalement incarné par Antoinette Fouque et son groupe, Psychépo, qui se sont appropriés le sigle MLF (Voir à ce sujet PICQ, Françoise. Libération des femmes: les années-mouvement. Paris, Seuil, p. 292-311) . Voir aussi LECLERC, Annie. Parole de femme. Paris, Grasset 1974. IRIGARAY, Luce. Spéculum de l’autre femme. op. cit. (retour au texte)
“Variations sur des thèmes communs”, Questions féministes, op. cit. p. 18. (retour au texte)
Les essais relevant de ce courant sont pratiquement innombrables. Mentionnons-en quelques-uns qui ont été déterminants dans cette métamorphose du courant radical et qui ont été traduit en français: RICH, Adrienne. Naître d’une femme. La maternité en tant qu’expérience et institution. Paris, Denoël/Gonthier, 1980. EHRENREICH, Barbara et Deirdre English. Sorcières, sages-femmes et infirmières. Une histoire des femmes et de la médecine, puis, des mêmes auteures: Des experts et des femmes. 150 ans de conseils prodigués aux femmes. Montréal. Remue-ménage, 1976 et 1982. LEDERER, Laura (ed.) . L’envers de la nuit: les femmes contre la pornographie. Montréal, Remue-ménage, 1983. BARRY, Kathleen. L’esclavage sexuel des femmes. Paris, Stock 1982. O’BRIEN, Mary. La dialectique de la reproduction. Montréal, Remue-ménage, 1987. (retour au texte)
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