Table des matières

Avant-propos

À l'instar des autres documents publiés dans la collection Un visa pour l'alpha pop, ce guide de formation et de réflexion a été rédigé en s'inspirant des pratiques des groupes locaux, plus particulièrement ici, en matière d'organisation et de fonctionnement.

Ce document est le résultat des échanges auxquels la moitié des groupes membres du RGPAQ ont participé lors de sessions de formation qui ont eu lieu dans quatre régions du Québec, organisées conjointement par le RGPAQ et le Service aux collectivités de l'UQAM. Réjean Mathieu a conduit ces échanges en déployant une chaleureuse énergie afin que les participantes et participants aux sessions discutent le plus ouvertement possible de sujets parfois sensibles concernant la vie organisationnelle de leur groupe.

Nous souhaitons que ce document puisse aider les groupes qui désirent prendre un temps d'arrêt pour évaluer où ils en sont, les groupes qui ressentent le besoin de revoir leurs structures et leur fonctionnement pour répondre aux exigences de leur développement ou les groupes qui rencontrent une difficulté passagère sur un aspect particulier de leur travail.

Berthe Lacharité
Responsable de la formation au RGPAQ

Remerciements

Cette publication n'aurait jamais pu voir le jour sans la participation dynamique des formatrices et formateurs en alphabétisation, qui ont bien voulu s'inscrire aux sessions de formation sur les structures et le fonctionnement des groupes populaires en alphabétisation. Je les en remercie et me rappelle à leur bon souvenir, parce que je pense que nous avons eu du plaisir à apprendre ensemble.

Par ailleurs, ces sessions n'auraient jamais pu avoir lieu sans le projet porté par le Regroupement des groupes populaires en alphabétisation, et surtout le comité de pédagogie, ainsi que par le Service aux collectivités de l'Université du Québec à Montréal. Je veux donc remercier les personnes impliquées dans ces organismes, en particulier celles avec qui j'ai eu davantage à travailler.

Les membres du Département de travail social de l'Université du Québec à Montréal, ainsi que ma conjointe, Carole Benjamin, et mes filles Cassiopée et Daphné, méritent également un grand merci, puis-qu'en accordant du temps à ce projet, je les ai parfois obligés à assumer certaines de mes responsabilités.

Enfin, au-delà de ce passé récent, je voudrais saluer et remercier les très nombreuses personnes avec lesquelles j'ai eu le plaisir de travailler au sein de divers groupes populaires et organismes communautaires, a Hull et dans l'Outaouais en général, à Saint-Jean, dans le quartier-montréalais d'Hochelaga-Maisonneuve, à la revue VO, à la F.O.H.M., et ailleurs encore. Toutes ces personnes, comme mes étudiantes et étudiants en ARC et en travail social de l'UQAM, ont contribué à divers degrés à me donner le goût des solidarités concrètes et simples où s'exerce une démocratie réelle, bien que jamais acquise. Merci!

Réjean Mathieu

Élargir la démocratie

[Voir l'image pleine grandeur]Femmes et hommes brandissant des affiches  lors d'une manifestation extérieure pour l'alphabétisation

Les structures nous apparaissent souvent comme des obstacles inutiles, des entraves à la créativité. Pourtant, certaines règles et structures peuvent au contraire servir la création. C'est le cas, par exemple, des règles, parfois plus ou moins définies et variables selon les époques, qui régissent la production littéraire et musicale.

En fait, les règles et les structures jouent un rôle positif lorsqu'elles clarifient et équilibrent les rapports entre diverses composantes d'une réalité. En poésie ou en musique, par exemple, elles visent à assurer un rapport satisfaisant à l'oreille et à l'esprit, selon la culture et les goûts de l'époque, entre le rythme et le son, entre le contenu et le contenant, entre le produit global et les instruments qui le génèrent.

Évidemment, cela ne signifie pas que ces règles ne doivent jamais être transgressées. Au contraire, elles le seront avec bonheur, et en particulier quand il s'agit d'apporter des changements dans la culture ambiante. Dans ce cas, les transgressions ne seront pas de purs refus des conventions, mais refléteront des mutations importantes dans la société.

C'est la même chose en ce qui concerne les structures de nos organisations. Elles peuvent devenir des obstacles quand elles ne correspondent pas à la réalité et aux objectifs visés. Mais elles constitueront en revanche, des soutiens essentiels à notre démarche collective, si elles assurent l'équilibre entre les diverses composantes de nos organisations: objectifs, population-cible, productrices et producteurs de services, etc. En ce sens, elles ne peuvent pas être les mêmes partout. Par définition, si elles veulent répondre aux objectifs et aux besoins réels, il sera impossible d'en fixer un modèle valable permanent et universel.

Par contre, dans le cas des groupes populaires, tous les modèles devraient servir une seule et unique visée fondamentale: l'élargissement de l'espace démocratique. Car telle est bien la philosophie de base de ces groupes: faire entendre jusqu'au sommet de la pyramide sociale la voix des personnes et des groupes marginalisés. Et pour atteindre cet objectif, il faut d'abord et avant tout s'assurer qu'à la base même, dans les groupes locaux, toutes les voix s'expriment et soient entendues. Cet objectif stratégique pourra être atteint de diverses façons selon les caractéristiques des milieux: les tactiques varieront, puisqu'elles devront tenir compte de rapports différents. On ne nouera pas les mêmes alliances en milieu urbain et en milieu rural. Les rapports de travail et les rapports de consommation ne seront pas les mêmes partout, même si les objectifs visés sembleront similaires. Mais partout, à des degrés divers selon les possibilités du milieu concret, on prendra les moyens d'élargir la démocratie, d'accorder à chaque personne, ni plus, ni moins, que la valeur unique qui est la sienne dans la société.

Terminons cette introduction en indiquant que l'approche utilisée dans ce document tente de combiner exercices et information d'une part, avec des réflexions plus théoriques d'autre part. Cette approche vise à permettre à un groupe de s'approprier de façon vivante et adaptée le contenu informatif et théorique du document, dans l'espoir qu'il en tire des conclusions pratiques pour sa propre vie collective.

Par ailleurs, les chapitres ont été conçus de façon à être relativement autonomes les uns par rapport aux autres. On devrait donc normalement pouvoir les lire et les travailler, individuellement ou en groupe, de façon séparée. Cela explique un certain nombre de répétitions d'un chapitre à l'autre. Par contre, l'itinéraire en début de chaque chapitre vise à présenter l'essentiel de son contenu, alors qu'en fin de chapitre, on retrouvera un bref résumé de ce qui y a été vu.

J'espère que le tout servira non pas de livre de recettes, mais d'outil à partir duquel créer, inventer, transformer, et ce, dans le plus grand nombre possible de groupes populaires. Car je pense que ces groupes ont un rôle majeur à jouer dans la création d'un tissu social renouvelé, adapté aux conditions de nos sociétés du 21e siècle et ce tant aux plans économique et politique que social et culturel. À une condition: qu'on y développe la solidarité, le respect des autres, la justice et la créativité. Bref, que ces groupes constituent un espace de plus en plus large pour la vie démocratique.

1. Valeurs, structures et pouvoir face à la démocratie

[Voir l'image pleine grandeur]Groupe de femmes et d'hommes marchant dans la rue pour manifester à l'aide d'affiches et de banderoles

Itinéraire du chapitre

Ce chapitre veut être un outil de réflexion sur la question du pouvoir et, surtout, sur les «rapports de pouvoir». Il y aurait avantage à entreprendre cette réflexion en groupe, en tentant de reconnaître les rapports qui traversent nos sociétés... et nos groupes. En tentant surtout de comprendre pourquoi ces rapports existent, quelle est leur nature (sont-ils fondés sur des caractéristiques individuelles, sur des rapports sociaux, ou sur des analyses et orientations différentes?) et, surtout, comment travailler pour démocratiser les rapports dans nos groupes populaires, bref, à élargir l'espace démocratique.

Le mot pouvoir fait souvent peur dans les groupes populaires. C'est qu'on y ajoute une connotation de domination de l'un sur l'autre, voire d'écrasement des uns par les autres. Pourtant, la démocratie qu'on tente de placer au cœur de nos groupes signifie précisément «la domination, le pouvoir du peuple». Il est vrai que le modèle de pouvoir que nous renvoie la société baigne dans d'autres eaux. Il s'agit largement d'un rapport hiérarchique.

Bien sûr, dans nos groupes populaires, il existe aussi des tensions entre individus, entre sous-groupes, entre les diverses composantes structurelles. Autrement dit, il existe aussi des rapports de pouvoir dans un groupe fondamentalement démocratique. Mais on peut supposer qu'ils tiennent davantage aux objectifs particuliers différents poursuivis par des sous-groupes ou qu'ils reposent plus sur les capacités de chaque personne et sur ses intérêts bien compris et bien assumés par tout le groupe, que sur des ambitions écrasantes et des réflexes purement individualistes.

Cependant, sans rêver en couleur, et tout en sachant que chaque personne a des intérêts qui lui sont propres, on peut tenter de dépasser, au moins de façon satisfaisante, des obstacles créés par des rapports sociaux biaisés et antidémocratiques. Telle est la question de fond que nous pose toute notre réflexion sur les structures et le fonctionnement des groupes. Mais pour y répondre, il faut d'abord et avant tout faire preuve de lucidité et identifier les tensions et les rapports de pouvoir existants.

1.1. Comment se pose la question du pouvoir?

Commençons par un petit exercice qui devrait nous aider à reconnaître certaines inégalités, qui ne sont pas toujours fondées sur des disparités en matière de compétences, mais relèvent souvent des rapports sociaux: racisme, sexisme, dévalorisation de certains métiers et survalorisation de certaines professions, domination de l'économique sur le social, etc.

1.1.1. Exercice sur le pouvoir

A- Sur une échelle de 1 à 5, évaluez le pouvoir des personnes nommées dans l'exercice ci-dessous.

Échelle:

  1. très peu de pouvoir
  2. peu de pouvoir
  3. pouvoir moyen
  4. passablement de pouvoir
  5. beaucoup de pouvoir

Personnages

Tous les membres du conseil d'administration (C.A.) du groupe Lon La Lirette:

Julien: Avocat, célibataire de 28 ans, membre de Lon La Lirette depuis sa fondation il y a huit ans et membre du C.A. depuis cinq ans. Président depuis trois ans. Très actif dans divers groupes du milieu, dont la Chambre de commerce, la paroisse et le Club Optimiste. Pourrait bien se «lancer» en politique éventuellement. En plus d'assumer la présidence, il siège également sur les comités finances et personnel.

Juliette: Travailleuse sociale au CSS, mère de deux enfants adolescents. Trente-neuf ans. Membre du groupe depuis six ans, membre du C.A. depuis deux ans, responsable du comité pédagogie et membre du comité information.

Germaine: Ménagère de 35 ans, mère de quatre enfants de 6 à 14 ans. Très active dans le milieu depuis trois à quatre ans surtout. Son mari est conseiller municipal et dirige l'épicerie familiale depuis le décès de son père. Membre du groupe depuis trois ans et du C.A. depuis un an. Membre des comités information et personnel.

Gérard: Retraité de 67 ans. Entrepreneur en construction et ancien président de la Chambre de commerce locale, il a voulu se «recycler dans le social» en prenant conscience, à sa retraite, de certaines injustices sociales. Épouse décédée, sans enfants. Il est membre du groupe depuis trois ans et du C.A. depuis 2 ans. Également membre du comité finances et du comité information.

Justine: Professeure à l'élémentaire, Haïtienne d'origine, 30 ans. Mariée, un enfant de 5 ans. Au Canada depuis dix ans, membre du groupe depuis trois ans. Membre des comités information et pédagogie.

Marie: Retraitée de 66 ans. Trois enfants mariés. Mari décédé. Ancienne secrétaire-réceptionniste dans un bureau médical. Membre du groupe depuis sa fondation il y a huit ans, du C.A. depuis cinq ans et des comités finances et personnel.

Francine: Coordonnatrice du groupe depuis sa fondation. Formation en pédagogie, niveau universitaire. Célibataire de 35 ans. Membre du C.A. ex officio, mais sans droit de vote. Membre des comités pédagogie et personnel, où elle a droit de vote.

Johanne: Animatrice-formatrice dans le groupe depuis deux ans. Sans formation spécifique au plan académique, mais solide formation/terrain par la pratique. Mère de deux enfants d'âge pré-scolaire. Cheffe de famille monoparentale. Membre des comités pédagogie et information. Représentante du personnel.

B- Échange:

  • Selon vous, qui a le plus de pouvoir? Pourquoi?
  • Quels sont les comités qui ont le plus de pouvoir? Pourquoi?
  • Selon vous, comment pourrait-on agir pour développer davantage la démocratie dans ce groupe?

1.1.2. Acquérir du pouvoir: avoir accès à plus de «possibles»

Quand on parle du pouvoir, on entend généralement ce mot dans le sens avoir du pouvoir sur quelqu'un ou quelque chose. Dans la mesure où les sociétés sont inégalitaires, où les rapports sociaux favorisent certains groupes au détriment d'autres groupes, et donc certains individus aux dépens d'autres individus, ce type de pouvoir existe effectivement... Il est même largement dominant.

Mais on peut également parler du pouvoir comme de la «possibilité de réaliser quelque chose»1. Si cette conception du pouvoir n'exclut pas de prime abord l'existence de rapports de domination, elle ouvre cependant la porte à d'autres applications. Elle permet, entre autres, d'aborder la question du pouvoir sous l'angle du développement personnel et collectif, du partage équilibré entre personnes ou groupes, d'outil de valorisation. Bref, ce pouvoir peut être démocratique, puisqu'il permet de réaliser quelque chose sans nécessairement empêcher les autres de le faire aussi, et sans nécessairement leur imposer quoi que ce soit.

1.2. Les rapports de pouvoir

Si le pouvoir peut être compris comme une possibilité de réaliser quelque chose, il reste que les rapports de pouvoir, pris dans le sens des relations entre individus ou groupes, impliquent des échanges qui permettent d'agir. C'est ainsi que certains théoriciens ont pu définir le pouvoir comme «le fondement de l'action organisée»2. Or, ces échanges peuvent être acceptés ou imposés, égalitaires ou inégalitaires, démocratiques ou antidémocratiques. Il faut bien voir que tous les rapports inégalitaires ne sont pas nécessairement antidémocratiques. Par exemple, le fait que telle personne soit plus compétente que telle autre dans tel domaine n'est pas en soi antidémocratique.

Pour bien comprendre cela, il est bon de se demander, (et on peut y répondre en regardant autour de soi... et en soi), d'où provient le pouvoir. En se rappelant, entre autres, le petit exercice proposé plus haut, il est facile de constater que certaines personnes ou groupes ont du pouvoir à cause :

  • des fonctions exercées: avocat, professeur, médecin, etc;
  • du prestige, de l'autorité «morale» associés à un état: prêtre, lauréat d'un prix ou titulaire d'une médaille, etc;
  • de l'argent possédé;
  • des capacités et aptitudes personnelles, professionnelles ou non: avoir «la parole facile», être reconnu pour son sens pratique ou sa capacité de jugement, bref, tout ce qu'on appelle savoir, savoir-faire, savoir-être, etc;
  • de l'appartenance à une nation, à un pays, dans un monde où certaines nations ont plus de pouvoir que d'autres (par exemple, un pays colonialiste, ou les U.S.A actuellement). Ainsi, dans une société où il y a du racisme, une personne immigrante membre d'un comité risque d'avoir moins de pouvoir que quelqu'un d'autre;
  • de l'appartenance à un groupe: il peut s'agir d'un groupe d'âge (parfois, mieux vaut être plus vieux... ou plus jeune), d'un sexe (les hommes ont encore socialement plus de pouvoir que les femmes en général), d'une classe sociale (un homme d'affaires sera généralement mieux perçu qu'un ouvrier dans un organisme social), d'une association, d'un organisme;
  • de l'appartenance à un groupement d'organismes: par exemple, l'appartenance au RGPAQ rend chacun de ses membres plus fort, lui donne plus de pouvoir.
  • de l'appartenance à une coalition, à une alliance: des alliances, même de courte durée, donnent du pouvoir, même si par définition, elles ne signifient pas nécessairement qu'on partage tous les mêmes objectifs;
  • de la place qu'on occupe dans un comité ou une structure: ainsi, on a souvent plus de pouvoir dans un conseil d'administration ou dans un comité des finances que dans un comité de pédagogie, même si l'on peut le déplorer... Tout comme un président ou une présidente a plus de pouvoir qu'un ou une secrétaire d'organisme, etc.;
  • de l'apparence physique: c'est malheureux, mais la société valorise trop souvent les gens selon leur apparence. On privilégiera certains critères de beauté ou de tenue vestimentaire aux dépens de la compétence;
  • de l'accès à l'information: dans un organisme, les gens les mieux informés ont plus de pouvoir que les autres, quelles que soient par ailleurs leurs fonctions. Les personnes employées d'un organisme détiennent généralement plus de pouvoir qu'elles ne le pensent;
  • de la force physique: dans certains milieux / la force physique compte pour beaucoup, qu'il s'agisse de la force musculaire ou de celle des armes...

On pourrait encore allonger cette liste, mais il reste que généralement, on s'accorde pour reconnaître quatre principales sources de pouvoir3:

  1. l'expertise ou la possession d'une compétence particulière (peut varier, des compétences intellectuelles à la force physique, selon le système ou le milieu où on se trouve);
  2. la maîtrise des relations entre l'organisation et son environnement (celle des gens ou des groupes les mieux placés pour saisir ou créer des liens entre les divers facteurs qui ont de l'influence sur une société);
  3. la maîtrise de l'information;
  4. la fonction occupée dans un système donné.

Ces sources de pouvoir donnent à des individus (ou à des groupes de personnes, le cas échéant) la clé des diverses possibilités de réaliser des choses. Ces clés peuvent soit être utilisées de façon discrétionnaire, soit être acceptées ou négociées avec les autres. Chaque organisation (groupes populaires y inclus) possède sa propre culture organisationnelle, c'est-à-dire sa propre structure de pouvoir, son propre modèle de rapports entre les personnes et les groupes qui la composent.

Ces structures, ces «phénomènes organisationnels», ont fait l'objet de nombreuses études et théories tout au long de l'histoire humaine, mais nous ne pouvons malheureusement nous y attarder dans le cadre du présent document. Nous donnons cependant en annexe quelques indications sur l'évolution des principes organisationnels au cours de l'histoire.

1.3. Le pouvoir et nos organisations

Nos organisations restent encore largement tributaires des modèles organisationnels issus des entreprises à vocation économique. Même les lois qui régissent les organismes sans but lucratif en sont imprégnées. La partie de la loi qui les gère n'est-elle pas «la troisième partie de la loi sur les compagnies» (Loi sur les compagnies, L.R.Q. c. C-38)? Nous y retrouvons donc plusieurs des principes de base de la gestion des entreprises. À titre d'exemple, et sans porter de jugement de valeur sur chacun, nommons:

  • la facilité de créer des organismes: la mise sur pied d'un organisme ne nécessite pas un grand nombre de personnes ni un grand nombre de démarches auprès de l'État. C'est la logique du «laisser-faire» économique transposée dans le «social»;
  • le pouvoir légal est pratiquement laissé entre les mains des personnes qui créent l'organisme OU du conseil d'administration qui en résulte. L'assemblée générale (plus ou moins assimilable à l'assemblée des actionnaires d'une entreprise) n'a, au fond, selon la loi, que le pouvoir d'élire les membres du conseil d'administration et de vérifier les états financiers. On voit que les objectifs visés par la loi sont davantage reliés à une «production efficace» de services qu'à un processus de prise en charge. Ce n'est qu'à l'interne qu'un grand nombre de groupes populaires ont tenté de donner plus de pouvoir aux assemblées générales, afin d'être plus conséquents avec des objectifs de développement personnel et collectif des membres;
  • les Rapports annuels exigés par l'État sont essentiellement d'ordre financier;
  • les Règlements internes et les structures qu'on y trouve généralement sont habituellement conformes à la règle du «pouvoir entre les mains du conseil d'administration (C.A.)»: on y retrouve généralement beaucoup de détails sur les droits et devoirs du C.A., (les autres comités étant plutôt des sous-comités redevables au C.A., même lorsqu'on les fait théoriquement dépendre de l'assemblée générale), sur les droits et devoirs des «officiers» (président, vice-président, secrétaire, trésorier), etc.;
  • les rapports avec les employées et les employés sont plus souvent qu'autrement laissés en friche, un peu comme une entreprise peu intéressée à développer de véritables contrats de travail, bien que ce soit généralement pour des motifs différents;
  • très souvent encore, les employées et employés ne sont pas, ou sont peu, présents dans l'instance dirigeante qu'est le C.A. Quand ils y sont représentés, c'est souvent par l'entremise de quelqu'un qui occupe une fonction de coordination (direction?).

Bref, même si plusieurs d'entre elles ont fait du chemin et cherché à créer de nouveaux modèles, nos organisations restent socialement portées à reproduire le modèle des entreprises. C'est normal, non seulement parce que la pression sociale va en ce sens, mais aussi parce que les facteurs internes le favorisent. Par exemple, on peut constater diverses étapes de développement des groupes:

  1. une période de «conquête» où règnent l'enthousiasme, l'espoir, la démocratie directe, les débats larges sur toutes les questions, les discussions idéologiques, etc.;
  2. une période de «consolidation» structurelle et économique où les membres, «essoufflés», cherchent à rationaliser le fonctionnement, explorent des moyens de financement plus stables, commencent à développer une certaine délégation de pouvoirs (moins d'assemblées larges, moins de débats idéologiques), confient les finances et parfois d'autres questions à des spécialistes qui ont beaucoup de «pouvoir» dans leur domaine, etc. Conséquence: une certaine perte d'intérêt chez plusieurs;
  3. une période de «coexistence» des deux tendances précitées: une tension existe entre l'idéologie et les exigences de la vie quotidienne, on gère plus et on «éduque» moins, les spécialistes prennent plus de place mais les non-permanents revendiquent ou critiquent, etc. Bref, une certaine confusion règne et on constate souvent une coupure entre la direction, la «base» et le «milieu»;
  4. une période, enfin, de développement du pouvoir mixte entre «administrateurs» et «permanents». Les structures deviennent plus lourdes, le pouvoir s'émiette entre de nombreux comités, d'où la centralisation des décisions les plus importantes au C.A.

Tout cela, bien sûr, nous pousse à nous donner des cadres qui épousent des modèles connus et, plus souvent qu'autrement, ceux des entreprises. Pourtant, nos objectifs ne sont pas les mêmes, ni les contextes dans lesquels nous opérons.

1.4. Retour sur le chapitre premier

Il est important, dans une perspective d'élargissement de l'espace démocratique, que les groupes populaires se donnent des structures qui leur permettent d'assurer le développement du plus grand nombre de pouvoirs possible, afin que les personnes et catégories de personnes impliquées puissent vraiment prendre en charge leurs intérêts, et qu'elles puissent également prendre pleinement leur place dans la société. Pour cela, il faut un certain exercice du pouvoir, exercice qui peut se vivre normalement dans nos groupes, à la condition de rester constamment attentifs et de ne pas se contenter de reproduire les modèles dominants de nos sociétés, hiérarchisés et axés sur l'efficacité dans la production.

Bien sûr, il ne s'agit pas de se distinguer à tout prix des entreprises par des structures originales. Mais il importe de s'assurer que nos structures correspondent aux besoins réels (population-cible, intervenantes et intervenants, milieu) et surtout, aux objectifs, du groupe. Nous traiterons de cette question plus en détail dans le chapitre suivant, ce qui nous permettra de constater que plusieurs modèles peuvent être légitimes. En fait, cette diversité est même nécessaire, y compris pour atteindre des objectifs semblables, puisque les groupes s'inscrivent dans des contextes différents.

2. Divers modèles d'organisation démocratique

[Voir l'image pleine grandeur]Femmes et hommes réunis dans une salle lors d'un vote à main levée

Itinéraire du chapitre

Pour bien introduire ce chapitre, nous proposons un autre petit exercice. Par la suite, nous passerons en revue divers modèles, issus pour la plupart des groupes en alphabétisation et donc apparentés aux nôtres ou à ceux des groupes que nous côtoyons, et nous tenterons d'en tirer certaines conclusions. Pour l'essentiel, ces conclusions s'orientent dans le sens suivant: (i) l'organisation et les structures des groupes populaires peuvent, et même doivent varier selon les besoins et les conditions de chaque milieu; (ii) ces groupes partagent cependant un même objectif, soit de toujours aménager la plus large place possible au développement collectif et à l'épanouissement individuel.

2.1. Un exercice

Répondez rapidement aux questions suivantes (individuellement ou à plusieurs):

Cet exercice très simple vise à nous ramener à la situation concrète de notre groupe d'appartenance, avec son histoire propre et son fonctionnement actuel. Il s'agit donc simplement de décrire certaines caractéristiques fondamentales de notre organisation en fonction des critères identifiés ci-dessous.

Éléments d'histoire

Quand votre groupe a-t-il été créé?
Où?
Par qui? (groupes, organismes, personnes et fonctions occupées à l'époque)
Comment a-t-il été créé? (processus ou caractéristiques spéciales)

Membership

Qui est membre? (catégories de membres)

  • participantes et participants?
    Oui
    Non
  • animatrices et animateurs?
    Oui
    Non
  • autres? (préciser)
    Oui
    Non

Combien de membres le groupe compte-t-il actuellement environ, selon chaque catégorie?

  • participantes et participants:
  • animatrices et animateurs:
  • autres (préciser)?

Conditions pour devenir membre? (lieu de résidence? cotisation? adhésion aux objectifs? autre?)

Assemblée générale

Existe-t-elle?
Quels sont ses pouvoirs?
À quelle fréquence se réunit-elle?
La participation aux A.G. est-elle satisfaisante?

Conseil d'administration

Répartition des membres (nombre)?:

  • participants et participantes
  • animateurs et animatrices
  • autres (préciser)

Sont-ils élus ou nommés?
Comment?
Quels sont ses pouvoirs?

Autres comités

Quels sont les autres comités?
Comment leurs membres sont-ils nommés?

Employées et employés permanents

Comment procède-t-on à leur embauche?
Quels sont, selon vous, leurs pouvoirs?
Ont-ils un contrat de travail?
Si oui, ce contrat protège-t-il leur emploi?
Comment?

Participantes et participants

Participent-ils aux comités? Si oui, lesquels?
Pouvez-vous identifier d'autres formes de participation aux décisions pour les participantes et participants?

2.2. Quelques modèles classiques d'organisation

On peut identifier un certain nombre de modèles organisationnels classiques, en fonction de l'accent qu'ils mettent sur tel ou tel type d'équilibre ou de répartition des pouvoirs. Soulignons-en quelques-uns:

  1. Le modèle d'«organisation de masse», avec représentation de bas en haut: il privilégie, en principe du moins, le membre à la base, ainsi que la délégation de pouvoirs. Les membres se réunissent en assemblée générale, laquelle est censée être «souveraine». C'est elle qui définit les objectifs, les politiques, prend les décisions d'orientation, élit les administrateurs ou les membres de l'exécutif, forme les autres comités de travail, vérifie les finances, adopte les prévisions budgétaires, etc. Dans ce modèle, en principe toujours, le conseil d'administration (C.A.) est l'exécutant et ne gère les affaires du groupe qu'entre les assemblées générales;
  2. Le modèle de cooptation: le «collectif», qui privilégie une participation parfaitement égalitaire de tous les membres, qui prennent part, en principe, à toutes les décisions. L'assemblée générale et le conseil d'administration seraient, théoriquement, identiques, quoiqu'on puisse relever deux tendances: ou bien le collectif constitue l'assemblée générale, qui délègue alors certaines fonctions administratives à un C.A., ou encore le collectif s'identifie au C.A. et donc à l'assemblée générale simultanément. Les nouveaux membres sont «cooptés», c'est-à-dire choisis par consensus ou par vote majoritaire, par le collectif;
  3. Le pendant du collectif dans le mouvement des femmes est appelé «collective»4. On dit parfois que ce modèle est «un style de vie plus qu'un mode de fonctionnement [...] Dans presque tous les cas, les femmes choisissent ce mode de gestion en collective afin de mettre en pratique une vision féministe du monde et d'éviter un fonctionnement patriarcal... Le fonctionnement en collective privilégie des prises de décision par consensus où chacune peut exprimer librement son point de vue. Lorsque chacune est d'accord avec la décision ou prête à se rallier, la décision est prise.» Comme dans le collectif, on y retrouve deux tendances: assimiler le collectif au conseil d'administration, ou bien l'identifier à l'assemblée générale, ce qui, bien sûr, implique une possible délégation de pouvoirs sur certaines questions5;
  4. Le modèle d'entreprise classique: la direction pyramidale de haut en bas. Une personne ou un petit groupe contrôle à toutes fins pratiques l'organisme et le gère comme sa propriété. Les autres individus impliqués sont le personnel qui dispense le service ou les clients et clientes;
  5. Le modèle d'entreprise de type autogestion: le principe de base veut que la propriété de l'entreprise revient aux personnes qui y travaillent. Cependant, la gestion peut être assurée par des gens à qui les «actionnaires» délèguent leur pouvoir, comme dans une entreprise classique. Dans une coopérative de travail, par exemple, les propriétaires de l'entreprise sont les travailleurs et travailleuses, mais les structures de gestion peuvent varier, généralement en fonction de la taille de l'entreprise. Ainsi, dans une petite entreprise, on peut concevoir une gestion de type «collectif», tandis que dans une entreprise plus importante, des administrateurs se font déléguer les pouvoirs de gestion. On a même pu voir subsister, dans ce genre de coopérative, un syndicat regroupant, du point de vue de la défense de leurs droits de travailleurs, les mêmes personnes que les assemblées générales d'actionnaires. La défunte entreprise TRICOFIL, à St-Jérôme, fonctionnait de cette façon;
  6. Le modèle participatif de type cogestion: ce modèle tente de faire participer, à divers degrés, les travailleurs et travailleuses à la gestion de l'entreprise. Le principe de «l'intéressement» se retrouve généralement dans ce modèle: rétributions diverses aux travailleurs et travailleuses sous forme de participation aux profits, et qui varient donc selon la productivité. Mais on ne peut réellement parler de «cogestion» que si les travailleurs et travailleuses participent aux décisions relatives à la gestion;
  7. Le modèle institutionnel: peut-être pourrions-nous alors parler de «gestion ministérielle»... Par exemple, les modèles de gestion qu'on retrouve dans les C.L.S.C, qui impliquent une certaine participation des «usagers et usagères», mais aussi des travailleuses et travailleurs. L'ensemble demeure cependant soumis aux politiques ministérielles.

2.3. Résultats d'une mini-enquête [...]

Résultats d'une mini-enquête: synthèse des caractéristiques de divers groupes populaires ou communautaires

2.3.1. Synthèse des caractéristiques de 22 groupes membres du RGPAQ

Ces 22 groupes membres du RGPAQ proviennent des quatre coins du Québec et présentent des caractéristiques assez variées sur le plan organisationnel aussi bien qu'en ce qui concerne leurs histoires respectives. Il ne s'agit pas ici de rendre compte de façon précise de toutes leurs caractéristiques, mais de donner certaines indications qui nous ont permis de proposer un certain nombre de modèles organisationnels dans la section suivante (point 4 du présent chapitre). Nous présentons donc un portrait général comportant divers éléments allant de la date de fondation à la participation des apprenantes et apprenants en passant par diverses structures de prise de décision.

Échantillonnage:
22 groupes populaires œuvrant dans le champ de l'alphabétisation.

Dates de fondation:
Elles sont très variées, s'étalant entre 1967 et 1991:
1967 (1 groupe), 1972 (2), 1978 (1), 1980 (1), 1981 (1), 1983 (2), 1984 (6), 1985 (1), 1986 (1), 1987 (2), 1989 (1), 1990 (1), 1991 (2).

Lieux de fondation:
On peut classer les groupes selon leur appartenance à des grands centres urbains, à des centres semi-urbains ou à des régions rurales:

  • Grands centres urbains: 9;
  • Centres semi-urbains: 6;
  • Régions rurales: 7.

Membership:
De façon générale, la plupart des groupes ont un membership qui inclut aussi bien:

  • les apprenantes et apprenants: 18 en ont alors que 4 n'en ont pas ou pas encore;
  • les formateurs et formatrices: 16 en ont contre 4 qui n'en ont pas et 2 qui n'ont pas répondu à cette question;
  • des membres de l'extérieur, représentants d'organismes ou membres à titre individuel: 14 en ont, contre 6 qui n'en ont pas et 2 qui n'ont pas précisé.

Assemblée générale:

  • 18 en tiennent au moins une chaque année (3 en ont deux par année); - 4 n'en ont pas encore.

Membres du conseil d'administration:
La composition du C.A. varie beaucoup:

  • Certains C.A. incluent des apprenants et apprenantes, d'autres non. Ainsi, 13 groupes ont sur leur C.A. des apprenantes et apprenants. Le nombre varie également: l/9e du C.A. dans un cas; 1/4 dans deux cas, l/5e du C.A. dans trois cas, 1/3 dans deux cas, la moitié dans deux cas. Les trois autres groupes n'ont pas précisé le nombre;
  • Même chose pour les formateurs et formatrices: 14 groupes comptent des personnes représentant les formateurs et formatrices sur leur C.A. Le nombre varie: l/5e dans trois cas, 1/4 dans un cas, 1/3 dans quatre cas, la totalité des membres dans trois cas et les trois autres groupes n'ont pas précisé;
  • Enfin, quelques C.A. incluent des membres provenant de l'extérieur de l'organisme, (15 groupes sur 22,5 n'en ayant pas et 2 ne le précisant pas). Dans un groupe, ils représentent l/5e des membres du C.A., dans trois groupes, 1/3, dans trois groupes, la moitié, dans trois groupes, 3/5e et dans un autre groupe, 3/4. Les autres groupes de l'échantillon ne précisent pas le nombre. Enfin, ces personnes y représentent parfois des organismes extérieurs, alors que d'autres siègent à titre personnel.

Mode de nomination des membres du conseil d'administration:
Dans tous les cas sauf trois, les membres du conseil d'administration sont nommés par l'assemblée générale. Dans les trois autres cas, le mode de nomination s'apparente davantage à la cooptation.

Autres comités:
Une minorité de groupes sont dotés de comités permanents autres que l'équipe de formatrices / formateurs (10 sur 22: il s'agit alors de comités d'apprenantes/apprenants, souvent axés sur l'organisation de loisirs, ou bien, dans deux cas, de comités mixtes portant sur la pédagogie). Dans la plupart des autres groupes, on met sur pied des comités ad hoc au besoin.

2.3.2. Caractéristiques de certains groupes communautaires [...]

Caractéristiques de certains groupes communautaires extérieurs au RGPAQ et à l'alphabétisation (pour fins de comparaison)

Exemple I:

  • Membres de l'assemblée générale: sur une base volontaire impliquant l'adhésion aux objectifs et le paiement d'une cotisation. Membres individuels ou collectifs (organismes);
  • Conseil d'administration: composé de sept personnes élues en assemblée générale, dont deux représentants du personnel avec droit de vote;
  • Pour les questions d'organisation du travail, tous les employées et employés ont droit de siéger et de voter jusqu'à concurrence du nombre de membres réguliers non employés présents. Par exemple, quatre employés ont droit de vote si quatre membres non employés du C.A. sont présents, etc.;
  • Divers sous-comités: finances, information, etc.: tous composés de travailleuses et travailleurs, de membres du C.A. et de membres en général.

Exemple II:

  • Membres de l'assemblée générale: organismes et individus sur la base de l'adhésion aux objectifs et du paiement d'une cotisation;
  • Une forme de droit de veto est reconnue aux membres collectifs par l'imposition d'une clause stipulant qu'au moins 50% de leurs représentants et représentantes doivent être favorables à une résolution pour qu'elle soit adoptée...;
  • Divers autres comités: finances, personnel, information/formation, gestion, développement : composés de membres du C.A. et autres.

Exemple III: (Revue alternative)

  • Membres de l'assemblée générale: membres cooptés (choisis) par les membres actuels;
  • Pas de C.A., mais tout est décidé en collectif;
  • Divers comités de travail: rédaction, finances, réalisation technique, relations extérieures.

Il peut être utile, à ce stade, de partager nos réactions au portrait que nous venons de proposer. D'abord pour exprimer nos premières impressions, ensuite pour les confronter à celles des autres, afin de développer plus facilement des idées, des opinions précises et déjà partiellement vérifiées.

  • Quelles questions ce tableau vous inspire-t-il, en général, en ce qui concerne les structures? Comment réagissez-vous face à leur diversité? Avez-vous l'impression qu'il faut en choisir une en particulier qui corresponde à la culture des groupes populaires?
  • Quelles questions ce tableau vous inspire-t-il en ce qui concerne la répartition ou le partage du pouvoir entre les diverses structures (C.A., assemblée générale, autres comités), pour chaque modèle qui vous intéresse?
  • Comment, selon vous, se répartit l'équilibre des pouvoirs pour les catégories de personnes impliquées (permanentes et permanents, participantes et participants, autres)?

2.4. Des modèles d'organisation dans les groupes populaires

À partir des réflexions et du débat précédents, il pourrait être souhaitable, pour développer nos conclusions, de procéder en équipe à un petit exercice.

2.4.1. Exercice

Objectif

Organiser un groupe d'alphabétisation.

Déroulement

1re étape: préciser le milieu dans lequel se trouvera ce groupe (milieu urbain /semi-urbain / rural, caractéristiques socio-économiques du milieu, principaux organismes agissant dans le milieu, etc).

2e étape: projeter l'image du groupe qu'on veut créer:

  • définir ses objectifs (éléments de lettres patentes);
  • établir les grandes lignes de sa programmation (comment réalisera-t-il ses objectifs?);
  • lui donner un plan de travail;
  • le doter de structures conséquentes, à savoir qui lui permettent d'accomplir le travail tel que défini (modèle de gestion, comités de travail, équilibre de pouvoir recherché entre les diverses composantes du groupe, etc.);
  • lui donner un mode de fonctionnement adéquat (autres éléments de règlements généraux que vous jugeriez utiles);
  • prévoir ses sources et son mode de financement.

3e étape: le groupe prend alors du recul et vérifie la pertinence de son projet:

  • correspond-il vraiment aux besoins du milieu?
  • respecte-t-il les catégories de personnes impliquées: participantes et participants, animatrices et animateurs, autres forces importantes à ne pas négliger dans le milieu?

2.4.2. Nos modèles

(Tirés de la mini-enquête du point précédent)

Il est important de ne pas ériger en super-modèle tel ou tel type d'organisation. Chaque modèle comporte des points forts, mais aussi des faiblesses potentielles. C'est ce que nous tenterons de préciser dans les lignes suivantes. L'essentiel, dans toute cette démarche consiste à trouver la meilleure organisation possible en fonction des conditions concrètes de nos pratiques, et toujours en fonction d'un objectif que partagent tous nos groupes: utiliser le plus large espace démocratique possible, afin de nous donner le plus de chances de nous développer au maximum, tant sur le plan individuel qu'au niveau de notre collectivité.

Pour mieux comprendre ce qui suit, il convient peut-être de préciser ce que nous entendons par deux termes utilisés, soit les rapports de travail et les rapports de consommation. Nous ne développerons pas ici la théorie à laquelle appartiennent ces deux concepts, théorie qu'on appelle l'approche de la régulation. Si vous voulez en savoir davantage, vous pouvez vous reporter à l'annexe II. Pour l'instant, il suffira de préciser, dans le cadre qui nous préoccupe ici, que:

  • les rapports de travail désignent l'ensemble des structures et des conditions dans lesquelles se vit le travail: égalité ou hiérarchie, pouvoir ou domination, prise de décision de façon autoritaire ou démocratique, etc.;
  • les rapports de consommation désignent les conditions et les échanges associés aux fonctions consistant à fournir des services: souci plus ou moins grand de répondre aux besoins des «clients», ouverture plus ou moins grande à la participation de ces «clients» aux prises de décision, etc.

2.4.2.1. Modèle I – Le collectif autogestionnaire

Caractéristiques:

Ce modèle met l'accent sur la gestion du groupe par les personnes qui y travaillent. On tente, en fait, de créer des rapports de travail différents de ceux qu'on retrouve dans l'ensemble de la société. On recherche des rapports de travail plus égalitaires. Le collectif des travailleurs et travailleuses s'identifie en pratique à l'assemblée générale et au conseil d'administration. Tout le pouvoir de gestion est entre ses mains.

Points forts:

  1. Recherche de changements sociaux au niveau des rapports de travail;
  2. Participation intense et égalitaire des travailleuses et travailleurs;
  3. Facilite normalement la cohésion, une relative communauté de pensée et une certaine homogénéité pédagogique.

Questions:

  1. Au plan des rapports de consommation, comment développer la prise en charge par les participantes et participants (consommateurs d'un service) de leurs propres conditions d'apprentissage?
  2. Comment les rendre plus à même de prendre en charge l'ensemble de leurs conditions de vie et de travail?
  3. Comment faire profiter l'ensemble de la collectivité (surtout la communauté locale) des acquis de ce modèle?
  4. Une sous-question: comment éviter le développement de ce modèle en « serre-chaude », éviter d'en faire un petit groupe trop isolé des autres?
  5. Ce modèle est-il réalisable aussi bien en milieu rural ou semi-rural qu'en milieu urbain?

2.4.2.2. Modèle II – Concertation sociale

Caractéristiques:

Ce modèle recherche une participation équilibrée des différentes forces et catégories dont peut dépendre la réussite du projet dans un milieu donné. En général, on y retrouvera une assemblée générale composée de participantes et participants, d'animatrices et d'animateurs ainsi que de gens du milieu en général (individus ou représentants d'organismes, ou les deux). Ces trois catégories seront également représentées dans le conseil d'administration.

Points forts:

  1. Favorise normalement l'enracinement dans le milieu et ce, aussi bien par l'influence du groupe sur le milieu que réciproquement, ce qui facilite généralement la recherche de soutien et de financement, qu'il soit institutionnel ou en provenance de l'ensemble de la communauté;
  2. Peut faciliter la prise en charge, par les apprenantes et apprenants, de leurs propres conditions d'apprentissage pourvu qu'on soit attentif à l'importance de leur participation;
  3. S'inscrit bien, normalement, dans la dynamique de régions où la communauté globale (rapports consensuels) a autant, sinon plus, d'importance que les rapports «contradictoires» ou conflictuels. Autrement dit, ce modèle s'inscrit bien dans un contexte de «compromis social» entre diverses forces et tendances sociales.

Questions:

  1. Comment assurer une réelle motivation et prise en charge chez les animatrices et animateurs (au niveau des rapports de travail)?
  2. Sous-question: comment éviter (ou limiter?) la hiérarchisation dans l'organisation du travail?
  3. Comment éviter que ce modèle devienne un instrument entre les mains de groupes dominants dans le milieu, dans la mesure où il pourrait servir leurs intérêts (commission scolaire, municipalité, partis politiques, gouvernements, etc.), surtout quand le soutien quotidien et financier du projet dépend en grande partie de ces groupes et institutions?

2.4.2.3. Modèle III – Prise en charge

Caractéristiques:

Ce modèle privilégie le développement personnel et collectif des participantes et participants, par leur participation la plus active possible à tous les paliers de décision. Les personnes participantes composent l'essentiel de l'assemblée générale, du conseil d'administration et des autres comités de travail. Bref, toutes les structures et le fonctionnement du groupe en général sont axés sur les participantes et participants.

Points forts:

  1. Vise explicitement à susciter le développement des participantes et participants par l'apprentissage, mais aussi dans l'apprentissage, et cherche donc à favoriser, d'abord et avant tout, leur prise de pouvoir;
  2. S'inscrit bien dans un contexte où le compromis social favorise l'expression et la prise de pouvoir des personnes défavorisées ou des membres des classes non dominantes;
  3. Vise donc à favoriser des changements sociaux au sein des rapports de consommation et, indirectement, sur le plan des rapports de travail.

Questions:

  1. Comment travailler à la prise en charge des participantes et participants lorsque la tendance générale des institutions est d'intervenir auprès de ces mêmes groupes de personnes par le biais de politiques allant tout à fait à l'encontre de la prise en charge individuelle et collective de ces dernières (loi 37...)?
  2. Comment assurer des rapports de travail satisfaisants, c'est-à-dire éviter que les travailleuses et travailleurs deviennent de simples producteurs de services?
  3. Comment établir des liens solides avec des institutions ou des organismes (syndicaux ou autres) pour obtenir du soutien?

2.4.2.4. Modèle IV – Modèle semi-institutionnel [...]

Modèle IV – Modèle semi-institutionnel ou de production de services

(que l'accent soit mis sur le professionnalisme ou sur le bénévolat)

Caractéristiques:

Ce modèle se retrouve surtout dans des groupes très étroitement liés à des institutions, à cause de leur histoire ou de leur fonctionnement quotidien. On y retrouve des éléments de prise de décision interne (assemblée générale et C.A., dont la composition est variable), combinés à des conditions parfois contraignantes imposées par les institutions concernées (par exemple, la commission scolaire nomme les formatrices et formateurs).

Points forts:

  1. Soutien du milieu important et normalement assuré;
  2. Les services sont donc également assurés tant que les institutions du milieu y trouvent leur intérêt (s'inscrit dans un certain type de rapports de consommation);
  3. Favorise un certain consensus social.

Questions:

  1. Comment agir pour favoriser la prise en charge par les participantes et participants de leur apprentissage et leur permettre d'acquérir du pouvoir?
  2. Comment agir pour favoriser le développement de rapports de travail où les formatrices et formateurs sont mobilisés, motivés, satisfaits?
  3. Comment agir pour amener les changements nécessaires à l'élargissement de l'espace démocratique dans la société?

Exercice:

À ce stade, il peut être utile de revenir sur chaque modèle, afin de vérifier si l'on est d'accord ou non avec les caractéristiques, les forces et les faiblesses identifiées. Il s'agit moins, dans un premier temps, de porter un jugement sur chaque modèle, que de s'assurer que nous le comprenons bien... avant de le «juger».

  1. Vérifiez si vous êtes d'accord avec les «points forts» identifiés pour chaque modèle;
  2. Répondez aux questions associées à chacun des modèles;
  3. Maintenant, que pensez-vous de chaque modèle?

2.5. Retour sur le chapitre 2

Pour amorcer une réflexion globale sur ce chapitre, nous nous contenterons de souligner certains enjeux et questions qui nous semblent en ressortir.

Concrètement, selon la conjoncture générale et locale, on peut envisager des équilibres différents entre les forces que constituent les apprenantes et apprenants, les formatrices et formateurs, les autres organismes du milieu, etc. En fait, ces équilibres varient en fonction des milieux et des époques, et on doit en tenir compte dans nos organisations. Sinon, notre organisation ne pourra pas s'implanter et se développer dans le contexte social où elle s'inscrit. C'est là l'enjeu primordial de ce chapitre.

En ce sens, il est bon de rappeler certaines questions-clés:

  1. Quel type de «compromis social» ou d'équilibre entre les diverses forces de la société caractérise actuellement notre région ou notre quartier? Plus consensuel, plus conflictuel? Collaboration ou lutte entre les diverses forces sociales? Domination ou échange? Ouverture ou opposition?
  2. Dans ces conditions, comment envisageons-nous pouvoir élargir la place des milieux populaires dans la société? Autrement dit, comment nous apparaît-il possible d'élargir l'espace démocratique pour les milieux populaires, dans un contexte social comme celui de notre quartier ou de notre région? Par la collaboration? La lutte? La confrontation? Le dialogue? L'échange?

C'est à toute cette problématique que nous renvoie ce chapitre. Il est important de le reconnaître et d'agir en conséquence, localement, en gardant toujours à l'esprit l'objectif fondamental de tous les groupes populaires: une plus grande prise de parole pour les milieux populaires, un élargissement de l'espace démocratique, même si la manière d'y parvenir varie d'un milieu et d'un contexte à l'autre.

3. Structures et intervention dans un groupe populaire [...]

Structures et intervention dans un groupe populaire: pour mieux agir démocratiquement

[Voir l'image pleine grandeur]Groupe de discussion composé de femmes et d'hommes installés en cercle

Itinéraire du chapitre

La vie quotidienne d'un groupe est faite de rapports divers, généralement déterminés par les structures, l'organisation et la division du travail, les liens avec le milieu, etc. Dans ce chapitre, nous nous contenterons de revenir sur certains éléments de base de la «vie structurelle» d'un groupe, c'est-à-dire ses fondements et son fonctionnement légal: ses lettres patentes, règlements généraux, assemblée générale, conseil d'administration, etc., ainsi que sur son fonctionnement formel, c'est-à-dire les étapes de fonctionnement qu'il peut se donner pour clarifier, adapter ou atteindre ses objectifs: enquête, analyse, programmation (objectifs généraux et spécifiques, méthodes et moyens), plan de travail, bilan, etc. Ce n'est que dans le chapitre suivant, portant celui-là sur la mobilisation dans les groupes, que nous nous pencherons sur la vie informelle du groupe: rapports humains, conflits, etc.

Ce cadre n'est cependant proposé que pour aider le fonctionnement formel d'un groupe. Il ne doit donc pas être suivi à la lettre et chronologiquement. Il s'agit en fait d'un ordre logique et non d'étapes à suivre de façon contraignante. On s'en sert donc comme d'un guide et non comme d'une recette qui risquerait d'alourdir indûment la vie du groupe. Par contre, ce guide a l'avantage de nous rappeler les exigences fondamentales du fonctionnement d'un groupe:

  1. fonder nos actions sur nos objectifs fondamentaux;
  2. bien connaître les besoins du milieu — en cherchant constamment à le sonder par des enquêtes — et les changements qui le marquent;
  3. se doter de plans généraux d'intervention toujours enracinés dans nos objectifs;
  4. se donner des plans de travail à court terme, et conformes à nos objectifs;
  5. évaluer notre travail régulièrement.

3.1. Exercice

Pour entrer dans le vif du sujet, il peut être utile de nous rappeler, de façon systématique, ce qu'est la vie quotidienne dans notre groupe: comment les choses se passent, ce qu'on y fait, ce qu'on y vit... Voici quelques questions-guides qui nous aideront dans cette tâche:

  1. Essayez d'identifier l'ensemble des activités de votre groupe à partir du thème «Une semaine dans la vie de notre groupe»;
  2. Complétez en identifiant des activités qui ne reviennent pas à chaque semaine, mais qui se déroulent occasionnellement: assemblée générale, conseil d'administration, réunions de comités, sorties ou activités sociales spéciales, autres activités ponctuelles, etc.;
  3. Trouvez les modalités organisationnelles (bénévoles ou rémunérées) les plus susceptibles, selon vous, de permettre au groupe de réaliser toutes les activités précitées, tout en poursuivant sans faiblir ses objectifs fondamentaux.

3.2. Les fondements légaux d'un groupe populaire

En général

Les fondements légaux d'un groupe sont en fait les principaux éléments à considérer lorsqu'on veut créer un organisme. Il faut d'abord que les objectifs du groupe soient clairs et, ensuite, que ces objectifs figurent dans les «lettres patentes» du groupe, ainsi que dans ses règlements généraux. Enfin, si l'on prévoit éventuellement faire une demande pour que le groupe soit reconnu comme organisme de charité, il peut être utile de formuler les objectifs, dès le départ, de façon à respecter les conditions gouvernementales régissant l'octroi d'un «numéro de charité».

Clarifier ses objectifs

Avant toute démarche formelle, il convient d'abord de clarifier ses objectifs. Il est toujours possible, bien sûr, de changer les «objets» de l'organisme plus tard, mais il faudra alors entreprendre d'autres démarches juridiques, ce qu'il est préférable d'éviter quand on est un groupe en pleine expansion et qu'on a d'autres chats à fouetter.

C'est aussi dès cet instant qu'il faut commencer à respecter l'esprit que l'on veut voir régner au sein de l'organisme. En ce sens, la formulation des objectifs doit se faire démocratiquement, pour éviter qu'une ou deux personnes s'approprient le groupe.

Prévoir, le cas échéant, une demande de «numéro de charité»

Il peut être utile, dès cet instant, de prévoir une formulation qui permettra une éventuelle obtention d'un «numéro de charité». On peut adresser une demande de formulaire à cet effet au ministère (fédéral) des Finances qui accorde ces «numéros». En général, et sous réserve de changement à la loi, il faut que les «objets» de l'organisme, tels qu'ils apparaissent dans les «lettres patentes», établissent clairement qu'il poursuit des objectifs charitables, à caractère religieux, économique ou éducatif.

Un organisme: plus qu'une «association de bonne foi»

Beaucoup d'organismes commencent comme simple association basée sur la bonne foi de leurs membres, sans règlement ou contrat explicite. Mais dès que le groupe se développe et qu'on commence à y gérer des biens, il peut devenir nécessaire de se constituer en organisme formel. Première démarche utile pour avoir «pignon sur rue»: l'enregistrement. En particulier, dès qu'on commence à «faire des affaires» (activités d'autofinancement par exemple, etc.), l'enregistrement devient une obligation.

L'enregistrement est simple: il suffit de remplir un formulaire au bureau des raisons sociales du Palais de justice de la région ou de la ville et de payer des frais minimes. Cette démarche permet de garantir l'usage du nom de l'organisme, de fixer son adresse et d'en identifier les responsables.

Les règlements de régie interne

Avec le développement du groupe, on assiste généralement à une certaine complexification des rapports. On ressent alors le besoin de se doter de certaines règles: c'est le Règlement de régie interne, qui gouverne essentiellement les questions relatives aux membres, au financement, au processus de prise de décision, à la représentation de l'organisme à l'externe, etc. À partir du moment où l'organisme adopte de tels règlements (qui lient ses membres entre eux), on peut dire qu'il est devenu une «société» au sens de la loi.

Les Règlements comporteront généralement les éléments suivants:

  • le nom de l'organisme;
  • l'adresse de son siège social;
  • ses buts;
  • ses membres: qui peut l'être? Comment le devenir? Doit-on payer une cotisation? Quelles sont les modalités relatives aux démissions ou aux exclusions?;
  • les assemblées générales: fréquence, modalités et délais de convocation, quorum, procédure...;
  • le conseil d'administration le cas échéant: mode d'élection, pouvoirs, devoirs, fonctions particulières (présidence, secrétariat, trésorerie), fréquence des réunions, quorum, modalités de convocation, démissions ou exclusions...;
  • dispositions financières: année financière, ouverture d'un compte bancaire, signataires des chèques, etc.;
  • modalités pour modifier les Règlements.

L'incorporation

La loi prévoit la possibilité pour les sociétés de «s'incorporer» officiellement. Cette opération constitue un pas de plus dans la reconnaissance juridique d'un organisme. Elle permet, entre autres, d'éviter que les membres individuels soient poursuivis pour une dette contractée par l'organisme, puisque celui-ci est alors devenu une «personne morale» et que sa responsabilité est «limitée», à moins qu'il n'y ait eu fraude.

Il existe des corporations qui ont pour objet de faire des profits, les corporations par actions, des corporations qui sont à but lucratif et des corporations qui fonctionnent sur une base coopérative.

Dans le cas qui nous préoccupe ici, on parle d'associations sans but lucratif, créées en vertu de la troisième partie de la loi sur les compagnies du Québec. Ces dispositions législatives permettent de mettre sur pied des associations qui ne visent pas à faire des profits, mais poursuivent des buts charitables, éducatifs, scientifiques, artistiques, sportifs ou sociaux.

Pour s'incorporer, on demande le formulaire à cet effet au ministère des consommateurs, coopératives et institutions financières.

Le formulaire à remplir comporte les éléments suivants:

  • Description des requérants et requérantes: nom, adresse, profession;
  • Noms des trois personnes, parmi les requérants, qui seront chargées d'administrer provisoirement l'association;
  • Nom de la ville où sera situé le siège social de la corporation;
  • La valeur des immeubles que la corporation est autorisée à posséder: le montant généralement indiqué va de 300,000$ à 3,000,000$;
  • Les «objets» de la corporation: il est bon d'utiliser des formules plutôt larges, pas trop contraignantes;
  • Les prévisions relatives à une éventuelle dissolution de la corporation. On indique habituellement: «Advenant la dissolution de la corporation, tous ses biens seront dévolus à un ou des organismes poursuivant des objectifs similaires ou exerçant des activités analogues»;
  • Le formulaire exige également une déclaration sous serment signée devant un avocat, un notaire ou un commissaire à l'assermentation. Le formulaire doit alors être retourné au ministère, avec un chèque à l'ordre du ministre des Finances au montant exigé.

Après l'incorporation

L'incorporation est accordée par l'émission de lettres patentes.

Il est préférable de constituer un «Livre de minutes» dans lequel on intégrera les documents importants de la vie de l'association. Le premier document sera, évidemment, les lettres patentes, suivi des comptes rendus de réunions des requérantes et requérants, jusqu'à la tenue, le plus tôt possible, de la première assemblée générale. Cette première assemblée générale, constituée par les requérants eux-mêmes, peut alors admettre de nouveaux membres, adopter les Règlements, élire les administrateurs permanents, fixer le montant de la cotisation, etc.

La coopérative

Il s'agit d'une autre forme juridique d'association utile pour les groupes populaires. Il faut remplir un formulaire spécial et réunir un minimum de 12 requérantes et requérants. La formule coopérative suppose que les membres achètent une part sociale (remboursable) et qu'ils participent aux tâches de la coopérative. Enfin, le principe de base du coopératisme — «une personne physique, un vote» — doit toujours être respecté, quelles que soient par ailleurs les parts détenues... Cette formule est beaucoup plus complexe, mais elle est parfois nécessaire pour certains types d'associations, en particulier lorsque l'association poursuit des objectifs reliés à une certaine «production» économique.

3.3. L'intervention: programmation, plan de travail et activités

Il faut préciser tout d'abord que le processus décrit ci-dessous correspond à une vision idéale, théorique, et non à une série d'étapes à suivre scrupuleusement dans l'ordre chronologique. En effet, la réalité de l'action nous impose habituellement des contraintes de temps ou autres, qui nous obligent à «sauter des étapes»... et c'est normal. Il s'agit donc ici d'indiquer les démarches qui sont normalement utiles, et parfois nécessaires, pour réaliser un processus complet d'intervention.

Le processus d'intervention et de mobilisation comporte idéalement, (c'est-à-dire selon un processus-modèle théorique), les dimensions suivantes, les quatre premières s'appliquant à un groupe qui en est à ses débuts.

3.3.1. Pour un groupe qui commence

(I) La pré-enquête

Elle permet un premier contact avec le milieu et ses problèmes. Elle vise à se faire une première idée de la réalité dans laquelle on devra intervenir, et donc à se forger une première image (encore largement hypothétique à cette étape) de ce que sera une intervention adéquate (répondant aux besoins de ce milieu).

Elle se fait soit sous forme indirecte (lecture de documents écrits ou visionnement de matériel audio-visuel produit par d'autres, portant sur le milieu et ses besoins), soit sous forme directe (première visite des lieux, première cueillette de données faite par le groupe lui-même, contacts plus ou moins informels, entrevues non-dirigées, recherche statistique minimale, observation participante en réunion, etc.). Les principaux outils de cette étape seront (déjà) le cahier de bord (impressions diverses, réflexions, questions, etc.) et la cueillette de données, plus systématique, plus organisée (statistiques, éléments d'histoire, problèmes observés et déjà en partie vérifiés, ampleur de ces problèmes, causes, personnes impliquées dans le milieu et caractéristiques de ce dernier, etc.).

Malgré son caractère apparemment informel, la pré-enquête exige déjà une première systématisation, par exemple autour du plan suivant:

  • la population et ses caractéristiques: données quantitatives relatives au sexe, âge, scolarité, situation de l'emploi, du logement, du travail, conditions socio-économiques en général, etc.;
  • le territoire et ses caractéristiques physiques: aménagement physique, rues, maisons, parcs, espaces verts en général, cours d'eau, transport en commun, etc. Bref, l'environnement physique qui peut contribuer à faire de la population ce qu'elle est, mais aussi les rapports entre la population et son environnement: pollutions diverses (de l'air, de l'eau, du sol, bruit, etc.);
  • l'organisation sociale: les lieux de regroupements du milieu (organismes, lieux publics plus fréquentés, etc.), les mécanismes relatifs à la sécurité des personnes et des lieux (police, surveillance de quartier, etc.), les médias du milieu, la situation politique (partis, personnalités publiques, leurs forces respectives, etc.) et enfin, tout ce qui peut constituer le tissu social de ce milieu (rapports entre personnes, entre groupes de personnes, etc.);
  • les problèmes-clés et les problématiques (façon dont les problèmes se posent concrètement): il s'agit là d'un début d'analyse. On tente déjà de faire ressortir l'importance relative de chaque problème, la population prioritairement touchée, les causes, les conséquences, l'articulation des rapports entre ces divers aspects, les relations entre les divers problèmes identifiés, etc.

(II) La formulation d'un plan provisoire d'intervention

(ou d'une hypothèse de plan d'intervention)

Déjà, on cherche à procéder de manière systématique, même si ce plan reste «hypothétique» pour l'instant. On aurait donc avantage à faire ressortir:

  • les objectifs généraux de ce plan (ou stratégie): il s agit de l'orientation qu'on souhaite donner à l'intervention, laquelle indique déjà le but visé et la façon très générale de l'atteindre. Par exemple: veut-on la prise en charge financière complète, par l'État, de l'alphabétisation, avec les risques de contrôle que cela suppose? Préfère-t-on une plus grande participation financière, mais non exclusive? Il est important de bien préciser ce qu'on vise, car selon l'objectif poursuivi, les tactiques et les moyens vont différer;
  • les objectifs spécifiques (ou tactiques): il s'agit, selon un autre vocabulaire, de commencer à développer une planification, un plan d'action encore très général: veut-on développer la formation des membres et le débat, élargir l'information du public? Inviter certaines forces sociales à repenser l'éducation? Utiliser un événement conjoncturel comme le dépôt d'un projet de loi, une commission parlementaire sur l'éducation des adultes? Lutter simplement contre des coupures de subvention? La tactique est donc de l'ordre des moyens, mais à un niveau assez général pour qu'elle devienne un objectif dans une action concertée avec d'autres groupes le cas échéant. On pourrait, d'une certaine façon, parler d'objectif intermédiaire;
  • les moyens (la méthode qu'on se propose d'utiliser ou, pour utiliser un autre vocabulaire, la programmation): on précise davantage les modalités de travail: création de comités de travail? Pour les actions internes: met-on l'accent sur la pédagogie? Sur les rencontres informelles? Si l'on prévoit des actions externes: met-on l'accent sur des actions solidaires avec d'autres groupes (coalitions)? Sur la publicité? Sur les lettres aux journaux? Aux ministres? Aux partis? Aux organismes sociaux? Si jamais on prévoit une action de contestation comme une grève, il faut en préciser les conditions: grève générale ou partielle? Limitée ou illimitée? Coercitive ou informative? Actions d'éclat (occupations ou autres)?;
  • Début de plan de travail: c'est l'organisation du travail dans le temps et sur une brève période (par exemple, trois mois au maximum): tâches, échéancier, responsabilités. Concrètement, il faut mettre l'accent à la fois sur la réalisation et la vérification de notre hypothèse de plan d'intervention. Il faut donc mettre en place les conditions concrètes de ce plan: qui fait quoi et quand... On évitera cependant, de choisir des programmes d'action qui risquent de trop nous engager, à un stade où l'on maîtrise encore mal les problématiques. Par exemple, il peut être utile pour un groupe d'alphabétisation qui commence de se donner un plan de travail très simple, axé sur les tâches de base: rejoindre la population ciblée et offrir de bonnes sessions d'alphabétisation à quelques personnes, plutôt que de tenter de tout faire en même temps.

(III) La vérification, dans l'action, du plan provisoire d'intervention

(ou de l'hypothèse de plan d'intervention)

On applique le programme établi, et on se donne les moyens d'en tirer le plus d'acquis possibles, par des outils systématiques: à nouveau le cahier de bord, mais aussi les listes de personnes rencontrées, les problèmes, et toutes les autres données qui peuvent mieux nous faire connaître le milieu. Tout cela nous aidera ensuite à corriger notre tir, à préciser des méthodes, etc.

(IV) Le bilan

On évalue la pertinence de notre travail pendant cette première période d'opération; au besoin, on complète nos éléments d'enquête si l'on s'aperçoit qu'il nous manque des données importantes; on reformule notre plan d'intervention en tenant compte des critiques émises à la première période d'opération; on se donne un nouveau plan de travail, et on recommence le processus pour une autre période.

3.3.2. Pour un groupe «régulier»

(déjà existant)

On peut nommer les «moments-clés» suivants:

(I) L'enquête

On vérifie les données de nos enquêtes précédentes. Nouvelles lectures, entrevues, étude des statistiques, nouvelle systématisation des données. (Si l'on veut systématiser l'enquête, on peut suivre les mêmes étapes que celles de la pré-enquête prévue pour un nouveau groupe).

(II) L'analyse

C'est l'articulation systématique des problèmes et de la façon dont ils se posent (problématiques). On tente d'en dégager des priorités, afin de fonder notre action, mais aussi d'identifier les populations les plus touchées, les liens existant entre les problèmes. Enfin, nos priorités doivent, le plus possible, s'inscrire au cœur des problèmes du milieu, là où notre intervention rejoint (directement ou indirectement) toute la population du milieu.

(III) Formulation du plan d'intervention

À partir des priorités fixées et des acquis de nos interventions antérieures, on tente de définir, sur des bases solides, l'intervention dans le milieu, selon la «vocation» propre à l'organisme où l'on milite. On formule toujours ce plan en fonction de nos objectifs et de nos orientations de fond, qu'on peut alors clarifier le cas échéant, et bien sûr, en «incarnant» ces objectifs selon les besoins concrets et les priorités identifiés dans l'enquête et l'analyse. Tout plan d'intervention comporte normalement les dimensions suivantes, plus ou moins «étanches»:

La reclarification, au besoin, des objectifs généraux (ou l'orientation de l'intervention ou la stratégie): on précise ce qu'on veut faire dans la situation concrète où on se trouve, auprès de qui on veut intervenir, ainsi que l'approche préconisée:

  • population-cible;
  • stratégie de prise en charge ou action de type «service»?;
  • accent sur une approche individuelle? communautaire? sur le «petit groupe» d'entraide? les trois?;
  • accent sur la formation? l'information? le débat public? l'action? Les liens avec l'extérieur?, etc.
  • accent sur la réponse aux demandes individuelles ou sur l'action-prévention large?, etc.

On peut également reclarifier les objectifs spécifiques, ce que certains appellent planification (ou tactique): on tente d'appliquer notre orientation générale dans une conjoncture donnée: quels sont les éléments de cette conjoncture qui pourraient nous permettre d'intervenir plus efficacement? Une commission parlementaire sur un projet de loi, par exemple? Ou un événement particulièrement significatif socialement? On peut également tenir compte de certaines conditions socio-économiques particulières: est-on en récession ou en période de croissance? La population-cible est-elle frappée par une tendance à l'appauvrissement ou connaît-elle une certaine amélioration de ses conditions de vie? Tous ces facteurs devraient, normalement, influencer notre plan d'intervention, car ces conditions constituent la base de notre ligne tactique: approche plus «médiatique» ou plus «activiste», plus «interne» ou plus axée sur l'«externe», plus pédagogique ou plus politique, etc.

(IV) La programmation

(ou la méthode générale)

On applique concrètement les objectifs ou le plan général d'intervention qu'on s'est donnés. Se contentera-t-on du travail d'ateliers en alphabétisation ou développera-t-on des pistes de travail vers l'extérieur? Mettra-t-on sur pied un service? un journal? Interviendra-t-on dans les journaux déjà existants? dans les médias électroniques? Ou encore, au niveau du recrutement, va-t-on privilégier le porte à porte? l'enquête-participation? les actions de masse?

Autrement dit, on tente de concrétiser la tactique par un ensemble de moyens concrets adaptés aux conditions de la population-cible et dans une situation donnée. En alphabétisation, par exemple, il pourrait s'agir d'actions à l'interne (activités de loisir ou pédagogiques) ou à l'externe (actions concertées avec d'autres groupes), etc., tout dépendant des objectifs visés et des conditions concrètes de leur réalisation.

(V) Le plan de travail

Contenu: tâches, échéancier, responsabilités;

Forme: prévoir le plan sur une courte période, suivie d'une évaluation et d'une reformulation en fonction des objectifs de départ et de la réalité vécue dans l'application du plan de travail. Pour un exemple de plan de travail, vous pouvez consulter le «Cahier 3» dans la série Alpha communautaire chez les Franco-Ontariens, rédigé par Yvan Comeau.

(VI) Application concrète du plan: l'intervention

Cette application doit se faire avec le plus de rigueur possible (y inclus la fidélité au plan), mais aussi avec une souplesse calculée qui nous amènera à faire des changements si les circonstances nous y invitent, mais sans tomber dans les dangers d'une trop grande spontanéité.

(VII) Évaluation

Elle doit toujours être subordonnée à nos objectifs de départ, mais tels que confrontés à la réalité. Ensuite, on reformule conséquemment le plan de travail. Périodiquement, (annuellement, par exemple), il est bon de procéder à une grande vérification de notre action en fonction de nos objectifs de départ: c'est le bilan annuel. En effet, on a souvent tendance à s'éloigner peu à peu de nos objectifs de départ. On peut avoir eu raison de le faire, mais il faut en être conscients et l'officialiser au besoin.

3.4. Résumé du chapitre

Pour nous aider à dépasser le quotidien qui nous enferme parfois dans une routine qui nous fait oublier la perspective globale dans laquelle nous nous situons, il est bon de se donner des moyens pour élargir nos horizons, planifier nos activités en fonction de nos objectifs globaux, procéder à des bilans qui nous ramènent à nos orientations de base, etc. Par contre, il faut toujours se rappeler que ce ne sont que des outils, et non des contraintes absolues qui risqueraient aussi de nous enfermer dans des cadres stériles...

En résumé, reprenons, sous forme de tableau, les principales démarches logiques du cheminement d'un groupe. Nous disons démarches logiques, parce qu'elles ne doivent pas nécessairement suivre cet ordre chronologique. En fait, il est même rarement souhaitable de franchir toutes ces étapes dans l'ordre indiqué ici.

La vie formelle d'un groupe populaire

[Voir l'image pleine grandeur]Démarches logiques du cheminement d'un groupe représentées chronologiquement dans un graphique circulaire

Comme tout cadre théorique, ce tableau doit servir de guide, sans devenir une contrainte. Mais normalement, les principaux volets de ce guide devraient être assurés périodiquement, sous une forme ou une autre, soit:

  • enquête sur le milieu, car il change: enquête globale, ou enquête sur un aspect particulier;
  • analyse et retour sur des objectifs adaptés aux besoins;
  • plan d'intervention conséquent (à partir des objectifs, une programmation et un plan de travail à court terme conséquents);
  • évaluation (bilan).

4. La mobilisation, pour mieux agir ensemble démocratiquement

[Voir l'image pleine grandeur]Discours d'un homme lors d'une mobilisation pour ROVEP Montréal

Itinéraire du chapitre

La mobilisation constitue une dimension de l'intervention. C'est à la fois un objectif, dans la mesure où elle représente déjà une certaine prise en charge, et un outil qui permet de poursuivre nos actions et nos interventions.

S'il s'agit d'une mobilisation large, «de masse», elle se fait généralement de façon rapide, s'adresse souvent à plusieurs personnes ou groupes à la fois et exige beaucoup de souplesse. Par le fait même, elle nécessite aussi une grande rigueur dans l'analyse, car elle peut facilement dévier de ses objectifs...

Par contre, s'il s'agit de mobiliser les gens pour les inciter a participer régulièrement à la vie de l'organisme, on peut utiliser des méthodes moins rapides, plus individuelles, mais qui permettent d'approfondir les rapports avec les personnes contactées.

Enfin, il existe divers outils de travail pour mobiliser: les médias par exemple, ou la recherche créatrice collective dans un certain nombre de modes d'expression comme le théâtre, la vidéo, le cinéma, etc.

4.1. Les étapes de la mobilisation

On retiendra essentiellement les étapes suivantes:

Clarifier le but visé par la mobilisation

Il faut le définir clairement, pour qu'il soit le même pour tout le monde... On précisera plus tard les objectifs, mais il faut déjà savoir où on veut aller et avec qui... Autrement dit, il faut savoir quel résultat on veut obtenir et avec quelle population on pense pouvoir l'obtenir.

Connaître la situation de la population visée par la mobilisation

Cette population n'est pas un «acquis», un groupe qui attend tranquillement qu'on le «mobilise». Elle a ses préoccupations, ses souhaits, ses désirs, ses besoins et ses refus, phobies, etc. Il faut la connaître, étudier ses conditions, voir si elle est ouverte à nos propositions... Cela signifie qu'il faut déjà savoir un peu qui dans cette population est le plus réceptif à la mobilisation et le plus susceptible d'agir sur le reste de la population... Enfin, il faut s'assurer que le but visé correspond aux besoins réels de la population. Sinon, la mobilisation risque de s'effriter, même si elle semble vouloir se prolonger pendant un certain temps.

Comment s'y prendre? Voici quelques façons de procéder:

  • en entretenant, au sein de cette population, des «contacts» permanents, des «poteaux» représentatifs qu'on peut rencontrer, individuellement ou collectivement, ou encore par catégories...;
  • en se déplaçant pour aller rencontrer les gens dans leur vie quotidienne... pour les faire parler... et recueillir leurs idées de façon systématique. C'est L'enquête-terrain;
  • en vérifiant que notre but correspond aux aspirations de la population et à ses besoins réels, bien sûr, mais aussi à ses capacités actuelles. Une population «poignée» dans des problèmes économiques, par exemple, se mobilise mal sur un enjeu culturel important. Par contre, on peut souvent la rejoindre en lui offrant des moyens de s'amuser, de s'évader un peu de ses problèmes;
  • au besoin, ne pas se gêner pour qualifier et même quantifier les diverses catégories de la population visée, selon leur potentiel de mobilisation.

Clarifier les orientations (stratégie ou objectifs fondamentaux ou généraux)

Le but visé et la population-cible nous indiquent normalement tous les éléments nécessaires pour préciser notre orientation. On doit alors définir l'orientation officielle de la mobilisation. S'agit-il par exemple, de faire revenir le ministre de l'Éducation sur sa décision de couper les subventions pour une seule année, ou bien s'agit-il d'une tactique destinée à repenser le mode de financement des groupes d'éducation populaire en général? On comprendra que la tactique utilisée sera forcément très différente pour les deux cas.

La tactique

C'est l'étape au cours de laquelle on détermine l'itinéraire à suivre pour atteindre le but visé et réaliser nos orientations. À la lumière du but visé et de l'état de la population, et en fonction de nos orientations fondamentales, nous devons maintenant définir une ou plusieurs tactiques conséquentes (c'est-à-dire la méthode, les «moyens stratégiques» utilisés pour avancer vers le but). Or, dans certains cas, la tactique est presque aussi importante que l'orientation fondamentale: c'est d'elle (et de son rapport aux orientations de fond) que peut dépendre le succès ou l'échec de la mobilisation.

Par exemple, dans une coalition de groupes ou dans un regroupement, si les unités impliquées ne partagent pas toutes les mêmes orientations, il faudra prendre des moyens pour assurer le débat et clarifier le plus possible la question, sans pour autant se perdre dans des discussions interminables.

De plus, si l'on se donne une orientation qui aura des répercussions sur l'ensemble de la société, l'action auprès des groupes sociaux potentiellement alliés deviendra alors une priorité: groupes communautaires, syndicats, population en général...

Enfin, il faut se donner des lieux où on pourra se faire entendre clairement: une commission parlementaire, les médias, la publication d'un document spécifique, etc.

On peut dire en bref que:

  1. le fait de mettre l'accent sur tel élément spécifique d'action (dans la mesure où il peut permettre d'ouvrir la voie à des orientations plus larges);
  2. l'établissement de liens avec les autres groupes sociaux;
  3. l'action concertée dans un ou plusieurs lieux susceptibles de permettre de se faire entendre.

Tous ces éléments constituent la tactique.

L'organisation du travail

C'est à la fois le programme d'action et le plan de travail, souvent jumelés concrètement dans le «feu» de la mobilisation...

Il s'agit de reprendre les divers éléments de la tactique et de se donner les meilleurs moyens concrets possible pour les réaliser. Si la tactique est bonne, on a de bonnes chances de réaliser son orientation, tout comme la tactique risque de réussir si les moyens sont bons. Tout cela se tient. Le secret: les moyens doivent être subordonnés à la tactique tout comme celle-ci doit être subordonnée à l'orientation.

Répétons-le: pour que les moyens soient efficaces, ils doivent aussi être adaptés à la situation de la population-cible, à ses besoins et à ses capacités présentes. Enfin, on doit éviter de diviser inutilement cette population-cible, car elle constitue le cœur de la mobilisation. Ceci dit, il est parfois utile de cibler une «sous-population» capable d'aller «chercher» les autres, comme il peut être nécessaire de repérer certaines fractions de la population-cible susceptibles de nuire au travail à cause d'intérêts trop différents... Mais il faut toujours rester en lien étroit avec l'ensemble de la population-cible et ne jamais se prendre ni pour sa totalité, ni pour son «avant-garde éclairée»... Ce serait une attitude dangereuse.

L'évaluation périodique

Elle est nécessaire pour vérifier que l'on «tient bien tous les morceaux», que l'action n'a pas fait dévier la lutte... Ce qui arrive souvent, en particulier quand on perd de vue les objectifs fondamentaux.

L'évaluation finale

Il faut tenter d'évaluer les résultats quantitatifs et qualitatifs au sein du groupe lui-même et de la population à laquelle il s'adresse. Bien entendu, il faut aussi évaluer les résultats politiques de la mobilisation, tant au niveau du gouvernement que chez les organismes composant la «société civile» dont peuvent dépendre les suites de la mobilisation...

Les suites

La mobilisation est terminée, on a obtenu des promesses, des engagements... Mais pour ne pas perdre le fruit de tout ce travail, il faut prévoir et «organiser» les suites à lui donner. En particulier, il faut se souvenir que les gouvernements utilisent parfois des ruses... comme laisser traîner une action de protestation jusqu'à une période où la mobilisation devient plus difficile (été, vacances de Noël, etc.)... Il faut aussi veiller à ce que les promesses soient tenues.

Synthèse sur les étapes de la mobilisation

La mobilisation doit être organisée et non improvisée. En ce sens, elle a généralement avantage à comporter les éléments suivants:

  • clarifier les buts visés par la mobilisation;
  • bien connaître la situation conjoncturelle de la population visée; «clarifier notre intervention à la lumière des deux éléments précédents: d'abord la «stratégie» (ou l'intervention globale avec ses objectifs et la façon générale d'y parvenir); ensuite, la «tactique» (ou le «chemin» emprunté pour atteindre nos buts: action politique, large, restreinte, etc.);
  • se donner une bonne organisation du travail: qui fait quoi et quand... À la fois un plan d'intervention concret et un plan de travail plus à court terme qu'on révise constamment;
  • évaluer périodiquement le travail;
  • procéder à une bonne évaluation finale de l'action;
  • organiser les suites à la mobilisation: il faut en «ramasser» les résultats, quels qu'ils soient, car une mobilisation n'est qu'un moment dans un ensemble.

4.2. Mobilisation des médias6

Quand on veut se servir des mass-média, il est bon de se rappeler ce qu'ils sont, ce qu'ils recherchent et les résultats qu'on peut en attendre. Pour les groupes populaires, les médias peuvent constituer une tribune où se faire entendre, à condition d'en connaître les limites et les exigences. En gros, on peut dire que les mass-média:

  • sont à la recherche de la nouveauté;
  • rejoignent un très grand nombre de personnes;
  • privilégient les présentations assez courtes, si possible avec des ASPECTS VISUELS.

Bref, les mass-média sont à la recherche d'événements, et c'est une chose dont il faut toujours tenir compte.

Les tribunes médiatiques

En voici quelques-unes:

Les communiqués de presse
Il faut répondre aux questions qui guident normalement le journaliste

  • de quoi s'agit-il?
  • qui cela concerne-t-il?
  • de qui cela provient-il?
  • où? quand? comment? et, enfin, pourquoi est-ce important?

On peut transmettre les communiqués de presse par Telbec ou un autre système de transmission électronique.

Les conférences de presse
À préparer soigneusement. Il faut généralement prévoir

  • Un dossier de presse (communiqué, présentation officielle de la conférence, texte de présentation de l'organisme, autres documents informatifs);
  • Des porte-parole bien préparés, capables de répondre clairement et brièvement aux questions;
  • Une ambiance intéressante. Il vaut mieux organiser la conférence dans un endroit significatif (par exemple, dans un local typique d'alphabétisation), et l'accompagner d'un goûter...;
  • Un événement spécial présente encore plus d'attrait: musique, exposition, etc.;
  • Inviter les membres et des groupes alliés;
  • Moment plus propice à la tenue de la conférence de presse: avant-midi, un jour de semaine.

Les entrevues
Il faut toujours prévoir des entrevues après une conférence de presse. Souvent, les journalistes ne viennent que pour cela. Il faut donc préparer les entrevues, nommer les personnes qui les feront, établir un plan de ce qu'on veut dire, parler de façon claire et concise, donner des exemples concrets, etc. Il est important de se renseigner avant l'entrevue sur les questions qui seront posées, quand c'est possible.

Les émissions d'affaires publiques
Elles exigent une excellente connaissance du dossier.

Les émissions de divertissement
Elles peuvent s'avérer utiles pour faire connaître nos organisations; la présentation se fait alors dans une ambiance détendue.

Les lignes ouvertes
Il faut intervenir de façon claire et concise.

Les lettres de lecteurs
Un bon moyen que l'on n'utilise pas assez.

Les événements susceptibles d'être couverts par les médias
On peut en organiser, mais il faut procéder avec soin.

Les annonces «communautaires»
La plupart des médias en diffusent.

La publicité payée
Coûteuse, elle peut s'avérer parfois très utile, surtout quand on est plus ou moins boycotté par les médias.

La nécessité de se donner une politique d'information

Il est conseillé de désigner un ou une responsable de ce volet. Il faut s'organiser, avoir des outils de travail toujours prêts:

  • posséder une liste à jour et complète de médias, d'émissions et de journalistes;
  • posséder un dossier d'information toujours prêt sur l'organisme;
  • créer une banderole et des affiches sur l'organisme, etc.

Il faut recueillir régulièrement les faits utiles: statistiques, faits, événements significatifs.

Organiser la formation des membres dans ce domaine, par des ateliers de prise de parole ou d'écriture, par exemple.

4.3. Approche personnalisée ou en petits groupes: quelques pistes

Chaque méthode de mobilisation correspond à une stratégie précise d'intervention . Par exemple, une méthode de mobilisation «de masse» correspond à une stratégie basée sur les manifestations ou les «pressions larges», alors que les méthodes «personnalisées» ou de petits groupes correspondent davantage à une stratégie de conscientisation et de prise en charge, c'est-à-dire à une stratégie

  1. d'expression;
  2. de prise de conscience par les gens de leurs problèmes;
  3. de développement d'un sentiment d'appartenance à une collectivité vivant les mêmes problèmes;
  4. visant à développer chez les gens la volonté de faire quelque chose pour résoudre leurs problèmes. Dans les stratégies d'action de masse, en revanche, les individus sont importants dans la mesure où ils sont nombreux (force de pression).

L'approche «personnalisée» et en petit groupe dans un contexte d'intervention collective peut prendre de multiples formes:

Dans le cadre des suites à donner à une action de masse

On peut par exemple avoir privilégié une action de masse (en vue d'exercer des pressions sur l'État, au moyen d'une manifestation), mais avec l'intention d'en profiter pour susciter la prise en charge de la problématique par des participantes et participants à l'action.

On trouvera alors des moyens plus «chaleureux», plus «conviviaux», pour assurer ces suites: par exemple, une invitation à poursuivre la réflexion en groupes plus restreints après l'action (ateliers ou sessions de réflexion), en vue d'assurer une relève, une nouvelle dynamique de prise en charge, d'amener de nouveaux participants et participantes, etc.

Le «porte à porte»

Il s'agit alors d'inciter les gens à s'exprimer sur leurs problèmes, chez eux, dans l'espoir que certains ou certaines d'entre eux s'impliqueront par la suite.

Bien sûr, il faut alors leur permettre de s'exprimer à l'aise par:

  1. une «approche de mise en confiance»;
  2. un «guide de questions» bien préparé;
  3. une invitation concrète à une activité précise par la suite (activité qui peut être «de masse» ou plus restreinte);
  4. l'envoi régulier d'un moyen d'information quelconque (bulletin, journal de l'organisme, etc.), qui nous permettra d'informer les personnes les plus intéressées sur nos activités.

À noter que toute implication, même très minimale, est à «soigner»... Elle pourra, bien sûr, s'intensifier par la suite, mais le plus important, c'est qu'elle s'inscrit dans le développement d'un réseau d'échanges qui constitue globalement la prise en charge par une collectivité de ses propres problèmes...

L'enquête-participation

Cette méthode vise un double objectif. Comme toute enquête, elle sert à recueillir des données plus précises sur les problèmes vécus dans un milieu donné; mais en même temps, elle cherche à favoriser la prise de conscience du caractère collectif des problèmes identifiés. Voici comment on peut procéder:

  1. prévoir un questionnaire simple, qui, plutôt que de prétendre à la rigueur scientifique, cherche à recueillir fidèlement la vision que les gens ont des problèmes, tout en tentant d'approfondir leur réflexion sur la problématique: questions sur le quartier, son tissu social, sa situation économique, question du logement, la vie familiale, la population, ses liens avec le politique, etc.;
  2. recruter des gens du milieu déjà prêts à faire du porte à porte avec le questionnaire (c'est souvent plus efficace que de faire uniquement appel à des «professionnels»);
  3. couvrir un petit territoire à la fois (quatre pâtés de maison, par exemple) et avertir les gens qu'une rencontre prochaine leur permettra de connaître les résultats de l'enquête;
  4. repasser de porte à porte pour les inviter à la rencontre de «dévoilement» des résultats (déposer au moins un dépliant dans la boîte aux lettres, mais, si possible, le remettre en mains propres en expliquant de quoi il s'agit);
  5. organiser cette soirée avec soin: utiliser des moyens audio-visuels si possible (au moins un rétro-projecteur, des tableaux, etc);
  6. prévoir une animation solide qui vise: la prise de conscience du caractère collectif des problèmes exprimés; la formulation de certaines priorités parmi ces problèmes; développer une volonté de les résoudre ensemble;
  7. enfin, faire en sorte que l'assistance décide de la tenue d'une autre rencontre pour donner suite à celle-ci: lieu, date, heure, qui y sera, comment on l'organise, qui l'organise, responsabilités, etc.

En général, cette méthode est excellente pour commencer à mobiliser un milieu qui connaît des problèmes, mais qui n'a guère réagi jusqu'à présent.

Le «bouche à oreille»

Il s'agit simplement d'inviter chaque participant ou participante à une activité, à revenir par exemple à une prochaine rencontre avec une autre personne... À noter qu'un objectif comme celui-là est plus concret que de simplement les inviter à en parler autour d'eux... Mais c'est une arme à deux tranchants: des gens risquent de ne pas revenir parce qu'ils se sentent mal à l'aise de n'avoir trouvé personne...

Le travail en petit groupe

Ce genre de groupe ou de comité de travail, surtout en milieu défavorisé et peu habitué à s'impliquer dans de tels cadres, peut consacrer bien du temps à l'expression des problèmes, des émotions, avant d'être prêt à agir: c'est le temps nécessaire pour sortir de soi, pour apprendre à faire confiance aux autres et pour comprendre que toutes les personnes du groupe vivent les mêmes problèmes...

Voici comment on peut procéder:

  • on lance une invitation large à une activité restreinte. Dans ce cas, il est important de soigner deux éléments: d'abord le contenu de cette activité: il faut qu'il attire les gens et que l'activité soit bien organisée; ensuite le mode d'invitation: efficace, qui attire l'attention, et qui rejoint la catégorie de personnes la plus susceptible d'être intéressée par l'activité... Il peut s'agir, par exemple, de la réunion d'information sur les résultats d'une enquête-participation. Pour donner suite à une première rencontre, il faut désigner une personne responsable de l'animation (au sens le plus large, à savoir pas seulement animer les réunions, mais aussi soutenir la motivation, la mobilisation au besoin, s'occuper de la résolution de problèmes personnels, interpersonnels, collectifs, etc.). Il faut donc trouver une personne professionnelle ou, tout au moins, quelqu'un qui s'y connaît...;
  • on peut aussi former un groupe avec des personnes rencontrées antérieurement dans un cadre d'intervention individuelle. On a suscité chez les gens le désir de rencontrer des personnes vivant les mêmes problèmes, pour développer des liens de solidarité;
  • on peut aussi procéder au moyen d'une enquête conscientisante: cette enquête est conscientisante de par son contenu même. Elle est conçue de façon à partir des problèmes connus et de leur explication spontanée, pour fournir peu à peu, par les questions elles-mêmes, des explications plus approfondies. (Par exemple, Marx avait proposé une enquête-ouvrière dans laquelle il partait du travail quotidien en usine pour poser peu à peu des questions destinées à faire prendre conscience de questions plus complexes sur les rapports entre les ouvriers et les patrons...) En alphabétisation, par exemple, on peut partir du vécu des personnes analphabètes et les faire alors réfléchir par d'autres questions sur les causes et les conséquences sociales de l'analphabétisme. Sur le plan de la forme: surtout en milieu défavorisé et peu instruit, il est préférable de former un groupe pour répondre au questionnaire... cette formule facilite la prise de conscience;
  • on peut enfin recourir à l'assemblée de cuisine: il suffit de trouver quelqu'un prêt à accueillir un petit groupe de personnes pour échanger de façon informelle sur un sujet d'intérêt commun et de chercher ensuite (avec l'hôte autant que possible), cinq ou six autres personnes du voisinage intéressées.

4.4. Les «outils» culturels

C'est dans la ligne de l'animation culturelle qu'on trouve cette approche, elle-même issue, dans le cas du Québec, du «community development» américain, de l'animation socio-culturelle française et de l'action catholique de type JOC, LOC et JEC. Au Québec, on a connu l'animation sociale, née dans les années 60, et l'animation culturelle, née dans les années 70, plus politisée comme tout le mouvement populaire de cette décennie, mais aussi plus ouverte à des méthodes «culturelles» pour soutenir l'animation. Nous nous contenterons de nommer ici quelques-unes de ces méthodes:

Le théâtre de participation

On trouve deux écoles de pensée:

  • l'une met l'accent sur le théâtre et vise à conscientiser les gens par le contenu de la pièce (Théâtre de quartier, etc.). Il est bon de susciter des discussions après la présentation...;
  • l'autre met l'accent sur la participation, mais propose, pour conscientiser en même temps que pour développer la confiance en soi et créer un sentiment de «communauté», la création collective d'une pièce de théâtre de A à Z... et ce, bien sûr, avec, par et pour les gens qui vivent le problème... Exemple: on réunit des femmes de milieux défavorisés et avec elles, on crée une pièce centrée sur leurs problèmes (contenu, scénario, forme) que l'on monte avec elles. On présente la pièce qui devient alors outil de conscientisation pour d'autres... Il est souhaitable d'organiser des débats après la présentation; ces discussions peuvent inciter d'autres personnes à s'impliquer, en plus d'intéresser éventuellement les médias.

Le diaporama

Il est accessible, assez facile à monter... en puisant par exemple dans les banques de diapositives existantes. Il s'agit de créer un scénario à partir d'une étude de la problématique et de débats. La présentation devient alors «outil» de conscientisation pour d'autres. On essaie d'organiser des débats après projection...

Le vidéo

C'est un médium assez facile à utiliser lui aussi, si l'on veut n'en faire qu'un outil d'information. Plus difficile à manipuler si l'on veut un «produit de qualité»...

Le super-8

Il est moins accessible, mais donne un produit de qualité très efficace si l'on réussit... C'est une autre forme de «cinéma d'animation» (au sens de conscientisation cette fois-ci). À noter qu'on peut aussi utiliser le cinéma d'animation (dessins animés). Le cinéaste Pierre Hébert en a donné un très bel exemple: il a tenté une expérience originale de création spontanée en dessinant directement sur pellicule, à partir d'une idée et d'un fond musical. Mais bien sûr, il s'agit là d'un outil plus exigeant et plus sophistiqué.

La chanson

  • Il peut s'agir de la chanson de mobilisation, comme celles que l'on crée lors d'une grève ou d'une activité de mobilisation. Elle peut être originale (paroles et musique) ou comporter des paroles créées selon les circonstances sur une musique connue et facile à chanter en groupe;
  • Il peut également s'agir de chansons de réflexion sur certains thèmes, comme ont pu en produire des chansonniers: sur la question nationale québécoise, il y en a eu des dizaines, de Leclerc, Vigneault, Gauthier, à Pauline Julien, etc.

Le texte sous toutes ses formes

  • roman ou poésie: Gérald Godin par exemple;
  • le dépliant, le pamphlet (plus virulent, «de combat»);
  • le bulletin interne;
  • le «journal» de tel organisme ou de tel regroupement ou de tel milieu physique ou «social», etc.;
  • À noter également les possibilités de collaboration avec de grands journaux sous la forme d'un inséré produit par tel groupe dans un quotidien, etc. On peut donner l'exemple du «journal-maison» d'un groupe d'ex-itinérants, payé par un quotidien en 40,000 copies et inséré dans le journal tel ou tel jour.

La photographie

Les Ateliers d'histoire d'Hochelaga-Maisonneuve, par exemple, ont recueilli des milliers de photographies représentatives du quartier, utilisées par la suite pour animer des ateliers de réflexion et pour constituer une sorte de musée de quartier. La même chose avait été faite à Hull pour un événement particulier dans le cadre d'une fête de rue.

On peut imaginer d'autres moyens

  • plus artistiques (peinture, sculpture, dessin, expositions, etc.). Par exemple, la FOHM, un organisme qui gère des logements sociaux pour personnes seules à Montréal, organise chaque année une exposition des œuvres d'art de ses locataires: on y a fait la découverte de réels talents;
  • ou plus populaires (kiosques, babillards, chars allégoriques, fêtes de rue, etc.);
  • ou encore l'utilisation de la télévision communautaire, des journaux communautaires, etc.

4.5. Résumé du chapitre

La mobilisation n'est pas chose facile: on en attend souvent mers et mondes alors que les résultats sont souvent modestes. On oublie alors que ces résultats, à première vue décourageants, peuvent souvent porter fruit à long terme si l'on travaille avec patience: une grosse assemblée peut être gratifiante, mais elle signifie peut-être moins de succès réel qu'une poignée de personnes rejointes dans le cadre d'un événement discret, à condition que l'on travaille dans le sens de la prise en charge par les gens de leurs propres conditions de vie. Cela dépend donc des objectifs visés.

Quant à la façon de mobiliser, il n'existe pas de recette magique: on doit simplement organiser nos événements de façon systématique (clarifier nos objectifs, qui on veut rejoindre, comment, quand, par qui) et rejoindre les gens là où ils sont.

Pour ce qui est des outils utiles à la mobilisation, permettons-nous deux remarques: (i) les outils d'animation et de mobilisation sont nombreux et sont généralement fondés sur le constat que les personnes ne sont pas seulement des «êtres pensants», mais aussi des personnes «sensibles». Il faut donc s'adresser aussi à leurs sens, et pas seulement à leur intelligence rationnelle. En ce sens, les outils de création deviennent eux aussi une partie du message, surtout s'ils font appel à la créativité des gens à qui on s'adresse; (ii) par contre, les outils de mobilisation en tant que tels doivent, comme le message rationnel, «servir» les objectifs visés. En ce sens, les outils d'animation/mobilisation doivent, tout comme les méthodes, être subordonnés à la stratégie et non être «fétichisés»; il ne faut pas qu'ils prennent la place du but visé... Cependant, on doit aussi se rappeler que l'art en tant que tel n'est pas seulement un outil au service d'une cause... même s'il peut la servir. On peut donc aussi entreprendre des projets artistiques avec pour seule visée de permettre à des gens de s'y exprimer.

5. La gestion démocratique des ressources humaines

[Voir l'image pleine grandeur]Collègues de travail autour d'une table lors d'une réunion d'équipe

Itinéraire du chapitre

Pour assurer une bonne gestion des ressources humaines dans nos lieux de travail, il faut aller beaucoup plus loin que les objectifs matériels des groupes eux-mêmes: cela suppose que nous revenions à des objectifs globaux de société, objectifs de développement personnel et collectif, de démocratisation, objectifs de plus grande égalité sociale, etc.

De plus, il est important de se rappeler que les sociétés, comme les individus, n'évoluent pas de façon linéaire et de manière toujours «harmonieuse»: au contraire, ce sont les conflits et les difficultés, aussi bien sinon plus que les périodes tranquilles, qui nous permettent d'évoluer. En ce sens, les conflits doivent être perçus et vécus sous l'angle de leur signification et des résultats positifs qui peuvent en découler. C'est pourquoi il est important d'identifier leur nature (interpersonnels, structurels, idéologiques, de type «communication insatisfaisante» ou autre) et de tenter de les résoudre dans chaque cas selon leurs particularités.

Autre dimension importante de la gestion des ressources humaines: la compréhension des causes et des manifestations de l'épuisement professionnel, afin de le prévenir autant que possible, de le reconnaître le cas échéant et de le dépasser si possible.

Enfin, des relations de travail saines doivent reposer sur la reconnaissance du fait que les personnes employées dans un groupe n'ont pas toujours les mêmes intérêts que les gestionnaires ou que les participantes et participants ou que les bénévoles. Même si la solidarité autour d'objectifs communs demeure centrale, il faut reconnaître aussi nos différences et agir sur les rapports de travail avec le même souci de démocratie que lorsqu'on agit sur les services offerts et leur prise en charge par les apprenants et apprenantes.

5.1. Les rapports humains dans les groupes populaires

Coup d'œil sur la question des rapports humains dans les entreprises

Étant donné que les principes qui régissent habituellement la gestion des ressources humaines proviennent généralement du domaine des relations industrielles, il est bon de commencer par regarder brièvement comment les entreprises traitent de cette question.

Or, si l'on se fie aux publications existantes, la question des rapports humains dans l'entreprise est essentiellement abordée sous l'angle des conditions d'amélioration de la productivité. C'est ainsi qu'on parlera de la psychologie de l'individu par rapport à la finalité de la productivité. Les mots-clés utilisés seront par conséquent: motivation, satisfaction au travail et productivité, amélioration de la tâche et productivité, salaire et productivité, stress (ou anxiété) et productivité, etc.

Plus précisément:

En ce qui concerne l'évaluation, des employés, on insistera sur l'individu qu'on «mesurera» en fonction de ses relations interpersonnelles, de son rendement au travail, de son habileté à diriger les autres, de ses aptitudes intellectuelles, de son esprit créateur, de ses talents d'organisateur, etc. Dans un groupe populaire, il est évident que si toutes ces qualités individuelles sont importantes, il faut aussi, et surtout, insister sur le travail collectif, en équipe, etc.

Dans les entreprises, on parlera aussi de «comité des structures», d'organigramme comme outil de gérance, de description de tâches, etc. Dans un groupe populaire, il faudra développer constamment la conscience de l'importance des structures comme expression des divers intérêts en cause et comme lieu d'exercice d'un processus de décision démocratique. Ce qui ne nie en rien la nécessité d'une certaine efficacité dont les critères se situent cependant ailleurs que dans la productivité.

Dans les études sur les entreprises, on insiste énormément sur la formation des cadres, sur «l'entraînement au travail de direction», sur les principes et les techniques de direction, sur la prise de décision... par les cadres, sur la créativité... des cadres, etc. Si l'on «traduit» cela pour les groupes populaires, on parlera plutôt de la formation des membres.

Plusieurs théoriciens des entreprises soulignent, parmi les conditions-clés de la créativité, la possibilité d'accepter des situations de conflits et de savoir vivre avec ces conflits. On peut en tirer quelque chose de positif pour les groupes populaires, qui connaissent eux-aussi des situations de conflits. Elles sont non seulement normales, mais représentent très souvent des conditions de croissance. Or, comme dans un groupe populaire, chaque membre est responsable de l'ensemble, il est très important que chacun et chacune soit conscient de ce fait, soit capable de vivre avec des conflits sans paniquer et, au contraire, puisse en tirer profit le plus possible.

Notons aussi que depuis 50 ou 60 ans, le «mouvement» des relations humaines dans l'entreprise, s'est beaucoup développé7. Le grand principe mis de l'avant dans cette approche, en ce qui concerne les relations humaines dans l'entreprise, c'est que celles-ci «constituent le véritable processus de motivation, des individus»8. Dans le cas des groupes populaires, rappelons-nous que les relations humaines sont le lieu principal où se vivent concrètement et quotidiennement les rapports sociaux. Si nous nous efforçons d'améliorer ces rapports sociaux, ces efforts doivent se faire sentir au niveau des rapports quotidiens.

Certains auteurs parleront de la nécessité de mettre la priorité sur l'employé et non sur la tâche. Chez les plus lucides, on soulèvera la question du «conflit entre la rentabilité économique et l'efficacité sociale». Ils diront alors que «l'absence du social affecte de plus en plus (les résultats économiques)», alors que traditionnellement, dans ces milieux, on répétait à satiété (et encore trop souvent aujourd'hui) que c'est la rentabilité économique qui doit primer, puisqu'elle permet ensuite, de «faire du social»9. Comment traduire cela dans le contexte d'un groupe populaire? Essentiellement en insistant davantage sur la psychologie sociale que sur la psychologie industrielle, en privilégiant les individus et le groupe plutôt que la finalité productiviste, les rapports démocratiques plutôt que les services produits... Même si ceux-ci doivent être de bonne qualité, on ne peut penser atteindre ce niveau de qualité du «produit» sans transformer aussi la façon de le produire. C'est là l'essence même de l'orientation des groupes populaires.

Que retenir de tout cela, comme principes de base pour orienter notre réflexion sur les rapports humains dans les groupes populaires?

  • D'abord qu'il faut mettre la priorité sur les personnes (leur intégrité, leur croissance, etc.), même si la qualité du travail dans les groupes fait aussi, partie des besoins;
  • Plus encore, le mouvement populaire a des objectifs explicites de changement social. C'est-à-dire qu'il vise, de par sa nature même, à améliorer la vie en société, en transformant les rapports existants pour les rendre plus justes, plus égalitaires;
  • La formation et l'éducation des membres sont essentiels, tant au niveau de leur développement personnel que pour développer leur capacité de travailler avec les autres, en équipe;
  • La coopération, l'ouverture, les alliances font partie de la philosophie de base du mouvement populaire. On doit donc d'autant plus les développer qu'elles peuvent devenir des conditions favorisant le développement de chacun des groupes existants;
  • En général, la richesse des relations humaines constitue une base essentielle de la motivation à militer dans les groupes populaires. Et cela, au moins autant que les objectifs sociaux ou que les conceptions idéologiques, qui risquent de perdre leur pouvoir mobilisateur si les relations humaines sont insatisfaisantes;
  • Les relations humaines ne doivent pas être abordées uniquement sous l'angle individuel ou interpersonnel, comme on a souvent tendance à le faire dans nos sociétés. Le fondement de rapports interpersonnels sains et d'une communication satisfaisante réside d'abord dans des structures qui permettent l'expression des individus et le développement de rapports satisfaisants (à la fois chaleureux, justes et «efficaces»);
  • Enfin, il est important de se rappeler que les conflits font partie de la vie des groupes et qu'on doit apprendre à s'en accomoder... Plus encore, ils représentent très souvent des facteurs de croissance pour les groupes, dans la mesure où ils expriment des problèmes réels, des divergences importantes ou l'existence de groupes d'intérêt générateurs d'antagonismes si l'on n'en tient pas compte;
  • Enfin, soulignons que les rapports individuel/collectif dans un groupe populaire ne sont normalement pas antagoniques. Cependant, ils peuvent le devenir, (c'est-à-dire sans solution consensuelle); par exemple, quand un individu ou un sous-groupe perd progressivement la possibilité de s'exprimer, ou, à l'inverse, quand il s'exprime au détriment de l'ensemble, menaçant ainsi l'existence même du groupe.

Il convient peut-être, à ce stade, de bien distinguer les groupes populaires et les groupes communautaires. (On pourrait peut-être, jusqu'à un certain point, comparer les premiers aux groupes de pression et les seconds aux groupes de services dont on parlait tant dans les années 60 et 70).

Même s'ils partagent un certain nombre de points communs—ils reposent les uns et les autres sur l'implication des gens et travaillent dans une perspective autre que le profit —, il faut rappeler que les groupes populaires poursuivent généralement des objectifs de transformation des rapports sociaux beaucoup plus fondamentaux et ce, en utilisant des moyens de pression et de prise en charge qu'on ne retrouve pas au même degré dans les groupes communautaires. En effet, ces derniers seront souvent des intermédiaires entre l'État et la population, concluront des contrats avec les gouvernements ou les établissements para-publics, devront se conformer à certaines obligations en matière de gestion financière et de ressources humaines; bref, ils mettront généralement plus l'accent sur les services que sur les actions politiques ou sur la prise en charge. Ces priorités différentes et ces conditions particulières les amèneront souvent à des modèles plus conformes aux normes dominantes, en particulier en ce qui concerne les relations de travail, la rémunération des employés, etc. Pourtant, malgré ces différences importantes, il est capital de développer des coalitions larges entre les groupes populaires et les groupes communautaires sur toutes les questions qui représentent des enjeux importants en matière de progrès social. Chacun y participera selon sa nature et, dans la mesure où il le pourra, sans se renier, mais il faut d'abord et avant tout éviter le sectarisme qui guette les uns et les autres: si nous avons appris quelque chose des années 70, c'est bien de savoir mettre l'accent sur ce qu'il y a de commun plutôt que sur ce qui divise les forces de progrès social. Le contraire ne peut être qu'ignorance ou provocation.

5.2. Les conflits

On peut se demander pourquoi il peut être important de connaître le. type de conflit auquel on a affaire. Ne s'agit-il pas là d'un exercice intellectuel superflu? Certainement pas! (à moins de trop s'attarder sur leur identification, bien sûr). Il est même essentiel de prendre le temps de répondre à la question des origines, des causes et de la nature d'un conflit, si l'on veut pouvoir le résoudre correctement. Sinon, on risque de traiter un conflit interpersonnel comme s'il s'agissait d'un problème de structure ou de démocratie... ou inversement. Entre autres, cela peut nous permettre de distinguer les conflits qui correspondent à des nécessités de croissance, afin d'en tirer le meilleur parti possible, puisque les conflits sont souvent non seulement positifs, mais même nécessaires pour le développement de l'organisme.

Essai de définition

Cela étant dit, demandons-nous maintenant ce que nous entendons par conflit. Dans le contexte qui nous préoccupe, il s'agit:

  • d'une opposition entre deux personnes ou deux groupes de personnes, ou entre une personne ou quelques personnes et un groupe;
  • se manifestant principalement par des heurts, ou même par une rupture plus ou moins prononcée sur le plan de la communication;
  • ces heurts ou ces ruptures s'accompagnent généralement de problèmes et de perturbations diverses, et même parfois d'une paralysie plus ou moins accentuée dans le fonctionnement du groupe;
  • le tout pouvant mettre en danger le développement, ou même l'existence de l'organisme10.

Conflits, causes possibles et pistes de solution

En général, on peut dire qu'il existe des conflits interpersonnels, des conflits structurels, des conflits idéologiques, des conflits qui relèvent de la communication et, enfin, toutes sortes de conflits mixtes, c'est-à-dire qui relèvent de deux, de plusieurs, ou de tous les types de conflits nommés. Nous les examinons un par un ci-dessous.

Quant aux pistes de solution suggérées, soulignons qu'il n'existe pas de recette miraculeuse dans ce domaine. On n'apporte donc ici que des principes qui ressortent déjà des types de conflits et de leurs causes...

Ajoutons qu'il est parfois utile de recourir à une aide extérieure pour résoudre les conflits, lorsqu'on a de la difficulté à les identifier et à les analyser.

5.2.1. Les conflits interpersonnels

Ils diffèrent en fonction des personnes impliquées et selon les causes possibles. Les pistes de solution varieront en conséquence.

Personnes impliquées. Il peut s'agir:

  • de deux personnes qui aspirent au pouvoir (une sorte de combats des chefs);
  • de deux personnes qui jouent un rôle important dans le fonctionnement de l'organisme;
  • de deux membres sans rôle particulièrement important.

Causes possibles

  • parfois, ces conflits relèvent simplement d'une simple antipathie naturelle;
  • ils tiennent parfois à la présence de deux fortes personnalités: «il n'y a pas assez de place pour les deux dans la même organisation»;
  • parfois enfin, ces conflits peuvent être générés par une attitude qui s'apparente à la paranoïa chez l'une ou l'autre des deux personnes, tendance qui pourrait bien s'expliquer par des frustrations vécue antérieurement.

Bien entendu, les conséquences seront généralement plus graves s'il s'agit de personnes qui aspirent au pouvoir ou jouent un rôle-clé dans l'organisation. L'une ou l'autre devra peut-être s'en aller... Quand il s'agit de causes relevant de problèmes de santé mentale, il est beaucoup plus difficile de comprendre et de rationnaliser le problème... et donc, de le résoudre.

Pistes de solution

En général, la piste de solution réside dans la prise conscience du problème et de ses causes, et le rappel à des objectifs collectifs (dépassement de l'individuel...):

Dans le cas de conflits entre des personnalités fortes, on tente de leur en faire prendre conscience (elles et les autres personnes impliquées) et de les canaliser vers des objectifs collectifs, tout en leur faisant accepter les décisions prises démocratiquement, même si celles-ci défavorisent à première vue l'une ou l'autre des parties en cause.

Dans les cas de course au pouvoir, on tente là aussi de ramener les personnes en cause aux objectifs collectifs et aux structures démocratiques; on peut, au besoin, les isoler l'une de l'autre...

En ce qui concerne les conflits générés pas des problèmes de personnalité (tendance paranoïaque), il faut d'abord désarmer les personnes concernées, c'est-à-dire leur montrer (ainsi qu'aux autres personnes impliquées), que leurs revendications ne sont pas objectivement fondées (le meilleur moyen de le faire reste la transparence ou l'ouverture), et tenter de leur faire prendre conscience des vraies causes du problème (c'est une opération parfois très délicate qui peut nécessiter une aide professionnelle extérieure). Si nécessaire, il faudra expulser la personne au cas où elle met en péril l'existence du groupe tout entier.

Lorsque des conflits prennent leur origine dans des situations antérieurement vécues entre deux ou plusieurs personnes, on tente de leur en faire prendre conscience, si possible, et on les invite surtout a cesser de mettre le groupe en péril par leur comportement, faute de quoi il faudra recourir à des solutions plus radicales.

5.2.2. Les conflits à caractère structurel

Personnes ou groupes impliqués. Ces conflits peuvent éclater:

  • entre des employées ou employés et des membres bénévoles;
  • entre des comités de travail;
  • entre des structures de participation / gestion (conseil d'administration et assemblée générale, par exemple);
  • entre des structures de services et des structures de participation.

Causes possibles

  • pouvoir trop centralisé;
  • pouvoir trop diffus et inefficace;
  • problèmes entre des catégories trop différentes de personnes. C'est ce qui peut advenir lorsque des sous-groupes ont des intérêts trop divergents. Par exemple, dans un groupe d'alphabétisation, il peut y avoir conflit entre des membres bénévoles représentant le milieu au sein du conseil d'administration, et des formateurs et formatrices. Ou, entre des apprenants et apprenantes et leurs formateurs et formatrices. Autre exemple: des conflits peuvent éclater entre les personnes qui gèrent le groupe et les participantes et participants. Dans tous ces cas, il est évident que les conditions de vie et de travail, ainsi que le «statut social», peuvent parfois poser problème... Mais il est également important de comprendre que les modèles d'exercice du pouvoir tels qu'ils existent dans nos sociétés nous influencent, que nous sommes enclins à les reproduire, qu'on soit formateur ou formatrice, participante ou participant. Comme il est également inévitable que des liens d'amitié peuvent se développer entre personnes responsables de la formation ou entre bénévoles. Cela peut générer la formation de sous-groupes, mais aussi devenir un atout, une richesse pour tout le groupe;
  • problèmes d'organisation: des structures organisationnelles mal adaptées aux tâches et aux catégories d'intérêts ne peuvent qu'engendrer des problèmes;
  • Décalage de l'organisme par rapport à la réalité sociale générale (personnes participantes non représentatives de la réalité sociale générale, orientations idéologiques non pertinentes, etc.): cela peut rendre le groupe moins «socialement significatif» et risque donc de mettre son existence en péril à moyen ou long terme.

Pistes de solution

En général, il faut recourir à l'expression des problèmes et aux décisions démocratiques, en mettant l'accent sur la nécessité de se plier à la démocratie si l'on veut qu'elle soit respectée dans le processus.

Si le pouvoir est trop centralisé, il faut privilégier la décentralisation et l'expression libre des opinions.

Si le pouvoir est inefficace parce qu'insuffisamment centralisé ou trop diffus, il faut alors clarifier les lieux de décision dans chaque domaine (production, gestion, participation, etc.).

S'il s'agit de catégories de personnes ayant des intérêts trop divergents, on cherche alors à développer la prise de conscience du problème et la recherche de compromis. Sinon, il devra y avoir rupture, autant que possible acceptée de part et d'autre...

S'il s'agit de problèmes d'organisation, on repense les structures, au besoin en recourant à une aide extérieure.

S'il s'agit, enfin, de problèmes d'adaptation à la réalité sociale, il faut se donner les moyens de mieux connaître les grandes tendances qui marquent la société, en débattre, prendre démocratiquement les décisions qui s'imposent, et même, au besoin, favoriser le débat en faisant appel à des ressources extérieures.

5.2.3. Les conflits idéologiques

Il s'agit, bien sûr, de conflits entre des idées, des orientations, et très souvent des finalités. Par exemple, on verra s'opposer deux conceptions des orientations du mouvement populaire, l'une axée davantage sur les services et l'autre sur la prise en charge («l'empowerment»). Ces deux conceptions sont toujours plus ou moins présentes dans les groupes et leur développement dépendra toujours de l'équilibre existant entre les deux. C'est quand cet équilibre est rompu que surviennent des problèmes majeurs... qui risquent rapidement de compromettre l'existence même du groupe.

Formes possibles

  • Parfois, ces conflits seront clairement identifiés et formulés, en assemblée ou en groupe de travail;
  • La plupart du temps, ils ne sont pas formulés clairement, car les «partisans» des deux positions auront de la difficulté à identifier leur point de vue. Cela s'exprimera à un autre niveau: rapports difficiles entre personnes, frustrations qui auront du mal à s'exprimer, etc. Il faut alors que quelqu'un puisse aider à cerner et définir le problème, que ce soit une personne de l'intérieur ou de l'extérieur.

Causes possibles

  • Idéologie trop centralisée au niveau de la direction: cette tendance tue la créativité, car elle empêche souvent les autres points de vue de s'exprimer;
  • Inversement, il peut s'agir d'une faiblesse idéologique: personne ne semble capable d'exprimer clairement les objectifs, les buts, la finalité du groupe. Cette idéologie imprécise, diffuse, n'assure alors pas la cohésion nécessaire entre les membres de tout groupe;
  • Ou encore, le groupe verse dans le pragmatisme: on oublie un peu les orientations pour se préoccuper uniquement de la production de services...;
  • Inversement, il arrive qu'on en reste à des conceptions abstraites: on parle beaucoup des finalités, d'orientations, et pas assez des tâches quotidiennes...;
  • Parfois, il peut s'agir d'un débat entre «traditionalistes» et «progressistes» (ou étiquetés d'une façon ou d'une autre);
  • Enfin, il peut s'agir d'un problème de discrimination: envers les femmes, ou envers des membres de groupes ethniques, ou de membres provenant de tel ou tel endroit, ou de telle catégorie de membres (telle classe sociale, etc.).

Pistes de solution

En général, ces conflits doivent se résoudre au moyen de débats de clarification et de prises de décision démocratique.

Si l'idéologie est trop centralisée, on cherchera à favoriser une expression plus libre des idées...

Si l'idéologie est trop diffuse et imprécise, les débats devront viser à préciser les orientations du groupe et à resserrer les liens entre ses membres.

Si le groupe fonctionne de manière trop «terre à terre» et qu'il n'y a plus de place pour les débats de fond, il faut évidemment trouver les moyens de susciter de tels débats...

Si, au contraire, on nage dans l'abstraction, il faut axer les débats sur les tâches quotidiennes et montrer ainsi les conséquences de débats trop «flyés».

S'il s'agit d'un conflit entre «tradition et progrès», ou entre «statu quo et changement», il faut orienter les débats de façon à mettre en lumière les conséquences de telle ou telle option, et inviter les membres à juger à la pièce, selon chaque décision à prendre, plutôt que de se ranger en deux camps qui s'opposent toujours en bloc. Car les réponses dans ces domaines varient effectivement d'un cas à l'autre.

Enfin, en cas de discrimination contre un groupe (femmes, ethnie, métier, etc.) il n'existe pas d'autre solution que la conscience lucide, au besoin avec une aide extérieure et des moyens pédagogiques efficaces.

5.2.4. Les conflits reliés à des problèmes de communication

Formes possibles

  • Ces conflits s'exprimeront parfois sans que le problème soit clairement identifié, de façon spontanée, ce qui ne les rend pas moins graves pour autant. On entendra, par exemple, des explications, des interprétations qui n'ont rien à voir avec la réalité ou avec les intentions des gens mêlés au conflit. On pourra aussi parler «d'opposition appréhendée» (rumeurs), «d'embouteillage» (pas de procédures ou de règlements pour résoudre tel ou tel conflit) et, ici aussi, de «combat de chefs», idéologiques ou structurels au départ, mais transposés au niveau de la communication, chaque leader ayant ses supporteurs qui ne communiquent plus entre eux, mais uniquement par «chef interposé», etc.;
  • Parfois ces conflits seront clairement identifiés et se «vivront», par exemple, entre C.A. et permanents, entre permanents et employés sur des projets, entre comités, entre structures, etc.

Causes possibles

  • Les processus de prise de décisions manquent de transparence et l'information sur les décisions circule mal;
  • L'information circule mal entre les différentes instances, entre les comités, entre les groupes de travail ( les permanentes et permanents et le C.A. par exemple), etc.;
  • Manque d'information sur le domaine social ou professionnel dans lequel s'inscrit le groupe, ce qui entraîne des problèmes de formation, de développement, des lacunes au niveau des connaissances technologiques, etc.;
  • Manque d'information sur les lois, les politiques relatives au domaine de travail du groupe;
  • Manque de transparence au niveau des finances.

Pistes de solution

Il s'agira évidemment de développer les échanges et la communication, en se donnant des outils, des mécanismes de communication.

Mais, il faut surtout développer des outils d'information: tableaux, journal ou bulletin interne avec section de libre expression et section «éditoriale», rencontres entre comités pour parler de leurs tâches respectives, etc.

Pour couper court aux rumeurs, il n'existe pas d'autre solution que la transparence, l'ouverture, pour montrer qu'on n'a rien à cacher et que les rumeurs étaient fausses... Au cas où on découvre que les rumeurs sont fondées, il faudra alors déterminer les causes véritables du conflit, qui n'est plus un simple problème de communication, en chercher les solutions en conséquences.

Enfin, s'il s'agit d'embouteillage ou d'une insuffisance de règles et de procédures, il faut pallier à ces lacunes, en consultant d'autres personnes ou groupes, afin d'éviter d'autres problèmes de ce genre.

5.2.5. Les conflits «mixtes»

Les combinaisons peuvent varier presque à l'infini. Mais voici quelques points à retenir:

  • ces conflits sont encore plus difficiles à identifier et doivent donc faire l'objet d'une très grande attention si l'on veut les analyser correctement et donc les résoudre adéquatement;
  • les conflits qu'on laisse traîner sans essayer de les résoudre deviennent souvent mixtes par la suite, ce qui veut dire qu'ils se compliquent...

Pistes de solution

Les pistes de solution varient elles aussi presque à l'infini...

On tente de résoudre ces conflits en identifiant et en traitant d'abord l'aspect qui prédomine, et en accompagnant ce travail d'autres mesures destinées à identifier et traiter les autres dimensions du conflit.

Nous ne prétendons pas, par ces quelques réflexions, faire le tour de la question des rapports humains dans les groupes populaires. Cependant, il nous semble que ces éléments peuvent apporter un éclairage utile.

Il est important de rappeler qu'en général, les conflits ne sont pas de malheureux accidents de parcours dans la vie d'un groupe, mais constituent souvent, au contraire, des occasions de développement. En les abordant sous cet angle, on évitera bien des stress inutiles (qui risquent en plus de nuire à la recherche de solutions) et on en dégagera davantage les aspects positifs.

5.3. Le stress et l'épuisement professionnel

Nous nous contenterons ici d'apporter quelques éléments de réflexion.

L'épuisement professionnel, ou «burn-out», est vraisemblablement un des plus beaux exemples de ce que l'on a récemment nommé «maladie de civilisation». Ce phénomène est typique d'une société inégalitaire, axée sur la concurrence, où on ne reconnaît pas certains types de tâches à leur juste valeur, et où on met l'accent soit sur les capacités de réussite matérielle (amasser de l'argent ou en faire fructifier), soit sur les capacités d'assurer la satisfaction de certains besoins matériels de base (les métiers de la construction, par exemple), soit sur les métiers créateurs de nouveaux mythes (le vedettariat sous toutes ses formes).

En revanche, les intervenantes et intervenants sociaux, les éducateurs, pédagogues et autres (y compris en alpha), ne jouiront pas d'une grande reconnaissance sociale. Leur travail est souvent perçu comme du «luxe social»... Par ailleurs, ces même professions ont tendance à attirer des gens ayant un idéal, animés souvent par le désir profond d'améliorer la société, de changer les choses. Résultat: un fossé énorme entre l'idéal et la réalité. Conséquence: l'épuisement professionnel...

Comment prévenir l'épuisement professionnel?

Le meilleur moyen de lutter contre le «burn-out» est la prévention. Elle consiste essentiellement à:

  1. développer des rapports aussi égalitaires que possible avec les gens auprès de qui on intervient: éviter de «se prendre pour un autre», de penser que l'on porte l'institution, voire le monde sur ses épaules (et de se comporter en conséquence);
  2. développer la lucidité: lire correctement la réalité, savoir distinguer le possible de l'impossible et ce, sans perdre ses idéaux...;
  3. savoir reconnaître les phases de développement du «burn-out»: période d'idéalisme et d'enthousiasme débridé; période d'accalmie; période de lassitude; période de contre-productivité...;
  4. changer de tâches, retourner aux études, se donner des lieux de réflexion, etc.;
  5. savoir s'amuser, reconnaître les appels de son corps et de son esprit.

Comment guérir?

S'il est trop tard pour prévenir, il faut savoir reconnaître et accepter la réalité:

  • changer de cadre, de tâche, etc.;
  • s'éloigner au besoin, se reposer;
  • le contact avec la nature et sa simplicité mais aussi la nature et sa complexité, la nature et ses conflits, pour réapprendre à vivre la réalité en pleine lucidité...

5.4. Les rapports de travail: rôles, fonctions et conditions de travail

Débat:

Pour susciter une réflexion collective sur ce sujet, il est bon de partir de nos conceptions actuelles. Voici quelques questions qui lanceront le débat.

1. Travailler dans un groupe populaire: est-ce un travail comme un autre? une «vocation»? Faut-il «payer pour»?

2. Faut-il rémunérer les animatrices et animateurs:

  • selon leurs fonctions?;
  • selon leurs responsabilités;
  • sur une base égalitaire?

3. Faut-il un contrat de travail?

Réflexion et mise en situation sur le rapport entre vie affective et travail

Nous vivons dans un monde qui sépare radicalement l'univers du travail et celui de la vie affective. Dans ces conditions, on peut se demander à juste titre s'il est possible d'harmoniser les deux ou au contraire, si l'on est condamné à développer une sorte de «schizophrénie» pour pouvoir fonctionner.

  1. La société nous invite à cloisonner vie de travail et vie affective. Doit-on accepter cette situation? Ne serait-il pas illusoire de vouloir l'éviter, et cette illusion ne risque-t-elle pas de nous coûter cher éventuellement? Autrement dit, dans quelle mesure peut-on impunément lier le travail et l'épanouissement personnel global?
  2. Les rapports de travail peuvent-ils se vivre sur un autre registre que celui de la seule productivité? Autrement dit, peut-on aller plus loin encore que d'aimer son travail: est-il possible d'y développer des rapports affectifs enrichissants, d'y vivre — sans être pénalisés — nos émotions?

L'organisation du travail

Il est très important de préciser le mode d'organisation du travail privilégié par un groupe. Le modèle organisationnel adopté reflètera normalement les objectifs qu'il poursuit concrètement. En ce sens, cette question rejoint les modèles organisationnels développés au chapitre 2.

En particulier, on peut souligner l'illogisme d'un modèle d'organisation du travail perpétuant des rapports de travail axés sur l'exploitation de la force de travail du personnel, au sein d'un organisme qui prétend publiquement s'inscrire dans une démarche de transformation des rapports sociaux.

Les conditions de travail

Évidemment, les conditions salariales dans les groupes populaires dépendent essentiellement des conditions de financement. Il est intéressant, à ce niveau, de prendre connaissance de certaines études portant sur les conditions de travail dans les groupes populaires. Prenons le temps d'en lire un extrait:

... ces programmes articulés à des projets de création d'emploi (PDE, article 38, travail communautaire, etc.), [ont] tendance à mettre de l'avant la précarisation du travail au sein des organismes populaires. Inversement, une subvention récurrente accordée à un groupe a plutôt tendance à produire un statut d'emploi permanent. Cette situation a comme conséquence de créer, au sein des organismes populaires, des rapports contradictoires, des divisions sociale et sexuelle du travail11.

Cette même étude a révélé les faits suivants:

  • 4 personnes sur 5 employées dans les groupes populaires sont des femmes;
  • 30,1% travaillent dans le champ spécifique de la condition des femmes;
  • 56% ont moins de 35 ans;
  • 65% ont atteint le niveau des études universitaires;
  • 68,4% ont moins de trois ans d'expérience;
  • 47% n'ont pas de statut de permanence dans leur travail;
  • 30% des hommes occupent un poste de direction (15% des femmes);
  • 11,20% des femmes et 30,43% des hommes gagnent plus de 451$/ semaine;
  • En général, malgré le fait que 89% des personnes interrogées se disent surchargées de travail, on peut constater qu'environ 50% seulement se disent insatisfaites de leur travail. Un autre élément semble donc jouer: au-delà des conditions salariales nettement inférieures à celles que l'on retrouve ailleurs, et malgré une surcharge de travail assez généralisée, le fait d'exercer un plus grand contrôle sur son travail apporte une grande satisfaction12.

Pour un contrat de travail

Il nous semble très important que les groupes populaires prévoient des contrats de travail avec leurs employées et employés. Il ne s'agit pas d'augmenter les contraintes et de resserrer les conditions imposées aux personnes salariées, mais au contraire, de mieux respecter ces dernières dans leur statut d'employé. Ces contrats de travail devraient préciser le statut de l'emploi, sa durée le cas échéant, les conditions salariales et les avantages marginaux, les congés possibles, etc. Ils peuvent être plus ou moins précis, selon les conditions concrètes de chaque organisme, mais dans tous les cas, ils auraient l'avantage de clarifier les conditions liant les employées et employés à l'association. Cela peut éviter de nombreux problèmes par la suite, à la condition qu'on n'en fasse pas le lieu de rapports antagoniques.

La rémunération: égalitaire ou variant selon les postes?

Contentons-nous de quelques réflexions sur un sujet où il est bien difficile de trancher.

  1. La situation de la rénumération est variable selon le «compromis social» actuel, c'est-à-dire dans la situation concrète de telle ou telle société. Ainsi, comme un groupe populaire en alphabétisation n'est pas un centre d'emploi, peut-être est-il préférable de différencier, par exemple, les conditions et les tâches des permanentes et permanents de celles des personnes employées dans le cadre d'un projet de développement de l'emploi ou de tout autre projet provisoire. En ce sens, la situation doit être très claire lorsqu'on embauche des personnes dans le cadre de tels programmes. Il convient peut-être aussi de différencier la situation qui existe dans un groupe populaire de celle qui peut se développer dans un groupe communautaire plus axé sur le service et qui fonctionne souvent «à contrat» avec l'État. Dans ce dernier cas, les conditions contractuelles et les exigences du subventionneur peuvent contribuer à rapprocher les conditions de travail dans le groupe de celles qui ont cours dans le reste de la société;
  2. Il semble normal que dans des groupes qui, comme les nôtres, militent pour le changement et le progrès social, l'on tende à privilégier une plus grande égalité. On peut aussi chercher à respecter, là où c'est possible et où les rapports inter-individuels le permettent, le principe des responsabilités personnelles de chacun, dans la mesure où l'État n'opère pas correctement ces réajustements. On pense par exemple aux besoins des familles monoparentales avec deux ou trois enfants, etc.;
  3. Pour réaliser de tels objectifs, on peut utiliser l'ensemble des revenus sur lesquels on a un contrôle complet pour en faire une enveloppe salariale globale qu'on répartit entre les permanentes et les permanents;
  4. Cependant, dans tous les cas, il faut concevoir un système de rémunération qui reconnaisse fondamentalement: le travail à faire et la responsabilité réelle encourue (pas nécessairement selon le poste occupé). Autrement dit, si le mode de rémunération se veut équitable, il doit reconnaître les inégalités existant sur le plan de la charge de travail et/ou des responsabilités. Bref, le mot-clé à retenir, c'est: justice. Si l'on décide, après débat démocratique, de tendre vers l'égalité, il faut le faire en appliquant les principes de justice...;
  5. En ce qui concerne la question du temps de travail, il vaut peut être mieux éviter de préciser dans le contrat de travail un nombre fixe d'heures ou de jours de travail quand on sait qu'en réalité, les gens travaillent toujours plus longtemps. C'est là une source de stress, de «burn-out» et de conflit. En ce sens également, éviter de gonfler régulièrement la charge de travail par des tâches d'encadrement de PDE ou autres projets pourrait bien s'avérer rentable pour la santé mentale du personnel, et indirectement pour le groupe. Et si l'on le fait, il est important que ces tâches soient calculées, reconnues dans la charge, tout en veillant à ce qu'elles ne nuisent pas à l'accomplissement des tâches régulières et fondamentales du personnel permanent.

5.5. Résumé du chapitre

La gestion des ressources humaines dans les groupes populaires est encore plus importante que dans les entreprises. Car dans ces organismes, on vise plus qu'à répondre à des impératifs «de production»: un groupe populaire cherche également à susciter des changements sociaux. Or, le changement social progressiste suppose qu'on transforme certains rapports sociaux. Le souci d'offrir des services adéquats va en ce sens, la volonté d'agir sur les rapports de travail aussi.

C'est pourquoi il est important de développer, dans les groupes populaires, une réflexion adéquate sur les rapports humains, sur la gestion des conflits, considérés comme «crise de croissance» et sources possibles de progrès, sur les relations de travail, l'épuisement professionnel ou «burn-out», et même sur les principes guidant la rémunération du personnel.

Dans tout cela, ce sont toujours les mêmes principes qui nous guident, ceux qui fondent l'existence même des groupes populaires: l'élargissement de l'espace démocratique et la prise en charge la plus grande possible, par les gens eux-mêmes, de leurs conditions de vie et de travail.

6. La gestion démocratique des ressources matérielles

[Voir l'image pleine grandeur]Femmes et hommes lors d'une manifestation concernant  l'économie

Itinéraire du chapitre

Les questions relatives aux ressources matérielles touchent d'abord et avant tout les sources de financement et nos rapports avec les bailleurs de fond, dans la mesure où il est important d'exiger que l'État soutienne des groupes qui travaillent à la démocratisation des rapports sociaux et de préserver en même temps la plus grande autonomie possible.

Cette question des ressources matérielles nous rappelle également que la gestion de nos finances doit être à l'image du reste de nos activités: démocratique, accessible au plus grand nombre et contrôlée par nos membres, puisque cela fait partie de la prise en charge de nos conditions de vie et de travail. D'autant plus que les questions économiques doivent de plus en plus faire partie de nos préoccupations comme groupes populaires: on ne doit plus se contenter d'agir dans le «social», comme si l'économique n'était que l'affaire des spécialistes. La démocratie passe aussi par le développement économique. Ou, si l'on préfère, le développement économique doit également se faire démocratiquement: RIEN de ce qui est humain ne m'est étranger: voilà l'essence de la prise en charge du mouvement populaire.

6.1. Questions de financement

Débat:

Il peut être utile, pour que tout le monde soit sur la même longueur d'onde avant d'entamer la réflexion collective sur ce chapitre, de déblayer le terrain par une brève discussion autour des questions suivantes:
  1. Quels devraient être nos principaux bailleurs de fonds?
  2. Face à ces bailleurs de fond, comment préserver notre autonomie?
  3. Comment répondre aux conditions exigées pour l'obtention de subventions sans dévier de nos objectifs (à moins que ce soit conscient et voulu)?

Éléments de réflexion

Il est important de définir le plus précisément possible les sources de financement qui devraient normalement, de par leur mission même, nous subventionner. Il s'agit là d'une question politique de grande importance. Les autres bailleurs de fonds ne devraient être que des substituts, des sources de revenus complémentaires, ou encore, des sources de revenus utiles pour ne pas trop dépendre d'un seul bailleur de fonds. Dans le cas du Québec, le principal bailleur de fonds direct doit être le ministère de l'Éducation, (possiblement par l'intermédiaire des commissions scolaires ou d'autres structures relevant du MEQ).

Il est également nécessaire de bien comprendre que l'État démocratique n'est pas une entité homogène, qu'il présente de multiples facettes: il n'est pas seulement une institution contrôlée par une classe, comme on avait parfois trop tendance à le penser à une certaine époque: il fait également partie du patrimoine populaire en tant qu'un acquis de la lutte séculaire pour la démocratie. En ce sens, on peut y intervenir nous aussi, et on peut également y trouver des oreilles attentives même si l'on a tendance à se montrer sceptiques sur ce point.

De plus, il y a, au gré des périodes et des gouvernements, des différences de sensibilité entre ministres ou députés, entre fonctionnaires, entre les divers paliers de gouvernement. Il peut être utile de connaître ces différences, pour obtenir des appuis occasionnels à nos perspectives de travail, obtenir des fonds le cas échéant, bref, pour faire reconnaître que l'État doit rester la source principale de financement des groupes populaires, qu'il en va de son propre intérêt d'État démocratique. D'ailleurs, les entreprises et les autres institutions de la société civile ne se gênent pas, elles, pour exploiter et tirer profit des divergences existant entre certains secteurs de l'administration publique. Pourquoi ne jouerions-nous pas, nous aussi, la carte de la démocratie?

Dans nos rapports avec l'État, il est également essentiel de toujours garder nos objectifs à l'esprit, pour ne pas succomber à la tentation de les subordonner à l'obtention de telle ou telle subvention. C'est une condition essentielle si l'on veut éviter de dévier de nos objectifs dans un contexte de grande dépendance.

Il est aussi très utile de diversifier jusqu'à un certain point nos sources de financement. Ne pas dépendre d'un seul bailleur de fonds peut nous aider à préserver nos objectifs. Car à travers tout cela, il faut chercher à rester autonomes. C'est là la base même de notre raison d'être. Si nous acceptons de devenir des institutions ou des satellites des institutions, nous perdons cette raison d'être. Par contre, cette autonomie ne pourra pleinement se réaliser que si elle n'est pas «frileuse»: il faudra que le groupe accepte de s'allier à d'autres autour d'objectifs communs. Bref, il s'agit ici d'une autonomie ouverte.

6.2. Questions de gestion démocratique

Débat:

Pour entrer dans le vif du sujet, commençons par une brève discussion autour de la question suivante: Comment procéder, dans nos groupes populaires, pour ne pas laisser la gestion financière aux mains de spécialistes?

Éléments de réflexion13

Dans les groupes populaires, la gestion et la comptabilité comportent trois dimensions (parfois quatre):

Une dimension matérielle

Qui consiste à donner au groupe tous les outils de gestion nécessaires à son fonctionnement administratif et démocratique. Elle comprend les éléments suivants:

1. La charte des comptes: l'inventaire systématique des sources de revenus et de dépenses d'un groupe, ainsi que des postes concernant ce qu'il possède (l'actif) et ce qu'il doit (le passif). C'est une liste qui sert à traduire ces postes en un système de «comptes» adaptés aux besoins de chaque groupe.

2. Le système comptable: l'ensemble des opérations de tenue de livres.

3. La tenue de livres: consiste à enregistrer chronologiquement toutes les activités financières du groupe (entrées et sorties de fonds) pour s'y retrouver facilement. Autrement dit, la tenue de livres permet de mesurer:

  • combien on a d'argent, et d'où il vient;
  • à quoi a servi l'argent dépensé;
  • combien il en reste (pour pouvoir décider en pleine connaissance de cause ce qu'on va faire avec...);
  • quels sont nos avoirs immobiliers, nos dettes, notre valeur nette.

4. La vie quotidienne dans les livres:

  • le journal des recettes: date, provenance, explications, dépôts;
  • le journal des déboursés: date, destinataire de l'argent, explications, chèque;
  • la conciliation de banque: mise à jour des relevés mensuels afin de connaître le montant réel de l'argent en banque;
  • le grand livre: résumé mensuel et cumulatif de toutes les transactions (balance de vérification);
  • le journal des salaires;
  • les outils: à comptes bancaires (prévoir: un compte avec opérations, un compte d'épargne, des dépôts à terme...); à bordereaux de dépôt (auxquels on ajoute la provenance des argents); chéquier (et talons); à relevé mensuel (à exiger de la banque); à petite caisse

5. États financiers et prévisions budgétaires

Une dimension tactique

Associée au financement qui consiste à fournir des données exactes pour savoir où en est le groupe financièrement, et pour appuyer nos demandes de subventions.

À savoir: l'état de la situation pour voir clairement ce qu'on a et ce qui manque.

  • Ex.: (revue, feuilles annexes): déficit prévisible. Si l'on en connaît l'importance, on organisera une campagne de financement (ou autres démarches) qui répondra au besoin. Ainsi, on ne réagit pas de la même façon à un déficit prévisible de 1000$ ou de 20,000$.
  • Bref, on s'organise en conséquence.

Une dimension stratégique

Qui sert l'objectif fondamental de notre travail, à savoir la prise en charge, la prise de pouvoir.

  • Ne jamais laisser les finances à un ou une comptable...
  • Toujours savoir: où on en est, d'où ça provient, où on s'en va...

DONC

1. exiger (ou se donner) un rapport mensuel qui soit:

  • compréhensible;
  • explicatif et clair;
  • qui permette de voir d'un coup d'œil ce qui se passe et où on s'en va (par exemple, avec un tableau comparatif des revenus par rapport aux prévisions de revenus et les dépenses par rapport aux prévisions de dépenses pour chaque poste budgétaire)

2. Suivre de près les prévisions budgétaires et ce quelles deviennent.

3. Relier ces questions au financement général: aux méthodes de financement; aux sources de financement, etc.

Pour des organismes à vocation économique une autre dimension stratégique:

Vérifier le niveau de développement d'un de leurs objectifs, à savoir la rentabilité économique ou la productivité.

6.3. Résumé du chapitre

Qu'il s'agisse du financement ou d'autre chose, la perspective des groupes populaires demeure la même: chercher à développer le plus possible la démocratie à tous les niveaux. Cela signifie concrètement que l'on cherche à amener l'État à reconnaître ses «responsabilités démocratiques» face à un mouvement populaire qui constitue indéniablement un élément moteur du développement social, économique et culturel. Il faut que l'État reconnaisse qu'en vertu de ces responsabilités, il lui incombe de financer les groupes populaires—Parallèlement, les groupes doivent trouver les moyens de préserver leur autonomie.

En ce qui regarde la gestion financière, il faut travailler dans le même esprit: la démocratie doit s'exercer aussi à ce niveau. La prise en charge doit AUSSI englober cette dimension, même si l'on a parfois l'impression d'y perdre son temps. L'économique, aussi bien que le social ou le culturel, fait partie de ce qui doit nous appartenir démocratiquement. Plus encore, tous trois constituent le cadre général dans lequel se développe la prise en charge, par les gens de toutes origines et de toutes classes, de leurs conditions de vie et de travail. C'est pourquoi les groupes populaires s'intéressent à toutes ces dimensions de la vie. Répétons-le: rien de ce qui est humain ne m'est étranger.

Conclusion

En fin de parcours, je me permettrai de souligner certains points relatifs aux structures et au fonctionnement des groupes populaires qui m'apparaissent essentiels.

À mon avis, et c'est là le premier point, si l'on veut que nos groupes soient porteurs des intérêts des couches populaires, il est impératif que notre propre fonctionnement rompe avec les inégalités qui caractérisent trop souvent les organisations sociales en général. Cela signifie, entre autres, que les rapports à l'interne doivent respecter les intérêts et les besoins des divers groupes présents: participantes et participants, animatrices et animateurs, permanentes et permanents, bénévoles, etc. En ce sens, il faut instaurer à l'intérieur de nos groupes des rapports qui permettent à toutes les personnes et à toutes les catégories de personnes impliquées d'avancer, de se développer à partir de leur situation initiale.

Le deuxième point, qui me semble également essentiel, c'est que les structures et le fonctionnement doivent s'adapter à la fois aux objectifs spécifiques de chaque groupe et aux conditions conjoncturelles du milieu dans lequel le groupe évolue.

Enfin, un dernier point sur lequel je crois devoir mettre l'accent, c'est qu'on doit chercher à développer la démocratie dans toutes les dimensions de nos groupes et de nos sociétés: dimensions économique, sociale, culturelle et politique. Qu'il faille aménager l'espace démocratique en respectant la diversité des compétences est une chose. Mais que toutes les personnes et catégories de personnes impliquées dans un milieu ou dans une situation aient le droit et la possibilité réelle de s'y exprimer et de faire valoir leurs intérêts en est une autre, laquelle ne souffre, selon moi, aucune exception.

En ce sens, les groupes populaires resteront des lieux privilégiés d'expression des intérêts des couches populaires, dans la mesure où on n'aura pas peur de créer des mécanismes d'expression des idées et de prise en charge.

Annexes

1. L'étude des organisations

On peut définir une organisation comme «des personnes physiques, réunies plus ou moins volontairement, pour produire quelque chose, ensemble»14.

Les organisations ont été scrutées à la loupe tout au long de l'histoire humaine, avons-nous dit. Comme on peut s'y attendre en raison de sa proximité avec les préoccupations fondamentales relatives aux questions de subsistance et de production de la vie matérielle, le champ organisationnel le plus étudié est, bien sûr, celui des entreprises à vocation économique. À un point tel que les théories, principes et modèles organisationnels existants tendent largement à provenir de ce champ organisationnel. Ces études ont été menées en particulier à travers deux «lunettes»: celle des sciences de la gestion et celle de la sociologie (notamment la sociologie du travail). Ce sont les deux principaux courants existants dans l'étude des phénomènes organisationnels.

1. Le courant sociologique s'est surtout porté sur l'étude des institutions et de leurs stratégies de développement. Il est devenu l'une des grandes divisions de la sociologie, appelée sociologie du travail. C'est une branche de cette sociologie du travail, soit la sociologie des organisations, qui nous intéresse plus particulièrement ici. Elle est traversée par plusieurs écoles ou tendances.

1.1- L'école dite «des relations humaines» est issue des expériences d'Elton Mayo et de ses élèves à la Western Electric Company à Hawthorne (U.S.A.). Ces chercheurs voulaient étudier l'influence de l'environnement physique sur la productivité. Or, ils se sont aperçus que les gens sont davantage touchés par leurs relations et leurs interactions personnelles dans l'entreprise que par les conditions matérielles de travail. Ces résultats ont donné naissance à une série de recherches axées sur «l'organisation informelle», c'est-à-dire sur les relations interpersonnelles, par opposition à «l'organisation formelle» des structures, des règlements, etc. Dans cette perspective, cette école a évidemment mis l'accent sur les communications, la satisfaction au travail, la dynamique des groupes, la façon de commander, etc.

1.2- L'école dite de «l'analyse stratégique» (Crozier et Friedberg), est axée sur l'étude de l'organisation en tant qu'institution, c'est-à-dire comme un «organisme s'adaptant et changeant, comme le produit naturel de besoins sociaux, de pressions», et non plus comme un simple outil au service d'une «fin donnée d'avance»15. C'est dans ce cadre qu'intervient la notion de pouvoir et la question des rapports de pouvoirs, plus ou moins escamotées par l'école des relations humaines du fait de sa tendance à l'individualisation.

1.3- L'étude de la bureaucratie fait notamment partie des objets étudiés par cette école16. Si Max Weber considérait cette bureaucratie comme le type idéal de l'organisation (parce que le plus impersonnel), Crozier a démontré au contraire «comment le développement des règles impersonnelles, la centralisation des décisions, l'isolement de chaque catégorie hiérarchique et la pression égalitaire du groupe sur l'individu ainsi que le développement des relations de pouvoir parallèles, en raison de leurs dysfonctions et par l'action calculée de ceux-là mêmes qui en sont les victimes, suscitent de nouvelles pressions pour l'impersonnalité et la centralisation[...] Le changement, la réadaptation à l'environnement ne peuvent s'y faire que par crises»17.

1.4- Enfin, dans la même veine «institutionnelle», mentionnons également l'école de «l'analyse institutionnelle»18. Cette école, résultat d'une fusion entre diverses recherches menées en milieu institutionnel et axées sur la santé mentale (la «thérapie institutionnelle») et sur l'école (la «pédagogie institutionnelle»), place l'institution au centre des actes thérapeutiques et pédagogiques. En se fondant sur l'analyse des diverses composantes de l'institution, ses théoriciens ont en particulier analysé les conflits considérés comme des «analyseurs privilégiés des rapports sociaux». Autrement dit, les conflits sont, pour eux, des manifestations de contradictions plus profondes et doivent donc être abordés non seulement en tant que problèmes à résoudre, mais surtout en tant que signes de rapports plus complexes dans l'ensemble de la société.

2. Le courant «gestionnaire» s'identifie pratiquement à l'histoire du management, et est axé surtout sur le développement des entreprises à vocation économique et sur l'analyse des groupes et des organisations comme «facteurs de production». Voyons quelques grandes étapes de ce courant19.

Si l'on fait abstraction de l'économie féodale du bas moyen-âge (de l'an 1 à l'an 1000, avec son organisation basée sur la hiérarchie et la subordination aux seigneurs et aux papes), on peut dire que l'étude des «phénomènes organisationnels» commence avec celle de l'économie artisanale du moyen-âge (en gros à partir de l'an 1000), avec le développement de l'activité économique, des États, de l'artisanat, du régime corporatif des guildes et, déjà, des premières associations de solidarité entre ouvriers (le «compagnonnage») organisées contre les marchands qui devenaient de plus en plus puissants. Elle se poursuit jusqu'au capitalisme post-industriel qu'on connaît maintenant, avec ses concepts de «qualité de vie au travail» et de «qualité totale». Cependant, la recherche à prétention vraiment scientifique à ce niveau n'a commencé qu'avec Adam Smith et sa théorie du «laisser-faire économique».

2.1- Le «mercantilisme» (1300 à 1800): les manufactures remplacent les artisans. On prend de plus en plus conscience de l'activité économique comme réalité sociale distincte. Alors que jusque-là, le catholicisme imposait une vision de la société plutôt «collective» et très hiérarchisée, la réforme protestante survient et préconise la liberté individuelle, davantage conforme aux exigences du capitalisme naissant. D'où le développement de la «libre entreprise», de la revalorisation du profit, et le début d'une certaine séparation entre l'Église et l'État.

Dans ce contexte, Adam Smith (1723-1790) introduit pour la première fois l'idée qu'on peut étudier scientifiquement le phénomène économique, dans son ouvrage Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations, publié en 1776. Il y préconise la théorie du «laisser-faire économique». Il introduit également des notions comme la «division du travail», le «travail salarié» (pour tenir compte du remplacement progressif de l'artisan par l'ouvrier), la transformation des méthodes de production pour produire «en plus grande quantité», etc.

Bref, on peut déjà voir apparaître certains des grands principes qu'on connaît encore maintenant dans les organisations, notamment la division du travail, la hiérarchisation des emplois, les exigences en matière d'efficacité, etc.

2.2- Le capitalisme industriel (1800-1900): c'est le début de l'âge de l'acier et de la concentration industrielle. Le développement de l'économie capitaliste, combiné au développement technologique (machines à vapeurs, moteurs, dynamite, etc.) a accentué le bouleversement appelé révolution industrielle. D'où la naissance de grandes entreprises concentrées en un seul lieu, l'éloignement progressif du producteur face au consommateur, le développement de nouvelles méthodes de production (machines, travail à la chaîne), la plus grande répartition du capital entre plusieurs actionnaires, etc.

C'est la concrétisation des principes de concurrence (le Darwinisme social de Herbert Spencer ne tend-il pas à affirmer qu'il est «naturel que le meilleur gagne»?), la glorification de l'entrepreneurship, le durcissement des rapports entre patrons et grands syndicats naissants (Chevaliers du travail en 1869 et Fédération américaine du travail en 1886), l'apparition des grandes idéologies critiques du capitalisme (le Manifeste du Parti communiste de Marx et Engels paraît en 1841), etc. C'est de tout cela que surgissent les véritables grandes théories du management qui continuent d'influencer les modèles d'organisation que nous connaissons.

Mentionnons en particulier Frederick TAYLOR (1856-1919) dont le principe de base consiste à favoriser la rationalité économique. Taylor constate une sous-utilisation des ressources, surtout humaines, et le salaire peu élevé des employés. À ses yeux, l'ouvrier, dans ce contexte, aura toujours tendance à en faire le moins possible et à travailler le plus lentement possible. Il préconise donc une collaboration des patrons et des ouvriers autour de deux objectifs: l'augmentation de la productivité, à condition que les salaires suivent. Pour cela, il faut maximiser le rendement par un découpage minutieux et complexe de tous les éléments de la production: c'est la chaîne de montage, assortie d'une hiérarchie stricte et directe entre le niveau de la conception et du commandement et celui de l'exécution.

Par la suite, l'histoire du management s'est toujours plus ou moins développée par rapport au «taylorisme»: de FAYOL, le «père du management» qui a poussé encore plus loin les principes de Taylor, jusqu'aux théories actuelles, en passant par WEBER et son modèle bureaucratique, l'école des relations humaines dont on a parlé plus haut et des écoles comme celle de la gestion par les systèmes (1965), etc. Mais comme notre but ici n'est pas de relater en détail cette histoire du management, nous terminerons cette section en évoquant la théorie du «développement organisationnel», qui fait un peu la synthèse de la situation actuelle.

2.3- Le développement organisationnel (DO): on a souvent constaté un écart énorme entre l'organisation idéale (communications ouvertes, solution de conflits par consensus, pouvoir reposant sur la compétence et non sur les fonctions, atmosphère réceptive à l'expression des idées et des sentiments, approche fondamentalement «humaine», etc.) et la réalité actuelle des organisations (centralisation, division exagérément complexe du travail, climat de méfiance fondé sur la hiérarchie et la concurrence, règlementation souvent excessive, conception réductrice de la participation, qui devient souvent une simple démarche d'information unilatérale).

Devant ce constat, les théoriciens des organisations ont développé des concepts comme la qualité de vie au travail (susceptible d'accroître la motivation au travail) et la qualité totale (qui prétend aller au-delà des résultats financiers, en tenant compte des coûts humains et environnementaux). Dans cette perspective, la tendance la plus récente en est venue à mettre l'accent sur une évaluation ou une mesure de la qualité des produits et services, qualité sanctionnée par un certificat d'accréditation dépendant du respect de normes internationales devenues, dit-on, essentielles pour «compétitionner» dans le monde actuel. En fait, l'enjeu de ces nouvelles conceptions est très clair: il s'agit d'abord et avant tout de la recherche d'une meilleure productivité dans le cadre d'une compétition de plus en plus grande. La qualité et la quantité des produits doivent donc se comparer avantageusement à celles des concurants. On ne remet jamais en question le rôle social du travail comme exigence fondamentale de valorisation de soi, ni la survalorisation de l'économique par rapport au social, qui caractérise nos sociétés contemporaines, même au moment où le chômage augmente de plus en plus et où les entreprises en viennent à favoriser des technologies de plus en plus efficaces dans leur production et contribuent ainsi à l'accroissement du chômage.

Ces concepts de qualité totale et de qualité de vie au travail supposent une stratégie de changement. C'est ce à quoi prétend le développement organisationnel.

Une définition: «Un effort programmé global, c'est-à-dire au niveau de l'ensemble de l'organisation, encouragé et animé par les dirigeants au sommet en vue d'améliorer l'efficacité et la santé de l'organisation au moyen d'interventions sur les processus de fonctionnement de l'organisation qui font appel aux apports des sciences humaines»20.

Contenu et démarche

Le DO veut être une stratégie de changement, visant à améliorer:

  • l'efficacité (capacité de se fixer des objectifs et de les atteindre, et congruence entre les composantes internes et l'environnement);
  • l'efficience (rapport entre l'énergie nécessaire à la bonne marche de l'organisation et ses résultats);
  • la santé (capacité de grandir et de se renouveler) d'une organisation21.

Dans cette perspective, le DO est à la fois contenu et démarche.

En tant que contenu, le DO se développe à deux niveaux: d'abord celui du «diagnostic de la situation existante», et ensuite celui des «cibles d'intervention, ce sur quoi vont porter les changements. Les changements peuvent se situer au plan des objectifs, des politiques, de la structure formelle de l'organisation (division du travail, délégation de l'autorité formelle, réglementation interne). Ils peuvent également porter sur des comportements à adopter au plan des communications, de la prise de décisions, de l'exercice du commandement, des mécanismes de solutions des conflits. L'adoption de comportements nouveaux suppose au préalable une remise en cause de la culture même de l'organisation, c'est-à-dire des valeurs et des normes (philosophie managériale, aspirations des individus, etc.) qui informent ou guident les comportements à tous les niveaux de la pyramide sociale de l'organisation».

En tant que démarche (ce qu'il est avant tout, c'est-à-dire une manière d'introduire des changements), le DO tente «d'impliquer le plus de gens possible à tous les niveaux en autant qu'ils sont concernés par les changements à apporter. Pour aider ces gens (individus et groupes naturels) dans leur réflexion et leur comportement, l'aide d'un agent de changement interne et/ou externe est nécessaire»22.

3. Une piste pour l'avenir dans l'esprit des groupes populaires?

N.B. Cette section n'a pas fait l'objet d'une prise de décision collective des groupes populaires en alphabétisation et n'engage donc que son auteur, comme d'ailleurs l'ensemble du présent document. Il nous semble utile de le préciser dans ce cas-ci en raison de sa nature.

Le présent cadre ne nous permet malheureusement pas de développer cette section comme il faudrait. Cependant, on peut suggérer une piste de solution qui a l'avantage de s'inscrire dans la logique des groupes populaires.

En effet, le développement actuel de l'économie tend de plus en plus à élargir le fossé entre l'économie et la société. On en vient maintenant à parler de «reprise» et de croissance économique en se basant uniquement sur un certain regain de la productivité, sans pour autant constater une baisse significative du chômage.

Pourtant, dans nos sociétés, le travail reste un lieu fondamental de valorisation de soi dans l'idéologie dominante. D'où le fait que le chômage «d'un nombre croissant d'individus n'est pas seulement une pathologie sociale de très grande ampleur, aux effets économiques et culturels dévastateurs: augmentation de la toxicomanie et de la criminalité, troubles mentaux, suicides, marginalisation de la jeunesse, banalisation du racisme. Elle équivaut à une véritable privation de citoyenneté...» Autrement dit, cette autonomisation de l'économie par rapport au social équivaut à une rupture majeure du contrat social en vigueur jusqu'à maintenant.

Or, cette rupture se manifeste de plus en plus clairement, à un moment où les industriels sont «condamnés à un accroissement permanent de leur productivité, en raison de la concurrence extérieure, (ils) relèvent le défi, et constatent qu'avec un peu plus de technologie, on peut produire autant — sinon davantage — en utilisant moins de personnel... D'où, logiquement, les suppressions d'emplois en chaîne dans l'industrie, et qui vont bientôt massivement atteindre le secteur tertiaire, banques et assurances en premier lieu... L'«économie» devient chaque jour plus performante en expulsant progressivement l'homme de son fonctionnement»23.

Dans ce contexte, les gouvernements dirigent leurs efforts sur un certain type de relance: la recherche de la croissance. Mais cette stratégie ne change fondamentalement rien à la domination de l'économique sur le social, puisque la concurrence reste la même, tout comme l'évolution des technologies.

Restent donc des pistes véritablement nouvelles, dont l'objectif stratégique essentiel serait de remettre l'économie à sa place, au service de la société et des personnes qui la composent.

Dans cette perspective, il serait bon de s'interroger sur le rapport entre les groupes populaires et la vie économique: non qu'il faille concurrencer les «experts» dans ce domaine, mais pour se demander s'il ne faudrait pas y ramener l'humain et le social au premier rang. Ce qui supposerait, dans le cas d'une réponse positive bien sûr, qu'on intervienne à plusieurs niveaux. Le premier serait, évidemment, celui du politique, dans la mesure où il faudrait alors pousser les gouvernements à chercher davantage des solutions à portée sociale plutôt que purement économiques. On pourrait ainsi remettre à l'ordre du jour, rapidement, la nécessité de développer des alternatives aux projets de société dominants.

Par ailleurs, et toujours dans la perspective évoquée plus haut, on pourrait aussi orienter ses recherches du côté du travail partagé, tout en évitant que l'accroissement du temps libre soit bêtement récupéré par l'industrie du loisir.

Il faudrait également explorer et préconiser une certaine «communautarisation» de l'emploi. Autrement dit, si l'on optait pour une stratégie de développement économique communautaire, il faudrait alors s'assurer qu'il soit pris en charge dans la perspective indiquée plus haut, non s'intégrer dans le développement économique classique.

Globalement, il faudrait s'interroger sur l'opportunité pour les groupes populaires de contribuer à la création d'un tiers-secteur économique (autre que le «public» ou le «privé commercial classique»), davantage axé sur un développement réel de l'emploi. Ce tiers-secteur pourrait se concrétiser soit dans des secteurs d'utilité sociale peu explorés à ce jour: pensons à de nouveaux emplois «de services aux personnes, ou d'utilité culturelle, territoriale, écologique, etc.»24, soit carrément par le mise sur pied d'entreprises communautaires qui soient de réelles alternatives aux entreprises commerciales classiques. Cette perspective de développement supposerait bien sûr, que les programmes d'employabilité soient repensés pour correspondre à de véritables mesures de justice sociale et de redistribution équitable des richesses, et ne se réduisent pas à des programmes «exploiteurs», comme c'est largement le cas actuellement.

Mais tout cela ne serait possible, comme toujours lorsqu'il s'agit de générer une mutation majeure de la société, qu'avec une large mobilisation de la population, résultant d'une réelle concertation de toutes les forces de progrès soucieuses de trouver des solutions aux problèmes actuels.

2. Un coup d'œil sur l'approche de la régulation

Nous n'avons malheureusement pas la place nécessaire, dans le présent document, pour présenter en détail cette approche. Nous nous contenterons donc d'un bref survol, en espérant qu'il saura inciter les lecteurs à approfondir le sujet.

Certaines de nos réflexions qui font appel à des termes comme les rapports de travail et les rapports de consommation procèdent en partie de ce qu'on appelle l'approche régulationniste. En gros, l'approche régulationniste vise «à remettre les rapports sociaux au centre de l'analyse économique et à renouveler ainsi l'économie politique... Elle propose une analyse de la réalité qui fait appel entre autres à la notion de mode de régulation. Cette notion, qui est nouvelle dans les approches d'inspiration marxiste, désigne un ensemble cohérent de codifications des divers rapports sociaux (de formes structurelles telles que les institutions, les normes et la routine sociale) qui forment un système et assurent ainsi une certaine régularité à ces rapports dans une société donnée, pour une période donnée. Les périodes de croissance relativement stables sont celles où les formes des rapports sociaux sont en compatibilité entre elles et avec un régime d'accumulation qui peut être extensif ou intensif (c'est-à-dire centré sur l'investissement dans les moyens de production ou dans les moyens de consommation). Les périodes de grande crise, de crise structurelle, seront celles où cette compatibilité n'existe plus»25.

D'une certaine façon, on pourrait dire que chaque conjoncture relève d'un compromis social entre les diverses forces qui composent une société. À chaque conjoncture, le compromis sera remis en question dès que des changements importants (d'ordre économique mais aussi d'ordre social ou culturel) surviendront.

Les régulationnistes considèrent que le capitalisme est marqué par cinq rapports sociaux fondamentaux: le rapport marchand, le rapport salarial, le rapport entre les entreprises, le rapport entre les États-nations et les rapports relatifs à l'État.

Pour résumer, compte tenu du cadre du présent document, disons que dans le contexte de nos réflexions, une telle approche mettrait normalement l'accent sur deux types de rapports: les rapports salariaux (de travail) et les rapports de consommation. À ces deux niveaux, les compromis sociaux se jouent, se nouent, se dénouent et se renouent. Ils varieront ainsi, par exemple, selon qu'on sera en contexte de crise ou non. Les modèles organisationnels souhaitables conséquents varieront aussi, selon la même logique.

Bibliographie

Chapitre premier - Valeurs, structures et pouvoir face à la démocratie

Alinski, S., Le manuel de l'animateur social, Paris, Les éditions du Seuil, 1963.

(À lire en particulier sur la question du pouvoir.)

ASSELIN, Michèle, Session de formation sur la gestion et le fonctionnement des centres de femmes, Montréal, L'R des centres de femmes, polycopie, 1990, 26 p.

AUDET, Michel, BÉLANGER, Laurent, BOIVIN, Jean, DEOM, Esther et MERCIER, Jacques (Dir. de), La mobilisation des ressources humaines, Québec, Les Presses de l'Université Laval, 1986, 200 p.

(Approche de chercheurs universitaires en relations industrielles)

BÉCKARD, R., Le développement des organisations, stratégies et modèles, Paris, Dalloz, 1975.

BÉLANGER, Laurent, «Les stratégies de développement organisationnel», in Relations industrielles, Vol. 27, n° 4, 1972.

(Développement de l'organisation — entreprise — et qualité de vie au travail.)

BENNIS, W.G. et THOMAS, J.M. (Eds), Management of Change and Conflict, Baltimore, Penguin Books, 1972.

(Aspect principal: la gestion des conflits.)

BERGERON, Jean-Louis, CÔTÉ-LÉGER, Nicole, JACQUES, Jocelyn, BÉLANGER, Laurent, Les aspects humains de l'organisation, Chicoutimi, Gaétan Morin Éditeur, 1979, 337 p.

(L'ensemble des questions d'organisation, dans une perspective essentiellement behaviorale.)

BERGERON, J.-L., «Les dimensions conceptuelles du leadership et les styles qui en découlent», in Relations industrielles, vol. 34, n° 1, 1979, p. 22-40.

BERGERON, J.-L., «Un cadre théorique pour l'étude de la relation entre la participation et la motivation au travail», in Relations industrielles, vol. 34, n° 3, 1979.

BERLE, A., Power, New York, Harcourt, Brace and World, 1969. BERNOUX, Philippe, La sociologie des organisations, Initiation, Paris, Éditions du Seuil, 1985.

CROZIER, M., Le phénomène bureaucratique, Paris, Éditions du Seuil, 1963. (Aspects principaux: le pouvoir, la motivation et la bureaucratie...)

CROZIER, Michel et FRIEDBERG, Erhard, L'acteur et le système, Paris, Éditions du Seuil, 1977. (sociologie du travail.)

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ROCHER, Guy, Introduction à la sociologie générale, Montréal, Éditions Hurtubise HMH, 3 tomes, 1969.

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TESSIER, R. et TELLIER, Y., Changement planifié et développement des organisations: théorie et pratique, Montréal, Éditions de l'Institut de formation par le groupe inc, 1973.

Chapitre 2 - Divers modèles d'organisation démocratique

BOIVIN, Robert, La clinique des citoyens de St-Jacques, Montréal, VLB, 1989. (Les orientations, les structures et les changements dans un groupe populaire montréalais.)

DE ROBERTIS, Christina et PASCAL, Henri, L'intervention collective en travail social, Paris, Éditions Le Centurion, 1987, 304 p.

DORÉ, Gérald, «L'organisation communautaire: définition et paradigme», in Service social, vol. 34, n° 2 et n° 3, 1985, p. 210-230.

FAVREAU, Louis, Mouvement populaire et intervention communautaire de 1960 à nos jours, Montréal, Éditions CFP et Éditions du Fleuve, 1989. (Tour d'horizon du développement des groupes communautaires à Montréal.)

FREIRE, Paulo, Pédagogie des opprimés, Paris, F. Maspéro, 1974. (Pour réfléchir aux objectifs fondamentaux d'une intervention.)

GIGUÈRE, Joseph, «La démocratie: clé du succès dans les coopératives de travailleurs», Coopératives et développement, Vol. 24, n° 1, 1992-1993, p.87-98.

GRAND-MAISON, J., Des milieux de travail à réinventer, Montréal, PUM, 1975.

(Motivation au travail et participation.)

HAMEL, P. et LEONARD, J.F., Les mobilisations populaires urbaines, Montréal, Éditons Nouvelle Optique, 1982, 482 p.

(Divers articles qui tracent un portrait des enjeux majeurs de l'intervention communautaire au Québec.)

MATHIEU, Réjean, L'animation en milieu populaire au Québec: Orientations, méthodes et structures par rapport à la question de la démocratie et du pouvoir à l'interne, Mémoire de maîtrise en sociologie, Université du Québec à Montréal, 1984, 209 p.

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MATHIEU, Réjean, BOURQUE, Raymonde et VAILLANCOURT, Yves, La privatisation dans les services sociosanitaires au Québec, Montréal, Département de travail social, Université du Québec à Montréal, 1988.

MCGRAW, Donald, Le développement des groupes populaires à Montréal (1963-1973), Montréal, Éditions coopératives Albert Saint-Martin, 1978.

MEISTER, Albert, La participation dans les associations, Paris, Éditions Économie et Humanisme / Les éditions ouvrières, 1974.

MUCCHIELLI, R., Psychologie de la relation d'autorité, Paris, Entreprise moderne d'édition, 1976.

(Questions de leadership et d'autorité.)

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(Un classique de l'organisation communautaire «consensuelle» en travail social.)

SAINT-MARTIN, Isabelle et al., Encadrement juridique des collectives, Montréal, Relais-Femmes, polycopie, 1991, 55 p.

Chapitre 3 - Structures et intervention dans un groupe populaire: pour mieux agir démocratiquement

ALEKSANDER, P.S., Introduction à la théorie des groupes, Paris, Dunod, 1965.

ANZIEUX, D. et MARTIN, J.-Y., La dynamique des groupes restreints, Paris, PUF.1968.

(Aspect principal: dynamique des groupes.)

BÉLANGER, Paul R., LÉVESQUE, Benoît, MATHIEU, Réjean, MIDY, Franklin, Eds, Animation et culture en mouvement, Québec, Presses de l'Université du Québec, 1987.

(Divers aspects de l'intervention, dans divers mouvements sociaux, en lien avec la culture.)

CENTRE DE FORMATION POPULAIRE, Le fonctionnement de nos organisations, Montréal, C.F.P., 1979.

(En quelque sorte, un manuel de l'organisation des groupes populaires.)

COMEAU, Yvan, La mise sur pied et l'organisation d'un projet d'alphabétisation communautaire, dans la série Alpha communautaire chez les Franco-ontariens, Ontario, Ministère de la Formation professionnelle, 1988,114 p.

CONSEIL CANADIEN DU STATUT DE LA FEMME, Passons à l'action, Ottawa.

(Manuel très simple pour comprendre le processus d'organisation d'activités.)

DE ROBERTIS, Christina et PASCAL, Henri, L'intervention collective en travail social, Paris, Éditions Le Centurion, 1987, 304 p.

LAMOUREUX, Henri, MAYER, Robert, PANET-RAYMOND, Jean, L'intervention communautaire, Montréal, Éditions Albert Saint-Martin, 1984.

(Manuel de l'intervention communautaire. Accent sur la perspective militante.)

Chapitre 4 – La mobilisation, pour mieux agir ensemble démocratiquement

N.B. Il existe peu de publications portant directement sur cette question. Les références données ici sont davantage des lectures générales sur l'intervention que des écrits spécifiques sur la mobilisation.

ALINSKI, Saul, Le manuel de l'animateur social, Seuil, Paris, 1976.

BÉLANGER, Paul, LÉVESQUE, Benoît, MIDY, Franklin, MATHIEU, Réjean, Animation et culture en mouvement, Québec, PUQ, 1986.

COLLABORATION, Pour une animation culturelle progressiste, par un groupe de professeurs en animation culturelle, Montréal, Université du Québec à Montréal, 1980.

COLLABORATION, Pratiques de conscientisation, Montréal, Éditions Albert St-Martin, 1984.

COLLABORATION (Sous la direction de Louis Favreau et Laval Doucet), Théorie et pratiques en organisation communautaire, Québec, Presses de l'Université du Québec, 1991, 484 p.

CONSEIL CANADIEN DU STATUT DE LA FEMME, Passons à l'action, Ottawa.

COTÉ, Charles et HARNOIS, Yannick, L'animation au Québec: sources, apports et limites, Montréal, Éditions Albert St-Martin, 1978.

FREIRE, Paulo, L'éducation, pratique de la liberté, Paris, Cerf, 1971.

GAUDIBERT, Pierre, Action culturelle, intégration et/ou subversion, Paris, Casterman, 1977.

LAPOINTE, Marie-Danielle, Mobilisation et mass-médias, Montréal, Université du Québec à Montréal, Département du travail social, polycopie, 1990.

Chapitre 5 – La gestion démocratique des ressources humaines

COMEAU, Yvan et LÉVESQUE, Benoît, La participation des travailleurs à la propriété des entreprises au Québec, Montréal, Université du Québec à Montréal, Département de sociologie, Cahiers du CRISES n° 9204, 1992, 35 p.

DUMAIS, Simon, et CÔTÉ, Roland, Enquête sur les conditions de salaire et les conditions de travail des travailleuses et travailleurs au sein des groupes populaires, Montéal, en collaboration avec le Centre de formation populaire et le Service aux collectivités de l'Université du Québec à Montréal, polycopie, 1989, 40 p.

HOGUE, Jean-Pierre, Les relations humaines dans l'entreprise, Montréal, Éditions commerce, Beauchemin, 1971, 190 p.

LIMBOS, Edouard, Les «problèmes humains» dans les groupes, Paris, Collection Formation permanente en sciences humaines, Les Éditions ESF, Entreprise moderne d'édition / Les librairies techniques, 1980.

LEWIN, Kurt, Psychologie dynamique, Paris, PUF, 1959.

(Aspect principal à considérer: les relations d'un groupe avec l'extérieur s'enracinent dans le «champ social» de ce groupe, lequel inclut divers éléments coexistants, comme le groupe, les sous-groupes, les membres, les barrières et les canaux de communication, etc.)

LOURAU, René, L'analyse institutionnelle, Paris, Éditions de Minuit, 1970. (Pour une sociologie interventionniste à partir des caractéristiques institutionnelles.)

MAISONNEUVE. Jean, La dynamique des groupes, Paris, PUF, Coll. «Que sais-je», 1968.

Chapitre 6 – La gestion démocratique des ressources matérielles

CENTRE DE FORMATION POPULAIRE, Les finances de nos organisations, Montréal, 1983.

CONSEIL NATIONAL DU BIEN-ÊTRE SOCIAL, Manuel de tenue des livres à l'intention des groupes de citoyens à faibles revenus, Ottawa, octobre 1973, 103 p.

Annexe I – L'étude des organisations

L'R DES CENTRES DE FEMMES DU QUÉBEC, Tous les moyens du bord, Les centres de femmes: des chantiers économiques, Montréal, 1993,150 p.

MATHIEU, Réjean, BOURQUE, Raymonde, VAILLANCOURT, Yves, Les entreprises communautaires dans les services sociaux au Québec, Recherche exploratoire, Montréal, comité conjoint UQAM-CSN-PTQ, 1988, 52 p.

Annexe II – Un coup d'œil sur l'approche de la régulation

BOYER, R., La théorie de la régulation: une analyse critique, Paris, Agalma/La Découverte, 1986.

BÉLANGER, Paul R. et LÉVESQUE, Benoît, «La théorie de la régulation, du rapport salarial au rapport de consommation. Un point de vue sociologique», in Cahiers de recherche sociologique, n° 17,1991.

LIPIETZ, Alain, Choisir l'audace. Une alternative pour le XXIe siècle, Paris, Ed. La Découverte, 1989,155 p.

VAILLANCOURT, Yves, MATHIEU, Réjean, JETTE, Christian et BOURQUE, Raymonde, La privatisation dans les services sociosanitaires, Montréal, UQAM, Département de travail social et comité conjoint UQAM-CSN-FTQ, 1993, 56 p.

Les autres publications du RGPAQ [...]

Les autres publications du RGPAQ dans la série: Un visa pour l'alpha pop

SOUCISSE, François, Animation et alphabétisation: guide pratique, Montréal, R.G.PA.Q., 1990, 95 p.

DUPUIS, Michèle, Les personnes analphabètes et l'apprentissage, Montréal, R.G.P.A.Q., 1990, 85 p.

LEFEBVRE, Françoise, Approches et méthodes, un livre dont vous êtes le héros: Aventure dans le labyrinthe des approches et méthodes en alphabétisation, Montréal, R.G.P.A.Q., 1990, 35 p.

SAUNIER, Michèle, Comment créer... du matériel pédagogique, Montréal, R.G.PA.Q., 1990, 79 p.

BOUDREAU, Guy, Le langage intégré, Montréal, R.G.P.A.Q., 1992, 71 p.

MIDY, Franklin, L'évaluation des apprentissages en alpha populaire, Montréal, R.G.PA.Q./Service aux collectivités de l'UQAM, 1992, 120 p.

JANVIER, Claude et VANASSE, André, La sauce à...calculer ou les mathématiques en alphabétisation populaire, Montréal, Les Productions Bonsaï pour le R.G.P.A.Q. et le Service aux collectivités de l'UQAM, 1993, VIDÉO d'une durée de 28'30"

Crédits

Coordination
Berthe Lachanté et Ginette Richard

Rédaction
Réjean Mathieu

Comité de formation
Claudette Bérubé, Lucie Latraverse

Saisie du texte
Michèle Marchand

Correction du texte
Claudine Vivier
Francine Pelletier (pour le chapitre 6)

Relecture du texte
Claudette Bérubé, Laurent Demers, Claire Lachapelle, Berthe Lacharité, Lucie Latraverse, Louise Lavigne, Colette Paquet, Mario Raymond, Ginette Richard, Micheline Séguin

Conception graphique
Pierre Lachance

Correction d'épreuves
Nicole Delva, Nicole Lachapelle, Berthe Lacharité, Ginette Richard, Micheline Séguin

Impression
Les publications La Maîtresse d'école inc.

Les opinions exprimées dans ce document sont celles de l'auteur et ne représentent pas nécessairement la position officielle du RGPAQ.

Publié par le Regroupement des groupes populaires en alphabétisation du Québec (RGPAQ) et le Service aux collectivités de l'UQAM avec l'appui financier du Ponds des services aux collectivités du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science. Le Secrétariat national à l'alphabétisation a contribué financièrement au financement du programme de perfectionnement.

On commande des exemplaires du document en s'adressant au:

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5040 boulevard St-Laurent, app. 1
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Téléphone: (514) 277-9976
Télécopieur: (514) 277-2044


  • 1 ROCHER, Guy, Introduction à la sociologie générale, Montréal, Éditions Hurtubise HMH, 1969, page 393.
  • 2 CROZIER et FRIEDBERG, L'acteur et le système, Paris, Le Seuil, 1977, page 55.
  • 3 CROZIER et FRIEDBERG, opus cité, pp. 71-77.
  • 4 SAINT-MARTIN, Isabelle et al., Encadrement juridique des collectives, Montréal, Relais-Femmes, 1991, polycopie, 55 p.
  • 5 Voir aussi la revue Nouvelles pratiques sociales, Vol. 3 n° 2, pages 57 à 70.
  • 6 LAPOINTE, Marie-Danielle, Mobilisation et mass-médias, Montréal, Département de travail social de l'UQAM, polycopie, 1990.
  • 7 Pensons à Elton Mayo et son équipe de recherche.
  • 8 Hogue, Jean-Pierre, Les relations humaines dans l'entreprise, Montréal, Éditions Commerce Beauchemin, 1971, 188p.
  • 9 MARTINET, A.C. et PETIT, G., L'entreprise dans un monde en changement, Éd. Ouvrières/Éd. du Seuil, Paris, 1982.
  • 10 Cette définition opérationnelle a été élaborée par Joseph Giguère, dans le cadre de la préparation conjointe d'un cours sur les relations humaines dans l'entreprise coopérative.
  • 11 DUMAIS, Simon et CÔTÉ, Roland, Enquête sur les conditions de salaire et les conditions de travail des travailleuses et travailleurs au sein des groupes populaires, Montréal, Service aux collectivités de l'UQAM, 1989, 40p.
  • 12 COMEAU, Yvan et LÉVESQUE, Benoît, La participation des travailleurs à la propriété des entreprises au Québec, Montréal, Université du Québec à Montréal, Département de Sociologie, Cahier du CRISES n° 9204, 1992, 35 p.
  • 13 Cf. CENTRE DE FORMATION POPULAIRE, Les finances de nos organisations, Montréal,1983.
  • 14 DE ROBERTIS et PASCAL, L'intervention collective en travail social, Paris, Ed. Le Centurion, 1987, p. 138.
  • 15 MOTTEZ:1978,p.l90.
  • 16 CROZIER:1964.
  • 17 MOTTEZ:1978, p. 191.
  • 18 LOURAU, René, L'analyse institutionnelle, Paris, Éd. de Minuit, 1970.
  • 19 SIMON et LAROSE, La gestion des organisations. Introduction au management, Montréal, UQAM,1975.
  • 20 BÉCKARD, R., Le développement des organisations, stratégies et modèles, Dalloz, 1975.
  • 21 GAGNON, Dominique, Le développement organisationnel dans une perspective d'excellence, Montréal, Agence d'ARC Inc., 1986.
  • 22 BERGERON et al., Les aspects humains de l'organisation, Chicoutimi, Gaétan Morin Éditeur, 1979, pp. 313-334.
  • 23 CASSEN, Bernard, «Vers une révolution du travail», in Le Monde diplomatique, mars 1993, p. 11.
  • 24 CASSEN, op. cit.
  • 25 BÉLANGER et LÉVESQUE, «La théorie de la régulation, du rapport salarial au rapport de consommation. Un point de vue sociologique», in Cahiers de recherche sociologique, n° 17, 1991.