Table des matières

Dans ce document, nous avons tenu compte du féminin en ajoutant la lettre E majuscule aux noms ou adjectifs masculins.

«C'était très émouvant là les premières rencontres en primaire. J'en pleurais...j'me sentais très coupable pis là un autre parent qui m'accompagnait, qui a deux garçons, elle dit: "Ben voyons Lyne, te frappe pas, mets pas ça sur tes épaules, ça t'appartient pas ça..." Ça fait que là j'dégage... j'me sens pas responsable de son développement»

Lyne, mère de trois enfants

Introduction

Le présent document décrit notre recherche-action qualitative, fruit d'un processus de réflexion échelonné sur trois années et qui a réuni un groupe d'alphabétisation, une maison de la famille et une école primaire dans un quartier défavorisé de Laval, banlieue nord de Montréal. Cette recherche repose sur les témoignages de dix-huit parents peu scolarisés en regard de la réussite scolaire de leur enfant. L'origine de cette démarche provient d'une simple question qui nous préoccupait depuis longtemps: «Comment peut-on aider les parents peu scolarisés à soutenir leur enfant dès leur entrée au primaire?»

À partir de cette interrogation, plusieurs expérimentations ont été menées en prévention de l'analphabétisme et ont donné lieu à une remise en question de nos pratiques. D'où est émergée notamment l'idée de conduire une recherche-action. L'objectif de notre recherche est: décrire et analyser certains comportements, perceptions et attentes de parents peu scolarisés, vivant en milieu populaire, en regard de l'accompagnement scolaire de leur enfant à l'école primaire. Notre recherche s'est centrée sur deux principaux univers, soit la famille et la collaboration entre l'école et les familles. À partir de ces deux univers, quatre dimensions ont été étudiées: les pratiques familiales de l'écrit, le suivi scolaire, le lien avec l'école et les rôles et responsabilités des parents.

Les résultats de cette recherche visent à promouvoir la réflexion et mettre en place de futures actions en prévention de l'analphabétisme. Dès lors, il nous paraissait indispensable que cette recherche soit portée par divers acteurs œuvrant auprès des parents et des enfants et qui sont touchés de près ou de loin par la réussite scolaire au primaire. Par conséquent, trois acteurs du milieu se sont investis dans cette démarche: le Groupe Alpha Laval (organisme d'alphabétisation), Entraide Pont-Viau/Laval-des-rapides (organisme: Maison de la Famille) et l'école primaire Saint-Gilles. Ce partenariat nous a permis d'insérer la recherche-action dans un contexte globalisant en interpellant une multitude d'intervenantEs issuEs de divers champs de pratique.

Ce document expose en quatre chapitres la réalisation de la recherche-action. D'abord, le chapitre 1 présente le contexte et le milieu dans lesquels est né ce projet de recherche. L'ensemble de la démarche réflexive est abordée en expliquant les interventions qui ont précédé la recherche-action. Par la suite, les trois principaux partenaires impliqués dans le projet sont présentés selon la nature des services dispensés par chacun, leur clientèle et leurs responsabilités à l'égard de la présente recherche.

Le chapitre 2 porte sur la justification de la recherche-action. Cette section repose sur les recherches antérieures menées dans le domaine de l'alphabétisation et de l'éducation en milieu populaire. On y expose les concepts et les constats soutenus par différents auteurEs sur le sujet, à partir des quatre dimensions d'étude de notre recherche, mentionnées plus haut.

Le chapitre 3 précise la méthodologie que nous avons adoptée pour cerner notre objet de recherche. Cette partie concerne le processus de formation mis en place par l'équipe de recherche, la sélection de l'échantillon de parents, la justification de nos choix à l'égard des instruments de recherche utilisés, le bilan de la collecte des données ainsi que les démarches de traitement et d'interprétation de ces données.

Le chapitre 4 porte sur la présentation et l'analyse des résultats. Nos constats sont présentés et ils sont soutenus par le cadre théorique que nous avons précisé au chapitre 2. Puis, on retrouve en conclusion un bref résumé des résultats, les apprentissages des partenaires tout au long du processus, des retombées respectives espérées dans chacun des organismes ainsi que des pistes d'action et de recherches éventuelles. On précise ensuite dans les références tous les documents dont nous nous sommes servis pour bâtir cette recherche. Enfin, les annexes contiennent les principaux instruments de recherche utilisés ainsi que la carte géographique du territoire délimité par notre étude, soit le quartier Pont-Viau à Laval.

La lectrice ou le lecteur plus pressé pourra trouver au chapitre 4 (les résultats de l'étude) et dans la conclusion (la synthèse et les perspectives) une vue d'ensemble du projet, de ses retombées ainsi que des nouveaux savoirs acquis au cours du processus de recherche.

Bonne lecture!

Chapitre 1 - Présentation du contexte

Dans le présent chapitre, nous décrivons brièvement les étapes qui, depuis 4 ans, nous ont conduits à entreprendre cette recherche-action dans le cadre d'un projet concerté d'intervention en prévention de l'analphabétisme. Nous abordons premièrement la phase d'exploration menée par le Groupe Alpha Laval, puis les constats qui en découlent. Ensuite, nous présentons le projet de prévention de l'analphabétisme que nous menons en partenariat depuis 1999. En quatrième partie, nous faisons le bilan de cette première phase d'intervention, puis nous en tirons cinq constats qui nous ont incités à se lancer dans la présente recherche-action. Nous dressons en sixième partie un portrait de notre milieu, et des partenaires qui mènent conjointement cette recherche. Enfin, nous indiquons notre objectif de recherche.

1.1 Une phase d'exploration sur les besoins des parents (1997-1998)

En 1997, après un an d'existence comme organisme d'alphabétisation implanté à Laval, le Groupe Alpha Laval a produit, dans le cadre du programme des IFPCA1, un guide d'animation portant sur le soutien aux parents ayant des enfants d'âge scolaire. Ce document2 présente une démarche pour inviter les parents peu scolarisés à réfléchir sur leur rôle et pour les outiller davantage. À cette époque, un des ateliers d'alphabétisation du Groupe Alpha Laval se déroulait à Entraide Pont-Viau/Laval-des-Rapides. Les intervenantEs3 observaient alors que les principales motivations des mères participantes à la formation étaient alimentées par le désir de soutenir les apprentissages scolaires de leur enfant et de poursuivre leur propre évolution en tant que parents.

L'élaboration de ce document a été axée sur deux préoccupations majeures: répondre aux besoins exprimés par les participantes et, de façon plus globale, contribuer à prévenir l'analphabétisme par une intervention efficace et respectueuse des parents. C'est dans cette optique que le Groupe Alpha Laval a procédé à une première identification des besoins et des préoccupations des parents qui vivent dans les quartiers Centre-Sud de Laval. Les résultats de cette petite collecte de données exposaient les inquiétudes des mères face aux difficultés actuelles et éventuelles de leurs enfants en regard du décrochage scolaire et leur impuissance à les aider comme elles le souhaiteraient. Bref, elles se sentaient démunies, écrasées et craignaient d'être jugées par leur entourage et par l'école. Par conséquent, elles demandaient d'être rassurées et soutenues dans leur rôle de parent d'élève.

Ces constats ont suscité au sein du Groupe Alpha Laval un questionnement concernant les façons d'assister les parents peu scolarisés dans l'aide aux devoirs. Cette réflexion constitue l'entrée en matière du projet «Prête-moi ta plume pour écrire un mot: À la recherche d'un modèle de prévention de l'analphabétisme»4, financé dans le cadre du programme des IFPCA. Ce projet débute en 1998 et va s'échelonner sur une période de trois ans, bien qu'à l'époque nous ne pouvions prévoir ce parcours.

Au début du projet, la réflexion sur l'aide à apporter aux parents peu scolarisés se résumait à l'aide aux devoirs. Cette aide s'adressait principalement aux parents afin qu'ils soient mieux outillés et qu'ils s'adaptent plus facilement à leur rôle d'éducateur. Nous souhaitions également mener une réflexion collective avec les parents sur les valeurs, les rôles et les responsabilités qui leur incombaient dans les situations quotidiennes d'interaction avec leurs enfants. Or, l'hypothèse de départ soutenait que plus les parents acquièrent des habilités, des connaissances dans leur rôle d'éducateur et plus ils participent à l'éducation de leur enfant, plus ils contribuent à augmenter les chances de réussite scolaire.

1.2 Nos premiers constats

Notre réflexion, alimentée par des rencontres avec les intervenants des milieux communautaire et institutionnel ainsi que par de nombreuses lectures, a débouché sur une vision et une approche plus globale. Nous sommes donc passés du concept de l'aide aux devoirs à celui de soutien scolaire, faisant appel, non seulement aux parents, mais à d'autres acteurs qui ont des responsabilités dans ce domaine. À la suite de ce questionnement, des pistes de réflexions et d'actions se sont dégagées en vue de définir une approche d'intervention; les voici:

  • L'aide aux devoirs est sans conteste l'une des principales responsabilités que les parents ont à assumer lors de l'entrée de leur l'enfant au premier cycle primaire. Cette tâche est manifestement la plus attendue de la part de l'école: participation aux rencontres statutaires, suivi quotidien des devoirs, communication par l'agenda de l'enfant, etc. Cependant, qu'advient-il lorsque les parents sont eux-mêmes peu scolarisés et qu'ils éprouvent des difficultés à satisfaire les exigences découlant de l'aide aux devoirs? Quel support peut-on apporter à ces parents qui sont les premiers éducateurs de leur enfant?
  • L'école renvoie au milieu communautaire la responsabilité d'aider les parents dans leur rôle de soutien scolaire. Dans cette perspective, l'intervention qu'on demande aux organismes communautaires nous paraissait unidirectionnelle puisqu'on partait uniquement des attentes de l'école envers les parents. Mais qu'advenait-il du rôle de l'école pour rejoindre ces parents qui ont connu davantage l'échec que la réussite scolaire? Est-ce que l'école prend en considération les obstacles rencontrés par ces parents pour les rapprocher du milieu scolaire?
  • La méconnaissance de l'analphabétisme par le personnel scolaire porte souvent les parents peu scolarisés à éprouver des sentiments de frustration et de dévalorisation quand ils ne sont pas capables d'aider leur enfant comme ils le souhaiteraient. Par conséquent, ces parents ont tendance à s'éloigner de l'école, car ils s'y sentent souvent inconfortables et craignent d'y être jugés négativement. Ils sont alors perçus comme ayant démissionné de leur rôle de parent d'élève. Or, nous voulions savoir comment rehausser le sentiment de compétence chez ces parents déjà ébranlés par l'échec scolaire et rétablir ainsi une proximité entre ces deux milieux.
  • Nous constations l'importance de développer des attitudes plus positives à l'égard des parents peu scolarisés. En général, ces parents sont vus sous l'angle des manques et des handicaps à combler et rarement à partir de leurs valeurs, de leurs forces et de leurs compétences. Pour développer une attitude plus positive, l'approche non-déficitaire nous semblait la plus appropriée. Cette approche repose à priori sur le respect des conditions de vie des parents en misant sur leurs forces et leurs savoirs-faire. Elle vise également à mettre en perspective les problèmes afin d'inciter les parents à trouver leurs propres solutions et à identifier leurs véritables besoins.
  • En parcourant la littérature, de nouvelles connaissances prenaient forme sur la prévention de l'analphabétisme. Entre autre, on constate l'importance accordée aux activités faisant appel aux parents et aux enfants d'âge préscolaire afin d'augmenter les chances de réussite lors de leur entrée au primaire. Ces activités s'effectuent dans le milieu naturel de l'enfant, au sein de l'univers familial. Nous étions intéressés par l'intervention directe-enfant, directe-parent, telle que décrite par Nickse5 comme mode d'alphabétisation familiale, car il semblait que l'accompagnement concomitant du parent et de l'enfant augmentait l'efficacité de l'intervention.

1.3 Un nouveau départ en partenariat (1999)

À la suite de ces réflexions, le Groupe Alpha Laval s'est orienté vers une dynamique de rapprochement entre les parents, le milieu communautaire et l'école. C'est ainsi que l'organisme a décidé de poursuivre la démarche en concertation avec deux partenaires, soit l'organisme communautaire Entraide Pont-Viau/Laval des Rapides et l'école primaire Raymond-Labadie. À ce moment, le soutien à apporter aux parents peu scolarisés se définissait par l'ensemble des stratégies et des pratiques mises en œuvre pour faciliter l'émergence, le développement et le maintien de l'écrit dans leur quotidien. Cette optique reposait sur une approche en trois volets:

  • rapprocher non seulement les parents du milieu scolaire, mais aussi l'école des parents;
  • augmenter les capacités de lecture et d'écriture des enfants dans leur quotidien;
  • développer les compétences des parents quant à leur fonction d'éducateur.

C'est pourquoi la suite du projet s'orientait vers la mise en place d'un partenariat afin d'intervenir respectueusement et efficacement auprès des enfants et des parents peu scolarisés en milieu populaire. Ainsi le nouveau projet «Prête-moi ta plume pour écrire un mot», 19996 a été présenté en partenariat et financé sur deux ans par le SNA7 et le programme IFPCA. Notre objectif visait à expérimenter une démarche de recherche-action pour impliquer davantage les parents peu scolarisés dans le soutien scolaire de leurs enfants et à développer, par une action concertée, un modèle intégré de prévention de l'analphabétisme.

La première phase du projet a démarré en janvier 1999 et s'est échelonnée sur 26 semaines. Dès le départ, les actions ont porté sur la mise en place du partenariat par la précision des objectifs et de la nature des interventions de chacun des partenaires. Les premières discussions ont porté sur la nécessité de soutenir les parents le plus tôt possible dans le processus d'apprentissage de leur enfant, soit avant leur entrée à l'école. Plusieurs recherches ayant démontré l'importance des interventions dès les premières années de vie, le projet prit un nouveau tournant en décidant de focaliser les actions sur un groupe d'enfants d'âge préscolaire (4 ans) et leurs parents.

Par conséquent, la première phase a consisté à accompagner un groupe de huit enfants de 4 ans, inscrits quatre demi-journées par semaine dans un atelier de préparation à la maternelle à la Maison de la Famille (Entraide Pont-Viau/Laval des Rapides), en y intégrant des activités d'éveil à l'écrit. Les parents de ces enfants sont réunis eux aussi par des rencontres hebdomadaires, dans le but d'échanger sur leurs pratiques familiales de l'écrit, sur leurs compétences parentales ainsi que sur la réalité de l'école. De plus, nous avons obtenu la collaboration de deux professeures du Département de linguistique et de didactique des langues de l'Université du Québec à Montréal (UQAM), par le biais du Service aux collectivités, afin de fournir aux intervenantEs une formation de 60 heures sur la conscience de l'écrit.7

1.4 Le bilan de la première phase d'intervention (1999)

La première phase du projet concerté, soit de janvier à juin 1999, a permis de proposer des activités concrètes aux familles (enfants et parents) notamment grâce aux nouvelles connaissances acquises à la suite de la formation offerte par les deux professeures de I'UQAM. L'organisation du partenariat s'est également mis en place et renforcée. Nous présentons ci-dessous les résultats de ce travail concernant le partenariat, le volet d'intervention enfants et le volet d'intervention parents.

L'organisation du partenariat

Cette première période de travail a permis aux trois partenaires de mieux se connaître, d'apprendre à travailler ensemble et de se concerter sur des réflexions et des actions à mener en matière de prévention de l'analphabétisme. Le Groupe Alpha Laval et Entraide Pont-Viau/Laval-des-Rapides entretenaient déjà des collaborations avant le début du projet, puisque des ateliers d'alphabétisation se déroulaient dans ses locaux. Quant à l'école, elle entretenait aussi des liens avec Entraide Pont-Viau/Laval-des-Rapides, portant sur l'aide aux devoirs ainsi qu'un atelier pour enfants lié au jardin communautaire.

Huit rencontres des partenaires, réparties sur cinq mois, ont contribué à préciser les objectifs d'intervention et à approfondir les réflexions, à partir du travail effectué avec le groupe d'enfants de 4 ans ainsi qu'avec leurs parents. Nous souhaitions, pendant cette première étape, répondre à plusieurs objectifs:

  • Augmenter les collaborations entre l'école, les familles et les organismes communautaires du quartier;
  • Offrir aux parents peu scolarisés plusieurs formes de soutien susceptibles de leur permettre de mieux remplir leur rôle d'éducateur auprès de leurs enfants (en augmentant les pratiques familiales de l'écrit, en préparant les parents au rôle qu'ils auront à jouer dès l'entrée de l'enfant à l'école);
  • Mieux connaître les défis et les contraintes des parents peu scolarisés et démunis en regard de l'éducation de leur enfant;
  • Permettre aux enfants de pré-maternelle 4 ans d'intégrer un cycle régulier à l'école (en leur offrant des ateliers d'éveil à l'écrit, en les préparant à leur future entrée en maternelle).

La réalisation de ces objectifs exigeait l'implication des trois partenaires. Le Groupe Alpha Laval et Entraide Pont-Viau/Laval-des-Rapides ont géré le budget, rédigé les rapports et participé aux activités de formation sur mesure offerte par les deux professeures de l'UQAM. Ensuite, chacun des organismes, dans leur domaine d'intervention respectif, étaient responsables soit d'intégrer des activités d'éveil à l'écrit dans le programme de préparation à la maternelle, de développer des activités axées sur les pratiques familiales de l'écrit ou encore d'initier les parents à l'environnement scolaire. Quant à l'école Raymond-Labadie, sa participation au projet concerté se limitait aux rencontres des partenaires et au suivi des interventions.

Le volet d'intervention «enfants»

De mars à juin 1999, des activités d'éveil à l'écrit ont été dispensées à un groupe d'enfants de 4 ans pendant les quatre périodes hebdomadaires de la classe de pré-maternelle offerte par Entraide Pont-Viau/Laval-des-Rapides. Au départ, le groupe de préparation à la maternelle était constitué de 4 garçons et 3 filles, dont une a quitté le quartier en cours d'année; le groupe est donc demeuré à 6 enfants. Ces enfants habitaient le quartier Pont-Viau et provenaient de familles dont les parents étaient relativement peu à l'aise avec l'écrit. La plupart de ces enfants présentaient, à divers niveaux, des troubles de langage et pour la majorité également, un de leurs frères ou sœurs aînés était en difficulté scolaire. Certains de ces enfants évoluaient dans un climat quotidien de violence familiale.

À la suite des échanges entre partenaires et des formations reçues par les professeures de l'UQÀM, des changements ont été effectués au sein de la pré-maternelle 4 ans, tant dans le contenu des ateliers (intégration d'un atelier d'éveil à l'écrit et lecture d'histoires à chaque période) que dans l'aménagement physique de la classe (aménagement d'un coin lecture avec prêt de livres, affichage de messages écrits quotidiens destinés aux parents, etc.). En référence à Thériault8 et Giasson9, l'accent était mis sur l'utilisation systématique de l'écriture et de la lecture dans un contexte réel et approprié à l'âge des enfants.

L'intégration de ces nouvelles pratiques concernant l'émergence de l'écrit a suscité des changements tant au niveau des interventions qu'au niveau de l'intérêt des enfants pour les livres et leur contenu. Des progrès notables ont également été constatés dans les dessins produits par les enfants, lesquels devenaient de plus en plus élaborés. Nous observions également que les enfants tentaient davantage d'écrire leur nom et les essais de retranscription de messages devenaient plus fréquents.

Le bilan des interventions fut donc positif concernant le volet enfant, mais il nous questionnait davantage quant aux résultats des interventions effectuées auprès des parents.

Le volet d'intervention «parents»

Parallèlement aux ateliers offerts aux enfants, les parents de ces mêmes enfants bénéficiaient de rencontres hebdomadaires de deux heures destinées à les sensibiliser au rôle qu'ils peuvent jouer quotidiennement dans l'éveil à l'écrit de leur enfant par le biais d'activités de lecture et d'écriture.

Parmi les sept parents des enfants visés, cinq ont participé régulièrement aux rencontres. Ce groupe était composé uniquement de femmes dont l'âge variait entre 30 et 40 ans. La majorité avaient plus d'un enfant. La plupart connaissaient des difficultés à maîtriser le code écrit et pour deux d'entre elles, la langue maternelle n'était pas le français. Les rencontres hebdomadaires visaient essentiellement à les sensibiliser à faire des actions quotidiennes accessibles et susceptibles d'activer le processus d'éveil à l'écrit avec leur enfant. Le contenu des onze ateliers ont porté sur les habitudes et les pratiques déjà en place au sein des familles en matière de lecture et d'écriture, mais aussi sur la préparation des mères à l'entrée à la maternelle de leur enfant.

Les mères participant aux ateliers ont très vite ressenti le besoin de parler de l'école primaire du quartier: les exigences demandées, leurs craintes face à la résolution de certains problèmes (violence, vols...). Dans le cadre des ateliers, une rencontre entre les parents et notre partenaire la directrice de l'école du quartier, a été organisée afin que les parents puissent avoir des réponses à leurs questions. Cette rencontre a été en somme positive, mais elle nous a également permis de questionner l'état actuel des relations entre les parents et l'école, sujet que l'on traite au point suivant.

1.5 Cinq constats sur notre intervention

Cette première période concertée d'intervention auprès des parents nous a permis de faire cinq constats majeurs concernant les points suivants: les relations entre les familles et l'école, les cultures organisationnelles de l'école et du milieu communautaire, les résultats de nos interventions, une remise en question de l'approche instrumentale et enfin une nécessité d'entreprendre véritablement une recherche-action.

Des relations familles/école parfois difficiles

Les relations entre l'école primaire et les parents généraient tension et inquiétude; elles semblaient empreintes d'un sentiment d'incompréhension de part et d'autre. D'une part, les parents aimeraient avoir un droit de regard sur ce qui se passe à l'intérieur de l'école en donnant leur avis suite à des actes de violence perpétrés à l'école, entrer dans la salle de classe pour observer leur enfant étudier, etc. D'autre part, l'école considère l'ensemble de ces demandes comme de l'ingérence et attend des parents qu'ils s'impliquent en participant aux réunions auxquelles ils sont conviés, qu'ils consultent régulièrement l'agenda placé dans le sac d'école de leur enfant et qu'ils l'encadrent quotidiennement par le biais du suivi scolaire.

Par ailleurs, les parents attendent de l'école qu'elle trouve des solutions rapides et concrètes aux problèmes qui touchent particulièrement leur enfant. Par exemple, une mère exige que son enfant bénéficie du service d'autobus scolaire, mais l'école offre ce service en fonction des critères adoptés par le conseil des commissaires et toute dérogation est peu envisageable. Un autre parent souhaite que l'école trouve le coupable suite à la disparition, au sein de l'école, d'un objet appartenant à son enfant et il souhaite qu'on lui rende des comptes à ce sujet...

Quant à l'école, elle ne peut pas toujours individualiser ses actions puisqu'elle doit «gérer» un grand nombre d'enfants et établir des règles et des normes uniformes s'appliquant à tous. L'école y est perçu comme un milieu de vie autonome, avec ses forces et ses faiblesses. Les valeurs et les croyances qui y sont véhiculées correspondent généralement à celles qui prévalent dans la société. Une telle organisation ne permet pas toujours de prendre en compte le vécu de chaque famille et les conditions de vie particulières de chaque enfant (psychosociales, socio-économiques, etc).

Les mésententes ou les incompréhensions entre école et familles peuvent avoir parfois des répercussions sur la vie du quartier. En effet, comme nous l'avons vu, un incident survenu à l'école peut prendre, lorsqu'il est transmis de bouche à oreille, une ampleur considérable et engendrer un malaise, voire une réelle panique chez les familles. Des lectures nous confirment ce décalage entre les attentes de l'école et les milieux défavorisés. De nombreux auteurEs parlent des relations école/famille comme étant ardues et sources de conflits latents ou actuels. Cependant, tous les auteurEs soulignent aussi que la collaboration entre les écoles et les familles demeure un enjeu majeur pour favoriser la réussite scolaire des enfants (voir le chapitre 2).

Des cultures organisationnelles différentes entre l'école et le milieu communautaire

Si les relations famille/école étaient tendues, les relations école et milieu communautaire l'étaient aussi parfois, vu la diversité des attentes. Les réunions de concertation et les actions menées conjointement par les partenaires du projet ont mis en évidence des différences de culture organisationnelle entre le monde institutionnel et le monde communautaire, ce qui pouvait freiner les collaborations.10

Les intervenantEs en milieu communautaire sont, par les liens qu'elles entretiennent avec les citoyennEs du quartier, très au fait de leurs problèmes et de leur réalité quotidienne. En général, les interventions «psychosociales» s'accomplissent dans des lieux informels où l'on discute autour d'un café. La grande disponibilité des intervenantEs est un atout très important pour garder un lien constant avec les gens du quartier. Il est alors essentiel pour une personne vivant en situation de détresse physique ou psychologique d'être entendue et écoutée, sans pour autant devoir prendre un rendez-vous formel. Dans ce contexte, chaque personne bénéficie d'un droit d'écoute, quel que soit son mode de vie et sans devenir l'objet de jugement de valeurs. Cette méthode d'intervention, propre au milieu communautaire, diverge sensiblement des services dispensés par les organismes institutionnels tels que les établissements scolaires ou les CLSC, où les pratiques se font au sein d'un cadre d'intervention plus formel. Par le fait même, cet écart de pensée et de pratiques peut engendrer des incompréhensions au sein des familles qui fréquentent simultanément des organismes communautaires et des organismes institutionnels.

Par ailleurs, même si des liens existent entre les organismes communautaires et les écoles, il reste que les attentes des uns envers les autres ne sont pas du même ordre. Ainsi le milieu communautaire (ici le Groupe Alpha Laval et Entraide Pont-Viau/Laval-des-Rapides) offrent des services complémentaires à l'école tels que: l'aide aux devoirs, l'entretien d'un lot dans leur jardin communautaire, la collation lors des premières rencontres entre parents et personnel de l'école, etc. Cependant, ces relations avec l'école demeurent superficielles aux yeux des organismes. En effet, ceux-ci veulent être plus présents au sein de l'école en participant à des débats de fond. Ce type de débats permettrait de mieux connaître les contraintes et les actions du personnel scolaire, mais serait également un lieu privilégié pour partager les expertises et les connaissances de chacun, tout en faisant valoir la connaissance du milieu par les organismes communautaires. Par contre, l'école ne voit pas toujours la pertinence, plus précisément lors des deux premières phases du projet, d'une présence accrue des organismes communautaires au sein même de l'école. Elle reste ouverte à la communauté, mais par le biais d'actions ponctuelles de collaboration.

Des résultats plutôt mitigés avec les parents

Bien que la participation des parents aux ateliers était satisfaisante, et qu'ils souhaitaient la poursuivre, le bilan nous semble mitigé. En effet, nos actions n'ont pas provoqué d'apparents changements. Malgré les discussions, les réflexions et les conseils, les solutions proposées aux mères ne semblaient pas être utilisées dans leur quotidien. L'intervention auprès des parents n'est pas parvenue à modifier les habitudes de ces parents aux prises avec diverses difficultés souvent liées à la pauvreté: déménagement, anxiété, problèmes de santé mentale, violence et négligence.

Nous avons constaté que les conseils de nature instrumentale - par exemple, comment lire une histoire à l'enfant, comment se servir de l'écrit au quotidien... - ont des effets limités auprès des parents des milieux populaires. Par ailleurs, nous avons réalisé que nous connaissions peu leurs compétences, les efforts qu'ils déploient pour accompagner leurs enfants, de même que leurs perceptions face à l'école de leurs enfants. Malgré une connaissance intuitive, nous n'avions pas de portraits familiaux très documentés à ce sujet.

Une remise en question de l'approche instrumentale

Ces résultats mitigés nous ont menés à remettre en question un type d'intervention basé sur l'instrumentation. Bien que des activités de prévention de l'analphabétisme semblent être soutenues actuellement par certaines actions gouvernementales, la tendance nous paraît davantage axée sur l'instrumentation que sur l'«empowerment»11 où l'on souhaite davantage l'établissement d'un véritable partenariat avec les parents de milieux défavorisés. Malgré des orientations axées sur des projets structurés en large partenariat, les activités proposées aux parents peu scolarisés n'influencent pas véritablement leur rôle et la place qu'ils occupent au sein de l'école.

Ainsi, on propose aux parents des séances d'informations pour les sensibiliser à leur rôle d'éducateur en matière d'éveil à l'écrit et on leur donne des outils. Toutefois, cette méthode d'intervention ne nous permet pas d'approfondir nos connaissances sur les différentes dynamiques familiales du milieu. De plus, elle ne répond pas à nos interrogations. Pourquoi les parents n'utilisent pas ces outils? Pourquoi les parents ne suivent pas les conseils donnés? Nous n'avons pas trouvé, dans les écrits récents au Québec, beaucoup d'informations sur ces questionnements.

Toutes ces considérations nous ont incités à nous questionner sur la façon d'établir un véritable partenariat avec les parents. Notre angle d'intervention s'est donc modifié à partir de l'automne 1999. Nous avons alors mis l'accent sur la connaissance des réalités des parents afin de mieux comprendre et répondre aux questions suivantes:

  • Comment être de véritables partenaires avec les parents?
  • Comment la famille et les parents exercent-ils un suivi scolaire à la maison?
  • Quelles relations sont entretenues actuellement entre les familles et l'école?
  • Comment améliorer les relations familles/école/milieu communautaire?

Bref, ces nombreux questionnements sont à la base de la présente recherche-action. Mais, comme vous le verrez au point suivant, nous avons pris soin de nous faire accompagner dans cette nouvelle démarche.

La nécessité d'entreprendre véritablement une recherche-action

Initialement, les interventions du projet concerté étaient prévues dans le cadre d'un processus de recherche-action, c'est-à-dire en collectant des données en vue de répondre à nos hypothèses et nos questions préliminaires de recherche. Toutefois, nous n'avons pu amorcer un tel processus par nous-mêmes. Au fil des rencontres entre partenaires, nous avons pris conscience que l'objet de notre recherche, soit l'intervention précoce en milieux populaires, était déjà documenté par de nombreux ouvrages exposant les résultats de cette méthode d'intervention. Par ailleurs, étant d'abord et avant tout des personnes travaillant dans l'action, nous étions peu familiarisés avec les étapes et les processus propres à la recherche. Pour diverses raisons, nous n'avons pas reçu, au cours de la première phase, l'encadrement nécessaire d'une ressource extérieure pour mener à bien le processus de recherche.

Concrètement, la réalisation de la première phase a reposé davantage sur une «pratique réflexive»12 que sur une recherche-action. En d'autres mots, il s'agissait, par la pratique réflexive, de porter un regard critique sur nos actions en cours. Cette pratique réflexive était tournée vers l'intervention auprès des enfants d'âge préscolaire au moyen d'ateliers d'éveil à l'écrit et auprès des parents lors de rencontres de discussion hebdomadaires. Simultanément, nous nous alimentions de lectures théoriques pour ensuite effectuer, entre intervenantEs, une mise en commun de nos réflexions et des obstacles rencontrés.

À la fin de cette phase, nous avons pris conscience que ces étapes de lectures et de questionnements, bien que très pertinents, n'étaient pas suffisants. C'est pourquoi nous avons décidé d'aller chercher, en septembre 1999, les ressources nécessaires pour mener à bien un projet véritable de recherche qui nous permettrait d'aller en profondeur dans nos questions et de faire émerger de nouveaux savoirs.

1.6 La présentation du milieu

Préalablement à la description de nos objectifs de recherche, il s'impose de présenter le milieu dans lequel nous évoluons. Nous décrirons dans cette partie des données qui illustrent les conditions socio-économiques de notre milieu ainsi que la réalité scolaire au primaire dans le quartier Pont-Viau à Laval13.

Les conditions socio-économiques

Nous avons sélectionné les données statistiques les plus pertinentes pour comprendre la réalité de Pont-Viau14, qui est notre quartier d'intervention commun à Laval, quartier considéré comme l'un des plus défavorisés par rapport à l'ensemble de la ville de Laval. Les données sont tirées du recensement de 199615.

Pont-Viau est l'une des quatorze ex-municipalités fusionnées en une seule en 1965 sous le nom de Laval. Aujourd'hui, ce quartier est délimité au nord, par le boulevard Saint-Martin, au sud par le boulevard Lévesque, à l'est par la rue Notre-Dame de Fatima et à l'ouest par le boulevard des Laurentides. C'est la rue Concorde qui divise Pont-Viau en deux, c'est-à-dire Pont-Viau Nord et Pont-Viau Sud. De façon générale, on observe qu'à Pont-Viau les commerces sont situés sur les deux principales artères qui le traversent, soit le boulevard des Laurentides (axe nord-sud) et le boulevard de la Concorde (axe est-ouest).

En lien avec son passé, Pont-Viau continue d'être un quartier résidentiel avec une nette dominance de maisons unifamiliales au sud de la rue Concorde et davantage d'immeubles à logements au nord de cette artère. En 1996, 57,5% de la population du quartier était locataire, ce qui a une incidence sur leur mobilité. Ainsi, entre 1995 et 1996, 15,2% des gens de Pont-Viau ont déménagé par rapport à 11,1% à Laval. Les familles, souvent confrontées à des contextes de vie difficiles, à des problématiques sociales de tout genre, considèrent souvent le déménagement comme l'ultime solution à leurs problèmes. Cette mobilité ne permet pas d'assurer avec les familles des interventions continues dans le temps.

Par ailleurs, on observe que les constructions à Pont-Viau sont plus anciennes que celles du reste du territoire lavallois. En effet, près de 72% des constructions datent d'avant 1970, comparativement à 44,6% pour Laval. Cela nous amène à considérer Pont-Viau comme étant un vieux quartier. Par conséquent, il n'est pas étonnant que le quartier soit l'objet de plusieurs fermetures, notamment celles des écoles primaires, survenues en juillet 2000, en raison de bâtiments désuets.

Autre fait important à soulever pour le quartier: sa population décroît continuellement. En 30 ans (1966-1996), la population est passée de 20,508 à 14,738 personnes. Par ailleurs, entre 1991 et 1996, le nombre de familles monoparentales a augmenté sérieusement au sein du quartier, passant de 16,8% à 20,1%, un pourcentage beaucoup plus élevé que la moyenne de Laval (14,6%); rappelons que ces familles sont majoritairement dirigées par des femmes. Si nous observons maintenant les jeunes, on compte 954 enfants dans le groupe d'âge 0-5 ans et 1381 dans le groupe des 6-14 ans, ce qui est comparable en proportion à la moyenne de Laval. Il y aurait dans Pont-Viau environ 1330 familles qui auraient au moins un enfant de moins de 15 ans.

Pont-Viau est un quartier vieillissant; nous y retrouvons un nombre important de personnes âgées ainsi que de personnes vivant seules. Ainsi 20,3% des personnes du quartier ont plus de 65 ans, comparativement à 11,2% pour Laval. Cet élément a une incidence sur la vie de quartier puisqu'on observe une réorganisation des structures et des services en raison du décroissement et du vieillissement de la population. Compte tenu de la forte présence de personnes âgées, il n'est pas surprenant que le niveau de scolarité soit parmi les plus faibles de Laval. À Pont-Viau, 22,4% des gens de 15 ans et plus ont moins de 9 ans de scolarité, contre 15,5% à Laval. On note également que 31,3% des ménages sont constitués d'une seule personne, ce qui représente le pourcentage le plus élevé en comparaison des autres quartiers de Laval.

Le revenu est un indice essentiel pour dresser un portrait du statut socio-économique de la population. Or, on constate que les niveaux de revenu du quartier Pont-Viau sont parmi les plus faibles de Laval, soit 38 584$ pour les ménages, contre 47 869$ pour Laval. C'est aussi à Pont-Viau qu'on trouve la plus forte proportion de personnes (29,8%) et la plus forte proportion de familles (24,5%) vivant sous le seuil du faible revenu.

Au plan des caractéristiques linguistiques, Pont-Viau a peu changé depuis cinq ans. En 1996, ce quartier demeurait l'un des plus francophones de Laval. À cet égard, 91,3% de la population utilise le français au sein de leur cellule familiale. La proportion des personnes nées à l'étranger n'a augmenté que de 0,4% depuis 1991, pour passer à 8%. Quant aux minorités visibles, elles constituent 5,4% des résidentEs de Pont-Viau.

Enfin, on retrouve sur le territoire de Pont-Viau une douzaine d'organismes communautaires dont la mission est d'intervenir auprès des personnes en difficulté afin d'améliorer leur qualité de vie: soutien aux familles, aux femmes, aux personnes vivant avec des problèmes d'alcoolisme, de dépression, de santé mentale, d'analphabétisme, dépannage alimentaire, vestimentaire.... Entraide Pont-Viau/Laval-des-Rapides et le Groupe Alpha Laval sont deux de ces organismes qui interviennent quotidiennement avec les familles ou les adultes du milieu.

La vie scolaire

Avant les fermetures d'écoles survenues en juillet 2000, on retrouvait dans le quartier Pont-Viau quelque 3000 élèves (primaire et secondaire confondus) répartis dans 5 écoles primaires et 4 écoles secondaires. Au cours de la dernière année, des changements sont survenus dans le cadre de la rationalisation des budgets à la commission scolaire de Laval. Cela a entraîné la fermeture de cinq écoles pour l'ensemble de la commission scolaire, dont Raymond-Labadie. En août, la majeure partie des élèves de Raymond-Labadie a été déplacée vers l'école Saint-Gilles qui est devenue le nouveau partenaire du projet depuis septembre 2000.

Selon l'indice de défavorisation établi par le Ministère16, le taux de défavorisation de l'école Raymond-Labadie était en 1999 de 37,5 ce qui la situe au 49e rang sur les 65 écoles de Laval. Quant à l'école Saint-Gilles, le taux de défavorisation était l'an passé de 31,9 soit au 46e rang des écoles de Laval. On constate que la différence entre les deux écoles n'est pas très grande.

Selon les données du Ministère, les probabilités de réussite scolaire s'établissent ainsi: le taux de diplômation17 pour Saint-Gilles en 1990 était de 65,9% alors qu'en 1991 il se situait à 70,7%. Parallèlement, l'école Raymond-Labadie affichait en 1990 un taux de diplômation de 75,5% et de 55,1% pour la cohorte 1991. Le pourcentage d'enfants ayant un retard scolaire s'établit pour l'école de premier cycle de Saint-Gilles à 4,4% alors qu'il est de 15,3% au deuxième cycle. Les enfants en retard académique sont davantage les garçons que les filles (60% contre 40%). Le nombre d'élèves ayant une cote de difficulté représente 12,9% de l'ensemble des élèves de l'école Saint-Gilles.

1.7 Les partenaires du projet

Nous présentons maintenant les trois partenaires du projet. Même si depuis septembre 2000, l'école Saint-Gilles est devenue notre nouveau partenaire scolaire, nous croyons utile de présenter les deux écoles soit l'école Raymond-Labadie et l'école Saint-Gilles. Puis, nous décrivons brièvement le Groupe Alpha Laval puis Entraide Pont-Viau/Laval-des-Rapides.

L'école Raymond-Labadie

L'école Raymond-Labadie, située dans le secteur nord de Pont-Viau, accueillait en 1999-2000 environ 300 élèves dans des classes allant de la maternelle à la 6ème année. L'école, située dans une rue sans issue, occupe un établissement d'un seul étage bâti en 1956. Le mobilier, les fondations et l'aménagement sont vétustés. Il y a du grillage aux fenêtres.

Les 300 élèves sont répartis en 3 classes de maternelle et 9 classes régulières du primaire. Le personnel de l'école comprend des enseignantEs, bien entendu, mais aussi divers spécialistes tels qu'un psychologue, une orthophoniste, une orthopédagogue, une éducatrice spécialisée pour les classes de maternelle, une infirmière et une intervenante sociale. Précisons que ces professionnels ne sont affectés à l'école que pour de courtes périodes allant d'une demi-journée à une journée et demie en moyenne par semaine. L'école dispose également d'un service de garde; quatre éducatrices encadrent quotidiennement environ 80 élèves. Le service des dîneurs accueille également une centaine d'élèves sous la surveillance de trois personnes.

Parmi les élèves de l'école Raymond-Labadie, comme dans toutes les écoles, on retrouve des enfants présentant des troubles de comportement, certains sont sous médication (notamment avec le Ritalin), d'autres sont absents pendant de longues périodes. De l'avis des intervenants scolaires, plusieurs enfants semblent négligés par leurs parents en regard de leur tenue vestimentaire ainsi que de leur alimentation; quelques uns semblent souffrir de carence affective.

L'école Saint-Gilles

Cette école est située dans le secteur sud de Pont-Viau, secteur plus favorisé que celui de Raymond-Labadie. Les habitations sont majoritairement des maisons unifamiliales et les rues sont bordées de verdure. En l'espace de quelques mois, cette école a dû composer avec les décisions de la commission scolaire et accueillir la majorité des élèves de Raymond-Labadie ainsi que tous les élèves en troubles envahissants du développement et autistes (TED) en provenance de l'école Beau-Séjour.

En septembre 2000, 704 élèves fréquentent l'école Saint-Gilles et ils sont répartis dans deux pavillons. Dans le premier, on compte 275 élèves répartis à travers 12 classes du premier cycle du primaire. Le deuxième pavillon regroupe 429 élèves du 2e et 3e cycle. De plus, une cinquantaine d'enfants autistes fréquentent cette école. L'augmentation du nombre d'élèves a occasionné une hausse du personnel qui atteint maintenant au total 102 personnes.

Quant à la composition de la clientèle, elle s'est vue modifiée à son tour. L'an passé, l'école regroupait en un seul pavillon 250 élèves provenant de milieu socio-économique assez aisé. Cette année, on retrouve ces élèves parmi 400 autres enfants issus de milieux moins favorisés ainsi que 50 enfants handicapés. Les répercussions sur l'école sont de deux ordres. D'une part, certains membres du personnel ont été déstabilisés. En effet, les enseignantEs qui étaient à l'école Saint-Gilles l'an dernier ont dû s'ajuster à cette réalité; l'ajout des élèves issus de milieux défavorisés est déconcertant. Plusieurs d'entre eux avouent une absence d'expérience de ce milieu. Or, le suivi avec les parents semble préoccupant à plusieurs niveaux (parents ne retournant pas les appels, augmentation du taux d'absentéisme chez certains élèves, plusieurs parents absents des rencontres statutaires, etc.).

D'autre part, sont apparues des difficultés accrues d'intervention. En conséquence, les demandes de soutien se sont multipliées. L'école a dû mettre sur place une structure pour faire davantage d'intervention sociale afin de répondre aux besoins des familles. La direction de l'école est consciente du tournant qui s'est opéré dans son école et beaucoup d'efforts sont déployés pour arriver à une plus grande harmonie entre les professeurs, les élèves, les parents et le milieu.

Le Groupe Alpha Laval

Le Groupe Alpha Laval est un organisme populaire d'alphabétisation mis sur pied en 1995 et situé sur le boulevard Lévesque, dans le quartier Pont-Viau. Il s'adresse aux adultes habitant les quartiers Pont-Viau, Laval-des-Rapides, Chomedey et Duvernay. En 1999-2000, l'organisme a rejoint une vingtaine de personnes dont la majorité sont des femmes. L'âge des participantEs varie de 25 à 65 ans.

L'alphabétisation est au cœur de la mission de l'organisme; les activités sont financées principalement par le ministère de l'Éducation. Depuis le début, des ateliers d'alphabétisation se déroulent dans deux milieux de vie communautaires soit l'Association des locataires de Place Saint-Martin et Entraide Pont-Viau/Laval-des-Rapides. Depuis l'an dernier, l'organisme utilise également un local dans le centre communautaire Saint-Louis de Montfort.

Les ateliers d'alphabétisation sont développés sous forme de rencontres thématiques en lien avec des situations de vie quotidienne. La démarche d'apprentissage privilégiée est collective; cette approche favorise l'échange entre les participantEs et elle aide également à briser l'isolement tout en permettant à chacunE de mettre ses connaissance et ses expériences au profit de l'ensemble du groupe. D'ailleurs, ce sont souvent ces moments d'échange qui déclenchent un sentiment de compétence et qui facilitent en quelque sorte l'apprentissage.

Comme les besoins des adultes peu scolarisés sont multiples, l'organisme a également mis sur pied une formation en pré-employabilité. Ainsi, avec le soutien financier d'Emploi Québec, deux programmes ont été mis sur pied en 1998-1999: «J'écris mes compétences» et «Le trait d'union». Ce type de démarche vise à ce que les participantEs puissent fonctionner facilement dans le quotidien et se préparer efficacement à intégrer le marché du travail. À cela s'ajoutent des activités de sensibilisation dans le milieu et des activités pour favoriser la participation des personnes peu scolarisées à la vie démocratique (par exemple, des activités d'information sur les élections par des rencontres avec les candidats et une simulation d'un bureau de vote...). Et bien entendu, le Groupe Alpha Laval a développé depuis 3 ans un volet de prévention de l'analphabétisme par son travail auprès des parents.

L'Entraide Pont-Viau/Laval-des-Rapides

Tandis que le Groupe Alpha Laval apporte du soutien en alphabétisation, Entraide Pont-Viau/Laval-des-Rapides offre des services destinés aux familles ayant des enfants de 0 à 5 ans, par des activités telles que des haltes-garderies, des haltes-participatives (les parents sont alors en charge des enfants) et des ateliers de préparation à la maternelle 4 ans. D'autres services visent l'ensemble des familles: la cuisine collective, les «Y'app» (soit le programme «Il n'y a pas de parents parfaits»), le jardin communautaire, l'aide aux devoirs pour les enfants du primaire, les conseils juridiques, les cafés-discussions, les dépannages vestimentaires, etc.

Entraide Pont-Viau/Laval-des-Rapides, comme tous les organismes sans but lucratif, propose des activités et embauche du personnel en fonction des différentes subventions que l'organisme se voit accorder. Les subventions de l'organisme proviennent essentiellement de la Régie régionale des services sociaux et du gouvernement fédéral (par le programme PACE). Il est difficile, d'une année à l'autre, de prévoir le nombre de personnes qui formeront l'équipe de travail et les différents projets qui seront mis en place.

Ainsi, entre 1998 et 1999, le nombre d'employés a chuté de 13 à 6 en raison de décisions des Centres locaux d'emploi (CLE) qui ont supprimé toutes les subventions salariales. De ce fait, certaines activités ont dû être modifiées: ainsi, l'aide aux devoirs, qui accueillait en 1998-1999 une vingtaine d'enfants trois fois par semaine, reçoit durant cette année seulement une douzaine d'enfants deux fois par semaine et cette activité ne s'offrira qu'une session au lieu de deux.

En dehors des activités et des services mentionnés, l'organisme est avant tout un milieu de vie où les parents prennent un café, discutent, participent à des activités visant le développement de l'autonomie et des compétences, dans le souci constant d'améliorer les conditions de vie des familles du secteur.

1.8 Notre objectif de recherche

La présentation de notre milieu ainsi que des organismes partenaires nous semble essentielle pour mieux saisir la portée des initiatives souhaitées dans le milieu, notamment celles qui visent à plus long terme à prévenir l'analphabétisme et à court terme, à augmenter la réussite scolaire des enfants en milieux défavorisés.

Les partenaires ont fait du chemin au cours des dernières années et ce, à plusieurs niveaux: l'importance de collectiviser «les forces du milieu» face à un problème social; l'importance de connaître les partenaires y compris les parents pour poser des actions appropriées; l'importance de tenir compte de plusieurs facteurs pour mieux orienter des actions.

Cependant, nous nous sommes rendus compte que l'approche choisie était insuffisante pour répondre à nos objectifs. Si nous voulions développer un partenariat avec les parents, il fallait mieux les connaître et délaisser l'approche instrumentale. En effet, comment considérer partenaires des parents jugées inaptes par ailleurs à aider leur enfant à réussir à l'école? Il nous fallait questionner plus à fond nos méthodes et approches. La recherche s'imposait donc comme un moyen privilégié d'acquérir de nouveaux savoirs sur les parents, à partir de leurs propres témoignages.

Bref, compte-tenu de tous ces éléments énoncés dans le présent chapitre, nous avons ressenti le besoin d'entreprendre une recherche-action qualitative auprès des parents dans l'objectif de:

Décrire et analyser certains comportements, perceptions et attentes de parents peu scolarisés, vivant en milieux populaires, en regard de l'accompagnement scolaire de leur enfant à l'école primaire.

Le chapitre suivant s'attardera à justifier notre objet de recherche en le replaçant dans un cadre théorique afin de démontrer la correspondance de nos questionnements avec les préoccupations actuelles de recherche en éducation.

Chapitre 2 - Aspects théoriques et orientation de la recherche-action

Ce chapitre porte sur les aspects théoriques qui expliquent et justifient nos choix, notre démarche ainsi que l'orientation de notre recherche-action. Nous expliquons d'abord pourquoi nous avons privilégié une approche qualitative pour mener cette recherche. Ensuite, nous précisons l'approche systémique que nous avons tenté d'adopter pour cerner la problématique.

Nous présentons par la suite les dimensions qui nous semblent correspondre à notre objet de recherche. En regard de l'univers familial et des relations familles/écoles, nous avons distingué quatre dimensions que nous décrivons successivement dans ce chapitre, soit: les pratiques familiales de l'écrit, l'encadrement du suivi scolaire, les relations familles/école et les rôles et responsabilités des parents. Nous avons consulté plus d'une vingtaines d'ouvrages et extrait des analyses et des constats qui justifient la pertinence de chacune de ces quatre dimensions. Enfin, nous terminons ce chapitre en présentant brièvement certains résultats de recherches concernant les différences et particularités selon le sexe, un aspect par lequel nous sommes interpellées.

2.1 Une approche qualitative

L'approche qualitative s'est révélée la méthode de recherche la plus appropriée pour atteindre notre objectif. Nous désirions, autant que faire se peut, faire abstraction de nos idées préconçues et des croyances populaires véhiculées sur notre milieu d'intervention; le mieux pour cela était de donner la parole et d'écouter attentivement ce que les parents peu scolarisés avaient à nous dire. En effet, tel que le mentionne le guide produit par la DFGA18 la méthode qualitative s'attarde à l'observation d'un phénomène social. En général, ce type de recherche porte sur de petits échantillons et vise à obtenir un portrait juste d'une réalité sans pour autant tabler sur la généralisation des données recueillies. En choisissant une approche qualitative, on visait à décrire dans les mots des parents peu scolarisés, leur expérience en regard de la réussite scolaire de leur enfant, prenant soin d'exposer leurs propos le plus fidèlement possible.

L'approche qualitative nous permet également de mieux comprendre les particularités des familles au sein d'un contexte en mouvance. En interrogeant les parents, nous voulions explorer de leur point de vue certaines caractéristiques familiales et les relations écoles/ familles. Par l'exploration en profondeur auprès d'un petit nombre de personnes, nous voulions nous pencher sur des thèmes précis plutôt que se disperser et tomber dans les généralités.

Les travaux du sociologue Lahire19 sont inspirés d'une approche qualitative de type ethnographique qui s'intéresse aux particularités des individus et des milieux locaux plutôt qu'aux données statistiques qui décrivent des situations générales. Ses travaux portant sur les cas de réussite scolaire en milieux populaires ont été pour nous une source précieuse d'inspiration. En effet, ses investigations et observations minutieuses de classes et de familles en milieu populaire ont tenté de mieux comprendre pourquoi, en disposant du même statut socio-économique, certains enfants réussissent alors que d'autres échouent20. Ce constat nous a amené à sonder, avec un regard sociologique, les particularités et les différences chez des familles présentant au départ des caractéristiques communes, c'est-à-dire celles d'être peu scolarisées et être issues de milieux populaires.

2.2 Une perspective systémique

Au départ de cette recherche, les trois organismes partenaires souhaitaient trouver des actions qui, dans leurs pratiques respectives, favoriseraient les chances de réussite scolaire des enfants au primaire. Par notre recherche, nous interrogeons des parents pour connaître leur réalité et leurs stratégies pour assurer l'encadrement scolaire de leur enfant. Cependant, l'exploration du vécu des parents n'est pas suffisant. Il devenait essentiel de s'approprier le contexte d'ensemble dans lequel évoluent les parents peu scolarisés.

La revue de la littérature a en effet confirmé que la réussite scolaire n'est pas l'apanage unique de la famille et des parents. Si tel était le cas, on adopterait une approche centrée sur les parents en négligeant les autres acteurs. Comme on l'a vu au chapitre précédent, l'approche instrumentale (par exemple, par des cours d'habiletés parentales, des exercices à faire avec les enfants, des trucs et des conseils aux parents...) nous a semblé très limitée et elle est remise en question par plusieurs chercheurEs21. Le choix d'une lecture systémique s'imposait donc, puisque la réussite scolaire résulte de différentes actions et attitudes adoptées au sein de la famille, de l'école et de l'environnement social, ainsi que de l'ensemble des interactions entre ces composantes. C'est pourquoi le but ultime de cette recherche-action vise l'amélioration des interventions issues de la communauté et de l'école en misant sur le partenariat avec les parents.

Jacques et Baillargeon22 analysent, dans une perspective systémique, les facteurs liés aux difficultés rencontrées par les enfants de milieux défavorisés qui fréquentent la garderie ou la maternelle, en s'appuyant sur l'approche écologique de la petite enfance émise par Brofenbronner23. Leur analyse souligne l'importance qu'on doit accorder à l'ensemble des systèmes environnementaux dans lesquels évolue l'enfant en observant également les liens et la qualité des interactions entre ces systèmes et sous-systèmes. Les auteures avancent que toutes ces variables influencent la qualité du développement de l'enfant. En fait, l'enfant représente le noyau central d'un système qui interagit avec quatre sous-systèmes. Le microsystème fait référence aux lieux de participation active de l'enfant telles que la famille, l'école et la garderie. Les interactions entre ces microsystèmes font office de mésosystèmes, tels que les relations école/familles ou familles/milieu communautaire. Les lieux de pouvoir, tels que le ministère de l'Éducation ou le Conseil d'établissement de l'école, représentent l'exosystème. L'enfant n'y participe pas activement, mais les décisions qui y sont prises ont des répercussions notoires sur sa vie. Enfin, le macrosystème se réfère aux valeurs et aux idéologies dominantes véhiculées dans une société donnée.

Nous nous sommes donc inspirées de l'approche écologique de Bronfenbrenner et de la perspective systémique pour identifier deux univers ou «systèmes» que nous voulions étudier dans le cadre de la recherche-action, soit la famille et les relations école/familles. Les parents étant au cœur des pratiques de deux partenaires sur trois (l'école agissant plus indirectement auprès des parents), nous avons jugé bon d'interroger ces acteurs, d'autant plus que peu de recherches portent sur ce sujet. Par ailleurs, les relations écoles/familles est aussi un aspect important qui soulève beaucoup de réactions tant chez les intervenants que chez les parents; c'est pourquoi nous avons décidé de l'explorer davantage.

Bien sûr, nous sommes conscientes des limites de notre recherche et nous aurions pu aller beaucoup plus loin dans une perspective systémique. En effet, nous aurions pu regarder le vécu scolaire à travers les yeux des enfants qui passent quotidiennement de l'école à la famille, deux mondes aux visions parfois contradictoires, comme nous le verrons plus loin dans ce chapitre. Nous aurions aimé aussi approfondir la dynamique propre à l'école primaire à travers les témoignages de son personnel. Nous aurions pu également sonder les relations familles/milieu communautaire. Plusieurs pistes étaient possibles; mais les suivre toutes nous auraient mené à l'éparpillement.

C'est pourquoi nous avons dû faire des choix et nous limiter, en raison notamment des contraintes financières et des échéanciers restreints. Malgré tout, en privilégiant l'approche systémique, nos résultats obtenus auprès des parents devraient nous permettre d'améliorer et d'adapter nos pratiques respectives au lieu de miser uniquement sur les modifications des comportements des parents.

2.3 Les dimensions de la recherche

Comme nous l'avons mentionné au chapitre 1, notre objectif est de décrire et analyser certains comportements, perceptions et attentes de parents peu scolarisés, vivant en milieux populaires, en regard de l'accompagnement scolaire de leur enfant à l'école primaire. Cela nous amène à regarder, d'une part, certains facteurs familiaux en rapport avec la réussite scolaire et, d'autre part, quelques aspects des relations école/familles en lien avec le même thème.

Les caractéristiques du milieu familial et la nature ainsi que la qualité des contacts entre l'école et la famille ont des incidences déterminantes sur la réussite scolaire de l'enfant au primaire. Pour bien décrire ces deux univers de manière à atteindre nos objectifs, nous avons distingué quatre dimensions à observer, soit:

  1. Les pratiques familiales de l'écrit;
  2. L'encadrement du suivi scolaire;
  3. Les relations familles/école;
  4. Les rôles et responsabilités des parents.

L'univers familial est couvert par les dimensions 1, 2 et 4. Les pratiques familiales de l'écrit font référence au rapport entretenu avec l'écrit dans chacune des familles rencontrées, sachant que la présence d'un modèle de lecteur et de scripteur au sein de la famille, de même que la fréquence et la qualité des interactions autour de l'écrit ont une incidence sur la réussite scolaire des enfants. L'encadrement du suivi scolaire fait référence au sens quotidien des actions, des comportements et des attitudes des acteurs, puisqu'on sait pertinemment que la participation des parents à cette tâche contribue étroitement à la réussite. Finalement, les antécédents scolaires des parents ainsi que leurs rôles et responsabilités sont des éléments qui permettent de comprendre et de décrire davantage les caractéristiques des parents interrogés et la place qu'occupe le monde scolaire dans leur vie.

Quant à la troisième dimension, elle couvre à elle seule le deuxième univers qui se situe donc à l'intervalle de l'école et la famille. Cela comprend l'état des communications et des relations école/familles, la perception des parents à l'égard du cheminement scolaire de leur enfant et leur perception face à l'école de ce dernier. L'analyse de cette dimension est capitale, car la littérature démontre que la réussite scolaire des enfants est influencée par la cohésion, le conflit, l'indifférence ou l'incompréhension réciproque des deux milieux de vie à l'intérieur desquels les enfants évoluent.

Enfin, nous avons porté une attention, si minime soit-elle, aux différences qui pouvaient exister entre les sexes en regard de notre sujet d'étude puisque plusieurs recherches traitent précisément de cette dimension.

2.4 Les pratiques familiales de l'écrit

À notre sens, les pratiques familiales de l'écrit comprennent la lecture et l'écriture et touchent tous les membres de la famille, enfants comme parents, en interaction ou dans leurs pratiques individuelles. Les pratiques englobent aussi les attitudes et les perceptions de soi à l'activité. Bien sûr, les pratiques tiennent compte aussi du matériel utilisé, des sources d'approvisionnement et de la fréquence.

Les comportements des membres de la famille en tant que lecteur et scripteur ont une incidence sur les performances scolaires de l'enfant et sur son adaptation scolaire. Selon Tremblay24, l'enfant qui est témoin régulièrement de pratiques de lecture et d'écriture à l'intérieur de sa cellule familiale assimilera plus rapidement l'utilité d'acquérir ces deux processus qui lui permettront d'expérimenter et de comprendre davantage son environnement social. Il est important que ces situations de lecture et d'écriture se déroulent dans un contexte réel pour que l'enfant en saisissent le sens. L'enfant doit associer ces pratiques à des actes naturels, nécessaires, qui font partie de la vie quotidienne au même titre que la communication orale, par exemple.

Depuis quelques années, de nombreux travaux25 ont porté sur la conscience de l'écrit et sur l'émergence de l'écrit chez le jeune enfant. La conscience de l'écrit est défini comme «... les acquisitions en lecture et écriture (connaissances, habiletés et attitudes) que l'enfant réalise sans enseignement formel et avant de lire de manière conventionnelle26». Tous les chercheurEs s'accordent à dire que l'environnement familial, premier lieu d'apprentissage et de développement de l'enfant, a une influence majeure sur l'acquisition des pré-requis nécessaires aux futures apprentissages de la lecture et de l'écriture. Pour cela, il faut que l'enfant baigne dans un bain de lecture et d'écriture dès son plus jeune âge.

Gaudet, dans une recherche documentaire sur la famille et l'alphabétisation, signale que les enfants qui apprennent le mieux à l'école sont ceux à qui les parents ont lu des histoires lorsqu'ils étaient plus jeunes.27 L'auteur propose des actions que les parents peuvent adopter afin de créer un environnement favorable à la lecture telles que d'aménager un lieu, constituer une bibliothèque, acheter des livres en cadeau, partager des échanges de lecture avec l'enfant, etc.28 Thériault explique aussi que les parents qui se livrent à des activités de lecture à haute voix deviennent un modèle à reproduire pour leur enfant29. De plus, ces pratiques partagées de lecture aident l'enfant à distinguer le langage écrit des conventions du langage parlé, à le situer dans un processus d'organisation de la pensée et des idées, puisque le récit est composé d'une structure chronologique (introduction, péripéties et conclusion). Cependant, comme nous le verrons plus loin, il y a de multiples raisons qui expliquent pourquoi, en milieux défavorisés, ces pratiques d'interaction autour de l'écrit se font plus rares.

Par ailleurs, la construction des connaissances sur la lecture est un long processus qui s'élabore en parallèle avec la construction des connaissances sur l'écriture. Toutes ces acquisitions informelles se font principalement dans l'environnement familial avant la période d'apprentissage scolaire. Ainsi, les premiers signes d'écriture chez les jeunes enfants, qui passent des gribouillis, aux traces et dessins plus intentionnels, puis aux tentatives de copier des lettres et à la reproduction de mouvements d'écriture (des lignes de gauche à droite, par exemple), permettent progressivement aux enfants de découvrir le sens et l'utilité de l'écriture.

Par ailleurs, Lahire aborde dans ses travaux plusieurs formes familiales de la culture de l'écrit, dont la lecture de contes. Lui aussi insiste sur le fait que familiariser tôt l'enfant à la lecture en lui lisant des histoires à haute voix peut favoriser la réussite scolaire, en associant notamment les concepts «affection» et «livres». Cependant, comme il le précise, il ne suffit pas qu'il y ait des actes de lecture à la maison pour influencer positivement la scolarité de l'enfant; il faut que ces expériences soient des moments agréables pour l'enfant et le parent et non des activités menées de façon laborieuse, voire douloureuse30.

Bref, les travaux sur l'émergence de la lecture et de l'écriture nous ont amenés à observer attentivement les interactions entre parents et enfants autour de la lecture dans l'environnement familial. Bien que nous ayons centré nos questions sur un enfant d'âge scolaire (le plus près de la deuxième année; voir le chapitre 3 sur la méthodologie) nous avons interrogé les parents sur l'ensemble de leurs échanges de lecture et d'écriture avec leurs enfants, petits ou grands. De plus, la recension des écrits nous a incités à considérer séparément la lecture et l'écriture dans la dimension des pratiques familiales de l'écrit. Ainsi nous avons interrogé les parents sur leurs pratiques de lecture, leurs interactions avec leurs enfants et leurs perceptions d'eux-mêmes en tant que lecteur, pour répéter ce questionnement uniquement pour l'écriture. Cela nous permet de mieux observer et distinguer les particularités de chacune de ces pratiques.

Nous nous sommes penchés également sur les pratiques des adultes peu scolarisés. Les travaux menés aux Québec par Wagner31 stipulent qu'en milieu populaire le rapport des adultes à l'écrit est souvent limité, qu'il s'insère principalement au sein d'une communication fonctionnelle plutôt que personnelle. Ces observations sont également constatées par Roy dans son étude sur le rapport à l'écrit de jeunes analphabètes de 16 à 25 ans.32 Les pratiques d'écriture et de lecture y sont décrites comme sommaires, souvent obligatoires et rattachées aux activités socio-économiques (acheter des produits, payer ses factures, remplir des formulaires). Wagner explique cela en partie par la distance culturelle du langage employé dans la littérature versus l'oralité qui prime au sein des familles de milieux populaires. Il questionne également le fait que les institutions scolaires véhiculent une image partielle de la lecture et de l'écriture en associant continuellement ces pratiques aux fonctions et aux normes scolaires, dévaluant ainsi les activités quotidiennes des familles.

Les pratiques des milieux populaires, quoique limitées, ne sont pas inexistantes pour autant. Ainsi, Lahire33 a le mérite d'avoir grandement contribué à faire connaître les pratiques populaires et à les mettre en valeur, plutôt que de baser «l'interrogation sur les pratiques de l'écriture publiques, officielles et légitimes de l'univers scolaire34». Ses travaux mettent de côté l'aspect misérabiliste des pratiques cachées des personnes analphabètes pour se centrer minutieusement sur le sens de leurs pratiques. Ainsi on apprend que le calendrier, le pense-bête (aide-mémoire) et l'agenda jouent un rôle très important dans plusieurs familles, soulignant le souci de l'organisation de l'espace et du temps. On y apprend aussi que ce sont les mères qui sont responsables de l'écriture domestique et ce, en dépit du moins grand capital scolaire qu'elles détiennent face à leur conjoint. Lahire avance: «Ces femmes sont de vraies machines à écrire familiales35» Par conséquent, elles ont développé le sens de l'organisation et une bonne gestion du temps puisque c'est à elles qu'incombent les tâches de prise de rendez-vous, par exemple. Bref, les mères sont la courroie de transmission de l'intérieur de la cellule familiale vers l'extérieur, particulièrement à l'instar des institutions publiques. Cette position fait en sorte que les modèles de lecture de l'univers familial sont davantage féminins, alors que les modèles de lecteurs masculins sont plus absents. Tout cela désavantage les garçons dans leur apprentissage de la lecture.

Par ailleurs, les difficultés de lecture des adultes peu scolarisés sont également attribuables, selon certains auteurs, à la complexité grandissante des écrits eux-mêmes. Les nombreux travaux de l'Institut canadien d'éducation des adultes (ICÉA)36 témoignent que les difficultés en lecture sont souvent dues à des textes confus et peu compréhensibles qui exigent des compétences détenues par des lectrices ou lecteurs très scolarisés. Pour sa part, Besse dénonce l'accroissement des exigences sociales concernant l'écrit. Bien souvent les personnes éprouvant des difficultés à maîtriser le code se voient exclues et marginalisées, que ce soit pour le marché de l'emploi, l'accès au logement, l'accompagnement scolaire, etc.

L'aspect des perceptions n'est pas non plus à négliger en rapport avec les pratiques. Besse affirme que le rapport à l'écrit en milieu populaire est associé fréquemment à une perception négative de soi-même. L'individu accepte alors d'écrire uniquement à l'intérieur d'espaces sociaux respectueux et valorisants. Cet aspect fait référence à la dimension affective qui gravite autour de l'appropriation de l'écrit. L'auteur mentionne également que cette dimension se réfère généralement à une expérience scolaire douloureuse qui intensifie le sentiment d'incapacité et d'échecs, un élément qui est souvent à l'origine d'une faible fréquence de pratiques. Besse37 suggère notamment de travailler à modifier les représentations que les gens se font à l'égard de leurs pratiques qui se limitent bien souvent à respecter la forme et les normes (orthographe, grammaire, syntaxe, calligraphie) au détriment du plaisir et de l'utilité de l'écrit.

En somme, à la suite de ces lectures, il nous semblait essentiel d'aborder avec les parents peu scolarisés leurs habitudes et leurs perceptions en matière de lecture et d'écriture. Nous interrogerons donc les parents sur la fréquence et le contenu de leurs activités, sur les difficultés éprouvées s'il y a lieu, sur la fréquence et les types d'échanges parent/enfant autour de la lecture et de l'écriture, et sur leurs perceptions en tant que scripteur et lecteur. Nous regarderons aussi le matériel utilisé et les sources d'approvisionnement, de même que les stratégies d'aide pour pallier les difficultés. Comme nous l'avons démontré plus haut, les pratiques de lecture et d'écriture seront regardées séparément.

2.5 L'encadrement du suivi scolaire

Selon l'enquête menée par Norris auprès de parents canadiens38 la participation à la maison des parents se traduit par la vérification et l'accompagnement des travaux scolaires, la création d'un environnement favorable à l'étude, l'achat des fournitures scolaires, faire la lecture à l'enfant ainsi que le dialogue sur les événements quotidiens qui se produisent à l'école. C'est ce que nous englobons dans la dimension du suivi scolaire. La littérature stipule que la participation des parents à l'éducation scolaire de leur enfant est un facteur de réussite. Norris indique notamment qu'une plus grande participation des parents, tant à la maison avec l'enfant qu'à l'école, engendre un meilleur rendement scolaire.

Or, les obstacles rencontrés par les parents peu scolarisés tels que l'échec scolaire, les troubles d'apprentissages chez leur enfant ainsi que leurs propres difficultés à maîtriser le code écrit ne sont-ils pas des éléments qui rendent le suivi scolaire difficile? Plusieurs auteurs se sont prononcés à ce sujet et ont répondu en partie à nos questionnements.

Lahire39 mentionne que l'encadrement du suivi scolaire, particulièrement en milieu populaire, devrait relever de la personne qui détient davantage le «capital culturel», soit la personne la plus scolarisée. Or, dans les milieux populaires observés par l'auteur, le soutien scolaire est un rôle principalement assumé par la mère, alors que c'est souvent elle qui détient le plus faible niveau de scolarité dans la famille. Elle est à la fois responsable de l'éducation des enfants et de l'écriture domestique. On note alors la présence d'une division sexuelle des rôles ce qui a pour incidence, selon l'auteur, de rendre plus difficile le parcours scolaire des garçons ayant un père qui ne s'investit pas dans sa scolarisation. Les garçons sont par conséquent dépourvus de modèle masculin de transmission culturelle alors qu'ils en sont à une étape cruciale de construction de leur identité sexuelle.

Un article publié par le Conseil supérieur de l'éducation (CSE) stipule que: «Une des compétences requises par les parents dans la relation avec son enfant entré à l'école primaire est celle de l'encadrement adéquat de la réalisation des travaux scolaires40». Mais, ce premier rôle de parent d'élève ne se fait pas sans heurts, car selon le CSE, les devoirs peuvent devenir un véritable «calvaire» pour le parent. Ainsi, les parents moins scolarisés sont confrontés à la difficulté d'expliquer un exercice qu'ils ne maîtrisent pas et ne saisissent pas eux-mêmes.

Ces problèmes sont précisés dans l'étude que Cunha a menée auprès de parents d'enfants du primaire dans des quartiers populaires41. Elle explique que les difficultés des parents sont de deux ordres pour accompagner leur enfant dans le suivi scolaire: des difficultés d'ordre relationnel et des difficultés d'ordre technique. Les relations sont tendues, car les enfants sont agités, démotivés durant les devoirs; selon cette même auteure ces difficultés sont accentuées lorsqu'il s'agit des garçons, plus turbulents et moins centrés sur la tâche.

De plus, les parents analphabètes doivent faire face à l'étonnement de leur enfant en raison de leur impuissance à l'aider dans ses travaux scolaires. Le manque de connaissances des parents se double de difficultés affectives conséquentes au fait d'avoir perdu une certaine crédibilité aux yeux de leur enfant: «les difficultés de contrôle et de maîtrise de l'enfant, l'intense conflictualité qui s'allie à l'exécution des devoirs et des leçons révèlent combien l'implication et l'affectivité envahissent la relation d'aide lorsqu'il s'agit d'un thème aussi brûlant et anxiogène que la scolarité des enfants42».

Il est donc particulièrement ardu pour ces parents d'exercer leur autorité parentale pour suivre la scolarité de leur enfant, particulièrement durant l'exécution des devoirs et des leçons. Les parents font donc face, selon Zéharoui, à un «double processus de délégitimation43»: face à leur enfant, parce qu'ils ne peuvent les soutenir dans leurs devoirs, et face aux enseignants, parce qu'ils sentent qu'on ne les considère pas aptes à remplir efficacement leur rôle de parents d'élèves.

Cependant, même chez les parents peu scolarisés, il est possible de soutenir efficacement son enfant. Ainsi, Lahire mise sur la présence attentive et les échanges entre parent et enfant, ce qui facilitera la transmission des savoirs. Selon cet auteur, certaines familles dotées d'un faible capital scolaire arrivent à faire une place à l'enfant «lettré» au sein de la configuration familiale simplement en lui offrant une écoute attentive et un questionnement intéressé au sujet de sa vie scolaire. Même si les parents sont dépassés et ne saisissent pas tout ce que fait l'enfant à l'école, ils peuvent contribuer à sa réussite par une multitude de comportements quotidiens, tel que prêter attention à sa vie à l'école, montrer l'intérêt et la valeur qu'ils prêtent aux expériences scolaires. Ainsi, ils transmettent à leur enfant que l'école a du sens et de la valeur.

Les nombreuses recherches de Lahire démontrent donc que de véritables stratégies familiales d'entraide aux devoirs sont érigées, particulièrement au sein des familles immigrantes. La fratrie joue un rôle de premier plan puisque la sœur ou le frère aînés se rend disponible pour aider le cadet. L'auteur indique également que d'autres configurations familiales feront plutôt appel aux ressources du milieu en confiant leurs enfants à des organismes qui proposent des services d'accompagnement aux devoirs, tels que les organismes communautaires et les associations.

Cunha, dans son étude de certains organismes d'aide aux devoirs44, souligne comment les parents s'investissent pour trouver des ressources qui viendront suppléer leur manque de connaissances. Les parents interrogés dans cette étude mentionnent leur reconnaissance envers le personnel des services d'aide aux devoirs, car pour eux la tâche est souvent démesurée et empreinte de souffrance. L'auteure précise que pour de nombreux parents, l'accompagnement scolaire demeure le seul lien continu entre l'école et la famille, un moyen pour eux d'évaluer le cheminement scolaire de leur enfant et obtenir des informations quotidiennes sur leur évolution.

Par ailleurs, les organismes d'aide aux devoirs se sentent investis d'une mission très lourde, celle de faire réussir des enfants que l'école qualifie comme étant en difficulté. Selon Cunha, les parents, qui ont tendance à se méfier de l'école, créditent ces organismes d'une efficacité qu'ils n'accordent plus à l'école. Mais l'auteure relève des paradoxes qu'il faudrait investiguer davantage. En effet, elle a remarqué, au cours de ses observations, que les organismes d'aide aux devoirs n'incitent pas véritablement les parents à devenir partenaires, car rares sont ceux qui jugent important de négocier avec eux les buts et les démarches de l'aide aux devoirs. Cette attitude, qu'on peut reprocher parfois à l'appareil scolaire... «confortent les parents dans les représentations qu'ils se font d'eux-mêmes lorsqu'ils s'estiment "incapables" d'aider leur enfant dans le domaine scolaire et se sentent "soulagés" que ce souci majeur leur soit enlevé45». Il y a donc là des éléments de réflexion à poursuivre sur le rôle des ressources communautaires pour aider les parents à accompagner leur enfant dans le suivi scolaire.

Par ailleurs, plusieurs auteurEs remettent en question le mythe de la démission parentale46 qui semblerait plutôt alimentée par une certaines méconnaissance des acteurs scolaires. Vatz Laaroussi indique que les stratégies familiales adoptées par les familles des milieux populaires tendent effectivement à s'éloigner de l'école, mais ces stratégies sont conditionnées par un réflexe de survie devant les jugements de valeurs qu'ils ressentent à leur égard et les tentatives d'ingérence de l'école dans leur vie privée. La chercheure distingue trois types d'attitudes des parents envers l'institution scolaire: la remise docile aux expertEs du fait de l'acceptation de leur incompétence; la débrouillardise en dehors des circuits officiels et enfin, l'entrée dans la logique scolaire de compétition47.

Quant à De Singley, il soutient que les parents peu scolarisés, au contraire de démissionner, seraient «...dans une logique obsessionnelle par rapport à l'école48». Dubet et Martuccelli ajoutent que les parents en milieu populaire ont énormément d'attentes envers l'école, car elle représente la voie par laquelle ils espèrent que leur enfant acquière une certaine mobilité sociale49. Quant à le Breton50, il précise que l'accompagnement scolaire des parents peu scolarisés se traduit sous diverses formes: organisation matérielle, valorisation des comportements d'obéissance, ordre moral, respect d'horaire, d'habillement.

Ainsi, les parents tentent de répondre aux demandes et aux exigences de l'école, mais les efforts qu'ils déploient demeurent souvent invisibles aux yeux du corps enseignant ou ils ne sont pas adéquats: «si leur investissement dans la scolarité est bien tangible, il n'en reste pas moins "à côté"de ce que requiert l'école51». Cunha fait valoir la conscience qu'ont ces parents de ne pas correspondre à ce qu'on attend d'eux: «Or les parents ressentent qu'ils sont loin de correspondre au modèle de parent valorisé par l'institution scolaire. (…) Si tous les parents sont prêts à reconnaître les difficultés nombreuses qu'ils rencontrent dans l'éducation de leurs enfants, aucun n'estime "démissionner" de son rôle...»52.

Malgré tous les problèmes rencontrés, les parents, y compris ceux issus de milieux populaires, tiennent à ce que les enseignantEs continuent à donner des devoirs à leurs enfants53. En effet, en plus de la valeur éducative du devoir pour l'enfant lui-même, les devoirs constituent pour les parents une manière de suivre ce que fait l'enfant à l'école et ils sont aussi en quelque sorte un lien entre la famille et l'enseignantE.

Bref la littérature prétend que l'encadrement du suivi scolaire est un facteur déterminant au sein de la réussite scolaire des enfants et l'une des principales attentes de l'école. Or, on observe que pour les parents peu scolarisés, cette tâche ne semble pas aisée à accomplir. Plusieurs auteurs rapportent également que les parents ne démissionnent pas de leur rôle, mais développent plutôt d'autres stratégies afin de pallier leurs difficultés et de rendre le suivi scolaire le plus efficace possible.

C'est à partir de ces nouvelles connaissances que nous sonderons auprès de notre milieu le contexte et le déroulement de la période des devoirs et des leçons, le comportement de l'enfant et celui du parent durant cette période, la présence de soutien extérieur s'il y a lieu ainsi que la nature des échanges entre parent/enfant autour de l'école.

2.6 Les relations familles/école

Parmi tous les auteurEs que nous avons lus, il semble s'être établi un consensus à l'effet que les relations école/famille, bien que vitales, sont souvent difficiles et tendues en milieux populaires. Entre ces deux univers, on parle de malentendu chez Dubet54, de dissonnances et de consonnances chez Lahire55, d'opacité chez le Breton56, alors que chez Chauveau et Rogovas-Chauveau, on évoque des... «doubles méprises, pseudo-accords, convergences contre-productives, discordances sociopédagogiques, rejets mutuels57». Ces auteurs affirment que les relations conflictuelles entre école et familles peuvent restreindre les chances de réussite scolaire des enfants à l'école primaire; ainsi Jacques et Baillargeon observent «qu'une faible coopération école/famille,notamment dans les milieux populaires est souvent considérée comme un facteur prédisposant aux difficultés scolaires de l'enfanf58».

Plusieurs de ces auteurs ont examiné les dynamiques entretenues entre l'école et la famille afin d'élucider les causes de ces malentendus et d'exposer des pistes pour susciter une remise en question des pratiques actuelles en éducation.

Tout d'abord, Lorcerie avance que le non-dialogue est malheureusement le rapport de base entre les institutions scolaires et les familles de milieux populaires. Elle qualifie les actions de l'école envers les parents comme étant «ponctuelles, utilitaristes dans les perspectives de l'école et souvent indirectement stigmatisantes...», qu'elles tendent surtout à les... «éduquer à leur métier de parent», plutôt que de les engager... «dans un processus de rencontre et de gestion de conflit59». Vatz Laaroussi affirme à son tour que l'une des stratégies de l'école envers les familles défavorisées est d'appliquer une approche d'enseignement de diverses compétences et que cette approche suscite beaucoup de méfiance et de rejet de la part des parents60. Or, comme le soulignent Pourtois et Desmet, l'approche instrumentale, sans la sous-estimer, n'est pas suffisante pour assurer une efficacité et qualité d'intervention; il faut considérer d'autres facteurs, dont la qualité et les conditions des communications et les représentations des acteurs61. Ces affirmations appuient nos doutes quant à l'efficacité de l'approche instrumentale utilisée comme unique moyen d'action auprès des parents peu scolarisés.

Le Breton62 stipule que les rapports que l'école entretient avec les familles pauvres engendrent implicitement une forme de sélection qui marginalise ces familles et qui nourrit des incompréhensions et des préjugés de part et d'autre. L'auteur indique que cette opacité maintenue dans les relations école/familles est particulièrement forte en milieu défavorisé. À partir de cette logique, on constate un désengagement de l'institution scolaire envers les familles pauvres et une réduction des informations et des espaces de rencontre. Cette opacité entretenue par l'institution scolaire engendre un sentiment d'extériorité chez les parents face aux pratiques scolaires: «En effet, ce qui se passe à l'école est pour de nombreuses familles indéchiffrable: les exigences de l'apprentissage, les pratiques scolaires ne sont pas obligatoirement intelligibles, les valeurs scolaires déconcertantes63».

Ce manque de contact entretient également la méconnaissance des enseignantEs à l'égard de ce que sont les élèves défavorisés: «méconnaissances de leurs pratiques langagières, de leurs fonctionnements socio-cognitifs, de leurs rapports au savoir, de leurs valeurs familiales. Le rapport des enseignants à ces élèves se construit sur de l'incompréhension et, plus souvent encore, sur des "mésinterprétation" des phénomènes qui sont enjeu, des méprises sur les causes réelles des obstacles à l'apprentissage64».

Il devient alors logique que les enseignantEs ne (re)connaissent pas la culture écrite des familles et le travail d'encadrement fait par les parents, ce qui les incite à interpréter les difficultés des élèves...«à partir d'autres schèmes explicatif: psychologisation, médicalisation, "carences" éducatives, affectives, hérédité sociale65». L'auteur souligne également que malheureusement, le personnel scolaire est souvent inconscient de cette méconnaissance des milieux populaires, ce qui rend difficiles les changements.

Pourtois et Desmet66 ajoutent que les relations conflictuelles familles/école sont générées notamment par le désir légitime du parent d'avoir «un droit de regard sur l'enseignement dispensé à l'enfant», tandis que l'enseignant s'inquiéterait, lui, de l'ingérence des parents dans son travail: «ils considèrent les parents comme des amateurs, ils n'acceptent pas volontiers que ceux-ci leur demandent de rendre des comptes67». Les auteurs démontrent l'importance que les parents accordent à la formation de leurs enfants à l'école, car l'obtention d'un diplôme est un enjeu majeur qui influencera l'avenir de leur progéniture. Or, les auteurEs sous-tendent que les enseignantEs portent trop souvent un regard négatif sur les pratiques éducatives des parents sans connaître leurs compétences, leurs valeurs et leur réalité. Les chercheurEs souhaiteraient que la philosophie d'intervention qui établit le parent comme véritable partenaire soit davantage utilisée en milieu scolaire. Chauveau et Rogovas-Chauveau68 corroborent cette position en stipulant qu'il est impossible de considérer des parents comme partenaires de la réussite scolaire s'ils font l'objet d'exclusion, de marginalisation ou encore de méfiance de la part du personnel enseignant.

Lahire69 est l'un des rares auteurs consultés qui relativise l'importance des relations écoles/ familles. Il attribue plutôt l'échec scolaire en milieux populaires comme étant le résultat d'une double solitude vécue par l'enfant. Cette solitude est générée par l'écart culturel et langagier qui existe entre l'école et la cellule familiale. Ainsi, les valeurs et les connaissances acquises à l'école sont rarement mises à profit à la maison et que l'inverse est aussi vrai, car l'enfant est jugé à l'école dans sa propre identité familiale. L'auteur mentionne qu'une participation plus grande des parents à la vie scolaire de l'enfant serait susceptible d'augmenter cet état de solitude. L'enfant serait alors contraint de patauger entre ces deux mondes et d'adopter le langage requis en présence des enseignantEs et le langage familier au contact de ses parents.

L'auteur maintient que l'attitude positive du parent, l'écoute et l'intérêt qu'il porte aux acquis scolaires de son enfant sont les seuls moyens de réduire l'état de double solitude vécu par l'enfant. Toutefois, Lahire admet que les acteurs scolaires ignorent trop souvent les configurations familiales des enfants et ne portent pas assez attention à la distance culturelle qui sépare l'univers scolaire et l'univers familial, ce qui rejoint les auteurs cités plus haut.

Montandon et Perrenoud vont dans le même sens que Lahire, car ils affirment que les communications école/familles se font généralement via l'enfant, qui devient à la fois message et messager, ce qu'ils nomment le «go-between»: «le go-between est l'arbitre des relations entre ses parents et ses maîtres. Il peut rendre possibles ou vider de leurs sens les communications directes70». L'enfant est alors au centre des deux univers et par le fait même exerce une influence sur la qualité des communications. D'une part, l'enfant comme messager peut à sa guise dissimuler et nuancer les informations reçues des deux univers, ce qui s'avère un élément qui contribue au maintien ou à l'accentuation des tensions à l'intérieur des liens école/familles. D'autre part, l'enfant comme message fait référence à la représentation du milieu familial qu'il véhicule, à travers ses comportements, ses habillements et ses propos. Les enseignantEs et les parents se jugent alors mutuellement à travers l'enfant, qui est porteur de sens et de valeurs.

Les auteurEs indiquent que dans ce rapport, les parents peu scolarisés sont beaucoup plus vulnérables aux jugements que ne l'est le personnel enseignant. L'un des postulats identifié par ces chercheurEs pour améliorer les relations école/familles est la préservation d'un dialogue ouvert qui s'insère dans un processus de construction permanente où la négociation est toujours de mise.

Les observations menées par Hohl et Normand71 développent le concept d'enfant en tant que «go-between»; les auteures affirment cependant que par ce biais, les enseignantEs ont l'opportunité d'établir un rapport constructif avec les parents. Les auteures maintiennent que les enseignantEs sont en interaction quotidienne avec les parents malgré l'absence physique de ceux-ci: «Les conversations des enfants amènent à l'école des instantanés de la vie familiale, dans sa routine comme dans ses joies et ses drames72». Elles suggèrent fortement aux enseignantEs de saisir ces moments afin de valoriser le milieu familial des enfants en respectant les différences et la distance culturelle qui les séparent de ces familles. C'est pourquoi, elles mentionnent que même sans la présence physique des parents... «Cette capacité à interagir à distance en vue d'établir un lien de coopération nous apparaît essentielle73».

Bourgarel74 souligne pour sa part que l'école doit s'adapter davantage aux conditions des familles des milieux défavorisés, en valorisant les savoirs de l'enfant, en créant des espaces hors classes d'activités socio-culturelles et en offrant un climat de stabilité pour ces enfants vivant pour la plupart dans un univers empreint d'insécurité. Nous savons cependant que cette mission demandée à l'école en milieu défavorisé entraîne une surcharge de tâche pour le personnel et que ce n'est pas une tâche facile. Par ailleurs, l'auteur met en lumière la vulnérabilité à laquelle ces enfants sont confrontés durant leur parcours scolaire; en raison de leur langage, leur habillement, leurs comportements, plusieurs enfants pauvres sont régulièrement rejetés et humiliés par les autres enfants. C'est l'identité familiale même de l'enfant qui est dépréciée. L'auteur souhaite que les acteurs scolaires accordent davantage d'importance à ces interactions entre enfants afin qu'elles ne briment pas le développement et la construction de l'identité de l'enfant qui est plus défavorisé.

Quant à Chauveau et Rogovas-Chauveau, ils misent en particulier sur les dynamiques de relations nouvelles et positives entre le personnel enseignant, les enfants et les parents afin d'enrayer les fausses interprétations, les préjugés et les malentendus. Ils mettent de l'avant l'importance chez ces trois acteurs d'acquérir des connaissances et des compétences nouvelles qu'ils qualifient de changement cognitif. Les auteurEs mentionnent également qu'un changement de statut est nécessaire et qu'une répartition équitable des tâches doit s'opérer afin de transformer les rapports au sein de cette triade75.

Bref, on observe que les collaborations école/familles sont capitales, mais qu'elles génèrent énormément d'insatisfaction à la fois chez les parents peu scolarisés et chez le corps enseignant. Le passage en revue de la littérature a orienté nos recherches en ce sens puisque les relations entretenues entre ces deux univers ont une influence sur la réussite scolaire des enfants. Nous interrogerons donc les parents sur la fréquence, la qualité et les moyens de communication avec l'école, les difficultés rencontrées, les perceptions de l'école en général et du personnel scolaire. Ces données devraient nous permettre d'avoir de meilleurs connaissances en ce domaine et d'expliciter certains malentendus entre l'école et les familles dans notre milieu d'intervention.

2.7 Les rôles et responsabilités des parents

Cette section repose sur les caractéristiques propres des parents peu scolarisés. L'intérêt pour cette dimension provient du fait que des auteurs estiment qu'un enfant dont le parent est faiblement scolarisé est moins susceptible de poursuivre sa scolarisation76.

D'abord, plusieurs recherches ont démontré qu'il y a une corrélation entre les conditions socio-économiques, un milieu familial dépourvu de ressources et le décrochage scolaire: «Les enfants des familles pauvres se retrouvent plus facilement en difficulté à l'école primaire, puis au secondaire, où leur taux de décrochage est deux fois plus élevé77». Selon Landhy et Kwan Tam78, les principaux facteurs familiaux «à risque», c'est-à-dire ayant une influence défavorable en regard de la réussite scolaire de l'enfant, sont les suivants: famille monoparentale; famille d'un parent adolescent; famille à faible revenu; faible scolarité du parent, et famille composée de 4 enfants ou plus.

Bouchard et ses collaborateurs79 ajoutent à ces facteurs familiaux une multitude de problématiques sociales qui engendrent chez les familles des conditions de vie difficiles telles la violence familiale, la pauvreté, la dépression, la toxicomanie, etc. Nous retrouvons d'ailleurs dans la population avec qui nous intervenons plusieurs de ces caractéristiques. L'environnement au sein duquel le développement de l'enfant s'effectue est donc une variable notoire à considérer lorsqu'on se penche sur la question de l'échec scolaire. Bourgarel80 poursuit dans cette veine en expliquant que dès que l'on travaille avec des parents et des enfants issus des milieux défavorisés, nous devons porter une attention particulière aux particularités de ces milieux et aux défis que cela pose en regard de la réussite scolaire. L'auteur affirme que cette population présente des enjeux scolaires différents et ce, au-delà des rôles supplémentaires qu'on exige de l'école.

Par ailleurs, si la scolarisation antérieure des parents influence la réussite de leur enfant, ce lien n'est pas automatique. Selon Lahire, la transmission du capital culturel ne peut se faire que dans deux conditions: d'une part, être porté par des adultes qui aident l'enfant à construire son propre univers, ce qui signifie que ceux-ci doivent être disponibles dans le quotidien. D'autre part, il faut que ces parents puissent créer des occasions favorables pour produire «des effets de socialisation» sur l'enfant81. Par conséquent, Lahire avance qu'il n'y a pas de lien mécanique entre la scolarisation des parents et la réussite scolaire de l'enfant. Il s'agit pour les parents ayant peu ou pas de capital scolaire de valoriser le discours de l'école, de faire appel à l'enfant quand il sait lire et écrire pour le faire participer aux activités familiales de lecture et d'écriture. Ainsi, dans ce dernier cas, l'enfant sera fier de mettre en application ses apprentissages scolaires au profit de la famille.

Par ailleurs, le vécu antérieur des parents influence également leurs perceptions et leur jugement vis-à-vis de l'école. Certains parents considèrent l'école comme étant le lieu privilégié pour l'apprentissage et la socialisation, tandis que d'autres au contraire, estiment que l'enfant est obligé d'y aller, mais ils n'y attachent peu d'importance dans les faits. Ces attitudes vont inconsciemment être transmises à l'enfant et influencer la valeur et l'importance qu'il attachera à l'école82.

Hohl et Normand83 ajoutent qu'en milieux populaires, le passé scolaire des parents est souvent empreint d'expériences douloureuses et d'échecs répétés. Les auteures notent que le moindre événement ébranlant le lien de confiance établi avec les parents, vient confirmer chez ces derniers que la scolarité n'est que source de blessure et de rejet. Dubet et Martuccelli84 soulignent que ce sentiment d'exclusion se perpétue dans la scolarisation de leur propre enfant. L'étude menée par Roy85 auprès de jeunes adultes inscrits à une formation en alphabétisation mentionne que leur parcours scolaire antérieur a entraîné l'intériorisation de représentations négatives d'eux-mêmes qui vient alimenter leur sentiment d'incompétence. Or, ces jeunes indiquent en général que leurs parents étaient eux-mêmes peu scolarisés et qu'ils n'ont pu les aider dans leur parcours scolaire. Selon ces jeunes, leurs parents manifestaient de la colère, de l'impuissance, de la méconnaissance des enjeux mais aussi de l'indifférence.

L'enjeu principal de cette question se rattache au concept de reproduction intergénérationnelle, alors que les enfants de milieux défavorisés vivent une expérience scolaire difficile qui est à l'image de celle de leurs parents. Dans de telles situations, Lahire parlera de «transmission d'un rapport malheureux à l'écrit», en indiquant que cette scolarité échouée entraîne des conséquences plus néfastes que le comportement d'un parent immigrant qui ne serait pas du tout scolarisé: «...il est sans doute "préférable" d'avoir des parents sans capital culturel que des parents que l'école a fait souffrir et qui traînent avec eux des angoisses, des hontes, des complexes, des douleurs, des hantises ou des blocages produits par un passage difficile par l'école. Incapables d'aider leurs enfants, les parents sans capital scolaire n'ont pas non plus tendance à leur communiquer un rapport douloureux à l'école et à l'écrit».86

On comprend alors les sentiments mitigés en regard de la réussite scolaire, car elle représente à la fois leur échec personnel et, pour leur enfant, l'ultime voie de «rupture dans ce transfert de génération en génération de la marginalité sociale (...) sortir de cette condition de souffrance qu'entraîne la misère et la précarité 87». Pour Cunha, les familles des milieux populaires, plus que toutes les autres, craignent l'échec scolaire...«celui-ci apparaissant directement connecté à la réussite et à l'ascension sociales88» Les parents entretiennent donc de nombreuses attentes et espoirs face à la scolarité de leur enfant, tout en ayant peu de souvenirs scolaires positifs pour appuyer cette scolarité. Lahire soulignait ce paradoxe dans les témoignages recueillis auprès de parents peu scolarisés, qui souhaitaient ardemment que leurs enfants soient différents d'eux, admettant par le fait même combien leur vie était pénible et qu'ils n'étaient pas des modèles à suivre89.

À ce titre, Bourgarel précise que la dignité, le respect et la reconnaissance des parents sont des attitudes fondamentales à adopter au sein des communications entre la famille et les acteurs scolaires, mais il mentionne: «Cette reconnaissance de la dignité de chaque parent est partagée par la quasi-totalité des enseignants, mais elle reste une vague position de principe90».

Plusieurs auteurEs91 s'entendent en effet pour dire que bien que le concept de parent partenaire de la réussite scolaire soit considéré comme essentiel, le milieu scolaire cultive une vision plutôt défaitiste des parents de milieux populaires. Cependant, les recherches démontrent que ces parents ne sont pas dépourvus de toutes compétences, ni d'un capital scolaire et culturel, et que la plupart souhaitent vivement la réussite scolaire de leur enfant.

Par conséquent, les auteurs suggèrent fortement que le partenariat entre les institutions scolaires, la communauté et les familles soit inscrit comme une priorité qui orientera les éventuelles programmes d'intervention dans ce domaine. L'étude de Bouchard et de ses collaborateurs92 mentionne que le partenariat doit viser l'établissement d'un lien de confiance, l'observation mutuelle des acteurs, la participation à des activités communes, la continuité des efforts, le respect des valeurs et des compétences de chacun. Pour ce faire, les recherches indiquent la nécessité du soutien par la communauté où les services seraient adaptés aux conditions de vie réelles des parents. La littérature démontre l'importance de rendre accessible un ensemble de services répondant aux besoins spécifiques des milieux populaires si on souhaite augmenter les chances de réussite scolaire des enfants au primaire.

Bref, au moyen de cette dimension, nous interrogerons les parents sur leurs antécédents scolaires, sur le soutien qu'ils ont eu de leurs propres parents, sur les attentes et les rêves qu'ils entretiennent à l'égard de l'avenir de leur enfant. Nous sonderons également comment ils se sentent dans leur rôle de parents d'élèves.

2.8 Les différences selon le sexe

Nous étions intéressés au cours de notre recherche à porter attention aux différences entre les sexes, car il nous semblait que plusieurs éléments distinguaient les hommes et les femmes, tout autant que les garçons et les filles, en ce qui concerne la réussite scolaire et les pratiques de lecture et d'écriture.

Toutes les récentes études montrent que les garçons connaissent davantage de difficultés que les filles au regard de la réussite scolaire. En effet, presque deux fois plus de garçons que de filles, tant à l'éducation préscolaire qu'au primaire ou au secondaire, connaissent des difficultés d'adaptation ou d'apprentissage93. Par ailleurs, le décrochage scolaire est surtout masculin; si en 1997-1998, le tiers (30,4 p. 100) des jeunes quittent l'école avant d'obtenir leur diplôme, il s'agit davantage de garçons (38 p. 100) que de filles (22,7 p. 100)94. Aussi, au primaire, les filles présentent de meilleurs résultats que les garçons en lecture et en écriture, bien qu'on ne note pas de différences importantes en sciences et en mathématique.

Cette question des différences entre les garçons et les filles préoccupent de plus en plus l'univers scolaire, au point où le Conseil supérieur de l'éducation (CSE) vient de publier un avis très documenté sur cette question. Ainsi, selon les résultats de cette étude, les garçons sont davantage identifiés en difficulté à l'école (retard scolaire, échec et redoublement, trouble de comportement ou d'apprentissage), quelle que soit leur origine sociale, mais cette situation est encore plus marquée dans les milieux défavorisés. Le CSE indique également que trois à quatre fois plus de garçons reçoivent une médication au Ritalin, un médicament qui a connu une explosion ces dernières années. Ces prescriptions ont en effet augmenté de 266% au Québec, entre 1993 et 199795.

Par ailleurs, on a vu aussi dans la section 2.4 que les mères jouent un rôle assidu et très présent dans le suivi scolaire, ce que confirme d'ailleurs Gagnon96. Comme elles lisent plus que les hommes dans l'ensemble, cela en fait des modèles plus positifs pour leurs filles, alors que les pères participent moins au suivi scolaire et lisent plus rarement, des caractéristiques qu'on trouve plus fortement en milieux défavorisés. Tout cela contribue dans une certaines mesure à favoriser la réussite scolaire des filles au détriment des garçons.

Nous avons donc cherché à savoir si les filles et les garçons des parents interrogés avaient des comportements différents durant les périodes de devoir, s'ils réussissaient de la même façon en classe et si les aspirations des parents différaient selon le sexe de l'enfant. Nous avons aussi cherché à distinguer les rôles des pères et mères quant au suivi scolaire et sur les échanges autour de l'écrit dans le milieu familial. Comme on verra à la lecture du chapitre 4, ces éléments ont été uniquement survolés, car il a été difficile de percevoir des différences selon les propos des parents, du moins pour les enfants.

Bref, ce chapitre théorique pose les jalons de notre recherche, justifie par les auteurEs les dimensions étudiées et nous donne des indications pour préparer nos instruments de collecte et pour analyser les résultats. En résumé, nous retenons donc une perspective systémique d'analyse, même si notre regard se centrera sur les parents, puisque le cœur de la réussite scolaire touche plusieurs univers en interrelation. L'analyse est aussi qualitative, avec le souci d'explorer en profondeur les témoignages de parents peu scolarisés. Les dimensions choisies nous permettront de mieux comprendre l'univers familial, à travers l'étude des pratiques de lecture et d'écriture, le suivi scolaire et les caractéristiques des parents. La collaboration école famille sera aussi examinée à travers le regard des parents, leurs attentes et leurs perceptions au regard de l'école, du cheminement de leur enfant et de l'avenir de celui-ci. Et, nous sonderons, si possible, la présence de différences entre les sexes notamment au niveau du thème qui porte sur le suivi scolaire.

Le chapitre suivant s'attarde justement à expliquer notre méthode de recherche en regard de nos objectifs.

Chapitre 3 - Méthodologie

Nous précisons dans le présent chapitre la méthode qualitative que nous avons choisie pour atteindre notre objet de recherche. Tout d'abord, nous précisons le processus de formation et d'organisation que nous avons mis en place pour mener à bien cette recherche. Ensuite, nous définissons notre échantillon et les étapes de travail qui ont servi à le constituer. Dans la troisième partie, nous décrivons le mode de collecte et les instruments que nous avons élaborés pour ensuite expliquer la réalisation des entrevues. Nous décrivons également les opérations de traitement de nos données et notre schéma d'analyse. Enfin, nous spécifions les étapes que nous avons effectuées pour analyser et interpréter ces données. Les principaux documents dont on fait mention dans ce chapitre sont présentés en annexe.

3.1 Le processus de formation à la recherche

Comme nous étions ni habilitées ni formées au processus de recherche, nous nous sommes adjoint une ressource extérieure et nous avons mis en place une structure de travail propice à la formation et l'auto-formation quant à la méthode de recherche. La consultation de plusieurs documents de référence portant sur les différentes étapes de recherche s'est révélée très utile97, ainsi que les nombreuses périodes de discussions. Au fur et à mesure de la progression de la recherche, nous avons abordé des thèmes et exploré des dimensions qui nous étaient nécessaires.

L'équipe de recherche était composée d'intervenantes98, d'une personne ressource externe spécialisée dans le domaine de la recherche, chargée de la formation et de la supervision du processus. De septembre 1999 à décembre 2000, une journée de travail était prévue aux trois semaines pendant un an et demi soit pour l'équipe de recherche. Ces rencontres de formation reposaient sur la répartition des tâches, la supervision des étapes, la confection des outils et le respect des échéanciers. Nous avons également été initiées graduellement aux procédures d'écriture dès le début du processus de recherche. L'ébauche des premiers écrits a été soumis progressivement aux trois partenaires afin de recueillir leurs commentaires. Cette démarche s'est avérée fort efficace puisqu'au terme de la recherche, la rédaction du présent document s'est effectuée par une réécriture des chapitres initiaux, allégeant ainsi l'ampleur de la tâche.

3.2 Notre échantillon

Dans cette section, nous présentons les étapes qui ont mené à la constitution de l'échantillon de parents dont nous avions besoin pour mener à bien la recherche, y compris nos outils de recrutement et les résultats de nos démarches.

Étant dans un processus de recherche qualitative, nous avons opté pour un échantillon non-probabiliste, donc qui ne vise pas la généralisation des résultats. Cependant, notre recherche nécessite tout de même la sélection de participantEs en fonction de critères permettant d'atteindre les objectifs de notre étude. L'utilisation de ces critères contribue à une meilleure compréhension de la réalité observée. Notre objectif initial était de rejoindre 20 parents peu scolarisés, tant des hommes que des femmes, qui avaient des enfants à l'école primaire.

Les critères de participation

Les six critères de sélection des parents étaient les suivants:

  • Avoir fait sa scolarité au Québec;
  • Être de langue maternelle française;
  • N'avoir pas de diplôme d'études secondaires;
  • Résider dans trois quartiers ciblés de Laval, soit Pont-Viau, Laval-des-Rapides et Chomedey;
  • Avoir un enfant qui fréquente actuellement une classe au primaire dans l'un de ces trois quartiers;
  • Que cet enfant habite sous le même toit que le parent interrogé, au moins la moitié du temps (pour ce qui est des enfants vivant en garde séparée).

Nous avons jugé important que les études antérieures des personnes interrogées aient été faites au Québec et que celles-ci soient de langue maternelle française. Ces deux critères ont pour but d'homogénéiser l'échantillon tant au plan de la culture d'origine que du système d'éducation. En effet, la taille restreinte prévue de notre échantillon (20) et le temps que nous avions pour réaliser les entrevues, le traitement et l'analyse des données (6 mois), ne nous permettaient pas d'aborder adéquatement les multiples dimensions associées aux phénomènes des communautés culturelles autres que francophones. Ce genre d'étude, tout à fait pertinente par ailleurs, nécessiterait à elle seule une revue de littérature beaucoup plus diversifiée et peut-être la formation de deux groupes de sujets afin d'en comparer les résultats.

Le troisième critère de sélection a trait à la scolarité. Nous avons voulu recruter des parents peu scolarisés, c'est-à-dire qui n'avaient pas de diplôme d'études secondaires. Plusieurs études montrent que la scolarité des parents a une influence sur le rendement scolaire de leurs enfants et sur leur espérance de scolarisation. Les études montrent aussi qu'il y a un rapport étroit (mais non identique) entre scolarité et alphabétisme99, et que les personnes ayant le plus de difficultés en lecture sont celles qui ont moins de 9 ans de scolarité. Cependant, on reconnaît aussi que l'analphabétisme est un phénomène social auquel les gens ne souhaitent pas nécessairement être identifiés. C'est une réalité quotidienne qui paraît délicate à partager et rendait difficile notre recrutement. C'est pourquoi nous avons préféré élargir la notion d'analphabétisme à celle, moins connotée négativement, de ne pas avoir terminé ses études secondaires.

Nous exigions au départ que les participantEs résident au sein du quartier de Pont-Viau, qui est le quartier d'intervention principal de nos trois organismes. Par contre, nous avons été confrontés à des difficultés de recrutement. Nous avons alors procédé à un élargissement du territoire ciblé et considéré deux autres quartiers limitrophes à Pont-Viau et qui présentaient sensiblement les mêmes caractéristiques socio-démographiques: Laval-des-Rapides et Chomedey. Cette extension du territoire a facilité le recrutement et nous a permis par le fait même de sensibiliser d'autres organismes à la prévention de l'analphabétisme ainsi qu'à une éventuelle collaboration pour la mise en place d'actions communes dans ce domaine.

En outre, les parents ciblés devaient avoir un enfant qui fréquente une école primaire au sein de l'un des quartiers délimités, dans une classe de la 1ère à la 6e année. Ce critère est essentiel puisque notre recherche-action tend à connaître et mieux comprendre les relations école/famille ainsi que le suivi scolaire que les parents effectuent auprès de leur enfant. La littérature démontre que l'école primaire, et surtout les premières années, représente un passage déterminant dans le cheminement scolaire de l'enfant. Elle constitue également le premier lieu de prise de contact des parents avec les établissements scolaires, leurs mandats ainsi que leurs règles de fonctionnement. Les parents sont alors appelés à expérimenter un nouveau rôle.

Enfin, il était nécessaire que le parent sélectionné et l'enfant habitent sous le même toit, au moins la moitié du temps, pour ce qui est des enfants vivant en garde partagée. Ce dernier critère est nécessaire si on veut rendre compte adéquatement du suivi quotidien des devoirs et des leçons, de la résolution de problème en lien avec l'école et des échanges quotidiens parent/enfant sur le vécu scolaire.

Par ailleurs, nous avons tenté de composer un échantillon mixte comportant un nombre significatif de pères, puisqu'on sait que l'encadrement du suivi scolaire est souvent un rôle assumé par la mère. Il nous semblait pertinent de vérifier cette affirmation, car la littérature avance que le modèle, masculin ou féminin, est une variable importante dans les modalités de transmission du capital scolaire et culturel. Cependant, il s'est avéré plus difficile de recruter des pères, comme nous le verrons plus loin.

Les outils et les démarches de recrutement

Plusieurs aspects ont été considérés pour faciliter la participation des parents. Premièrement, nous avons prévu un système de gardiennage et de transport pour les fins de l'entrevue. En outre, nous avons décidé qu'un montant de 20$ serait remis à chaque personne interrogée pour la remercier de sa collaboration. Nous avons également pris grand soin à la lisibilité de la lettre de recrutement, afin qu'elle soit claire et facile à comprendre.

L'outil de recrutement principal que nous avons utilisé est un avis de recherche, rédigé sur feuille 8 1/2 par 11, sur laquelle est inscrit le champ d'intérêt de la recherche, les attentes des acteurs dans le projet et les critères de sélection des participantEs. On y retrouve la période prévue des entrevues, la durée de la participation ainsi que les personnes à contacter. Cet avis de recherche a été distribué dans six organismes communautaires, au CLSC du secteur Pont-Viau ainsi que dans trois écoles primaires du quartier.

L'avis de recherche était accompagné d'une lettre de présentation rédigée à l'intention des personnes responsables des organismes en question. On y présentait les trois partenaires, leur rôle respectif dans la communauté, leurs recherches dans le domaine de la prévention et finalement le but de la présente recherche-action. Cette lettre visait essentiellement à promouvoir l'intérêt auprès des acteurs du milieu et de faciliter le recrutement des personnes fréquentant leur organisme.

La réalisation du recrutement

Le recrutement est une étape cruciale du processus de recherche qui nécessite de nombreux efforts, plusieurs déplacements et beaucoup de temps. Notre période de recrutement a duré trois mois, soit de décembre 1999 à la fin de février 2000. Nous avons d'abord affiché l'avis de recherche dans les locaux des trois partenaires. Puis, nous avons consulté la liste des membres et des participantEs aux activités d'Entraide de Pont-Viau/Laval-des-Rapides et du Groupe Alpha Laval afin de vérifier si certains correspondaient aux critères de sélection.

Par la suite, des exemplaires de l'avis de recherche et de la lettre de présentation ont été envoyés en février dans trois écoles primaires (Saint-Christophe, Saint-Gilles et Raymond-Labadie). Deux des responsables scolaires ont procédé à une sélection parmi leur bassin de population alors qu'une école a fait le choix de distribuer l'avis de recherche à tous ses élèves. Trois autres organismes communautaires (le Centre des Femmes de Laval, le restaurant populaire le Saint-Claude ainsi que le Relais communautaire de Pont-Viau) de même que le CLSC du Marigot ont également été contactés. L'avis de recherche est alors affiché dans leurs locaux.

Dès février, nous avons compilé une liste de noms de personnes qui correspondaient à nos critères de sélection et qui acceptaient de participer à la recherche. Cette liste nous a permis, d'une part, de mettre à jour nos efforts de recrutement et, d'autre part, de consigner les premiers renseignements nécessaires à la conduite des entrevues. Ainsi, nous indiquions, outre le prénom et les coordonnées de chaque personne, l'organisme de référence (par qui elle avait reçu l'information), le nombre d'enfants qu'elle avait, et si elle avait besoin d'un service de garderie ou de transport durant l'entrevue. Même si notre objectif était de rejoindre 20 parents, nous avons décidé d'accumuler davantage de noms pour suppléer aux absences et aux imprévus de dernière minute.

Au total, nos démarches de recrutement nous ont permis de recueillir, au 29 février 2000, une liste de vingt-cinq (25) noms qui semblaient correspondre à nos critères. De ce nombre, deux femmes ont été interrogées dans le cadre du prétest et n'ont, à ce titre, pas été retenues dans l'échantillon final. Sept autres personnes n'ont pas participé à la recherche pour diverses raisons: déménagement, mauvais numéro, aucun retour d'appels, etc.

Le bilan du recrutement

En mars 2000, l'échantillon final avec qui nous avons fait les entrevues est de 18 parents, soit 15 mères et 3 pères (ou substitut parental). Idéalement, on aurait aimé avoir un échantillon de 20 personnes, mais les délais ne nous permettaient pas de reprendre le processus de recrutement. L'âge des personnes interrogées varie entre 22 et 42 ans, la moyenne s'élève à 35 ans. Dans la majorité des cas, les parents sont préalablement en contact avec les organismes communautaires. Le recrutement s'est donc avéré plus efficace lorsqu'il s'est effectué dans ces lieux plutôt que par les écoles ou le CLSC.

3.3 Le mode et les instruments de collecte de données

Dans la présente section, nous décrivons le mode de collecte que nous avons choisi, puis les instruments que nous avons construits pour tenter de cerner nos objectifs. Nous faisons par la suite état de la réalisation des entrevues et du bilan qu'on en tire.

Le mode de collecte: des entrevues individuelles semi-dirigées

Il s'offrait à nous plusieurs types d'outils de cueillettes de données de nature qualitative, tels que l'observation participante, l'entrevue de groupe, le récit de vie... Nous avons privilégié l'entrevue individuelle semi-dirigée pour une multitude de facteurs.

Tout d'abord, l'entrevue individuelle est plus intime qu'une entrevue de groupe et nous confère l'opportunité d'acquérir une description détaillée et particulière de l'expérience vécue par chaque parent. Ce cadre intime contribue à établir un climat de confiance et favorise le partage des confidences et de l'expérience. L'entrevue individuelle vise à comprendre et à analyser comment le sujet interviewé fait l'expérience de sa propre situation à travers ses actions et son discours.

En recherche qualitative, l'intervieweurE ne se présente pas comme l'expert. Nous considérons que les parents possèdent une expérience et un savoir pertinent. Notre unité de référence devient alors les parents. Cette méthode répond parfaitement à nos besoins puisque notre objectif de départ est axé sur les comportements, les perceptions et les attentes des parents.

Par ailleurs, des rencontres au domicile de chaque participantE se seraient révélées une avenue fort pertinente. L'exploration de l'univers propre de chaque famille, par l'observation participante par exemple, nous aurait permis d'amasser des informations précieuses au niveau de la place de l'écrit dans la famille et de la dynamique des communications entre ses membres. Toutefois, notre connaissance personnelle des sujets à l'étude nous était insuffisante pour nous introduire ainsi dans leur environnement privé. De plus, la variable temps jouait encore contre nous. C'est pourquoi notre choix final s'est arrêté sur une entrevue individuelle dans un cadre neutre, commun à tous, soit un local à Entraide Pont-Viau/ Laval-des-Rapides qui nous serait réservé. Au départ, on évaluait la durée totale de l'entretien à environ soixante minutes.

Les instruments de collecte de données

Nous avons sélectionné et produit trois instruments de collectes de données qui vous sont présentés ci-dessous: une fiche d'observation, un questionnaire et un schéma d'entrevue.

Les fiches individuelles d'observation

Étant dans un processus de recherche-action et de partenariat, nous cherchions un moyen par lequel faire participer le plus grand nombre possible d'intervenantEs de nos organismes. En effet, compte tenu de l'ampleur des tâches à assumer et de la nécessaire spécialisation, une équipe de 4 personnes100 est affectée à toutes les étapes de la recherche, soit les lectures, la confection des instruments, le recrutement des parents, la conduite des entrevues, l'analyse des données et les multiples rédactions. Il est par conséquent plus difficile au quotidien de faire participer les autres membres des organismes. C'est pourquoi nous avons produit une fiche d'observation.

L'ensemble des intervenantEs étaient appelés à exposer sur des fiches un ou des faits concrets qui sont survenus dans leur pratique au cours de la période de réalisation de la recherche et qui étaient en rapport avec l'objet général de la recherche. Cette stratégie d'investigation est susceptible de créer une banque de données riches au niveau de la pratique sur le terrain. Cette méthode de collecte de données favorise une contribution active des partenaires à la recherche. L'utilisation de cet outil vise principalement à raviver l'intérêt des intervenantEs pour la recherche, mais comme nous le verrons, cet outil n'a pas été concluant. Nous avons recueilli au total 8 fiches provenant de 5 personnes œuvrant au sein de deux des trois organismes partenaires. Le matériel reçu étant restreint et plus difficile à traiter, nous avons dû abandonner cette méthode de collecte de données. On peut expliquer la faible participation des acteurs par la conjoncture mouvante des organismes, le fardeau d'une tâche supplémentaire et de la difficulté d'en comprendre l'utilité.

Un questionnaire

Nous avons opté pour un questionnaire fermé afin de recueillir rapidement au début de l'entrevue des renseignements nécessaires aux fins de la recherche, pour ensuite laisser place à une certaine souplesse et spontanéité durant l'entrevue. Cette cueillette de données est de nature objective; on compile des informations sur la situation familiale, la source de revenu et le niveau de scolarité des parents. L'intervieweure pose les questions et consigne les réponses. Cette formule orale s'explique par la nécessité de rassurer les parents qui ne sont pas nécessairement à l'aise avec les pratiques d'écriture et de lecture. Par ailleurs, cette collecte de données socio-démographiques est favorable à une connaissance minimale du contexte de vie des parents avant l'entrée en matière du sujet. Ces informations sont profitables à l'intervieweure puisqu'elles lui permettent d'orienter plus efficacement son entrevue. De plus, le questionnaire nous évite de mettre en Verbatim des questions de faits qui sont moins pertinentes. On réduit ainsi nos coûts et on préserve notre temps.

Un schéma d'entrevue semi-dirigé

Le schéma d'entrevue semi-dirigé nous donne accès à l'expérience et aux pratiques sociales telles que vécues et exprimées par les participantEs. Tel que nous l'avons construit, le schéma d'entrevue est un instrument malléable et souple qui sert de points de repère aux deux intervieweures, tout en leur fournissant un cadre relativement exhaustif et commun des sujets à aborder. En somme, c'est un aide-mémoire qui rappelle aux intervieweures chaque thème qui doit être abordé au cours de l'entretien. Le schéma d'entrevue contribue à uniformiser le contenu recueilli en fonction de thèmes qui nous étaient chers et que nous voulions absolument couvrir. Comme il est prévu pour ce genre d'instrument, les questions sont de type ouvert afin que les parents initient leurs réponses et les expriment dans leurs mots et selon leur propre cadre de référence. L'intervieweure tente de préciser les propos de la personne s'il y a lieu, sans poser de jugement de valeur sur ce qu'elle entend.

Par ailleurs, notons que nous avons mis l'emphase, dans notre questionnement en entrevue, sur un seul enfant de la famille afin d'être plus précis. Nous avons choisi nous-mêmes les enfants fréquentant la deuxième année du primaire ou l'année la plus proche de ce niveau. Cette orientation se justifie par le fait que c'est à ce stade que l'enfant confirme ses apprentissages en lecture et en écriture et qu'il nécessite le plus d'encadrement des parents. Nous avons tenté de prendre en compte cette variable pour l'ensemble des familles interrogées, mais ce fut impossible. Donc quinze des dix-huit enfants concernés par l'étude se situait au premier cycle; la moitié (9) sont en deuxième, 6 sont en première; les autres étaient un peu plus âgés (3e et 4e année).

Finalement, le schéma d'entrevue couvre les quatre dimensions de notre recherche soit: les pratiques familiales de l'écrit, le suivi scolaire, le lien avec l'école et les rôles ainsi que les responsabilités des parents. Il en découle ainsi une trentaine de sous-thèmes détaillés par plusieurs questions. Les questions tiennent compte des pratiques, mais aussi des attitudes et des perceptions. Nous avons tenté de respecter un ordre logique des questions dans le déroulement des entretiens. Voici quelques-unes des questions posées selon les quatre thèmes:

  • Les pratiques familiales de l'écrit:
    - Dans une semaine, qu'est-ce que vous lisez en général à la maison?
    - Est-ce que vous aimez écrire?
  • Le suivi scolaire:
    - Comment se passe la période des devoirs?
    - En dehors des devoirs et des leçons, est-ce que vous parlez de l'école avec votre enfant?
  • Les liens avec l'école:
    - À qui parlez-vous le plus souvent quand vous allez à l'école de votre enfant?
    - Est-ce que vous aimez aller à l'école de votre enfant?
  • Rôles et responsabilités des parents:
    - Pour vous l'école, est-ce que c'est quelque chose d'important?
    - Est-ce que vos parents s'intéressaient à vos études quand vous étiez jeune?

Le premier thème exploré permet l'observation des comportements et des perceptions de chacun des membres de la famille en tant que lecteurs et scripteurs. C'est pourquoi nous sondons les habitudes quotidiennes des parents en regard de la lecture et de l'écriture, du matériel disponible, des sources d'approvisionnement, des fonctions, des interactions, des difficultés liées aux pratiques de lecture et d'écriture ainsi que les différentes stratégies adoptées par les parents afin de pallier les obstacles rencontrés.

Le deuxième thème fait référence principalement aux suivis quotidiens des devoirs et leçons ainsi qu'à la résolution des problèmes rencontrés. Le but est de recueillir de l'information sur le déroulement de la période d'aide aux devoirs offerte à l'enfant. Par ailleurs, nous explorons aussi les échanges que le parent peut entretenir avec son enfant au sujet de sa vie à l'école et des diverses situations auxquelles il est confronté. On scrute également les difficultés éprouvées par le parent, les ressources extérieures utilisées, les stratégies familiales employées ou encore les solutions utilisées pour pallier les obstacles évoqués.

Le troisième thème aborde les relations école/famille. Nous désirons connaître l'état et la nature des relations entretenues entre le parent et le personnel scolaire qui œuvre auprès de son enfant. Entretiennent-ils une communication satisfaisante? Est-on en présence d'une incompréhension des attentes des deux parties? Autant de questions qu'il est approprié d'explorer pour tenter d'évaluer les rapports entretenus entre ces deux univers. C'est pourquoi nous sondons également la perception du parent à l'égard de l'école que fréquente son enfant. En est-il satisfait? Apporterait-il des changements? Ces données permettent d'identifier d'autres éléments qui peuvent influencer la réussite scolaire.

Le quatrième thème porte sur les caractéristiques des parents. Pour ce faire, nous abordons les antécédents scolaires des parents afin de saisir davantage le sens et la place qu'occupe actuellement l'éducation dans leur vie. Nous explorons leur cheminement scolaire, le soutien familial qu'ils ont reçu étant jeune, les motifs qui ont engendré leur départ de l'école. De plus, nous les invitons à se projeter quant à l'avenir de leur enfant. À la lueur de leurs témoignages, nous sonderons les valeurs familiales véhiculées, les savoirs transmis ainsi que les comportements déployés afin de remplir leur rôle de parent d'élève.

Finalement, la dimension portant sur les différences selon les sexes a été uniquement abordée dans la section reposant sur le suivi scolaire. Initialement, nous n'étions pas très au fait de l'impact et des effets réels de cette variable. Nous avons progressé et enrichi nos connaissances à ce sujet tout au long du processus de la présente recherche. Nous assumons donc, pour ainsi dire, cette lacune. Comme nous le verrons plus loin dans le schéma d'analyse, cette dimension n'est traitée qu'à l'intérieur d'un seul sous-thème.

L'élaboration du schéma et du questionnaire d'entrevue est une démarche laborieuse qui exige plusieurs versions et une panoplie de corrections. Nous avons procédé collectivement à la rédaction des instruments et aux modifications nécessaires de janvier à mars 2000. Durant cette étape, les trois partenaires ont été consultés sur la forme et le contenu du questionnaire et du schéma d'entrevue. Nous avons ensuite administré la première ébauche des instruments à deux participantes à titre de prétest au début février 2000. Ces prétests ont été enregistrés pour évaluer l'efficacité et la rigueur de nos outils. Par la suite, les rectifications requises ont été apportées aux deux instruments.

La réalisation des entrevues

Parallèlement au travail d'élaboration et de validation des instruments, les deux intervieweures ont simulé des entrevues entre elles. N'étant pas familières avec ce type d'entretien, elles ont également utilisé l'enregistrement des pré-tests afin d'apporter des modifications notamment au niveau de leurs attitudes, lesquelles supposaient parfois des jugements de valeurs.

On avait estimé au départ que huit à dix minutes seraient consacrées au questionnaire, et environ 40 minutes pour le schéma d'entrevue, pour un total ne dépassant pas une heure. Les intervenantes ont effectué en moyenne trois appels à chaque parent pour les convoquer à la rencontre. Le premier appel consistait à les informer de la démarche et les aviser que leur participation était sollicitée bientôt pour la recherche. Au deuxième appel, elles fixaient avec eux un rendez-vous pour la semaine suivante. Finalement, les intervenantes confirmaient l'entretien la veille de la rencontre. Nous avions mis à la disposition des parents un service d'halte-garderie gratuite assumé par Entraide Pont-Viau/Laval-des-Rapides afin de libérer le parent durant l'entretien. Un service de transport a également été offert.

Les entretiens ont eu lieu à la Entraide Pont-Viau/Laval-des-Rapides, où un local nous était alloué. Au début de chaque entrevue, nous avons demandé aux parents l'autorisation afin d'enregistrer l'entretien. Puis, l'intervieweure présentait les objectifs de la recherche-action et assurait de la confidentialité des propos et l'anonymat des participantEs. Les entrevues se sont déroulées du 3 au 27 mars 2000. La durée des entrevues a varié de 45 à 100 minutes, pour une moyenne de 67 minutes. Les entrevues ont été menées par deux intervenantes qui ont rencontré respectivement 10 et 8 participantEs. Les enregistrements ont été entreposés en lieu sûr. Une méthode de codification a été employée dès le début pour substituer au nom des parents un code afin de préserver la confidentialité.

Le bilan des entrevues

Les commentaires recueillis par les intervieweures à propos de leur expérience sont en somme très positifs. Règle générale, elles ont réussi à créer rapidement un climat de confiance avec les parents. Elles ont également senti une collaboration et un sentiment d'appréciation de la part de plusieurs d'entre eux. Certains ont déclaré que l'entretien leur avait permis de s'arrêter, de réfléchir et de partager leur expérience tant au niveau de leurs pratiques en matière de lecture et d'écriture que de leurs relations avec les institutions scolaires. L'entretien a aussi permis à plusieurs de ventiler leurs émotions en regard de conditions de vie difficiles. C'est d'ailleurs pour cette raison que les deux intervierweures affirment qu'il leur était particulièrement difficile de recadrer le témoignage des parents, car les propos de ceux-ci étaient parfois lourds d'émotion.

Dans certains cas, il s'est avéré difficile de composer avec les silences des participantEs car les intervieweures avaient alors tendance à suggérer les réponses. Elles ont également constaté que la désirabilité occupe une place importante dans les propos des parents, soit le désir d'être conforme aux valeurs et comportements véhiculés par la société. Par ailleurs, on a jugé que le moment de l'année où se sont déroulées les entrevues, le mois de mars, était propice car les parents ont alors une bonne idée de la progression de leur enfant et ont eu le temps de créer des contacts avec le personnel scolaire.

Enfin, au plan de l'aménagement physique, le lieu déterminé pour les entrevues s'est avéré parfois bruyant, en raison de la proximité d'une halte-garderie. La personne responsable de la transcription des verbatims a donc éprouvé des difficultés dues au bourdonnement présent sur les enregistrements. On constate aussi que plusieurs parents présentent des difficultés d'expression et d'élocution, ce qui complique le travail de retranscription. Mentionnons en outre qu'un problème d'enregistrement est survenu lors du début d'une entrevue; les données sur les pratiques familiales de l'écrit n'ont pu être compilées dans ce cas. Enfin, notons que nous avons offert le transport à 8 personnes de leur domicile au lieu de l'entretien; aucun parent n'a eu recours au service de halte-garderie.

3.4 Le traitement des données

Notre échéancier précisait que la réalisation des entrevues, la codification et l'analyse des résultats devaient être terminées en juin 2000, ce qui nous laissait un laps de temps relativement court. Le traitement des données concerne les deux instruments de recherche utilisés, soit le schéma d'analyse et le questionnaire.

Le traitement des données du schéma d'entrevue

Premièrement, chaque entrevue a été enregistrée et par la suite transcrite intégralement par une tierce personne dans un fichier de traitement de texte. La retranscription de chaque verbatims a représenté environ huit à dix heures de travail. Par la suite, nous avons pris soin dans chaque fichier de changer les noms des participantEs, de leurs enfants, des intervenantEs, des organismes et des écoles qui étaient mentionnés. Afin de s'assurer de la fiabilité des informations, nous avons réécouté la totalité des enregistrements en les comparant avec les retranscriptions. Des corrections ont été apportées par la suite aux fichiers. Ces fichiers ont été ensuite imprimés et distribués aux 4 membres de l'équipe de recherche.

Puis, les informations ont été utilisées pour faire une analyse de contenu thématique. Les verbatims ont été codifiés selon un schéma d'analyse couvrant les quatre dimensions de la recherche. Deux semaines ont été consacrées à la construction du schéma d'analyse. Nous avons d'abord procédé à une lecture flottante de l'ensemble des verbatims pour en dégager une première série de thèmes et de sous-thèmes correspondant à nos objectifs. Un schéma d'analyse provisoire a été construit et une première codification manuscrite a été effectuée sur 4 entrevues par les 4 membres de l'équipe de recherche. Nous avons ensuite fait l'échange des entrevues afin d'évaluer la clarté de notre codification, de s'assurer de la rigueur du processus et de l'exhaustivité des sous-thèmes. Le schéma d'analyse final ainsi corrigé comprend 36 sous-thèmes (voir le schéma, pages suivantes).

À l'aide du schéma, nous avons codifié manuellement chaque entrevue sur papier. Puis nous avons versé dans de nouveaux fichiers toutes les sections d'entrevue reportées selon chaque sous-thème. Cette procédure technique consiste à répartir tous les éléments de réponses des 18 entrevues en fonction des 36 sous-thèmes, de manière à en tirer le maximum de sens. Lors de la constitution de ces nouveaux fichiers, nous en avons profité pour mettre en caractère gras l'enfant ciblé par l'étude en indiquant son âge et son degré scolaire afin de pouvoir s'y référer facilement pour les fins d'analyse.

Pratiques familiales de l'écrit

  • Perceptions et attitudes de la famille quant à...
    - La lecture
    - L'écriture
  • Les pratiques
    - Interaction autour de la lecture
    - Interaction autour de l'écriture
    - Difficultés en lecture et moyens de les pallier
    - Difficultés en écriture et moyens de les pallier
    - Fonctions et motifs de lecture
    - Fonctions et motifs de l'écriture
  • Contexte d'utilisation des pratiques de lectures
    - Fréquence, nature, source d'approvisionnement (lecture)
    - Fréquence, nature, matériel (écriture)
    - Conditions liées aux pratiques de la lecture
    - Conditions liées aux pratiques de l'écriture
  • Rôles et responsabilités des parents...
    -... à l'égard des enfants
    -... à l'égard des écrits sociaux

Suivi scolaire à la maison

  • Période de devoirs et leçons
    - Contexte: durée, moment lieu
    - Déroulement: comportement, difficultés, attitudes
    - Perception du parent à l'égard des devoirs et des leçons
  • Échange sur l'école entre les parents et enfants
  • Soutien extérieur: personnes ressources, médicaments et aides aux devoirs
  • Rôles et responsabilités des parents à l'égard du suivi scolaire

Lien avec l'école

  • La vie de l'enfant avec l'école
    - Attitude de l'enfant envers l'école
    - Histoire du cheminement scolaire (réussites, difficultés)
    - Comportement de l'enfant (en classe, hors classe)
  • La perception du parent à l'égard de l'école de son enfant
    - Attitude de l'enfant envers l'école
    - Améliorations et changements souhaités par le parent pour l'école de son enfant
  • Les contacts du parent avec l'école de l'enfant
    - Outils et moyens de communication
    - Relation avec le personnel de l'école
    - Motifs, occasions et fréquence des contacts
    - Rôles et responsabilités des parents en lien avec l'école de l'enfant

Les parents

  • Le vécu scolaire des parents interrogés
    - Description du cheminement scolaire du parent
    - Soutien de leurs propres parents (description de leur environnement familial)
    - Motifs de départ de l'école du parent
  • Projection sur l'avenir de l'enfant
    - Avenir de l'enfant envisagé par le parent
    - Avenir de l'enfant souhaité par le parent
    - Rôles et responsabilités du parent: valeurs et savoirs transmis

Le traitement des données du questionnaire

Quant au questionnaire, le traitement des données a consisté à produire et utiliser une grille de compilation manuscrite. Cette méthode s'explique par le petit nombre de questionnaires à compléter (18) et un recueil d'informations relativement sommaires (26 questions). Les agentes de recherche ont compilé le contenu de chaque questionnaire à l'aide de la grille de compilation et vérifié ensuite les résultats afin de s'assurer d'avoir la totalité des informations requises à l'analyse des résultats. Le traitement des données du questionnaire sous forme de matrice de compilation nous a permis d'avoir un portrait global et facile à consulter des données socio-économiques et socio-démographiques de l'échantillon.

Le bilan du traitement des données

En somme, les méthodes de traitement des données utilisées se sont révélées relativement valides et fiables en regard du processus d'analyse des résultats. Toutefois, certaines anicroches sont survenues lors de la codification manuelle des entrevues concernant notamment l'exhaustivité et la compréhension de certains sous-thèmes. Le temps alloué à cette étape étant relativement court, l'équipe entière a participé à la codification, soit quatre personnes. La compréhension des sous-thèmes n'était pas uniforme; les consignes de codification ont été mal interprétées ou difficilement assimilées malgré les tests de fiabilité effectués au départ. Tel que nous le verrons dans la section suivante, cet élément a fait en sorte d'augmenter la charge de travail.

En ce qui concerne la compilation des données du questionnaire, on s'est rendu compte que les deux intervieweures n'avaient pas toujours consigné les réponses de la même manière. Ainsi, les consignes pour indiquer le niveau scolarité atteint par les parents étaient imprécises ce qui a empêché les intervieweures de remplir uniformément les questionnaires. Cela a également occasionné une surcharge de travail pour uniformiser les catégories et revérifier les renseignements obtenus. Mais, somme toute, nous considérons que les informations présentées sont fiables et conformes à la rigueur exigée par la recherche.

3.5 L'analyse et l'interprétation des données

L'analyse et l'interprétation des données s'est effectuée en trois étapes: l'analyse collective des cahiers thématiques composés des sous-thèmes, l'analyse des résultats par l'équipe de recherche et la validation collective des résultats, c'est-à-dire la version préliminaire du chapitre 4. L'échéancier prévu à cette étape était de juin à novembre 2000 en excluant deux mois de la saison estivale, pour un total de 4 mois de travail.

L'analyse collective

Le but de l'analyse collective des sous-thèmes visait à permettre aux intervenantEs œuvrant auprès des organismes partenaires de s'approprier le contenu de la recherche-action et d'initier une réflexion autour des retombées éventuelles dans leur milieu respectif.

Rappelons la procédure utilisée; les 36 fichiers des sous-thèmes ont été regroupés selon les quatre dimensions de la recherche: les pratiques familiales de l'écrit, le suivi scolaire, le lien avec l'école et les rôles et responsabilités des parents. Les sous-thèmes ont été regroupés selon un ordre logique afin de faciliter la compréhension des personnes participant à l'analyse collective. Le produit final se traduit par quatre cahiers thématiques101.

En juin, nous avons organisé avec tous les partenaires trois rencontres de trois heures avec l'objectif de recueillir leurs impressions et leurs principaux constats. Comme le thème du suivi scolaire et celui portant sur les parents ont été réunis, ils ont fait l'objet d'une seule rencontre. Les intervenantEs ont été invités à choisir le sujet qui les intéressait le plus. ChacunE devait lire le document de travail touchant le thème qu'il avait sélectionné afin de prendre connaissance des propos des parents et de participer à la rencontre animée par l'équipe de recherche. De plus, nous leur avons fourni une lettre expliquant le processus et les avons guidés dans leur lecture en émettant des consignes visant à dégager leurs perceptions et leurs réflexions. L'une des agentes de recherche était responsable de l'animation des réunions et l'autre de la prise de notes.

Nous avions sollicité la participation des trois partenaires. Dans les faits, cinq intervenantEs de Entraide Pont-Viau/Laval-des-Rapides et cinq du Groupe Alpha-Laval ont contribué à l'analyse collective. Malheureusement, notre partenaire scolaire (Raymond-Labadie) devait concentrer ses énergies sur la fusion de son école avec l'école Saint-Gilles pour le 30 juin. Comme il nous était primordial d'obtenir l'expertise de professionnels œuvrant dans le domaine scolaire, nous avons sollicité la présence des deux professeures de l'UQAM déjà impliquées dans le projet concerté. Finalement, douze personnes ont participé à ces rencontres.

Règle générale, les intervenantEs se prononçaient d'abord sur le processus de lecture et par la suite sur chacun des sous-thèmes explorant la dimension étudiée. La lecture des cahiers thématiques composés des verbatims a été ardue pour l'ensemble des intervenantEs qui ont participé aux rencontres. Le côté fastidieux de cette tâche est du à la difficulté de lire du langage «oral» retranscrit tel quel par écrit. La lecture a exigé en moyenne sept heures à chacunE.

Malgré cet aspect, la majorité des intervenantEs ont estimé la méthode de recherche qualitative fort intéressante, car elle donne accès aux perceptions et aux pratiques propres des parents. De plus, le portrait de la clientèle leur a semblé moins sombre qu'ils auraient eu tendance à le croire. Les rencontres se sont avérés fructueuses, car elles réunissaient des intervenantEs œuvrant au sein de divers champs de pratique: l'alphabétisation, la linguistique, l'intervention familiale et l'insertion au marché de l'emploi. Les réunions ont été d'autant plus stimulantes puisque les intervenantEs ont dégagé plusieurs pistes de solution pour les retombées découlant de la recherche-action. Enfin, ces réunions ont favorisé chez tous les participantEs une meilleure compréhension du travail de l'équipe de recherche et de l'utilité même du processus de recherche-action.

L'analyse de l'équipe de recherche

Suite aux rencontres collectives d'analyse, l'équipe de recherche a fait le bilan des commentaires et des constats émis par les intervenantEs afin de poursuivre leur processus d'analyse. À cette étape, un travail de conceptualisation découlant du schéma d'analyse a été amorcé afin de donner un sens pertinent à tous les éléments réunis par sous-thème.

À partir du contenu des 36 sous-thèmes, l'équipe de recherche se penchait sur les réponses des parents pour vérifier les similitudes, les liens et les relations possibles en se laissant guider par l'essence même du propos. Le but était d'en extirper des catégories pertinentes en lien avec l'objectif de recherche. À ce stade, l'exhaustivité et la clarté des catégories ainsi définies sont incontournables et montrent la rigueur du processus. L'aspect quantitatif a également été utilisé afin de vérifier si les catégories retenues pour chaque sous-thème totalisaient 18. Par ailleurs, les chiffres pouvaient également dépasser 18 quand les parents émettaient plusieurs réponses sur le même sous-thème. Nous avons également souligné en cours du processus tous les extraits de Verbatim qui pourraient appuyer nos constats. Nous avons ensuite regroupé ou déplacé certains sous-thèmes de façon à augmenter la cohérence de l'ensemble de l'analyse.

Par la suite, l'équipe de recherche a repassé en revue le corpus littéraire afin de comparer les résultats obtenus avec les recherches antérieures permettant ainsi d'approfondir l'analyse. Le retour à la littérature a permis une remise en perspective des concepts utiles pour mener à bien notre analyse. Finalement, nous avons procédé à la rédaction provisoire du chapitre 4 portant sur l'analyse des résultats. La durée de cette étape de travail s'est échelonnée de début août à la mi-octobre 2000.

La validation collective du chapitre 4

À cette étape, nous voulions encore obtenir la participation des partenaires afin de valider et d'enrichir notre première analyse des résultats. Par conséquent, nous avons organisé trois rencontres de 2h30 dont le but était de valider les résultats, la procédure d'écriture, la forme et le contenu du texte provisoire portant sur l'analyse des résultats. Nous demandions aux participantEs de relever les passages nécessitant des modifications, une analyse plus approfondie ou exigeant de plus amples explications. Nous avons obtenu la participation de 11 personnes à ces rencontres: quatre du Groupe Alpha Laval, cinq de Entraide Pont-Viau/Laval-des-Rapides, un de l'école Saint-Gilles et une professeure de l'UQAM. Notons qu'une autre personne de l'école a également lu le chapitre et donné ses commentaires, sans toutefois assister à l'une des rencontres.

Dans l'ensemble, nous avons obtenu des commentaires et des critiques fort constructives. La majorité des participantEs ont apprécié la démarche et la profondeur de l'analyse qu'ils retrouvaient dans le chapitre 4. Elles ont souligné l'ampleur du travail réalisé depuis les rencontres de juin pour donner un sens au contenu des 18 entrevues. La majorité des intervenantEs ont indiqué avoir acquis de nouveaux savoirs transférables dans leur champ de pratique. Ces rencontres se sont avérées fructueuses tant au niveau de la réflexion collective que de l'appropriation du contenu et des résultats de la recherche par les partenaires. Soulignons que contrairement à juin, nous avons obtenu la participation de l'école ce qui fut très apprécié par tous et toutes.

Le bilan d'interprétation des données

De façon globale, la méthode de travail choisie pour l'interprétation des données s'est avérée efficace. Cependant, les erreurs commises lors de la codification nous ont poursuivies et ont ralenti le processus d'analyse des résultats. Néanmoins, la qualité de notre schéma d'analyse s'est révélée un atout qui nous a permis de pallier les difficultés rencontrées et de remanier les données mal codifiées. Par ailleurs, l'investissement et la participation des partenaires ainsi que des professeures de l'UQAM aux différentes étapes d'analyse ont permis d'approfondir et de parfois réorienter notre travail selon les questionnements et les réflexions suscités.

Nous vous présentons donc dans le chapitre suivant, l'analyse des résultats obtenus par la présente recherche. Vous y trouverez également plusieurs citations de parents qui viennent appuyer ou illustrer les constats établis.

Chapitre 4 - Analyse des résultats

Nous abordons maintenant l'analyse des résultats des dix-huit entrevues. D'abord, nous présentons des données plus factuelles sur les parents, selon les renseignements tirés des questionnaires. Puis, nous analysons les données obtenues à partir de notre schéma d'entrevue semi-dirigé. Rappelons que cette analyse s'effectue sous l'angle de nos quatre thèmes soit: les pratiques familiales de l'écrit, le suivi scolaire, le lien avec l'école et enfin, les rôles et responsabilités des parents dans chacune de ces sphères.

4.1 Le portrait de l'échantillon

Notre échantillon de 18 parents comprend 15 femmes et 3 hommes dont l'âge varie de 22 à 42 ans, soit une moyenne de 35 ans. La majorité des parents (12/18) habitent le quartier Pont-Viau; les autres (6) sont de Laval-des-Rapides et de Chomedey. Laval-des-Rapides s'apparente fortement aux caractéristiques socio-économiques et démographiques de Pont-Viau. Quant au quartier de Chomedey, il regroupe une population davantage multi-ethnique; néanmoins, ce quartier demeure similaire aux deux autres quartiers au niveau de la moyenne des revenus annuels des ménages.

Tel que prévu, les parents que nous avons interrogés n'ont pas terminé leurs études secondaires. Le tableau suivant montre que la majorité (13/18) ont atteint le 3e secondaire ou moins, soit 9 ans ou moins d'études, ce qui correspond à un faible niveau de scolarité et à une définition traditionnelle de l'analphabétisme102. L'âge où ils ont quitté l'école varie entre 15 et 18 ans. Comme on le verra aussi plus loin (voir section 4.5), cette scolarité n'a pas été facile. La moitié des parents (9/18) ont doublé une ou plusieurs classes du primaire. Neuf parents ont fréquenté une classe spéciale au primaire et la très grande majorité de ceux qui étaient au secondaire (12/15) ont aussi fréquenté ce type de classe. Notons par ailleurs que 5 adultes sont actuellement en démarche d'apprentissage: trois suivent des activités en alphabétisation et deux autres sont en formation professionnelle à temps plein.

Tableau 1 - Scolarité des parents à l'étude
(niveau scolaire atteint)

NiveauTotal

Primaire

3

Secondaire 1

3

Secondaire 2

1

Secondaire 3

6

Secondaire 4

3

Secondaire 5

2

(non complété)

Total

18

En grande majorité les familles (15/18) sont bi-parentales; les trois autres familles sont dirigées par des femmes seules. Notons que seul un adulte interrogé n'est pas le père biologique des enfants. Au total, les 18 familles comptent 41 enfants (23 garçons, 18 filles) dont l'âge varie de 2 à 11 ans, sans compter deux mères qui vivent présentement une grossesse (voir le tableau 2). Ces familles comptent donc en moyenne 2 enfants ou plus, ce qui est supérieur à la moyenne québécoise. La majorité des enfants de ces familles (34/41) sont actuellement en âge de fréquenter l'école primaire, si on inclut la maternelle 5 ans. Quant aux 7 enfants de moins de 5 ans, la majorité (6/7) fréquentent la garderie; deux demi-journées par semaine pour la plupart (5/6), l'autre à temps plein. Par ailleurs, le service de garde de l'école est utilisé par seulement 3 familles sur 18, totalisant 6 enfants.

Tableau 2 - Nombre d'enfant dans les 18 familles, selon l'âge et le sexe

Âge des enfantsGarçonsFillesTotal

Moins de 5 ans

3

4

7

5-8 ans

13

8

21

9-11 ans

7

6

13

Total

23

18

41

Dans nos entrevues, comme nous l'avons mentionné au chapitre 3, nous avons centré nos informations sur un enfant en particulier dans chaque famille, soit celui qui était en 2e année ou le plus près de ce niveau. De fait, les enfants qui ont été ciblés étaient 9 garçons et 9 filles, dont l'âge variait entre 7 et 10 ans. Neuf d'entre eux étaient en 2e année; les autres étaient en première (6), en 4e (2) ou en 3e année (1). Donc la majorité des enfants dont il était question (15/18) étaient au premier cycle du primaire103, soit le stade le plus important au plan de l'apprentissage de la lecture et de l'écriture.

Le parcours scolaire de la plupart des enfants issus des 18 familles semble perturbé par des changements; plus de la moitié des familles (11/18) ont des enfants ayant changé d'école pour les raisons suivantes: déménagement (7), problèmes d'apprentissage ou de comportement (3) et mauvaise relation avec l'enseignantE (1).

Par ailleurs, on relève que la moitié des familles rencontrées (9/18) tirent leur revenu principal d'un emploi, actuel ou antérieur; c'est le fait des 3 hommes interrogés, de 4 ménagères dont le conjoint travaille et de 2 femmes qui reçoivent des prestations d'assurance-emploi. Les emplois sont de type non ou semi-spécialisé, tel qu'ouvrier de la construction, commis d'entrepôt et laveur de machinerie lourde. Quant aux autres familles (9/18), elles sont prestataires de la sécurité du revenu.

Nous avons également interrogé les adultes quant au niveau de scolarité de leurs propres parents et de leur conjoint. On observe que la moitié des personnes interrogées (9/18) ne connaissent pas la scolarité de leurs parents; pour les autres (9), le primaire est le niveau le plus fréquemment mentionné pour le père (6/9) ou pour la mère (6/9). Quant aux 15 conjoints104 (3 femmes et 12 hommes), on note une scolarité un peu plus élevée que les parents interrogés: sept détiennent un diplôme d'études secondaires (DES ou DEP) et un

autre a un diplôme d'études collégiales (DEC). Cependant, six conjoints n'ont pas complété leurs études secondaires; si on tient compte des 3 mères monoparentales, cela fait 9 familles dont aucun des parents n'est pas diplômé. Or, une étude menée par Brouker et Lavallée105 indique que les enfants dont les parents ont abandonné leurs études secondaires sont moins susceptibles de poursuivre leurs propres études à une époque où la formation et la spécialisation sont des critères importants pour intégrer le marché de l'emploi.

Bref, le portrait de l'échantillon ainsi présenté respecte les critères de participation établis pour la recherche-action. L'ensemble de ces familles habitent les quartiers populaires visés par la recherche. De plus, elles comptent un nombre important d'enfants fréquentant l'école primaire. Aussi, on constate que la moitié des familles interrogées sont composées d'un ou deux parents non-diplômés. Passons maintenant aux dimensions qualitatives étudiées par la recherche106.

4.2 Les pratiques familiales de l'écrit

Cette section est étudiée sous trois aspects. D'abord, nous tentons de décrire les pratiques en matière de lecture et d'écriture des dix-sept parents107. Il nous a paru indispensable d'analyser les deux processus de façon distincte, car selon Thériault108, il est fondamental d'observer les deux processus si on veut mieux comprendre toutes composantes liées à l'émergence de l'écrit. Pour chaque processus, notre analyse repose sur la fréquence, le matériel utilisé, les sources d'approvisionnement, les fonctions ainsi que les interactions familiales reliées à ces pratiques. Par la suite, nous examinons les difficultés mentionnées à l'égard des pratiques ainsi que les moyens utilisés afin de les contrer. Finalement, nous survolons les perceptions des adultes en regard de leur compétence comme lecteur ou scripteur.

La description des pratiques de lecture

La fréquence

À prime abord, les adultes semblent exercer une multitude de pratiques si on tient compte de la variété de documents mentionnés. Pourtant, la majorité (13/17) des participantEs ont une fréquence limitée de lecture c'est-à-dire occasionnelle, simple et de brève durée: «J'lis pas grand chose. (...) J'lis plutôt le journal, le matin. Pis des feuilles que je reçois. Pis c'est tout...»; «... j'suis pas une grosse liseuse.»; «...J'lis rien. Avant j'lisais des photos-romans là, avec des photos dedans là. Pis c'est tout...»; «... Pas de journal, rien de ça là. Moi, c'est la TV, j'veux avoir mes nouvelles c'est la TV. Mais en lecture, j'en n'ai pas comme tel...» «Les dépliants j'va les lire, mais des livres de lecture, je lis pas.»

Nous voulions connaître les causes de cette quasi-absence de pratique. Les propos des adultes permettent d'identifier quatre motifs: le climat, le temps, les contraintes physiques et les conditions économiques. On verra plus loin que les difficultés en lecture sont une raison implicite majeure à cette absence de pratique.

D'abord, le climat dans lequel s'inscrivent les périodes de lecture semble être un aspect fort important pour de nombreux parents (10/17). L'analyse démontre qu'ils doivent disposer d'une atmosphère appropriée où règne la tranquillité, voire même l'isolement: «Quand je lis moi faut que ce soye tranquille, y faut pas que j'entende du bruit. Ça fait que j'm'enferme dans ma chambre...»; «Quand j'sais que j'va pouvoir lire tranquille ou sinon c'est ben dur...»

En second lieu, le manque de temps s'avère une contrainte pour la moitié des parents interviewés (8/17): «Oui, j'aime ça, mais je prends pas toujours le temps. Je suis fatiguée le soir, je suis trop épuisée». Ce constat s'explique par le fait que notre échantillon est composé de familles ayant à charge de jeunes enfants, dont plusieurs sont d'âge préscolaire. Leurs propos reflètent bien l'état de fatigue au terme de leur journée. Ils emploient donc souvent d'autres modes de détente, car la lecture exige pour plusieurs d'entre eux énormément d'efforts et de concentration. On constate alors que l'oralité, la radio et la télévision sont privilégiés: «Pis le seul temps pour faire ça (lire), ben c'est le soir, si j'ai rien à écouter à la TV...». On comprend toutefois que le manque de temps invoqué, comme l'indique Lahire109, n'est pas le seul motif mais qu'il peut masquer un manque d'intérêt qui trouve sa source dans des habitudes culturelles. En somme, la lecture se doit d'être courte et aisée pour être pratiquée.

De plus, deux adultes expliquent leur faible fréquence de lecture par des contraintes d'ordre physique, comme l'affaiblissement de la vue. Finalement, deux parents signalent également leur manque de ressources financières pour expliquer leur fréquence de lecture. «Quand t'as pas beaucoup d'argent, ben t'achètes, ben t'achètes le triste nécessaire(sic). Qu'est-ce que t'as à la maison... Lui (son conjoint), il est chanceux y poigne ça en spécial. Des fois, deux piastres, non deux piastres, c'est calculé dans le budget. Un mois, y est capable. On l'achète, t'sais. Mais à part de d'ça, non.»

Par ailleurs, 4 des 17 participants disent exercer des pratiques de lecture plus fréquentes. Leurs pratiques sont davantage alimentées par leur curiosité et orientées par leurs intérêts personnels. On observe alors la présence d'une lecture récréative tels que le roman ou les ouvrages à contenu thématique comme la croissance personnelle, par exemple: «Ça fait que j'va des fois lire sur la psychologie des enfants, t'sais, de tel âge à tel âge, c'est quoi leur comportement, t'sais...».

En somme, on observe que la fréquence de lecture est plutôt faible pour un grand nombre de parents. Ce constat paraît légitime puisqu'on sait notamment qu'il existe un lien étroit entre scolarité et fréquence des pratiques en matière de lecture; une faible scolarité engendre souvent une faible fréquence de lecture, selon l'Enquête internationale sur l'alphabétisation des adultes110. De plus, les notions de plaisir et d'affectivité liées à la lecture sont quasi-absentes, ce qui confirme l'étude de Besse111 qui stipule que ces variables influencent fortement la fréquence des pratiques. Cependant, les travaux de Lahire112 nous suggèrent d'éviter les généralisations et les comparaisons purement quantitatives pour s'attarder davantage à la description plus fine de l'utilité des pratiques.

Le matériel de lecture

On note une grande variété de matériel utilisé par les familles en matière de lecture. Notons que les personnes ont fait mention de plusieurs types de matériel, donc les totaux dépassent 17. Nous avons fait une distinction entre le matériel qui fait état d'une lecture imposée et celui qui suppose davantage une lecture choisie. La lecture imposée fait référence aux obligations sociales de diverses institutions, alors que la lecture choisie est engendrée par les besoins et intérêts des individus.

La lecture imposée est de nature fonctionnelle c'est-à-dire qu'elle est souvent indispensable. Les adultes mentionnent donc les documents scolaires, les factures et la publicité que l'on reçoit notamment par le courrier. Dans les faits, ils s'adonnent en général à une lecture plutôt passive, imposée de l'extérieur. L'analyse des résultats révèle que leurs pratiques de lecture sont en lien avec une fonction sociale qui s'apparente à la sphère économique ou encore au domaine scolaire: «qu'elle m'amène une feuille là (de l'école). «Bon j'va la lire parce que j'suis un parent, pis qu'c'est important. Si ils me l'envoient, c'est donc qu'y faut que j'la lise...»; «j'va lire mais grosso modo, juste les gros titres. À part de ça, normalement c'est juste des comptes qui rentrent. Pis des comptes, c'est pas ben intéressant à lire...»

La lecture des écrits liés à la consommation devient une obligation et se réfère aux conditions socio-économiques des parents. Il faut économiser, trouver les produits en rabais, respecter le budget. Certains parents doivent parfois procéder à une sélection des écrits reçus afin de contrôler leur consommation ou celle de leurs enfants. Ce procédé donne naissance à des écrits interdits parce que source de désirs qu'on ne peut se permettre: «... le courrier, la publicité ou tout ça, c'est dans les poubelles... faut pas tenter l'diable non plus là... je trouve des fois, y font trop de publicité sur une poupée, ou sur un jouet. Ça les accapare trop (les enfants)...»; «Ceux que je regarde pas, c'est Sears, pis La Baie, pis ce genre. Ça j'les regarde pas, j'les mets de côté, parce que c'est trop cher...».

Au niveau de la lecture choisie, on note quatre types d'ouvrages: romans, livres techniques, journaux et documents spirituels. On observe que 9 des 17 participantEs affirment lire des romans. Leurs goûts s'inspirent de la cinématographie ou des séries télévisées tel que «L'ombre de l'épervier». Toutefois, on remarque que ces projets de lecture sont souvent amorcés, puis abandonnés en cours de route: «J'peux lire à peu près deux à trois fois par semaine (...) Mais c'est jamais le même livre là, j'peux changer». La lecture semble pénible. Deux des neuf participantEs avouent que leurs difficultés provoquent peu à peu un désintéressement. On peut expliquer cette situation notamment par la confrontation du lecteur à un style bien différent de la communication orale employée quotidiennement: «Mais y en a quelques-uns que j'ai pas pu lire, parce que faut croire que j'étais pas rendue au niveau où ce qu'eux autres...».

En outre, 8 participantEs disent consulter des livres d'information, des livres techniques ou éducatifs. Bien que le matériel de lecture semble lié à des réalités concrètes, cela ne veut pas dire qu'il est davantage utilisé: «/'lui ai acheté (à son conjoint) "La Boîte à outils". C'est très rare qu'y va dedans, à moins qu'y ait quelque chose qu'y veut faire.». De plus, plusieurs d'entre eux mentionnent posséder des ouvrages et des outils spécialisés tels que le Bescherelle, une grammaire ou un dictionnaire. Leurs propos nous révèlent cependant que les ouvrages sont souvent périmés ou encore inexploités: «J'ai sorti une vieille grammaire du temps que je pense que c'est ma mère qui allait à l'école.. J'ai comme pas le choix de temps en temps d'aller voir dedans...». L'un des dix-sept parents explique qu'il ne parvient pas à utiliser adéquatement les outils spécialisés dont il dispose: «La grammaire des conjugaisons. Je l'ai fait venir, y a tout là-dedans, les verbes, conjugaisons, adjectifs...Mais c'est parce que je comprends pas tout le temps. T'sais, c'est beau l'avoir, mais si tu comprends pas comment l'utiliser? C'est ça le problème».

Le type de lecture quotidienne le plus fréquemment mentionné s'avère le Journal de Montréal (7/17). Le choix de ces imprimés confirme les préférences des parents pour une lecture exposant des événements concrets répondant à leurs besoins ou leurs intérêts. Toutefois, la tendance générale des adultes se résume à y lire l'horoscope et les grands titres. En somme, les parents exercent une lecture facile, contextuelle, bien souvent illustrée, récurrente mais sommaire. Notons que la plupart des documents de lecture mentionnés (journaux, publicité postale, revues hebdomadaires...) sont des documents périssables. Après les avoir feuilletés, les documents sont jetés: «Quand j'ai fini de lire, j'mets ça dans les vidanges.»

Finalement, des préoccupations d'ordre religieux amènent deux participants à lire la Bible. Bref, les résultats démontrent que lorsque la lecture est choisie, elle s'apparente fortement à la curiosité, aux motivations ou encore aux croyances spirituelles du lecteur. L'intérêt personnel semble une variable qui favorise une lecture soutenue et régulière. Celle-ci peut néanmoins être entravée en raison des difficultés de lecture qu'éprouvent les personnes. Ainsi Besse113 mentionne que l'appropriation de l'écrit se fait au-delà de l'aspect cognitif, car on assiste au développement d'un rapport dynamique qui tient compte également de l'espace, des goûts, des émotions, du temps, etc.

Au niveau du matériel de lecture accessible aux enfants, on note que la totalité des parents affirment disposer de livres réservés à cet auditoire. Toutefois, ils nous en donnent une vague description puisque moins de la moitié des parents peuvent identifier le style de livres appropriés aux pratiques de lecture de leur enfant. Ainsi, sept participantEs ont mentionné des contes de Walt Disney; on note la similitude entre les livres cités et la cinématographie ou les vidéos disponibles (tel Le Roi lion). Il nous est ardu de dresser un portrait exhaustif de l'usage qu'ils en font: «Ben, c'est plus des histoires (pour les enfants)...y a quelques livres que les pages sont, sont pleines, qu'y a pas beaucoup d'images...». Finalement, l'ensemble des parents interrogés indiquent avoir un emplacement précis pour les livres: bibliothèque au salon ou encore dans les chambres des enfants.

Bref, on constate que la plupart des adultes n'entretiennent pas un rapport très étroit avec la lecture, celle-ci étant davantage une lecture imposée de nature fonctionnelle. Ces observations corroborent les propos de Thériault114 qui indique que ce rapport impersonnel avec les écrits découle souvent d'échecs intériorisés que l'on préfère contourner en privilégiant l'oralité. Les résultats confirment également les constats émis par Wagner115 à l'effet que les habitudes culturelles des milieux populaires sont souvent liées aux médias de masse: radio, cinéma, télévision, téléphone, etc. Par ailleurs, si plusieurs parents s'adonnent à une lecture choisie, ces pratiques demeurent des projets rarement menés à terme. L'analyse confirme en partie les données de l'EIAA116 qui indiquent que la présence de matériel écrit n'est pas une garantie de son utilisation.

La source d'approvisionnement

Les résultats montrent quatre principales sources d'approvisionnement en lecture: les librairies, les dons, la bibliothèque scolaire et les organismes du milieu. En premier lieu, Québec loisirs et les librairies de manuels usagers sont des moyens de se procurer des livres pour près de la moitié des participantEs (7/17). On note qu'ils font leurs choix parmi une présélection établie par des établissements littéraires reconnus qui représentent les autorités culturelles en place comme l'indique Lahire117. L'abonnement à Québec Loisirs engendre une certaine déperdition, car souvent les parents affirment consommer davantage des cassettes vidéos et audio que des bouquins. Leurs propos témoignent d'une expérience peu concluante. «Non, non, (elle n'est plus donnée) parce que en dernier, c'est des cassettes que j'me faisais venir. Des cassettes de musique...». Par ailleurs, l'achat de livres usagers paraît être une source d'approvisionnement appréciée par certains participantEs. L'une d'entre elles partage cette pratique avec son enfant. L'enfant jouit alors d'un modèle de lecteur qui lui transmet son goût pour la lecture. L'enfant peut alimenter ses curiosités en lecture, car cette source d'approvisionnement demeure accessible financièrement: «Sébastien lui y s'avait acheté plein d'Archie parce qu'y aime ça. J'pense y vendent ça 25 cennes, y en a acheté une tonne...»

En second lieu, les dons et les échanges issus du réseau social s'avèrent un mode d'approvisionnement pour sept parents. Cependant, il en découle parfois des inconvénients. Le matériel reçu est parfois périmé ou encore non adapté. Les ouvrages n'étant pas sélectionnés par les parents, leur contenu correspond donc plus rarement à leurs intérêts et à leurs besoins. On constate la passivité à laquelle ils sont confrontés quant aux choix de leur lecture. Une mère dit notamment à son enfant: «Nathalie (8 ans, 1ère année) quand elle vient pour lire une histoire, ben j'dis fais y attention... Oui, j'avais ton âge quand j'avais ça (les livres), pis garde ça précieusement...»

Puis, en troisième lieu, la bibliothèque scolaire de l'école est mentionnée par 4 parents. Il est à noter que cette source est une forme d'approvisionnement passive pour les parents puisque ce sont les enfants qui sélectionnent les livres: «Moi j'lis pas ben ben, la seule affaire que j'peux lire, c'est les livres de bibliothèque à Christine (8 ans, 2e année)»; «Ben les livres de lecture avec ma fille, elle a toujours des livres de lecture, y viennent de l'école, c'est des livres de la bibliothèque quelle prend la.»

Enfin, les organismes du milieu sont des sources d'approvisionnement en lecture pour deux adultes. À travers leurs propos, on constate une meilleure accessibilité de ces services due à leur proximité. Les parents rapportent qu'on y retrouve des livres variés répondant à leurs besoins ainsi qu'un accompagnement avec une personne de confiance pour les guider dans leur choix: «C'est des livres d'Élise elle me donne au CLSC là, pour la grossesse tout ça. Avant j'lisais pas; vu que j'ai commencé à lire, j'aime mieux ça. Je commence à m'intéresser à ça...»; «Les livres que je parle là, c'est Guy (Intervenant en alphabétisation) qui nous apporte de la bibliothèque. Ça fait qu'on a le choix de les prendre, on choisit nos livres, on aime autant ça. Une bibliothèque à notre portée...»

Finalement, nous souhaitions connaître le type de rapport qu'entretiennent les parents à l'égard de la bibliothèque municipale. Les résultats démontrent que ce lieu n'est pas fréquenté par la presque totalité (15/17) des parents interrogés. L'éloignement géographique de la bibliothèque s'avère une cause importante de non-fréquentation puisqu'il faut encourir pour certainEs des frais de déplacements: «Parce que les bibliothèques, c'est pas à ma portée. Parce que t'en as une bibliothèque à Duvernay, pis l'autre sur Cartier. Ça m'adonne pas.». Cependant, les propos des participantEs révèlent d'autres motifs tels que le manque de temps, le désintéressement ou encore l'inconfort: «J'sais que si, si je rentre dans la bibliothèque là, là c'est sûr que j'va retrouver heu, j'va être capable...». Plusieurs parents (9/17) ne semblent tout simplement pas interpellés par ce type de pratique: «Ben, ça m'est jamais venu là l'idée...»; «J'pensais même pas à ça vraiment... On pourrait y aller, mais j'ai pas pensé à ça...»

En fait, on constate que plusieurs sources d'approvisionnement rendent les lecteurs passifs dans leur choix de lecture. Selon une enquête sur les pratiques culturelles au Québec118, environ 33% de la population âgée de 15 ans et plus ont fréquenté au moins une fois la bibliothèque publique au cours de la dernière année. Il n'est pas étonnant de constater une faible fréquentation de ces établissements par les parents peu scolarisés, car selon ce rapport, il existe un lien étroit entre lecture et scolarité: le taux de fréquentation de la bibliothèque pour les gens qui possèdent moins de 7 ans de scolarité est de 14%, contre 60% pour ceux ayant une scolarité de plus de 16 ans.

Les fonctions de la lecture

Nous cherchions à découvrir l'utilité de la lecture à l'intérieur des familles rencontrées. Les résultats illustrent quatre fonctions assignées à la lecture: fonctionnelle, théorique, divertissante et professionnelle. Il est à noter que les adultes interrogés ont attribué respectivement plusieurs fonctions à la lecture; leurs réponses dépassent donc 17.

La majorité des participants (11/17) affirment que leur lecture est surtout fonctionnelle, c'est-à-dire qu'elle joue un rôle précis et souvent indispensable. Les participantEs font référence à l'aide-mémoire, à la résolution de problèmes ou encore aux conditions socio-économiques: «Oh, j'les colle sur mon frigidaire. Il faut que j'les vois qui sont là pour pas que j'oublie (les rendez-vous)»; «Ben le Publi-Sac, (...) vu que j'fais un budget dans le mois... mais de qu'est-ce que j'ai d'besoin là, j'va les couper (coupons-rabais).» On constate alors que la lecture devient un outil essentiel pour répondre aux obligations et responsabilités auxquelles les parents sont confrontés. On observe que le côté informatif de la lecture est également présent: «J'lis sur la santé. T'sais comme j'disais tantôt là comme sur le Sida...»; «... depuis que j'ai tombé enceinte, j'ai commencé à lire plus des livres là de bébé, des affaires de même.»

Par ailleurs, près de la moitié des parents (7/17) attribuent un rôle plutôt abstrait à la lecture. En somme, on lui confère des vertus théoriques tels que s'instruire, apprendre, avoir l'opportunité d'enrichir ses connaissances. «Parce que c'est enrichissant beaucoup j'trouve. Heu, autant côté français que côté savoir, c'est tout...»; «j'pense que (...) l'être humain a besoin de lire pour s'instruire...». Par contre, ces affirmations ne sont pas assorties de pratiques assidues et véhiculent davantage le discours socialement acceptable maintenu au sujet de l'importance de ces pratiques.

En outre, l'analyse révèle que sept participantEs allouent à la lecture une fonction de divertissement. La lecture devient alors un moyen de s'évader et de décrocher des préoccupations du quotidien: «C'est ma tranquillité, ma détente le soir quand les enfants sont couchés.» Finalement, seulement deux parents (dont un conjoint) sont soumis à une lecture découlant de leur poste de travail: «La dernière fois que je l'ai vu lire un livre (son conjoint), c'est quand la compagnie où est-ce qu'y travaille l'avait envoyé prendre des cours en enlignement». Rappelons que la moitié des familles seulement tirent leur revenu d'un travail et que le type d'emploi occupé ne génère pas beaucoup de pratiques de lecture.

Bref, on observe que même si la lecture se voit décerner plusieurs fonctions, la fréquence des pratiques demeure plutôt faible. L'analyse corrobore les observations de Wagner119 qui stipule qu'en milieu populaire les gens maintiennent un rapport limité avec l'écrit, l'utilisant essentiellement pour les activités économiques ou encore juridiques. Les témoignages des parents attribuent plusieurs vertus à la lecture, mais l'utilisation qu'ils en font demeure aléatoire, par manque de temps, de ressources, de difficultés à déchiffrer le code écrit, etc. Par ailleurs, plusieurs auteurs120 s'entendent pour dire qu'en général l'occupation professionnelle des adultes peu scolarisés ne génère pas énormément d'occasions où les pratiques de lecture et d'écriture sont sollicitées. Par conséquent, les adultes ne bénéficient pas de lieux où ils peuvent exploiter leurs compétences en matière de lecture et d'écriture ce qui à contrecoup réduit l'intérêt, la fréquence et la confiance en son potentiel, selon Lahire121 et Roy122.

Les interactions parents/enfants autour de la lecture

Nous cherchions principalement à identifier la nature et la qualité des interactions au sein des familles en ce qui concerne la lecture. À titre d'exemple, les échanges peuvent se traduire par la lecture de vive voix faite aux enfants. Nous avons donc distingué deux catégories selon la fréquence de ces pratiques. Ainsi, dix parents indiquent une fréquence de lecture sporadique ou nulle avec leurs enfants: «...Ben Charles (9 ans, 2e année) j'lui en lis pas (clés histoires), ça fait très longtemps que je lui (en) ai pas lu». Cinq d'entre eux affirment ne plus lire d'histoires à leurs enfants puisque ces derniers maîtrisent désormais le code écrit: «...Non, il a l'habitude de s'débrouiller...Mais pour nous demander d'y lire un livre, jamais. (...) y s'débrouille.»; «Plus jeune, j'favorisais beaucoup ça. Je faisais la lecture avec elle (sa fille) le soir pis elle aimait ça c'était une belle énergie là s'asseoir ensemble pis lire. (...) Pis là, y faut que je recommence... elle lit pas mal toute seule parce que elle est en troisième». Est-ce l'âge de l'enfant, sa supposée maîtrise de l'écrit ou encore les difficultés du parent qui limitent les interactions parent-enfant autour de la lecture?

Par ailleurs, sept parents s'adonnent à une activité régulière de lecture avec leur enfant. Les données recueillies démontrent plusieurs types de pratique tels que l'éveil à l'écrit, le jeu ou encore la lecture de contes. «J'lui conte l'histoire, pis j'lui montre avec mes doigts les bonhommes qu'est-ce qu'y font. C'est de même que j'fais mes affaires. Des fois j'fais des gestes, j'peux faire des bruits de mouton.» Toutefois, on constate que c'est une activité parfois vécue péniblement par les acteurs et elle ne génère pas toujours du plaisir. Une mère explique ainsi ses difficultés et son dépassement: «J'ai commencé à lire des histoires avec. Pis j'ai de la misère. Parce que j'suis pas comme capable y conter l'histoire en même temps. Pis là mon gars y dit: "Maman tu lis drôle, hein". J'dis: "Ben oui Éric (6 ans, 1er année), moman, y faut qu'elle pratique"... Je dis: "Aide-moi, tu peux m'aider un peu toi aussi". Y dit: "Ben oui, j'suis capable moé". On essaye toute les deux...»

Une autre mère avoue même ne pas exercer cette pratique par crainte d'être corrigée par son enfant: «Lire, j'suis capable de m'débrouiller, mais lire devant mes enfants, pour qu'y me reprennent? J'serais très insultée. Un enfant, un p'tit bout de cul de 10 ans qui va me dire: "Quoi?". Non, non, non et non...». La présence de difficultés parfois majeures des parents à l'égard de la lecture nous permet de supposer qu'elle restreint le nombre d'interactions liées à la lecture: «Je ne lis pas devant mes enfants, moi. J'ai mon orgueil. J'suis une personne qui sait ni lire, et ni écrire...». Nous explorons plus loin les obstacles rencontrés par les parents au niveau de la lecture ce qui permettra de mieux comprendre leur retrait.

On relève plusieurs stratégies adoptées par les parents dans les moments de lecture avec leur enfant. Trois parents vont privilégier l'oralité pour pallier leurs difficultés en inventant des contes à leurs enfants: «Elle m'apporte des livres d'histoires. Mais j'lui montre des images, c'est tout. J'en invente dans ma tête. (...) C'est comme dans une chanson, j'invente... Ça durait une minute, pour qu'y dorme». D'autres parents semblent démontrer un sentiment de culpabilité à cet égard: «Faudrait que j'changerais de livres pour montrer des nouvelles histoires. J'leur lis toujours les mêmes...». Finalement, certains parents adoptent des tactiques qui découlent de leur propre capacité en matière de lecture: «J'prends un petit livre là. Mais j'lis pas toute le livre au complet. Peut-être deux, trois pages là. J'arrête là. Pis il est ben content pareil».

Bref, plus de la moitié de l'échantillon (10/17) s'adonne à des pratiques irrégulières ou absentes de lecture avec leurs enfants. Ces résultats confirment d'autres données selon lesquelles les enfants issus de milieux populaires bénéficient de moins d'heures de lecture avant leur entrée dans le monde scolaire, soit 1700 heures pour la classe moyenne contre 25 heures en milieux défavorisés123. Selon Thériault124, la lecture de contes aux enfants engendre le désir chez ce dernier d'imiter le narrateur. Les témoignages des adultes qui vivent des périodes de lecture soutenues avec leurs enfants révèlent que celles-ci semblent souvent pénibles, peu fructueuses. Or, on constate que la majorité des parents sont conscients de leurs lacunes et c'est une variable qui peut expliquer leur retrait de cette activité. Bref, comme la littérature démontre l'importance des échanges parents/enfants autour de documents écrits pour assurer la réussite scolaire au primaire125, on peut supposer que les enfants issus de cet étude sont susceptibles d'éprouver davantage de difficultés au plan scolaire.

Notons toutefois la présence de stratégies positives telle que l'entraide et la contribution plus grande des enfants dans l'interaction autour de l'écrit (par exemple, l'enfant aide le parent). Lahire126 avance que cet aspect peut devenir un élément favorisant les chances de réussite scolaire chez l'enfant, puisqu'on reconnaît ses compétences et qu'il est appelé à jouer un rôle qui met en valeur ses apprentissages scolaires.

Les difficultés liées à la lecture

Plus de la moitié de l'échantillon (9/17) ont révélé de nombreuses difficultés liées à l'incompréhension du code écrit en se rapportant au vocabulaire, aux règles grammaticales, à la syntaxe, à la difficulté de concentration et de synthèse. En général, leurs propos démontrent une lecture périlleuse, car cinq parents affirment s'arrêter sur la plupart des mots: «Des fois, j'peux recommencer deux ou trois fois la même phrase, des fois. Pour reprendre mes "un, la"... Qu'est-ce que ça veut dire la finition des mots?»; «J'suis une personne qui sait ni lire, et écrire...»; «Moi, j'lis en photographiant et non en lisant. Donc, des fois j'peux toute revirer le sens d'une phrase, de faire de la photographie...».

L'ensemble de ces difficultés limite certes l'intérêt chez les participantEs pour la lecture, comme le mentionnent deux parents. Un troisième attribue une partie de ses difficultés au type de documents écrits: grosseur des caractères, vocabulaire complexe, longueur des phrases, etc. Il serait alors pertinent de se questionner sur l'accessibilité des écrits publics qui est une partie du problème comme l'a déjà souligné à plusieurs reprises Bélisle127: «Moi là, les papiers d'école. J'm'enrage. Parce que je comprends pas. C'est écrit p'tit. Pis c'est long de même, quand tu peux mettre un p'tit mot de même, c'est long de même...»

La seconde difficulté rencontrée par notre échantillon se situe au niveau de la ponctuation et de l'intonation. Près du tiers des parents interrogés (5/17) déclarent que lire à haute voix demeure très pénible pour eux. Ils se disent incapables de rendre une lecture juste et intéressante: «C'est comme si j'lis une histoire, j'lis sans point, ni virgule, ta, ta, ta, ta, ta, ta. Vous savez, un robot. Ça fait que c'est plate...»; «Lire avec le monde là, j'suis comme bloquée là, ça sort pas. Même devant mon chum, j'peux pas. J'suis comme gênée encore...». On a vu que les recherches antérieures128 démontrent que lire des récits aux enfants s'avère un facteur qui influence positivement la réussite scolaire. Or, comme nous l'avons vu plus haut la lecture de contes aux enfants demeure, pour la plupart, une activité peu fréquente en raisons sans doute des difficultés éprouvées par le parent.

Les perceptions en tant que lecteur

Cet aspect s'avère particulièrement important, car nos propres perceptions influencent généralement nos comportements. La majorité des parents (15/17) indiquent avoir une perception négative d'eux-mêmes au niveau de la lecture, principalement en raison de leurs difficultés. Neuf d'entre eux affirment qu'en réalité ils ne lisent pas ou plus vraiment; ce désintéressement s'explique par des difficultés majeures éprouvées à ce niveau. «J'suis pas une amateuse de lisage. Le monde y lit des gros livres, là. C'est une perte de temps là moi j'trouve...» «Y a un paragraphe, des fois là, j'va lire. Voyons qu'est-ce que j'ai lu là, moi! J'ai pas rien compris. Je recommence t'sais, mais...»

Par contre, deux des 17 adultes se disent bons lecteurs, mais on observe que leur fréquence de pratique n'est pas plus élevée pour autant. Quant aux conjoints, cinq sont perçus comme de bons lecteurs et jouent un rôle pour suppléer les difficultés de l'autre parent: «Ma conjointe sait lire. Elle lit bien. C'est pour ça qu'elle lit, j'suis pas obligé d'lire»; «Comme des fois y a des mots que j'sais pas, mais là (je dis): «Oh maman elle sait pas. J'va sauter (le passage à lire), pis quand papa va arriver, moi j'va lui redemander». Le conjoint devient alors la personne ressource.

Dans d'autres cas, la cellule parentale mentionne la quasi absence de modèle en matière de lecture, car 4 conjoints sont perçus comme faible lecteur, tout comme les parents interrogés: «J'pense, j'ai vu mon mari conter une histoire à ma fille. Mon gars aussi il l'a déjà faite une fois. Parce que moi y sait que je peux pas»; «Y commencent, les enfants commencent à le comprendre... S'installer avec un livre, chu contente parce que c'est ça c'est ça qui nous voyent pas le faire. Parce que quand sont dans la maison, j'ai pas le temps de lire...»

En somme, la majorité des parents (15/17) ont une faible perception d'eux-mêmes à l'égard de leur capacité de lecture. On observe donc certaines corrélations entre le fait d'aimer lire, d'éprouver des difficultés et de pratiquer: les adultes qui détestent lire éprouvent presque tous des difficultés. L'analyse laisse croire qu'une intériorisation des représentations négatives de soi-même entraîne une faible pratique, de peur d'être évalué et ridiculisé. Cet aspect est fort important, car comme Besse129 l'indique, l'ensemble des individus qui ont fréquenté des établissements scolaires possèdent à tout le moins des compétences en matière de lecture et d'écriture.

Cependant, l'auteur avance que les parents peu scolarisés ont tendance à se remémorer leurs échecs, à se sentir continuellement évalué et dévalorisé par le regard d'autrui. C'est la dimension affective du rapport à l'écrit qui est heurtée. De plus, les parents véhiculent un certain pessimisme, car ils semblent douter d'une éventuelle amélioration de leur degré de lecture. L'analyse reflète bien l'étude menée par Roy130 qui met en lumière le sentiment d'incompétence ressenti par les personnes éprouvant des difficultés à l'écrit et bien sûr les comportements et conséquences qui s'en suivent: non-fréquence, faible estime de soi, impuissance, etc.

Bref, les résultats de cette section témoignent que malgré les multiples fonctions attribuées à la lecture, la variété des documents dont les parents semblent disposer, l'usage qu'ils en font demeure limité et précaire. De plus, l'ensemble des participantEs émettent une multitude de difficultés et leurs propos divulguent également une perception négative de leurs pratiques de lecture. Il est alors compréhensible que les résultats reflètent un degré sommaire de lecture.

La description des pratiques d'écriture

Après avoir observé les pratiques de lecture, il était indispensable d'en faire autant pour l'écriture. Nous analysons donc la fréquence des pratiques familiales autour de l'écriture en répertoriant également le matériel disponible au sein de la cellule familiale. Par la suite, nous examinerons les principales fonctions attribuées à l'écriture. Puis, nous nous arrêtons sur les interactions familiales reliées à l'écriture pour ensuite considérer les diverses embûches rencontrées par les parents dans leurs pratiques d'écriture. Finalement, nous survolons les perceptions des participantEs à l'égard de leur compétence en tant que scripteur.

La fréquence

La majorité des adultes interviewés (13/17) mentionnent des pratiques d'écriture limitées sinon inexistantes. Les écrits sont brefs, sporadiques et sommaires. Dans l'ensemble, on se réfère à des écrits personnels qui ne sont pas soumis à un œil extérieur à la cellule familiale: «Quand j'écris c'est des niaiseries... mon nom. J'écris sur le bout de papier pis je barbouille, là. Mais écrire pour écrire, non...»; «Souvent quand j'écris des petits mots aux enfants, des petites choses là...»; «Mais non, j'ai rien à écrire, j'ai pas de lettre, j'ai rien...»; «Moi les messages j'écris pas ça. Oh heu, je fais le message, mais j'l'écris pas. (...) Moins j'écris, moins mieux c'est». Cependant, l'analyse révèle des sentiments de désirabilité, comme si les parents se sentaient coupables de ne pas écrire plus souvent: «Je devrais. J'appelle pas ma mère, mais là j'devrais écrire»; «Il faut écrire plus souvent..»

Par ailleurs, quelques individus (4) indiquent avoir des pratiques d'écriture plus fréquentes qui sortent de la cellule familiale pour joindre des acteurs externes: établissements scolaires, employeurEs, correspondantEs, etc.: «Moi, j'vais à l'école, j'ai pas le choix d'écrire...»; «Quand j'écris un document, n'importe quel document comme qu'on disait tantôt, bon, j'suis délégué syndical, des documents, j'en ai beaucoup à écrire, à remplir...»

On réalise que l'écriture ne fait pas partie intégrante des mœurs pour la plupart des familles. La majorité des parents éprouvent un sentiment d'extériorité à l'égard de l'écriture. On favorise davantage l'oralité et on exploite la capacité de mémoriser les informations reçues susceptibles d'être utilisées éventuellement. Besse131 souligne que chaque être entretient un rapport subjectif à l'écrit, c'est-à-dire que ses propres perceptions et comportements sont souvent en lien avec ses expériences antérieures dans ce domaine. Cette faible fréquence des pratiques d'écriture découle-t-elle de précédents échecs scolaires, d'évaluations strictes, de difficultés, du manque d'occasions d'écrire ou encore de la peur du regard évaluateur d'autrui?

Le matériel

L'analyse des résultats montre que la totalité de l'échantillon dispose de matériel accessible destiné aux pratiques de l'écrit. Plus de la moitié des adultes (11/17) mentionnent l'utilisation d'outils tels que le matériel informatique (3), l'agenda (3), le calendrier (3), le babillard (2), le journal intime (1) et le livre comptable pour le budget (l)132. Par contre, les témoignages révèlent que l'emploi de ce matériel engendre des pratiques d'écriture relativement limitées: «Le moindrement, j'ai un rendez-vous telle journée, j'marque les dates (sur le calendrier)» «J'ai un agenda que j'me suis achetée dernièrement. Pour savoir quand j'ai des rendez-vous.»

Dans une autre veine, les enfants semblent ceux qui utilisent davantage le matériel lié à l'écriture, mais l'usage qu'ils en font se situe principalement autour du bricolage. Notre analyse démontre la volonté du parent à transmettre le goût et l'utilité de l'écriture: «Elle a eu beaucoup de kits à dessins pour Noël, Charles, il a eu des crayons magiques, t'sais. Toute pour avoir le goût d'écrire, pis de dessiner.»

Bref, on observe une présence de matériel dédiée aux pratiques d'écriture et ce, autant pour les parents que pour les enfants. Or, comme Thériault133 et Lahire134 l'affirment, l'accès au matériel d'écriture n'est pas nécessairement garant de son utilisation. C'est une croyance répandue, car comme Thériault135 l'explique, la plupart des gens ont cru que la scolarisation obligatoire engendrerait une acquisition généralisée des connaissances en lecture et en écriture. Cependant, on constate que la réalité est tout autre puisque la totalité de notre échantillon ont fréquenté des établissements scolaires et ne maîtrisent pas pour autant le code écrit.

Les fonctions de l'écriture

Les pratiques d'écriture étant plutôt faibles, il devenait pertinent d'en connaître les usages. Les résultats révèlent trois fonctions attribuées à l'écriture, soit l'écriture fonctionnelle, l'épanouissement personnel et l'écriture comme moyen de communication. Mentionnons que le dénombrement n'est pas exclusif puisque certains parents ont assigné plus d'une fonction à l'écriture.

Plus de la moitié de notre échantillon (12/17) s'adonnent à une écriture de nature fonctionnelle, sommaire mais bien utile: la confection du budget, les écrits nécessaires dans le cadre de leur formation, l'élaboration d'une liste d'épicerie ou d'un aide-mémoire, apposer sa signature sur des écrits sociaux: «J'écris rien qu'une fois par mois des fois rien que pour marquer ma commande, pis j'en ai assez. Pis une fois par semaine, quand j'va à mes cours (d'alphabétisation)»; «Je marque pratiquement toutes les rendez-vous, des choses que je veux pas oublier, que j'trouve importantes»; «J'écris c'que j'ai besoin. Pis y faut pas que j'dépasse mon budget.»; «Calculer des chiffres pour savoir combien faut que j'arrive dans mes comptes...»

Plusieurs adultes (6/17) allouent également à l'écriture des particularités permettant d'atteindre un bien-être personnel ou thérapeutique. Lorsque les individus confèrent une fonction personnelle à l'écriture, les pratiques semblent être plus fréquentes:«Ben j'pense c'est une libération. C'est une chose comme heu... Moi j'écris surtout sur mon passé là... T'sais, j'ai pas eu besoin d'aller voir de psy (...). Ça été quelque chose qui libère. C'est, c'est du concret...».

Finalement, le tiers des personnes de l'échantillon (5/17) déclarent que l'écriture s'avère un moyen de communication avec autrui tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de la cellule familiale: «... Pis des fois, c'est écrire des lettres à mon mari. Ce que j'ai aimé dans ça pis qu'est-ce que j'ai pas aimé.»; «Des fois, il va marquer (son fils), t'es mon ami... j't'aime beaucoup. Ou maman j'm'excuse... Tu sais des fois y va écrire des mots». Toutefois, l'analyse des témoignages laisse croire que l'utilisation de l'écriture comme moyen de communication reste sommaire et confinée, plus souvent qu'autrement, dans la sphère privée de la cellule familiale.

Bref, les parents semblent établir un rapport étroit entre leurs pratiques d'écriture et leurs conditions de vie, notamment la confection du budget qui est une préoccupation constante pour la majorité des adultes interrogés. Ce constat appuie ce que dit Wagner136 à l'effet qu'en milieux populaires, l'écriture sert principalement à répondre aux diverses obligations sociales de la vie de citoyenE et de consommateur et consommatrice. L'écriture se voit attribuer des fonctions administratives et économiques qui régissent la sphère familiale.

Notons toutefois également l'existence de pratiques d'écriture positives comme le décrit Lahire137, tel que l'emploi de l'aide-mémoire ou la prise de rendez-vous. Ces pratiques exigent l'organisation de la pensée et la gestion du temps, des éléments favorables à l'apprentissage scolaire. L'écriture ne s'insère donc pas seulement dans la dimension cognitive, comme le mentionne Besse138, mais dans un cadre social où des liens multiples se développent entre l'individu et son environnement. Concrètement, celui-ci organise ses activités routinières en s'aidant de notes ou de documents écrits. On comprend alors que les parents donnent un sens à leurs pratiques à l'écriture.

Les interactions autour de l'écrit

Plusieurs auteures s'entendent pour dire que la présence d'un modèle actif de scripteur au sein de la famille influence positivement la réussite scolaire des enfants au primaire. L'enfant qui observe ses parents interagir avec des documents écrits est plus susceptible de développer un intérêt et de comprendre les usages liés à l'écrit selon Tremblay139 et Thériault140.

Nous avons relevé deux types d'intervention en regard de l'écrit: une intervention active et une autre passive. L'intervention active se réfère à la présence d'échanges significatifs et directs entre parent et enfant sur le contenu des écrits. L'intervention passive se caractérise par le fait qu'il n'y a aucune interaction entre les deux acteurs durant les activités d'écriture. Cependant, notons que pour ces deux catégories, les pratiques parentales d'écriture demeurent sommaires et fragiles.

Ainsi, plus de la moitié des parents (10/17) exercent une intervention active auprès de leur enfant. Certains (2) orientent leur enfant vers des ouvrages de référence lorsqu'ils font face à l'incompréhension du vocabulaire, par exemple: «J'lui impose de regarder, j'le cherche pas pour elle. "Maman, comment y s'écrit tel mot?" J'lui dis: "Ben va dans le dictionnaire, j'suis pas sûre si y prend deux N moi non plus"...» D'autres (2) utilisent le jeu dans le but de transmettre des connaissances et de favoriser l'apprentissage de l'écrit: «J'ai un chandail, y a du texte écrit dessus. Là, j'lui montre: "Ça c'est A, ça c'est B".... Ça fait qu'Sophie a deux ans, elle a pas été à l'école encore, pis a,b,c,d,e, elle les reconnaît...» On note également que quelques-uns interagissent avec leur enfant dans le processus d'écriture comme tel: «Des fois j'va écrire devant eux autres... Des fois y me demandent c'est quoi j'écris. Là ça dépend c'est quoi. Des fois j'va leur dire...». Finalement, l'un des parents indique son désir de stimuler la curiosité de son enfant pour la lecture et l'écriture, mais parfois il lui est impossible de répondre aux interrogations de ce dernier, en raison de ses connaissances limitées du code écrit.

D'autres parents (7/17) procèdent à une intervention plutôt passive. On remarque que pour certains, le simple tracé équivaut à écrire: «Ça m'est arrivé juste une fois d'écrire mon nom, j'vois Samuel (8 ans, 2e année) peut écrire son nom sur une feuille. J'fais des dessins, il écrit son nom...» On réalise ici que l'écriture est apparentée au fait de laisser des traces, alors que le dessin s'avère une étape préalable à l'écriture chez l'enfant comme le souligne Thériault141. On observe également que le parent n'est pas réellement sensibilisé au fait de fournir un modèle de scripteur, car la majorité d'entre eux ignorent s'ils pratiquent l'écriture en présence de leurs enfants: «Ouf, j'ai aucune idée, mais je sais que j'ai déjà écrit devant eux autres...».

En outre, cinq de ces sept parents éprouvent de grandes difficultés avec les concepts de base du code écrit, alors on comprend la fréquence limitée des interactions ou les situations de confusions, tant pour l'enfant que pour le parent: «"Je t'aime", j'suis capable là. T'sais des fois y me demande d'écrire des mots comme Sylvie. J'ai de la misère à écrire Sylvie. J'me force. Là Éric (6 ans, 1ère année) y me dit: "Moman, c'est pas de même, Sylvie". Ben oui, c'est comment d'abord Sylvie?».

Quel que soit le type d'intervention exercé dans les familles, l'interaction autour de l'écriture semble être vécue péniblement par les parents. Leurs propos témoignent de la difficulté d'offrir un modèle: «Là où j'haïs ça le plus, (...) c'est quand ma fille me corrige. Ça me fait chier. Mais t'sais, j'peux pas dire à mon enfant que c'est pas correct. J'y dirais rien, mais sauf que, quel exemple que j'lui donne?...»; «À force d'aider, là. Ça a l'air que j'fais beaucoup, beaucoup moins d'erreurs... J'ai pas le choix de réfléchir, mon gars est en train de me dépasser».

Les difficultés liées à l'écriture

Tout d'abord, il importe de mentionner que presque tous les parents (14/17) ont affirmé éprouver des difficultés parfois majeures liées au code écrit. Nous avons donc relevé deux types de difficultés. Plus de la moitié (8/14) affirment assimiler difficilement les règles grammaticales, l'orthographe ainsi que la syntaxe: «...Tu m'as donné un texte, mettons une page huit et demie par onze c'est peut-être 100 fautes, 150 fautes dans la page...». Pour les autres (6/14), les difficultés semblent plus sérieuses, car les notions de base ne semblent pas acquises: «Pour lire, j'ai moins de difficultés, mais écrire ça, j'ai ben plus de misère. Mais pour écrire les noms des enfants, le nom de mon mari, des p'tites affaires, y a pas de problème, là t'sais. Mais si on est rendu qu'y a des plus gros mots là, heu, j'bloque».

Seulement quelques personnes (3/17) disent être autonomes dans leurs pratiques d'écriture. Leurs propos laissent entendre qu'elles peuvent s'exprimer à travers l'écriture et véhiculer leur propre pensée. De plus, elles semblent utiliser plus fréquemment ce mode d'expression que les autres:«J'suis capable de formuler mes phrases comme il faut...»

Nous voulions connaître les stratégies employées pour pallier les difficultés rencontrées. Dix parents vont chercher un soutien pour effectuer leurs tâches d'écriture. Six d'entre eux font appel à leur réseau social ou aux organismes œuvrant dans le milieu afin d'être épaulés dans leurs démarches: «Je vas voir Louise (intervenante en alphabétisation). C'est quand mettons j'reçois une lettre du BS là tu sais. Pis Louise elle me lit, pis on le fait ensemble là t'sais...»; «Écrire des lettres, j'va en composer,j'fais beaucoup de fautes d'orthographe. C'est difficile pour moi de composer. J'les fais corriger par une copine ou dans ma famille, ma belle-sœur...»; «J'avais une formule de 6pages à remplir. Je suis pas capable remplir ça tout seul. C'est pour ça que j'ai été voir le psychologue de l'école. Par l'intermédiaire d'une professeur de mon garçon pour remplir le document». Ces formes d'aide sont précieuses, car elles leur permettent de fonctionner et de remplir les rôles qu'ils ont à jouer, en dépit de leurs difficultés. D'autres parents (4/10) consultent des ouvrages et des outils spécialisés tels que le correcteur informatique, le dictionnaire, le Bescherelle. «J'aime écrire si j'utilise mon correcteur (sur l'ordinateur). Si j'ai pas mon correcteur, j'écris pas».

Nous avons également décelé des moyens de contournement utilisés par certains parents pour éviter d'écrire: «On va dire que quelqu'un va appeler, pis y va vouloir que j'écris quelque chose. Ben là j'vas dire: "Ben, veuillez télé, retéléphoner, mon mari va arriver plus tard, c'est lui qui va s'occuper de d'ça là".»; «J'écris comme j'pense, ça fait que faire de la composition, (j'ai) ben de la misère avec ça. Ça fait que pour ça j'préfère le téléphone aussi.».

Les perceptions en tant que scripteur

Nous analysons ici la perception des adultes quant à leurs propres pratiques d'écriture pour ensuite observer celle qu'ils ont face à leur conjoint. Plus de la moitié des adultes interrogés (9/17) affirment avoir une perception négative de leur écriture. «Non, je me considère pas bonne, j'fais beaucoup de fautes, j'trouve pas une belle écriture, là...» Près du tiers de l'échantillon (5/17) indiquent se percevoir comme scripteur à compétence moyenne et une minorité (3/17) mentionnent avoir une perception positive de leur écriture: «Ouais, j'suis capable de m'exprimer en écriture».

Par ailleurs, onze parents se sont prononcés sur leur perception de la compétence de leur conjoint à l'écrit, souvent en la comparant à leur perception d'eux-mêmes. Quatre adultes indiquent avoir une perception négative à l'égard de l'écriture de leur conjoint: «Un gros zéro. Parce qu'y sait pas écrire. Il est pire que moi...» Par contre, la majorité (7/11) affirment avoir une perception positive des pratiques d'écriture de leur conjoint: «Il écrit bien, mais t'sais j'veux dire, il écrit beaucoup mieux que moi. Il a moins de difficultés, y demandera pas à quelqu'un, t'sais, il va le savoir...». Il est intéressant de constater que les adultes interrogés sont catégoriques dans leur propos à l'égard des capacités d'écriture de leur conjoint (bon ou mauvais), contrairement à eux-mêmes, où certains font mention d'une habilité moyenne, du moment qu'il n'y a pas de juge extérieur: «ça l'a de l'allure, j'fais peut-être ben des fautes, mais c'est pas grave. De toute manière, c'est pas tout le monde qui le lit...».

Nous avons cherché à connaître le cadre de référence utilisé par les individus pour émettre leur opinion quant à leur perception. Notons que des personnes ont émis plusieurs critères donc les résultats dépassent 17. La tendance générale des parents a été d'interpréter cette question sous l'angle de la calligraphie plutôt que sur la globalité de la compétence (sens du geste, grammaire, syntaxe et compréhension). Cette interprétation concerne la majorité de l'échantillon (12/17): «J'écris bien,pis c'est beau,pis c'est propre...J'aime ça copier... Oui, dans l'écriture oui... J'suis bonne parce que j'écris la même chose que c'est écrit là, t'sais...»; «Non, parce que j'écris croche, j'fais des lettres, mais c'est mon écriture à moi, ça m'appartient...».

Par ailleurs, plus du tiers de l'échantillon (7/17) rapportent que leurs perceptions découlent en partie des difficultés éprouvées au niveau de l'orthographe et des règles grammaticales: «Parce que j'ai plein de fautes d'orthographe. C'est ça la vérité...». Deux parents font également référence à l'incapacité de maîtriser la syntaxe c'est-à-dire de construire et de structurer adéquatement leurs écrits. «Quand j'veux écrire à quelqu'un, j'sais jamais par où commencer. Ça fait qu'écrire pour moi, j'écris comme je parle...».

Bref, les résultats indiquent que l'échantillon comprend une minorité de personnes (3) ayant une perception positive de leurs pratiques d'écriture en se basant sur la capacité de transmettre leurs pensées par écrit. Besse142 explique que la perception négative en tant que scripteur est liée au fait que les gens qui éprouvent des difficultés à l'écrit intériorisent le fait que pour écrire, ils doivent maîtriser parfaitement le code sans quoi ils seront immédiatement jugés négativement.

Bref, on observe que la majorité de l'échantillon (14) éprouvent des difficultés liées aux pratiques d'écriture. La tendance générale est de faire appel à son entourage ou à des documents de référence afin de pallier les difficultés, ce qui se révèle être des stratégies efficaces. On constate également que le soutien provenant des différentes ressources du milieu de vie (organisme communautaire, école..) semble être un accompagnement précieux pour les parents. Plusieurs auteurs143 mentionnent l'importance de la concertation des ressources et la mobilisation des acteurs dans le soutien offert aux parents par la communauté afin d'améliorer les chances de réussite scolaire des enfants. L'analyse de ce volet nous invite à explorer davantage ces types de soutien, car les adultes interrogés en confirment l'appréciation et les impacts positifs.

4.3 Le suivi scolaire

Dans cette section, nous observons globalement l'encadrement du suivi scolaire auprès des enfants. Nous décrivons d'abord la division des rôles sexuels au niveau de cette tâche; puis, nous aborderons le déroulement de la période de devoirs et leçons sous l'angle des difficultés rencontrées par les acteurs en présence ainsi que l'évaluation des parents quant au comportement de leur enfant. Nous sondons également la perception des parents à l'égard des différences de comportement selon le sexe des enfants. Nous poursuivons sur le contenu et la fréquence des échanges verbaux parents/enfants sur la vie scolaire. Par la suite, nous distinguons les formes de soutien extérieur qui accompagnent les parents dans leur rôle.

Le rôles des parents à l'égard du suivi scolaire

Nous avons tenté de découvrir le partage des rôles au sein de la famille quant au suivi scolaire des enfants. Plusieurs auteurs dont Lahire144 insiste sur les effets bénéfiques d'une présence masculine dans la scolarisation des enfants. De plus, il nous semblait pertinent de relever la participation des parents à la vie scolaire de leur enfant.

L'analyse révèle que dans les familles biparentales (15/18), l'encadrement et le suivi scolaire des enfants sont des rôles assumés en majeure partie par des femmes (12/15), comme le confirme d'ailleurs Gagnon145C'est surtout Ginette (sa conjointe) qui fait ça. C'est pas moi qui fait ses devoirs. C'est très rare que j'fais les devoirs à Samuel (8 ans, 2e année)»; «À date c'est toujours moi, ben c'est plutôt moi, mais quand Robert, mon mari y arrive, lui aussi y prend sa part... Ben c'est sûr, j'aimerais ça (que) Robert m'aiderait mais t'sais j'veux dire, lui y travaille, pis moi, ben c'est moi qu'est à la maison. T'sais c'est ma job un petit peu quand même»; «Ça fait que, ça c'est mon domaine disons. C'est pas ben ben le sien, c'est plus heu, niveau devoirs, leçons, (...) c'est plus moi qui s'occupe de d'ça» (une mère).

Notons toutefois que trois des 15 familles bi-parentales indiquent que le suivi et l'encadrement scolaire s'avèrent des rôles et des responsabilités assumés par les deux conjoints: «Maintenant y regarde, y signe, heu, les bulletins. Si y a des corrections à faire y va le faire. Y va les aider... Y s'intéresse beaucoup, beaucoup à ça... Quand qu'y a terminé là, quand qu'y arrive de travailler là. Mais c'est comme un moyen de relaxer aussi là. Y s'assit à la table avec les petits».

On constate donc qu'il y a peu d'enfants qui bénéficient d'un modèle parental masculin actif au niveau de leur suivi scolaire au quotidien. La recension des écrits avance que cette lacune peut parfois engendrer des difficultés scolaires.146

«Elle me niaise... J'lui demande de sortir ses cahiers, mais là elle va dire bon ben: "Ah, j'lai oublié à l'école"... "Là, c'est pas le temps de niaiser Christine (8 ans, 2e année) là, c'est le temps de f aire tes devoirs. "Mais là, elle dit: "J'ai été à l'école toute la journée, j'ai mal aux doigts. " Tu sais, heu, elle va regarder le mur. Là y faut, y faut que j'aille plus ferme un peu avec...».

«C'que j'haïs ça, j'haïs ça! J'ai deux filles qui sont là, y me niaisent, tu sais. Y vont faire des dessins au lieu d'écrire.... Y sont vraiment pas là pourtant j'suis t'assis avec eux autres... Des fois, j'ai pas la patience ben ben là mais on l'fait pareil là... Pis là, j'aime pas ça non plus perdre patience parce que c'est pas intéressant pour eux autres, là...».

Suite aux nombreuses difficultés relevées par les parents, nous avons cherché à comprendre les stratégies qu'ils prenaient afin de les résoudre. D'après leur propos, on constate qu'il n'y a pas de présence de démission parentale, mais bien un déploiement d'efforts de leur part selon les compétences qu'ils ont, comme le note d'ailleurs Cunha147. Les résultats révèlent deux façons de pallier les difficultés et de participer au suivi scolaire: l'intervention directe et l'intervention à distance.

Près de la moitié de l'échantillon (8/18) disent favoriser l'acquisition d'une autonomie chez leur enfant en ce qui concerne la période des devoirs et leçons. Pour cela, ils adoptent une stratégie qui se traduit par une intervention à distance: «Prends-toi une collation, après ça tu te mettras à tes devoirs. C'est toujours moi qui ouvre son sac d'école, qu'est-ce qu'y a dans son agenda, qu'est-ce que ses leçons, ses devoirs... ça fait que j'va le chercher, j'le mets sur la table avec son crayon, pis son efface... Parce que moi, j'aime autant quelle fasse tout seule parce que moi, des fois moi j'peux m'tromper»; «C'est qu'les enfants en rentrant dans la maison, bon c'est la p'tite collation et tout là. Pis après ça tu commences tes devoirs, c'est dans ta chambre.»; «Moi, j'préfere qu'elle fasse ses devoirs toute seule, parce que des fois, elle vient, elle vient me le porter quand qu'elle a fini. Je le corrige, j'le regarde. C'est beau quand j'lui dis qu'elle a des fautes, c'est mal écrit, ben de valeur, l'efface elle est là. Recommence.». On peut penser que la perspective de ne pas être capable d'aider l'enfant entraîne bien souvent cette attitude de retrait de la part du parent.

Certains parents semblent mal évaluer le degré d'autonomie de leur enfant qui a justement besoin d'aide avant de pouvoir devenir autonome. L'intervention à distance favorise en principe la débrouillardise, mais l'enfant de première ou deuxième année est toujours en apprentissage du code écrit. On suppose que le comportement des parents découle du fait qu'ils craignent d'induire leur enfant en erreur ou encore qu'ils se sentent trop démunis. Le rôle de supervision à distance adopté par le parent se traduit alors par une attitude relevant de la prudence plutôt que d'une démission parentale. De plus, l'enfant qui agit comme messager entre la famille et l'école, tel que le traitent Montandon et Perrenoud148, génère des incompréhensions et de l'ambiguïté quant aux rôles que les acteurs ont à jouer dans la réussite scolaire. Lorsque les parents comprennent mal les consignes, par exemple, il est difficile pour l'enfant d'identifier clairement les attentes de l'école et le rôle que ses parents doivent jouer.

Par ailleurs, plus du tiers des parents interrogés (7/18) procèdent à une intervention directe durant la période de devoirs et de leçons, ce qui n'enlève rien aux embûches, malgré leurs bonnes intentions, comme en témoignent ces deux mères: «En premier, j'commence avec Maude, c'est moins long... J'l'amène dans la chambre. Là j'dis aux autres: "Prenez votre collation, ben allez regarder la TV en attendant"... Après ça, ben là c'est le tour de Christine (8 ans, 2e année). Là j'l'aprends, on s'en va dans la chambre (...) On s'assit toutes les deux là. Ben Christine elle, c'est un peu plus long parce que c'est dur à comprendre»; «Quand c'est le temps de faire sa lecture (...) faut que j'lui montre à faire ses interrogations, pis ses exclamations, ça fait que là faut que je lise. Des fois, y trouve ça drôle parce que des fois, j'manque ma shot moi aussi. C'est pas toujours facile hein avoir le bon mot à la bonne place. Lui après ça, y répète. Là j'lui fais relire le livre un coup que j'ai fini. Faut qu'y reprenne comme il faut, parce que j'veux pas qu'il apprenne par cœur, mais je veux qu'y lise, qu'y sache ses interrogations, pis ses points...».

Par ailleurs, on constate que tous les parents mentionnent offrir une routine et un environnement physique propice à la concentration durant la période de devoirs et de leçons. La majorité (15/18) combine ce souci avec une forme ou une autre d'intervention mentionnée plus haut (directe ou distante), alors que les trois autres n'offrent qu'un environnement favorable: «En arrivant de l'école, oui parce que si j'attends après souper, c'est l'enfer. Là ça lui tente plus, elle est fatiguée pis elle est tannée. Pis en arrivant de l'école, elle est encore dedans...»; «Moi, j'fais exprès de dire à tout le monde de pas m'appeler entre 6 et 8 parce que j'veux qu'a se déconcentre pas. Y se déconcentrent de rien c'est effrayant... C'est de même à toutes les soirs. Pis des soirs j'suis fatiguée.»; «Faut que ce soit calme chez-nous avec Éric (6 ans, lère année) parce que y faut comme qu'y se concentre. C'est pour ça que la TV faut que ce soit fermée. Pis heu, il faut que j'sois tout seul à table avec lui.»; «Sur la table de cuisine. Je ferme toute, pas de télévision, pas de musique, rien».

Ces dernières observations confirment celles de Le Breton149 qui explique que les parents peu scolarisés miseront davantage sur un environnement favorable aux apprentissages de leur enfant ainsi que sur leur soutien moral. Bref, on observe que quel que soit le type d'intervention préconisé (directe, distante, souci de l'environnement physique), le suivi scolaire semble être une période difficile et tendue, pour les enfants comme pour les parents. On constate donc que la plupart des parents s'impliquent dans le suivi scolaire de leur enfant, mais ils le font dans la mesure du possible avec les connaissances et les habiletés qu'ils possèdent ce qui ne génère pas toujours les résultats souhaités.

Et les gars et les filles?

Nous avons questionné les adultes à savoir s'ils percevaient des différences de rendement et de comportement scolaire chez leur enfant du fait d'être un garçon ou une fille. Rappelons que les enfants dont il est question ici sont 9 garçons et 9 filles. Quatorze parents se sont prononcés sur le sujet. La nette majorité (13/14) indiquent ne percevoir aucune différence entre les sexes au niveau de l'intérêt que porte leur enfant pour l'école, de son attitude envers celle-ci ainsi que dans sa réussite scolaire. Plusieurs mentionnent toutefois que leur réponse va peut-être dans ce sens parce qu'ils n'ont pas d'enfant des deux sexes. Seulement un parent affirme que c'est plus difficile pour son garçon, celui-ci étant plus attiré par le jeu que par les études.

Ce constat nous laisse tout de même perplexes puisque plusieurs recherches stipulent que la variable sexe est un facteur qui influence la réussite scolaire des enfants (voir le chapitre 2, section 2.8). Landhy et Kwan Tarn150 indiquent que les filles obtiennent des résultats plus élevés aux évaluations et réussissent mieux dans l'ensemble à l'école, un constat partagé selon l'avis du Conseil supérieur de l'éducation151. On peut se questionner sur la cause de la méconnaissance des parents à cet effet. Découle-t-elle d'un manque de communication entre l'univers scolaire et familial? Malgré notre intérêt pour cette question, nous n'avons donc pas pu (ou su) l'explorer davantage.

Les échanges sur l'école

Selon la littérature, il est fréquent que les enfants issus de milieux défavorisés soient confrontés à une culture scolaire qui ne s'apparente pas à celle qu'ils vivent dans leur propre cellule familiale, comme Hohl et Normand152 et Lahire153 l'avancent. C'est pourquoi nous souhaitions sonder la présence ou l'absence de dialogue parent-enfant autour du domaine scolaire. Les résultats révèlent que les deux réalités sont également présentes dans les 18 familles.

Ainsi, la moitié des parents (9/18) semblent régulièrement discuter avec leur enfant et échanger sur les préoccupations qu'engendre la vie scolaire au primaire. Les sujets les plus fréquemment abordés sont l'amitié entre les pairs et la qualité des relations avec les enseignantEs. On note ici l'importance des pairs lorsque l'enfant fréquente l'école primaire, car plusieurs parents(7/9) en discutent quotidiennement: «Elle va m'raconter sa journée... Comment ça s'est passé avec les amis toutes ça. Et puis les critiques envers leurs professeurs. Ça a m'en parle beaucoup...». Les sujets abordés sont variés: «Y me parle des conflits qu'y peut avoir avec les enfants, y parle de la façon heu, ben d'la façon qu'y sont, que c'est surveillé à l'école. Pis des commentaires sur la directrice...».

D'autre part, l'analyse révèle une absence de dialogue autour de l'école au sein des neuf autres familles interviewées. Dans plusieurs cas (6/9), les parents affirment que leur enfant refuse catégoriquement de partager leur journée avec eux. Cependant, on note que quatre parents ne semblent pas insister pour en savoir davantage, car selon eux le domaine scolaire est distinct de la famille: «Quand je pars de l'école, la cour de l'école est a l'école. La maison, c'est la maison. Ça fait qu'y me parle de rien... Pis à l'école y me disent qu'y parle pas de la maison non plus»; «Faut pas lui en parler, parce que il aime pas ça...»; «J'me dis c'est son domaine à elle, moi mon domaine c 'est la maison, j'lui laisse comme la liberté, c'est son école, c'est sa place».

En somme, on constate que les échanges autour de l'école sont plutôt mitigés, car rares sont les parents qui obtiennent par l'enfant des informations sur le fonctionnement en classe, les apprentissages scolaires ou encore les difficultés vécues par ce dernier. Les propos concernent en majeure partie les relations avec les pairs et parfois l'enfant aborde le type de relation entretenu entre lui et le personnel scolaire. Au niveau de l'absence d'échanges parent/ enfant, on note que plusieurs parents s'abstiennent d'en demander davantage sur l'univers scolaire de l'enfant. Cette séparation des deux mondes explique également le concept de double solitude pour l'enfant. Selon Lahire154, comme les valeurs et les normes culturelles préconisées au sein de l'univers familial ne correspondent pas à la culture de l'école, l'enfant vit seul son expérience scolaire. La socialisation de l'enfant se voit alors partagée entre deux univers qui semblent, pour lui, distincts voire opposés.

Le soutien extérieur

Tenant compte que la période des devoirs et des leçons est particulièrement difficile, nous voulions connaître le soutien que les parents se sont donné en dehors des ressources scolaires comme telles. Un nombre important de parents (13/18) disposent d'une forme de soutien quelconque visant à leur venir en aide dans l'accompagnement et l'encadrement du suivi scolaire de leur enfant. On répertorie trois types d'aide: les ressources communautaires, le réseau social et les ressources médicales.

Ainsi, près de la moitié d'entre eux (5/13) ont des enfants qui bénéficient d'un service d'aide aux devoirs, offerts majoritairement par des organismes communautaires. Plusieurs parents relatent que l'aide aux devoirs est un service qui les supporte également dans leur rôle, et ce pour diverses raisons: encouragements, conseils, indications d'améliorations, etc.: «Bon c'est pour ça qui s'fait aider par XXX, pour l'aide aux devoirs. Parce que y a des gens (...), y comprennent les devoirs aujourd'hui. Mais nous autres, moi j'les comprends pas.» On constate également que trois parents regrettent ce service qui n'est plus offert cette année à leur enfant; «C'était le mardi soir, pis le jeudi après l'école (aide aux devoirs). Ça fait que ça aidait aux parents. Ça fait que y en a pu d'ça. (...) J'aimerais ça qu'ils le recommencent...».

Quant au soutien donné directement aux parents, on note que trois sont accompagnés par des acteurs œuvrant dans des ressources du milieu (CLSC, organismes communautaires): «J'comprends pas (les papiers de l'école), j'mets ça de côté, mettons que je vois Luc (intervenant en alphabétisation) une fois par semaine, j'amène tout ça avec moi. Pis là on lit ensemble. Pis y me l'explique...». Trois autres parents mentionnent également l'aide reçue par leur réseau social: famille, voisin, pairs: «J'ai une voisine qui est très bonne à l'école. J'y dis (à sa fille): "Ben,va voir une telle pis va lui demander ou appelle-la voir si elle peut t'aider. Moi là-dedans j'peux pas t'aider, j'comprends pas"...». Enfin, deux autres enfants ont un soutien provenant de ressources médicales puisque deux des dix-huit enfants sont tenus de prendre du Ritalin: «Du Ritalin y ont augmenté la dose un peu, y prend une ronde. Avant c'était la moitié, c'était pas assez fort...».

Bref, il semble que les parents ne démissionnent pas de leur rôle, mais s'efforcent plutôt d'aller chercher de l'aide au sein des ressources du milieu pour pallier leurs difficultés. Certains intervenants seraient tentés de prétendre que le service d'aide aux devoirs en milieu populaire encourage une forme de démission parentale à l'égard de l'encadrement et du suivi scolaire. Cependant, comme le montre l'étude de Cunha155, les parents peu scolarisés déploient beaucoup d'efforts pour pallier leurs difficultés, ce qu'on ne peut qualifier de démission parentale. Les propos des parents interrogés illustrent par ailleurs leur appréciation des services d'aide aux devoirs qui leur redonnent espoir quant à la réussite de leur enfant. Leurs témoignages nous indiquent qu'ils sont conscients de leurs capacités limitées; l'aide aux devoirs devient alors un outil nécessaire dont ils ont besoin. Leur conception quant à l'utilité de ce service n'est-elle pas légitime dans une société où la réussite scolaire est une préoccupation de tous les parents? Rappelons que Cunha nous invite tout de même à réfléchir aux rôle des organismes communautaires afin de faire participer pleinement les parents dans cette tâche (voir chapitre 2).

4.4 Le lien avec l'école

Cette section traite des relations qu'entretiennent les parents avec le personnel scolaire, par l'intermédiaire de l'enfant ou directement. Nous analysons d'abord les perceptions des parents sur le vécu scolaire de l'enfant. Par la suite, nous observons les types de communication utilisés entre l'école et les familles. Ce thème couvre les outils et moyens de communication ainsi que les contacts entre les parents et l'école selon leur nature, leur fréquence et les motifs des contacts. De plus, nous abordons les perceptions des parents envers l'école de leur enfant et le personnel scolaire. Finalement, nous sondons les améliorations souhaitées par les parents à l'égard de l'établissement scolaire fréquenté par leur enfant.

Le vécu scolaire de l'enfant

Nous analysons ci-dessous les perceptions des parents sur le vécu scolaire selon deux aspects: l'attitude de l'enfant envers l'école ainsi que l'histoire de son cheminement scolaire, tel que les parents le perçoivent.

L'attitude de l'enfant envers l'école

L'engouement des enfants pour l'école peut influencer, en partie du moins, leur réussite scolaire. Dix-sept parents se sont prononcés à ce sujet. Plus de la moitié des enfants (11/17) disent aimer l'école. Parmi eux, six affirment que l'appréciation de l'école est générée par l'affection que l'enfant porte à son enseignantE: «C't'année, y aime ben ça. Y a hâte d'aller. Y aime son professeur. Il l'aime beaucoup.»; «Il aime ça parce que il aime beaucoup son prof. Y aime Carole»; «Même si le professeur va la disputer, y arrive en arrière, pis j'taime pareil et puis heu. Il aime ben son professeur».

Par ailleurs, on relève que le tiers des enfants (6/17) n'aiment pas l'école dont deux en regard des mêmes raisons: «Y aime pas son école. Y aime l'école, mais pas son école... Y trouve que la directrice est pas juste. Que les règlements n'ont pas de sens...»; «Elle aime ça l'école oui, mais c'est plus son professeur qu'elle n'aime pas, qu'elle dit. Parce quelle est sévère avec elle. Mais parce qu'elle prend pas le temps d'expliquer à Christine (8 ans, 2e année)». Bref, on constate qu'il existe une corrélation entre le fait d'aimer ou non l'école avec le fait d'apprécier ou non le personnel scolaire. Ces propos révèlent l'importance cruciale des conditions affectives entourant la vie à l'école et l'apprentissage.

Le cheminement scolaire de l'enfant

Plus de la moitié des parents rencontrés (11/18) indiquent que leur enfant réussit bien à l'école. Or, d'autres propos nous laissent voir une certaine ambiguïté à ce sujet. Car si les parents perçoivent une réussite, dans les faits, cela ne semble pas toujours le cas: «Oui y réussit, oh oui. Oui y va bien... Ben là, y va rester peut-être encore en première année. Parce que y a ben de la misère en français». Est-ce un sentiment de désirabilité, de refus de voir les problèmes de l'enfant ou de méconnaissance des enjeux?

Notons que la moitié des adultes interrogés (9/18) nous confient que leur enfant a déjà doublé une année scolaire ou est présentement en voie de le vivre. Pour la majorité de ces enfants (7/9), il s'agissait de leur première année. Les parents semblent approuver le fait que leur enfant répète leur année scolaire: «Ça fait la deuxième fois qu'y répète là (sa première année). Ça fait que ça va quand même assez bien. Heu, il est meilleur que l'an passé, y réussit bien, des bonnes notes. C'est peut-être que ça lui prenait ça aussi là»; «Ça fait deux fois qu'elle fait sa première année. Elle est rendue en deuxième, mais elle a encore de la difficulté. Oui, j'vois des progrès, parce que Christine, quand qu'elle veut, elle est capable...»; «Il a des bonnes notes Jérémie (7 ans, lère année) à l'école. Il est dans les 75, 80. J'trouve ça bon moi, 75, pour la première année, 80. À comparer à l'année passée, c'était 30, 40 (Jérémie refait présentement sa lère année). Il a monté d'une shot là. Il est bon à l'école...».

En somme, les parents semblent voir des avantages au fait de redoubler. Or, plusieurs études affirment que dès le premier cycle du primaire, l'enfant en situation d'échec scolaire est enclin à décrocher au niveau des études secondaires156. Un seul parent indique un mécontentement quant au parcours scolaire différent auquel est confronté son enfant: «Moi j'me dis y a trop, t'sais, tu vas dans une classe spéciale, c'est correct, l'année d'ensuite, tu peux remonter. Mais nous, elle reste tout le temps dans le même niveau. T u sais, la seule affaire qui sort, c'est le professeur. C'est tout...».

Il semble exister une méconnaissance du degré de difficultés des enfants de la part des parents. On semble confondre désintérêt et problème d'apprentissage: «Yan (7 ans, lère année) est très bon à l'école. Pis y s'ennuie à l'école, parce que y a rien de bon à faire... C'est pour ça, y va dans une classe spéciale par rapport à ça. Ça fait que Yan il a un problème entre les deux oreilles. Il a un problème de... de langage. C'est rien que ça le problème.»; «Ça va pas ben dans ses études, mais le directeur m'a parlé en me disant que il est très intelligent, pis il est très bon. C'est parce qu'il est sans cœur. (...) Ça va débloquer, on l'sait pas. C'est pour ça qu'il veut l'mettre dans une classe spéciale...ça se peut qu'y donnent des pilules pour le réveiller. Pis moi j'suis contre ça. C'est pas un super actif...».

Nous avons donc cherché à connaître les critères d'évaluation qu'utilisaient les parents afin de juger de la performance scolaire de leur enfant. Nous avons relevé deux méthodes d'évaluation: les résultats scolaires et les efforts déployés par les enfants. D'une part, la moitié des parents (9/18) estiment la réussite scolaire de leur enfant par le biais du bulletin reçu à chaque fin d'étape: «Mais généralement, si on calcule sur un échelle de 100%, Cathy (8 ans, 2e année) se tient à 80% quasiment tout le temps..»; «Ses notes sont remontées là. Depuis qu'elle a recommencé sa troisième, c'est plus facile, elle trouve ça déjà connu...».

D'autre part, la moitié des adultes (9/18) semblent juger la réussite scolaire de leur enfant plutôt à la lumière des efforts et de la persévérance que ceux-ci démontrent, en dépit des problèmes: «Ça va assez bien... quand y se force pis toute là... qu'y se concentre ben...»; «On m'a dit qu'elle réussit pas bien là. Mais d'après moi, si elle continue là ça va aller bien, t'sais. Elle fait l'effort des lectures, elle fait l'effort de l'écriture...»; «Si elle faisait des fois un peu plus d'efforts, j'lui fais comprendre, j'essaie du moins, elle réussirait beaucoup mieux, beaucoup mieux.».

De fait, plusieurs éléments indiquent que le parcours scolaire des enfants à l'étude s'avère ardu et l'on verra plus loin qu'il s'apparente fortement à celui de leurs propres parents. De plus, la méconnaissance des difficultés d'apprentissage de leur enfant confirme la notion d'opacité des relations familles/écoles traitée par Le Breton157. L'univers scolaire demeure très souvent étranger aux parents issus de milieux populaires puisqu'ils ne sont pas familiers avec le fonctionnement, les critères d'évaluation, les exigences des apprentissages, etc. De plus, l'information reçue demeure complexe, par conséquent l'interprétation qu'ils en font est souvent erronée. Le fait que les parents interprètent pour la plupart le redoublement comme un processus permettant d'augmenter les chances de réussite en est un bon exemple. Doit-on questionner la qualité des communications, la vulgarisation des informations ou encore la lisibilité des documents? Il serait fondamental de se pencher sur cette question puisque la méconnaissance des difficultés des enfants par leurs parents est une lacune qui influence sûrement la dynamique des relations parents/enfants au niveau de l'encadrement et du suivi scolaire.

Les outils et les moyens de communication

La recherche-action portant en partie sur les relations entre les parents et l'école, il nous semblait indispensable de sonder les moyens et les outils de communication permettant à ces deux «acteurs» d'entrer en contact. L'analyse démontre que deux instruments sont utilisés ou consultés couramment par l'ensemble des parents: l'agenda scolaire et le téléphone.

L'agenda s'avère l'outil le plus utilisé entre les parents (18/18) et le personnel scolaire. Toutefois, son utilisation est de nature fonctionnelle et indirecte: prévenir d'une absence, prendre un rendez-vous, offrir un suivi du cheminement et du comportement de l'enfant en classe: «J'ai eu un message à écrire dans le style: Charles (9 ans, 2e année) a un rendez-vous telle journée y sera pas là, quelque chose comme ça là...».

Par ailleurs, le contact téléphonique s'avère l'outil de communication direct privilégié par la majorité des parents (14/18), mais surtout en cas d'urgence: «C'est vraiment en dernier recours, le téléphone. Si y a de quoi qui presse...»; «Si il y a un problème majeur là je téléphone, je l'écris pas, je téléphone...». D'autres (4/18) l'utiliseront comme un moyen de pallier leurs difficultés en écriture: «J'écris pas plus quand même dans l'agenda, c'est plus que j'va téléphoner. Ça va plus vite pour moi... Y a des mots que j'saura pas...»; «C'est ma femme qui écrit, sinon c'est: "Veuillez s'il-vous-plaît me téléphoner"».

Dans l'ensemble, les parents interrogés semblaient satisfaits des instruments de communication préconisés par les établissements scolaires, mais les propos d'un participant nous laisse croire qu'ils pourraient être davantage personnalisés: «au téléphone j'aime pas ça, j'aime mieux parler quand même en visage à visage...».

Les contacts des parents avec l'école

Nous avons demandé aux parents s'ils siégeaient sur le conseil d'établissement de l'école de leur enfant. Dix-sept parents se sont prononcés là-dessus; aucun d'entre eux n'exerce ce type de rôle, bien que cette participation ne soit pas nécessairement plus élevée pour autant au sein des familles plus scolarisées. La moitié des parents de l'échantillon (9/18) se sont justifiés de leur non-participation en invoquant une multitude de motifs, les voici.

Deux parents disent avoir antérieurement fait partie du comité d'école de leur enfant, mais leur expérience ne semble pas très concluante: «Ben, je trouve (...) que les parents y ont pas grand chose à dire là... c'est plus comme la directrice qui parlait, pis plus la présidente en haut, mais les décisions c'était pas nous pareil qui avaient les décisions finales...». Deux autres parents évoquent sensiblement les mêmes motifs sans avoir jamais participé à ce type de rencontres: «Non, pis j'veux rien savoir de ça... C'est pas notre p'tite opinion à nous autres qui va faire changer les choses. On a beau essayer de donner notre opinion pis toute, mais c'est jamais pris en considération...».

De plus, trois adultes indiquent que leur participation à un conseil d'établissement exigerait d'eux des atouts qu'ils ne maîtrisent pas suffisamment, dont les compétences à l'écrit: «Parce que j'suis pas forte là-dessus. Des choses en groupe j'suis pas forte. J'aime mes petites affaires là. Aller m'exprimer en groupe là, hum, pas vraiment...»; «J'ai déjà pensé, mais heu, parce que des fois j'suis gênée, pis vu j'sais pas lire des affaires de même j'ose pas trop... j'me bloque à cause de d'ça... ça tout le temps été à cause de ma lecture que j'me suis bloquée souvent...».

Finalement, deux parents mentionnent des avantages à siéger au comité d'école, mais par manque de temps ou de ressources financières, ils ne peuvent se permettre de s'impliquer: «Eux y vont deux ou trois fois par semaine (les membres du comité d'école). Ça veut dire qu'y doivent être plus au courant que les parents qui vont pas dans les heu, les comités de parents...».

À la lueur de ces témoignages, nous constatons que la participation des parents à un conseil d'établissement s'avère un défi difficile à relever pour la plupart d'entre eux et ce, pour des motifs qui semblent compréhensibles. D'abord, les propos des participantes démontrent un scepticisme palpable quant à leur degré d'influence sur les décisions qui y sont prises. Ensuite, certains révèlent l'absence de service mis en place afin de faciliter leur participation, tel un service de gardiennage. Il semble alors pertinent de réfléchir sur l'accessibilité de ces réunions concernant la vie scolaire des enfants qui touchent directement les familles. Selon Jacques et Baillargeon158, l'exosystème fait référence à l'espace à travers lequel des décisions sont prises touchant ainsi la vie de chacun des acteurs, et c'est un des lieux qui influence la réussite scolaire, compte tenu d'une perspective systémique.

Par ailleurs, nous cherchions à connaître les motifs et les occasions où les parent entrent en contact avec l'école de leur enfant. La totalité des parents indiquent s'y rendre pour les rencontres statutaires, comme la réunion des parents en début d'année scolaire ou encore lors de la remise des bulletins: «J'ai rencontré, toutes les rencontres avec les professeurs/suis là. J'suis toujours présente. J'vais aux rencontres. J'trouve ça essentiel...». Cela semble étonnant, car il y a beaucoup d'absentéisme déploré par les enseignantEs dans ces rencontres, d'après les témoignages de notre milieu et l'étude menée par Hohl et Normand159.

Par ailleurs, on note que près du tiers des parents (5/18) signalent qu'ils souhaiteraient obtenir davantage d'informations au sujet du comportement de leur enfant en classe et ce, en dehors des rencontres officielles: «La dernière qu'y a eu (la rencontre de bulletin), je n'étais pas convoquée. Et moi, j'ai exigé d'y aller. J'ai voulu y aller et j'ai voulu rencontrer toutes ses professeurs... Pis j'veux me tenir au courant aussi beaucoup sur l'éducation que j'leur donne, c'est-à-dire comment elles se comportent. Pas juste côté scolaire là. Le comportement à l'école...»; «Quand les profs nous convoquent les bulletins. Ça, j'y va. Comme là j'aurais pas été supposée d'y aller, heu, j'ai donné mon nom pour y aller parce que je voulais voir la professeur. Je voulais savoir ce qu'y arrivait avec ma fille là son comportement pis tout ça...».

Ces témoignages révèlent le désir des parents de participer à la réussite scolaire de leur enfant. On sent qu'ils veulent en connaître davantage sur le cheminement scolaire de leur enfant et ce, en dehors de l'aspect académique. La méconnaissance des difficultés des enfants n'est-elle pas à la source de ce souci des parents d'obtenir davantage d'informations sur leur enfant? Cette demande ainsi que leur absence de participation au conseil d'établissement ne reflètent-elles pas le concept d'opacité des relations entre familles et école traité plus haut?

Les perceptions du parent à l'égard de l'école de son enfant

Nous avons distingué les propos des parents selon qu'ils aiment ou n'aiment pas l'école de leur enfant. Les deux tiers des participantes (12/18) disent apprécier l'école de leur enfant, pour de multiples raisons. L'une de ces raisons est liée aux attitudes positives du personnel scolaire incluant les professeurs, la direction et les surveillants (7 mentions): «Oui, parce que j'aime beaucoup son prof..Pis j'aime parler avec elle parce que j'sais que elle m'écoute pis elle me donne de bons conseils.»; «J'ai un bon, bon directeur toute. Y s'occupe bien des enfants...»; «J'suis t'allée, à un moment donné juste par curiosité, vérifier voir si y avait des, pas des bénévoles, mais des professeurs, des surveillants dans la cour d'école, pis j'ai vu qu'y en avait beaucoup. Tandis qu'à l'ancienne école y n'avait pas assez, j'trouve...».

On observe également qu'un bon nombre de parents (7/12) aiment l'école de leur enfant parce qu'ils adhèrent aux règlements et au fonctionnement interne ce qui inclut l'atmosphère générale de l'école: «C'est un milieu, c'est très attrayant, c'est très coloré, c'est une école qui est très dynamique sur certains points... c'est très accueillant, pis y a beaucoup d'écoute...»; «Ben, j'veux dire y a ben des choses que, comme la violence... Si y a de la violence, y sont là. Y vont régler ça tout de suite, y niaisent pas...»; «Moi, j'aime leurs principes, t'sais. Comme les p'tits de la maternelle, ben y les font sortir avant les plus vieux. Ça fait comme ça y a moins de chamaillage...».

L'analyse révèle également que trois parents apprécient l'école de leur enfant, car ils estiment que l'environnement physique est adapté: «C'est un charme, tout est grand, le gymnase est grand...»; «Pis elle est belle en maudit (son école). C'est toute faite médiéval là. Ça c'est arrangé de même, pis y ont faite visiter la salle, bon la salle de musique, on avait toute visité l'école...».

Finalement, on retient un dernier point sur lequel les parents jugent qu'ils aiment l'école de leur enfant, soit les services de soutien scolaire; trois parents ont mentionné être satisfaits de ces services. Ceux-ci mentionnent la récupération après les heures de classe et les services offerts par les spécialistes (orthophoniste, orthopédagogue...) qui semblent améliorer le rendement scolaire de leur enfant.

Par ailleurs, le tiers des parents (6/18) semblent éprouver du mécontentement envers l'école de leur enfant et ils exposent plusieurs motifs à ce sujet. D'abord, près de la totalité des parents de cette catégorie (5/6) indiquent être en désaccord avec les règlements internes de l'école et ils n'apprécient pas davantage l'atmosphère qui y règne: «C'est une école d'enfer ça. Ouais l'agressivité j'trouve dans c't'école là terrible. Non, non, non, non, (le parent ne peut pas entrer dans l'école) y mettent des crochets dans le haut des portes là. Celle là, j'l'ai trouvé moins comique là... (...) J'me sens comme (si) j'les agresse»; «L'atmosphère est bonne, mais des fois quand je va là (à l'école), on dirait que j'suis, (...) je sais pas....J'reste pas, je reste pas longtemps (...) J'sors, pis j'rentre...».; «J'va t'dire franchement, y a rien là pour dire en particulier. Moi, à mon avis à moi, quand l'école va être fermée, heu ce sera pas une mauvaise affaire.»; «Moi, j'aime pas du tout cette école-là. (...) j'trouve qu'elle est frette, elle a l'air pauvre... Y a aucune activité pour les enfants en dehors.»

D'autre part, près de la moitié des adultes qui n'aiment pas l'école (3/6) mentionnent qu'ils n'approuvent pas l'attitude du personnel scolaire envers leur enfant. Ici, on distingue bien la double contrainte identifiée par Lahire160 où l'univers scolaire et l'univers familial entrent en conflit: «Un enfant, tu le prends en douceur, tu lui parles un peu raide, tu l'as perdu. Y doit parler raide (le professeur)... j'pense qu'y a assez d'enfants qu'y doit perdre patience. C'est certain...(...)... Être un petit oiseau pour voir... Hum, j'ai un doute là, j'suis ben sceptique...»; «C'était pas un professeur qu'y avait là; c'était une pimbêche, une bonne sœur qu'y fallait (...) des enfants à haut niveau. Faut qu'y se tiennent le dos droit, faut qu'y soient parfaits. Un enfant, c'est un enfant... Pis, moi faire passer des enfants pour des menteurs au profit des professeurs, moi j'le prends pas... C'est abaisser les enfants pour protéger les adultes».

Finalement, deux des participantes indiquent que rétablissement scolaire de son enfant n'offre pas assez de services de soutien pour aider ceux et celles qui sont en difficulté: «J'dis, ma fille a besoin d'aide. Pis j'étais là dans le bureau! Pis la prof elle..., la directrice elle a jamais voulu. Et puis, là elle a fini sa 5e année. Pis c'était marqué: Promu en 6e année avec aide. Avec soutien'. Elle lui (en) a jamais donné non plus...».

Bref, on constate qu'il existe plusieurs critères d'évaluation pour que les parents puissent se prononcer sur la satisfaction ou l'insatisfaction qu'ils ont à l'égard de l'école que fréquente leur enfant. On note que les critères d'appréciation, qu'ils soient de nature positive ou négative, portent sur les mêmes aspects: règlements internes, atmosphère, attitudes du personnel et les services offerts. L'analyse nous suggère donc l'importance, dans nos milieux d'intervention respectifs, d'évaluer l'ensemble de ces composantes afin de bien saisir les perceptions et les comportements des parents à l'égard de l'école. On observe donc que l'école est un tout qui s'avère être un second milieu de vie pour les enfants.

C'est pourquoi des auteurs comme Lahire161 et Montandon et Perrenoud162 s'entendent pour dire qu'il peut exister une double contrainte lorsque le milieu scolaire et le milieu familial entrent en conflit en raison des normes et valeurs parfois divergentes de chacun. Dans de tels cas, la discipline scolaire ainsi que la discipline familiale se confrontent et l'enfant est coincé entre ces deux univers. Ce phénomène génère souvent des tensions et il semblerait que ce type de confrontation s'avère plus fréquent au sein des milieux populaires.

Les relations entre le parent et le personnel scolaire

Après avoir survolé les moyens et les outils de communication ainsi que les contacts entre le personnel scolaire et les familles, il devenait pertinent d'identifier la qualité des relations entre ces deux milieux ainsi que les sentiments vécus par les parents à cet égard. Rappelons que les 18 parents interrogés sont en contact avec plusieurs écoles, donc le personnel scolaire dont il est question varie. L'analyse nous a permis d'ériger trois types de rapport interpersonnel: relation dialogique, relation confrontante et méconnaissance mutuelle des acteurs. Le terme dialogique indique que deux individus entrent en interaction dans le but de trouver une entente, un compromis et où il y a place à la négociation163. À l'opposé, on qualifie la relation de confrontante lorsque les personnes en cause sont heurtées dans leur propre idéologie. Il est à noter que certains parents se sont prononcés sur les trois types de rapport puisqu'ils sont en relation avec plusieurs acteurs scolaires. Les résultats dépassent donc 18.

Tout d'abord, plus des deux tiers de l'échantillon (13/18) mentionnent entretenir une relation dialogique avec au moins un des membres du personnel scolaire:«Le point fort de l'école, J'trouve c'est les professeurs. (...) y ont une manière d'aborder les enfants, le réglage de conflits. Ça j'ai trouvé ça merveilleux.»; «La directrice aussi (est fine)... Elle était ouverte, une belle approche». Une mère souligne la disponibilité du personnel comme un élément très positif: «La directrice nous avait appelé, vu qui changeait d'école. Elle dit: "Venez me voir "... On l'a rencontré peut-être deux, trois fois, avant que l'école commence. Elle dit: "Toutes les fois qu'on peut, viens me voir"...».

On constate que pour établir une relation aidante en milieu scolaire, les parents doivent se sentir partenaires de la réussite. Selon Chauveau et Rogovas-Chauveau164, la réussite des enfants découle d'un système de relation harmonieux au sein d'un trio comprenant l'élève, l'enseignant et le parent, tel que l'exprime cette mère: «On essaye de faire quelque chose pour aider mon plus vieux, le professeur, le directeur, pis moi ensemble. Y sont là pour m'aider, on va toute s'aider». Ces témoignages démontrent l'importance que les parents accordent à l'écoute, au respect et au soutien provenant du personnel enseignant. Ils se sentent alors épaulés dans leur rôle et encouragés: «Ça se passe bien, un bel accueil. Pis on parle des points faibles de Marie (10 ans, 3e année) ou ses forces... qu'est-ce que je fais à la maison pour l'aider... là j'me sens moins coupable là, je fais ce que j'peux... Il y a beaucoup d'écoute...».

À l'inverse, plus de la moitié des parents (11/18) mentionnent que la relation qu'ils entretiennent avec l'un des membres du personnel scolaire s'insère dans une dynamique de type confrontante: «Ça va pus à cette école-là. Des fois les enfants là, y posent des questions à la maîtresse. La maîtresse elle dit: "J'ai expliqué une fois pis ça suffit". Des fois, (...) j'suis (à) veille de la battre, elle...»; «Des fois, j'va parler à la directrice. La directrice est pas... Y sont pas favorables eux autres».

«Samuel (8 ans, 2e année) se faisait agacer à l'école. Pis c'est toujours la faute sur Samuel heu... pis de l'injustice de l'école. C'est ça, y a de l'injustice à l'école...»; «elle (la directrice), (...) c'est que heu, j'la sens pas honnête. Ça pour moi, c'est ben dur.»; «La directrice, je l'haïs pour mourir. Ben à cause de Julie (son enfant), elle a Julie en aversion. Pis elle est toujours après. Pis en plus elle m'énerve.»; «Son professeur, je le sens pas qu'elle l'aime.».

Les propos démontrent que plusieurs parents semblent percevoir qu'un sentiment d'injustice afflige particulièrement leur enfant: «Elle m'a dit (le professeur) qu'elle (mon enfant) avait des problèmes. J'admets que Nancy (8 ans, 2e année), oui, à quelque part elle a des problèmes, mais pas de toute lui mettre le tort là, t'sais là... Elle suit pas le groupe. Moi, elle (me) dit: «J'ai rien que dix élèves». Déjà, c'est une classe à affectif réduit... On se sent écrasé, heu... la famille vis-à-vis l'école à Nancy (8 ans, 2e année)... C'est Nancy qui est le tort, mais eux autres y voient pas les leurs, tu sais...». Un rapport de force semble s'être établi entre les deux parties.

Dubet et Marttuccelli165 expliquent le sentiment d'injustice vécu par les parents en milieux populaires par le souci de défendre leur image, car ils se sentent souvent jugés négativement par les acteurs scolaires. Or, Chauveau et Rogovas Chauveau166 mentionnent que les rapports sociaux éducatifs de nature négative entre les acteurs, tels l'exclusion ou la méfiance, défavorisent les chances de réussite scolaire des enfants.

En somme, les parents se donnent la responsabilité de défendre leur enfant dans le cas d'une relation confrontante où ils se sentent d'office jugés et méprisés. On semble être en présence d'une dynamique où deux acteurs s'opposent et où il n'y a aucune place pour la négociation. Il devient alors difficile d'entretenir une communication claire et par le fait même trouver un terrain d'entente. Leurs témoignages laissent voir la présence d'émotions vives et troublantes au sein de ces relations conflictuelles. Toutefois, les parents ne semblent pas l'extérioriser pour autant: «C'est la première fois que j'ai un professeur que j'suis pas capable d'avoir de contact. J'ai ben de la misère. J'y ai pas dit au professeur là. Je fais semblant (que) j'suis bien en contact avec, là. J'pense qu'elle est souvent sur le dos de mon gars... j'me sens confortable dans l'école, mais pas confortable dans la classe... Non, elle ne tient pas compte de qu'est-ce que je fais avec...» On peut supposer que la communication, quand elle est mal établie ou négative, est empreinte de non-dits. Bref, pour certains parents, on constate qu'il existe des tensions réelles au sein des relations parents/école.

Par ailleurs, l'analyse des résultats nous a mené à l'élaboration d'une autre catégorie qui représente la méconnaissance mutuelle des acteurs, ce qui touche près de la moitié des familles rencontrés (8/18). Ce type de rapport est entretenu surtout avec les professionnels offrant des services spécialisés aux enfants en difficulté et également avec la direction de l'établissement. Notons que près de la moitié des enfants (7/18) issus de l'échantillon bénéficient de l'aide d'un spécialiste: orthophoniste, orthopédagogue, psychologue, etc. Or, la majorité des parents touchés par ces interventions (5/7) ne peuvent identifier clairement le service dont bénéficie leur enfant: «Comme (je) te dis français, dans la gymnastique heu, ça, y aime pas ça d'après une madame là qu'y s'occupe de lui là, Louise, y en a trois femmes après lui, pis y aime pas ça... J'aimerais ça voir la personne, voir les femmes là. Moi les difficultés c'est quoi aussi, le p'tit aussi là. Mais eux autres y me l'dit pas..»; «Il est suivi par un pé...pé... quelque chose là, un comment on appelle ça?...»; «Pis elle va faire des cours dans, comment elle s'appelle déjà? Karine. Qui s'occupe de Christine (8 ans, 2e année). C'est ortho, orthophoniste, j'pense. En tout cas une gogue, c'est quoi ça?...».

Le suivi des spécialistes semble méconnu des parents; le rôle qu'ils jouent auprès de leur enfant semble vague. On comprend pourquoi les parents ignorent les difficultés réelles de leur enfant. À cet effet, Dubet et Martuccelli167 mentionnent que la méconnaissance mutuelle provoque de l'incertitude et de l'angoisse chez les parents. L'arrivée d'un spécialiste dont les fonctions sont méconnues et qui prononce un diagnostic sur l'enfant engendre généralement un sentiment de méfiance. Enfin, trois autres parents ont spécifié n'avoir eu aucun contact avec la direction de l'école que fréquente leur enfant: «Bah, J'dirais, à la directrice, mais j'lui ai jamais parlée, j'l'ai jamais vue...».

Cette section nous permet donc d'évaluer l'importance des communications régulières et claires entre le personnel scolaire et les parents afin d'augmenter les chances de réussite chez les enfants. Les rapports conflictuels ou de méconnaissance mutuelle dominent; ils engendrent incompréhension, frustration et mécontentement pour les parents. Ce constat appuie en partie les travaux de Lorcerie168 qui avance que le non-dialogue est la forme de communication qui prévaut encore aujourd'hui au sein des relations entre les enseignantes et les familles peu scolarisées. Comme Pourtois et Desmet169 l'indiquent, une communication claire et constructive entre ces deux univers exige un espace pour la négociation et un réel désir d'atteindre un consensus de la part de tous les acteurs.

Les améliorations souhaitées par le parent

Nous avons voulu connaître le point de vue des parents sur les améliorations à apporter à l'école de leur enfant. Plusieurs suggestions ont été formulées et ce, par la majorité des parents (14/18); certains ont fait plus d'une mention. Nous avons donc regroupé l'ensemble de suggestions en huit catégories. D'abord, près du tiers des participantes (5/18) mentionnent qu'ils apporteraient des modifications à l'environnement physique de l'école de leur enfant pour en faire un milieu plus vivant, plus coloré: «Que (ce) soit en ordre, les murs peinturés, tout enlever toute la moisissure, pis toute refaire ça, le classes, le gymnase, pis les vitres...».

Ensuite, quatre parents indiquent qu'ils voudraient des changements de personnel: «Changer la directrice. Pour toutes les choses, pis l'organisation. Parce que dans les débuts de l'année c'était l'enfer. Y avait rien d'organisé, c'était le bordel...». Deux parents désirent également bénéficier d'une surveillance de qualité à l'intérieur de l'établissement pour en faire un milieu plus sécuritaire: «La surveillance des enfants, j'ai l'impression qu'y ont pas le personnel vraiment adéquat pour le faire.». Deux autres parents affirment que le ratio élève/professeur est vraisemblablement trop élevé, ce qui leur fait craindre l'échec pour leur enfant: «C'est des grosses classes pareil là, J'trouve qu'y sont trop nombreux dans leur classe... pis ceux qui ont des difficultés, (...) mes enfants, mon petit garçon y va commencer la première hein... c'est juste trop d'évasion. Plus t'as de choses qui bougent autour de toi, plus ça va le distraire...».

Par ailleurs, deux adultes souhaiteraient augmenter la fréquence et la qualité des rencontres parent/enseignantEs: «C'est peut-être beaucoup, beaucoup demander là, mais t'sais rencontrer les parents, peut-être une fois par semaine, t'sais pis faire un groupe de parents dans leur classe, là t'sais. On dit le vendredi bon, ben on fait venir les parents... on pourrait parler de n'importe quoi en même temps... pis connaître plus le professeur...». Dans la même veine, deux parents souhaiteraient un soutien plus humain des spécialistes œuvrant auprès de leur enfant: «Ben les psychologues, de voir à ce que y l'ont pas toujours l'enfant, qu'y voyent approfondi, si y savent que l'enfant est déjà écrasé, sans l'écraser plus... pis de voir quand qu'un enfant fait quelque chose de bien, là au moins lui dire: "Bon, t'as réussi"...». Finalement, un parent affirme qu'il n'y a pas assez d'activités parascolaires alors qu'un autre souhaiterait que les enfants disposent de matériel informatique en plus grande quantité.

Bref, on constate que les parents ont des revendications de tout ordre pour améliorer l'école de leur enfant. Toutefois, on remarque que l'ensemble de ces propositions sont en lien direct avec la perception qu'ils ont de l'école de leur enfant et découlent également de la nature ainsi que de la qualité des relations entretenues avec le personnel scolaire.

4.5 Les rôles et responsabilités des parents

Toute notre recherche tend à mieux comprendre les dynamiques familiales créées autour des pratiques de l'écrit et du suivi scolaire. Il est évident que les parents sont au cœur de cette problématique, bien qu'ils ne soient pas les seuls responsables de la réussite scolaire puisque l'école et d'autres ressources y contribuent aussi grandement. Comment les parents réussissent-ils à jouer leur rôle pour accompagner le cheminement scolaire de leur enfant? Quels sentiments éprouvent-ils à cet égard? Cette dernière section traite donc des parents selon divers aspects.

Nous survolons d'abord les antécédents scolaires des adultes en abordant leur cheminement scolaire, le soutien familial qu'ils ont reçu de leurs parents ainsi que les motifs d'abandon scolaire. Par la suite, nous portons une attention particulière à la valeur qu'ils accordent à l'éducation en général. Comme nous nous intéressons aux difficultés auxquelles sont confrontés les parents lorsqu'ils exercent leur rôle, notamment celui d'encadrer le suivi scolaire, nous analysons les propos des parents en rapport avec cette responsabilité. Enfin, nous décrirons brièvement quelques stratégies et moyens mis en œuvre par les parents, ce qui donne un aperçu du processus de transmission des valeurs et des savoirs au sein de la famille.

Les antécédents scolaires

Rappelons que selon les données recueillies dans le questionnaire (section 4.1), plus de la moitié des adultes (13/18) ont quitté l'école durant leur 3e secondaire ou avant, dont 3 au primaire. En entrevue, les parents semblent confus quant à leur cheminement scolaire: ils ne sont pas certains de leur dernier niveau de scolarité complété, et leur parcours semble chaotique et difficile: redoublements, passages en classes spéciales, déménagements, etc. «J'ai été changée beaucoup de places, pis ça a faite que j'me suis ramassée dans des classes spéciales à partir de 4e année...»; «Au secondaire, j'ai commencé à trouver ça plus difficile. J'étais pas dans des classes ordinaires...»; «J'étais en secondaire un, pis j'ai été obligé de retourner en troisième année pour apprendre les euille, ouille, ille, aille». La plupart des adultes (14/18) ont fréquenté une ou plusieurs classes spéciales, au primaire, au secondaire ou les deux. Il est même possible que le nombre de participantes ayant vécu ce type de parcours soit plus élevé, compte tenu de la difficulté chez plusieurs de décrire leur cheminement.

Par ailleurs, plus de la moitié des participantes (10/18) ont vécu un cheminement scolaire orienté vers le professionnel court afin d'y faire l'apprentissage d'un métier: «Eux autres, y m'ont envoyé faire un stage. Des stages pour être gardienne d'enfants, ou bien caissière dans un dépanneur... j'ai dit que j'aimais pas être caissière... j'aime autant la garderie... C'est pour ça j'garde des enfants peut-être aujourd'hui...». Rappelons que le professionnel court, un programme aboli par le ministère de l'Éducation depuis au moins 10 ans, ne menait pas à un diplôme d'études, mais conférait plutôt une attestation qui n'était pas reconnue pour exercer un métier le moindrement spécialisé.

On peut comprendre, vu ce cheminement, que les deux tiers des adultes (12/18) affirment qu'ils n'aimaient pas l'école: «J'ai jamais aimé l'école, là.. Je l'avais pas dans moi. Aller m'assir dans un banc d'école. Pis aller muser le derrière là». On constate que la présence de difficultés d'apprentissage et des conditions de vie difficiles engendrent souvent la solitude, le rejet pour ces adultes: «J'étais toujours en arrière, pis toujours à part. C'est pour ça que moi j'aimais pas l'école».

On note qu'ils se réfèrent principalement, comme ils le font avec leurs propres enfants, aux professeurs pour justifier leur appréciation ou non de l'école. «À l'école les professeurs étaient trop raides. L'enfant qui avait un problème... t'allais au tableau, là... Si tu faisais une lettre de travers, ou un chiffre de travers (...) Y te tapait la tête sur le tableau...»; «Quand j'ai tombé sur un professeur (...) où ça cliquait sa façon, là j'ai eu le goût de l'école...»; «J'avais un super de professeur aussi. Elle, je pense qu'elle incitait beaucoup à aller à l'école. Elle m'encourageait beaucoup à aller à l'école...».

Bref, la plupart des parents interviewés ont vécu un parcours scolaire tumultueux qui diffère d'une progression normale. Plusieurs d'entre eux étaient aux prises avec des problèmes d'apprentissage qui ont retardé leurs études ou encore leur entrée au secondaire.

Le soutien familial

Compte tenu des nombreux obstacles auxquels ils ont été confrontés, nous avons cherché à savoir s'ils ont été épaulés par leur milieu familial. De fait, plus des deux tiers des adultes (13/18) n'ont bénéficié d'aucun support de leurs propres parents au plan scolaire: «J'aimais beaucoup l'école, mais mes parents m'y envoyaient pas. (...) À l'école on m'appelait l'oiseau migrateur, mes parents déménageaient quatre fois par année...»; De ce lot, deux parents relatent que leurs frères ou sœurs leur sont sporadiquement venus en aide: «Des fois j'étais tout seul, j'cherchais là. Qui veut m'aider? Les plus grands, ben les plus grands m'aidaient. Ça arrivait. Mais pas tout le temps...». Les autres parents (5/18) mentionnent avoir reçu une aide satisfaisante de leurs parents. Selon certains, l'école était un atout important pour leurs parents, ou ceux qui les ont remplacés: «En foyer d'accueil, oui. Eux autres y m'ont bien encadrée. Un enfant bien encadré y va bien aller à l'école».

Toutefois, on constate que lorsque les parents bénéficiaient d'un soutien familial, celui-ci semblait souvent rigide, autoritaire et peu propice à la réussite: «Pis mon père y s'intéressait (à l'école oui) à coup de règle, pis à coup de strap, si je réussissais pas. Mon père était très sévère, ma mère, elle pouvait pas nous montrer rien, parce quelle était presqu'illettrée...»; «Ça fait que mon père il était fort là-dessus, en mathématiques là. Y s'assoyait, pis les tables de multiplication t'avais d'affaire à les savoir. Y nous faisait répéter, pis répéter, pis répéter...».

Nos résultats révèlent que l'univers scolaire et l'ensemble des responsabilités qui y sont associées étaient assumés presque entièrement par ces parents lorsqu'ils étaient jeunes. En somme, l'absence de soutien familial pour la majorité des parents interrogés semble être une variable importante dans le fait qu'ils ont connu un cheminement scolaire perturbé et qu'ils n'ont pas obtenu un diplôme d'études secondaires. Cela semble corroborer de nombreuses études, notamment Norris170, qui stipule que l'intérêt et la participation active des parents au niveau de l'éducation favorisent un meilleur rendement scolaire chez les enfants. Comme nous l'avons vu en début de chapitre, la scolarité des parents des adultes interrogés semble plutôt faible. On peut donc observer une récurrence de difficultés et d'échecs scolaires puisque nous sommes en présence de témoignages portant sur trois générations, qui indiquent que le rapport à l'école est difficile, confrontant, source répétée de méfiance et d'impuissance.

Les motifs de départ de l'école

Tous les adultes interrogés n'ont pas terminé leurs études secondaires, ce qui était l'un de nos critères de sélection. Nous avons voulu connaître les causes qui ont provoqué ce décrochage. Plus des deux tiers des parents de l'échantillon (13/18) ont quitté l'école pour travailler, dont deux afin de quitter leur foyer d'accueil et subvenir à leurs besoins. L'attrait pour le marché du travail s'avère compréhensible, car comme nous l'avons vu plus haut, plusieurs sont confrontés à des échecs récurrents et ils n'entrevoient pas la possibilité de décrocher un diplôme: «C'est parce que j'avais goûté au marché du travail l'été. Ça fait que veux, veux pas, on goûte, plus on gagne notre argent, on est plus indépendant. Là quand l'été est fini tu retournes à l'école ben j'voulais pas...». Pour plusieurs, quitter l'école est la seule issue possible: «Parce que dans le temps j'étais en foyer d'accueil et puis heu, bon, j'dirais soit le travail, soit l'école. J'ai préféré le travail, parce qu'il fallait que j'm'en sorte...»; «T'arrives (à) dix huit ans, les services socials payent pu pour toi. Faut qu'tu travailles». De plus, ayant acquis les rudiments d'un métier durant leur passage au professionnel court, on peut comprendre leur intérêt pour le marché du travail, qui représentait une possibilité de valorisation personnelle qu'ils n'avaient pas connu à l'école.

D'après les réactions des adultes, il semble que cette décision de quitter l'école a été rapidement entérinée par leurs parents, qui eux-mêmes n'avaient pas fait de longues études: «La famille d'accueil chez qui j'étais, j'les critique pas, c'était des excellents parents. Sauf que, c'que j'ai toujours déploré d'eux, c'est qu'y m'poussaient pas à l'école. Pour elle, en autant qu't'ayes un emploi, peu importe si tu finis caissière dans un dépanneur, c'est pas grave, tu travailles». Le désintéressement démontré chez les parents des adultes a vraisemblablement influencé leur choix de quitter l'école. La valeur du travail semble beaucoup plus élevée que celle de l'école lorsque vient le temps de faire des choix à l'âge de 17 ou 18 ans: «Ben y ont rien dit (ses parents), parce que j'travaillais ça fait que, comme eux autres dans leur temps, (...) c'était mieux de travailler que avoir des études dans le fond... C'était soit que t'ailles à l'école, soit tu travaillais. Ben moi, j'ai décidé d'aller travailler...»; «Comme maman a dit là, si tu veux pas aller à l'école, mais cherche de l'ouvrage. Et j'ai trouvé des p'tites jobines. Ai passé des circulaires... Là après ai travaillé dedans la couture, des perruques...».

Par ailleurs, les autres adultes (5/18) ont quitté l'école surtout en raison du découragement ou d'un écœurement découlant de leurs nombreuses difficultés d'apprentissage: «Oui, parce que j'étais écœurée, j'avais un examen, j'avais zéro. Ben, pas un zéro là, mais on peut dire, 50, 40. J'étais découragée, j'en braillais parce que j'étudiais, j'étudiais pis toute, pis y a rien qui rentrait...»;. «J'arrivais chez nous, j'avais beaucoup de devoirs. Là, j'me suis comme écœurée là t'sais. J'dis câline, y a personne qui veut m'aider... Aussitôt que j'ai pogné mes quinze ans j'ai lâché l'école».

À cela s'ajoutent, pour plusieurs parents, des conditions de vie difficiles: violence conjugale, négligence, grossesse précoce, consommation de drogues, etc. Tous ces facteurs se conjuguent pour rendre inévitable le départ de l'école: «J'ai décroché, mais, c'est parce que moi j'ai mis à consommer beaucoup de drogue...»; «J'suis tombée enceinte de ma première à 17 ans, c'est pour ça. J'étais en amour»; «Difficulté de concentration... Pi (mes)parents... C'était de la violence conjugale... moi j'avais 17 ans, mes parents divorçaient, moi j'étais sur le marché du travail. J'ai commencé de travailler...».

Bref, presque la totalité des parents présentent un parcours scolaire pénible et empreint d'expériences néfastes qui ont certes amputé la poursuite de leurs études. Lors des entrevues, nous avons été à même de constater qu'il était douloureux, pour les parents, de ressasser ces mauvais souvenirs. On constate également que plusieurs ont un vécu éprouvant tant au niveau de l'univers scolaire que de leur univers familial. Nos observations rejoignent celles de Bouchard et ses collaborateurs171 qui stipulent que les conditions de vie telles que la pauvreté, la violence, la toxicomanie représentent des facteurs de risques qui augmentent les possibilités de décrochage scolaire.

En somme, les difficultés scolaires, l'absence de soutien familial et les conditions de vie difficiles sont les trois principales composantes qui ont provoqué le décrochage scolaire des adultes et leur aversion pour l'école. Ce constat vient appuyer l'hypothèse que l'expérience d'un parcours scolaire pénible peut se perpétuer de génération en génération. On comprend mieux à quoi les parents sont confrontés avec leurs enfants lorsqu'on prend conscience du passé scolaire qu'ils traînent et le peu d'images positives qu'ils conservent de leur propre milieu familial. Nos observations corroborent les travaux de Lahire172 à l'effet que les parents ayant souffert de leur parcours scolaire transmettent à leur enfant ses angoisses et l'idée que l'expérience scolaire s'avère négative et blessante.

La valeur accordée à l'éducation

La quasi totalité des parents (17/18) accordent en principe une valeur importante à l'éducation lorsqu'on leur a posé la question, alors qu'un seul affirme que l'éducation est une valeur qui n'a jamais occupé une place centrale dans sa vie: «Ça jamais été important pour moi, j'ai toujours haïs ça.» Mentionnons d'abord que tous les parents ont associé directement le terme «éducation» à «école», alors que l'éducation réfère en fait à toutes les sphères (l'école, mais aussi la famille et ailleurs) et à toutes les étapes de la vie, de l'enfance à l'âge adulte. En effet, on parle de plus on plus de l'importance, voire la nécessité de l'apprentissage tout au long de la vie. Il faut dire que nos questions d'entrevue ont peut-être orienté les personnes dans ce sens trop étroit...

Les parents mentionnent essentiellement que l'éducation, vue sous l'angle scolaire, est fondamentale pour acquérir un statut social convenable au sein de notre société: «Parce que c'est ça qui t'emmène à t'instruire, à te gagner ton argent honnêtement dans la vie. À la place d'aller voler, pis tuer le monde, pis prendre ce qui a. Ouais, l'école c'est bien important dans la vie...»; «Pour l'éducation de la petite (...). Si elle veut faire quelque chose dans la vie. Si elle veut apprendre, pis aller plus loin...»

Les deux tiers des parents (12/18) associent surtout la valeur de l'éducation à un statut socio-économique plus élevé par le biais d'un meilleur emploi ou simplement d'en obtenir un: «Ben parce qu'aujourd'hui, si t'as pas d'éducation tu vas avoir de la misère à te trouver une job plus tard.»; «Pas d'études pas de travail plus tard. À c't'heure s'trouver un emploi y demandent toute des secondaires cinq. S'en aller seulement qu'vidangeur, ça prend un secondaire cinq». De ce lot, six parents constatent que les exigences du marché du travail sont plus élevées qu'avant. Ils insistent donc particulièrement sur la nécessité de compléter un diplôme d'études secondaires, un seuil qu'eux-mêmes n'ont pas atteint. De ce fait, ces parents semblent s'inquiéter davantage pour leurs enfants que pour eux-mêmes: «Si t'as pas d'éducation aujourd'hui, t'as pas d'ouvrage»; «Si tu prends la génération que ma fille elle est, moi dans mon temps là sans avoir de secondaire cinq tu pouvais t'trouver une job. Aujourd'hui, t'as pas grand chance».

On constate que pour la majorité des adultes, la valeur de l'éducation prend surtout la forme d'un secondaire cinq complété. On comprend dès lors que l'éducation devient une obligation sociale et non pas quelque chose d'agréable et de stimulant «en soi». Les adultes s'entendent surtout pour dire que l'éducation - sous entendu l'obtention du fameux diplôme d'études secondaires - s'avère un préalable à l'obtention d'emplois offrant de meilleures conditions et de meilleurs salaires. Peut-on penser que le consensus des parents à ce sujet découle du fait qu'ils ont eux-mêmes échoué et qu'ils souhaiteraient que leur enfant parvienne à les devancer? Lahire173 explique qu'il est fréquent en milieux populaires que les parents souhaitent désespérément que leur enfant ne les prennent pas comme modèle. Ce désir d'ascension sociale engendre parfois des comportements rigides ou maladroits en contradiction avec leur souhait initial: «J'lui dis: "Yan (7 ans, lère année) si tu parles toujours en classe, j'va m'organiser avec Martine (le professeur), qu'elle t'fait faire des copies, si t'as pas assez d'ouvrage, ben j'va t'en trouver"...».

Par ailleurs, près du tiers des parents (5/18) perçoivent l'éducation sous une dimension qui diffère de l'aspect économique et de l'obtention du diplôme. Ils attribuent à l'éducation la propriété d'inculquer des savoirs et des compétences sociales qui favoriseraient l'intégration de leur enfant dans la société: «C'est pas juste apprendre là-dedans, y a la vie sociale avec les autres»; «T'apprends à lire, à écrire, à vivre parmi d'autres, à être moins égoïste un peu. À penser à d'autres, à faire le partage, c'est une chose que oui, c'est important. Pis avec ça, tu peux aller loin.»; «Le respect d'autrui, ça t'amène beaucoup à cheminer. Beaucoup de règles de conduite à l'école. Pis s'habituer à avoir un environnement, vivre en société avec les autres...».

On note aussi que cinq parents associent l'éducation à l'acquisition des connaissances de base: lire, écrire, compter. Leurs propos nous laissent croire qu'ils ne perçoivent pas le fait que l'école puisse s'élargir à d'autres connaissances. Peut-être simplement se réfèrent-ils à ces notions parce qu'elles leur manquent aujourd'hui et c'est pourquoi elles leur paraissent essentielles.

En somme, du point de vue des parents, on peut dire que l'éducation est associée étroitement à l'école et qu'on oublie les autres espaces d'éducation. L'éducation vue sous cet angle s'avère importante pour presque tous les parents. Cette importance est associée à l'obtention d'un diplôme d'études secondaires qui conduirait à un emploi plus sûr et mieux rémunéré. Puis, certains mentionnent également l'importance de la socialisation de leur enfant ainsi que l'apprentissage des outils de base en lecture, en écriture et en mathématique.

La perception des parents à l'égard de l'avenir de leur enfant

Nous avons interrogé les parents sur deux aspects liés à l'avenir de leur enfant: les probabilités de poursuite d'études et l'occupation professionnelle éventuelle. Près du deux tiers des adultes rencontrés (11/18) semblent appréhender un décrochage scolaire chez leur enfant. On sent dans leurs propos de l'ambivalence, mais surtout de l'inquiétude et du défaitisme, comme s'ils ne pourront rien faire le temps venu pour éviter cet éventuel décrochage: «C'est un enfant qui va s'écœurer tout le temps à force de faire de l'école spéciale. Elle a fait deux fois la 1ère année. Pis là ça va faire sa deuxième fois qu'elle va faire la 2e année. Ça fait que ça va être sûrement quelqu'un qui va décrocher plus tard. Pis là j'pourra plus intervenir.»; «Jusqu'à date, là il aime ça. T'sais si ça continue de même, d'après moi y va peut-être faire son secondaire. "D'après moi, oui, elle va aller à l'école longtemps. Mais c'est rendu au secondaire que ça change hein, le primaire (ça) va bien, mais au secondaire, j'ai peur un peu.»; «Heu, je l'sais pas. Peux pas te dire. (...) moi j'va essayer de l'toffer au boute jusqu'à secondaire cinq, si y veut. Mais si, si y veut pas là, j'sais pas quoi faire...».

On observe donc que les parents, même s'ils disent que c'est un objectif nécessaire, expriment une incertitude quant à l'obtention du diplôme d'études secondaires chez leur enfant. On compte cependant près du tiers des parents (5/18) qui prévoient que leur enfant obtiendra au moins le diplôme d'études secondaires. Parmi eux, deux parents seulement évoquent la possibilité que leur enfant entreprenne des études au Cégep ou à l'Université. Ils misent en particulier sur trois aspects, soit l'encadrement, la disponibilité et les encouragements: «Parce que j'va la pousser, heu pas la pousser dans les fesses, pis dire avance. Mais lui montrer l'avantage... Oui elle va rusher, oui elle va rager, mais je crois qu'avec mon encouragement en tant que parent, je crois qu'elle va y aller (au Cégep)...»; «C'est être plus attentif à elle prendre son temps avec, lui montrer des affaires. Moi j'aurais aimé ça que les miens (mes parents) m'auraient forcé, y m'auraient plus forcé. Peut-être j'serais encore là aujourd'hui, mais j'aurais peut-être de quoi en- dessous des pieds, plus importants là...»; «J'pense qu'y va avoir beaucoup d'opportunité lui parce que y aime l'école. Ça fait qu'y pourrait aller loin c'est possible.»; «Si j'continue à lui faire aimer l'école pis lui montrer l'école autrement qu'une obligation. Je pense que oui, y va continuer longtemps...». Finalement, deux parents étaient incapables - ou ne souhaitaient pas? - prédire l'avenir scolaire de leur enfant: «Je sais qu'y va aller mal dans ses études, je le sais pas. Je pense à rien..».

En somme, lorsqu'on demande aux parents de projeter l'avenir de leur enfant, on dénote plusieurs appréhensions et un regard plutôt pessimiste. Pour un bon nombre de parents, la poursuite des études est liée avec le fait que leur enfant aime ou non l'école. Leur vision n'est-elle pas teintée par leurs propres antécédents scolaires? La société, axée sur la performance, n'alimente-t-elle pas les représentations négatives que les parents ont d'eux-mêmes et celles qu'ils entretiennent face à l'avenir de leur enfant?

Par ailleurs, nous avons tenté de connaître les projections des parents à l'égard de l'occupation éventuelle de leur enfant. Sept parents ont indiqué qu'ils n'avaient aucune opinion ou prédiction à cet effet. Pour les autres (11/18), nous avons distingué trois catégories selon la scolarisation exigée.

Ainsi, 6 parents prétendent que leur enfant occupera un métier c'est-à-dire un emploi exigeant soit un diplôme d'études secondaires ou un diplôme d'études professionnelles: «...Ça doit être un travailleur de...pour la ville parce que... (...) comme un gars de construction, parce qu'il est costaud»; «Moi j'dis que Éric (6 ans, 1ère année) là y va travailler dans un garage où-ce qu'y a des autos (...) Pis qu'arrange des flats, que y'arrange des moteurs...» De ce lot, 2 parents espèrent que leur enfant évoluera au sein du sport professionnel: «Elle a tellement de qualités, heu, elle aime la danse, elle va se promener sur la pointe directement, elle est bonne en natation».

Par ailleurs, 5 parents souhaitent que leur enfant entreprenne une carrière professionnelle, dont trois pour des emplois requérant des études universitaires, sans toutefois en faire mention explicitement: «Vu qu'il est intellectuel, t'sais comme peut-être architecte, quelque chose comme ça, oui ça être graphiste, ça serait de quoi qu'il adorerait...»; «Y va venir sûrement être l'avocat du diable. Ouais, y a le potentiel.» Enfin, les deux autres parents croient que leur enfant occupera un poste de technicien c'est-à-dire un emploi nécessitant un diplôme d'études collégiales: «pis elle veut faire policière, elle. Pis j'la vois, j'la vois c'est son style, c'est une p'tite fille qu'y faut qu'y se passe de l'action»; «Je sais pas, peut-être infirmière. (...) infirmière ou ben dessinatrice, elle aime ben le dessin...».

Bref, les propos de plusieurs parents semblent révéler peu de conviction et des réflexions plutôt mitigées à l'égard de l'avenir professionnel de leur enfant. On observe une cohérence, car nombreux sont ceux (11) qui appréhendent le décrochage scolaire chez leur enfant, un sentiment qui influence certainement la perception qu'ils ont à l'égard de l'avenir de celui-ci.

Par ailleurs, nous avons cherché à connaître les aspirations globales des parents à l'égard de l'avenir de leur enfant. Il s'agit donc ici plutôt de l'avenir souhaité dans une perspective idéale. Les résultats ont permis de distinguer quatre catégories d'espoir à ce sujet: l'acquisition de statuts sociaux respectables, l'épanouissement personnel, la poursuite de la scolarisation et le souhait d'aller plus loin qu'eux-mêmes sont allés. Notons que les adultes interrogés se sont prononcé sur plus d'une catégorie.

Tout d'abord, l'acquisition de statuts sociaux respectables réfère aux valeurs dominantes de notre société c'est-à-dire occuper un emploi, bénéficier d'un revenu acceptable et fonder une famille. On comprend alors que les deux tiers de l'échantillon (12/18) ont souhaité cette avenue pour leur enfant: «Avoir un bon métier. Une bonne famille, pis à ce qu'il manque de rien, c'est quelque chose que nous autres on n'a pas eu, ça fait que j'espère qu'y va savoir dans quoi s'embarquer, pis aller de l'avant...»; «Qu'elle trouve un meilleur emploi, avec du très bon travail...»; «Ben là, j'lui souhaite de se marier, d'avoir des enfants... T'sais de vivre une vie sociale raisonnable».

Par ailleurs, plus de la moitié des participantes (10/18) désirent que leur enfant s'épanouisse dans la vie. À travers leurs témoignages, on sent qu'ils souhaitent leur bonheur, en terme de bien-être personnel, psychologique et affectif: «Qu'elle soye bien dans sa peau. (...) qu'elle demande pas à un pis à l'autre pour s'débrouiller..(...) d'être fière d'elle...»; «Du bonheur, du succès. Pis qu'y aye tout c'qu'y veut sur terre»; «Oh ben le meilleur. Je souhaite qu'elle soye bien dans sa peau. Qu'elle fasse, qu'elle ait compris qu'est-ce qu'elle voulait...»; Une mère souligne son désir d'autonomie pour sa fille: «Moi, j'veux pas quelle vive au dépend d'un homme. J'veux quelle vive pour elle. J'veux qu'elle fasse sa vie...». Ces propos véhiculent des espoirs légitimes partagés en général par l'ensemble des parents, dans lesquels les notions de liberté, d'autonomie et de bien-être personnel reviennent continuellement.

Par ailleurs, la moitié des parents (9/18) espèrent que leur enfant poursuive leur scolarisation. Cinq d'entre eux désirent que leur enfant obtienne leur diplôme d'études secondaire alors que les quatre autres parents convoitent le fait que leur enfant poursuive des études supérieures. Cela demeure des projets vagues, car on a vu que la majorité des enfants réussissent plus ou moins à l'école: «D'étudier le plus longtemps possible pour avoir des meilleures portes de sortie»; «J'espère, en tout cas, j'va tout faire pour qu'mes enfants y finissent heu, leur secondaire cinq...»; «J'aimerais même qu'elle fasse du Cégep. Ben chez moi, dans ma famille y en a deux, trois qui l'ont. Ma sœur l'a faite, la plus jeune. Deux de mes frères...»; «... qu'elle finisse son secondaire cinq, si elle est capable d'aller en c'est quoi après le secondaire cinq? C'est le Cégep, si elle est capable d'aller au Cégep...».

Enfin, d'autres propos montrent qu'en fait, près de la moitié des parents (8/18) souhaitent à leur enfant un avenir qui diffère largement du leur. Ils font référence à leur propre vécu et ils redoutent fortement que leur enfant emprunte le même parcours qu'eux: «Pas comme moi là heu, une vie ben heureuse...(...) pas vivre comme moi...»; «Qu'y soit instruit. Pour pas qu'y soit comme moi là t'sais. Parce que moi, j'veux pas qu'il aye comme moi là beaucoup de misère»; «Ben, on souhaite toujours le mieux pour nos enfants hein... J'veux qu'elle prenne sa place. Pas qu'elle fasse comme sa mère...»; «Ben qu'y fasse pas comme son père. Qu'y va s'occuper de ses enfants. Que si y sépare avec sa femme pis toute, au moins que lui il a une bonne vie. Pis qu'y soit bien, c'est ça qu'est important là. J'pense qu'on souhaite toute le meilleur pour nos enfants. Pour qu'y fasse pas la même chose que nous autres...».

Ces propos révélateurs témoignent avant tout que les parents souhaitent que leur progéniture échappe à la souffrance et aux conditions de vie difficiles qu'ils ont connues. Ces espoirs confirment l'étude de Bourgarel174 qui stipule que, pour les parents peu scolarisés et marginalisés, la réussite de leur enfant symbolise la rupture avec l'exclusion sociale et la précarité qu'eux-mêmes ont connues. C'est pourquoi l'école occupe une position paradoxale: elle symbolise leur désir d'une vie meilleure pour leur progéniture, tout en étant pour eux-mêmes une source poignante de mauvais souvenirs.

En somme, sur divers aspects la majorité des parents interrogés espèrent que leur propre enfant réussisse mieux que ce qu'ils ont accompli: carrière professionnelle, acquisition d'un diplôme, bien-être personnel, bonheur, etc. On comprend alors le sentiment d'incompétence qu'ils ressentent s'ils ne servent pas de modèle positif à leur enfant. Également, on constate qu'ils n'ont pas eux-mêmes bénéficié d'un capital scolaire positif provenant de leurs propres parents.

Il est alors pertinent de se questionner sur les méthodes d'intervention en prévention de l'analphabétisme notamment, qui favorisent plus souvent qu'autrement l'instrumentation, définie comme une approche basée sur un manque à combler par le biais d'outils sélectionnés par des professionnels. Vatz Laaroussi175 avance que cette approche entraîne des pratiques qui sous-tendent que les parents sont inadéquats et mésadaptés au système scolaire. L'utilisation répétée de ces seules méthodes d'intervention rend les parents méfiants et révèle peut-être une méconnaissance des conditions de vie des parents et de leurs antécédents scolaires. La précarité du modèle scolaire qui se perpétue de génération en génération semble être une variable fort importante à considérer. Ce constat est alarmant et mérite qu'on s'y attarde. Les établissements scolaires en milieux défavorisés doivent contribuer à briser ce cycle, en partie responsable de la marginalité sociale et de la pauvreté.

Le parent en tant que modèle pour ses enfants

Comme on l'a vu plus haut, plusieurs participantes semblent peu rassurés du modèle qu'ils donnent à leur enfant et sont conscients de leurs limites: «Pour l'instant j'essaye de l'montrer (l'intérêt de la lecture). Y commencent, les enfants commencent à le comprendre... S'installer avec un livre, chu contente parce que c'est ça qui nous voyent pas le faire»; «J'lui dis souvent de lire, mais c'est pas tout de le dire, mais elle le fait pas là. Si elle voit pas non plus l'exemple, c'est pas stimulant t'sais. L'exemple du parent ça paraît beaucoup».; «C'est difficile. Quand qu'elle a du français, des textes à faire, c'est très difficile, c'est ma faiblesse à moi aussi. J'ai beaucoup de misère à l'aider...».

Cela signifie que les parents sont conscients du modèle plus ou moins adéquat qu'il projette, n'ayant pas aimé l'école et pas obtenu ce diplôme qui semble maintenant si capital. Ils se sentent donc ambivalents dans leurs attitudes, comme l'exprime ce père: «Moi j'trouve que c'est pas bon d'arriver d'dire à ton enfant, moi j'y ai pas été, toi vas-y. Automatiquement j'évite ces choses-là...(...) Mais si elle prend moi comme exemple, ça marche pas...».

Cette ambivalence dans le comportement des parents se reflète notamment dans les propos de cette mère qui est contente de l'aide apportée par une voisine à sa fille, tout en sentant que cela lui fait perdre sa place: «Un moment donné... j'y ai mis un stop. J'y ai dit écoute-là, y faut que tu voyes à tes affaires toute seule. Si réellement tu comprends pas, ben là tu iras. C'est ben beau les voisins, mais ça me faisait comme perdre ma place si tu veux aussi, d'un côté là, que j'aimais pas».

Cette difficulté à être un modèle positif pour les enfants entraîne divers sentiments chez les parents, dont la tristesse, la culpabilité, voire le retrait comme l'expriment ce témoignage révélateur d'une mère: «C'est très émouvant là les premières rencontres (au) primaire. J'en pleurais. (...) J'me sentais très coupable. Pis là un autre parent qui m'accompagnait, qui a deux garçons. Elle dit: "ben voyons Lyne te frappes pas, met pas ça sur tes épaules, ça t'appartient pas ça". Ça fait que là j'dégage, je me sens pas responsable de son développement. Toujours la culpabilité en tant que parent là de pas être capable d'offrir... On a ce qu'on a... nos forces, nos faiblesses...».

On l'a vu, plusieurs parents ont peur de faire des erreurs en aidant leur enfant: c'est ce qui fait qu'ils privilégient trop vite l'autonomie et qu'ils se retirent de l'intervention directe: «Mon mari a déjà faite un (devoir)... Y dit: "Papa c'est quoi?" Y l'a aidé. Le lendemain, c'était pas bon. C'est pu la même chose que dans notre temps. Ça nous donne rien de l'aider dans ses devoirs parce que on le connaît pas...»; «Jérémie (7 ans, 2e année) fallait qu'y compose une phrase avec ses mots, Là j'va t'aider un petit peu, pis après ça j'te laisse...».

On imagine ce que les enfants doivent ressentir devant le désarroi et les ambiguïtés dans le comportement de leurs parents, et la solitude qui en résulte dans leurs apprentissages scolaires: «En français, elle me demande souvent plus de soutien, pis c'est là ma faiblesse aussi. Des fois là, elle a l'idée d'appeler sa copine pour l'aider. Elle sait que j'suis pas en mesure de l'aider»; «Y a des fois, j'dis crime, là j'devrais.. J'appelle le professeur, pis après ça j'me dis oh, j'devrais-tu l'appeler? (...) Pis là y a des fois que Christine (8 ans, 2e année) elle pleure, elle dit: "Va la voir, maman". Là j'me sens coupable au boutte, là. J'me dis peut-être c'est moi qu'a pas bien faite ma job là, t'sais»; «Ça fait j'demande à Éric (6 ans, 1ère année): «c'est quoi y faut que tu fasses à soir là, maman elle comprend pas». Y dit: «Oh viens icitte là, j'va te le montrer». Là y fait ça tout croche. Là j'y dit: «Non, recommence c'est mal écrit». Mais y se fâche, y s'enrage».

Bref, les propos des parents témoignent d'une réalité vécue difficilement et où le sentiment de culpabilité semble peser lourdement sur leurs épaules. C'est à la fois la conscience de leur rôle et du sentiment d'impuissance à le remplir efficacement. Par conséquent, l'enfant ressent cette impuissance et l'exprime confusément, ce qui affectent les parents et ébranlent leur crédibilité. La forme de cercle vicieux d'échec scolaire se perpétue alors. Quels pourraient être les rôles des écoles et des organismes communautaires pour rehausser le sentiment de compétence des parents et les rassurer?

Les valeurs et les savoirs transmis par les parents

Compte tenu des difficultés et des sentiments vécus par les parents dans l'accompagnement scolaire de leur enfant, il nous semblait indispensable de mettre en valeur les actions et les stratégies qu'adoptent les parents dans le but d'augmenter les chances de réussite scolaire chez leur enfant et d'assurer leur épanouissement.

Certains parents consacrent leurs énergies à procurer à leur enfant des environnements physiques favorables à la réussite comme nous l'avons vu lors du déroulement des devoirs et des leçons: «Moi pis ma femme on a préféré que un enfant quand il arrive l'école, c'est là que c'est le temps défaire ses devoirs. Quand qu'elle arrive de l'école elle s'd'ébarrasse d'ses devoirs tout de suite»; «Si je la prends le matin de bonne heure là, ça va super bien de bonne heure le matin. C'est comme si elle a bien dormi pis toute ça.... elle chiale pas, elle dit pas un mot, ça va super bien».

D'autres préconisent une attitude bienveillante d'encouragement, de soutien moral, de communication constante avec leur enfant pour leur donner confiance: «J'essaie d'lui montrer pour qu'elle aye confiance en elle. Pis l'estime de soi c'est ben important»; «J'suis très verbale avec mes enfants. On communique beaucoup...j'ai quand même une belle relation»; «Si elle aurait pas d'encouragements, j'pense pas qu'elle foncerait comme ça. J'y dis t'es comme une plante quand ta graine pousse pas, c'est parce que y a trop de terre. Faut n'enlever un p'tit peu, pis après ça tu vas grandir, pis tu vas fleurir...»; «Chez nous c'est le système D. Tu te débrouilles. J'serai toujours là pour mes enfants et elles le savent, c'est pas maman qui va régler leurs problèmes. Si t'as un conflit avec ton professeur, mais avant de mettre ma touche et d'écrire un mot au professeur, tu vas me prouver que t'as essayer de t'débrouiller pour comprendre.». Encore une fois ces stratégies d'écoute et d'encouragement illustrent les études de Lahire176.

D'autres parents insistent sur le suivi des consignes, portent attention au comportement des enfants à l'école, particulièrement en classe: «Je dis: "Samuel (8 ans, 2e année) l'école c'est important. Y faut que tu sois calme à l'école. Y faut que t'écoutes le professeur. Si tu écoutes pas le professeur. Ben ça va mal tourner... Si t'apportes la colère, si t'es fiché..., le professeur y va te ficher"...».

En somme, on observe que les parents sont dotés de compétences et ils les exploitent à la mesure de leurs possibilités. Comme le dit si bien une mère, ce n'est pas facile d'être parent: «Oui, j'va toujours les suivre, oui j'va toujours les encourager, les pousser, mais j'pense qu'en tant que parent on fait ce qu'on peut, pas ce qu'on veut. Pis on apprend à être parent, on le devient pas parent... Pis j'lui montre beaucoup les avantages de travailler dur et j'lui montre que maman a trente-trois ans... c'est pas évident de retourner à l'école...». Les parents sont conscients de leurs limites, mais mobilisent néanmoins leurs efforts dans le but d'augmenter les chances de réussite de leur enfant en tentant d'inculquer d'autres valeurs conformes aux principes d'éducation véhiculés par l'école, comme l'ordre moral domestique et le respect des consignes par exemple. Ainsi, l'enfant apprend des modes de fonctionnement, des comportements et des règles de conduite qui peuvent être positifs pour l'enfant et pour sa réussite scolaire. Il faut donc s'inspirer de cette mobilisation pour que les intervenants et les acteurs scolaires réinventent une dynamique de relation avec les parents où le respect de la dignité est capital.

C'est ainsi que se termine l'analyse des quatre dimensions, soit les pratiques familiales de l'écrit, le suivi scolaire, le lien avec l'école et les rôles et responsabilités des parents. La conclusion porte sur une brève synthèse des résultats, les acquis du processus de la recherche-action, les pistes de recherche ainsi que les éléments retenus pour nos éventuelles interventions au sein des trois partenaires impliqués dans ce projet.

Conclusion

«(...) justement un petit mot encouragement. T'sais si un enfant on l'écrase tout le temps comme une punaise là, y avancera jamais. C'est en lui disant des p'tits mots, ben t'es bonne, t'es capable, t'es championne, vas-y fort euh,. C'est là qui ont eu du positif. Amène leur du positif, y vont y aller. Mais un enfant qu'a tout le temps du négatif, ça avancera pas.»

Nathalie, mère de deux enfants

Notre recherche-action s'inscrit dans une démarche de partenariat réunissant pendant trois ans une école primaire, une maison de la famille et un groupe populaire d'alphabétisation autour d'un objectif commun: la prévention de l'analphabétisme et la réussite des enfants au primaire. Au cours du processus, nous avons pris conscience que nos actions auprès des parents, orientées uniquement vers eux et centrées sur une instrumentation, ne donnaient pas les résultats escomptés. De plus, il nous manquait une compréhension commune de la réalité des familles avec qui nous travaillions. D'où l'idée de mener une recherche-action auprès des parents.

Notre but était de décrire et d'analyser certains comportements, perceptions et attentes des parents peu scolarisés et vivant en milieu populaire, en regard de l'accompagnement scolaire de leur enfant à l'école primaire. Rappelons qu'il s'agit d'une recherche qualitative de nature descriptive où dix-huit parents ont été interrogés individuellement dans le cadre d'une entrevue semi-dirigée. Ce projet de prévention mené en concertation a contribué à promouvoir la réflexion et à acquérir de nouveaux savoirs, afin de pouvoir dégager des principes directeurs d'intervention susceptibles d'augmenter les chances de réussite scolaire des enfants.

Ce document se veut également un véhicule par lequel les parents ont pu s'exprimer, livrer leurs préoccupations et partager leurs expériences en regard de leurs pratiques familiales de l'écrit, de leur accompagnement du suivi scolaire de leur enfant, du lien avec l'école et de leurs rôles en tant que parents. Cet ouvrage permet de mieux comprendre le contexte dans lequel évolue les familles avec lesquelles nous travaillons dans nos milieux d'intervention respectifs.

La conclusion résume les principaux résultats de la recherche, les acquis du processus en terme méthodologie, de partenariat et d'intervention, puis nous indiquons des pistes de recherche mais surtout, des pistes de retombées pour améliorer nos interventions dans les trois organismes partenaires.

Le résumé de nos résultats

Les pratiques familiales de l'écrit

Les parents interrogés exposent presque tous une faible fréquence de lecture. En général, les écrits consultés sont liés à l'environnement immédiat, mais l'utilisation qu'ils en font demeure précaire. La lecture se traduit par un besoin fonctionnel de répondre aux diverses obligations sociales, où les aspects liés à la motivation et au plaisir s'avèrent quasi absents. On constate qu'ils ne possèdent pas le minimum d'habiletés requises pour atteindre ce niveau de lecture, car bien souvent ils maîtrisent peu le code écrit. Toutefois, on relève la présence de plusieurs comportements positifs leur permettant de transiger avec l'extérieur lorsqu'ils ont à composer avec une lecture imposée. Ils adoptent de nombreuses stratégies de compensation où les ressources extérieures tels que les organismes communautaires ou le réseau social jouent des rôles de soutien. Par ailleurs, on observe que bien souvent les écrits sociaux sont écrit en fonction d'un public scolarisé et qu'ils sont souvent inaccessibles, ce qui peut devenir d'autant plus stigmatisant pour ces parents.

La totalité des parents rencontrés ne fréquentent pas la bibliothèque municipale. Les sources d'approvisionnement comme les dons ou les échanges de livres génèrent l'acquisition de livres souvent périmés, dépourvus d'intérêts ou encore inaccessibles. Toutefois, la librairie de manuels usagers, bien qu'elle ne soit utilisée que par un petit nombre de parents, demeure la source d'approvisionnement qui semble la plus appropriée puisqu'elle répond aux moyens financiers des parents et qu'elle permet à ces derniers de sélectionner des ouvrages selon leurs intérêts. Quant à la bibliothèque scolaire, les enfants sont les principaux utilisateurs de ce service. Lorsqu'il y a une lecture parent/enfant à la maison, les livres proviennent principalement de ce lieu.

Les interactions parents/enfants autour de la lecture sont plutôt faibles ou génèrent des périodes pénibles ou inconfortables pour le parent. C'est un élément important à considérer, car la lecture répétée de contes est un facteur qui favorise la réussite scolaire au primaire. Cela s'explique en partie par le fait que la majorité des parents interrogés indiquent avoir une perception négative d'eux-mêmes en tant que lecteur et mentionnent des difficultés parfois majeures à comprendre ce qu'ils lisent. On peut alors comprendre que lire à haute voix à son enfant devient une source d'anxiété et de dévalorisation. Toutefois, quelques parents exposent à leur enfant leurs difficultés, sollicite leur aide, ce qui crée une dynamique familiale d'entraide et une valorisation des savoirs de l'enfant.

Quant aux pratiques d'écriture, elles sont plus rares que les pratiques de lecture, mais pas inexistantes. Ainsi, certaines pratiques d'écriture témoignent d'une organisation de la pensée, du temps et de l'espace; plusieurs parents dressent une liste d'épicerie, notent des rendez-vous ou procèdent à la tenue des comptes et du budget. Ils possèdent donc des outils d'écriture spécifiques tels que l'agenda et le calendrier. Ils organisent leurs pratiques afin de répondre aux obligations sociales ou économiques. Les écrits plus personnels sont pratiquement tous confinés à la sphère privée; rares sont les écrits qui circulent à l'extérieur de l'environnement familial. Cet aspect est révélateur, car cela sous-tend que les parents ont intériorisé le fait que pour écrire, l'orthographe devait être impeccable sous peine d'être jugé, ce qui découle de l'expérience scolaire antérieure.

Les interactions parents/enfants autour de l'écriture semblent rares sinon ardues pour de nombreux parents, car ils se sentent atteints dans leur crédibilité surtout lorsqu'ils sont repris et corrigés par leur propre enfant. Quelques uns vont plutôt utiliser inconsciemment le jeu ou des activités d'éveil à l'écrit pour stimuler leur enfant à l'écriture, mais en général les parents limitent ce type de pratique à leur enfant d'âge préscolaire. Enfin, certains parents favoriseront l'emploi des documents de référence chez leur enfant, tel le dictionnaire, mais ils ne peuvent l'accompagner dans son utilisation. On remarque aussi que la fréquence des interactions parents/enfants autour de la lecture ou de l'écriture diminue proportionnellement à l'âge des enfants. Les parents se retirent dès 7 ou 8 ans, dès qu'ils sentent que leur enfant arrive à lire. L'analyse de leurs témoignages explique ce retrait par la prise de conscience du faible modèle de lecteur ou scripteur à l'égard de leurs enfants. Ils se sentent vite dépassés par ce dernier et du même coup atteints dans leur intégrité et leur rôle.

Ces constats vont de pair avec la perception négative qu'ils ont d'eux-mêmes en tant que scripteur et leurs difficultés à écrire. Certains adopteront des stratégies de contournement tel que le téléphone et le face à face afin d'éviter ses situations anxiogènes, mais certains d'entre eux font appel à leur réseau social, aux organismes communautaires et à l'école afin de pallier leurs difficultés. On comprend alors l'importance de ce soutien afin d'augmenter les chances de réussite scolaire des enfants. Aider un parent, c'est l'aider à soutenir son enfant dans son cheminement scolaire, ce qui peut avoir une influence directe sur sa réussite scolaire.

Le suivi scolaire

Au plan du suivi scolaire, les parents affichent des difficultés importantes à plusieurs niveaux: incompréhension des consignes concernant les devoirs et les leçons, difficultés d'apprentissage de l'enfant, désintérêt ou comportement agité de celui-ci. L'encadrement du suivi scolaire devient alors, pour la plupart d'entre eux, une tâche laborieuse à accomplir. C'est pourquoi plusieurs parents indiquent favoriser l'autonomie et la débrouillardise chez leur enfant, ce qui se traduit par une intervention à distance. Le retrait du parent s'explique à la fois par la crainte d'induire son enfant dans l'erreur, d'être confronté à nouveau à ses difficultés ou au fait de revivre sa propre expérience scolaire qui fut pénible. D'autres parents s'investiront davantage en procédant à une intervention plus soutenue, mais néanmoins la tâche demeure ardue et ce pour les mêmes motifs évoqués plus haut.

Cependant, la majorité des parents rencontrés offrent à leur enfant un environnement physique favorable à la concentration et une routine fixe durant la période des devoirs et leçons. C'est à ce niveau que les parents peu scolarisés se sentent plus outillés d'intervenir auprès de leur enfant et dans bien des cas, ils offrent déjà plus que ce qu'ils ont reçu de leurs propres parents.

Par ailleurs, les échanges parents/enfants autour de l'école sont limités, voire absents dans plusieurs familles. Pour certains parents, il paraît difficile de soutirer de leur enfant des informations concernant le fonctionnement en classe, l'acquisition des apprentissages ou encore les difficultés vécues par l'enfant. L'univers scolaire et l'univers familial sont alors perçus comme des domaines distincts; l'absence d'échanges autour de l'école devient une règle non-dite et intrinsèque à la famille. On comprend alors que bien souvent l'enfant vit seul son expérience scolaire, ce qui est bien lourd à porter.

Cependant, la majorité des parents ne démissionnent pas pour autant; pour pallier les nombreuses difficultés rencontrées lors du suivi scolaire, ils font appel aux ressources issues de la communauté. Certains enfants bénéficient de l'aide aux devoirs dispensées par les organismes communautaires du milieu. Les parents reçoivent également des services de soutien provenant d'intervenants sociaux, d'intervenants en alphabétisation ainsi que de leur réseau social et ils ont manifesté leur appréciation de ces services. Leurs propos révèlent qu'ils aspirent à la réussite de leur enfant tout comme la majorité des parents de tous les milieux. Cet espoir est alimenté et maintenu par les différents services d'aide qu'ils reçoivent puisqu'ils sont conscients de leurs limites à soutenir leur enfant.

Les liens avec l'école

Les liens entretenus avec l'école sont souvent limités aux rencontres formelles ou encore tissées de méfiance et d'agressivité. On constate plusieurs méconnaissances entre l'univers familial et scolaires. La majorité des parents semblent méconnaître les difficultés réelles de leur enfant. La plupart d'entre eux ont indiqué que leur enfant réussissait, alors que la majorité ont redoublé une année ou fréquente une classe spéciale. De plus, le redoublement est perçu positivement chez plusieurs parents, car leur enfant obtient de meilleurs résultats aux évaluations. Ce constat est étonnant lorsqu'on sait par diverses études que le redoublement au premier cycle du primaire est un indice avant-coureur du décrochage scolaire. De plus, les services dispensés par les spécialistes œuvrant auprès des enfants sont pour la plupart méconnus de leurs parents.

On peut questionner cette opacité qui semble dominer au sein des relations école/famille: méconnaissance des difficultés réelles d'apprentissages, méconnaissance du rôle respectif des spécialistes, méconnaissance du programme et des objectifs éducatifs ainsi qu'une méconnaissance des familles par le personnel scolaire. Ce constat n'est-il pas dû, en partie, à la non vulgarisation des écrits, à l'absence de dialogue ouvert entre les acteurs scolaires et les parents? En outre, la distance entre le personnel enseignant et les parents peu scolarisés est réelle et elle influence la dynamique des relations. Chacun des acteurs est porteur de valeurs et celles-ci entrent parfois en conflit. De nombreux témoignages dégagent la présence de ressentiment et d'injustice et la peur d'être l'objet de préjugés chez les parents. Les mécanismes de défense fréquemment employés par les parents peu scolarisés sont fort révélateurs. Par exemple, l'agressivité de leur discours dissimule un besoin de se protéger, car ils tiennent à préserver leur dignité et leur crédibilité, tant face à l'enfant que face à l'univers scolaire.

Or, les parents affirment que lorsqu'ils sont écoutés, accueillis chaleureusement et reconnus dans leur rôle, les relations sont appréciées et constructives. De plus, l'amour que l'enfant porte à son enseignant influence son attitude envers l'école et du même coup sa réussite. On en déduit que lorsque tous les acteurs s'impliquent (parent, professeur, élève) et qu'il y a place à la négociation et à l'écoute mutuelle, les chances de réussite scolaire de l'enfant sont d'autant plus grandes.

Et les parents dans leur rôle?

La plupart des parents rencontrés affichent sensiblement le même parcours scolaire que leur enfant, soit le retard, le redoublement et le passage en classe spéciale, puis l'aboutissement dans l'apprentissage d'un métier non spécialisé ou le décrochage scolaire. Plusieurs parents manifestaient alors des troubles d'apprentissage qui semblent dans bien des cas leur nuire encore aujourd'hui. La majorité d'entre eux n'ont pas bénéficié du soutien de leurs propres parents. Leurs témoignages laissent imaginer bien souvent un passé d'épreuves émotives et de problématiques sociales de pauvreté ou de violence.

Pourtant, cela n'empêche pas la majorité des parents d'affirmer que l'éducation s'avère une valeur importante à laquelle ils attribuent l'opportunité d'une ascension sociale, d'un statut socio-économique plus élevé, d'une reconnaissance sociale par le biais de l'obtention d'un diplôme d'études secondaires. Cependant, rares sont ceux qui prévoient que leur enfant poursuivra des études supérieures. Ce constat est compréhensible puisqu'eux-mêmes n'ont pas obtenu de diplôme. Dans l'ensemble, les parents se prononcent difficilement sur la perception qu'ils ont à l'égard de l'avenir de leur enfant. Leurs propos reflètent plusieurs appréhensions et la crainte du décrochage scolaire. Ces inquiétudes se justifient puisque le parcours scolaire de leur enfant semble aussi périlleux que leur propre cheminement.

On assiste à une reproduction d'un cycle intergénérationnel qu'il devient urgent de briser. Les parents peu scolarisés souhaitent ardemment que leur enfant se distinguent d'eux et parvienne à faire davantage que ce qu'ils ont eux-mêmes accompli. Leurs témoignages sont empreints de culpabilité et de tristesse, mais néanmoins d'espoir puisqu'ils font ce qu'ils peuvent avec leurs ressources. Ce sont des parents très préoccupés par leur rôle et ils sont d'autant plus conscients des lacunes ainsi que de la fragilité du modèle qu'ils projettent. Au contraire de démissionner, les parents développent des stratégies et font appel aux ressources environnantes afin d'améliorer autant que possible les chances de réussite scolaire de leur enfant.

Les acquis du processus

Les acquis au plan de la formation

Le processus de recherche a été pour nous une expérience très enrichissante puisque nous avons acquis une multitude de nouveaux savoirs dans le domaine de l'éducation et de la prévention de l'analphabétisme en milieu populaire. La recherche-action demeure une démarche qui permet un transfert des nouvelles connaissances dans le but ultime de changer nos pratiques afin d'optimiser nos interventions. Toutefois, la recherche nécessite de la rigueur tant au niveau de la méthode de travail que dans l'analyse des données recueillies. Cet aspect s'est avéré d'autant plus exigeant puisque nous sommes avant tout des praticiennEs issuEs de différentes formations, d'où l'obligation de s'entourer de gens ayant des connaissances pointues dans le domaine de la recherche. La présence, tout au long du processus, d'une ressource externe spécialisée dans le domaine a été très appréciée.

Par ailleurs, notre démarche concertée depuis trois ans s'est inscrite dans un processus permanent de formation, que ce soit aux méthodes de recherche, mais aussi au plan des connaissances sur la conscience de l'écrit et la stimulation du langage, grâce à la formation donnée par les professeures de l'UQÀM. Ce processus de formation a été réciproque, car au contact de nos réalités, les professeures ont également été sensibilisées aux caractéristiques des parents peu scolarisés, de nouveaux savoirs qu'elles tenteront d'intégrer maintenant dans la formation des futurs maîtres à l'Université.

Par ailleurs, notre statut d'intervenantE s'est révélé tout de même un atout fort important tout au long de la recherche-action, puisqu'il était possible d'établir des liens directs et continus entre l'acquisition de nouveaux savoirs et nos interventions. Nous avons procédé à une démarche réflexive qui s'est échelonnée sur trois années où nous avons tenté autant que possible d'aller au-delà des jugements de valeurs et de préserver l'objectivité en portant un regard global sur l'ensemble des dimensions reliées à cette problématique.

Enfin, la majorité des parents interrogés ont manifesté leur appréciation quant à leur participation à la recherche-action en stipulant que leur témoignage leur a permis de réfléchir sur leurs pratiques familiales, sur leur rapport actuel et antérieur avec le monde scolaire, mais par dessus tout, ils ont bénéficié d'un lieu d'écoute pour ventiler et partager leur vécu et leurs craintes.

Les acquis du partenariat

Pour notre recherche-action, le travail en partenariat a été nécessaire, exigeant et d'autant plus stimulant. Il a d'abord permis d'établir les limites de chacun des partenaires relativement à leur mandat, leurs responsabilités, leurs engagements, les ressources disponibles ainsi que les conjonctures respectives. La concertation entre plusieurs milieux servant des problématiques et des services différents engendre nécessairement des chocs de culture. Les acteurs impliqués dans le projet retiennent particulièrement trois aspects que le travail en partenariat exige: l'ouverture, la gestion des conflits et le respect. Toutefois, mentionnons que ces éléments nécessitent un travail quotidien qui ne se fait sans heurts, mais au cours de cette démarche de nettes améliorations ont été observées dans ces trois domaines.

L'ouverture fait référence à l'investissement de chacun des partenaires au sein d'un processus de longue haleine qui se caractérise par l'inconnu et où l'on remet en question ses propres pratiques. Quant à la gestion des conflits, elle exige l'humilité des individus concernés ainsi qu'une communication claire et franche quant au rôle de chacun et à l'identification des difficultés. Il devient alors important de rappeler régulièrement les objectifs généraux de partenariat. Finalement, le respect est un élément fondamental puisque la recherche-action tend à bousculer les pratiques existantes donc le respect des lieux et des interventions de chacun devient inévitable à la réussite du projet concerté.

Nous retenons que le partenariat n'est pas une méthode de travail facile, mais lorsqu'il y a mise en commun des attentes, qu'il y a place à la négociation et où le respect des particularités et des opinions de chacun des acteurs domine, il est possible de vivre une expérience constructive et florissante au même titre que les relations écoles/familles. Le processus de recherche-action mené en partenariat s'est révélé formateur à la fois au plan de la problématique ciblée qu'au niveau des relations entretenues entre les trois organismes concernés par le projet. La recherche-action étant terminée, nous avons la preuve que si chacun des acteurs interpellés par la réussite scolaire des enfants s'investit sérieusement dans les retombées, il est possible de viser des changements.

Les acquis pour nos interventions

Par ailleurs, l'instrumentation comme seul outil d'intervention auprès des parents peu scolarisés devient un moyen insuffisant, car notre recherche-action démontre que la réussite des enfants exige l'investissement et la concertation de plusieurs acteurs. La réussite des enfants ne relève pas exclusivement des compétences de leurs parents, mais devient plutôt une responsabilité sociale, car l'avenir de la société repose sur la génération actuelle d'enfants au primaire qui seront les parents de demain. Le soutien par la communauté des parents d'élèves peu scolarisés devient fondamental, car les parents ont manifesté leurs besoins, identifié leurs manques ainsi que leur appréciation lorsqu'on leur vient en aide. Il ne s'agit pas d'enseigner aux parents ce qu'ils ont à faire, mais de les aider à cheminer afin qu'ils découvrent ce qu'ils veulent et peuvent faire.

Les constats de notre recherche concordent avec certaines orientations de la Réforme du ministère de l'Éducation où l'on favorise, particulièrement en milieux défavorisés, une plus grande ouverture à la communauté et la réalisation d'actions en partenariat incluant, il va sans dire, les parents.

Maintenant, la suite...

Les pistes de recherche

La présente recherche s'est penchée sur deux univers, soit la famille et l'espace de collaboration possible entre l'école et les familles, dans une perspective systémique. Or, plusieurs pistes de recherche dans le domaine seraient fort intéressantes pour approfondir nos connaissances et comprendre davantage les facteurs de réussite scolaire en milieux populaires. D'abord, d'éventuelles recherches auprès des enfants seraient une piste d'investigation très pertinente pour examiner leur rôle comme «message et messager». Comme nous l'avons vu, l'enfant influence les dynamiques des relations entre sa famille et les acteurs scolaires. Par lui, les deux univers se communiquent et se véhiculent des messages parfois de nature constructive, mais parfois empreints de préjugés. C'est pourquoi il serait judicieux de comprendre et de connaître ce que vivent ces enfants en évoluant parallèlement au sein de ces deux mondes. Les propos tenus par ces acteurs seraient une source précieuse d'informations pour être à même de sonder les sentiments et les émotions vécues par ces enfants qui sont au cœur des interventions.

Par ailleurs, le témoignage des enseignantEs sur cette problématique semble une autre piste de recherche prometteuse. Dans la présente recherche-action, nous avons pris connaissance de ce que les parents ressentent, perçoivent et font. Or, il serait également judicieux de connaître la perception et les sentiments vécus par les enseignantEs qui œuvrent quotidiennement auprès de ces enfants et qui sont appelés à travailler en collaboration avec les parents. Les relations école/famille sont invraisemblablement un terrain sensible pour les deux acteurs. Il serait alors important qu'on laisse, à leur tour, les enseignantEs s'exprimer et nous livrer leur expérience à ce sujet afin de saisir davantage les enjeux, les sources d'incompréhensions et les attentes de ceux-ci.

Par ailleurs, les différences gars/filles s'avèrent à notre avis une avenue à approfondir. Nous avons tenté par la présente recherche de tenir compte de cette variable, car de nombreuses études soutiennent que l'identité sexuelle de l'enseignantE, du parent et de l'enfant sont des éléments qui influencent en partie la réussite scolaire des enfants. Cette dimension semble même plus forte en milieu défavorisé. Or, cette distinction n'a pas été soulevée par les parents interrogés. Par surcroît, cette question n'a pas interpellé dans l'ensemble les intervenants qui ont participé aux analyses collectives des résultats. Nous l'avons donc à peine effleurée. C'est pourquoi il nous paraît pertinent de sonder cette dimension afin d'approfondir les réflexions et d'établir un consensus sur les différences de sexes de manière à mieux en tenir compte dans notre intervention.

Les pistes d'action

L'ensemble des thèmes abordés par la recherche-action interpellent les trois partenaires sur plusieurs plans: importance de l'aide aux devoirs, soutien des intervenants dans la compréhension des écrits sociaux, nécessité d'une communication claire et d'une vulgarisation des discours et des écrits en milieu scolaire, place au consensus, respect de la dignité des parents, reconnaissance de leur rôle et de leurs compétences, identification de lieux où les parents peuvent échanger sur leurs préoccupations... Les actions ne manquent pas!

Le défi principal est maintenant d'amorcer ces changements au sein de nos pratiques respectives. Pour ce faire, un processus de réflexion collective est mis en branle afin d'orienter nos actions en tenant compte des nouveaux savoirs transmis par la recherche. Cette démarche vise à ériger un certain nombre de principes directeurs qui guideront nos futures actions en matière de prévention de l'analphabétisme et de réussite scolaire. Ces principes mettront de l'avant nos valeurs ainsi que nos récents apprentissages.

Le processus de réflexion collective s'échelonnera sur cinq rencontres où l'on abordera en concertation cinq thèmes principaux: les parents, les enfants, le partenariat, les besoins de formation et pour terminer la synthèse portant sur l'ensemble du processus. À la suite de ces rencontres, une brochure sera confectionnée à travers laquelle des pistes de réflexions et de solutions pratiques seront présentées. L'objectif premier de cette démarche consiste à mettre sur pied trois actions locales visant naturellement l'augmentation des chances de réussite des enfants au primaire dans notre quartier.

Pour terminer, nous vous présentons les premières ébauches de retombées du processus de réflexion et de la recherche-action au sein des trois partenaires, pistes qui serviront d'assises aux rencontres de discussions concernant la rédaction des principes directeurs et la confection de la brochure pratique.

Ainsi, la Maison de la famille prépare une modification du contenu de ses ateliers de préparation à la maternelle et de ses haltes-garderies afin d'y intégrer des activités de lecture quotidienne et des pratiques d'éveil à l'écrit. De plus, l'équipe de travail mentionne l'importance d'une sensibilisation au processus d'émergence de l'écrit, ce qui deviendra dorénavant un critère d'embauche pour les intervenantEs œuvrant auprès des petits (0-5 ans). On portera maintenant une attention particulière, lors des premiers contacts avec les parents fréquentant l'organisme, sur leurs habiletés à maîtriser le code écrit. Les intervenantEs continueront à démystifier les relations école/famille au sein de l'organisme. Finalement, l'équipe de travail mentionne leur souci d'accorder maintenant une importance plus grande aux pratiques réflexives.

Quant au Groupe Alpha Laval, la recherche-action a permis à l'équipe de travail d'acquérir une meilleure connaissance des attitudes et des valeurs des parents peu à l'aise avec l'écrit. Les résultats de la recherche viennent confirmer le travail déjà amorcé au niveau de l'approche et des méthodes pédagogiques utilisées au sein de l'organisme, les incitant ainsi à poursuivre dans ce sens. Les intervenantEs en dégagent aussi des pistes d'activités au niveau de la vie associative. Par exemple, la mise sur pied d'un local pour accueillir les participantEs. De plus, des activités de prévention (stimulation du langage, éveil à l'écrit) ont été intégrées au sein même des ateliers d'alphabétisation. L'équipe de travail avance que les nouvelles connaissances issues de la recherche leur permettront d'argumenter et d'expliquer davantage la problématique lors des rencontres de sensibilisation dans le milieu. Finalement, la recherche-action devient pour l'équipe une mémoire écrite relatant l'évolution du travail pratique et réflexif qui poursuit les documents rédigés antérieurement.

Enfin, les retombées de la recherche pour l'école Saint-Gilles se situent au niveau de la collaboration entre les organismes du milieu et l'institution scolaire. À titre d'exemple, le Groupe Alpha Laval est invité à se présenter au conseil d'établissement de l'école. De plus, une rencontre des intervenantEs des deux organismes communautaires avec les enseignantEs est prévue bientôt afin de présenter les services offerts par chacun ainsi que les retombées éventuelles de la recherche-action dans le milieu. En outre, les responsables de l'établissement scolaire ont mentionné que la recherche leur a permis de comprendre et de connaître davantage la réalité vécue par les parents peu scolarisés en milieu populaire. L'acquisition de ces nouveaux savoirs leur a permis dans certaines situations de modifier des interventions et de mieux saisir toute la portée qu'engendre une relation chaleureuse entre les enseignantEs et leurs élèves.

Bref, l'acquisition de nouveaux savoirs auprès des trois partenaires du projet démontre bien l'importance de la recherche-action. Le processus réflexif nous a permis de remettre en question nos pratiques respectives et de se concerter pour mettre en place de futures actions qui permettront, nous l'espérons, d'augmenter les chances de réussite des enfants de milieux populaires. Nous espérons fortement que la concrétisation de ces nouvelles actions sera possible, notamment en disposant des ressources humaines nécessaires et d'un soutien financier adéquat.

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Martinez, Jean-Paul (1994). «La coopération famille-école et l'apprentissage précoce du langage écrit», La famille et l'éducation, sous la direction de Bernard Terrisse et Gérald Boutin, les Éditions Logiques, p. 93-109.

Mayer, Robert, Francine Ouellet, Marie-Christine Saint-Jacques, Daniel Turcotte et coll. (2000). Méthodes de recherche en intervention sociale, Boucherville, Gaétan Morin éditeur, 409 p.

Mayer, Robert et Francine Ouellet (1991). Méthodologie de recherche pour les intervenants sociaux, Montréal, Gaétan Morin éditeur, 535 p.

Ministère de l'Éducation (1999a). Prendre le virage du succès. Une école adaptée à tous ses élèves, Politique de l'adaptation scolaire, Québec, gouvernement du Québec, 37 p. et annexes.

Ministère de l'Éducation (1999b). Indicateurs de l'éducation: édition 1999, Québec, Direction des statistiques et des études quantitatives.

Ministère de l'Éducation (1997). Prendre le virage du succès. Plan d'action ministériel pour la réforme de l'éducation, Québec, Gouvernement du Québec, 55 p.

Montandon, Cléopâtre et Philippe Perrenoud (1987). Entre parents et enseignants, un dialogue impossible? Vers l'analyse sociologique des interactions entre la famille et l'école, Berne (Suisse), Lang.

Norris, Christina (1999). «Les parents et l'école: la participation et les attentes des parents en ce qui a trait à l'éducation de leurs enfants», Revue trimestrielle de l'Éducation, vol. 5, n°4.

Pourtois, Jean-Pierre et Huguette Desmet (1997). «Les relations famille-école: un point de vue partenariat». Éduquer avant l'école, l'intervention préscolaire en milieux défavorisées et multiethniques, sous la dir. de François Tochon, Montréal, Paris, Bruxelles, Presses de l'Université de Montréal et De Boeck Université, p. 257-274.

Roy, Josée (1994). «Regard sur la situation actuelle et attentes, du côté des parents: relations délicates et attentes multiples», Vie pédagogique, n°89, mai-juin, Québec.

Roy, Sylvie (1995). Portrait de filles et de garçons de 16 à 25 ans inscrits à des activités d'alphabétisation, Québec, ministère de l'Éducation, Direction de la formation générale des adultes, 122 p.

Statistique Canada (1996). Lire l'avenir: un portrait de l'alphabétisme au Canada. Ottawa: Statistique Canada et Développement des ressources humaines Canada.

Thériault, Jacqueline (1996). J'apprends à lire... Aidez-moi!, Montréal, Éditions Logique, 180 p.

Tremblay, Hélène (1997). Pour prévenir l'analphabétisme, recherches, réflexions et propositions d'actions, Québec, ministère de l'Éducation, Direction de la formation générale des adultes, 38 p.

Vatz Laaroussi, Michèle (1996). «Les nouveaux partenariats famille-école au Québec: l'extériorité comme stratégie de survie des familles défavorisées?», Liens Social et Politiques, RIAC, no 35, p.87-97

Wagner, Serge (1984). «La lecture, l'écriture et l'alphabétisation», dans J.-P. Hautecoeur (dir.), ALPHA 84, recherches en alphabétisation, Québec, ministère de l'Éducation, p. 83-115.

Annexes

1. Avis de recherche pour le recrutement

[Voir l'image pleine grandeur]1. Avis de recherche pour le recrutement

2. Lettre explicative accompagnant l'avis de recherche

Pour améliorer la réussite scolaire et les collaborations écoles-familles
Recherche-action auprès de parents peu scolarisés

Laval, le 13 janvier 2000

Bonjour,

Le Groupe Alpha Laval, Entraide (Pont-Viau/Laval-des-Rapides) et l'école primaire Raymond-Labadie mettent en commun depuis plus d'un an leur expertise dans le domaine de l'éducation. Rappelons que le premier (Groupe Alpha Laval) apporte du soutien en alphabétisation aux adultes peu scolarisés; le deuxième (Entraide Pont-Viau/ Laval-des-Rapides) offre des services aux familles défavorisées ayant des enfants de 0 à 5 ans alors que l'école Raymond-Labadie accueille des élèves de la maternelle à la sixième année.

Notre démarche en partenariat vise à ce que nous mettions en place, dans nos pratiques respectives, des actions favorisant la réussite scolaire au primaire et de meilleures relations avec les familles, particulièrement celles qui sont peu scolarisées. Notre but ultime est d'établir un véritable dialogue avec les parents fait de complicité, de (re)connaissance et de respect mutuel.

L'an dernier, nous avons expérimenté une démarche auprès d'enfants de 4 ans et de leurs parents. Les résultats auprès des enfants ont été positifs; cependant les interventions auprès des parents n'ont pas provoqué les changements attendus. Nous avons constaté que les conseils de nature instrumentale ont des effets limités auprès des parents des milieux populaires. Par ailleurs, nous avons réalisé que nous connaissions peu leurs propres compétences et les efforts qu'ils déploient pour accompagner leurs enfants, de même que les perceptions qu'ils ont face à l'école de leur enfant.

C'est pourquoi nous avons choisi d'entreprendre cette année une recherche-action auprès des parents du quartier Pont-Viau. Nous voulons mieux connaître ce que font les parents en lien avec l'accompagnement scolaire de leur enfant. Ces nouvelles connaissances nous permettront d'ajuster nos actions en fonction de la logique des parents et des réalités qu'ils vivent. Pour réaliser cette recherche-action, nous voulons interviewer individuellement au moins vingt parents.

Comme nous sommes actuellement en période de recrutement, nous faisons appel à votre collaboration pour contribuer au succès de cette démarche. Nous souhaitons rencontrer des femmes et des hommes qui n'ont pas terminé leur secondaire, qui pourraient avoir des difficultés à lire ou à écrire, qui habitent le quartier Pont-Viau et qui ont au moins un enfant âgé entre 6 et 12 ans inscrit à l'école primaire dans le quartier.

Les entrevues se dérouleront au cours du moins de mars 2000, à l'extérieur du domicile du parent et sans la présence d'enfants (au besoin des services de garde seront prévus). La durée maximale de l'entrevue est de une heure et demi. La personne interviewée recevra vingt dollars en remerciement de sa précieuse collaboration. Tous les renseignements recueillis dans le cadre des entrevues sont confidentielles et utilisés par les agentes de recherche uniquement pour des fins d'analyse et de compilation. Aucune information de nature personnelle ne sera divulguée aux intervenants et intervenantes des organismes ou écoles.

Nous prévoyons compiler les résultats des entrevues au cours du mois de mai et les rendre publics dès l'automne 2000. Il est évident que nous pensons déjà aux retombées de la recherche et que nous souhaitons vivement pouvoir partager nos réflexions avec les intervenants et intervenantes des autres organismes et écoles de notre milieu.

Version école

Nous vous remettons ci-joint des copies d'un feuillet intitulé «Avis de recherche». Nous aimerions si possible qu'il soit distribué à tous les élèves du premier cycle pour qu'ils puissent le remettre à leur(s) parent(s). Nous aimerions recevoir des réponses de ceux-ci au cours des premières semaines de février.

Ou version autre groupe communautaire

Nous vous remettons ci-joint des copies d'un feuillet intitulé «Avis de recherche». Nous aimerions si possible qu'il soit distribué aux personnes que vous côtoyez dans le cadre de votre travail, qui vous semblent correspondre à nos critères et qui pourraient être intéressées par une telle démarche. Nous aimerions recevoir des réponses de ces personnes au cours des trois premières semaines de février.

Voilà les principaux renseignements dont nous voulions vous faire part au sujet de la recherche-action. Merci énormément de votre collaboration et n'hésitez pas à nous contacter pour toute autre question.

Au plaisir de vous reparler bientôt!

Janine Legros
Groupe Alpha Laval

Nancie Chabot
Entraide Pont-Viau/Laval-des-Rapides

3. Questionnaire d'entrevue

[Voir l'image pleine grandeur]3. Questionnaire d'entrevue - Présentation

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4. Schéma d'entrevue

Recherche-action
dans le cadre du projet d'expérimentation
d'un modèle intégré de prévention de l'analphabétisme

Entraide Pont-Viau, école Raymond Labadie et Groupe Alpha Laval

Entrevue individuelle avec les parents
22 février 2000
Schéma d'entrevue

Introduire:

Il y a quatre parties dans l'entrevue. Pour que ce soit plus facile à suivre, nous allons toujours parler d'un enfant en particulier, soit car c'est celui qui est en 2e année ou qui est le plus proche de ce niveau.

La première partie porte sur la lecture et l'écriture dans la famille, en dehors des devoirs et des leçons (on parle donc de ce qui se passe dans la vraie vie, dans la vie de tous les jours).

Nommer l'enfant par son nom.

S'il y a des réponses négatives, ou que vous souhaitez approfondir davantage, évitez les «pourquoi», laissez un petit silence, répétez la question ou revenez-y plus tard. N'insistez pas trop non plus si vous sentez trop de résistance.

La lecture

1. Dans une semaine, qu'est-ce que vous lisez en général à la maison?

Sonder:
Fréquence
À quel moment de la journée
Contenu (journal, revues, courrier, livres, le publi-sac, TV-hebdo, recettes...)
Motifs

2. Est-ce que ça vous arrive de lire devant vos enfants?

Sonder:
À quelle occasion?
Donnez-moi un exemple...

3. Est-ce que ça vous arrive de lire une histoire à ...?

Si oui sonder:
Déroulement
Fréquence
Comment ça se passe

Si non: sonder:
Les motifs (mais pas de pourquoi)

3.1 Est-ce qu'il y a quelqu'un d'autre qui lit à ...?

Sonder:
Déroulement
Fréquence
Comment ça se passe

3.2 Est-ce que vous lisez à quelqu'un d'autre dans la maison?

Sonder:
Déroulement
Fréquence
Comment ça se passe

4. Avez-vous un lieu où sont placés les livres dans la maison (enfants et parents)?

Sonder:
Les emplacements (salon, chambre des enfants ou des adultes...)
La nature des livres (encyclopédies, pile de revues, des romans...)
Vérifier s'il y a des lieux spécifiques aux enfants

5. Où se trouvent les documents écrits dans la maison? (* être renforcé)

Sonder:
La nature (les journaux, les revues, les comptes, les mémos, calendrier, courrier, communications extérieures...)
Les endroits où ça se trouve dans la maison (frigo*, salle de bain, à côté du téléphone*...)
Donnez un exemple si obligé (le courrier, vous le mettez où? Les notes pour les messages téléphoniques? Vous m'avez parlé de journaux, y a-t-il une place où vous les mettez?)

Pour chacun des types de documents mentionnés, demandez:

5.1 Qui les utilise?

(par exemple, qui écrit le plus souvent des messages téléphoniques, qui lit les journaux?)

5.2 Pour quel usage?

6. Est-ce que ça vous arrive d'aller à la bibliothèque municipale?

Sonder:
Fréquence
Pour qui?
Motifs
Comment ça se passe
Explorer la non-fréquentation (mais pas de pourquoi)

7. Est-ce que vous aimez lire?

Sonder:
Les raisons
Les difficultés

8. Vous considérez-vous comme un bon lecteur? une bonne lectrice?

Sonder
Qu'est-ce qui vous fait dire ça?

9. À part vous, comment sont les autres personnes de la maison comme lecteur?

Sonder:
Les adultes et les enfants (on ne sonde pas les trop jeunes enfants)
Les personnes qui lisent le plus, qui aiment lire
Les personnes qui lisent le moins
Qu'est-ce qui vous fait dire ça? (pour donner des exemples)

L'écriture

10. Est-ce que ça vous arrive d'écrire à la maison?

Sonder:
Occasions
Fréquence
Contenu (liste d'épicerie, lettre, mémo, mots cachés ou croisés, carnet de téléphone...)

11. Avez-vous du matériel dans la maison pour écrire? (* à être renforcé)

Sonder:
La nature (des feuilles brouillons, un calendrier, du papier à côté du téléphone, du papier de couleur pour dessiner...)

Pour chaque type de matériel écrit, vérifiez:

11.1 À qui il sert? (vérifiez qui utilise quoi *et si le matériel est utilisé par les enfants)

11.2 Pour quel usage?

12. Est-ce que ça vous arrive d'écrire devant vos enfants?

Sonder:
Donnez des exemples, précisez les activités

13. Est-ce que vous aimez écrire?

Sonder:
Les raisons
Les difficultés

14. Est-ce que vous vous considérez bon(ne) en écriture?

15. À part vous, comment sont les autres de la famille par rapport à l'écriture?

Sonder:
Les adultes et les enfants (on ne sonde pas les trop jeunes enfants)
Les personnes qui écrivent, dessinent le plus, qui aiment écrire
Les personnes qui écrivent le moins
Qu'est-ce qui vous fait dire ça? (pour donner des exemples)

Introduire:
On passe maintenant à la deuxième partie de l'entrevue. J'aimerais que vous me parliez du suivi scolaire qui est fait avec...

16. Comment ça se passe la période des devoirs pour...? (*être renforcé)

Si les devoirs sont faits à la maison:
(Parlez-en même si la personne ne supervise pas les devoirs; elle en a toujours une idée.)

Sonder:
Lieu
À quel moment de la journée
*Qui fait le plus souvent les devoirs avec
La durée
Le comportement de l'enfant
Les difficultés rencontrées
Les réactions du parent devant les difficultés
Les solutions trouvées s'il y a lieu
Si les devoirs ne sont pas faits à la maison:

Sonder:
L'endroit où les devoirs sont faits
Avec qui
Les raisons du fait de ne pas les faire à la maison
La satisfaction du service
Y a-t-il une supervision après de la part du parent?

Si le parent ne supervise pas les devoirs:

17. Est-ce que vous faites autre chose pour ce qui est du suivi scolaire avec_?

Sonder:
Les autres tâches, suivis (donnez des exemples)
Fréquence
Comment ça se passe

18. Pensez-vous que parce que... est une fille (ou un gars), ça change de quoi dans la période des devoirs?

19. En dehors des devoirs ou leçons, est-ce que vous parlez de l'école avec...?

Sonder:
De quoi vous parlez ensemble?
Donnez-moi un exemple

19.1 Est ce que... vous parle de l'école?

Sonder:
De quoi vous parle-t-il (elle)?(des récrés, des amis, des profs, des notes...)
Comment ça se passe?
Si non, pour quelle raison?

(Regardez l'heure: ajustez-vous en conséquence)

Nous sommes maintenant rendus à la troisième partie. Si vous le voulez bien, vous allez me parler de l'école de...

20. D'après vous, est-ce que... aime l'école?

Sonder:
Qu'est-ce qui vous fait dire ça?
Les relations avec le prof
Difficultés de comportement
Difficultés d'apprentissage
En classe, en dehors de la classe (récré...)

21. Comment vous réagissez à ça?

Sonder:
Autant le positif que le négatif

Poser la question seulement si elle n'a pas été répondue avant.

22. Le fait que ça soit un(e) gars (fille), est-ce que ça change quelque chose au fait qu'il aime l'école (ou qu'il n'aime pas l'école)?

Poser la question seulement si elle n'a pas été répondue avant.

23. Selon vous, comment réussit... à l'école? (*être renforcé)

Sonder:
Qu'est-ce qui vous fait dire ça?
*son comportement en classe son intérêt général
*ses forces, ses faiblesses les notes, le bulletin le prof

24. À quelles occasions allez-vous à l'école de...?

Sonder:
La nature (les bulletins, la rentrée, reconduire l'enfant chaque matin, les sorties, le bénévolat...)
La fréquences des visites
Comment ça se passe?

25. Êtes-vous sur un comité d'école?

Si oui Sonder:
Quel comité?
Qu'est-ce qui vous a donné le goût de vous impliquer?
Comment ça se passe

26. À qui parlez-vous le plus souvent quand vous allez à l'école?

Sonder:
Comment ça se passe?
De quoi parlez-vous?
La fréquence

Poser la question seulement si elle n'a pas été répondue avant en 26.

27. La dernière fois que vous avez eu à parler de... à quelqu'un de l'école, comment ça s'est passé?

Sonder:
À qui?
Pour quelle raison?
C'est la personne ou vous qui a pris contact?
SI problème: quelles ont été les solutions (feuille de route, classe spéciales, personne-ressource, médicament...)

27.1 Comment vous avez réagi?

28. Est-ce que... a un agenda dans sa classe? Si oui:

28.1 Est-ce que vous utilisez l'agenda de...?

Sonder:
Pour faire quoi (écrire au prof, voir les devoirs)
Donnez des exemples
Fréquence d'utilisation
Perception de l'utilité de l'agenda de façon générale:

28.2 Est-ce que le professeur vous écrit?

Sonder:
Pour dire quoi
Fréquence
Comment vous réagissez

29. À part l'agenda, est-ce qu'il y a d'autres moyens de communication avec l'école?

Sonder:
La nature (téléphone, rencontres individuelles, visites à la maison...)
Fréquence
Motifs
Comment ça se passe?
Qui rejoint l'autre?

30. Est-ce que vous aimez aller à l'école de...?

Sonder:
Qu'est-ce qui vous fait dire ça?
Le climat
Les lieux
Les profs
La direction

31. Parmi le personnel de l'école, qui aimez-vous le plus? Qui aimez-vous le moins?

Sonder:
Pour quelle raison vous dites ça? (donnez des exemples)

32. Diriez-vous que vous êtes satisfait(e) de l'école de...?

33. Si on vous en donnait le choix, qu'est-ce que vous aimeriez améliorer demain matin à l'école de...?

Sonder:
L'aménagement physique
Les activités culturelles, para-scolaires
Le personnel
La pédagogie
Un changement d'attitude
Les communications avec les parents

Introduire la dernière section
C'est presque terminé! Ça va? Il nous reste (dire le temps qui reste) pour aborder avec vous le dernier point qui porte sur l'éducation et l'école en général, pas celle de....

34. Pour vous l'école, est-ce que c'est quelque chose d'important?

Sonder:
Qu'est-ce qui vous fait dire ça?

35. Quand vous étiez jeune, aimiez-vous l'école?

Sonder:
Qu'est-ce que vous aimiez le plus?
Qu'est-ce que vous aimiez le moins?
La présence ou non de difficultés

36. Est-ce que vos parents s'intéressaient à vos études quand vous étiez jeune?

Sonder:
Contact avec l'école
Suivi des devoirs
Comment ça se passait?

37. Pour quelle raison avez-vous quitté l'école?

Sonder:
La réaction des parents
Vérifier les liens avec le travail ou la naissance d'un enfant

En terminant, si on essayait d'imaginer le futur...

38. Selon vous, qu'est-ce que... va faire plus tard?

Si ça n'a pas été répondu à la question 38

39. Pensez-vous qu'il(elle) ira longtemps à l'école?

Sonder:
Jusqu'où (pour saisir ce que ça veut dire pour le parent, la durée)
Qu'est-ce qui vous fait dire ça?

40. Qu'est-ce que vous souhaitez pour lui (elle) quand il (elle) sera un adulte?

Nous avons terminé. Merci énormément de votre collaboration!!!

Les résultats de cette recherche vont être disponibles au courant de l'automne prochain. Si ça vous intéresse, on peut vous contacter quand viendra le temps pour vous en parler ou pour en recevoir une copie.

5. Outil de préparation à l'analyse collective

Pour bien vous préparer à la rencontre

La rencontre à laquelle vous allez participer durera entre 2 et 3 heures, selon la disponibilité des participants. C'est long, mais c'est aussi très court! Voici des façons de bien vous préparer à cette rencontre:

  • Lisez attentivement ce cahier une fois, même deux ou plus si vous pouvez! Cette lecture attentive est LA CONDITION essentielle de réussite de nos rencontres.
  • Ne cherchez pas à reconnaître des gens à l'aide du texte; cherchez plutôt à dégager des idées maîtresses, des observations plus générales.
  • Servez-vous du cahier! Écrivez dedans ce qui vous vient spontanément en lisant: ce qui vous étonne, ce qui vous questionne, ce que vous ne saviez pas. Ces notes sont d'abord pour vous; ne vous gênez pas et oubliez les fautes d'orthographe!
  • Posez-vous les questions suivantes après votre lecture: qu'est-ce que j'apprends de nouveau? Qu'est-ce qui se dégage de ce sous-thème? Qu'est-ce que ça m'indique pour mon travail?
  • Écrivez des notes dans les pages de couleur pour vous souvenir de ce que vous avez pensé ou pour résumer le sous-thème que vous venez de lire.
  • Soulignez les phrases qui vous touchent.

Enfin, n'oubliez pas que ces précieuses informations font partie d'un matériel de recherche; nous avons promis l'anonymat aux personnes rencontrées et assuré la confidentialité de leur témoignage. Il est donc important que vous gardiez le plus possible pour vous le contenu de ce cahier. C'est une question importante de respect et de rigueur pour la recherche.

Nous allons d'ailleurs reprendre les cahiers à la fin des rencontres. Donc vous avez SEULEMENT une semaine pour lire ce cahier; ne ratez pas ce temps précieux!

6. Carte du quartier de Pont-Viau

Situation géographique des partenaires

[Voir l'image pleine grandeur]6. Carte du quartier de Pont-Viau - Situation géographique des partenaires

Remerciements

Nous tenons à remercier toutes les personnes qui se sont impliquées dans cette aventure à un moment ou à un autre:

  • Jean-Marie Martin qui a démontré une grande ouverture pour le projet;
  • Lise Laroche qui a représenté l'école primaire Raymond-Labadie pendant deux ans;
  • Michel Lizée, du Service aux collectivités de l'UQÀM, qui a su faire le pont entre le terrain et le comité qui étudie les demandes;
  • Lucie Godard et Marie Nadeau, professeures de l'UQÀM, qui ont développé des connivences avec nous;
  • Les organismes du milieu qui ont contribué au recrutement de notre échantillon, soit la Parentèle, le Relais communautaire de Pont-Viau, le resto pop le Saint-Claude, Entraide Pont-Viau / Laval-des-Rapides et Groupe Alpha Laval;
  • Les dix-huit parents qui ont bien voulu nous livrer leur vécu;
  • Tous les intervenants qui ont participé à l'analyse collective des verbatims et à la validation du chapitre sur les résultats: de Entraide Pont-Viau/Laval-des-Rapides, Claire Bélisle, Monique Bélisle, Claudine Inizan, Claire LeBel et Sylvie Michaud; du Groupe Alpha Laval: François Brassard, Nicole Marcoux, Alain Cyr et Ginette Corey; de l'école Saint-Gilles: Raymonde Dubé et Eric Marquier.
  • Raymonde Dubé, directrice de l'école Saint-Gilles, qui a accepté de prendre la relève de la directrice de l'école Raymond-Labadie comme partenaire du projet.
  • Et, plus particulièrement, un gros merci à Florence Bourdillat, «un bouillon de culture» dont les idées, le sens critique et la réflexion nous ont inspirés tout au long du projet.

Crédits

Rédaction
Nathalie Drolet de Entraide Pont-Viau/Laval-des-Rapides
En collaboration avec
Janine Legros de Groupe Alpha Laval
Sylvie Roy (consultante)

Supervision du processus de recherche et des étapes de rédaction
Sylvie Roy

Préparation des instruments de collecte
Janine Legros
Sylvie Roy

Sélection, recrutement de l'échantillon et réalisation des entrevues
Janine Legros
Nancie Chabot de Entraide Pont-Viau/Laval-des-Rapides

Retranscription des verbatims
Marie-Cécile Piager

Analyse des données
Nathalie Drolet
Janine Legros
Sylvie Roy,
En collaboration avec
Nancie Chabot

Agentes de recherche pour la 1ère année
Janine Legros
Florence Bourdillat de Entraide Pont-Viau/Laval-des-Rapides

Lecteurs critiques
Claire LeBel
Raymonde Dubé
Alain Cyr
Lucie Godard
Nicole Girard

Révision linguistique
René Auger

Conception graphique
Pierre Lachance

Coordination du projet en prévention
Alain Cyr de Groupe Alpha Laval

Gestion du projet de prévention
Alain Cyr
En collaboration avec
Claire LeBel de Entraide Pont-Viau/Laval-des-Rapides

Les partenaires
Entraide Pont-Viau/Laval-des-Rapides
L'école primaire Saint-Gilles
Le Groupe Alpha Laval

Ce document a été rendu possible grâce au soutien financier du Secrétariat national à l'alphabétisation et du programme des «Initiatives fédérales-provinciales conjointes en matière d'alphabétisation».

© Laval, Entraide Pont-Viau/Laval-des-Rapides et le Groupe Alpha Laval, 2000.

Pour se procurer un exemplaire, contactez:

Le Groupe Alpha Laval
90, boul. Lévesque est Laval (Québec) H7G 1B9
Téléphone: 450-669-3232
Télécopieur: 450- 669-3708


  • 1 Initiatives fédérales-provinciales conjointes en matière d'alphabétisation.
  • 2 Cyr, Alain, et Nicole Girard (1997). Chapeau les parents., Laval, Groupe Alpha Laval, 72 p.
  • 3 Dans cette recherche, le féminin est représenté par la lettre E majuscule.
  • 4 Cyr, Alain, et Janine Legros (1999). «Prête-moi ta plume pour écrire un mot»; À la recherche d'un modèle de prévention de l'analphabétisme». Laval, Groupe Alpha Laval, 36 p.
  • 5 La typologie de Nickse (citée par Gaudet (1994), La famille et l'alphabétisation, p. 14) classe quatre types d'alphabétisation familiale répartis selon l'intervention directe ou indirecte avec les enfants et les parents.
  • 6 Cyr, Alain, Florence Bourdillat, Janine Legros (1999). «Prête-moi ta plume pour écrire un mot, phase 2», projet présenté au SNA, Laval, 25 p.
  • 7 Le Secrétariat national à l'alphabétisation.
  • 8 Thériault, Jacqueline (1996). J'apprends à lire, Aidez-moi!, Montréal, Éditions Logique, 180 p.
  • 9 Giasson, Jocelyne (1995). La lecture. De la théorie à la pratique, Boucherville, Gaétan Morin.
  • 10 Nous rappelons au lecteurE que ces constats réfèrent principalement à la première phase de notre projet concerté, et ne doivent pas être généralisés à l'ensemble de nos démarches en partenariat.
  • 11 Voir notamment le Programme d'éveil à l'écrit destiné aux familles des milieux défavorisés, élaboré par quatre ministères dont celui de l'Éducation.
  • 12 Selon le Guide méthodologique de recherche sur l'alphabétisation (2000, p.7), la pratique réflexive, équivalent de la science-action, est définie comme: «une forme de recherche qui implique la praticienne et le praticien à la fois comme chercheur et comme objet de la recherche. Il ou elle entreprend une recherche sur la pratique; fait une analyse rétroactive de ses actions en tant que professionnel ou professionnelle de formation. Le but de ce type de recherche est le perfectionnement du praticien ou de la praticienne, de ses gestes, de ses discours, de ses techniques, de ses habilités professionnelles.»
  • 13 Voir la carte de Pont-Viau en annexe.
  • 14 Comme vous le verrez au chapitre 3, les difficultés de recrutement des parents nous ont amené à élargir notre bassin à deux autres quartiers de Laval, soit Chomedey et Laval-des- Rapides. Ces deux quartiers ont sensiblement les mêmes caractéristiques que Pont-Viau.
  • 15 Benoît, Serge (1999). Laval Recensement 1996. Profil socioéconomique des ex-municipalités 1996, Laval, Service du budget, des achats et de l'informatique, Ville de Laval, 260 p.
  • 16 On parle ici de la nouvelle carte scolaire rendue publique en mai 1999 par le ministre François Legault; cette carte établit l'indice de défavorisation par secteur géographique et par bâtiment scolaire. L'indice est construit à partir de variables du recensement 1996 concernant les familles ayant des enfants de moins de 18 ans, soit la proportion des familles sous le seuil de faible revenu; la proportion des familles monoparentales (mères); la proportion de mères ayant moins de 9 ans d'études et la proportion de pères qui n'occupent pas d'emploi.
  • 17 Le taux de diplômation est calculé à partir d'une cohorte d'élèves ayant toujours un nombre supérieur à 20. Le pourcentage reflète le nombre d'élèves issus de cette cohorte qui a obtenu un diplôme d'études secondaires 8 ans plus tard.
  • 18 Coulombe, Isabelle, et Sylvie Roy, (2000). Guide méthodologique de recherche pour le milieu de l'alphabétisation, Québec, ministère de l'Éducation, 75 p.
  • 19 Voir les nombreux documents de Lahire cités dans les références.
  • 20 Voir notamment Lahire, Bernard (1996). «Des réussites scolaires multiformes en milieu populaires», Migrants formation, no 104, Paris, Centre national de documentation pédagogique, p. 22-27.
  • 21 Voir notamment Françoise Lorcerie et Michèle Vatz Laaroussi, des auteures citées en référence.
  • 22 Jacques, Marie et Madeleine Baillargeon (1997). «Point de vue écologique sur les services préscolaires en milieux défavorisés». Éduquer avant l'école, l'intervention préscolaire en milieux défavorisés et multiethniques, sous la dir., de François Tochon, Montréal, Bruxelles, Presses de l'Université de Montréal et De Boeck Université, p. 207-226.
  • 23 Bronfenbrenner, U. (1979). The Ecology of human development: Experiments by nature and design. Cambridge, MA, Harvard University Press; cité dans Jacques, Marie et Madeleine Baillargeon (1997). «Point de vue écologique sur les services préscolaires en milieux défavorisés».
  • 24 Tremblay, Hélène (1997). Pour prévenir l'analphabétisme, recherches, réflexions et propositions d'actions, Québec, MEQ, DFGA, 38 p.
  • 25 Voir notamment les travaux de Besse, Giasson et Thériault cités dans les références.
  • 26 Giasson, Jocelyne (1995). La lecture, de la théorie à la pratique, Boucherville, Gaétan Morin éditeur, p. 114.
  • 27 Gaudet, Claude (1994), La famille et l'alphabétisation, Montréal, la Fondation québécoise pour l'alphabétisation, p.8.
  • 28 Ibid, p.3l.
  • 29 Jacqueline Thériault (1996). J'apprends à lire... Aidez-moi!
  • 30 Lahire, Bernard (1995). Tableaux de familles, échecs et réussites scolaires en milieux populaires, Lyon, Gallimard et le Seuil.
  • 31 Wagner, Serge (1984). «La lecture, l'écriture et l'alphabétisation», sous la dir. de J.-P. Hautecoeur, ALPHA 84, recherches en alphabétisation, Québec, ministère de l'Éducation, p. 83-115.
  • 32 Roy, Sylvie (1995). Portrait de filles et de garçons de 16 à 25 ans inscrits à des activités d'alphabétisation, Québec, Direction de la formation générale des adultes, 122 p.
  • 33 Voir surtout Lahire Bernard (1993b). La raison des plus faibles. Rapport au travail, écritures domestiques et lecture en milieu populaire, Lille, Presses universitaires de Lille, 187 p.
  • 34 Lahire, Bernard (1993a). «L'inégale "réussite scolaire" des garçons et des filles de milieux populaires: une piste de recherche concernant l'écriture domestique», Les Chemins de la Recherche, Milieu et liens sociaux, programme Rhônes et Alpes, p. 165.
  • 35 Lahire, Bernard (1993a). «L'inégale "réussite scolaire" des garçons et des filles de milieux populaires: une piste de recherche concernant l'écriture domestique», Les Chemins de la Recherche, Milieu et liens sociaux, programme Rhônes et Alpes, p. 167.
  • 36 Voir notamment Bélisle, Rachel (1997a). Efforts d'accessibilité 1996. Rapport de recherche. Montréal, ICÉA, 39 p.; Bélisle, Rachel (1997b). Des services publics pour toute la population, Montréal, ICÉA, 55 p.
  • 37 Besse, Jean-Marie (1995). L'écrit, l'école et l'illettrisme, Lyon, Éditions Magnard, 118 p.
  • 38 Norris, Christina (1999). «Les parents et l'école: la participation et les attentes des parents en ce qui a trait à l'éducation de leurs enfants», Revue trimestrielle de l'éducation, vol.5, n°4, p. 61-80.
  • 39 Lahire, Bernard (1995). Tableaux de familles, échecs et réussites scolaires en milieux populaires.
  • 40 Conseil supérieur de l'éducation (1994). Être parent d'élève du primaire: une tâche éducative irremplaçable, Québec, Bibliothèque nationale; voir chapitre 4, p. 55.
  • 41 Ibid., p. 188.
  • 42 Cunha, Maria do Céu (1998). «Les parents et l'accompagnement scolaire: une si grande attente...», p. 188.
  • 43 Zéharoui, Ahsène, cité par Maria do Céu Cunha (1998). «Les parents et l'accompagnement scolaire: une si grande attente...», p. 199.
  • 44 Maria do Céu Cunha (1998). «Les parents et l'accompagnement scolaire: une si grande attente...».
  • 45 Ibid., p. 185.
  • 46 Voir principalement Le Breton, Dubet et Cunha, des auteurEs citéEs dans les références.
  • 47 Vatz Laaroussi, Michèle (1996). «Les nouveaux partenariats famille-école au Québec: l'extériorité comme stratégie de survie des familles défavorisées?», Liens Social et Politiques, RIAC, no 35, p. 87-97.
  • 48 DeSingley, François, cité dans Dubet, François (sous la dir. de) (1997). Écoles, familles: Le malentendu, Paris, Textuel, p. 50.
  • 49 Dubet, François et Danilo Martuccelli, (1996). «Les parents et l'école: classes populaires et classes moyennes», Lien Social et Politique, RIAC, no 35, p.109-119.
  • 50 Le Breton, Joce (1998). «L'école: un univers opaque pour les élèves et leurs parents», Ville, École, Intégration, n° 114, septembre Paris, Centre national de documentation pédagogique, p. 88-102.
  • 51 Ibid, p. 94.
  • 52 Maria do Céu Cunha (1998). «Les parents et l'accompagnement scolaire: une si grande attente...», p.182 et 186.
  • 53 Voir notamment le Conseil supérieur de l'éducation (1994), Être parent d'élève du primaire: une tâche éducative irremplaçable.
  • 54 Dubet, François (sous la dir. de) (1997). Écoles, familles: Le malentendu.
  • 55 Lahire, Bernard (1995). Tableaux de familles, échecs et réussites scolaires en milieux populaires.
  • 56 Le Breton, Joce (1998). «L'école: un univers opaque pour les élèves et leurs parents».
  • 57 Chauveau, Gérard et Elise Rogovas-Chauveau (1992). «Relations école-familles populaires et réussite au CP», Revue française de pédagogie, n°100, p. 17.
  • 58 Jacques, Marie et Madeleine Baillargeon (1997), «Point de vue écologique sur les services préscolaires en milieux défavorisés», p. 209.
  • 59 Lorcerie, Françoise (1998). «La coopération des parents et des maîtres, une approche non psychologique», p. 31.
  • 60 Vatz Laaroussi, Michèle (1996). «Les nouveaux partenariats famille-école au Québec: l'extériorité comme stratégie de survie des familles défavorisées?».
  • 61 Pourtois, Jean-Pierre et Huguerte Desmet (1997). «Les relations famille-école: un point de vue partenarial», Éduquer avant l'école, l'intervention préscolaire en milieux défavorisés et multiethniques, sous la dir. de François Tochon, Montréal, Paris, Bruxelles, Presses de l'université de Montréal et De Boeck Université, p. 257-274.
  • 62 Le Breton, Joce (1998). «L'école: un univers opaque pour les élèves et leurs parents», p.101.
  • 63 Ibid, p. 90.
  • 64 Ibid, p. 90.
  • 65 Ibid, p. 101.
  • 66 Pourtois, Jean-Pierre et Huguette Desmet (1997). «Les relations famille-école: un point de vue partenarial».
  • 67 Ibid, p. 259.
  • 68 Chauveau, Gérard et Elise Rogovas-Chauveau (1992). «Relations école-familles populaires et réussite au CP».
  • 69 Lahire, Bernard (1995). Tableaux de familles, échecs et réussites scolaires en milieux populaires.
  • 70 Montandon, Cléopâtre, et Phillipe Perrenoud (1987). Entre parents et enseignants, un dialogue impossible? vers l'analyse sociologique des interactions entre la famille et l'école, Berne (Suisse), Lang, p. 51.
  • 71 Hohl, Janine, et Michèle Normand (1997). «Le point de vue qu'exprime l'enfant sur ses parents: une étude ethnographique», Éduquer avant l'école, l'intervention préscolaire en milieux défavorisés et multiethniques, sous la dir. de François Tochon, Montréal, Paris, Bruxelles, Presses de l'université de Montréal et De Boeck Université, p. 229-243.
  • 72 Hohl, Janine, et Michèle Normand (1997). «Le point de vue qu'exprime l'enfant sur ses parents: une étude ethnographique», p. 231.
  • 73 Ibid., p. 242.
  • 74 Bourgarel, Alain (1998). «École et pauvreté. Le quotidien de la classe», Ville-École-Intégration, n°l 15, décembre, p. 150-160.
  • 75 Chauveau, Gérard et Elise Rogovas-Chauveau (1992). «Relations école-familles populaires et réussite au CP», p. 17.
  • 76 De Brouker, Patrice, et Laval Lavallée (1998). «Réussir dans la vie: l'influence de la scolarité des parents», Revue trimestrielle de l'éducation, vol. 5, n°l, p. 22-28.
  • 77 Jacques, Marie et Madeleine Baillargeon (1997). «Point de vue écologique sur les services préscolaires en milieux défavorisés», p. 208.
  • 78 Landhy, Sarah, et Kwan Tarn, Kwok (1996). «Les pratiques parentales influencent bel et bien le développement des enfants du Canada». Grandir au Canada, Statistique Canada, Développement des ressources humaines Canada, p. 117-126.
  • 79 Bouchard, Camil, et coll. (1991). Un Québec fou de ses enfants, rapport du groupe de travail sur les jeunes. Québec, gouvernement du Québec, ministère de la Santé et des Services sociaux, Direction des communications, 179 p.
  • 80 Bourgarel, Alain (1998). «École et pauvreté, Le quotidien de la classe».
  • 81 Lahire, Bernard (1996). «Des réussites scolaires multiformes en milieux populaires», Migrants-formation, n°104, mars, Paris, Centre national de documentation pédagogique, p. 24.
  • 82 Roy, Josée (1994). «Du côté des parents: relations délicates et attentes multiples», Vie pédagogique, n°89 mai-juin, Québec, p. 23.
  • 83 Hohl, Janine, et Michèle Normand (1997). «Le point de vue qu'exprime l'enfant sur ses parents: une étude ethnographique».
  • 84 Dubet, François et Danilo Martuccelli (1996). «Les parents et l'école: classes populaires et classes moyennes».
  • 85 Roy, Sylvie (1995). Portrait de filles et de garçons de 16 à 25 ans inscrits à des activités d'alphabétisation.
  • 86 Lahire, Bernard (1994). «Les raisons de l'improbable. Les formes populaires de la réussite à l'école élémentaire». L'éducation prisonnière de la forme scolaire? Scolarisation et socialisation dans les sociétés industrielles, sous la dir. de Guy Vincent, Lyon, PUL, p. 94.
  • 87 Bourgarel, Alain (1998). «École et pauvreté, Le quotidien de la classe», p. 153.
  • 88 Cunha, Maria do Céu (1998). «Les parents et l'accompagnement scolaire: Une si grande attente...», p. 182.
  • 89 Lahire, Bernard (1995). Tableaux de familles, échecs et réussites scolaires en milieux populaires.
  • 90 Bourgarel, Alain (1998). «École et pauvreté, Le quotidien de la classe», p. 153.
  • 91 Voir notamment Jacques et Baillargeon, Lorcerie, Chauveau et Rogovas-Chauveau, des auteurEs citéEs dans les références.
  • 92 Bouchard, Camil et coll. (1991). Un Québec fou de ses enfants, p. 58.
  • 93 Ministère de l'Éducation (1999). Prendre le virage du succès. Une école adaptée à tous ses élèves, Politique de l'adaptation scolaire, Québec, 37 p. et annexes.
  • 94 Ces chiffres tiennent également compte des jeunes de 16 à 19 ans qui, la même année, peuvent obtenir un diplôme au secteur des adultes. Voir MEQ, Indicateurs de l'éducation: édition 1999.
  • 95 Conseil supérieur de l'éducation (1999). Pour une meilleure réussite scolaire des garçons et des filles, p. 29.
  • 96 Gagnon, Claudette (1999). Pour réussir dès le primaire, Montréal, Éditions du remue-ménage.
  • 97 Voir Mayer, Robert, et Francine Ouellet (1991). Méthodologie de recherche pour les intervenants sociaux, Montréal, Gaétan Morin, 535 p.; Mayer, Robert, Francine Ouellet, Marie-Christine Saint-Jacques, Daniel Turcotte et coll. (2000). Méthodes de recherche en intervention sociale, Boucherville, Gaétan Morin, 409 p.; Barnsley, Jan, et Diana Ellis (1992). La recherche en vue de stratégies de changement; guide de recherche-action pour les groupes communautaires, Vancouver, Women's Research Centre (traduction Claudine Vivier, Relais femmes, Montréal), 102 p.
  • 98 Prenez note que les termes sont féminisés lorsqu'on parle de l'équipe de recherche, qui était composée uniquement de femmes.
  • 99 L'alphabétisme représente un continuum de toutes les compétences et les connaissance liées à l'écrit qui sont utilisées pour fonctionner dans toutes les sphères de la vie et pour se développer. Voir Statistique Canada (1996).
    Lire L'avenir: un portrait de l'alphabétisme au Canada. Ottawa, Statistique Canada et Développement des ressources humaines Canada, 131 p.
  • 100  En fait, on compte une intervenante à temps plein du Groupe Alpha Laval, deux intervenantes à temps partiel de la Maison de la famille et une accompagnatrice extérieure qui supervise l'ensemble des étapes de la recherche-action.
  • 101  Une des lettres d'introduction qui présentait la démarche d'analyse collective est d'ailleurs présentée en annexe.
  • 102  Encore aujourd'hui, en l'absence de données plus précises, on utilise le critère de moins de 9 ans de scolarité pour désigner les personnes analphabètes ou peu scolarisés.
  • 103  Selon la réforme en vigueur depuis septembre 2000, l'école primaire est divisée en trois cycles, le premier correspondant à la première et deuxième année.
  • 104  Une personne ne connaissait pas le niveau de scolarité de son conjoint, donc les renseignements recueillis s'appliquent à 14 conjoints.
  • 105  De Brouker, Patrice, et Laval Lavallée (1998). «Réussir dans la vie: l'influence de la scolarité des parents», Revue trimestrielle de l'éducation, vol. 5, no°l, p. 22-28.
  • 106  Nous tenons à souligner que nous avons tenté de respecter le plus fidèlement possible les témoignages des parents, dans leurs formes d'expression comme d'hésitations; donc les verbatims présentés dans le chapitre 4 sont rédigés dans une forme orale. Un point-virgule sépare les propos tenus par des personnes différentes.
  • 107  Nous avons connu un problème technique en cours d'enregistrement; c'est pourquoi nous avons uniquement dix-sept entrevues sur le thème des pratiques familiales de l'écrit.
  • 108  Thériault, Jacqueline (1996). J'apprends à lire...Aidez-moi!.
  • 109  Lahire, Bernard (1995). Tableaux de familles, échecs et réussites scolaires en milieux populaires.
  • 110  Cité dans Tremblay, Hélène (1997), Pour prévenir l'analphabétisme, recherches, réflexions et propositions d'actions, Québec, MEQ, DFGA, 38 p.
  • 111  Besse, Jean-Marie (1995). L'écrit, l'école et l'illettrisme.
  • 112  Lahire, Bernard (1995). Tableaux de familles, échecs et réussites scolaires en milieux populaires.
  • 113  Besse, Jean-Marie (1995). L'écrit, l'école et l'illettrisme.
  • 114  Thériault, Jacqueline (1996). J'apprends à lire...Aidez-moi!
  • 115  Wagner, Serge (1984). La lecture, l'écriture et l'alphabétisation.
  • 116  Statistique Canada (1996). Lire L'avenir: un portrait de l'alphabétisme au Canada, Ottawa, Statistique Canada et Développement des ressources humaines Canada.
  • 117  Lahire, Bernard (1995). Tableaux defamilles, échecs et réussites scolaires en milieux populaires.
  • 118  Garon, Rosaire (1997). La culture: en pantoufles et en souliers vernis, Rapport d'enquête sur les pratiques culturelles au Québec, ministère de la Culture et des Communications, Direction de la recherche, de l'évaluation et des statistiques.
  • 119  Wagner, Serge (1984). La lecture, l'écriture et l'alphabétisation.
  • 120  Voir notamment Besse, Lahire et Wagner, cités en référence.
  • 121  Lahire, Bernard (1995). Tableaux defamilles, échecs et réussites scolaires en milieux populaires.
  • 122  Roy, Sylvie (1995). Portrait de filles et de garçons de 16 à 25 ans inscrits à dés activités d'alphabétisation.
  • 123  Étude américaine citée dans Tremblay, Hélène (1997) Pour prévenir l'analphabétisme, recherches, réflexions et propositions d'actions.
  • 124  Thériault, Jacqueline (1996). J'apprends à lire...Aidez-moi!
  • 125  Norris, Christina (1999). Les parents et l'école: la participation et les attentes des parents en ce qui a trait à l'éducation de leurs enfants.
  • 126  Lahire, Bernard (1998). La réussite scolaire en milieux populaires ou les conditions d'une schizophrénie heureuse.
  • 127  Bélisle, Rachel (1997a). Efforts d'accessibilité 1996. Rapport de recherche. Montréal, ICÉA, 39 p.; Bélisle, Rachel (1997b). Des services publics pour toute la population, Montréal, ICÉA, 55 p.
  • 128  Voir notamment Thériault, Tremblay et Norris cités dans les références.
  • 129  Besse, Jean-Marie (1995). L'écrit, l'école et l'illettrisme.
  • 130  Roy, Sylvie (1995). Portrait de filles et de garçons de 16 à 25 ans inscrits à des activités d'alphabétisation.
  • 131  Besse, Jean-Marie (1995). L'écrit, l'école et l'illettrisme.
  • 132  Deux parents ont mentionné deux type d'outils, ce qui explique que le total dépasse 11.
  • 133  Thériault, Jacqueline (1996). J'apprends à lire...Aidez-moi!
  • 134  Lahire, Bernard (1995). Tableaux de familles, échecs et réussites scolaires en milieux populaires.
  • 135  Thériault, Jacqueline (1996) J'apprends à lire...Aidez-moi!
  • 136  Wagner, Serge (1984). «La lecture, l'écriture et l'alphabétisation».
  • 137  Lahire, Bernard (1995). Tableaux de familles, échecs et réussites scolaires en milieux populaires.
  • 138  Besse, Jean-Marie (1995). L'écrit, l'école et l'illetrisme.
  • 139  Tremblay, Hélène (1997). Pour prévenir l'analphabétisme, recherches, réflexions et propositions d'actions.
  • 140  Thériault, Jacqueline (1996). J'apprends à lire...Aidez-moi!
  • 141  Thériault, Jacqueline (1996). J'apprends à lire...Aidez-moi!
  • 142  Besse, Jean-Marie (1995). L'écrit, l'école et l'illettrisme.
  • 143  Voir notamment Bouchard et collaborateurs, Lahire, Landhy et Kwan Tarn, cités dans les références.
  • 144  Lahire, Bernard (1995). Tableaux de familles, échecs et réussites scolaires en milieux populaires.
  • 145  Gagnon, Claudette (1999). Pour réussir dès le primaire.
  • 146  Voir l'avis du Conseil supérieur de l'éducation (1999). Pour une meilleure réussite scolaire des garçons et des filles.
  • 147  Cunha Maria do Céu (1998). «Les parents et l'accompagnement scolaire: une si grande attente...».
  • 148  Montandon, Cléopâtre. et Philippe Perrenoud (1987). Entre parents et enseignants, un dialogue impossible vers l'analyse sociologique des interactions entre la famille et l'école.
  • 149  Le Breton, Joce (1998). «L'école: un univers opaque pour les élèves et leurs parents».
  • 150  Landhy, Sarah, et Kwan Tarn, Kwok (1996). «Les pratiques parentales influencent bel et bien le développement des enfants du Canada».
  • 151  Conseil supérieur de l'éducation 1999). Pour une meilleure réussite scolaire des garçons et des filles.
  • 152  Hohl, Janine, et Michèle Normand (1997). Le point de vue qu'exprime l'enfant sur ses parents: une étude ethnographique.
  • 153  Lahire, Bernard (1995). Tableaux de familles, échecs et réussites scolaires en milieux populaires.
  • 154  Lahire, Bernard (1995). Tableaux de familles, échecs et réussites scolaires en milieux populaires.
  • 155  Cunha, Maria do Céu, Les parents et l'accompagnement scolaire: Une si grande attente...
  • 156  Voir notamment Martinez, Jean-Paul (1994). La coopération famille-école et l'apprentissage précoce du langage écrit, La famille et l'éducation, sous la direction de Bernard Terrisse et Gérald Boutin, les Éditions Logiques, p. 93-109.
  • 157  Le Breton, Joce (1998). L'école: un univers opaque pour les élèves et leurs parents.
  • 158  Jacques, Marie et Madeleine Baillargeon (1997). Point de vue écologique sur les services préscolaires en milieux défavorisés.
  • 159  Hohl, Janine et Michèle Normand (1997). Le point de vue qu'exprime l'enfant sur ses parents: une étude ethnographique.
  • 160  Lahire, Bernard (1995). Tableaux de familles, échecs et réussites scolaires en milieux populaires.
  • 161  Lahire, Bernard (1996). Des réussites scolaires multiformes en milieux populaires.
  • 162  Montandon, Cléopâtre, et Philippe Perrenoud (1987). Entre parents et enseignants, un dialogue impossible? Vers l'analyse sociologique des interactions entre la famille et l'école.
  • 163  Voir Le petit Robert, édition 1993.
  • 164  Chauveau, Gérard et Elise Rogovas-Chauveau (1992). Relations école-familles populaires et réussite au CP.
  • 165  Dubet, François et Danilo Martuccelli, (1996). Les parents et l'école: classes populaires et classes moyennes, Lien Social et Politique PJAC, no 35, p.109-119.
  • 166  Chauveau, Gérard, et Élise Rogovas-Chauveau,(1992). «Relations école-familles populaires et réussite au CP».
  • 167  Dubet, François et Danilo Martuccelli, (1996). Les parents et l'école: classes populaires et classes moyennes.
  • 168  Lorcerie, Françoise (1998). La coopération des parents et des maîtres, une approche non psychologique.
  • 169  Pourtois, Jean-Pierre et Huguette Desmet, (1997). Les relations famille-école: un point de vue partenariat.
  • 170  Norris, Christina (1999). Les parents et l'école: la participation et les attentes des parents en ce qui a trait à l'éducation de leurs enfants.
  • 171  Bouchard, Camil et coll. (1991). Un Québec fou de ses enfants.
  • 172  Lahire, Bernard (1995). Tableaux de familles, échecs et réussites scolaires en milieux populaires.
  • 173  Lahire, Bernard (1995). Tableaux de familles, échecs et réussites scolaires en milieux populaires.
  • 174  Bourgarel, Alain (1998). École et pauvreté, Le quotidien de la classe.
  • 175  Vatz Laaroussi, Michèle (1996). Les nouveaux partenariats famille-école au Québec: l'extériorité comme stratégie de survie des familles défavorisées?
  • 176  Voir les nombreux documents cités en références.