Orientations pour un énoncé de politique en éducation populaire autonome : déposé au ministère de l'Éducation par le Mouvement d'éducation populaire et d'action communautaire du Québec (MÉPACQ), le Regroupement des organismes volontaires d'éducation populaire (ROVEP), la Table des fédérations et organismes nationaux en EPA, le Regroupement des groupes populaires en alphabétisation du QUÉBEC (RGPAQ)

Le 30 octobre 1996

Texte de présentation

Depuis de nombreuses années, l'ensemble des organismes d'éducation populaire autonome (EPA) demande une reconnaissance formelle du ministère de l'éducation du Québec (MÉQ) par le biais d'une politique en ÉPA. Deux soucis principaux motivent le milieu à réclamer cette reconnaissance.

Premièrement, les organismes veulent une protection de l'éducation populaire autonome. Depuis plus de 27 ans. le MÉQ reconnaît, pas un programme de financement, les démarches éducatives en ÉPA. Le fait que le présent programme de financement soit discrétionnaire a toutefois permis à un récent ministre de l'éducation de mettre en marche un processus de démantèlement du réseau sans aucun débat public et sans que les organismes visés n'aient un mot à dire.

Deuxièmement, les organismes d'ÉPA sont en démarche depuis longtemps en vue d'obtenir une politique afin de se faire reconnaître formellement par le MÉQ. Au fil des années, cette revendication a reçu des appuis de taille. Déjà en 1981, la Commission Jean a proposé que l'on «reconnaisse le rôle prépondérant des organismes non-scolaires [qui] sont d'authentiques porteurs de l'action éducative dans notre milieu».

Dix ans plus tard, le Conseil supérieur de l'éducation, par le biais de sa commission sur l'Éducation des adultes recommande au ministère de l'Éducation « de reconnaître la valeur de l'éducation non-formelle et non-institutionnelle... et de maintenir en conséquence un niveau de subventions publiques adéquat. » Lors des Assises nationales des Etais-généraux sur l'éducation, en septembre 1996, dix-huit organismes, incluant les trois centrales syndicales, l'Assemblée des évêques, la Conférence des régies nationales et les associations étudiantes, ont appuyé la demande d'une reconnaissance formelle de l'éducation populaire autonome. Enfin, dans son rapport final, Rénover notre système d'éducation : dix chantiers prioritaires, la Commission des États-généraux sur l'éducation reconnaît clairement la multiplicité des lieux et des approches de formation, dont le milieu non formel d'éducation. En ce qui concerne l'éducation populaire, la Commission recommande à la ministre de l'éducation de « mieux reconnaître le rôle des organismes volontaires d'éducation populaire », allant même jusqu'à suggérer que l'éducation populaire doit se retrouver dans les priorités de financement du ministère.

Cet appel de la Commission quant au financement vient en appui à une deuxième grande revendication historique du milieu de l'éducation populaire autonome à savoir que le MÉQ réserve 1,5% de son budget global pour le financement de cette forme d'éducation non-formelles des adultes.

L'objet de cet avis

En mai dernier, la présente ministre de l'éducation, Madame Pauline Marois a rencontré une délégation des organismes nationaux de représentation en ÉPA. À la suite de cette rencontre, elle a désigné le Comité consultatif du MEQ comme plate-forme désignée pour examiner cette reconnaissance. De plus, la ministre a avisé les fonctionnaires de son ministère qu'elle souhaitait recevoir une proposition visant la reconnaissance de l'éducation populaire autonome.

Le présent texte, déposé solidairement par les organismes nationaux de représentation en ÉPA, qui ensemble représentent la vaste majorité des organismes d'EPA au Québec, veut formellement indiquer à la ministre comment ils envisagent le cheminement ministériel vers le respect de l'engagement électoral de son gouvernement, lequel se lit comme suit : « ...concevoir, de concert avec les intervenants, une véritable politique de reconnaissance et de financement des organismes volontaires d'éducation populaire (OVEP). » A cet égard, la proposition que nous faisons aujourd'hui fait la distinction entre les éléments que nous souhaiterions voir enchâssés dans une loi et les autres que nous souhaiterions retrouver enchâssés par voie réglementaire ou dans un nouveau programme.

Ce texte est déposé en conformité avec les décisions qui ont été adoptées à la rencontre du Comité de consultation du 17 juin 1996.

Précis de ce que nous demandons

Le mandat actuel de la ministre de l'éducation, tel qu'identifié dans la Loi sur le Ministère de l'éducation, précise que le ministère « exerce ses fonctions dans les domaines de l'éducation préscolaire, de l'enseignement primaire et secondaire, de renseignement collégial et de l'enseignement et de la recherche universitaire, à l'exception d'un enseignement relevant d'un autre ministre » (al, 1). Cette loi n'identifie pas « l'éducation populaire autonome » comme un domaine spécifique qui relève des compétences du ministre.

  • Il faudrait donc, à court terme, que cette loi soit modifiée afin d'identifier expressément l'éducation populaire autonome comme étant un des domaines de compétence du ministère de l'éducation

Deuxièmement, nous croyons que la ministre devrait s'engager à légiférer afin d'enchâsser l'éducation populaire autonome dans

  • une loi spécifique en éducation populaire autonome, avec une réglementation prévoyant certaines règles d'application

Éléments à retrouver dans une loi spécifique sur l'Éducation populaire autonome

Article 1 : Objectif de la loi

Le ministère de l'éducation reconnaît sa responsabilité à l'endroit des populations adultes désirant se prendre en charge individuellement et collectivement. L'objet de cette loi est de reconnaître l'Éducation populaire autonome et la responsabilité du ministère de l'Éducation de soutenir, développer et financer les initiatives en éducation populaire autonome qui s'adressent et répondent à la population adulte québécoise. On y trouvera également une reconnaissance du rôle de l'EPA en réponse aux besoins éducatifs des adultes la vie durant, ainsi qu'une reconnaissance de nos pratiques androgiques diversifiées.

Article 2 : Définition de l'ÉPA

Dans la loi, le législateur préciserait ce qu'il entend par l'éducation populaire autonome :

« L'éducation populaire autonome est une démarche éducative réalisée par des personnes ayant des besoins communs ou vivant des situations problématiques, qui font collectivement des activités d'apprentissage par la mise en commun de leurs connaissances et l'acquisition de nouvelles, la réflexion critique et l'action. Elle les amène à une prise de conscience individuelle et collective de leurs conditions de vie et de travail, leur donne des moyens d'avoir plus de contrôle sur leur quotidien et d'influencer les choix collectifs. Elle leur permet d'être plus en mesure de se réaliser personnellement et d'améliorer ou transformer les conditions sociales, économiques, culturelles et politiques dans lesquelles elles ont à vivre. »

(Définition tirée du document produit par le Comité national de révision du programme, p. 48, déc. 1987, un document co-signé par le MEQ et les regroupements nationaux en ÉPA.)

2.1 Organisme d'ÉPA

Dans la loi, et plus précisement comme faisant partie de l'article sur les définitions, il faudrait également que soient précisés les caractéristiques d'un organisme d'ÉPA. Ces caractéristiques sont les suivantes :

  • l'organisme est un OSBL ou une coopérative accessible et implantée dans le milieu
  • l'organisme a une vie démocratique.     Le fonctionnement démocratique d'un organisme implique une participation de ses membres à plusieurs mécanismes de travail qui représentent autant de lieux favorisant l'apprentissage : assemblée générale, conseil d'administration, comité de travail, comité d'action etc.
  • Chaque organisme d'ÉPA exerce son autonomie en déterminant librement sa mission, ses orientations et ses objectifs, ainsi que de ses règles et ses normes de régie interne. Il  est  indépendant  des organisations politiques,  des institutions publiques ou parapubliques, et des entreprises privées.
  • Le lien volontaire a l'organisme.   Les personnes qui fréquentent les organismes d'ÉPA viennent librement : elles participent à une démarche éducative sur une base volontaire.
  • Un organisme d'ÉPA peut avoir un champs d'action national, régional ou local.

2.1.2 La spécifité des organismes d'alphabétisation populaire autonome

Un des champs d'intervention spécifique en éducation populaire autonome est celui de l'alphabétisation. Le type de reconnaissance de l'alphabétisation populaire autonome est précisé dans l'Annexe 1.

2.2 La démarche éducative

La loi doit également décrire, dans les grandes lignes, la nature de la démarche éducative en ÉPA, à commencer par le fait que cette démarche est réalisée par des personnes ayant des besoins communs ou vivant des situations problématiques.

De plus la loi doit préciser que la démarche éducative doit :

  • Favoriser une prise de conscience individuelle ou collective des conditions de vie, dans le but de mieux les comprendre et les maîtriser ou d'influencer les choix personnels ou collectifs ;
  • Favoriser l'autonomie des individus, la prise en charge individuelle ou collective, l'autodétermination des organismes sociaux et des milieux
  • Développer les capacités d'analyse, de choix de stratégies et d'évaluation ;
  • Favoriser la participation à la vie démocratique.   Il faut que la ministre reconnaisse comme de véritables démarches éducatives les activités qui assure la participation active à la vie associative.
  • Travailler sur les causes et non seulement sur les effets des problèmes.

Dans un programme, il faudrait préciser que les activités suivantes sont exclues comme interventions éducatives en éducation populaire autonome :

 

  • les activités de loisir, récréatives ou sportives ;
  • les cours de formation générale (sauf les activités de développement personnel et social)
  • les cours de formation professionnelle.

 

Article 3 : Accréditation et désaccréditation

Dans la loi, on doit établir la notion que les organismes d'ÈPA sont accrédités par le Ministère et qu'uniquement les organismes accrédités sont éligibles aux subventions du MEQ. Un règlement précisera les modalités d'accréditation et de perte d'accréditation des organismes d'ÉPA.

Règlement sur l'accréditation et la perte d'accréditation

 

Dans un règlement, on trouvera les modalités d'accréditation.

1)    Le processus d'accréditation :

Tout organisme désirant obtenir le statut d'accrédité auprès du MÉQ doit déposer une demande sur le formulaire préscrit. Par la suite, le Ministère communique le résultat de son analyse à l'organisme. L'analyse du MEQ doit être basée sur la définition prévue à la loi.

2)     Retrait du statut d'un organisme accrédité :

Le statut d'un organisme accrédité peut être remis en question pour l'un ou l'autre des motifs suivant :

  • l'organisme cesse de satisfaire à l'un ou l'autre des critères d'admissibilité
  • l'organisme ne réalise plus d'interventions éducatives comme celles qui sont prévues dans la Loi
  • l'organisme utilise les fonds mis à sa dispositions à d'autres fins que celles qui ont été convenues
  • l'organisme ne sollicite pas de subvention durant deux années consécutives
  • l'organisme ne présente pas le rapport d'activités annuel.

Le Ministère informe l'organisme, par écrit de sa décision. L'organisme dispose alors de trente jours pour demander une révision (selon le mécanisme prévu). Le Ministère transmet alors une réponse à l'organisme dans les 60 jours.

Article 4 : Financement

Dans la loi, on doit retrouver la notion que le MEQ est responsable d'un soutien financier récurrent des activités et/ou des organismes d'ÉPA. La loi doit également enchâsser :

Règlement sur le financement

Dans un règlement, on retrouvera les éléments suivants :

  • une reconnaissance de la pratique locale ou sectorielle de financement par demande collective.
  • en ce qui concerne le principe de reddition des comptes :
  • la précision que les organismes sont tenus à remettre annuellement un rapport d'activités, y compris un rapport financier ;
  • la précision que le Ministère peut, en cas de doute ou de questions sérieuses sur un organisme financé, convenir avec l'organisme d'y rendre visite. L'objet d'une telle visite est de vérifier l'utilisation de la subvention de l'année précédente avec les pièces justificatives afférentes. Les visites se feront selon une grille d'évaluation nationale préalablement déterminée et connue des organismes ;
  • le calendrier des opérations, précisant les étapes à suivre pour obtenir la subvention, les dates que les organismes doivent respecter et les dates que le Ministère doit respecter ;
  • rengagement ministériel au principe du versement des subventions à des dates prédéterminées.

Dans l'énoncé de politique qui va préciser la réponse ministérielle à ce document, nous voulons retrouver un engagement gouvernemental d'accorder minimalement, à moyen terme, 1,5% du budget du MEQ au financement des organismes et/ou activités en ÉPA.

Article 5 : Représentation.

Dans la loi sur l'ÉPA, on doit reconnaître et financer les structures de représentation en EPA que les organismes se sont données. H faudrait également préciser que le Ministre instaure un Comité permanent de liaison avec pouvoir de recommandation. Ce comité sera formé de délégué-es des organismes nationaux de représentation et des représentants du MEQ.

Règlement sur la représentation

Dans un règlement, il faudrait que le MEQ reconnaisse et soutiennent financièrement les structures de représentations suivantes :

Sur le plan national :

  • MÉPACQ
  • ROVEP
  • RGPAQ
  • Table des fédérations et organismes nationaux en ÉPA

Sur le plan régional :

Regroupements régionaux en EPA dont les 11 Tables régionales affiliées au MEPACQ

Règlement sur le Comité de liaison

Il faudrait également enchâsser dans un règlement le Comité permanent de liaison

dont le mandat serait le suivant :

  • de veiller aux questions d'intérêt en éducation populaire autonome ;
  • de recevoir les informations pertinentes à la gestion du programme ;
  • de transmettre au MEQ les demandes et les recommandations des organismes nationaux de représentation ;
  • de discuter de tous projets de modifications à la loi spécifique sur l'ÉPA, ses règlements, ou la gestion de son programme ;
  • chercher à régler les litiges entre les organismes d'ÉPA et le ministère.

dont la composition serait le suivant :

Le règlement précisera que le Comité de liaison est un comité bipartite. Il précisera également que les organismes d'ÉPA seront majoritaires au sein du Comité.

Le milieu d'EPA sera représenté par les organismes nationaux de représentation, soit :

  • MÉPACQ
  • ROVEP
  • Table des fédérations et organismes nationaux
  • RGPAQ

Le ministère de l'Éducation sera représenté par une délégation significative.

Article 6 : Droit d'appel

Dans la loi, on doit établir le principe d'un droit d'appel accordé aux organismes ainsi que les questions donnant ouverture à ce droit. Ces questions touchent les situations suivantes :

Règlement sur le droit d'appel

Un règlement viendrait préciser les mécanismes d'appel.

  • Le MÉQ mettra en place un comité permanent de révision qui serait décisionnel et composé de trois (3) personnes dont une serait par le Ministre, une personne délégué par le Comité de liaison pour représenter les organismes d'éducation populaire autonome, et une personne extérieure approuvée par les deux parties.
  • Les règles de preuve et de procédure de ce comité.

Article 7 : Modifications aux règlements

La loi précisera que l'on doit obligatoirement consulter les organismes nationaux de représentation au Comité de liaison pour toute modification à cette loi, aux règlements en découlant, ou au nouveau programme.

NOTE POUR UNE RECONNAISSANCE FORMELLE DE L'ALPHABÉTISATION POPULAIRE AUTONOME

L'alphabétisation populaire autonome

Les groupes populaires en alphabétisation ont développé depuis près de trente ans une autre forme d'alphabétisation. Ils font partie de l'éducation populaire autonome. Ces groupes forme un réseau qui doit être reconnu par le ministère de F Éducation.

Un groupe populaire d'alphabétisation mène une réflexion globale sur le lien entre l'analphabétisme et les conditions socio-économiques des personnes analphabètes.

Le financement des groupes d'alphabétisation populaire, en plus d'un financement pour les activités éducatives et la vie associative sur une base triennale, les groupes doivent avoir un financement de base pour l'infrastructure (local, téléphone, salaire...)

Accréditation

Toute nouvelle accréditation de groupes en alphabétisation populaire doit se faire par l'intermédiaire d'un comité paritaire composé de représentant-es du RGPAQ et de fonctionnaires du ministère.

De l'évaluation des groupes d'alphabétisation populaire

L'ensemble du processus dévaluation des groupes d'alphabétisation populaire autonome doit être négocié avec le Regroupement des groupes populaires en alphabétisation du Québec.

Un réseau autonome d'alphabétisation

Le ministère de l'Éducation du Québec a la responsabilité de mettre en place des actions pour prévenir et combattre l'analphabétisme au Québec. Depuis leur création, les groupes d'alphabétisation font de la sensibilisation, du recrutement et de la formation des personnes analphabètes. Ils interviennent également dans la formation des formatrices et formateurs.

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