Analyse choisie de cas de crédit à la consommation, leurs problèmes et action consécutive.

Fédération des associations coopératives d'économie familiale, Montréal,  janvier 1971.

Préface

Ce dossier, tout en demeurant un outil de travail important, est un rapport de recherche, sur quelques cas choisis d'endettement, chez des familles de montréal. Il porte sur une analyse des problèmes auxquels font face certains consommateurs et comprend également une évaluation des mécanismes de solution adoptés par ceux-ci pour les résoudre.

Ce document est dédié tout spécialement aux animateurs et éducateurs des associations coopératives d'économie familiale du Québec.

Nos remerciements vont d'une part au conseil canadien de la consommation qui a financé cette recherche et d'autre part À M. Jean-pierre Bélanger qui a assumé la presque complète exécution de la recherche et la rédaction de ce rapport.

Normand Caron, directeur de la recherche.

FÉDÉRATION DES ACEF DU QUÉBEC

TABLE DES MATIÈRES

Préface

Introduction

Chapitre I :  problématique de la recherche et cadre méthodologique

Chapitre II: description organisée des données; le comportement économique des consommateurs

A). La typologie de gans et stone

B). La typologie utilisée et la répartition des interviewés

C). Description detaillee de chacune des catégories

Chapitre III:  le processus social de l'endettement.

A. La structure financière des ménages :

B.- Le groupe parental et le cercle d'amis

C.- Les échanges économiques dans la parenté ou le groupe d'amis.

D.- Les stratégies de crédit

E.- La rationalité dans le comportement économique

Chapitre IV :  "l'univers des relations ACEF-consommateurs"

A.- Le recrutement des clients;

B.- Le processus de la relation ACEF-client:

C.- Les transformations apportées dans le comportement économique.

Notes

Introduction

Il est indéniable qu'au cours des derniers siècles, le sort des populations occidentales s'est considérablement amélioré au plan de la vie matérielle. Ceci a été la conséquence en grande partie de l'amélioration des techniques et des moyens de productions.1 Cependant le mode particulier de production qui a permis ce développement en occident a entraîné le développement de certaines particularités au plan de la redistribution des richesses produites, i.e. de la consommation.

L'une de ces particularités est sans contredit l'émergence, surtout depuis la deuxième guerre mondiale, d'un système sophistiqué de crédit dont l'importance entraîne des conséquences immédiates pour le bien-être économique de la nation. le crédit à la consommation est maintenant une force avec laquelle il faut compter quand on veut aborder la question de la consommation et de l'amélioration ou niveau de vie des masses,

Cependant, si au niveau de l'interprétation économique du fonctionnement de la société, les économistes ont appris à tenir compte de ce phénomène nouveau qu'est le crédit à la consommation, on connaît encore très peu ce qui se passe exactement à un niveau plus microscopique quand les individus utilisent le crédit.

Le crédit à la consommation peut avoir des conséquences heureuses sur l'amélioration du niveau de vie des individus mais l'expérience a montré qu'il n'en était malheureusement pas toujours ainsi. Plusieurs individus se retrouvent en effet dans une position financière plutôt précaire par suite d'une utilisation mal planifiée du crédit. On connaît mal encore tous les bouleversements entraînés

Par la généralisation de l'usage du crédit mais les répercussions sur le plan du budget familial ne pont plus aucun doute.

Importance du crédit a la consommation

C'est ainsi que de 1966 à 1969, le montant total de crédit à la consommation a augmenté de 23.4% au canada alors qu'en même temps le pouvoir d'achat réel du consommateur n'a augmenté que de 7.9%. La consommation elle-même N'a augmenté que de 4.2% de 1966 à 1969, les consommateurs ont donc de plus en plus recours au crédit quand il leur faut consommer: de 1966 à 1969 les dettes "per capita" à la consommation des canadiens sont passées de $269. À $404, ce qui laisse une augmentation nette de 45% lorsqu'on tient compte de l'augmentation du coût de la vie au cours de cette période.2

Les ACEF du Québec et les dettes

Depuis leur fondation, les ACEF du Québec ont eu pour tâche de traiter des problèmes que pose, à un grand nombre d'individus et de ménages l'utilisation d'un crédit généralisé et facile à obtenir.

Si l'on en juge par la demande de plus en plus grande qui est faite à tous les niveaux de leur action, pour obtenir leurs services, le problème est encore loin d'être résorbé et cela justifie pleinement l'existence de tels organismes.

Aucun organisme, si dynamique soit-il, ne peut continuer son action sans s'interroger constamment sur les modalités de cette action s'il veut que ses efforts soient profitables à court et À long terme. L'ACEF de Montréal entre autres a toujours eu ce souci constant d'autocritique pour réévaluer ses efforts.

Ce souci s'est déjà manifesté d'abord dans l'administration courante de l'organisme mais il a déjà donné lieu à certains efforts plus spécifiques et plus particuliers comme par exemple l'enquête-participation qui a été menée en 1969 auprès de son personnel, des organismes-membres, d'un groupe de consommateurs-clients et de groupes de l'extérieur.3 Le présent rapport se situe aussi dans cette ligne.

Il cherche en effet d'une part, à connaître les processus qui amènent les consommateurs à l'ACEF et d'autre part, à jeter un peu de lumière sur la façon dont les consommateurs acceptent le support fourni à cet effet, il constitue peut-être un effort un peu spécial tant par la procédure employée que par le schème d'interprétation que soutient l'analyse. Ce rapport ne vise pas, loin de là, à porter un jugement global sur l'action de l'organisme concerné puisque de toute façon il n'en touche qu'un aspect particulier soit la relation entre l'ACEF et ses clients. Ce rapport vise surtout à éclaircir quelques modalités de cette relation ace-consommateur, en vue d'une meilleure compréhension du cadre dans lequel s'insère l'action de l'ACEF envers les consommateurs qui y viennent.

Nous verrons donc dans ce rapport: (l) la problématique qui sous-tend la recherche et son cadre méthodologique (ll) une description détaillée des familles endettées et de leurs comportements économiques, (lll) une analyse du processus social de l'endettement, et, une étude des relations entre les consommateurs et l'ACEF.

Chapitre 1 : problématique de la recherche et cadre méthodologique

Nous présentons dans ce premier chapitre (a) la problématique de cette recherche et (b) le cadre méthodologique dans lequel la recherche a été faite.

A.- problématique de la recherche

La raison principale qui motive les consommateurs à référer leur cas À l'ACEF c'est qu'ils éprouvent certaines difficultés à équilibrer leur budget ou encore qu'ils sont empêchés, pour quelque raison que ce soit, de jouir pleinement de leur revenu. Les gens qui recourent aux services de l'ACEF en effet sont des gens endettés et le fardeau de leurs dettes mobilise une partie assez substantielle de leurs disponibilités financières. Ainsi, une analyse de quelques 800 dossiers de l'ACEF 4 établissait que l"endettement moyen des individus et des ménages dont la situation avait été examinée s'établissait autour de $3,400 par année.

Il aurait été possible de procéder autrement que nous l'avons fait et de considérer dans notre enquête un plus grand nombre de cas À partir desquels il aurait été possible de calculer des statistiques plus significatives. Nous avons préféré cependant procéder de façon plus empirique en nous concentrant surtout sur une description qualitative approfondie des cas que nous avons étudiés. Nous élaborons d'ailleurs plus en détail dans le chapitre suivant les modalités de cette procédure empirique et le fondement conceptuel qui la justifie.

Reconstruire le processus d'endettement

Qu'il suffise de noter tel que notre démarche a essayé de reconstruire en partant d'un nombre restreint de cas choisis en fonction de leur intérêt analytique les mécanismes sociaux dynamiques qui ont amené les individus à cette situation d'endettement qui déterminent la qualité de la relation ACEF-consommateur. Dans cette démarche empirique nous avons été guidés par deux grands axes d'intérêts qui sont toutefois en étroite corrélation l'un avec l'autre. Nous nous sommes intéressés d'abord à reconstruire les modes de comportement économique pratiqués par différents types d'individus et qui ont amené la situation d'endettement antérieure à l'établissement de la relation avec l'ACEF. Ce n'est qu'à côté de cela que nous avons considéré la dynamique propre de ces relations avec l'ACEF. Ces deux démarches sont étroitement interdépendantes puisque, c'est un de nos postulats de base, le type de comportement économique qui a amené la situation endettement influencera le type de relation qui sera établi avec l'ACEF et aura des conséquences sur l'issue de cette relation, i.e. Sur la réussite de l'action entreprise par l'ACEF auprès du consommateur.

L'ACEF comme organisme

Les associations coopératives d'économie familiale sont 8ssues du deuxième front syndical qui visait à l'origine à étendre l'esprit syndical au-delà des cadres rigides dans lequel le syndicalisme devait évaluer rejoindre ainsi des préoccupations de la population, même non-syndiquée. Il existe plusieurs ACEF dans la province de Québec mais pour les besoins de la cause nous ne considérerons ici que celle de montréal.

Comme organisme L'ACEF de Montréal a plusieurs facettes. Elle se définit à la fois comme un organisme de protection et de défense du consommateur, comme une école populaire et aussi comme un groupe de pressions de ces trois objectifs, nous ne toucherons que très indirectement au dernier puisque là, il n'y a pas contact direct entre l'ACEF et le consommateur individuel. Nous aborderons surtout l'étude du premier de ces buts mais aussi le second dans la mesure où quelques-uns des individus interviewés ont assisté à des séances d'information mises sur pied par l'ACEF et dans la mesure aussi où il nous a été possible de mous interroger sur les raisons de ceux qui ont refusé d'assister à de telles rencontres.

De façon plus spécifique cependant, nous considérerons l'ACEF dans les trois services qu'elle offre directement au client, soit le service de consultation budgétaire, le service de conseil juridique et le service d'éducation.

Nous aurons à nous interroger sur différents aspects des relations ACEF-clients: Comment cette relation a été initiée? quelle était la situation financière de l'individu à ce moment? Comment ce dernier est entré en contact et pourquoi? Il s'agira en fait de reconstituer le cheminement de l'individu quand il passe à travers les différents services de l'ACEF.

Nous avions pensé aussi inclure à l'origine une brève analyse de la façon dont les gens qui travaillent à l'ACEF perçoivent les différents types de consommateurs et l'influence que cette perception a sur le succès de la relation, nous avons cependant dû laisser tomber cet aspect de l'étude à cause de nos moyens limités et parce qu'une telle étude aurait été assez complexe en elle-même.

Le comportement d'endettement

A strictement parler, on pourrait chercher à établir une distinction très stricte entre crédit à la consommation, endettement, et endettement critique des agents économiques, l'endettement est constitué de l'ensemble des obligations financières auxquelles l'individu doit faire face soit à la suite d'un contrat, d'une amende..., tout recours au crédit entraîne donc un endettement mais tout endettement ne résulte pas nécessairement d'un recours au crédit. il y a recours au crédit lorsqu'il y a entente entre les parties pour que le créancier accepte que le débiteur ne lui remette pas immédiatement ce qu'il lui doit et ce moyennant habituellement un taux d'intérêt. La plus grande partie de l'endettement résulte cependant d'un recours au crédit puisque l'individu doit souvent recourir au crédit pour faire face à ses obligations ou encore conclure une entente avec le créancier afin de différer le paiement, l'endettement aussi peut être plus ou moins critique selon le fardeau qu'il impose. On pourrait même parler d'un point d'endettement critique où l'équilibre entre le revenu que l'individu perçoit et les obligations qu'il doit rencontrer se trouverait près d'un point de rupture. Parmi les raisons qui expliquent l'augmentation dans l'utilisation du crédit, on peut citer d'abord un changement d'attitude des consommateurs face aux dettes qu'ils contractent: le crédit total aurait augmenté non parce qu'un groupe restreint de la population devient de plus en plus endetté mais plutôt parce qu'un plus grand nombre d'agents économiques acceptent d'y avoir recours.5 Il semble aussi que pour plusieurs de ces agents, le recours au crédit constitue une façon de budgéter puisque les paiements réguliers les obligent à une certaine discipline qu'ils n'auraient peut-être pas eue autrement.6 Le crédit est aussi utilisé dans certains cas comme une façon de protéger l'épargne et l'investissement. C'est ainsi qu'une enquête faite par le bureau fédéral de la statistique7 a démontré que 34% des gens ayant des dettes à la consommation auraient pu effacer leurs dettes complètement en puisant dans leur épargne, 40.9% auraient pu réduire partiellement leurs dettes de cette façon, alors que 25% n'avaient pas d'épargne dans laquelle puiser.

Si, au niveau global, il nous faut admettre que les dettes à la consommation ne sont qu'une partie ou bilan des consommateurs et qu'elles peuvent être compensées du côté des actifs acquis ou préservés, les derniers chiffres que nous venons de citer démontrent tout de même que les dettes affectent différemment les diverses couches de la population selon qu'on possède ou non les moyens financiers tour faire face aux échéances et jouir d'une certaine marge de liberté.

L'endettement est surtout tragique en fait pour cette catégorie d'endettés qui ne possèdent pas l'épargne nécessaire pour soulager au moins une partie de leurs créances. Plusieurs auteurs s'accordent pour dire que ce sont surtout les familles se situant juste en haut pu seuil de démarcation de l'univers des privations qui ont recours au crédit.8 Tremblay et fortin par contre ont établi que c'étaient surtout les familles à faibles revenus qui étaient surtout les plus favorables ?. L'achat à crédit et qui l'utilisaient le plus alors que ce sont les familles salariées les plus aisées qui ont la proportion de dettes la moins élevée.9

La contradiction apparente entre ces deux groupes d'auteurs peut s'expliquer en partie par des différences de procédures et des différences dans la base d'échantillonnage. Cependant quand il s'agit de délimiter la catégorie de la population pour laquelle l'endettement est le plus critique, la contradiction se résorbe en bonne partie. Ainsi lorsqu'on adapte les chiffres de l'enquête du B.F.S. et qu'on calcule le rapport dettes-revenus en utilisant la dette moyenne des endettés de chaque strate sur la base de la médiane des salaires de chaque strate. En supposant qu'on ait une distribution uniforme dans chacune des strates. On obtient le tableau suivant:

TABLEAU NO  1

Salaires   (1963)

Proportion ayant des dettes

Rapport dettes/revenus

1   $       0.   À    $   999.

16%

.36

2   $1,000.  À    $1,999.

28%

.33

3   $2, 000. À     $2,999.

49%

.26

4   $3,000. À     $3,999.

54%

.21

5   $4,000. À    $4999.

59%

.18

6  $5,000. À    $5,999.

63%

.16

7   $6,000. À     $6,999.

65%

.15

8    $7,000. À   $40,000.

60%

.13

On voit donc sans ce tableau que plus le revenu est bas, plus le fardeau des dettes est lourd à porter. ces résultats vont dans la direction de ceux de l'enquête tremblay-fortin du moins quant à la lourdeur du fardeau des endettés et seraient confirmés par certaines évaluations voulant que 20% des allocations versées aux assistés sociaux de la métropole en 1968 aient été employées a payer des créanciers. 10

C'est justement dans cette catégorie de la population dont le revenu n'est pas très élevé et dont le fardeau des dettes est très élevé que l'ACEF recrute surtout sa clientèle.11 Il s'agira pour nous de retracer les raisons qui ont poussé les individus à utiliser le crédit, quelles sources de crédit ils ont utilisés et pourquoi, quelles conséquences cela entraîne sur leur situation financière. Il s'agira de reconstituer le type de logique qui repose derrière les différentes stratégies d'utilisation du crédit. La détermination des différents types de logique sera d'autant plus intéressante que l'action de l'ACEF sera perçue différemment par les clients selon le type de logique qui marque leur comportement.

B. Cadre méthodologique

La démarche méthodologique que nous livrons ici est importante puisqu'elle nous permet non seulement de pouvoir justifier la rigueur de notre enquête mais aussi de justifier dans une certaine mesure l'explication que nous sommes en mesure d'apporter aux faits que nous avons amassés.

Deux façons différentes

Des qu'il veut dépasser le simple niveau de la description des données, le chercheur se trouve confronté immédiatement avec le problème de bâtir un schéma explicatif qui lui permette d'interpréter ces données. Il existe généralement deux façons d'en arriver à construire un tel schéma, la première est basée sur une réflexion théorique à partir des cadres théoriques déjà élaborés. Le chercheur se construit d'abord un cadre théorique et en dérive un certain nombre d'hypothèses qu'il cherche à vérifier ensuite dans la réalité, l'autre façon de procéder est plus pragmatique. Le chercheur s'efforce d'abord d'acquérir une vue d'ensemble la plus complète possible ou problème qu'il veut étudier. Il cherche à isoler les caractéristiques fondamentales après avoir amassé quelques données et c'est à partir d'elles qu'il orientera la cueillette future des données. Les aspects et les cas considérés sont choisis en fonction de leur intérêt explicatif et le schéma d'interprétation sera élaboré au fur et à mesure de la cueillette des données. Le cadre explicatif est donc dans ce cas étroitement tributaire de la richesse et de la qualité des données amassées.

L'une et l'autre façon de procéder ont leur valeur certaine quand elles sont employées dans un contexte adéquat» à cause de nos moyens limités et aussi parce qu'une telle façon de procéder nous donnait assez de souplesse pour couvrir tous les aspects intéressants du problème, nous avons choisi la deuxième façon de procéder.

L'unité d'analyse:

Le problème de l'endettement devient un problème très complexe des 1u'on veut dépasser le niveau superficiel de l'étude des actifs et des passifs des ménages et du type de crédit employé pour essayer plutôt d'expliquer plus en profondeur les racines sociales de ce comportement.

Au niveau de la définition de notre unité d'analyse, le choix du ménage comme unité ne nous semblait guère adéquat. D'une part en effet, les premières interviews que nous avons menées nous ont montré clairement que le problème de l'endettement dépassait largement le cadre ou ménage et était déterminé en grande partie par le type de relations sociales que les acteurs sociaux avaient établi avec leur environnement social, soit le cercle de parenté, les institutions financières, les marchands du voisinage, le groupe d'amis... En même temps, nous nous sommes rendus compte assez tôt qu'à l'intérieur même du ménage, il pouvait y avoir des divergences assez marquées entre les conjoints eux-mêmes quant à leur comportement économique» leurs motivations, et quant aux types de relations qu'ils pouvaient établir avec l'ACEF.

Nous avons préféré plutôt prendre comme unité d'analyse l'individu dans son comportement, dans sa façon de planifier son action, dans sa relation avec les institutions de crédit et aussi dans sa relation avec les autres membres du ménage» il est indéniable que le ménage comme entité soit important puisque la situation d'endettement est exprimée et que tous les individus du ménage sont affectés par la situation économique de celui-ci cependant l'endettement du ménage résulte du comportement des individus qui en font partie dont en particulier de celui des conjoints, et il est important de reconstituer à ce niveau la dynamique interne du ménage si on veut comprendre pleinement la situation du niveau du ménage.

La démarche de l'enquête:

Nous sommes fortement inspirés au niveau de la procédure à suivre du modèle "d'échantillonnage théorique" élaboré par Glazer et Strauss,12 selon cette procédure, le chercheur, à partir de cas choisis en fonction de leurs caractéristiques pertinentes, doit essayer d'élaborer des catégories à partir des ressemblances et des différences qu'il note. C'est avec l'aide de ces catégories qu'il pourra ensuite interpréter la réalité sociale. Au niveau conceptuel d'abord, cette stratégie d'établir des catégories permet de mieux tenir compte de la réalité sociale13. En ce qui concerne la représentativité de la population étudiée, cette stratégie permet d'assurer une certaine représentativité non pas tant sur le plan statistique que sur le plan d'une illustration des différentes tendances qui sont notées et ce en autant que les cas sont bien choisis.

Cette façon de procéder oblige donc le chercheur à choisir de façon consciente quels aspects vont recevoir une plus grande attention car c'est en fonction de ces derniers qu'il élaborera ses catégories ceci permet d'éviter l'une des embûches que l'on retrouve souvent dans une recherche qualitative: en ne présentant que des exemples choisis, le chercheur donne l'image d'une preuve quand il n'y en à pas en fait.

Nous avons choisi 19 cas tirés des filières de l'ACEF que nous avons été interviewer à leur domicile. Ce choix à finalement été assez long à faire et ce à la fois pour des raisons d'ordre pratique et théorique» la majorité des clients de l'ACEF sont en effet des locataires et leur mobilité géographique est assez élevée il a été particulièrement difficile à cet égard de retracer des cas qui avaient été traités depuis plus d'un ou deux ans par l'ACEF. Pour entrer en contact avec les 19 cas étudiés, nous avons eu à faire tout près de 200 appels téléphoniques (y compris les absents et les rappels), d'autre part, à mesure que nos catégories commençaient à prendre forme, il fallait que les cas considérés répondent à certains critères pour qu'il y ait une répartition plus équitable entre les catégories, ce qui compliquait encore notre tâche. Nous avons essuyé aussi quelques refus systématiques et dans certains cas, ces individus nous ont donne assez de détails sur les raisons qui motivaient leur refus pour qu'il soit intéressant de ne pas les oublier.

Avec les 19 bas qui constituent le noyau de notre enquête, nous avons procédé par voie d'interviews en profondeur dont la durée a varié entre une heure et demie et quatre heures dans un cas, chaque interview a fait l'objet par la suite d'une mise par écrit du mot à mot de la discussion et c'est à partir de ces rapports que nous avons élaboré notre analyse, dans chaque cas aussi, nous avons essayé de recueillir le plus d'information possible sur le comportement économique du conjoint lorsque celui-ci était absent afin qu'il nous soit possible par la suite de reconstituer le type d'adaptation ou ménage.

Chapitre II: description organisée des données; le comportement économique des consommateurs

Certains auteurs ont tenté d'établir des catégories qui leur ont permis de mieux comprendre et de tenter d'expliquer la réalité qu'ils ont étudiée, les problèmes qui intéressaient ces chercheurs diffèrent sur plusieurs points de celui qui nous préoccupe mais ils présentent ceci de commun qu'ils cherchent à caractériser le comportement économique des individus.

A). La typologie de gans et stone

Gans 14 a distingué entre deux catégories principales d'individus quant à leur comportement social. Les "routine-seekers" d'une part qui sont caractérisés par un esprit d'économie plus développé, un effort plus grand pour garder le contrôle de leurs actes et en général une vie plus rangée. Les "action-seekers" d'autre part sont plus impulsifs; leur existence est une suite d'épisodes aventureux dont les sommets d'intensité sont parfois violents. Gans ajoute deux autres catégories moins importantes cependant du point de vue de son analyse: les "mal adaptés" incapables de contrôler leur comportement à cause de l'alcoolisme ou de tout autre raison personnelle et les individus qui sont en instance de mobilité sociale ascendante vers la classe moyenne et qui sont rejetés socialement par les trois autres groupes,,

Stone 15 quant à lui distingue entre quatre types d'orientation des ménagères quant à leur comportement économique il y a d'abord les "économiques", c'est-à-dire celles qui cherchent toujours à obtenir le plus possible pour leur argent en terme de rentabilité économique. La deuxième catégorie réfère aux ménagères pour qui le contact personnel entre le client et le vendeur est important. La troisième catégorie comprend celles dont le comportement est motivé par des raisons m0rale6 comme par exemple le souci de conserver intact l'environnement au sein duquel elles évaluent (comme par exemple encourager le marchand du coin pour résister à l'intrusion des grandes chaînes d'alimentation). Le dernier type enfin comprend les "apathiques" guidées principalement par le souci qu'elles ont de minimiser leurs efforts.

Ces deux systèmes de catégories sont édifiés sur des bases quelque peu divergentes, c'est pourtant d'elles dont nous nous sommes inspirés pour bâtir nos propres catégories afin que non seulement elles respectent la réalité des situations que nous avons étudiées mais qu'elles présentent aussi un minimum de cohérence logique. L'étude de gans ne s'appliquait qu'à des individus vivant dans un milieu défavorisé alors que l'étude de stone décrivait un milieu plus hétérogène. Comme nous l'avons déjà souligné, la clientèle de l'ACEF nous est apparue non comme étant la plus pauvre mais elle nous à semblé composée surtout d'individus et de ménages qui se situent juste en dessus de la ligne d'une pauvreté extrême mais dont les revenus sont assez faibles.

Nos catégories, (les préoccupés, les rationnels, les impulsifs et les routiniers) décrivent donc une population qui se. Situerait quelque part entre celle décrite par gans et celle étudiée par stone. Les trois premières catégories que nous avons établies peuvent être considérées comme des subdivisions de la catégorie "routine-seeker" de gans. D'autre part, les orientations "économiques11 et "éthiques" de stone se trouvent combinées dans notre troisième catégorie tandis que les orientations "personnalisantes" et "apathiques" correspondent en gros % nos deux premières catégories.

B). La typologie utilisée et la répartition des interviewés

Nous avons divisé les gens interviewés en quatre catégories. Pour des motifs de systématisation et de clarté, nous les avons coiffés des titres suivants: ce sont respectivement les "préoccupés", les "routiniers", les "rationnels" et les "impulsifs". Comme nous tenons compte à ce stade-ci de l'analyse, des comportements individuels et non de la situation financière du ménage, nous avons considéré* les deux conjoints séparément, remettant a plus tard l'analyse de la situation financière du ménage. Nous avions 24 couples de gens mariés ou vivant ensemble et deux célibataires, ce qui nous fait au total 50 personnes dont voici d'ailleurs la répartition numérique selon les diverses catégories :

1ÈRE CATÉGORIE:

"Les Préoccupés"

16

2e catégorie:

"Les Routiniers"

10

5e catégorie:

"Les rationnels"

12

4e catégorie:

"Les Impulsifs"

12

 

total

50

Le nombre de cas rassemblés dans chaque catégorie n'est peut-être pas très élevé mais les informations recueillies sont néanmoins suffisantes pour amorcer l'étude du comportement économique d'endettement.. Tous les sujets groupés au sein d'une même catégorie ne partagent pas tous au même degré les caractéristiques mais les ressemblances sont quand même assez homogènes pour justifier l'existence de chacune des catégories. Nous croyons même en effet avoir atteint un point de "saturation théorique"16 suffisant pour entreprendre l'élaboration d'un schème d'explication,  voici d'ailleurs la description de ces catégories.

C). Description détaillée de chacune des catégories

(1) Les "Préoccupés" :

Ces gens justifient leur appellation de "préoccupés" en ceci que leur situation financière est assez sombre,  ils ont en effet beaucoup de dettes et le revenu dont ils jouissent est à peine suffisant et même insuffisant dans bien des cas pour qu'ils puissent s'acquitter de leurs obligations. Avant qu'ils ne viennent à l'ACEF l'endettement moyen des ménages où vivaient ces gens était en effet de $2,833.  alors que le revenu mensuel moyen était  à cette époque de $356.  ceci fait un revenu annuel moyen de $4,272. 17 mais nos interviews nous ont rapporté que ces gens étaient souvent touchés par  le chômage, la maladie ou les  grèves et le revenu annuel qu'ils pourraient gagner s'en trouve d'autant abaissé.  de plus les besoins des ménages  où ces individus vivent sont très prononcés si l'on considère qu'il y a en moyenne 4.9 personnes par ménage. Ces individus doivent donc mobiliser la plus grande partie  de leur énergie À essayer de  joindre les deux bouts,  ils sont cependant assez mal préparés À cette tâche et la situation d'insécurité financière dans laquelle ils vivent entraîne chez eux un état d'insécurité émotive assez prononcée,  ils se sentent en effet dépassés par les événements et  ils ont tendance À se réfugier dans un univers social restreint où ils se sentent À l'aise ou quand cela est impossible, ils ont tendance à tomber dans un état d'apathie marqué.

Leur insécurité financière ne vient pas seulement du fait que leur revenu est insuffisant pour voir aux besoins de leur famille. Leur insécurité est encore aggravée par certains  problèmes qui réduisent leur revenu ou augmentent leurs obligations.  Ainsi plusieurs des individus de ce groupe ont de la difficulté  à  s'opposer à la volonté de leur conjoint de mobiliser pour lu! Une grande partie du revenu familial»  les femmes  de ce groupe possèdent peu d'autorité pour réussir à réglementer  le comportement de leur mari.  Ainsi le mari de mme M.  est journalier dans la construction, il fait d'assez bons salaires mais sa femme n'en touche  qu'une partie.

Mme M. :  "...ça il essaye toujours de me cacher comment il fait... Il y a juste quand il faitson rapport d'impôt que je sais combien d'argent il à fait au juste..» il à gagné $4,800… c'est ce qu'il à marqué sur son rapport d'impôt, mais la-dessus il ne m'a pas donné plus de $2,500. Certain....

Dans certains cas, cela rend même difficile toute planification,

Mme CL.: "...tant qu'à moi, il n'y a pas de trouble, je suis obligée de calculer à la cenne mais mon mari, il ne me donne pas toujours la  même chose  à  chaque semaine, il y à des semaines qu'il en garde pas mal pour ses dépenses... Ça fait que essayez donc de calculer d'avance pour voir comment vous pouvez vous arranger pour arriver quand vous savez même pas ce que vous allez avoir à la fin de la semaine...."

Ce n'est pas toujours le mari cependant qui est difficile À contrôler;  ainsi dans un cas c'était la femme qui était insatisfaite du salaire de son mari et l'a finalement quitté  pour retourner travailler comme serveuse. Le mari travaillait depuis 12 ans au même endroit, cependant au moment ou il  à perdu son emploi, il n'arrivait plus à satisfaire son épouse.

M. Co.:   "... Elle a commencé à 9e tenir avec ses anciennes amies qui travaillaient comme serveuses,.. Elle arrêtait pas de me parler de ce qu'elles étaient capables de s'acheter avec leur salaire.., elle a voulu recommencer à travailler... Moij'ai pas voulu à cause de la petite... "

Sa femme avait l'habitude d'acheter À crédit dans les grands magasins. Au moment où elle a quitté son mari, celui-ci n'arrivait plus à payer les comptes. Il a même dû s'endetter de quelques $600, supplémentaires pour la faire rechercher et obtenir la garde de l'enfant qu'elle avait amenée avec elle.

Il n'y a pas cependant que les difficultueux maritales qui ajoutent À l'insécurité financière.  Ils sont aussi À la merci des coups de malchance (qui leur tombent sur la tête sans crier gare). Le chômage ou la maladie entre autres peuvent bouleverser À tout moment leur équilibre financier déjà précaire. Quand la malchance leur tombe dessus, toute leur façon habituelle de fonctionner se trouve bouleversée.

Mme F.:   "... Mon mari avait été "slaqué" juste avant les fêtes... Il a passé l'hiversur l'assurance-chômage...

Quand c'est arrivé on ne s'y attendait pas, ça nous est tombé dessus comme une catastrophe..."

Dans d'autres cas, l'un des conjoints serait contraint d'assumer des tâches pour lesquelles il n'est pas préparé du tout. J.P.H. Par exemple est concierge d'école depuis 20 ans.  Il gagne de bons salaires et son logement lui est fourni par la commission scolaire. Sa femme cependant est très malade et c'est lui À qui incombe la responsabilité de s'occuper des 7 enfants qui vivent encore À la maison, ce qu'il a beaucoup de difficultés À faire,  il est dépassé complètement par les événements. C'est lui qui doit voir entre autres, aux dépenses des enfants,  pendant longtemps, il a eu l'habitude de se décharger de cette tâche en envoyant les enfants s'acheter eux-mêmes ce qu'ils voulaient.  Les répercussions sur le budget étaient cependant souvent malheureuses, cette situation financière critique dans laquelle vivent les

"Préoccupés" ne semble pas vouloir se résorber dans un avenir proche mais risque au contraire de durer encore un certain temps. Leur situation précaire dépend dans une certaine mesure des lourdes responsabilités familiales qui leur incombent. La majorité des cas de cette catégorie sont en effet au point du cycle familial où les responsabilités sont lourdes. Mais leur situation ne s'améliorera pas nécessairement après le départ des enfants car plusieurs d'entre eux n'ont presque aucune garantie financière pour le futur sauf les plans de retraite gouvernementaux.

Ils sont caractérisés non seulement par la situation dans laquelle ils vivent mais aussi par   la façon dont ils réagissent à cette situation.

Ils ont en effet tendance À se renfermer sur eux-mêmes. Ils se sentent dépassés par les événements et ils sont pessimistes voire même fatalistes quant à leurs chances de s'en sortir un jour....

Mme CD.: "... je prends les jours un par un et puis j'essaye de faire mon possible... je ne peux pas faire de miracles avec ce que j'ai. J'ai assez de problèmes comme ça sans penser trop longtemps d'avance À ceux qu'on va avoir..» tout ce que j'espère c'est que mes enfants soient assez chanceux plus tard pour pas avoir les mêmes problèmes que moi j'ai..."

Quand il leur arrive une nouvelle tuile, Ils la prennent avec une certain» résignation. Quand ils ne savent pas quoi faire, ils attendent; quand Ils ne peuvent faire autrement, ils se décident à agir mais leurs gestes ne sont pas toujours heureux…        

CD.:    "... J'ai été trois semaines franc sans être capable de rien faire...  Je recevais des lettres enregistrées pour me menacer de saisir les meubles que j'avais.., moi je ne savais plus " pan toute "  quoi faire,.. Quand j'ai vu cette annonce-là, je me suis dit que ma situation ne pouvait pas être pire..."

L'annonce en question était celle d'une agence qui promettait  à  ses clients de    s'arranger avec leurs débiteurs pour effectuer les remboursements, selon ce qu'ils étaient capables de payer ?. Chaque semaine et ce supposément contre une rétribution minime. Cependant les pressions des créanciers n'ont pas cessé pour autant et cd. A été saisi. L'agence avait d'abord commence par se payer elle-même et n'avait pu s'entendre avec les créanciers.

Face à leurs problèmes, ils cherchent la sécurité affective auprès des gens qui les entourent, des voisins, des amis mais plus souvent encore

Auprès des gens de leur parenté. Ce sont en général, des gens comme eux et ils se sentent acceptés par eux pour ce qu'ils sont vraiment, ces relations remplissent souvent aussi une autre fonction: ils reçoivent en effet souvent de l'aide des gens qui font partie de ce réseau. A sa plus simple expression cette aide peut consister en simples conseils mais elle peut être aussi plus concrète. Elle peut consister dans une aide financière directe donnée ou prêtée par des gens qui se recrutent souvent dans la catégorie des "routiniers".17  Quand il est impossible d'emprunter soi-même; une de ces personnes peut même emprunter à son nom pour en aider un autre. C'est aussi dans ce groupe de personnes que les gens recrutent les endosseurs dont ils ont besoin.

Les gens qui peuvent jouir d'une aide morale ou financière de cette sorte jouissent aussi en général d'un bien meilleur moral, que ceux qui en sont coupés. Ce qui frappe surtout par rapport à ces réseaux de relations sociales c'est qu'ils sont restreints non pas tant peut-être au point de vue quantité qu'au point de vue diversité et qualité. Ils sont en effet assez homogènes et formés de personnes vivant souvent dans la même situation qu'eux. Ces réseaux sont des canaux d'information et peut-être les plus importants pour ces gens. Comme la qualité de l'information dépend de la qualité des gens qui constituent le réseau, ceci pourrait expliquer le fait que l'information n'est pas toujours adéquate, certains parmi eux par exemple ignoraient à peu près complètement ce que sont les caisses populaires»

L'univers social de ces personnes est donc assez limité et elles ont tendance à être méfiantes ou même réticentes envers les gens qu'elles ne connaissent pas ou envers les institutions avec lesquelles elles doivent entrer en contact, le fait d'aller au bien-être social, d'avoir recours à l'aide de la société St-Vincent de paul.

Mme D.: "... quand je suis obligée d'aller au bureau du Bien-être... ça j'aime réellement pas ça... c'est la chose que je déteste le plus au monde quand ils te font promener d'un bureau à l'autre»,, mais qu'est-ce que vous voulez, on n'a pas le choix..."

Quant À J.P.H. lui, il préfère souvent jouer À l'autruche:

J.P.H.: ".,.. À la fin quand ça sonnait à la porte, j'envoyais les jeunes répondre, ils demandaient c'était qui et puis quand ils pensaient que c'était un collecteur, ils disaient que je n'étais pas là..."

De façon générale, ces gens ne font pas de budgets de façon très précise. Pour les petits achats courants comme la nourriture ou le vêtement, ils se fient à leur expérience, pour les paiements plus importants et moins fréquents, ils essaient de les prévoir d'avance et d'économiser l'argent nécessaire mais si entre temps, il survient quelque événement, il hésiteront à savoir s'ils doivent employer cet argent de façon immédiate ou plutôt la conserver pour faire les paiements. Leur façon de raisonner constitue en fait une espèce de compromis

Qui se situe quelque part entre la rationalité et l'impulsivité. Ils essaient d'établir une planification qui a sa justification mais qui n'est pas souvent menée à terme. Ainsi par exemple, plusieurs mères de famille de cette catégorie se rendront à plusieurs coins de rue de chez elles pour profiter d'une aubaine véritable annoncée par un grand magasin. Elles obtiendront cette information le plus souvent par l'entremise de personnes faisant partie de leur environnement social. Immédiat. D'autre part cependant, elles perdront les fruits de l'épargne ainsi obtenue en laissant les enfants aller s'acheter ce qu'ils veulent au magasin du coin pour manger. Ce qu'elles gagnent d'un cote elles le perdent aussi vite de l'autre.

On retrouve cette ambivalence À plusieurs niveaux. Ainsi par exemple, J.P.H. était parfaitement conscient que le vendeur exagérait lorsque ce dernier lui disait que son plan d'achat mensuel de la nourriture lui permettrait de faire des économies. Il n'en était pas sûr mais malgré sa réserve il a signé quand même.

J.P.H. : "... Le vendeur est venu chez nous trois ou quatre fois, il ne nous lâchait plus... Lui il nous disait que ça nous coûterait moins cher à la longue parce qu'on ne payait pas le congélateur,.. Mo i , j'a| pas fait le calcul, mais je pense qu'il exagérait... Mais l'histoire c'est que je ne savais réellement plus quoi acheter pour nourrir les enfants...."

Leur comportement n'est donc pas toujours irrationnel mais ils doivent souvent se plier À des valeurs qui entrent en conflit avec ce qu'exigerait un comportement rationnel ou encore ils apprécient mal les conséquences économiques de leurs actes. Peu de personnes parmi ce groupe savaient exactement combien ça leur coûtait d'intérêt. Ils en avaient une idée très vague mais cela ne semblait pas être pour eux une préoccupation importante. Un seul d'entre eux était illettré, les autres auraient donc pu établir ce qu'il leur en coûtait exactement. Mais d'une part, les contrats sont assez complexes et il est difficile pour ces gens de s»y retrouver et d'autre part la nécessité de trouver de l'argent l'emporte en importance pour eux sur le coût du crédit. Leurs raisonnements en effet sont basés sur les motivations immédiates qui leur viennent de leur entourage social restreint et de façon plus diffuse de la société en général et ces raisonnements visent à résoudre des problèmes très concrets qui se posent à eux. Ces gens en effet empruntent d'abord pour les nécessités de base: c'est là la raison la plus importante. Ils empruntent ainsi quand le chef de famille tombe en chômage, ou parce que son travail est saisonnier, quand il y a maladie afin de continuer à assurer l'existence du ménage, ils empruntent ou achètent à crédit des vêtements afin que les enfants puissent aller à l'école.

Plusieurs d'entre eux trouvent qu'une auto c'est très important mais ils se contenteront cependant presque toujours d'autos usagées. S'ils sont assez réservés quant aux raisons pour lesquelles ils acceptent d'utiliser le crédit, ils résistent cependant avec plus ou moins de bonheur a leur conjoint quand celui-ci veut agir à sa guise. Ainsi par exemple, Mme C.D. n'a pas été consultée quand son mari a acheté un stéréo de $600, mais elle n'a rien fait quand elle s'est trouvée devant le fait accompli si ce n'est de lui demander comment il s'arrangerait pour payer alors qu'elle savait fort bien que finalement c'est elle qui aurait à s'occuper de faire les paiements.

Mme C.L, d'autre part n'a pu empêcher son mari de signer un contrat d'achat de terrain; elle a essayé de l'en dissuader mais n'a pas osé susciter une controverse verbale trop forte avec son mari devant les gens qui étaient

présents:

Mme C.L.: "... Ça je lui ai dit "signe pas" avant qu'on y aye réfléchi et puis qu'on aye regardé tous les cotés de la

Médaille. Mais lui il voulait faire juste à sa tête... J'étais quand même pas pour commencer une chicane de ménage devant des étrangers,.. Finalement j'ai bien été obligée de le laisser faire à sa tête..."

Somme toute, ces gens sont assez conservateurs et ils ont tendance a hésiter avant de s'embarquer quelque part. Si une bonne partie des emprunts qu'ils font concerne le financement de choses nécessaires À la vie, il est bon de rappeler ici qu'ils n'administrent pas leur budget d'une façon très suivie et qu'ils pourraient réduire de beaucoup ce besoin d'emprunt s'ils voyaient de plus près à leurs affaires. D'autres recours au crédit découlent aussi du type de logique ambivalente qu'ils mettent en pratique. Ils empruntent souvent pour des raisons qui ne sont pas toujours dictées par la plus stricte nécessité. Pour comprendre cela, il faut pouvoir se replacer dans le contexte dans lequel ils vivent. L'UNE d'entre eux par exemple a acheté un réfrigérateur neuf quand le vieux a lâché. Elle ne voulait pas d'un réfrigérateur usagé, ce qu'elle aurait facilement pu obtenir à très bon compte, mais tant qu'à changer l'ancien, elle voulait que le nouveau lui dure plusieurs années, ce dont elle n'aurait pas été assurée si elle avait acheté usagé. Ce motif en soi est louable mais au moment où elle a dû faire cet achat, les moyens financiers du ménage étaient particulièrement restreints et elle a pu recourir À l'achat à tempérament. Cette décision d'acheter du neuf À crédit imposait en même temps des restrictions supplémentaires au ménage et risquait fort de provoquer d'autres recours au crédit lorsque les besoins nécessaires ne pourront plus être restreints.

Les "Préoccupés" sont souvent coincés entre le désir de garder une certaine mesure, un certain contrôle dans leur comportement économique et la tentation de satisfaire d'autres désirs. Un ménage par exemple n'avait l'habitude d'emprunter que pour les besoins vitaux du ménage, lorsque par exemple le mari tombait en grève ou en chômage, mais lorsque le gérant de la compagnie de finance leur offrit un peu plus ils n'ont pas refusé.

"... Le gérant nous à demandé si cela ne ferait pas notre affaire si on avait un peu d'argent de surplus... Tant qu'a être obligés d'emprunter, nous autres on en à profité pour pouvoir s'acheter des petites choses dont on avait besoin..."

Un autre ménage était inscrit depuis à peine trois mois aux Greffes des Dépôts Volontaires qu'il s'était déjà endetté À nouveau de quelques $300. Pour l'achat de vêtements neufs. Considérant qu'en profitant de la Loi des Dépôts Volontaires, le paiement mensuel des vieilles dettes était beaucoup moins lourd À porter, ils ont pensé qu'ils seraient capables de faire en surplus ces nouveaux paiements. Dans ce cas, il s'agissait dans une certaine mesure de profiter de la loi pour échapper aux obligations contractées antérieurement. Il serait tentant de les condamner sur le plan éthique mais il ne faut pas oublier avant de porter jugement que justement ces obligations antérieures les avaient empêchés de satisfaire des besoins qu'ils ont exprimé ressentir assez fortement. Il est malheureux avant tout que ces gens aient eu à recommencer le cercle vicieux de l'endettement après en être sorti partiellement.

Ces gens se trouvent souvent placés dans une position financière telle qu'ils peuvent difficilement profiter des occasions qui se présentent À eux. Ainsi E.H. Avait l'occasion d'acheter un chalet voisin de celui de son frère pour un montant pas trop élevé à ce qu'il croyait sincèrement. C'était là un des rêves qu'il caressait depuis longtemps pour lui et sa famille. Cependant, il avait déjà plusieurs autres dettes et l'un des moyens pour les alléger consistait justement a vendre son auto et acquitter la dette qu'il avait déjà sur celle-ci. Il se trouvait donc placé devant un dilemme: il ne pouvait pas vendre son auto parce qu'il en avait besoin pour profiter de son chalet. Il a essayé de réaliser son rêve mais au réveil la réalité a été dure! Il a eu à vendre et le chalet et l'auto.

Les "Préoccupés" manifestent le même type de logique ambivalente en ce qui concerne l'utilisation des sources de crédit. Ils utilisent en effet très peu les caisses populaires. Ceux d'entre eux qui sont déjà liés aux caisses soit parce qu'ils y ont déjà emprunté, soit parce que quelqu'un de leur entourage les motive à y aller, n'hésitent pas à y avoir recours mais très peu ne sont en mesure de mentionner les principales caractéristiques qui différencient les caisses des autres institutions de crédit. Les autres cependant sont plus réticents à y aller soit qu'ils y aient déjà été refusés, soit qu'ils avaient un besoin pressant d'argent et que les délais à la caisse fussent trop longs avant d'obtenir le prêt ou soit qu'ils n'y soient pas connus et qu'ils nourrissent une certaine crainte d'y être refusés.

Le même phénomène se produit aussi dans le cas des banques. Quant aux cartes de crédit, elles sont peu utilisées par ces gens. Quelques-uns cependant les ont utilisées de façon assez active mais les cartes ne constituent généralement pas pour eux une source suffisante pour satisfaire leurs besoins de crédit. Les compagnies de finance par contre sont plus souvent sollicités. Les gens sont en effet assez confiants d'y être bien accueillis, certains y sont connus et n'ont pas besoin d'endosseurs même si leur revenu est plutôt bas. D'autres par contre doivent user d'astuce comme par exemple faire l'emprunt au nom d'une tierce personne (généralement un membre de la parenté).

La source la plus importante de crédit pour ces gens vient cependant des grands magasins et des compagnies d'acceptance auxquelles ils ont été référés par les détaillants. C'est en somme pour eux une source de crédit facile à obtenir puisque la plupart du temps, cela leur est offert sur place ou a proximité de l'endroit d'achat. A ce propos, ils semblent donc obéir à la loi du moindre effort. Cela tient aussi du type de motifs pour lequel ils utilisent le crédit. Les "nécessités" leur sont en effet très souvent offertes dans ces magasins et ils ne voient pas la nécessité de multiplier les démarches pour obtenir une autre source de crédit.

Une autre source importante de crédit pour ces gens provient aussi des comptes qu'ils laissent en souffrance et particulièrement des comptes d'hôpitaux et de médecins, ils essaient généralement en effet de les payer par versements et cela les délivre de la tâche d'avoir à trouver une autre source de crédit» Comme aussi il n'y a pas souvent de contrat de passé, ils ne sont pas tenus de façon rigide de donner le même montant À chaque mois. Ils sont cependant exposés à recevoir la visite de représentants d'agence de collection lorsqu'ils se négligent trop. Ils utilisent aussi le crédit offert par le marchand du coin en ce qui à trait à l'achat de nourriture. La majorité cependant craint que ce compte monte trop haut car ils tiennent à entretenir la confiance que l'épicier à en eux s'ils veulent continuer à utiliser ce crédit. Ce crédit leur est en effet très utile quand ils ont besoin de quelque chose à un moment de la semaine ou du mois où l'argent liquide est rare cela les dispense aussi d'avoir à donner de l'argent aux enfants quand ils les y envoient chercher quelque chose. Souvent d'ailleurs ce crédit sert lorsque l'argent doit d'abord Être employé pour payer les autres dettes.

(2) Les "Routiniers"

A la rigueur, les membres de cette catégorie auraient pu être confondus avec ceux de la première catégorie. Ils partagent en effet plusieurs caractéristiques du groupe précédent, nous avons cependant tenu à les grouper dans une catégorie différente parce qu'ils font montre d'un esprit d'organisation plus poussé et ils se laissent moins mener par les événements qui leur arrivent mais réagissent au contraire de façon plus énergique.

Ils vivent dans un univers social restreint, identique à celui des gens de la catégorie précédente, ils se distinguent de ceux-ci cependant en ce qu'ils occupent une position privilégiée à l'intérieur de ces groupes de relations sociales. Ce sont eux en effet qui fournissent l 'information aux autres membres du groupe. Ce sont eux aussi qui jouent un rôle important dans la sécurisation émotive des gens de leur entourage, ils fournissent aussi à ces derniers une aide plus concrète soit en leur fournissant directement un appui financier soit en leur servant d'endosseur.

La situation financière de ces gens est d'ailleurs sensiblement meilleure que celle du groupe précédent. Ainsi leur revenu moyen s'établit à $u,ll55. En moyenne mais leur endettement n'était en moyenne que de $1,581. Lorsqu'ils sont venus à l'ACEF la première fois,18 nous avons cependant exclu de ce calcul les dettes dues à des hypothèques. Deux de ces personnes en effet avaient contracté des hypothèques sur une propriété. Comme les remboursements d'hypothèques sont échelonnés sur une période plus longue et qu'ils sont garantis par la valeur de la propriété, ils ne peuvent être considérés au même titre que les dettes de consommation proprement dites.

Le revenu de ces individus n'est pas en moyenne très élevé mais par contre les charges familiales auxquelles ils ont à faire face sont moins pressantes que dans le cas précédent. Il n'y a en effet que 3.1 personnes en moyenne dans les ménages de ces individus. Le fardeau des dettes est donc beaucoup moins lourd à porter. Cet état de chose se reflète d'ailleurs dans leur moral! Ils se sentent en effet beaucoup plus sécures au point de vue financier et ceci entraîne un optimisme plus grand quoique réservé face à l'avenir. Au point de vue émotif, ils se sentent aussi beaucoup moins tourmentés.

Une grande partie du sentiment de sécurité qu'ils éprouvent provient aussi du fait qu'ils se montrent satisfaits de ce qu'ils ont déjà et ils

N'entretiennent que peu d'aspirations pour des biens qu'ils n'ont pas. Ceux qui ont une auto ont une auto usagée dont ils semblent prendre grand soin» ils s'en montrent très satisfaits. Certains préfèrent même se passer d'auto afin de ne pas grever inutilement leur budget. Tel est le cas de G.C. par exemple:

".... Ça fait 7 ans que je suis marié et puis j'ai toujours aimé mieux me prendre un logement près de mon ouvrage plutôt que de rester loin et puis d'être obligé de m'acheter un char.... J'aime mieux que ma femme et mes enfants manquent de rien plutôt que d'avoir à payer pour un char.... J'aime mieux entretenir ma famille qu'entretenir un char...."

Somme toute ces gens sont assez conservateurs et répugnent à prendre des risques ou à s'endetter pour de trop gros montants. Pour cela, ils font beaucoup plus attention à leur budget. Si ce souci n'est pas toujours traduit de façon tangible dans les résultats, ce n'est certes pas par manque de bonne volonté mais plus simplement parce qu'ils manquent souvent des outils intellectuels qui leur permettraient de surveiller leurs intérêts. Ainsi par exemple, E.G. est barbier de son état. Il a presque toujours travaille à son compte. Mais, il y à quelques années, il a connu des troubles financiers et des troubles émotifs qui finalement l'ont obligé à prendre un repos forcé prolongé parce qu'il était dans un état dépressif prononcé. Sa femme à dû alors vendre le commerce de son mari. Lorsque celui-ci fut rétabli, il voulut repartir à son compte. Cependant les emprunts qu'il a dû faire pour cela étaient lourds et il ne réussissait pas à satisfaire à la fois aux échéances de son commerce et à celles du ménage. Sa situation n'était pas désespérée mais il lui fallait prendre grand soin de ses comptes, ce qu'il ne faisait pas toujours. C'est sa femme qui avait soin du budget du ménage et lui s'occupait des comptes de l'établissement et des dépenses de son auto. Ils ne se parlaient jamais entre eux de ce qui relevait de leurs compétences financières propres si bien que chacun d'eux était peu au courant des difficultés de l'autre. Ainsi E.G. lui n'avait pas de difficulté dans la rencontre de ses échéances alors que sa femme par contre devait comprimer plusieurs besoins du ménage avec l'argent que son mari lui donnait. E.G. n'a pas hésité d'ailleurs a vendre son auto lorsqu'il a réalisé la situation. Auparavant, à cause du manque de coordination dans la préparation du budget, aucun d'eux n'avait réalisé les pressions qu'imposaient les dépenses de l'auto.

Quand ils ont de faibles revenus, les "routiniers" n'hésitent pas à s'acheter des meubles usages plutôt que d'avoir à s'endetter pour en acheter des neufs. Ainsi par exemple J.R. essaie toujours de trouver ce qu'il lui faut chez un marchand d'appareils usagés. C'est ce qu'il fait pour son auto et aussi pour les meubles dont il a besoin. Il n'y a que pour les vêtements qu'il n'achète pas usage,

J.R.: "... Je sais bien qu'il y en a qui pense que des meubles usages c'est bon juste quand on a un camp d'été mais moi j'ai pas besoin de calculer pour savoir que si j'achetais toujours du neuf on serait obliges de se priver ailleurs... Mon char, ça fait trois ans que je l'ai... Je l'ai achète usage et puis je l'ai jamais regretté... Les meubles c'est la même chose... C'est sur que c'est plus le "fun" d'aller acheter du neuf chez Eaton.,,. Moi aussi j'aimerais ça si j'avais l'argent mais on n'a pas toujours les moyens et puis il faut se contenter de ce que l'on a sans ça la vie n'a plus de bon sens et puis on essaye toujours d'avoir ce que les autres ont... Moi j'aime mieux me priver un peu mais au moins pas avoir à me casser la tête pour trouver de l'argent."

J.R. n'est pas le seul a penser ainsi. Cependant ceux qui agissent ainsi ont ceci en commun qu'ils connaissent déjà des endroits ou ils pourront se procurer les biens usages qu'ils désirent et ils ont aussi l'information et l'expérience nécessaire pour bien choisir ce qu'ils veulent et ne pas se faire prendre. Chose surprenante, ils ne vont pas toujours chez des marchands et ne consultent pas toujours les annonces classées des journaux. Ils achètent souvent de particuliers et ils obtiennent cette information par l'intermédiaire de parents, d'amis ou de connaissances, c'est par l'entremise de sa soeur par exemple que mme S. A su qu'une des voisines de celle-ci voulait se débarrasser d'un tapis mur à mur parce qu'elle déménageait. Mme s, pensait déjà depuis un certain temps a remplacer le prélart de son salon, elle sauta sur l'occasion d'avoir un tapis plutôt qu'un prélart. Il est à noter que dans de telles situations ou acheteur et vendeur sont deux particuliers et sont mis en contact par l'intermédiaire d'une tierce personne qui fait partie de l'entourage social des deux premiers, le vendeur est soumis à une certaine pression sociale pour ne pas demander un trop gros montant. Chacune en effet doit sympathiser avec l'autre et le respecter dans sa dignité en ne cherchant pas à l'exploiter. Ainsi par exemple mme S. a obtenu son tapis pour quinze dollars, un tapis qui n'avait qu'un an d'usure tandis que J.R.lui avait acheté l'auto d'un parent de son beau-frère dont l'employeur lui fournissait l'auto. Ce parent avait mis des annonces dans les journaux mais il a quand même donne préférence a J.R. sur les autres qui l'avaient contacte.

Le groupe parental joue donc un rôle important sur la transmission des informations concernant certaines occasions particulières. En grande partie d'ailleurs, les échanges entre les individus au sein du groupe social sont orientés vers la transmission de telles informations. D'une part les individus y puisent une certaine information qui leur fournira des critères pour juger de la qualité du produit et les mettre en garde contre les stratégies des vendeurs. D'autre part, les individus sont souvent mis en contact avec des vendeurs éventuels en qui ils pourront avoir confiance parce que ces derniers sont soumis au même code d'éthique qu'eux. Cet apport du groupe parental est très utile quand il s'agit d'achat d'articles usages parce qu'alors il est difficile d'être sur de façon raisonnable que la transaction est avantageuse sur le plan financier. Le rapport se manifeste aussi cependant dans d'autres types de transaction comme par exemple quand il s'agit d'acheter des objets neufs ou encore d'acheter de la nourriture ou des vêtements Le groupe parental fournit alors l'information nécessaire pour déterminer ou se trouvent les meilleures aubaines et quels sont les établissements qui offrent le meilleur service,

Avant de faire une transaction, les individus ont besoin d'avoir un minimum de connaissance qui leur permette de juger la situation et d'agencer leur comportement en conséquence. Dans le cas des "routiniers", c'est le groupe parental qui fournit une grande partie de cette information, ce processus de communication n'est cependant pas à sens unique et lorsque les individus sont en possession de certaines connaissances ils hésitent pas à les transmettre aux autres.

S'ils sont plutôt conservateurs quant aux décisions qu'ils prennent, les "routiniers" sont cependant moins passifs que les gens du groupe précédant mais réagissent plutôt avec une certaine énergie lorsqu'ils sont confrontes avec un problème. Ainsi des qu'ils s'estiment lesés, ils hésitent pas a essayer de trouver un moyen pour réparer l'injustice dont ils sont l'objet. Le succès de leurs efforts cependant est parfois compromis par le fait qu'ils n'ont pas acquis l'information juste et nécessaire Si le groupe parental peut aider énormément quand il s'agit d'un comportement économique usuel, il n'est pas toujours en mesure toutefois de remplir le même rôle quand il s'agit de problèmes particuliers,

Dans lequel cas il remplît surtout un rôle de support émotif. Les individus ne sont pas toujours en mesure des lors de prendre la meilleure décision. A cet égard, les problèmes financiers qui se posent au ménage sont particulièrement cruciaux puisque selon notre tradition culturelle, ces problèmes ont toujours été considérés comme assez confidentiels et sont la responsabilité des individus ou des ménages. Ainsi, deux mères de famille se sont retrouvées dans la même situation. Elles avaient des dettes qui résultaient d'emprunts contractes respectivement pour pouvoir survivre quand le mari tomba en grève et pour l'achat d'une automobile usagée. Toutes deux ont eu de la difficulté a rencontrer leurs paiements parce qu'elles ont eu à faire face à des dépenses imprévues. Ces retards ont entraîné des frais supplémentaires de la part des compagnies de finance auprès desquelles elles avaient contracté ces emprunts. Elles se sont rendues compte assez tôt que ces frais étaient excessifs parce qu'elles suivaient d'assez près leurs comptes . Toutes deux n'ont pas pris de temps pour réagir. L'une est allé voir son avocat qui est entré en contact avec le créancier mais a déclaré par la suite après une attente assez longue qu'il ne pouvait rien faire sinon intenter une poursuite qui risquait d'être trop onéreuse. L'autre est allée à la caisse populaire de sa paroisse pour y emprunter l'argent nécessaire pour régler cette dette au plutôt. Cependant ce prêt lui a été refuse parce que, a-t-elle dit, le gérant considérait qu'elle aurait eu alors a payer des intérêts en double. Devant ce premier échec, elles ne se sont pas découragées pour autant mais ne savaient plus trop quelle stratégie adopter. La première a finalement été s'informer auprès d'une agence sociale privée dont elle avait su le nom d'une parente et a par la suite été référée ?. L'ACEF par cet organisme, la seconde a fait pression sur son mari pour que celui-ci aille s'informer à son syndicat, et c'est de cette façon qu'elle à finalement été référée à l'ACEF.

".... Mon mari, lui, il était pas pressé de grouiller mais moi ça faisait deux lettres d'avocat qu'on recevait et puis il était temps qu'on s'en occupe si on voulait pas être saisi... J'ai poussé dans le dos de mon mari pour qu'il aille à son union... Moi j'étais sûre qu'eux autres ils sauraient ce qu'il fallait faire... C'est la voisine qui m'avait donné cette idée là... Son mari À elle s'est déjà occupe pas mal de son union et c'est lui qui avait dit à sa femme que ce que mon mari aurait de mieux À faire c'était d'aller s'informer aux responsables de son union.

Malgré leur conservatisme, les "Routiniers" ne sont quand même pas À l'abri tout à fait des vendeurs habiles et ce même s'ils sont moins enclins que les gens de la première catégorie. Ainsi R.C. Par exemple a acheté un ensemble caméra-projecteur dans une démonstration donnée chez l'un de ses amis:

R.C.: ".... Ils (les vendeurs) ont fait une démonstration. Ils nous ont expliqués comment ça marchait... Mon "chum" à signé un contrat lui aussi et puis il me disait signe donc... J'ai fini par signer mais ça c'est fait beaucoup trop vite "

Quelques jours après avoir reçu son appareil, R.C. est allé faire évaluer son appareil chez un autre marchand. Il s'est rendu compte alors qu'il aurait à payer presque deux fois la valeur de l'appareil en question. Il a alors été consulté un avocat pour faire briser ce contrat, ce qui était d'autant plus pressant qu'entre-temps, il avait été mis à pied et ne pouvait plus faire les paiements. Insatisfait de la réponse de son avocat qui lui disait qu'il ne pouvait rien faire parce qu'il avait fait un premier paiement, il a été consulte l'ACEF.

Certains "routiniers" vont aux caisses populaires pour emprunter. Ils savent de façon confuse que les taux d'intérêt y sont moins élevés mais ils sont incapables d'établir exactement les différences qui existent entre les caisses et les autres institutions de crédit. S'ils vont à la caisse, c'est d'abord parce qu'elle est la à proximité mais aussi parce qu'on leur à dit que c'était mieux d'aller là plutôt qu'ailleurs.

Ceux qui ne vont pas emprunter aux caisses ou aux banques le font aussi pour des raisons qui ne sont pas toujours très claires. En fait si nous avions à faire une analyse statistique du phénomène de recours au crédit, nous avons l'impression que l'un des facteurs qui expliquerait le mieux le recours a telle ou telle institution serait d'avoir déjà fait affaire avec l'une d'entre elles. Les "routiniers" en effet sont assez constants en ce qui touche le type d'institution auquel ils s'adressent. Ils continuent en effet a recourir aux mêmes types d'institution tant qu'ils eh sont satisfaits. Ils savent alors a quoi s'attendre de celles-ci et s'y sentent en confiance.

Toute l'information qu'ils ont au sujet des institutions de crédit leur parvient par intermédiaire de leur réseau de relations sociales, sauf évidemment quand ils ont déjà été refuses ou exploites par l'une ou l'autre. Mais même alors dans ce dernier cas, leur expérience est façonnée et rationalisée à la lumière de ces relations, les sources de crédit qu'ils utilisent le plus sont comme dans le cas précédent, les comptes dans les magasins et les comptes laisses en souffrance. Certains d'entre eux font aussi "marquer" à l'épicerie du coin mais jamais cependant leur compte ne monte très haut. Les autres eux ne veulent pas du tout avoir de dettes là.

(3) Les "Rationnels"

Le terme "rationnel" applique au comportement des gens de cette catégorie est tout a fait relatif et doit être compris en comparaison avec les comportements des gens des autres catégories. Par bien des facettes en effet, leur comportement apparaît comme assez conservateur. Ce qui distingue cependant les gens de cette catégorie de ceux des catégories précédentes, c'est leur meilleure adaptation a la situation avec laquelle ils sont confrontes et la meilleure utilisation qu'ils font des moyens dont ils disposent.

Par rapport aux autres leur situation financière est relativement bonne quoique plus précaire un peu que celle des "routiniers". Leur revenu moyen est de $4,872, alors que l'endettement moyen des ménages dont ils font partie est de $2,080. Leurs charges familiales cependant sont assez élevées si l'on considère qu'il y a en moyenne 5.3 personnes par ménage Certains d'entre eux ont beaucoup de dettes, ce qui peut sembler aberrant puisque leur comportement est sensé être rationnel. Mais dans la presque totalité des cas, l'endettement dépend de circonstances difficilement contrôlables. Ainsi mme J.D. par exemple a près de $11,000. De dettes dont la moitié provient directement ou indirectement des comptes d'hôpitaux ou de médecins que nécessitent la mauvaise santé de mme J.D. et l'impotence d'une de ses petites filles. L'autre moitié provient de l'achat d'une auto neuve par son mari, achat avec lequel elle était pas d'accord mais contre lequel elle n'a pu rien faire.

Ces dettes peuvent provenir aussi plus simplement de charges familiales trop importantes. Ainsi par exemple R.J. n'a pas d'emploi stable et doit subvenir aux besoins de sa femme et de ses neuf enfants :

R.J.: "... Les dettes c'est un vrai cercle vicieux, ça finit jamais... Tu t'endettes pour acheter quelque chose et puis t'as pas encore fini de payer que t'as déjà besoin de quelque chose d'autre... Même avec leurs supposées ventes, des fois on se fait fourrer mais ça, t'essaye toujours de faire le mieux que tu peux et puis quand tu te fais fourrer quand même, il n'y a pas grand chose d'autre à faire..."

Ces gens se montrent beaucoup plus indépendants face aux gens du réseau social dont ils font partie. Ils préfèrent en effet que personne d'autre ne soit mêlé à leurs affaires et ils se sentent assez confiants pour régler leurs problèmes seuls sans avoir à chercher appui sur les gens de leur entourage. Ainsi par exemple, ces gens chercheront à éviter toute critique à l'intérieur du réseau familial en se montrant plus indépendants. Les gens des groupes précédents avaient à subir souvent des critiques des parents de qui ils recevaient une aide matérielle quelconque. C'est pourquoi à la longue ils avaient tendance à ne recevoir cette aide que de quelques membres de cette parenté avec qui ils étaient particulièrement lies. Mais ils continuaient cependant à entretenir des relations avec les gens du groupe parental et ceci était la source de beaucoup de tensions. Les "rationnels" par contre sont beaucoup plus distants vis-a-vis leurs parents et limitent leurs contacts avec eux.

Cette indépendance peut donc avoir été motivée en bonne partie par une mauvaise expérience vécue. C'est à partir de cette expérience intériorisée que les gens anticipent des difficultés futures, ce qui limite chez eux la tentation d'avoir recours à l'aide du groupe parental:

R.J.: "... L'argent que tu gagnes, c'est ton argent, c'est toi qui décides ce que t'en fais . .. Tu as toujours une place où l'employer cet argent-là et puis si j'étais pas capable de le rembourser, j'aurais trop peur qu'il y ait de la chicane... L'autre lui il veut l'avoir son argent parce que c'est lui qui l'a gagné..."

Les"rationnels" font preuve en plus de ce souci d'indépendance, d'une persévérance et d'un entêtement prononce dans leurs efforts. Ils hésitent pas en effet à foncer de l'avant quand leur situation l'exige sans trop s'occuper de ce que les autres pensent d'eux. R.J. par exemple ne craignait pas de conter de pieux mensonges pour réussir à se faire engager.

R.J.: "... au début, j'avais de la misère, je ne savais pas comment me présenter; finalement, je disais au "foreman" que j'avais déjà travaillé dans la construction en Gaspésie... c'est avec ta gueule que tu te fais engager, ce n'est pas avec la gueule du voisin..."

Ils font montre de cette détermination non seulement dans leur travail mais dans tous les domaines de leur existence et particulièrement dans les efforts qu'ils font pour résoudre leurs problèmes financiers!

Mme L.B.: "... j'ai tout fait ce que j'ai pu ça c'est sûr... j'ai été a la banque (pour faire un emprunt) mais j'ai pas pu trouver d'endosseur comme il me le demandait... ça faisait pourtant trois ans que j'avais un compte mais c'est vrai que j'ai jamais eu beaucoup plus que $10. dedans... c'est à la caisseque j'ai été ensuite ... il fallait que j'aie l'argent à tout prix... j'y ai été 5 ou 6 fois en-dedans de deux semaines pour voir le gérant... finalement je pense qu'il a fini par se "tanner" et puis il a accepté que la caisse me passe l'argent..."

Elle avait besoin de $500. À l'époque afin de régler le compte qu'elle avait dans un grand magasin de meubles et de ranger les meubles qui avaient déjà été saisis. Son acharnement lui a permis de récupérer le mobilier qui lui avait été enlevé. Ces gens ont grand souci du être des gens de leur famille, ceci pourrait même expliquer dans une certaine mesure leur volonté de rester indépendants Ils ont beaucoup d'ambition pour leurs enfants en particulier. Entre autres, ils accorderont beaucoup plus d'importance à l'éducation de leurs enfants que les "routiniers11 par exemple. Ils cherchent à réaliser leurs ambitions en se refermant sur leur ménage alors que les gens des groupes précédents étaient beaucoup plus ouverts vers extérieur, soit vers leurs parents, leurs voisins, leurs amis... Comme ils sont plus exigeants que les gens de leur parenté face à certains problèmes (dont l'amélioration de leur situation financière, le haussement de leur niveau de vie et l'éducation de leurs enfants), cela mobilise une bonne partie de leur énergie et ils sont moins disponibles pour établir des contacts plus fréquents et plus intimes avec des parents. Ils sont d'autant moins friands de ces contacts que les exigences de ces parents sont souvent moindres que les leurs et ils sont conscients de cette différence qu'ils expriment souvent sous ferme de "stéréotypes" concernant ceux qui, au contraire d'eux, ne montrent pas une énergie comparable à la leur.

Mme A.B..: "... non, mais j'aime bien mieux rester chez nous et puis pas courir après qui que ce soit... moi j'appelle pas personne, même pas ma soeur... j'aimemieux attendre qu'ils m'appellent eux autres mêmes...chacun ses "oignons", comme ça il n'y a pas de chicane, moi j'ai assez de problèmes pour essayer de payer tout ce qu'on doit et puis faire attention à l'éducation des enfants... j'ai assez de mes problèmes sans m'occuper en plus de ceux des autres... si tout le monde faisait comme moi et puis essayait de résoudre ses problèmes avec un peu de sérieux, les gens auraient moins le temps de perdre leur temps a "bavasser" les uns sur les autres...,

Les "rationnels" font très attention à la façon dont ils dépensent leur argent. En cette matière, ils ne négligent aucun effort pour profiter au maximum de l'argent dont ils peuvent disposer. Certains se font des listes des spéciaux dont ils veulent profiter quand ils vont à l'épicerie et achètent que cela. D'autres ne font pas de listes mais se fient à leur longue expérience en la matière pour comparer coût et qualité et hésitent pas à faire le tour de plusieurs magasins. Ils résistent beauc0up mieux à cet égard aux demandes de leurs enfants et ils leur cèdent beaucoup moins souvent que les "routiniers" par exemple, ces gens ne se laissent pas démonter facilement et ils leur faut souvent user de stratégie pour préserver leurs intérêt Ainsi par exemple, Mme J.L. n'a pas hésite à changer plusieurs fois de médecin parce que ceux-ci réclamaient leurs dus et qu'elle ne pouvait les rembourser.

Mme J.L.: "...quand j'allais les voir (les médecins) ils ne me parlaient jamais de l 'argent que je leur devais mais seulement, une fois rendue chez nous , je recevais des appels de gars qui collectaient les comptes, ça moi, ça me mettait en maudit parce qu'ils ne voulaient pas se contenter de ce que je leur donnais...."

Elle s'est arrangée avec ses médecins pour qu'ils acceptent un remboursement de $5.00 par mois chacun, la persévérance des "rationnels" se manifeste d'ailleurs dans leur façon d'acheter et dans le type de crédit qu'ils utilisent. Ils calculent en effet le moindre montant d'argent qu'ils ont à dépenser. Ce sont aussi des coureurs infatigables d'aubaines et certaines ménagères ont même l'habitude de se rendre à pied à plusieurs coins de rue de chez elles afin d'économiser un peu plus. Cependant au contraire des "préoccupes" leurs efforts sont constants et il est très rare qu'il y ait relâchement. Ils n'aiment pas avoir recours au crédit, c'est même une chose qu'ils cherchent à éviter le plus possible. Cependant quand ils ne peuvent faire autrement ou quand ils entrevoient être capable d'investir dans quelque achat afin d'améliorer le niveau de vie matériel des leurs, ils sont beaucoup plus circonspects dans le type de crédit qu'ils vont utiliser. Ils ne cherchent pas seulement à faire le meilleur achat possible après avoir pesé leur décision et avoir comparé marques, qualités et prix, mais ils tiennent comptent aussi dans leur décision des conditions de crédit qui leur sont offertes. Ils cherchent donc a obtenir le crédit qui sera le plus avantageux pour eux. Ils ont une bien meilleure connaissance de ce qu'offrent les caisses et les banques et c'est vers ces institutions qu'ils portent d'abord leurs efforts.

Malheureusement, il n'est pas toujours facile d'obtenir la confiance de ces institutions. Ce n'est après avoir essuyer un refus de la part de ces institutions ou encore après avoir épuisé le montant de crédit qui leur était alloué, qu'ils se tournent finalement vers les compagnies de finance ou encore qu'ils utilisent les comptes de magasins. Mais encore là, tous leurs efforts sont déjà orientés vers la réalisation d'un équilibre de leur budget et ils n'aiment pas trop utiliser ces sources de crédit

Mme J.L.: "... je ne m'en sers pas souvent (compte-courant) juste quand on a besoin de quelque chose et puis que je n'ai pas d'argent pour acheter tout de suite comptant... il ne dépasse jamais $50.00. avant qu'on achète le char (c'est le mari qui l'a acheté malgré sa femme), ça ne me faisait rien que le compte soit plus haut. Mais là on a assez des paiements du char..."

Les "rationnels" font donc des efforts louables mais en retour ils ne sont pas toujours récompensés concrètement de ces efforts, leur revenu assez faible les place dans une position financière précaire. Lorsqu'une malchance survient ou encore lorsque le conjoint agit de façon irrationnelle, l'équilibre financier qu'il cherche à maintenir est alors bouleversé mais, à cause de leur persévérance, cette situation de crise est pour eux moins permanente que pour les "préoccupes" et ils en sortent plus rapidement.

Certaines écoles de pensée en sociologie (qui avaient leur pendant dans d'autres disciplines) ont tendance a considérer que la solution au problème de la pauvreté reposerait en grande partie dans l'éducation des gens pour qu'ils apprennent à prendre des décisions rationnelles. L'objectif est louable mais il appelle immédiatement une première réserve. Nous avons eu l'impression tout au long des interviews que plus le revenu est faible et plus les charges familiales sont imposantes, moins les efforts de rationalité des gens sont récompensés, pour plusieurs des "rationnels" en effet, ces efforts sont perpétuellement à recommencer et n'apportent que peu de récompenses matérielles. Leurs efforts ne suffisent à peine souvent qu'a permettre au ménage de se maintenir à flot sans trop s'enliser, dans ces conditions, il faut donc que les individus aient une motivation très forte à l'épreuve des échecs répètes et qu'ils aient aussi les instruments intellectuels pour réussir ces tours de force quotidiens. Cette motivation vient en grande partie du désir qu'ont ces individus de donner la meilleure éducation possible à leur progéniture et de leur assurer en même temps le plus grand confort matériel, c'est en effet dans cette catégorie que les parents insistent le plus sur une éducation poussée des enfants et pour cela, ils sont prêts a beaucoup de sacrifices et de vigilance. Leurs efforts sont peut-être davantage récompenses sur ce plan que sur le plan financier et a leurs yeux, cette récompense est être plus importante aussi.

Cette motivation et cette détermination dont ces gens font preuve ne sont pas nées spontanément, elles ont été apprises, cette motivation et cette persévérance portent sur des valeurs qui sont présentes dans la société globale et que d'autres groupes par conséquent comme les "préoccupes" par exemple, partagent aussi. Cependant, si les "rationnels" sont plus actifs et plus déterminés, cela semble dépendre dans une certaine mesure des succès qu'ils ont déjà remportes ou qu'ils ont pu remporter dans leurs expériences antérieures, les "rationnels" en effet ont pu expérimenter des situations par le passe qui leur ont permis d'acquérir et d'intérioriser les outils intellectuels qui leur permettent aujourd'hui de se comporter comme ils le font. Ils n'ont pas beaucoup d'éducation formelle (6.2 années en moyenne) mais leur expérience en matière de budget est toutefois assez riche. Certains en effet ont eu à s'occuper très jeunes du budget familial dans leur famille d'origine et c'est là qu'ils ont appris au contact de personnes rationnelles et exigeantes comment se débrouiller. D'autres ont acquis ces aptitudes dans leur milieu de travail soit en étant chargé de certaines responsabilités, soit étant intimement lié à de telles personnes. L'acquisition des outils intellectuels nécessaires à la planification rationnelle n'est cependant pas suffisante pour expliquer le comportement de ces gens. Il faut aussi que ces gens aient une grande confiance en eux pour oser défier l'adversité et cette confiance s'acquiert soit en remportant même des succès sur ce plan soit en s'identifiant à des personnes qui ont remporté de tels succès En dernier ressort c'est parce qu'ils sont confiants de réussir à résoudre leurs problèmes dans un avenir plus ou moins lointain que ces gens peuvent se permettre d'investir tant d'efforts et tant d'obstination. Nous verrons d'ailleurs plus loin et de façon plus détaillée quels sont les mécanismes qui permettent l'acquisition de ces aptitudes,

(4) Les "Impulsifs"

Les gens de cette catégorie sont caractérises par leur grand désir de vivre le mieux possible, de retirer dans l'immédiat les plus grandes satisfactions possibles sans trop se préoccuper des conséquences financières futures de leurs actes en ce qui concerne leur ménage Si leurs décisions peuvent sembler impulsives a prime abord et ne reposer sur aucun fondement solide, nous verrons qu'au contraire elles sont guidées par une certaine logique qui leur est particulière.

La situation financière des ménages où ils vivent reflète assez bien leur façon de se comporter. Le revenu moyen est assez élevé puisqu'ils gagnent en moyenne $4,878. Leurs dettes par contre sont assez élevées, elles sont en moyenne de $3,540. Si l'on considère que les ménages dont ils font partie comptent en moyenne 4.1 personnes, ceci fait ressortir la précarité de la situation financière qui découle de leur comportement économique

De façon générale, ils sont très favorables a l'utilisation du crédit sous toutes ses formes. La part de leurs dettes due à des comptes hôpitaux ou de médecins est en effet assez réduite . Leurs dettes consistent beaucoup plus en créances résultant de l'achat de biens de consommation et de l'utilisation de services, ces gens aiment acheter ce qui est beau a leurs yeux, ce qu'ils évaluent souvent en fonction du prix. Plutôt que d'acheter des meubles usages, ils préfèrent acheter des meubles neufs.

Certes une part de leurs dettes a été contractée pour l'achat de biens de consommation qui sont "nécessaires" comme par exemple, le vêtement, les meubles, la nourriture. Mais, d'une part, lorsqu'ils achètent ces biens, ils ont tendance a acheter les plus dispendieux et d'autre part, ils sont parfois obliges de s'endetter pour l'achat de tels biens parce qu'ils ont utilise leurs disponibilités liquides à d'autres fins. C'est le cas par exemple de A.G. qui a on emploi saisonnier: lorsqu'il travaille, il a l'habitude de mener la grande vie, de s'acheter des vêtements dispendieux, de se payer des sorties. Les autres membres de sa famille profitent alors aussi de ses largesses. Mais lorsqu'il se retrouve périodiquement sans emploi, il est alors obligé d'avoir recours au crédit à profusion pour faire vivre sa famille. Dans d'autres cas, les maris gardent une partie plus ou moins importante, souvent plus que moins de leur paie pour aller à la taverne, jouer aux cartes, aller aux courses..., ce qui oblige l'épouse à utiliser le crédit pour la nourriture, le vêtement et l'ameublement.

On peut distinguer deux extrêmes clairement identifiables parmi les "impulsifs". À une extrémité on trouve ceux dont le revenu est peu élevé et dont les charges familiales sont assez considérables. Ils ont tendance à sortir beaucoup plus du ménage et à chercher refuge auprès de leurs copains ou de leurs compagnons de travail. Ils passent une assez grande partie de leur temps libre à la taverne, ils jouent aux cartes ou aux dés, vont aux courses... Leur endettement provient surtout de l'achat de "nécessités" et ce d'autant plus qu'ils utilisent leur argent liquide à d'autres fins.

A l'autre extrémité, on trouve ceux dont le revenu est plus élevé. Ils sont plus jeunes que les précédents et ils ont moins tendance à chercher, à évader de leur ménage Leur endettement provient surtout de l'achat de biens dits "de luxe" par opposition aux "nécessités11 de l'existence. Ces deux extrêmes ne sont pas antithétiques mais résultent plutôt d'un même type fondamental d'adaptation à deux situations différentes.

Certains d'entre eux, surtout ceux dont le revenu est plus faible, hésitent pas à avoir recours à des moyens plus ou moins légaux, soit pour augmenter leur revenu, soit pour s'esquiver de leurs obligations financières Ainsi, l'un a déménage en cachette pour ne pas avoir à payer les montants dus sur son loyer et sur son compte d'épicerie. Un autre est camionneur et a souvent l'occasion d'entrer en possession d'objets subtilisés dans les cargaisons de bateaux.

Un autre enfin a profité de sa position de trésorier du syndicat pour détourner de petites sommes. Même s'il augmentait ainsi son revenu, ce dernier avait néanmoins beaucoup de dettes, d'autres enfin hésitent pas, lorsqu'ils sont en chômage, a prendre des emplois a temps partiel de façon illégale pour supplémenter leurs revenus. Ils risquent ainsi de perdre leur allocation mais ce danger ne les inquiète pas outre mesure.

L'environnement social immédiat dans lequel ils évoluent diffère sensiblement de celui que nous avons décrit dans le cas des "routiniers", les "impulsifs" en effet s'associent de façon beaucoup moins exclusive avec les gens de leur parenté. De façon générale on peut dire en effet qu'ils préfèrent choisir leurs intimes parmi ceux qui partagent la même façon de vivre qu'eux. Que ceux-ci soient des compagnons de travail, des voisins ou même des membres choisis de leur parenté, importe moins alors. À cet égard, la taverne constitue un lieu de rencontre privilégié pour les hommes, surtout ceux dont le revenu est plus bas.

Les "impulsifs" sont très attaches aux éléments qui composent leur statut social et ils cherchent à conserver ces éléments à tout prix comme si cela faisait partie de leur propre personne. Ils tiennent beaucoup a travailler, moins parce qu'ils craignent de passer pour paresseux que parce qu'ils ont besoin d'argent pour continuer selon leur mode de vie actuel.

L.B.: "... Tout ce que je demande moi c'est de pouvoir travailler, je serais bien prêt à travailler sept jours par semaine s'il le fallait pour en sortir... Moi ça me brûle d'être à la maison et puis d'entendre chialer parce qu'on est trop serre..."

Ils sont très fiers de leurs personnes et lorsqu'ils ont un emploi, ils n'acceptent pas facilement une perte de prestige ou une perte d'argent, alors que les "préoccupes" eux avaient plus tendance à se résigner. Ainsi par exemple J.L. a déjà été camionneur pour un entrepreneur-paysagiste. Il était un des rares employés à travailler de façon permanente. Cependant lorsque son patron l'a remplacé à ce poste par un de ses parents, il a préfère se chercher un autre emploi.

Les "impulsifs" ne se résignent pas facilement, ils ont plutôt tendance à réagir de façon dynamique mais parfois irréfléchie. La femme de L.L. par exemple, n'aimait pas du tout que son mari ait en sa possession des objets volés, lui cependant ne l'entendait pas de cette façon:

L.L.: "... Ma femme a peur de son ombre par bout... C'est pas un petit radio qui est dangereux (il était vole)... Tu peux toujours dire que tu l' as achète a la taverne d'un gars que t'avais jamais vu avant et puis la ils ne peuvent plus rien contre toi... Sur le coup ça a été Plus fort que moi, je lui al dit ma façon de penser... Là je me suis déchargé le cœur... Un gars peut pas se faire dire ce qu'il a à faire tout le temps par sa femme...."

C'était entre lu! Et sa femme un sujet de querelle qui revenait souvent sur le tapis. À la suite d'une de ces querelles, il a quitté la maison en claquant la porte et est allé passer la soirée à jouer aux cartes et à boire avec des "amis". Il y a perdu tout l'argent qu ' i l avait sur lui, soit $75., et Il a de plus endommage son auto pour un montant semblable dans un accrochage alors qu'il était plus en possession de toutes ses facultés l'argent qu'il a ainsi perdu aux cartes était destine à un voyage qu'il devait entreprendre avec sa famille pendant ses vacances. Comme il tenait quand même a faire ce voyage il a alors emprunte l'argent nécessaire dans une compagnie de finance, la même d'ailleurs a qui il devait déjà plus de $1,000..

Les "impulsifs" ont en général une forte personnalité et ils acceptent assez mal être critiqués surtout quand ces critiques proviennent de personnes qui ne font pas partie du cercle d'amis au sein duquel ils se sentent plus à l'aise. C'est d'ailleurs au sein de ce groupe d'amis que sont élaborées les valeurs par rapport auxquelles les individus se définissent. Il sera très important pour eux par exemple de posséder des objets matériels prestigieux comme une auto neuve et puissante» des habits "chics". Contrairement aux "routiniers" et aux "rationnels", ils vendront parfois une auto usage qui roulait encore pour s'en acheter une plus puissante et plus luxueuse afin de satisfaire leur ambition. J.L, par exemple se souciait peu d'imposer des restrictions à sa famille en achetant une nouvelle auto.

J.L.: "... Ça faisait trois mois que mon frère (qui fait partie de son "béer group") avait le sien... Il me l'avait fait essayer quand on était allés visiter des parents dans le bout de Trois-Rivières... Depuis ce temps-la j'étais malade pour m'en acheter une ... Les gars ont été jaloux de me voir avec un char neuf devant la porte»"

De toutes les catégories, c'est celle qui est le plus orientée vers la possession des objets offerts par la société de consommation. Cependant quand ils se procurent ces biens, ils évaluent pas toujours correctement leur capacité de remboursement et les achats qu'ils font sont souvent hors de prix avec ce qu'ils peuvent effectivement se payer avec leur revenu.

Surtout pour ceux dont le revenu est plus faible, l'appartenance à un groupe d'amis sépare du groupe parental leur permet de s'évader des contraintes très serrées qui existent au sein de leur ménage L'appartenance a ce groupe leur permet de se montrer plus indépendants, de montrer qu'ils sont des hommes (ou des femmes quoique le phénomène soit beaucoup moins fort dans leur cas) et qu'ils sont libres de faire ce qu'ils veulent. Ils sont d'ailleurs a se montrer indépendants et libres par rapport à leur famille quand ils évoluent au sein de leur groupe d'amis sinon ils deviennent la risée de ces derniers. Ils ne pourraient faire montre des mêmes attributs au sein de leur famille car les contraintes financières sont trop fortes.

Par centre ceux dont le revenu est plus élevé n'ont pas à sortir des cadres du ménage pour montrer qu'ils peuvent jouir de la vie. Ils ont assez d'argent pour se permettre certaines "folies" sans risquer autant de compromettre la situation financière du ménage.

Le prix de la marchandise qu'ils achètent est important mais pas nécessairement pour établir leurs prévisions budgétaires. Le prix est pour eux un élément important qui leur sert à prouver aux autres leur propre valeur» plusieurs nous déclaraient avec fierté en effet que leur auto valait $4,000., que leur mobilier de salon valait $250. Ou encore qu'ils avaient déjà gagné $300 aux cartes en une soirée.

Ils ne sont pas incapables de toute planification mais celle-ci porte davantage sur l'acquisition ou la conservation d'objets matériels plutôt que sur l'assainissement de leur situation financière De façon générale, les "impulsifs" ne se préoccupent guère du type de crédit auquel ils ont recours ni du taux intérêt qu'ils ont à payer. Il est plus important pour eux de se procurer les objets matériels qui leur permettront de conserver leur statut que de considérer quel type de crédit ils utilisent. Pour sur, ils ont besoin de crédit pour poser ces actes de préservation de leur prestige, mais il est alors plus important de trouver du crédit simplement que de considérer le montant qu'ils auront à payer en intérêt

Leur comportement économique n'est cependant pas aussi désorganisé qu'il peut sembler. Ils obéissent à des motivations organisées issues d'un contexte social particulier mais ces motivations sont moins orientées vers la réalisation d'un bilan financier sain et stable, ce système de valeurs met beaucoup d'importance sur la valorisation de l'individu par rapport aux individus qui composent leur cercle d'amis. Il a d'ailleurs été passablement difficile au cours des interviews de savoir quels étaient les problèmes de ces gens. Ils avaient tendance a affirmer qu'ils étaient les maîtres de la situation la ou nous avions raison de suspecter que cela était pas toujours exact» ceci nous est particulièrement apparu quand nous avons interviewe l'homme et la femme séparément, les "impulsifs" apprécient assez mal quelles peuvent être les conséquences futures de leurs actes sur le plan financier. Il leur suffit de savoir le montant des remboursements mensuels, cette façon de procéder est justifiée à leurs yeux par le fait qu'ils sont ambitieux et très confiants en eux-mêmes en ce qui touche leur capacité de gagner de l'argent pour faire face à leurs obligations.

Quand ils n'espèrent pas du cote de leur travail, ils espèrent gagner une grosse somme rapidement comme par exemple en jouant aux cartes ou en pariant aux courses. A cet égard, ils peuvent citer plusieurs exemples d'individus qu'ils connaissent à qui la chance a souri.

Chapitre III: le processus social de l'endettement.

Nous avons donc établi quatre catégories de comportement économique en ce qui à trait au comportement économique général des individus et de façon plus particulière en ce qui a trait à l'usage du crédit et a l'endettement qui en résulte. Ces catégories ne sont cependant valables en dernier ressort que si elles nous permettent d'une part de mieux reconstituer le processus d'endettement en général et en particulier les modalités du recours que ces gens ont fait à une aide extérieure qui en occurrence est l'ACEF de montréal. Cependant avant d'aborder l'étude de ces modalités nous allons jeter un rapide coup d'oeil sur certains processus sociaux qui nous permettront de mieux comprendre par la suite le recours a l'aide de l'ACEF.

A. La structure financière des ménages :

Nous avons décrit jusqu'ici des comportements individuels. Or il est clair que c'est au niveau du ménage que se pose le problème de l'endettement des ménages puisque les dettes affectent tout le budget du ménage et ce même si elles résultent surtout du comportement de l'un des conjoints. Cependant il peut être intéressant de reconstituer la dynamique du processus qui prend place au sein du ménage en ce qui à trait à la situation économique de celui-ci.

Nous avons déjà noté que les statistiques présentées pour chaque type d'individus doivent être utilisées avec beaucoup de circonspection. Cependant elles peuvent nous servir à titre comparatif pour voir ou se situe chaque catégorie d'individus par rapport aux autres.

Voici donc résumées dans le tableau suivant les principales caractéristiques financières des ménages auxquels appartient chaque catégorie individus :


Catégorie :

Endettement moyen des ménages  (a)

Revenu brut moyen des ménages  (b)

Nombre    d'ind.  moyen par

MÉNAGE

Revenu brut moyen par individu   (c)

B / A

A / C

RATIONNELS

$   2,080.

$  4,872.

5.3

$      919.

2.2

2,1

ROUTINIERS

1,581.

4,455.

3.1

1,437.

3.2

0.9

PRÉOCCUPÉS

2,815.

4,272.

4.9

872.

1.5

3.4

IMPULSIFS

3,540.

4,878.

4.1

919.

1.4

3.0

TOTAL

2,505.

4,878.

4.4

1,007

1.9

2.5#

#Ces  rapports   (b/a et a/c)  doivent se lire  de  façon  inverse.

Un rapide coup d'œil a ce tableau permet de constater que deux groupes se distinguent nettement des autres quant au bon état relatif de leur situation financière lorsqu'on considère le rapport des dettes sur le revenu brut des ménages auxquels appartiennent ces individus: il s'agit des "routiniers" et des "rationnels". Ce rapport entre les dettes et le revenu moyen permet d'avoir une idée assez juste de la pression que les dettes peuvent exercer sur le budget familial. D'autre part, dans l'appréciation de l'importance des dettes par rapport au revenu, le revenu seul ne permet pas d'apprécier l'influence de la charge que représentent les dépendants la mesure que nous avons employée est cependant très grossière puisqu'elle consiste à diviser le revenu par le nombre d'individus faisant partie du ménage, cette mesure accorde être une trop grande importance aux dépendants mais il aurait été trop complique de raffiner davantage cette mesure.

L'emploi d'une telle mesure cependant, lorsqu'elle est mise en relation avec l'endettement moyen du ménage (a/c), nous permet de séparer deux influences différentes quant à leur effet sur la situation d'endettement. Ce rapport des dettes sur le revenu moyen par individu permet de tenir constant dans une certaine mesure l'influence due à la charge familiale et de ne considérer que l'influence du comportement économique. Un se rend compte alors que loin de disparaître, les différences entre les catégories sont quelque peu plus marquées. Ce qui laisse supposer que dans une certaine mesure, l'importance de la charge familiale peut agir comme un frein sur l'utilisation du crédit En effet, lorsque l'individu recourt au crédit pour faire face à de lourdes charges familiales, il lui reste moins de liberté pour concrétiser certaines tendances de sa personnalité en ce qui touche l'utilisation du crédit. À un moment donné en effet, l'individu atteint un point de saturation dans l'utilisation du crédit au-delà duquel les institutions ne feront plus crédit parce que le risque est trop grand, d'autre part, certaines catégories (les "routiniers" et les "rationnels") ont surtout recours au crédit à cause justement de ces charges familiales importantes, ce qui aide encore à niveler les différences entre les catégories.

Si ces statistiques financières doivent être utilisées avec circonspection, certaines autres caractéristiques par centre sont plus personnelles et peuvent mieux nous aider à décrire chacune des catégories. Le tableau suivant résume les caractéristiques de chacune des catégories en ce qui a trait au sexe, à l' age, a la scolarité et a l'occupation des individus:

Catégorie:

SEXE

ÂGE MOYEN

SCOLARITE MOYENNE

OCCUPATION

 

 

H.

F.

 

 

 

 

MÉNAGÈRE

OUVRIER NONSPÉCIALISÉ

OUVRIER SPÉCIALISÉ

Rationnels

4

S

43.4

9.8

6

3

5

Routiniers

5

5

49.1

7.2

5

4

1

Préoccupés

7

9

59.2

6.1

8

6

2

Impulsifs

9

5

34.3

11.1

2

3

7

Total

25

25

41.0

8.4

21 (#)

16

 

(#) Dans 3 cas, l'épouse occupe un emploi rémunéré au moins a temps partiel.

On se rend compte à l'étude de ce tableau que les femmes sont surreprésentées dans la catégorie des "rationnels" alors que les hommes sont beaucoup plus nombreux dans la  catégorie des "impulsifs".  Par contre, en ce qui à trait à  l'age, ce sont les "routiniers" qui sont les plus ages alors que les "impulsifs" sont les plus jeunes,  cependant, on se rend compte que le degré d'éducation formelle n'est pas nécessairement relie au comportement rationnel puisque ce sont les "impulsifs" qui ont le degré de scolarité formelle le plus élevé et qui se trouvent par contre dans la situation financière la plus précaire.  Ce sont les "impulsifs" aussi qui ont le plus souvent des emplois spécialisés alors que les "préoccupés" et les "routiniers" occupent le plus souvent des emplois non qualifiés, ce sont ces derniers aussi qui se retrouvent le plus souvent en chômage ou qui occupent le plus souvent des emplois saisonniers.  Jusqu'ici, il ne nous à pas été possible directement de pouvoir évaluer l'influence de l'action respective des deux conjoints sur la situation financière du ménage.  Ceci devient possible cependant lorsqu'on reconstruit des types de ménage selon le comportement économique respectif des conjoints,  le tableau suivant vous donne une idée plus juste de chacun des ménages en fonction de la répartition des conjoints.

 

MARI

 

 

FEMME

TYPE

A

0

C

D

TOTAL

A)

RATIONNEL

A

3

 

1

4

8

B)

ROUTINIER

B

-

3

1

-

4

c)

PRÉOCCUPÉ

C

-

-

4

5

9

D)

IMPULSIF

D

1

1

1

-

3

 

 

TOTAL

4

4

7

9

 

 

 

Ce qui frappe à prime abord dans ce tableau, c'est l'inégalé répartition des cas sur l'ensemble du tableau.  En effet, il est possible de reconstituer 6 types de ménages qui regroupent 21 des 24 ménages

Type de   ménage

NOMBRE

A - A

3

B - B

3

C - C

4

AD  - DA

5

CD  - DC

6

Total

21

Il peut être très intéressant des lors de considérer plus en détail la situation de chacun des ménages sur le plan financier.

Type   de ménage

ENDETTEMENT MOYEN  (A)

REVENU MOYEN  (B)

GRANDEUR MOYENNE DU MENAGE

REVENU MOYEN PAR

1ND.    (C)

B/A

A/C

A-A

$1,695.

$4,704

5.6

$ 840

2.8

2.0

B-B

1,090.

4,175

3.0

1,368

3.8

0.7

C-C

3,110.

3,982.

5.1

780

1.2

4.0

AD-DA

2,804

4,760

4.6

1,055.

1.7

2.7

CD-DC

3,670.

4940.

4.8

1.030.

1.4

3.5

TOTAL

2,410.

4,890.

4.7

1.004.

1.9

2.9

Nous avons trois types de ménage "homophiles", c'est-a-dire où les deux conjoints font preuve d'un comportement économique identique.  Ce sont les types de ménages "rationnels", (aa), "routiniers" (bb) et "préoccupés" (cc).

Nous n'avons pas rencontre un seul cas ou les deux conjoints auraient été "impulsifs", nous verrons d'ailleurs plus loin qu'il est fort improbable que ce type de ménage vienne à l'ACEF.

En ce qui concerne les trois types de ménages "homophiles", il est intéressant de voir que ce ne sont pas les ménages "rationnels" qui se tirent mieux d'affaires mais plutôt les ménages "routiniers".  Ceci peut paraître surprenant a première vue mais cela peut s'expliquer d'une part par les charges familiales moins imposantes de ces derniers et donc par leur revenu "per capita" plus élevé et en même temps par leur désir d'éviter le plus possible d'avoir des difficultés d'ordre financier. D'autre part, les "rationnels" ont à faire face à des charges familiales assez imposantes et ce avec un revenu per capita assez limite. De ce point de vue, ils s'en tirent assez bien surtout si on les compare aux ménages "préoccupes". Les deux derniers types de ménages (ad-da et cd-dc) sont aussi intéressants.  Ils nous permettent en effet de pouvoir apprécier l'effet que peut avoir un conjoint "rationnel" ou "préoccupé" dans un ménage ou l'autre conjoint est "impulsif". On se rend compte que les ménages ou l'un des conjoints est "rationnel" et l'autre "impulsif" s'en tirent beaucoup mieux que les ménages où les conjoints sont respectivement "préoccupes" et "impulsifs" (CD-DC).  Par contre, ces deux derniers types de ménages sont quand même dans une situation financière moins précaire que celle des ménages homophiles "préoccupés",  ce dernier type en effet est décidément celui dont la position financière est la moins brillante. Ceci peut apparaître singulier surtout si l'on considère que les ménages heterophiles "préoccupes" se tirent mieux d'affaire. Mais cette apparente contradiction peut s'expliquer de la façon suivante: les "impulsifs" en effet malgré leur manque de contrôle, savent tout de même garder une certaine mesure, en effet d'une part, ils sont capables d'une grande énergie et d'autre part ils

Utilisent cette énergie pour réaliser leurs propres objectifs.  En ce faisant, parce qu'ils ont certains objectifs à réaliser, ils sont plus en mesure de résister aux versions qui leur viennent de l'extérieur, et ils exercent donc une certaine modération, toute relative il est vrai, sur la situation économique du ménage.  Par contre les "préoccupés" se sentent plutôt dépasses par une situation qu'ils n'arrivent pas  à  maîtriser.  Ils sont amorphes et par conséquent peu en mesure de résister aux sollicitations qui viennent les tenter.  N'ayant pas d'objectif précis, ils sont d'autant plus sensibles à ces sollicitations qui s'adressent à eux,  les ménages où les deux conjoints sont "préoccupés" sont ceux qui se laisseront le plus facilement attrapés si le vendeur est le moindrement habile,  et ce, non pas nécessairement parce qu'ils sont bêtes, nous verrons plus loin pourquoi  à  notre avis.

Enfin,  les chiffres que  nous  venons  de  citer ne  donnent qu'une  faible image du processus de "négociation" qui se produit entre les conjoints. Nous avons pu noter tout au long des interviews que nous avons faites une très stricte division des taches au sein des ménages, assez semblable a celle de Garigue 21  le mari prend les décisions en ce qui concerne son occupation et l'achat d'une auto alors que la femme prend les décisions en ce qui a trait à l'achat de la nourriture, l'achat de meubles et l'utilisation des loisirs.  Dans ces deux derniers cas cependant les décisions peuvent être conjointes en certaines occasions.

L'issue de la négociation entre les conjoints dépend de la position de force qu'occupe chacun d'eux, position d'ailleurs qui est en relation avec le type de personnalité des conjoints. Contrairement a ce qu'on pourrait s'attendre cependant, ce n'est pas dans tous les types de ménages homophiles, que les décisions sont prises le plus souvent de façon conjointe,, dans le cas des ménages homophiles "routiniers" c'est l'épouse qui possède le pouvoir décisionnel alors que dans les ménages homophiles "préoccupes" , la division des taches est très stricte et il y a peu de discussion entre les conjoints, l'homme prend alors les décisions en ce qui a trait à son emploi et a l'auto et tout le reste est à la charge de l'épouse,  dans les ménages homophiles "rationnels" par contre, la discussion entre les époux est plus fréquente et le mari semble y avoir aussi souvent la gouverne des décisions financières que l'épouse.

Si ces ménages en sont arrives à un certain équilibre, c'est cependant dans les ménages hétérophiles que la confrontation est la plus  âpre entre les conjoints. Si les ménages "préoccupes" paraissent s'en mieux tirer que les ménages homophiles préoccupés, cela donne une idée erronée dans une certaine mesure de la situation réelle du ménage.  Le ménage a souvent à souffrir du comportement "impulsif" du mari. Celui-ci en effet ne se gène pas dans certains cas pour imposer certaines restrictions aux autres membres de sa famille. Dans ces cas, le mari a souvent un comportement économique indépendant de celui de sa femme. Ainsi, il peut contracter un emprunt sans que sa femme le sache ou encore garder pour ses dépenses personnelles une partie importante d'un emprunt alors que le plus souvent c'est à la femme de voir à rembourser cet emprunt à même l'argent qu'elle reçoit du mari. Certaines épouses nous ont même déclare qu'elles recevaient à peine la moitié du revenu du mari et qu'elles avaient à voir  à  la quasi-totalité des dépenses du foyer.

Lorsque l'un des conjoints est rationnel cependant, l'issue de la confrontation tourne plus souvent a son avantage. Ainsi, mme J.D, n'a pu vaincre la résistance de son mari qui ne lui donnait qu'un montant fixe de $30.00 par semaine pour s'occuper de tous les soins du ménage, et ce malgré tous ses efforts "rationnels". Elle a réussi par contre, après de multiples engueulades a ce que son mari s'occupe entièrement du loyer et du paiement des dettes sans réduire son allocation cependant.

La façon dont est distribue le revenu a l'intérieur de la famille a des répercussions sur le comportement et sur état d'esprit des conjoints22 . Le fait pour la femme de ne pas connaître le revenu de son mari peut la rendre insécure et surtout lorsque le revenu est peu élevé. Il semble d'autre part que la communication entre les époux en ce qui concerne les décisions économiques augmente avec le revenu, cette communication sera plus grande aussi si la définition des taches n'est pas trop rigide et si la communication avec le "peer group" ou le groupe parental n'est pas trop intense.23 Il n'y a guère que dans le cas des ménages homophiles "rationnels" que ces conditions soient réunies. Les autres types de ménage ont encore du chemin à faire pour en arriver à ce point.

Cette évolution des ménages est d'autant plus difficile à réaliser qu'il existe un ensemble structure de valeurs qui soutend cette ségrégation des rôles et ce manque de communication. Si cet ensemble est plus difficile a isoler, c'est qu'il déborde des cadres du ménage et trouve son origine d'une part, pour la femme, dans le groupe parental et d'autre part pour le mari a intérieur du peergroup. C'est ce que nous allons voir dans la section suivante.

Lorsque cette répartition des taches est bouleversée, soit que la femme travaille et devient plus independante24 ou soit lorsque l'un des conjoints devient incapable de remplir les taches qui lui étaient assignées dans la répartition des roles.25 C'est toute la structure financière du ménage qui est bouleversée et malheureusement pas toujours dans le sens d'une amélioration nette de la situation du ménage. Pans deux des trois cas où les deux conjoints travaillaient, on pouvait noter en effet certaines tensions: il y avait amélioration de la situation du ménage à cause de la volonté de l'épouse de se sortir d'impasse, mais par contre, le mari voulait conserver pour lui une partie plus importante de son salaire et se montrait même prêt à commettre de nouveaux emprunts pour réaliser certains projets.

B.- Le groupe parental et le cercle d'amis

Lors du passage de l'état rural a état urbain. Les ménages ont conservé certains biens sociaux stables quand cela était possible.26

Certains auteurs ont établi que dans certains milieux sociaux déterminés, ces liens sociaux étaient surtout établis avec les membres de la parenté 27. Par contre d'autres études on démontré que ces liens s'établissaient surtout avec des amis et qu'ils pouvaient être permanents ou momentanes.28

Le phénomène que nous avons remarque tient un peu de chacun de ces modes d'adaptation. Ainsi les femmes nous sont apparues comme étant très liées à leur groupe parental alors que les hommes ont plutôt tendance à s'orienter vers un "peer-group" forme surtout d'amis, de compagnons de travail et parfois de parents males choisis.

Il est à noter que les liens parentaux de l'épouse ne sont maintenus qu'avec des personnes choisies de la parente, ce choix étant fait en fonction de la proximité, d'une harmonie de caractère ou encore d'une similitude d'age.29 Il est à noter aussi que la migration géographique peut entraîner un sentiment d'isolement assez prononce pour l'epouse.30 En effet, alors que le mari peut se recréer un groupe d'amis assez rapidement surtout a son ouvrage, la femme elle, se trouve souvent coupée de la source majeure de ses relations sociales à extérieur de la famille nucléaire.

Le système de relations sociales établies avec les parents ou les amis confirme ou du moins accentue la stricte répartition des taches a intérieur du ménage Les individus évaluent en effet le succès de leur comportement en fonction de l'appréciation fournie par les gens dont la sanction est importante a leurs yeux. La femme cherchera cette sanction sociale auprès des autres femmes de son groupe parental alors que l'homme lui aura plutôt tendance a chercher cette sanction auprès de ses relations males.

Dans les cas ou ces deux groupes distincts de relations sociales soutiennent en gros des valeurs identiques, il n'y a pas de problème Chacun des conjoints évaluera son action dans les sphères qui lui sont propres par rapport à son groupe de relations sociales particulier. Le comportement des deux conjoints sera alors d'autant plus en harmonie l'un avec l'autre que cette harmonie existe dans les valeurs de chacun des groupes de relations, c'est le cas des ménages homophiles "routiniers" et "préoccupes", dans ce dernier cas, cependant, les réseaux de relations sociales atteignent un autre but: chacun des conjoints peut en effet sauver la face devant l'échec financier plus ou moins évident car chacun peut se valoriser en considérant qu' il a bien rempli son rôle et ce non par rapport à l'autre conjoint mais par rapport à son groupe parental ou son groupe d'amis.

Ceci empêche donc un affrontement trop direct et trop dévalorisant entre chacun des deux conjoints. En même temps, la répartition des taches au sein du ménage s'en trouve fortement consolidée. On peut d'ailleurs trouver la, une partie ou moins de l'explication de plusieurs comportements apparemment "irrationnels" de l'un ou l'autre des deux conjoints. Ainsi l'un des conjoints se permettra une "folie" pour montrer à soin groupe d'appartenance particulier qu'il remplit bien son rôle de "mère de famille" ou de "père de famille".

Le même phénomène se produit aussi dans les cas ou la femme est "préoccupée" et le mari "impulsif"; le problème qui se pose alors pour épouse c'est que le groupe d'amis par rapport auquel se définit son mari adhère à des valeurs plus fortement divergentes de celles de son groupe parental (grosse auto,jouer aux cartes, aller aux courses). L'épouse n'a guère d'autres recours alors que de se replier vers son groupe parental afin d'y chercher un support émotif indispensable. Elle aura à sacrifier son propre besoin de valorisation ou encore elle se valorisera aux yeux de son groupe parental de façon plus narcissique en expliquant de quelle façon héroïque elle subit les écarts de son mari, si ce type de ménage n'est pas dans une situation financière plus précaire que celle des ménages homophiles "préoccupés", c'est par contre le type de ménage ou les valeurs entre les conjoints sont le plus difficilement irréconciliables et ou le conflit entre les conjoints risque de durer longtemps à l'état latent à cause de la résignation de l'épouse. Tous les cas de ce type de ménage ont d'ailleurs été référés à l'ACEF par un organisme de Bien-Être et c'est la femme le plus souvent qui s'est présentée aux bureaux de l'ACEF.

Dans les ménages par contre ou épouse est "rationnelle" et le mari "impulsif" (ou vice-versa), le conflit est plus brutal et dans quelques cas on parle même de séparation légale (le divorce étant pour les "riches"). Les ménages homophiles "rationnels" présentent un cas particulier. Ils dépendent moins en effet de d'autres personnes de leur parente eu de leur groupe d'amis pour évaluer leur comportement. Les conjoints sont plus en mesure de juger eux-mêmes leur propre situation et ce par rapport à des standards très exigeants par rapport aux autres types de ménages Les efforts de rationalité, nous l'avons déjà souligné, ne portent que peu de fruits lorsque le revenu est insuffisant pour rencontrer les besoins imposés par des charges familiales trop lourdes ou encore lorsque la malchance s'abat sur le ménage. Ce sont cependant les ménages qui peuvent juger leur situation de la façon la plus lucide et ils ressentent cette situation avec beaucoup d'amertume sinon avec un désespoir rageur, à cet égard, le recours au groupe parental ou au groupe d'amis apparaît comme une sorte de mécanisme d'adaptation auquel ont recours les conjoints pour éviter d'affronter de face une situation peu reluisante. Ce mécanisme d'adaptation s'applique même aux "impulsifs". Ils sont plus jeunes, plus instruits et par conséquent plus sensibles aux sollicitations de la société de consommation, les standards matériels par rapport auxquels ils définiront leur valorisation personnelle seront donc plus exigeants, le choix, inconscient probablement, qu'ils font: chercher à se valoriser aux yeux d'un groupe d'amis et aux dépend de leur famille souvent, apparaît comme une tentative des lors de garder leur propre estime.

La séparation des rôles rend donc possible le réconfort des conjoints dans leurs sphères propres et ce même si la situation du ménage est tragique. Ainsi la femme sera toujours définie par les autres épouses comme une bonne mère parce qu'elle s'occupe beaucoup de ses enfants alors que le mari sera défini comme un bon père et un bon époux par les autres males parce qu'il accepte de travailler même si les heures sont longues et le salaire peu élevé, chacun des conjoints voit donc alors ses efforts valorises, même si sur le plan de la situation financière du ménage, la situation est critique. Ce réseau de relations sociales joue donc jusqu'à un certain point un rôle de tampon entre les deux conjoints. Ceux-ci en effet n'ont pas à s'affronter directement l'un l'autre au sujet des problèmes financiers du ménage sauf quand survient une crise importante. L'assentiment implicite de l'autre conjoint est en effet souvent obtenu par l'intermédiaire du réseau de relations sociales, ceci n'est possible qu'en autant que les groupes de relations sociales respectifs adhèrent à des valeurs qui sont en harmonie les unes avec les autres. Le mari entre autre, si les valeurs de son groupe de relations sociales se conforment à celles du groupe parental, rendra sa réaction prévisible et par son épouse et par les autres membres du groupe parental.

Il n'y a en effet que dans le type de ménage homophile "routinier" qu'il existe une communication quelque peu développée entre les autres conjoints. Dans les autres types de ménage, cette communication est réduite au minimum (ménages homophiles "préoccupés" et "routiniers") ou encore ne s'exprime que lorsqu'il y à conflit en matière économique (ménages hétérophiles "préoccupés-impulsifs" et surtout "rationnels-impulsifs"). La division des tâches au sein du ménage semble être en effet le fruit d'un ajustement qui se développe dans les toutes premières années du mariage et qui n'est guère remis en question par la suite. Ceci se produit particulièrement lorsque le mari est préoccupé par la sécurité ou la permanence de son emploi. Il nous à semble en effet qu'une des conditions essentielles pour que le mari prenne une part active dans la prise de décisions conjointes au sein du ménage en ce qui a trait aux matières économiques (comme probablement dans d'autres domaines aussi) était que le mari n'ait pas a se faire du souci au sujet de la sécurité de son emploi, que cet emploi soit permanent (non saisonnier) et que la rémunération soit suffisante pour faire face aux besoins au moins fondamentaux de sa famille. Ces conditions n'assurent pas cependant que tous les maris vont se comporter de façon "rationnelle" mais elles provoquent généralement un changement qualitatif assez remarquable au sein du ménage. Ainsi les maris "impulsifs" qui jouissent de ces conditions continuent à se conduire de façon "impulsive" mais les décisions qu'ils prennent entrent moins en conflit avec les intérêt des autres membres de la famille. Une fois les besoins fondamentaux satisfaits dans une bonne mesure, leur "impulsivité" se manifeste surtout sur l'utilisation du revenu "discrétionnaire ", et cela permet une certaine coordination des intérêt imposes à chacun des conjoints par la répartition des taches, par contre, quand le revenu est plus limite ou quand les charges familiales sont plus imposantes. L'"impulsivité" du mari s'exerce sur une partie du budget qui aurait été nécessaire à la satisfaction des besoins fondamentaux du ménage. La communication entre les conjoints est alors plus difficile. Il y à alors passivité ou indifférence entre les conjoints ou encore conflits entre les deux lorsqu'il y à un événement particulier, mais les conflits ne semblent que très rarement modifier la position de force respective des conjoints, sauf lorsque la crise financière du ménage devient trop profonde et que les conjoints doivent chercher un secours extérieur ou encore se séparer légalement.

C.- Les échanges économiques dans la parenté ou le groupe d'amis.

Il n'y a pas que sur le plan de la personnalité que les relations avec les membres du groupe parental ou du groupe d'amis ait une influence. Ces groupes sont aussi un lien d'échange économique dont on doit tenir compte pour être en mesure de saisir toute l'influence qu'a l'affiliation à de tels réseaux de relations sociales.

La première caractéristiques importante de ces échanges économiques est qu'ils se produisent dans une situation économique dite de "pénurie". Les membres du groupe parental qui sont le plus à l'aise font généralement partie de ce que Tremblay et fortin ont décrit comme étant "l'univers des aspirations". Ils nourrissent des projets précis pour l'avenir, ce qui restreint d'autant plus leur propension à prêter de l'argent aux membres de leur parente et cela d'autant plus qu'ils entrevoient la réalisation de leurs projets dans un avenir prochain.

Ces échanges économiques ont donc surtout lieu entre parents qui s'apparentent aux catégories des "routiniers" et des "préoccupes". Les "rationnels en effet préfèrent rester indépendants alors que les "préoccupés" voient souvent leur comportement condamne moralement par les gens de leur groupe parental et ne peuvent s'attendre à beaucoup d'aide de leur part. Ils doivent se contenter de chercher l'aide dont ils ont besoin auprès de leur groupe d'amis.

Ces échanges économiques ne consistent pas seulement dans des dons ou des prêts monétaires entre parents ou amis. Ils touchent aussi des échanges de biens matériels (vêtements usages,..) Ou encore des services. Parmi ceux-ci le plus important est sans contredit le fait de servir d'endosseur quand un parent ou un ami veut faire un prêt, ce qui peut déterminer dans une certaine mesure la qualité de l'institution financière à laquelle l'emprunteur éventuel aura accès.

Le réseau parental en particulier peut donc servir dans une certaine mesure pour la redistribution des richesses de ceux qui en ont un peu plus (souvent les "routiniers") vers ceux qui en ont moins (souvent les "préoccupes"). Cependant, ces échanges sont soumis à certains impératifs et obéissent à certaines règles. Ces échanges économiques obéissent aux mêmes impératifs que les relations sociales plus larges qui ont lieu au sein de la parente et aussi à certaines règles de réciprocité.

Les échanges économiques au sein de la parente ne sont que très rarement des actes purement gratuits. Ils obéissent en fait à des règles morales. Pour que cette aide soit dispensée, il faut en effet que celui qui la reçoit se conforme dans son comportement aux valeurs et aux normes de celui qui la donne. Lorsqu'un parent accepte d'aider quelqu'un, c'est souvent d'ailleurs l'occasion pour le premier de forcer de dernier à modifier son comportement sous peine que l'aide soit retirée. Par exemple, cette aide sera surtout accordée lorsqu'il s'agit de la santé de la mère ou encore du bien-être des enfants (nourriture, vêtement ...). Elle sera refusée lorsque l'objet paraîtra moins indispensable (vacances, loisirs).

L'autre règle qui régit ces échanges en est une de réciprocité. Cette règle exige que non seulement le montant de l'aide soit remis plus ou moins intégralement mais aussi que le bénéficiaire retourne au donneur un service comparable lorsque la situation se présente.

Ces deux obligations peuvent devenir assez contraignantes et c'est pourquoi, même s'ils y ont recours, plusieurs personnes ont exprimé leur préférence d'avoir recours le moins possible a cette aide. Savoir par exemple si l'individu se conforme ou non aux valeurs du donneur ou encore si le service rendu en retour est équivalent à celui qui est fourni fait l'objet d'une négation implicite entre les partenaires de l'échange et cela ne va pas toujours sans heurts.

Lorsque l'individu n'est pas capable ou encore quand il n'a pas la possibilité de remettre l'équivalent, il se trouve alors en état de dépendance morale vis-a-vis le donneur, ceci explique probablement pourquoi les échanges économiques ont surtout lieu entre parents intimes et en particulier de mere a fille ou entre frères et soeurs. La situation de dépendance est alors plus facile à supporter et on a moins peur de blesser l'amour-propre du donneur à cause de l'intimité des relations entretenues avec ces personnes. Cependant la norme de réciprocité reste encore la plus souvent présente: a plusieurs reprises, des personnes ainsi placées en état de dépendance ont exprime le désir de "remettre un jour..." le prêt ou le service dont ils avaient joui, comme ces échanges ont le plus souvent lieu entre personnes dont les disponibilités financières sont plutôt réduites, ces échanges sont très délicats à contracter, il faut faire attention en effet pour ne pas choquer la personne qu'on sollicite en lui demandant plus qu'elle n'est disposée à donner. Cependant, cette aide, même si elle est plutôt réduite joue souvent un rôle appréciable dans la vie des familles. Nous avons même rencontre des cas où des parents ont emprunté à leur nom pour que l'argent serve ensuite a un des leurs. De façon plus courante cependant, cette aide est surtout importante pour soulager les petites privations qui se produisent au milieu de la semaine ou à " la fin du mois (pour ceux qui sont sur le bien-être social par exemple). L'aide monétaire ainsi obtenue permet de soulager certaines petites privations qui sont très durement ressenties par la famille et lui permet aussi de rester plus indépendante de certains services de dépannage temporaire (St-Vincent-de-Paul) où la demande est toujours délicate à effectuer.

Sur le plan moral, les familles qui peuvent jouir d'un support matériel ou encore simplement d'un support moral (conseils, services...) Font montre d'un meilleur moral et d'un plus grand souci de rester indépendants le plus possible de l'aide matérielle accordée par les différents organismes de bien-être.31 C'est surtout d'ailleurs dans les cas ou la mere de famille en particulier est coupée d'un tel support parental que nous pouvons mieux juger de l'importance de celui-ci. Les ménages qui sont coupés de cet appui font montre d'un pessimisme plus marqué et leur situation financière est beaucoup plus précaire.

D.- Les stratégies de crédit

Le crédit peut être considère comme une denrée au même titre que les biens qu'il sert à procurer. Le prix de cette denrée est représenté par le taux d'intérêt qu'on paie pour en profiter. Le propre de cette denrée cependant n'est pas d'être consommé pour la propre satisfaction qu'elle procure mais plutôt de servir à procurer d'autres biens pour l'obtention desquels l'emprunteur n'a pas les disponibilités liquides nécessaires ou ne veut pas utiliser celles qu'il a à l'origine, le crédit était offert le plus souvent par le vendeur. Ce n'est que plus récemment que l'offre de crédit est devenue distincte de l'opération de vente :

"C'est au début du XXe siècle seulement qu'apparaît le progrès décisif: la séparation entre le vendeur et le prêteur, la naissance d'une fonction économique nouvelle qui suscitera un personnage nouveau: le financier spécialisé dans le financement des ventes À crédit, le "marchand de crédit"32.

L'institution qui offre le crédit constitue donc un nouvel intermédiaire qui joue un rôle important dans la relation d'échange économique entre le vendeur et l'acheteur, ce rôle d'intermédiaire est important car il impose certaines règles supplémentaires à la relation d'achat. En effet le vendeur et l'acheteur doivent tous deux tenir compte des exigences de ceux qui offrent le crédit.

Ce rôle de l'intermédiaire peut cependant se situer à différents moments de la relation d'échange économique que constitue l'achat de biens de consommation. Ainsi pour le chômeur qui contracte un emprunt dans une compagnie de finance pour assurer la subsistance de sa famille, le rôle d'intermédiaire intervient avant l'acte d'achat et avant même la décision d'achat de tel ou tel bien. Par contre pour celui qui décide d'emprunter dans une caisse pour acheter une auto, le rôle de l'intermédiaire intervient entre la décision d'achat et l'acte d'achat. C'est alors l'acheteur qui porte la responsabilité des relations avec l'intermédiaire puisque c'est lui qui doit demander le prêt de son propre chef sans passer par le vendeur. Par contre dans d'autres types d'échange c'est le vendeur qui semble prendre plus souvent l'initiative de la relation. C'est ce qu'on remarque par exemple dans le cas du financement des ventes a tempérament. Il n'y a pas le plus souvent de démarche indépendant? De la part de l'acheteur éventuel pour obtenir le crédit Cette démarche apparaît plutôt comme étant solidaire de l'acte d'achat. Cette façon de proceder a même été institutionnalisée par les compagnies de finance: "usually, therefore, the sales finance company looks on the dealer as its customer more so than the ultimate consumer." 33

Sous bien des aspects aussi, les comptes laisses en souffrance peuvent être considérés comme des actes de crédit puisque souvent ils ont à faire l'objet d'une négociation entre le créancier et le débiteur. Cette négociation est parfois implicite: le débiteur retardera le paiement d'un compte sans consulter le créancier, mais en ce faisant cependant, il doit essayer d'évaluer la réaction du créancier et les conséquences de son geste. Ce type d'acte de crédit intervient après la décision d'achat ou après l'utilisation du service. C'est ce type d'acte de crédit qui se produit fréquemment dans le cas des comptes hôpitaux et de medecins.34 Dans le cas de ce type d'actes de crédit, c'est parfois le collecteur de l'agence de perception qui fait office intermédiaire de crédit puisque c'est souvent avec lui qu'interviennent les ententes de paiements. Il n'y a pas que le crédit obtenu auprès du groupe parental qui soit soumis à des règles morales. Toutes les institutions de crédit sont en effet porteuses de valeurs en fonction desquelles elles définissent les règles de recrutement des individus a qui elles accorderont un crédit Dans cette optique on peut essayer de définir chaque institution de crédit moins cependant a partir d'une étude des caractéristiques intrinsèques de ces institutions (notre étude ne portait pas directement là-dessus) qu'à partir d'une reconstruction basée sur la perception qu'ont les usagers des sources de crédit qu'ils utilisent.

Les usagers sont en général réticents a trop utiliser le crédit offert par le marchand du coin. C'est pour eux une source de crédit assez facile a obtenir quand ils ont une donne réputation auprès du marchand mais s'ils en abusent, ils risquent que ces bonnes relations avec le marchand soient rompues et que cette source de crédit leur soit fermée. Il n'y a en effet que dans certains cas spéciaux que ce type de crédit atteindra de plus gros montants! Le plus souvent quand le mari a un emploi saisonnier.

Les caisses ont la réputation de ne pas être prêteuses et ce surtout auprès des "préoccupés" et des "routiniers". Ce jugement découle en grande partie d'une isolation relative par rapport aux caisses autant que d'une expérience vécue. La vocation prêteuse des caisses est en effet relativement récente et son origine date de l'enquête Tremblay, 35 soit au début des années '60.

Plusieurs des personnes que nous avons interrogées semblaient juger les caisses davantage après l'attitude passée de ces dernières ou le crédit à la consommation était plutôt exceptionnel que d'après leur attitude présente Certains ont déjà été refuses depuis et ce d'autant plus que leur situation financière s'est en général détériorée depuis. D'autre part, les emprunteurs éventuels considérés ici n'ont en général que peu d'économies et ne sont pas connus de la caisse en général

Dans l'ensemble donc, les caisses apparaissent comme plutôt conservatrices. Les gens prêtent aussi aux caisses les mêmes valeurs qui sont mises de l'avant par les organisations paroissiales, soit de toujours agir de façon rationnelle sans faire de folies, d'être sérieux et de voir avant tout au bien-être matériel des membres de la famille. Les gérants ce caisse se défendent généralement contre cette identification avec les organismes paroissiaux ma | s c'est néanmoins la façon dont ils sont perçus par les gens. C'est ce qui fait par exemple que les "impulsifs" hésiteront à aller demander un emprunt a la caisse, car les motifs de leurs emprunts visent souvent plus a satisfaire leur plaisir personnel qu'a profiter à leur famille.

Les banques aussi sont perçues comme étant conservatrices. Cependant leur conservatisme s'appuie moins sur les valeurs morales perçues dans les caisses mais plutôt sur les garanties financières que les gens s'imaginent devoir être présentées par les emprunteurs éventuels Les banques en effet tiendront davantage compte de la régularité de l'emploi et de la réputation de crédit du client entre autres. Les banques chercheront donc a minimiser leurs risques et elles sont perçues comme telles. Ceux qui estiment qu'ils ne répondent pas à ces critères tels qu'ils les perçoivent hésiteront donc à y aller.

Les compagnies de finance et d'acceptance apparaissent comme des sources de crédit plus faciles a obtenir. Elles sont orientées vers la réalisation du plus grand profit possible et elles sont perçues comme étant prêtes à prendre de plus grands risques. Les compagnies de finance et d'acceptance tiendront moins compte aussi du caractère moral de celui qui emprunte et baseront plus leur jugement sur des critères d'efficacité et de rentabilité. Il sera donc possible par exemple pour le mari "impulsif" d'aller y emprunter pour satisfaire aux exigences de sa façon de vivre et ce même si sa famille doit en souffrir. Il risquera moins alors de se faire refuser sans compter que les formalités y sont plus réduites et moins compliquées pour les gens places dans leur situation.

Quant aux cartes de crédit, s'il est assez facile de les obtenir les gens que nous avons interviewes y ont peu recours soit parce qu'ils ont déjà obtenu le crédit nécessaire ailleurs ou soit encore que leur emploi ne suffise pas à satisfaire leurs besoins de crédit Ceux qui les emploient sont en effet limites quant au montant de crédit qu'il est possible d'obtenir grâce à elles.

La perception qu'ont ces gens des critères employés par les institutions de crédit n'est pas nécessairement exacte. Leur perception en est sélective:

Ils évaluent ces sources de crédit en fonction de ce qui est important pour eux et c'est cette perception qui guidera l'orientation de leur comportement.

Nous avons souligne jusqu'ici deux facteurs qui nous semblent importants dans l'utilisation du crédit soit la facilite et le mode d'obtention du crédit et d'autre part le rapport perçu entre les valeurs des usagers et celles des institutions. Ces deux facteurs ne sont pas antinomiques mais se renforcent plutôt mutuellement. Plus le crédit est difficile a obtenir et demande une démarche spéciale, plus les individus qui y recourent sont motivés et préparés par leur système de valeurs a y avoir recours. Par contre, plus le crédit est facile a obtenir et n'exige pas de démarche spécialement ardue, plus les gens qui ne sont pas motives à entreprendre de démarche spéciale y auront recours afin éviter la confrontation, d'ailleurs, d'autre part, le système de valeur des institutions de crédit influence dans une certaine mesure la façon dont ils présentent leur crédit et le point du processus de consommation ou ils décideront d'intervenir.

L'endettement des ménages que nous avons considères résultait d'un recours au crédit encore plus complexe que celui que nous avons décrit Une des caractéristiques importantes de ces ménages est leur recours répété a de multiples sources de crédit Les éventuels usagers du crédit tiennent compte de leurs recours passes au crédit quand ils cherchent à évaluer leur position particulière face aux différentes sources de crédit Les gens sont conscients des dettes qu'ils ont déjà et ils en tiennent compte. Plus ils auront de dettes, plus ils recourront aux sources de crédit les plus faciles à obtenir. Plus ils sont endettes moins ils évaluent leurs chances d'obtenir du crédit auprès des institutions les plus exigeantes d'être donnes. D'autre part, les "préoccupes" et les "impulsifs" en particulier ont tendance à avoir recours aux mêmes sources de crédit: Ils se sentent ainsi plus sécures parce qu'ayant déjà obtenu du crédit a un endroit, ils se sentent plus confiants d'y voir leur requête acceptée et ce d'autant plus qu'ils y sont favorablement connus s'ils ont fait honneur a leurs obligations. Cependant s'ils estiment y être refuses soit parce qu'ils se montrent mauvais payeurs ou soit parce que leurs dettes sont déjà trop élevées à ces endroits, ils se tourneront vers d'autres sources de crédit et ce même s'ils savent que les conditions de crédit y sont moins avantageuses.

C'est ainsi que la tactique des comptes laisses en souffrance n'est généralement employée qu'en dernier ressort. Ce n'est pas que les conditions de crédit y soient trop onéreuses puisque souvent l'intérêt chargé est minime ou déguisé en frais d'administration. Mais cette forme de crédit implique souvent une négociation assez âpre avec le collecteur de l'agence de perception et les sanctions (saisies de mobiliers, saisies de salaires...) Seront appliquées de façon diligente à la moindre faute. 36 plusieurs individus d'ailleurs cherchaient à éviter de telles rencontres soit en faisant répondre qu'elles étaient malades ou absentes, soit en laissant leurs portes closes. Ceux qui concluent les meilleurs arrangements à ce niveau sont ceux qui prennent les devants, (en particulier les "rationnels" et les "routiniers").

D'autre part, la situation financière des ménages comporte un autre aspect, celui de l'accélération du processus d'endettement a mesure que le point de saturation arrive. Les dettes en effet doivent être remboursées et plus les remboursements sont élevés, moins il reste d'argent pour assumer les nécessités premières de l'existence et plus le destin est grand d'avoir recours à d'autres sources de crédit pour les satisfaire37. Si le ménage est incapable alors de rétablir sa situation financière, on atteint immanquablement un point ou les revenus sont insuffisants pour libérer les dettes. Parmi les solutions possibles, les consommateurs peuvent avoir recours à la loi provinciale des dépôts volontaires ou encore a la loi fédérale des faillites (chapitre des faillites personnelles), cette dernière loi cependant, même si elle libère l'individu de toutes ses obligations financières face aux créanciers, ne semble pas utilisée beaucoup par les consommateurs à faibles revenus mais surtout par ceux dont les revenus sont sensiblement plus élevés. Ceci découlerait en bonne partie de l'obligation pour le débiteur de payer une somme de 400 ou 500 dollars à un syndic pour qu'il administre la faillite.38

E.- La rationalité dans le comportement économique

Nous n'employons pas ici le concept de rationalité dans notre interprétation du comportement économique pour porter une appréciation morale sur certains comportements aux dépend de d'autres. Il s'agit plutôt, comme le propose Smeilser39 de considérer cette notion comme un ensemble de valeurs institutionnalisées beaucoup plus que comme un postulat psychologique. La rationalité devient alors un standard de comportement auquel les gens se confirment plus ou moins, il s'agira donc pour nous de déterminer quelles sont les conditions particulières qui ont pu donner naissance à chacun des types de logique que nous avons isolés et de pointer les mécanismes par lesquels les individus s'adaptent à leur situation.

Dans son usage courant comme valeur, la notion de rationalité réfère à un effort de la part des acteurs sociaux pour peser les avantages et les désavantages, pour évaluer l'"utilité" et le "coût" de leurs actions en termes de maximisation de leurs intérêt matériels individuels40. Ce n'est que parce que les institutions dominantes de notre société fonctionnent selon ce principe de maximisation des intérêts particuliers qu'on peut parler de comportements individuels conformes ou non aux valeurs qu'elles véhiculent.

Une distinction populaire pour expliquer les différences de comportements économiques consiste à distinguer les décisions "planifiées" a l'avance, et dont on à soupesé les avantages et les désavantages, des décisions impulsives qui se produisent sous l'impulsion du moment et dont les répercussions sur la situation financière globale des ménages ne sont pas toujours heureuses41. Cette distinction à été élaborée en un concept plus sophistiqué connu sous le nom de "gratification non-differée"42 ou impulsivité devient surtout caractéristiques du comportement économique des membres de la classe sociale inférieure. A un niveau plus global, certains auteurs ont essaye de démontrer l'existence d'une véritable "culture de la pauvreté", tout à fait en marge de la culture dominante des sociétés occidentales. 43

Le concept de "gratification non-differée" suppose une vision erronée de la personnalité, vision qui fait abstraction du contexte au sein duquel la personnalité est fermee.44 Pour les tenants de ce concept, la personnalité est considérée comme une variable indépendante explicative alors que pour nous, la personnalité est une variable complexe qui n'est explicative qu'en autant qu'elle est même expliquée en premier lieu.

La possibilité d'avoir recours à des sources de crédit qui ne sont pas trop onéreuses dépend en grande partie des opportunités qui sont présentes pour l'individu dans la société ou il vit. Dans les régions rurales sous-développées par exemple, le crédit est parfois offert par des prêteurs privés qui jouissent d'un monopole régional et qui cherchent à maximiser leur rendement. L'intérêt atteint alors des taux exorbitants, allant même jusqu'a 200$ 45. Les mécanismes de concurrence dans nos sociétés industrielles, joints à l'effet des réglementations gouvernementales, ont fait que les taux intérêt sont relativement bas. Cependant, pour diverses raisons, les individus n'ont pas encore un accès égal a ces opportunités de crédit A cet égard, les plus défavorisés évoluent vraiment dans un marche de crédit "captif" 46 ou accès au crédit est limite à cause des restrictions imposées par les institutions sur la diffusion de leur crédit D'autre part, la restriction des opportunités de crédit est aussi une conséquence de la perception sélective qu'ont les individus de ces opportunités et de leur motivation a user des sources les plus avantageuses ou il est plus difficile d'obtenir du crédit

Dans la plupart des cas, la nécessité dans laquelle se trouvent les gens que nous avons étudiés d'obtenir du crédit pour rencontrer leurs obligations47 les contraint souvent à ne pas trop considérer les désavantages financiers de la transaction de crédit pourvu qu'ils aient pu s'assurer d'un montant suffisant de crédit pour se procurer une amélioration relative de leur confort matériel ou encore un soulagement temporaire des versions exercées par les créanciers.

A cet égard, chacun des quatre types de comportement que nous avons décrits traduit un certain état d'équilibre auquel les individus sont parvenus dans leur relation avec les institutions de crédit et traduit aussi la façon dont ils s'adaptent de façon plus générale aux conditions sociales globales qui sont leur lot. Ainsi les "préoccupes" ont peu opportunités de crédit soit parce que plusieurs leur sont inconnues, soit parce qu'ils n'y sont pas reliés ou soit encore parce qu'ils craignent d'y être refusés parce qu'ils jugent les exigences trop sévères. Ils sont confines et se confinent mêmes à un nombre restreint de sources de crédit et les choix qu'ils ont à faire sont simplifies. Même s'ils sont animes des mêmes motivations que le reste de la population, ils ne peuvent mener celle-ci a un point de réalisation comparable a celui atteint par les couches plus favorisées de la population. Ils se renferment alors sur leur entourage social immédiat Au sein de ce groupe restreint, ils recevront appréciation positive d'eux-mêmes qu'ils ne peuvent recevoir ailleurs. Le souci de personnalisation dans échange économique qu'on prête à tort a ces gens ne constitue pas un mode de relation qu'ils cherchent à porter à extérieur dans l'organisation de leurs relations économiques mais ce souci de personnalisation est plutôt la conséquence des efforts qu'ils font pour préserver leur identité au sein d'un groupe restreint.48 Les "routiniers" vivent au sein du même groupe social que les précédents mais eux ont mieux réussi ?, conserver en général un certain équilibre entre leurs revenus et leurs dépenses. Ils sont cependant à la merci des adversités du sort qui risquent à tout moment de rompre équilibre financier précaire auquel ils sont arrives. Ils sont plus confiants en eux et font preuve de plus d'initiative mais les opportunités de crédit les plus avantageuses leur restent fermées. Ils sont très actifs au sein de leur groupe parental ou de leur groupe d'amis mais s'ils hésitent pas à se défendre ou à défendre leurs proches avec acharnement lorsqu'ils sentent le danger, ils sont moins bien équipes pour que leur acharnement produise des résultats plus rentables dans leur relations avec le monde extérieur Ils possèdent en effet peu d'information juste: ils reçoivent l'information par intermédiaire de leur réseau de relations informelles. C'est une information faite de "oui-dire", de récits d'exemples vécus et qui est 1nterpreteeen fonction des préoccupations profondes de ces gens.

Les "impulsifs" reçoivent une sanction négative a la fois du groupe parental et de la société globale traditionnelle. Leur désir de réalisation de soi s'exprimera donc a intérieur d'un cercle d'amis ou les critères d'évaluation de soi différent de ceux des autres groupes. Ils peuvent se permettre un comportement dépensier et peu soucieux équilibre entre revenus et dépenses car en évoluant à intérieur d'un tel cercle d'amis, ils possèdent tout ce qui est nécessaire pour se bâtir à leurs yeux une justification qui fera qu'ils se sentiront moins responsables vis-à-vis leur famille.

Les "rationnels" enfin sont ceux qui peuvent profiter le plus d'un crédit avantageux. Ils sont plus indépendants et savent beaucoup mieux ce qu'ils veulent. Ils sont plus motives aussi pour poursuivre les buts qu'ils se sont fixes, la source de cette motivation leur vient en grande partie du fait, qu'ayant une information plus adéquate, ils se sentent moins perdus dans la jungle des relations économiques qu'ils ont à établir

Mais en plus de cela, parce qu'ils ont déjà connu le succès par le passé soit eux-mêmes ou soit en s'identifiant avec des personnes de leur entourage qui ont réussi dans leurs efforts, ces individus savent que le succès est à portée de leurs efforts et qu'il se concrétisera dans un avenir pas trop lointain.

Chapitre IV : "l'univers des relations ACEF-consommateurs"

Jusqu'a présent nous nous sommes attardés à décrire le comportement économique des individus et ces ménages en faisant abstraction de leur relation avec l'ACEF, le comportement économique et la situation financière dans laquelle se trouvent ces sens sont cependant en étroite relation avec le type de rapport qu'ils vont pouvoir établir avec l'ACEF et les répercussions de ce contact sur leur comportement et leur situation future. C'est ce que nous allons voir ici. Nous allons aborder cette étude en trois points principaux qui sont d'abord la façon dont sont recrutes les clients de l'ACEF, quels services sont rendus à quel type de ménage et finalement quelles sont les modalités de la relation avec les consommateurs et les répercussions de cette relation,

A.- Le recrutement des clients;

Parmi les aspects qu'il faut considérer quand on songe à la façon dont les gens sont entrés en contact avec l'ACEF, il faut tenir compte de qui à référé des gens à l'ACEF, de la motivation première qui à suscité la démarche, lequel des deux conjoints à pris l'initiative, tout cela en rapport avec le type de comportement économique qui caractérise ces ménages D'autre part, toute institution se forme une image du type de client qu'elle reçoit et possède aussi une sorte d'impression générale sur le succès qu'elle remporte en réussissant ou non à améliorer la situation du client. Nous essaierons de caractériser rapidement ce qui nous a semble être l'image que l'organisme a de ses clients et de quelle façon cette image colle a la réalité.

Les sources qui ont renseigne les clients sur l'existence de l'ACEF sont multiples: voici d'ailleurs leur répartition selon le type de comportement:

Sources

TYPE DE MENAGE

D.V.

Agences

Parents amis

Syndicat

Organisation Volontaire

Media

NE SAIT PAS

RATIONNELS (A-A)

-

1

1

1

-

-

-

ROUTINIERS (B-B)#

-

1

2

-

-

1

1

PRÉOCCUPÉS (C-C)

-

-

-

-

-

-

-

AD-DC

-

-

-

1

2

1

1

CD-DC

3

1

-

-

-

-

2

AUTRES

-

1

1

1

 

 

-

Total         

7

4

4

3

2

2

 

# 2 célibataires "routiniers" sont inclus dans cette catégorie.

Ce qui frappe d'abord, c'est que le type de ménage semble être en relation dans une certaine mesure avec la source d'information. Le cas le plus frappant en est celui des ménages "préoccupes" qui ont tous été référés par le dépôt volontaire.  Il est à noter aussi que trois ménages préoccupés-impulsifs (CD-DC) sur six ont été référés par ce même organisme. Les autres types de ménage ont été référés soit par des parents ou des amis, un syndicat, une agence, un autre type d'organisation volontaire (comptoir alimentaire-comite de citoyen) ou encore par les médias (journaux),  on peut donc les regrouper en deux types généraux dont les implications sont différentes.  Il y a d'une part, les ménages qui sont référés par le dépôt volontaire ou une agence de bien-être et d'autre part les ménages qui sont référés par toute autre source, dans ce dernier cas, le type de source mis en cause , suppose qu'au moins un des deux conjoints est assez motive pour prendre l'initiative d'aller à l'ACEF même alors que dans le premier cas, le fait d'avoir été auparavant soit au dépôt volontaire ou dans une autre agence dispense les conjoints de prendre une telle initiative d"eux-mêmes.  En général, si on ne les force pas, du moins les incite-t-on fortement  à  y aller et plusieurs se sentaient presque obliges d'y aller.  Ceci correspond en gros aux caractéristiques que nous avions attribuées à chaque type de ménage,  les "rationnels" et les "routiniers" sont ceux en effet qui sont le plus en mesure de faire preuve d'initiative et d'énergie alors que d'autre part les "impulsifs" ne sont guère préoccupes par leur situation financière et que les "préoccupes" sont plus passifs et plus enclins à obéir à ce qu'on leur demande de faire.  Ces différentes façons d'établir le premier contact ont des répercussions sur l'attitude avec laquelle les gens vont aborder l'ACEF.

Pour les gens de la première catégorie, le recours à l'ACEF n'est qu'une étape dans une suite plus longue de relations avec d'autres organismes de bien-être. On peut d'ailleurs reconstruire le processus comme suit: ils vont voir un prêtre, un travailleur social, un membre de la St-Vincent-de-Paul qui les réfère à une agence de bien-être mieux organisée qui les renvoie après un examen sommaire aux greffes des dépôts volontaires ou en dernier ressort ils sont référés à l'ACEF parce que leur situation financière présente un problème quelconque a éclaircir. Pour ces gens, l'ACEF n'est qu'un organisme comme les autres. Ces gens sont plus rarement capables de dire ce qui différencie l'ACEF des autres organismes. On peut remarquer dans le tableau précédent qu'il y a 4 ménages ou les conjoints ne se rappellent plus qui les a référés à l'ACEF. Certains de ces ménages avaient même oublie qu'ils étaient allés à l'ACEF. Pour presque la majorité de ces ménages, le recours a l'ACEF n'est qu'une étape avant être accepté par le dépôt volontaire. Nous verrons plus loin que cette étape n'est pas inutile, loin de la mais ce qui nous intéresse ici c'est que dans l'esprit de ces gens, l'ACEF est assimilée aux autres organismes de bien-être

Les autres clients cependant sont beaucoup plus conscients du caractère particulier des services rendus par l'ACEF. Même si les gens du premier groupe sont référés à cause d'un problème particulier, leur situation financière générale est précaire et cet état revêt chez eux un caractère plus permanent. Ils vivent ces problèmes financiers depuis de nombreuses années et n'ont jamais vu souvent la possibilité de s'en sortir eux-mêmes La situation précaire des gens du deuxième groupe est cependant moins permanente du moins dans la façon dont ils y réagissent, ils ont été malchanceux ou ont commis une folie momentanée et viennent chercher à l'ACEF un support qui leur permettra de rétablir la situation, lorsqu'on considère lequel ces deux conjoints prend l'initiative de la démarche à l'ACEF, on se rend compte que dans les ménages homophiles "rationnels", "routiniers" et "préoccupes", lorsque ce n'est pas épouse qui fait elle-même la démarche, c'est elle qui le plus souvent exerce des pressions pour que son mari vienne. Dans les ménages hétérophiles, c'est le plus souvent le partenaire "rationnel" ou "routinier" qui prend l'initiative. Dans un seul cas en effet, ce fut le partenaire "impulsif" qui prit l'initiative et ce sur 11 possibilités. Ceci relève du même phénomène en dernier ressort a savoir que nous n'avons pas relevé un seul cas de ménage homophile "impulsif" qui soit venu à l'ACEF, les "impulsifs" en effet ne sont guère enclins à mettre leurs problèmes entre les mains d'étrangers. D'une part en effet, ils acceptent mal que leur comportement leur soit dicte par quelqu'un qui ne partage pas leur philosophie de l'existence et d'autre part, ils préfèrent souvent essayer de trouver des expédients oui leur permettront de se débrouiller sans avoir à demander l'aide de quelqu'un d'extérieur à leur monde, en autant que nous puissions en juger d'après les partenaires impulsifs que nous avons pu étudier, de tels ménages "impulsifs" auraient plutôt tendance à chercher à soulager leurs problèmes financiers soit en les fuyant (en déménageant ou en ignorant les poursuites) soit en essayant de s'assurer d'un revenu supplémentaire légal ou illégal.

La motivation première

Nous avons essayé de reconstituer aussi quelles étaient les motivations qui avaient poussé les différents types de ménage à venir s'adresser à l'ACEF. La situation financière de ces gens est dans plusieurs cas fort compliquée et parfois même presque inextricable et il est par conséquent assez difficile de juger ce qui a motivé exactement ces gens à entreprendre les démarches qu'ils ont faites. On peut difficilement parler cependant de motivation particulière dans le cas de ceux qui ont été référés à l'ACEF par une autre agence ou par le dépôt volontaire, la motivation qui les a poussés à venir à l'ACEF est alors inséparable de la motivation qui les à poussés à aller s'adresser à ces autres organismes. Ces gens viennent à l'ACEF en donne partie parce qu'ils vivent encore dans la crainte de voir leurs meubles ou leurs salaires saisis. Leur situation financière à atteint en effet un point de détérioration assez avancé et même s'ils n'ont pas reçu de menaces formelles, ils réalisent tout de même qu'ils ont atteint un point de rupture et qu'il faut qu'ils agissent parce qu'ils n'ont plus le choix. Les premiers contacts qu'ils ont eu avec des individus ou des agences avant de venir à l'ACEF ont parfois servi d'ailleurs a leur faire réaliser pleinement le point critique qu'ils ont atteint. Dans les cas les moins pressants nous avons même lieu de croire que certains sont venus ?. L'ACEF avec une détermination un peu chancelante et s'ils sont finalement venus, c'est en partie pour rester fidèles a l'image qu'ils avaient présentée aux autres organismes antérieurement. Ils étaient montres désireux de faire un effort pour améliorer leur situation et pour rester fidèles a cette image, ils se devaient d'aller à l'ACEF comme il leur avait été suggéré. Ce n'est pas du cynisme de leur part et pour comprendre pourquoi ils agissaient ainsi il faut avoir présente à l'esprit la tension émotive qui existe chez eux lorsque ces gens doivent se présenter quelque part. Cette première visite à l'ACEF servait d'ailleurs souvent à mettre à jour d'autres problèmes d'ordre légal. L'estime qu'ils ont gardée pour l'ACEF est le plus souvent dans leur cas proportionnelle la plupart du temps aux sommes d'argent que l'ACEF leur à permis de récupérer.

Pour ce qui est des autres ménages qui sont venus eux-mêmes à l'ACEF, ils viennent avec des problèmes plus précis a l'origine comme par exemple quand ils se jugent indûment exploites, quand les créanciers sont trop pressants ou encore plus simplement pour demander conseil soit sur le plan budgétaire ou sur le plan légal S'ils savent mieux ce pourquoi ils viennent, ils sont aussi plus critiques comme nous le verrons pour juger du succès ou de l'opportunité de l'intervention de l'ACEF.

Comme en fait, tout autre organisme le fait pour même, l'ACEF a élabore une certaine conception de ce qu'est son client. Ceci fait partie de sa dynamique interne et est indispensable même pour orienter et soutenir les efforts de ceux qui ont à s'occuper des clients. L'ACEF est un organisme qui se définit à plusieurs niveaux: elle définit son action au niveau de l'aide qu'elle apporte à chaque ménage en particulier mais elle se définit aussi à un niveau plus global comme un organisme de pression qui n'hésite pas à se porter à la défense des consommateurs exploités et qui cherche en même temps a éduquer le consommateur. Cette définition se fait à plusieurs niveaux et ce qui nous intéresse ici c'est de voir les conséquences de cette définition globale sur un niveau plus particulier qui est celui des relations qu'elle a avec des consommateurs individuels.

A ce titre, l'ACEF a élabore une conception du consommateur idéal tel qu'il devrait être ou plutôt tel qu'elle aimerait qu'il soit. Pour le rappeler encore ici, notre étude ne portait pas directement sur cet aspect de la dynamique interne de l'ACEF comme telle et le lecteur comprendra que la partie de l'exposé qui suit est fragmentaire. Le cas idéal pour l'ACEF serait celui d'un ménage ou l 'endettement constitue un problème important que les conjoints sont incapables de résoudre seuls. Idéalement, ce ménage verrait ses problèmes résolus et, ayant le potentiel pour repartir, acquerrait en ce faisant une information suffisante qui lui permettrait éviter à l'avenir le piège de l'endettement et éventuellement les conjoints apprendraient à faire partie d'organisme de promotion des intérêt des consommateurs (comptoir alimentaire...).

Cette description que nous faisons est grossière certes mais il est intéressant de juger à la lumière de celle-ci quelle est l'image que nous avons pu constater dans nos interviews. De façon générale, l'ACEF respecte les consommateurs qui viennent a elle et la plupart des consommateurs qui viennent l'ont ressenti ainsi» cependant les consommateurs eux agissent en fonction de déterminants de leur environnement social dont la relation avec l'ACEF n'est qu'un des éléments. Le moment crucial qui déterminera l'influence que l'ACEF aura est celui de la relation avec le client et c'est cet aspect que nous allons considérer maintenant.

B.- Le processus de la relation ACEF-client:

Trois des services qu'offrent l'ACEF sont en relation directe avec les clients individuels: Ce sont les services de consultation budgétaire, d'aide juridique et éducation Ce dernier service est en relation moins étroite que les deux autres avec le client individuel et son action se fait surtout au niveau de groupes. Cependant nous l'avons considère parce que d'une part quelques-uns des clients que nous avons étudies ont été à un moment ou l'autre en relation avec ce service et d'autre part parce que la fonction éducation n'est pas exclusive a ce service mais est remplie à divers degrés par les autres services.

En autant que nous ayons pu en juger après les interviews et après avoir vérifié dans les dossiers, 20 des 26 cas considérés ont été traités par le service de consultation budgétaire, 9 cas ont été référés au service légal et 5 ont été relies à un moment ou l'autre avec le service d'éducation.49 à leur arrivée aux locaux de l'ACEF, les consommateurs sont d'abord référés aux gens de la consultation budgétaire et le cas échéant seront référés aux autres services.

En ce qui a trait aux relations des clients avec les gens du service de consultation budgétaire, c'est que l'appréciation des consommateurs semble tenir compte autant de la personnalité du conseiller, la façon dont leur cas à été traité que de la qualité intrinsèque du service rendu, alors que par contre, quand ils considèrent le service juridique, leur évaluation tient davantage compte du service professionnel rendu. Ce sont surtout les "préoccupes" en fait qui réagissent ainsi. La cause de cette réaction pourrait peut-être être attribuée au fait que dans l'esprit des gens, le service juridique rendu est clair dans leur esprit puisque c'est un service professionnel qui dépasse leur capacité et qu'ils savent reconnaître; alors que par contre quand ils discutent du budget, ils se sentent touches plus profondément dans leur personnalité parce que cela fait partie des éléments à partir desquels ils évaluent eux-mêmes, cependant la cause peut être cherchée aussi dans l'intensité affective qui caractérise leur démarche, accepter de discuter du budget quand ils viennent à l'ACEF, c'est reconnaître en même temps qu'ils sont endettes, donc qu'ils ont failli à la tache dans une certaine mesure. Cette définition est difficile a porter surtout quand il faut le reconnaître devant un étranger. Cela explique peut-être l'anxiété intérieure dont plusieurs semblent avoir fait preuve: il est important pour ces personnes des lors que le premier contact personnel les mette à l'aise. De plus, ils se trouvent dans une situation qui sort de l'ordinaire et en face de laquelle ils ne savent trop quelle attitude prendre. Les individus (surtout des "préoccupes" ici) doivent donc chercher à surmonter cette tension nerveuse et a trouver un moyen de maîtriser la situation. Certains sont incapables de maîtriser cette tension et éclatent soit en sanglots, soit en colère, d'autres par contre cherchent à maîtriser la situation en cherchant à se montrer sous le jour le plus misérable possible pour attirer sur leur cas la pitié. C'est ainsi que certains auront tendance à exagérer leur cas, ce qui leur permet de sauver la face en cherchant à se montrer moins "coupable" ou responsable de leur situation d'endettement. Nous avons pu vérifier cela dans certains cas ou nous avons pu constater certaines contradictions entre l'interview et le rapport au dossier. Une dame par exemple n'a pas dévoile qu'elle avait à l'époque ou elle était allée à l'ACEF un certain montant d'économies qu'elle ne voulait pas utiliser pour payer ses dettes. Un autre avait déclaré qu'il était séparé de sa femme depuis 6 mois et qu'il vivait seul alors que lors de l'interview, celle qui avait remplacé l'épouse partie nous avait dit qu'elle vivait là depuis le départ de l'épouse, ce qui faisait une différence assez appréciable puisqu'elle travaillait à temps plein. Au point de vue des dettes qu'ils déclarent cependant, les relevés sont assez exacts. De tels écarts cependant restent exceptionnels.

D'autres cependant, qui sont venus expressément pour le service juridique refusent catégoriquement que l'ensemble de leur situation financière globale soit examinée. C'est le cas entre autres de quelques "routiniers" qui ont commis quelques erreurs monumentales, qui viennent pour les réparer et qui sont fort conscients de l'erreur qu'ils ont commise.

Ce sont les mêmes "routiniers" d'ailleurs qui refusent d'assister aux rencontres organisées par le service éducation, ceux qui acceptent les invitations ne s'y rendent pas toujours: certains "préoccupes" acceptent pour ne pas briser l'image de coopération qu'ils ont voulu présenter mais reviennent sur leur parole quand vient le temps de rebâtir un personnage pour affronter une autre situation ou ils craignent d'avoir a subir une nouvelle tension.

Les "rationnels" sont moins dépendants sur les aspects personnalisants du message et ne s'occupent guère que du contenu de la relation. Si l'on considère état général dans lequel se trouvent les individus quand ils viennent à l'ACEF, on remarque que plus leur situation de crise financière est pressante et profonde, plus l'individu acceptera de réorienter son comportement économique vers des directions nouvelles qui lui seront inspirées par l'ACEF. Plus la crise est profonde, plus la personnalité de l'individu est bouleversée et plus il sera prêt à réorienter son comportement. Ceci est vrai cependant en autant que la situation de crise est récente car si elle remonte trop loin, l'individu s'y sera adapté et il sera plus difficile encore de le faire changer.

C.- Les transformations apportées dans le comportement économique.

On peut distinguer deux niveaux quand on essaie évaluer l'influence que l'ACEF peut avoir sur les comportements individuels des consommateurs et l'usage qu'ils font du crédit Le premier niveau plus superficiel mais indispensable néanmoins, est celui de l'information transmise aux consommateurs et la façon dont ils reçoivent cette information et le second niveau est celui des transformations qui sont apportées dans la personnalité des consommateurs.

Toutes les catégories d'individus ne reçoivent pas l'information économique concernant le crédit Les "rationnels" sont ceux qui la reçoivent le mieux parce que d'une part, cela confirme ce qu'ils pensaient ou entrevoyaient déjà et d'autre part, cela réfère chez eux à une expérience vécue. Ces "routiniers" par contre acceptent cette information de façon plus sélective! Ils acceptèrent l'information qui condamne les comportements "impulsifs" mais par contre Ils seront plus réticents à accepter les propositions qui les inciteraient à utiliser le crédit de façon constructive. Une grande partie de leurs efforts sur le plan économique vise avant tout à préserver l'état d'équilibre qu'ils ont atteint

Ou qu'ils cherchent à atteindre. Ce qu'ils veulent, c'est avoir le moins de souci possible et à cet égard, l'usage du crédit leur paraît toujours suspect.

Les "préoccupes" pour leur part sont encore plus sélectifs. Ils sont d'accord avec ce qu'on leur dit en partie parce qu'ils s'identifient avec leurs interlocuteurs mais ils oublient vite le contenu pour ne garder qu'une vague impression de ce qui leur a été appris, ainsi quand nous avons demande à plusieurs o'entre eux si à l'ACEF on leur avait parle de meilleures sources de crédit a utiliser, ils ont été affirmatifs mais ils étaient beaucoup moins surs d'eux cependant quand il s'agissait de donner les raisons pourquoi certaines sources de crédit étaient meilleures.

C'est à ce point cependant que le deuxième niveau d'influence de l'ACEF fait sentir son importance. L'ACEF est toujours présente dans leur esprit et ils jugent leurs actes autant en fonction de cette présence qu'en fonction de l'information qu'ils ont acquise. L'ACEF est restée pour certains de ces gens un "groupe de référence" par rapport auquel ils continuent toujours de se définir On leur a montre leurs erreurs une fois et depuis ce temps ils essaient de les éviter Cette influence est cependant proportionnelle a la qualité de la relation qu'ils ont eue avec l'ACEF, plus cette relation a été longue, plus la présence de l'ACEF se fait sentir.

Au point de vue global, la situation financière des ménages s'est considérablement améliorée: les ménages ont moins de dettes et ils s'efforcent de garder leurs finances dans un état sain. Dans le cas des "préoccupes", cette amélioration est due en grande partie au fait qu'ils sont maintenant sur la loi des dépôts volontaires, cependant, ils ne sont pas devenus "rationnels" pour autant: le revenu du ménage reste bas et les charges familiales restent imposantes mais ils font maintenant plus d'efforts pour s'éviter de nouvelles dettes et ils sont plus conscients des dangers qui les guettent. Par les efforts qu'ils font ils se rapprochent beaucoup plus des lors de la catégorie des "routiniers", ces derniers d'autre part restent toujours conservateurs mais quelques-uns d'entre eux ont pris confiance en eux-mêmes et leur comportement se rapproche beaucoup plus de celui des "rationnels".

Notes

1 On pourra consulter à  ce sujet le livre de Jean Fourastié: "Machinisme et être", Paris ed. de Minuit 1962.
2 Ces chiffres sont tires de: "les assoiffés du crédit", service de recherches, Acef de Montréal, décembre 1969.
3  "Enquête-Participation".  Service de Recherche, ACEF de Montréal, Août 1969, dossier   d'information   no    6.
4 Voir "le Consommateur    endetté"    ACEF de Montréal,  dossier d'information no 3.
5 Morin, André: "Le Crédit à la Consommation", exposé À un congrès d'étude de la fédération   des   caisses   d'économie   du   Québec,   F.C.E.Q, service   de   recherches, miméo, sans date.
6 FOUCHER, J, de: "Le Crédit aux Particuliers et l'Épargne", Colloque du Groupement International pour l'Etude des Problèmes de l'Epargne, Lauzanne, oct.1967.
7 B.F.S. 525: "Income, Assets and Indebtness of Non-Farm Families in Canada", 1963, Ottawa, Imprimeur de la reine 1966.
8 Voir entre autres B.F.S. op. cit. tableau 42, KOLKO, 6.:"Wealth and Power in America" Praeger Publishers, N.Y. 1962 p.105 et DRANCOURT, M. "Une Force Inconnue, le Crédit", paris,
9 Tremblay, M.A. & Fortin. G.: "les comportements Économiques de la famille salariée au Québec" P.U.L. Québec 1962, PP. 180-2.
10 GARAT, Georges: article dans le magasine Perspectives,, Dimanche Matin du 17 aoÛt 1969.
11 cf. "Le Consommateur Endetté" ACEF de Montréal, février 1969, dossier d'information no 3.
12 Glazer, b.c. & Strauss, al. "the discovery or grounded theory: strategies for qualitative research" aldive publishing company, Chicago, 1967.
13 Ibid. P. 55.
14 Gans, H.: "The Urban Villagers", op, ci. p. 28 À 31.
15 Stone. G. ; "City shoppers and Urban Identification; Observation on the Social Psychology of City life" in A.J.S. vol. lx, July 1954.
16 C'est   l'expression   employée   par   GLAZER   et   STRAUSS    (op.ci.p.61-2)   pour  signifier   que   l'addition   de   nouveaux   cas   ne    fournirait   guère    de   nouveaux   éléments, les   cas   amassés   démontrant   une   logique    interne   consistante.
17 Ces moyennes sont calculées à partir des informations contenues dans les dossiers de l'acef.  Nous verrons  plus loin ce qu'il en est aujourd'hui.
17 L'enquête  faite sur  les  dossiers  de  l'acef  (Le  Consommateur Endetté,  op.cl., p.10) établissait que 40.5% des gens venus à l'acef avaient des dettes envers des particuliers (parents, amis...).
18 Ces moyennes ne sont données ici qu'a titre illustratif. Elles sont fortement biaisées du fait que souvent l'autre conjoint appartient à une autre catégorie. Comme revenu et endettement sont des caractéristiques du ménage, l'image que nous donnons ici est forcément incomplète.  Nous verrons au chapitre suivant cependant ce qu'il en est au niveau des ménages.
21 Garigue, p.: "la vie familiale des canadiens-français". P.V.M.-P.V.F. Montréal 1962 p.33.
22 Voir YOUNG, M.: "Distribution of Income Within the Family" in British Journal of Sociology Vol.3, sept.'52.
23 KOMAROUSKY, M, class Differences in Family Decision Making on Expenditures".
24 ALDOUS, J.: "Wives employment and Lower Class Men as Husband Fathers", in Journal of Marriage À Family, August 1969.
25 HECKSCHER, T.: "Household Structure and Achievement..." ibid. Aug. 1967.
26 Voir à ce sujet BELL & BOAT: " Urban Neighbourhoods and Informal Social Relations" A.J.S. Jan.1967 et WINCH À GREER: "Urbanism, Ethnicity and Extended Families" in Journal of the Marriage and Family. Fed. 1968.
27 YOUNG À WILLMOTT:  "Family and Kinship   in East London" Pelican Books,  1962, ch.  4 à  10.
28 Cf. WHYTE: "Street Corner Society", V. of Chicago press 1955 et LIEBOU : "Tally's Corner". Little, Brown & Co, Boston 1967 ch.6. 2$) Garigue, op, w. chap. 4.
29 Garigue, op, w . Chap. 4.
30 DENIS-GRENIER,   H.:  "Les immigrants  de  l'Est ou Québec À Montréal".  Conseil des Deuvres  de Montréal,  août 1969,
31 C'est aussi  la conclusion de bernard, s.e. "fatherless  families: their economic and Social Adjustment".   Papers   in Social Welfare  no 7   "  Brandeis University, The  Florence  Heller Graduate  School for Advanced Studies   in Social Welfare.
32 DURAND, H.: "L'Abondance à crédit". Paris, éd. du Seuil, 1966, p.lio.
33 Ziegel & OLLEY (eds) :"Consumer Credit in Canada" U, of Saskatchewan, Saskatoon, exposé   de   MR.    Carne    h.   Bray,    p.   49.
34 l'introduction de régimes universels d'assurance-santé mériterait de faire l'objet d'une étude dans ses répercussions sur la structure financière des ménages.
35 fédération du Québec, des unions régionales des caisses populaires Desjardins "mémo sur le Crédit a la Consommation", mineo.
36 pour voir comment les percepteurs élaborent une définition bonne ou mauvaise des débiteurs, référer à rock, p.e. .* "observations on debt collection" British journal of Sociology, june 1968.
37 Ce processus d'accélération de l'endettement avant d'atteindre un point d'éclatement à été souligne par dolphin, r. Jr.: "an analysis of economic and personal factors leading to consumer bankruptcy" bureau of business and economic research, michigan university, lansing 1965, p. 71-1.
38 a.c.e.f. : "la loi de la faillite au service de qui?", dossier d'information no 9, Acef, fevrier 1970.
39 Smeilser, N,J.: "the sociology of economic life" prentice hall, englewoods cliffs, 1963, p.34.
40 cf. PARSONS, T.: "Motivations of Economic Activities" in Parsons "Essays in Sociological Theory", Free Press, N.Y. 1964, p.52.
41 Caplovitz, op. w. P. 63 À 71.
42 SCHNEIDER, L. & DORNBUSCH, S.M. : "The Deferred Gratification Pattern: a Preliminary Study" A.S.R. April 1953.
43 Voir définition du concept dans Lewis, O. "five families" basic books, n.y. 1959 p.16, cette conception est importante car elle est à la base des politiques gouvernementales visant à l'élimination de la pauvreté (voir à ce sujet Hyman, H.A. "the value systems of différent social classes..." in bendix & lipset: "class status à power", 1966). Nous croyons cependant que l'emploi d'un tel concept risque de servir de justification idéologique et à donner donne conscience à ceux qui occupent une position plus privilégiée dans la société et aux dirigeants entre autre qui ont à résoudre le problème (voir à ce sujet: Pizarro,N. :"la notion de groupe marginal:idéologie  et réalité"  in socialisme   '69    juillet-aout 1969,)
44 voir la critique de miller, s.m. & riesmen f.:"the working class subculture: A   nucra   view"    in   social    problems.    1961.
45 cf.  Bottomley,  a.:"credit expansion and growth  in underdeveloped rural areas" In"the  indian economic review"    aout 1965,  pp.  125 à  143.
46 Voir à cue suet  Huber, M.J.:"the  poor  in the market place"  in bloomderg  & Schmaudt    (eds)    "power.    Poverty   and   urban   policy"   sage   publications,   beverley Hills, 1968, p. 167.
47 Nous avons vu que la perception que les individus ont de ces obligations est influencée par le type de valeurs qu'ils ont.
48 Dans leur étude, FABERMAN & WEINSTEIN ( "Personalisation in Lower-Class Consumer Interaction" in Social Problems. Spring 1970 ,) ne présentent aucune évidence que ce souci de personnalisation soit caractéristique surtout des gens défavorisés.
49 La somme excède 26 parce que dans plusieurs cas les services ont été cumulatifs,
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