Colloque national sur l'enseignement postsecondaire en langue
française, à l'extérieur du Québec
Ottawa, les 10, 11 et 12 mai 1985
La Fédération des francophones hors Québec a le
plaisir de publier le texte intégral des communications et un
résumé des discussions du colloque national sur
l'enseignement postsecondaire en langue française qui s'est
tenu à l'hôtel Skyline d'Ottawa, les 10, 11 et 12 mai
1985.
Les textes sont présentés, avec des divisions et
sous-titres, afin de faciliter la lecture. Cette harmonisation a
été effectuée par le professeur Clinton Archibald,
de la Faculté d'administration de l'Université d'Ottawa.
La fédération tient d'ailleurs à le remercier
vivement de son travail.
Elle souhaite également que ce document permette des
discussions utiles sur chacun des thèmes du colloque. La
fédération voudrait remercier le Secrétariat
d'État de son aide financière, les nombreux(ses)
présentateurs(trices) qui ont contribué au succès de
cette rencontre et les divers médias qui ont donné à
cet important colloque la place qui lui revenait.
Avant-propos
Présidences des séances de
travail du colloque
Allocution d'ouverture du
vice-président de la Fédération des francophones
hors Québec
Allocution de l'Honorable Walter F.
McLean, Secrétaire d'État
Première séance de travail
(en plénière) : Thème I: l'accessibilité
aux études postsecondaires
L'accessibilité aux études
postsecondaires dans les provinces maritimes
Allocution de madame Jocelyne
Ouellette, déléguée de la Maison du Québec
à Ottawa
Deuxième séance de
travail : Thème II: Pour de meilleures structures
institutionnelles
A: Les structures
universitaires
B: Les structures
collégiales
Déjeûner-causerie : Les
collèges professionnels face à
l'avenir
Troisième séance de travail
(en plénière) : L'éducation permanente : de
nouvelles voies?
Quatrième séance de
travail : thème IV: Pour des programmes de
qualité
A- Les programmes
universitaires
B- Les programmes
collégiaux
L'avenir des minorités
francophones: pour le Canada, un engagement à enrichir; pour
le Québec, une réconciliation
indispensable
Cinquième séance de travail
(en plénière) : Thème V: Pour un financement
optimal
Sixieme séance de travail :
thème VI: La préparation du matériel didactique et
le développement professionnel continu
A- En milieu
universitaire
B- En milieu
collégial
Plénière et conclusion du
colloque
Présentation du prix
painchaud-léger
Résolutions des jeunes
participants (au nom de la Fédération des jeunes
Canadiens-Français)
Participants
Notes
Monsieur Trefflé Lacombe, commissaire Commission de la
Fonction publique Ottawa
Monsieur Philippe Garigue, principal Collège Glendon
Université York, Toronto
Monsieur Florent Bilodeau, directeur général
Collège Mathieu Gravelbourg, Saskatchewan
Madame Jacqueline Neatby Promotion des services en français
sur le plan local et au niveau provincial Ottawa
Madame Paule Macdonald, directrice nationale. Canadian Parents
for French Vancouver
Monsieur John Daniel, recteur Université Laurentienne
Sudbury
Monsieur Clinton Archibald, professeur Faculté
d'administration Université d'Ottawa
Monsieur Alcide Gour, doyen Collège Cambrian Sudbury
Monsieur Roger Doiron
Chers amis,
Je tiens à vous remercier d'avoir accepté avec
empressement l'invitation de participer à ce premier colloque
national sur l'enseignement postsecondaire de langue
française, à l'extérieur du Québec.
Je tiens aussi à remercier tous ceux qui ont travaillé
à réaliser ce colloque: l'honorable Walter McLean et son
équipe au Secrétariat d'État, dont monsieur Hilaire
Lemoyne et madame Claire Paris. Messieurs Michel Bastarache, Lionel
Poirier, Gérard Etienne et la Fédération des Jeunes
Canadiens-Français qui ont formulé des suggestions de
nature à en rehausser le contenu. Bien entendu, un
«merci» bien spécial à mesdames Manon Larocque
Brunet, Céline Gareau, Jacinthe Morin qui se sont
occupées de tous les menus détails organisationnels.
Monsieur René-Marie Paiement, notre directeur des
communications. Madame Johanne Kemp à qui nous avons
confié la tâche de l'organisation de ce colloque et
finalement, notre ami, le professeur Clinton Archibald qui a cru
avec «passion» à ce colloque et qui en a
coordonné les étapes avec un dévouement
exemplaire.
Je n'insisterai pas sur l'importance que les francophones hors
Québec ont historiquement accordé aux questions se
rapportant à l'éducation. D'ailleurs, notre histoire
scolaire est trop complexe pour en faire le point en seulement
quelques pages. Mais je dois tout de même souligner que des
lacunes encore énormes persistent en ce qui a trait à la
prestation de services d'enseignement en langue française aux
niveaux élémentaire et secondaire. En effet, malgré
notre ténacité séculaire, notre système
d'enseignement en français n'est pas, à l'heure actuelle,
établi sur des bases bien fermes.
En ce qui concerne les études universitaires et
collégiales, sujet qui nous intéresse plus
particulièrement cette fin de semaine, nous devons
reconnaître que malgré des progrès réels, les
francophones hors Québec sont, d'une certaine manière,
maintenus à l'écart de cette formation avancée. Si,
dès le niveau secondaire, les jeunes francophones
décident de s'inscrire à un programme postsecondaire, ils
doivent souvent consentir à poursuivre de façon
inconfortable un programme d'études dans une langue autre que
la leur, ou opter pour un programme en français qui ne
correspond pas nécessairement à leurs aspirations
profondes, ou encore au marché du travail.
L'intérêt que porte la fédération et ses
associations provinciales à ce dossier s'inscrit donc dans la
logique des interventions qu'elles ont faites antérieurement
pour accroître les possibilités offertes aux francophones
hors Québec de recevoir l'enseignement dans leur langue.
La tenue de ce colloque s'imposait pour plusieurs raisons mais
principalement pour celles-ci :
- d'abord, nous savons que les études postsecondaires,
qu'elles soient universitaires ou collégiales, demeurent un
élément de promotion individuelle et de
développement collectif pour l'ensemble de la
société;
- ensuite, nous savons aussi que la situation des francophones
hors Québec à l'égard des études
postsecondaires est nettement moins bonne que celle du reste de la
population canadienne. On explique cette faiblesse
générale par différents facteurs tels le manque de
confiance en soi, l'insécurité financière, le
désir de gagner de l'argent, l'absence de modèles
familiaux et le manque d'encouragement de la part du milieu. La
plus ou moins grande proximité des établissements de
formation et le manque de programmes en français sont
également des facteurs importants dans la décision de
poursuivre ou non des études au niveau postsecondaire;
- enfin, cette situation nous apparaît comme étant un
cercle vicieux, avec tout ce que cela implique de conséquences
sérieuses pour l'avenir et la qualité de vie de nos
communautés.
Pour la F.F.H.Q., la question de la disponibilité des cours
et des programmes postsecondaires en français est fondamentale
dans la mesure où le développement d'un tel type
d'enseignement ne peut faire autrement qu'avoir une incidence
considérable sur la prestation de services en langue
française, sur le dynamisme économique des
communautés francophones hors Québec et sur la
création de lieux de travail de langue française.
Il importe donc, cette fin de semaine, de s'interroger sur
l'effet dissuasif que peut avoir l'absence de possibilités
d'étudier en français, dans certaines disciplines
surtout, telles les sciences pures et appliquées, le
génie et les disciplines médicales. En effet, il y a lieu
de croire que l'offre conditionne la demande en terme d'orientation
et de choix académiques. À ce sujet, le groupe de travail
de l'Université d'Ottawa sur les services universitaires en
Ontario a formulé en 1983 l'hypothèse suivante:
«(...) les secteurs, où la fréquence de la
participation des francophones est significativement plus faible
que celle des anglophones, correspondent à ceux où il y a
peu de programmes d'études offerts entièrement ou
partiellement en langue française».1
Les auteurs de ce rapport ajoutent «que l'accroissement des
cours universitaires disponibles en français, en sciences et
en génie, pourrait devenir un facteur-clé pour inciter
les élèves du secondaire à modifier leur
comportement, non seulement à l'égard des sciences et du
génie, mais aussi à l'égard des sciences de la
santé».2
L'histoire des services en français dans les collèges
du nord-est de l'Ontario va dans le même sens. Monsieur Alcide
Gour, doyen à la division des programmes du collège
Cambrian, à Sudbury, déclarait dans une entrevue à
la revue Liaison l'hiver dernier, qu'au niveau des études
postsecondaires, il faut créer le programme et ensuite, ce
programme crée le besoin et les étudiants
s'inscrivent.
C'est à la lumière de ces réalités que des
organismes comme le nôtre et les associations provinciales
s'acharnent à briser ce «fameux» cercle vicieux,
mais nous devons avouer franchement que nous ne pouvons faire tout
ce travail sans la volonté des gouvernements provinciaux, la
participation active du gouvernement fédéral et
l'implication constante de gens comme vous tous, ici présents
ce soir.
Il est clair que ce colloque aura atteint ses buts s'il peut
permettre un engagement plus énergique et formel sur cette
question entre les deux niveaux de gouvernement, parce qu'il faut
le dire, la situation est urgente.
Car voyez-vous, la conservation de l'identité
française au sein d'un Canada et d'une Amérique
majoritairement de langue anglaise ne va pas de soi. Cette
identité ne se conservera qu'à condition que le
débat reste continuellement ouvert, qu'il soit appuyé par
une volonté politique et par la créativité des
francophones hors Québec, de personnes et de groupes sensibles
à leur situation qui s'engagent à en parler au sein de
leur espace institutionnel et géographique.
En terminant, permettez-moi de vous livrer une observation d'un
auteur malheureusement inconnu, en souhaitant que ses propos
guident vos échanges cette fin de semaine: «L'existence
même des droits culturels suppose, d'abord et avant tout, le
droit à l'éducation».
Mesdames, messieurs, je vous remercie de votre attention et vous
souhaite de fructueuses cogitations.
Mesdames et messieurs,
Je tiens d'abord à féliciter la F.F.H.Q. d'avoir pris
l'initiative d'organiser ce colloque. Je sais que, depuis
longtemps, vous vous intéressez aux problèmes auxquels
les francophones font face dans le domaine de l'enseignement. Je
sais aussi que vous collaborez étroitement avec le
Secrétariat d'État. C'est pourquoi j'attache beaucoup
d'importance aux orientations que vous prenez et aux points de vue
que vous exprimez. Et je tiens à vous dire que je suis heureux
de pouvoir m'associer ainsi à votre conférence.
J'aimerais saisir cette occasion pour redire que le gouvernement
fédéral veut continuer à aider les communautés
minoritaires de langue officielle. Il veut, par son appui,
permettre aux langues officielles de s'épanouir. J'aimerais
préciser, en passant, que c'est aussi mon objectif personnel.
Dans le cours de ma carrière professionnelle, j'ai
contribué au développement de plusieurs communautés
culturelles dans différentes parties du monde. Cette
expérience, qui fut pour moi une source d'enrichissement, m'a
aussi convaincu qu'il était de la plus haute importance de
conserver sa langue comme expression de sa culture.
Je partage les préoccupations et les aspirations de vos
communautés et je comprends toute l'importance des
priorités que vous avez établies pour poursuivre votre
route vers l'avenir.
En tant que Secrétaire d'État, c'est moi qui suis
chargé de la défense de vos intérêts au sein du
Cabinet. C'est avec dynamisme et enthousiasme que j'ai
assumé ce rôle et je compte le jouer à plein pour
que le gouvernement puisse répondre à vos aspirations
avec toute la vigueur et la compassion dont je le sais capable. Il
nous faut voir les choses dans cette optique si nous voulons donner
suite à l'engagement du Premier ministre non seulement de
raffermir les communautés de langue officielle mais aussi les
organisations qui les représentent. Il est clair que, depuis
les tout débuts de notre mandat, que le gouvernement a
accordé une très haute priorité aux langues
officielles. Peut-être est-il bon de rappeler ici les termes
du Premier ministre dans le discours du Trône: «Mon
gouvernement s'est engagé à faire respecter
l'égalité des deux langues officielles consacrée
dans les textes législatifs, cette exigence est vitale pour
notre originalité et notre identité nationales. Il
importe donc qu'on la consacre également dans les faits. Mes
ministres reconnaissent la nécessité de réaliser des
progrès constants et de manifester la vigilance requise dans
ce domaine crucial de notre vie nationale.»
Non seulement j'y suis tenu de par mon mandat, mais je puis dire
aussi que je m'y engage personnellement.
Je suis Secrétaire d'État depuis relativement peu de
temps mais je crois avoir déjà donné une nouvelle
dimension au rôle que mon ministère est appelé
à jouer pour contribuer à la promotion sociale de la
société canadienne. J'ai une vision des choses qui est
sans doute différente de celle de mes prédécesseurs.
Je préfère la conciliation à la confrontation. Je
préconise l'autonomie, et non la dépendance absolue.
Je crois savoir que votre organisation, tout comme ses membres
et les associations qui lui sont affiliées, tiennent comme moi
ce principe comme base de notre action. Nous avons eu l'occasion,
ma secrétaire parlementaire, Monique Landry, et moi-même,
de rencontrer beaucoup de vos gens. Nous avons rencontré, en
particulier, tout dernièrement, les membres, très
engagés, de la Fédération des Franco-Colombiens.
Leur vitalité m'a bien impressionné. Ce qui m'a
impressionné le plus chez eux, ce fut leur détermination
à devenir autonomes, à devenir les partenaires à
part entière du développement de leur province.
Je crois qu'il est possible de délibérer sur les
questions qui nous préoccupent, de rechercher ensemble des
solutions aux différents problèmes, sans qu'il y ait
nécessairement confrontation. On n'a, pour s'en convaincre,
qu'à songer au climat de collaboration qui règne
actuellement entre les provinces et le gouvernement
fédéral à l'heure où, par voie de
négociations, nous cherchons à établir un
système d'enseignement postsecondaire qui soit plus viable au
Canada. Vous conviendrez tous avec moi que, à l'heure
actuelle, notre système d'enseignement postsecondaire n'est
pas suffisamment solide et accessible pour répondre aux
besoins particuliers des minorités francophones. C'est
pourtant la condition essentielle au développement de vos
communautés et c'est là l'objet premier de mes
pourparlers avec les provinces.
Les minorités linguistiques doivent continuer de mettre au
défi nos systèmes d'enseignement postsecondaire. Les
anciennes politiques, qui ont suscité auprès des
provinces la confrontation au lieu de la conciliation, ont
été source de malaise. Les gouvernements ne pouvaient,
dans cette atmosphère tendue et malsaine, prendre les
décisions qui s'imposaient pour répondre
véritablement aux besoins des minorités du Canada en fait
d'enseignement.
Les francophones de l'extérieur du Québec, comme vous,
doivent savoir qu'ils peuvent suivre des cours en français et
que les étudiants francophones qui poursuivent les études
dans leur propre langue peuvent compter sur un milieu stable qui
leur permettra de combler leurs aspirations. J'ai amorcé avec
les provinces une série de négociations que je crois
positives et constructives. Votre contribution est indispensable
à l'issue heureuse de ces négociations.
Pour satisfaire vos besoins, il est essentiel, évidemment,
que les universités et les collèges reçoivent des
fonds suffisants. Le gouvernement fédéral en est
conscient. Nous respectons la réalité constitutionnelle
en vertu de laquelle l'éducation relève des provinces au
Canada. C'est dans ce contexte que nous sommes à examiner les
arrangements actuels aux termes desquels nous contribuons, par
l'entremise des provinces, au financement de l'enseignement
post-secondaire.
Il y a presque deux mois maintenant que nous avons publié
le rapport de M. A.L. Johnson, notre conseiller spécial pour
le financement de l'enseignement postsecondaire et de la recherche.
On m'a fait bien des observations sur les diverses questions
soulevées dans le rapport. Je vais d'ailleurs en discuter avec
les ministres provinciaux que je dois rencontrer ce mois-ci.
J'aimerais évidemment connaître, à ce sujet,
l'opinion de la Fédération des francophones hors
Québec, et celle des autres organisations qui sont
représentées ici ce soir. Qu'on ne s'y méprenne pas:
vous constituez, à mes yeux, un groupe important et nombreux;
vos aspirations et vos besoins sont importants. Cela me tient
à coeur et, comme preuve, j'ai prolongé pour deux autres
années - donc jusqu'en mars 1988 - le protocole sur les
langues officielles dans l'enseignement. Sachez aussi que le
Cabinet a approuvé une augmentation budgétaire de 3% pour
ces importantes ententes bilatérales.
La Charte des droits et libertés, enchâssée dans
la Constitution du Canada, est garante des droits linguistiques. Ce
sont ces droits fondamentaux qui s'inscrivent en filigrane dans l'édifice
de la société canadienne. Comme vous le savez, le Cabinet
est en train de réétudier le programme de contestation
judiciaire. Nous avons tous à l'esprit l'engagement du Premier
ministre d'appuyer l'examen des questions d'ordre juridique
auxquelles se heurtent les communautés de langue
officielle.
Comme vous devez certainement le savoir, certains d'entre vous,
le professeur Pierre Foucher, de l'École de droit de
l'Université de Moncton, vient de terminer au cours de son
année sabbatique, l'étude des lois provinciales à la
lumière des droits à l'instruction dans la langue de la
minorité. Il en a conclu que la plupart de ces lois ne
respectaient pas l'article 23 de la Charte. Il a procédé
province par province pour faire son analyse, j'espère donc
que cette étude va permettre aux provinces de concentrer leurs
énergies et d'orienter leur action d'une manière qui ne
leur aurait pas été possible auparavant. Les
résultats de cette étude seront publiés sous
peu.
Qui, en fait, doit veiller à ce que la nouvelle
génération d'étudiants puissent étudier dans un
cadre linguistique qui leur soit propice, qui soit celui qu'ils
espèrent et qu'ils méritent? - Les provinces, cela va de
soi, en raison de notre réalité constitutionnelle. - Les
universités et les collèges, car ce sont ces institutions
qui ont la responsabilité d'établir les buts et les
objectifs de l'enseignement. - Le gouvernement fédéral,
qui reconnaît toute l'importance des objectifs nationaux en
matière d'enseignement postsecondaire. - Et, de façon
fondamentale, les associations comme la vôtre , car ce sont
elles qui connaissent le mieux les besoins et qui peuvent
suggérer des sentiers nouveaux et dynamiques aux gouvernements
et aux maisons d'enseignement.
Je ne puis trop insister sur le rôle de premier plan que
vous devez jouer pour mener à bien cette opération.
Pour mieux défendre vos intérêts, j'ai besoin de
votre participation.
Je crois que nous voulons tous asseoir sur des bases solides
l'égalité linguistique au pays. C'est, du reste, notre
engagement conjoint. C'est par la poursuite de ce même but que
nous continuerons à nous forger une identité nationale
qui nous soit propre. Un sage a dit un jour: «C'est chemin
faisant que l'on s'enrichit; l'arrivée au but ne nous offre
guère plus.». Continuons donc à faire route ensemble
et à tendre vers le même but.
Il va sans dire qu'en offrant à tous les mêmes chances
d'avoir accès aux maisons d'enseignement postsecondaire, ce
sera un premier pas de fait pour assurer un traitement
équitable aux minorités francophones dans la vie
économique et sociale du Canada.
Je tiens ici à mentionner de nouveau un fait que je juge
important. Bien que le gouvernement ait pour principe de rechercher
le consensus et la réconciliation, nous savons fort bien que
certaines questions linguistiques et éducatives de la plus
haute importance ne peuvent être résolues que par la voie
des tribunaux. Pleinement conscient du caractère délicat
de la question, et après avoir longuement consulté les
fonctionnaires compétents, j'ai décidé d'accorder
une aide financière supplémentaire à l'affaire
Marchand. Malgré certaines irrégularités et bien que
ce soit un précédent, je crois que l'affaire est
suffisamment importante pour justifier cet appui
extraordinaire.
J'aimerais formuler le voeu, pour terminer, que cette
conférence ne se limite pas à une simple fin de semaine
de dialogues et de débats intéressants. J'espère
qu'elle déclenchera toute une avalanche de nouvelles
suggestions et de nouvelles recommandations. Et que cette avalanche
amène dans son sillage toute une foule de changements qui
contribueront à établir de nouvelles relations
vigoureuses entre notre gouvernement et les communautés
francophones du Canada.
Je vous souhaite donc à tous une fructueuse conférence
et j'espère bien qu'on me fera connaître vos conclusions
et les nouvelles idées qui en jailliront.
Merci.
Cette première séance de travail visait à
effectuer un survol des problèmes financiers, de ceux
reliés au manque d'intégration des programmes du
secondaire et du postsecondaire et à l'insuffisance des
programmes disponibles en français. Mais surtout à faire
un examen de nouvelles pistes pour pallier ces carences et pour
permettre aux étudiants d'avoir «de plus grandes
possibilités».
Madame Monique Brossard, de l'école secondaire Charlebois
(Ottawa), parle d'abord de la situation actuelle et elle
déplore qu'en Ontario, par exemple, seulement 24% des
étudiants terminant leur dernière année iront en
treizième année terminale. Elle affirme que pour
intéresser les jeunes, il faudra des services d'orientation
améliorés, un meilleur dialogue entre ceux qui
travaillent dans les institutions postsecondaires et les
écoles secondaires, des échanges d'activités mieux
structurés et des bourses d'études plus alléchantes
(car les jeunes de langue française viennent souvent de
Monsieur Bernard Drainville, président de la
Fédération des étudiants de l'Ontario, insiste pour
sa part sur l'importance des frais de scolarité pour les
étudiants issus de familles dont le revenu est plus
élevé. Après avoir fait un survol de la situation
des jeunes Franco-Ontariens, il se dit d'avis qu'une intervention
des autorités fédérales est nécessaire pour
corriger les lacunes actuelles.
Monsieur Raoul Dionne, de la Faculté des arts, de
l'Université de Moncton, dresse plutôt un tableau de la
situation dans les provinces maritimes et admet qu'en ce qui a
trait à l'accès aux études postsecondaires en
français, il existe des variations prononcées à
l'intérieur de ces provinces. Selon lui, le financement des
institutions postsecondaires n'a jamais été
considéré comme une responsabilité entière des
gouvernements et les régimes de bourses sont minables.
L'accessibilité à l'éducation postsecondaire en
Ontario: données générales et situation des
Franco-Ontariens
par Bernard Drainville
Introduction
Ma présentation traitera, dans sa presque totalité, de
la question de l'accessibilité à l'université telle
qu'elle se présente à l'heure actuelle en Ontario. Une
attention toute spéciale sera portée à la condition
de l'enseignement postsecondaire offert à la minorité
franco-ontarienne.
Le débat sur les questions d'accès aux études
postsecondaires a souvent tourné autour des frais de
scolarité, qui en sont le coût le plus direct et le plus
visible. Dans la plupart des pays européens, ces frais ont
été abolis. Il m'apparaît important, à ce
stade-ci, de regrouper tous les aspects de la question de
l'accessibilité (c'est-à-dire frais de scolarité et
régimes d'aide financière) pour démontrer qu'ils
peuvent et doivent faire l'objet d'une politique gouvernementale
visant à rapprocher la distribution socio-économique de
la clientèle universitaire de celle de la population.
1- l'accessibilité en
ontario
Non seulement une telle politique a-t-elle été
recommandée par plusieurs commissions et organismes
consultatifs du gouvernement ontarien, mais elle a été
adoptée dans le passé et nous ne voyons aucune raison de
douter maintenant de son statut prioritaire. En fait, nous croyons
qu'une telle démocratisation du recrutement est
nécessaire à la poursuite de l'excellence, et qu'en
tentant de les dissocier, on remplace l'excellence par
l'élitisme.
Dès 1960, le lieutenant-gouverneur de l'Ontario, J.K.
MacKay, déclarait dans son discours du Trône que:
«...every student of ability and ambition who wishes to
proceed to university will have the opportunity regardless of their
financial means.»
Le gouvernement a pris un rôle actif en cherchant à
assurer l'accès à toute personne qualifiée par
l'expansion de la capacité des institutions et l'aide
financière. C'est ainsi qu'on a vu les inscriptions à
l'université passer de 20000 environ en 1951 à 125000 en
1971. On a souvent tendance à croire qu'il s'agissait là
d'un phénomène purement démographique. Toutefois,
comme l'a noté la Commission sur l'éducation
postsecondaire en Ontario (COPSEO), dans son rapport de 1972 (p.4),
tandis que la population de 18 ans a doublé entre 1951 et
1971, la population universitaire, elle, a augmenté de six
fois!
Cependant, depuis le milieu des années 70, le gouvernement
s'est lancé dans une politique de restrictions
budgétaires, utilisant comme prétexte les changements
démographiques conduisant à une réduction du nombre
des personnes âgées de 18 à 24 ans, qui ont
traditionnellement occupé les places à
l'université.
La demande a continué de croître, due à divers
facteurs sociaux et économiques, dont la participation accrue
des adultes aux études à temps partiel. Un rapport du
Conseil des universités de l'Ontario (1983) concluait
notamment que:
«Labour market trends also point to increased
demand for education in general and for specialized education in
particular... At the same time, improvements in the level of
education of the general population should ultimately lead to more
demand for advanced education. In other words, pure demand will
probably increase. Whether university participation rates decrease
on the available supply of appropriate places, which are in turn
determined by government policies regarding financing and by
institutional capacity to adapt.»
La baisse du taux de participation, si elle avait lieu, serait
le résultat d'un choix politique, et non d'une
réalité démographique. Réduire la capacité
des universités à partir de prédictions sur la
demande, centrée sur les tendances démographiques, c'est
mettre la charrue devant les boeufs (notons en passant que de
telles prédictions se sont avérées fausses à
plusieurs reprises). Il revient plutôt au gouvernement de
créer la demande en assurant que les places appropriées
seront disponibles. Cela, nos dirigeants l'ont reconnu au cours des
années '60. Comment peuvent-ils maintenant le nier?
Notons, de plus, que la décision de poursuivre une
politique d'amélioration de l'accès aux études
postsecondaires avait, à son origine, une dimension
économique: le retard du Canada sur les États-Unis,
conduisant au chômage et à un manque de
productivité, reposait sur un manque de personnel
qualifié. Nous comprenons mal pourquoi l'éducation, qui
est en fait un investissement dans l'avenir, du point de vue de la
société autant que de l'individu, soit maintenant
perçue comme étant une dépense que l'on doit
«couper» de manière à équilibrer le
budget.
Aujourd'hui encore, le Canada et l'Ontario se trouvent à un
point critique. Nous risquons de perdre les gains qui ont
été faits si nous ne sommes pas capables de répondre
aux défis que présente «l'ère de
l'information». Or, ce n'est pas seulement sur le plan
technologique que l'évolution très rapide de notre
société a un impact; nous devons aussi être en
mesure de cerner la problématique d'une telle évolution
en termes humains. Pour ne citer que deux exemples: nous faisons
face au vieillissement de la population et au remplacement du
concept de carrière par l'évolution plus libre d'un
individu qui se réadapte continuellement aux besoins d'une
société changeante.
Les thèmes diffèrent quelque peu, mais en relisant ce
paragraphe du rapport de la Commission sur l'éducation
postsecondaire en Ontario (1972), on se trouve à songer que
plus ça change, plus c'est la même chose:
«We must have a continual broadening of skills and
knowledge to enable us to live in a world where the problem of
providing sufficient goods, the social strains of living closely
together, and the ecological dangers of ruining our environment all
threaten survival itself. When faced with the imperative need of
education for survival, universal access should seem, not a
benevolent dream but a categorical necessity.» (p.33)
Notons que la COPSEO entendait par accessibilité
universelle, «access to any citizen who wishes and is able to
make use of it». Or, s'il se trouve que certains groupes
sociaux sont exclus de l'éducation postsecondaire par des
facteurs autres que la capacité d'en profiter, nous ne pouvons
qu'en déduire que leur talent est gaspillé. Nous posons
alors la question: sommes-nous en mesure de gaspiller ce potentiel?
Allons-nous nous résigner à devenir une mare stagnante de
chômeurs et d'exploités? Ou serons-nous une
société dynamique, à l'avant-garde du progrès,
autant social que technologique?
Nous insistons donc pour souligner l'importance que nous
accordons aux questions d'accessibilité, non seulement pour la
clientèle traditionnelle de 18-24 ans, mais aussi pour les
adultes et plus précisément les étudiant(e)s à
temps partiel qui comptent pour un pourcentage de plus en plus
important de la clientèle étudiante. Or, comme le signale
David Stager dans un document qu'il a préparé pour la
Commission sur l'avenir des universités en Ontario (Commission
Bovey), des études ont démontré que les
étudiant(e)s à temps partiel sont particulièrement
sensibles aux changements des frais de scolarité.
Stager fait allusion à une étude de Bishop et Van Dyk
qui a révélé que les adultes poursuivant des
études à temps partiel étaient beaucoup plus
sensibles aux changements dans les frais de scolarité que ne
l'étaient les plus jeunes étudiants à temps plein.
Notons de plus que la distribution socio-économique des
étudiants à temps partiel est sensiblement plus proche de
celle de la population en général, que n'est la
distribution des étudiants à temps plein.
Ce que d'ailleurs Paul Anisef admet sans détour:
«The sponsorship of part-time education for
mature students could be viewed as a strategy for increasing
lower-socialclass participation. Indeed, our own statistics, like
those of others, indicate that part-time university students have
lower social class background than full-time ones. However, for
such changes to take place, it is necessary to implement changes
that affect the attitudes and motivations of disadvantaged
«target» groups.»
Notons également d'autres faits qui témoignent du
rôle important joué par les frais de scolarité
auprès de tous les étudiants potentiels. La
Fédération des étudiants de l'Ontario, dans son
rapport «Sizing up the Gap» (1980), cite une étude
de l'Institut de recherches de Stanford (Stanford Research
Institute), menée en 1975, et qui révèle qu'avec
chaque baisse de 100$ des frais de scolarité, les
inscriptions montaient de 1% parmi les étudiants dont le
revenu familial était de plus de 12 000$ par année, et de
7% parmi ceux dont le revenu familial était de moins de 6 000$
par année. Là où il y a scepticisme, ce n'est pas
pour dire que le niveau des frais n'a aucune importance, mais
seulement qu'il ne joue pas un rôle primordial. Ainsi, Anisef
écrit:
«Whether or not tuition fees are a large percentage of the
total cost for students, tuition does affect the ability of the
students to participate in post-secondary education. And as we
suggested previously, the visibility and prominence of tuition fees
interact with social, cultural and regional factors and importantly
influence the perceived ability of adolescents to finance their
future postsecondary studies.»
Les frais de scolarité sont et doivent demeurer un aspect
de la politique sociale. Ils doivent être fixés par le
gouvernement, quitte à laisser une certaine marge de
liberté aux institutions, comme c'est le cas
présentement. En accordant toute liberté aux
universités pour la détermination de leurs frais, on
encourage l'émergence d'un système à deux niveaux,
comme il en existe présentement aux États-Unis.
On n'a pas traité sérieusement non plus l'autre volet
de la politique d'accessibilité, soit l'aide financière.
En effet, on se pose bien souvent aucune question à cet
égard. On se contente d'assurer le lecteur que toute hausse
des frais de scolarité sera compensée par une
augmentation de l'aide financière. Pourtant, les gestes du
gouvernement de l'Ontario, au cours des récentes années,
n'inspirent pas la confiance dans ce domaine.
Dans les dépenses globales du régime d'aide
financière aux étudiants de l'Ontario, le pourcentage de
l'aide accordée sous forme de bourses a chuté sans
arrêt au cours des cinq dernières années, tombant de
46% en 1979-80 à 33% en 1982-83 (et les données
préliminaires pour 1983-84 laissent entrevoir qu'il se chiffre
pour cette période à 31%). Les conséquences de cette
tendance sont claires. Selon un article du Globe and Mail (11
janvier 1984), le pourcentage d'étudiants provenant de
familles à revenus modestes et recevant des bourses est en net
déclin: ces étudiants n'ayant qu'une capacité
d'endettement limitée sont de plus en plus forcés, pour
des raisons pécuniaires, d'abandonner leurs études.
D'ailleurs, l'effet néfaste d'un programme de prêts
sur les étudiants provenant des couches sociales
désavantagées ne reste plus à documenter. Selon
Peter Leslie:
«...any optimism that an all-loan program would
have little adverse effect on accessibility must be doubted. One's
guide on these matters should not be abstract reasoning, but the
abundant sociological evidence which reveals the unwillingness of
young people, particularly from lower income levels, to assume
heavy long-term debt.»
2- l'accessibilité et les franco-ontariens
En 1968, la Commission royale d'enquête sur le bilinguisme
et le biculturalisme en arrivait à la conclusion que les
Canadiens francophones, tout autant que les Canadiens anglophones,
avaient droit à l'enseignement dans leur première langue,
et ce à tous les paliers du système d'éducation.
Depuis lors, les politiques gouvernementales, les études dans
le domaine de l'éducation, et les soumissions faites par des
organismes tels que la Fédération des francophones hors
Québec (F.F.H.Q.) et Direction Jeunesse insistent pour dire
que le maintien de l'identité culturelle d'un groupe social
dépend essentiellement de la conservation de sa langue. Pour
ce qui est des droits linguistiques, on estime dans le fond qu'il
ne s'agit nullement d'un cadeau offert par la majorité à
un groupe minoritaire, mais plutôt d'une reconnaissance du
fait que le Canada est un pays officiellement bilingue, qui accorde
un statut égal aux francophones et aux anglophones.
L'assimilation se produit là où on ne peut ni
travailler ni étudier en utilisant sa langue maternelle. Lors
du recensement du Canada de 1971, on a constaté en effet que
27% des francophones vivant hors Québec n'utilisaient
plus le français comme première langue.
On reconnaît que les écoles assurent la transmission
de la culture, et que la langue est un aspect fondamental de
l'identité culturelle d'un groupe social. À ce propos, la
Fédération des francophones hors Québec, dans son
étude intitulée Deux poids, deux mesures, comparaît
la situation des anglophones habitant le Québec et celle des
francophones vivant dans les neuf autres provinces du Canada. Or,
cette comparaison fait ressortir des inégalités
inquiétantes. Au niveau des écoles primaires et
secondaires, les statistiques démontrent que les
élèves francophones hors Québec sont plus nombreux
que les élèves anglophones du Québec.
C'est toutefois tout le contraire au niveau postsecondaire,
où les étudiants, éduqués partiellement ou
complètement en français, sont quatre fois moins nombreux
que leurs homologues anglophones du Québec qui
poursuivent leurs études en anglais. Au Québec, on compte
six collèges et trois universités unilingues, qui offrent
une gamme complète de programmes. En revanche, l'Ontario n'a
pas de collège communautaire unilingue à l'intention des
étudiants francophones, malgré le fait que la population
francophone de l'Ontario est aussi importante que la population
anglophone du Québec. Il y a bien le collège
universitaire de Hearst où l'enseignement se fait en
français, mais cette institution, étant fort
éloignée des grands centres urbains, a de la
difficulté à recruter des étudiants et par
conséquent, offre un choix limité de programmes.
À l'égard de l'enseignement postsecondaire en Ontario,
on constate certaines améliorations au cours des
dernières années. Cependant, le «fait bilingue»
demeure un sujet de discussion plutôt qu'une
réalité, et le gouvernement de l'Ontario refuse toujours
de proclamer un bilinguisme officiel dans la province. Les
facultés des études professionnelles n'offrent que de
rares programmes en langue française, et la population
franco-ontarienne est mal représentée auprès des
instances chargées de la prise de décisions. Tous ces
facteurs empêchent cette population de sortir de sa situation
marginale.
Quant aux lois de l'Ontario qui reconnaissent le français
comme langue d'enseignement, il est évident que l'accès
à l'instruction assuré par celles-ci ne répond pas
aux besoins de la population franco-ontarienne. Pour la population
ontarienne dans son ensemble, le taux de participation à
l'enseignement postsecondaire est de 8%, mais il n'est que de 4,2%
pour les francophones de la province. Par ailleurs, il est
généralement reconnu que la situation économique et
sociale des individus exerce une influence sur leur participation
éventuelle à l'éducation postsecondaire. Or, on doit
dire que les Franco-Ontariens sont défavorisés à cet
égard. Dans un discours prononcé à une
assemblée de l'Institut d'administration publique du Canada le
16 avril 1984, le ministre des Affaires intergouvernementales,
Thomas Wells, a cité le Premier ministre William Davis:
«Nous devons continuer de faire ce que doit. En Ontario, il
s'agit donc de développer les services en langue
française pour répondre aux besoins réels, et ce de
façon ouverte et directe. Voilà notre politique. Elle n'a
pas de plafond, ni budget fixe, ni délais d'exécution
artificiels. Il n'y a pas de limite imposée par des idées
fixes. Il y a plutôt un engagement profond en vue d'assurer
à la population francophone de la province une
égalité d'opportunité. Cet engagement tient tout
simplement au respect fondamental de la condition
humaine.»
Il serait raisonnable de penser qu'un «engagement profond
en vue d'assurer une égalité d'opportunité»
comprendrait la concrétisation de ce beau principe par
l'application de politiques et programmes spécifiques au
niveau de l'enseignement postsecondaire.
Dans les universités, dans les collèges, et dans
toutes les régions de la province, la disponibilité des
programmes en langue française est inadéquate. Il est
impardonnable de chercher à légitimer la situation
actuelle en disant qu'elle représente un pas en avant par
rapport à la situation d'il y a quinze ans. Nous avons
toujours à réparer une injustice qui remonte aux
époques révolues.
Le Conseil des régents est un organisme qui fait des
recommandations au ministère des Collèges et
Universités à propos des collèges communautaires.
Dans un mémoire intitulé Policy Regarding Education in
the French Language in the CAATs (Politique en matière
d'enseignement en langue française dans des collèges
communautaires), le Conseil a déclaré:
«Le Conseil est toujours d'avis que les
objectifs primordiaux des collèges communautaires
sont:
- de préparer les jeunes pour leur entrée au monde
du travail;
- d'aider les adultes à se perfectionner ou à se
préparer pour un nouvel ou meilleur emploi.»
Si les collèges communautaires vont aider les jeunes à
s'intégrer au monde du travail, ils doivent offrir des
programmes qui permettront à leurs étudiants de le faire.
Selon une étude effectuée par Statistique Canada en 1981,
les programmes des collèges communautaires qui sont les moins
utiles à cet égard sont concentrés dans les domaines
des beaux arts, des arts appliqués, des arts du spectacle, des
services communautaires et des services sociaux. En revanche, les
programmes les plus utiles se retrouvent surtout dans les domaines
de la technologie et du génie, où les programmes en
langue française sont pratiquement inexistants. On peut dire
que dans le fond, le manque de programmes utiles en langue
française fait obstacle à l'avancement éventuel des
jeunes francophones dans le monde du travail, et a pour effet de
les diriger insensiblement vers des emplois moins
rémunérés.
La situation n'est guère plus heureuse dans les
universités. Un étudiant francophone qui habite le nord
de l'Ontario, et qui veut étudier le génie des mines, la
géologie ou un autre sujet quelconque ayant trait au
développement économique de sa région, ne peut pas
le faire en français en Ontario. En général, il
s'agit de quitter sa province et d'aller étudier ailleurs.
Cette situation nuit aux étudiants individuels, et nuit
également au développement économique et social de
la province. Les origines de ce mal remontent à la politique
de sous-financement de l'enseignement que le gouvernement de
l'Ontario a adoptée. Cette politique sape davantage les
programmes en langue française de la province, qui sont
déjà insuffisants. Quant aux énoncés de
politiques qui portent aux nues les mérites du bilinguisme,
ils servent de paravents destinés à cacher le fond du
problème. Dans son rapport de 1983 sur le bilinguisme dans les
universités canadiennes, le Commissaire fédéral des
langues officielles, M. Max Yalden, a déclaré que
malgré une certaine évolution favorable, «II n'est
que trop évident qu'un très grand nombre d'universitaires
ont toujours des oeillères».
Par ailleurs, M. Yalden a tenu à faire le commentaire
suivant sur le thème de la semaine nationale des
universités organisée par l'Association des
universités et collèges du Canada, «Nous pensons
à l'avenir»: «Les universités nous incitent
à leur demander, d'une manière acerbe, si le moindre
semblant de responsabilité envers autrui ne les oblige à
se rappeler l'importance d'un développement des capacités
bilingues chez les jeunes gens de notre pays.»
Conclusion
En ce moment, on ne peut pas dire au juste quel sort attend les
programmes en langue française, mais on peut envisager
facilement le pire des scénarios éventuels. Si les
universités ont à se spécialiser dans des domaines
spécifiques, est-ce qu'on va déclarer, par exemple, que
l'Université d'Ottawa sera dorénavant le centre de
l'enseignement bilingue, et que l'on ne fera plus rien pour
les gens du nord? Une autre éventualité, moins
dramatique mais aussi désagréable, serait le transfert
vers le sud de la plupart des programmes offerts actuellement dans
le nord. Dans ce cas-là, est-ce que l'Université
Laurentienne aura à se contenter d'une poignée de cours
symboliques? Est-ce que le Collège universitaire de Hearst,
jugé trop coûteux, sera éliminé sans égard
pour le rôle de premier plan qu'il joue dans la vie des
habitants du nord? Nous avons un besoin urgent de développer
des programmes d'études technologiques et professionnelles en
français. Est-ce qu'une telle expansion va cadrer avec un plan
d'action qui vise le rétrécissement?
La Fédération des étudiants de l'Ontario/
Fédération canadienne des étudiants(e)s a
souligné à plusieurs reprises que la rationalisation du
système universitaire, telle qu'envisagée par le
gouvernement, ne fera rien pour assurer un système
d'enseignement postsecondaire qui soit de haute qualité et
ouvert à tous. La rationalisation proposée ira à
l'encontre des besoins et attentes de tous les habitants de
l'Ontario, y compris les Franco-Ontariens.
L'idée d'un réseau postsecondaire francophone qui a
été dernièrement proposé par Direction Jeunesse
et repris par d'autres organisations dont la Fédération
des étudiants de l'Ontario (F.E.O.), pourrait constituer une
avenue intéressante à explorer. Ce réseau inclurait
l'Université d'Ottawa, l'Université Laurentienne, le
Collège universitaire de Hearst ainsi que le Collège
Glendon.
La direction de ce réseau serait confiée à un
bureau des gouverneurs, qui se rapporterait directement au
gouvernement, dont le mandat principal serait de consolider les
programmes actuellement offerts en français dans le
système postsecondaire ontarien, mais surtout de veiller au
développement et à l'implantation, à
l'intérieur de l'une ou l'autre de ces institutions, de
programmes en sciences, sciences de la santé
(particulièrement médecine), génie et autres.
Ce réseau auquel pourrait éventuellement se greffer un
certain nombre de collèges communautaires, se verrait
attribuer une enveloppe budgétaire dont le bureau de direction
serait le seul responsable. En permettant une répartition
équitable des ressources disponibles, le réseau
répondrait non seulement aux nécessités actuelles de
rationalisation et d'efficacité, mais pourrait également
déboucher sur la création des programmes dont les
francophones de l'Ontario ont tellement besoin pour pouvoir avoir
leur place dans la société canadienne des années '80
et '90.
Il faudra en attendant offrir aux francophones de l'Ontario, et
plus globalement hors Québec, des bourses substantielles leur
permettant de se rendre au Québec, ou au Nouveau-Brunswick,
où il est actuellement possible d'étudier la
médecine en français.
Le gouvernement fédéral est appelé à jouer
un rôle important dans la mise en place de politiques
favorisant l'accès des francophones à l'éducation
postsecondaire. C'est ici que la mission du gouvernement
fédéral comme promoteur actif de l'égalité des
chances pour les deux peuples fondateurs prend toute son
importance. Le rapport Johnson, remis en février dernier au
Secrétaire d'État, recommandait d'ailleurs au
gouvernement fédéral d'augmenter sa participation
financière à l'éducation postsecondaire
proportionnellement à l'augmentation des argents que les
provinces voudront injecter dans les collèges et
universités. Peut-être pourrait-on ajouter une
suggestion: que certaines conditions soient exigées pour qu'un
pourcentage des argents versés par le fédéral aux
provinces, dans le cadre des arrangements relatifs au financement
de l'enseignement postsecondaire, soit consacré au
développement et à la création de programmes en
français dans les universités et collèges ainsi
qu'à la mise sur pied de programmes visant à encourager
la participation des francophones à l'enseignement
postsecondaire.
De façon à ce que les provinces, comme l'Ontario,
prennent leurs responsabilités, le gouvernement
fédéral doit intervenir et faire preuve de leadership. Ce
faisant, il pourra peut-être, comme l'histoire canadienne l'a
démontré avec le bilinguisme officiel, corriger une
situation qui s'aggrave sans cesse et qui pourrait devenir
irréversible.
par Raoul Dionne
Introduction
Dans les provinces maritimes, l'accès aux études
postsecondaires en français varie beaucoup à
l'intérieur des trois provinces concernées.
1- trois réalités
différentes?...
Au Nouveau-Brunswick, l'accessibilité aux programmes en
français a été fortement améliorée quand
le Premier ministre Louis J. Robichaud a lancé son programme
de chances égales au début des années soixante. Les
collèges universitaires ont été fusionnés lors
de la création de l'Université de Moncton en 1963. Un
réseau de polyvalentes secondaires s'est établi dans
toutes les régions acadiennes, et des collèges
communautaires facilitent l'accès aux métiers et aux
technologies. Mais avec un bassin de population acadienne
réduit et dispersé, il peut arriver que des villes à
majorité anglaise offrent peu de services en français ou
bien que les trois régions acadiennes n'aient pas toutes
l'infrastructure postsecondaire dans leur région respective.
Comme le sud-est a obtenu le centre universitaire le plus complet,
le nord-est a été doté du centre principal pour les
technologies.
Mais le régionalisme acadien provoque beaucoup de
dissensions et paralyse souvent les efforts de rationalisation des
ressources disponibles. Le gouvernement Hatfield a
perfectionné le système postsecondaire francophone sur
les recommandations de la Commission de l'enseignement
supérieur, mais certaines promesses électorales, pour
gagner le vote acadien, nuisent parfois à une saine
planification.
Les deux autres provinces enregistrent des progrès assez
lents et rencontrent de fortes oppositions, surtout quand les
Acadiens réclament un régime en français semblable
à celui du Nouveau-Brunswick. La création d'un centre
communautaire francophone à Charlottetown a soulevé
beaucoup de résistance de la part du groupe écossais qui
jugeait qu'un centre d'étude celtique était aussi
important qu'un centre acadien. Le bilinguisme n'impressionne pas
beaucoup les promoteurs du multiculturalisme.
À l'Ile-du-Prince-Edouard, il y a un district scolaire
francophone dans la région rurale Évangéline, mais
peu d'enseignement en français dans les villes de
Charlottetown et de Summerside. De plus en plus, ces villes
deviennent des foyers actifs d'assimilation. Au niveau
postsecondaire, les programmes en français sont
inexistants.
En Nouvelle-Ecosse, les Acadiens vivent principalement au Cap
Breton, à la Baie Sainte-Marie et dans la région
métropolitaine de Halifax. Les programmes secondaires sont
plutôt bilingues que francophones. L'Université
Sainte-Anne, avec ses 150 à 200 étudiants, offre des
programmes limités dans les humanités, les sciences,
l'éducation et l'administration. Sainte-Anne développe
beaucoup de programmes à caractère communautaire et
cherche à se franciser avec ses programmes d'immersion, mais
le régionalisme de la Nouvelle-Ecosse paralyse aussi les
efforts concertés pour faire bouger les gouvernements qui ne
disent jamais non, mais n'améliorent pas facilement
l'infrastructure acadienne. Dans cette province, beaucoup
d'Acadiens poursuivent leurs études dans des institutions
anglophones.
L'égalité des chances et l'accessibilité aux
études en français est raisonnable au Nouveau-Brunswick,
mais dans les autres provinces, les infrastructures secondaires et
postsecondaires prennent beaucoup de temps à se réaliser.
Comme la programmation et le financement des institutions se font
au niveau provincial, les Acadiens doivent lutter à
l'intérieur de leurs provinces respectives et obtiennent des
résultats en fonction de leur force politique. Les
minorités reçoivent généralement les miettes
après que les centres anglophones ont été bien
équipés.
2- droit, financement, bourses
Chez les Acadiens, l'accès aux études pour les
étudiants admissibles est perçu comme un droit et non un
privilège. Dès le XIXe siècle, les Acadiens ont
essayé de bâtir des institutions d'enseignement
secondaire pour se donner un encadrement social et un leadership.
Avec peu de moyens financiers et beaucoup de
générosité, l'église acadienne a ouvert une
quantité de collèges et de couvents pour l'éducation
de la jeunesse. Mais ce système répondait surtout aux
besoins des classes moyennes et au recrutement des vocations
religieuses. Avec l'explosion démographique et les
revendications plus fortes des années soixante, il fallait
élargir les possibilités et se doter de programmes
beaucoup plus coûteux. Dans ce contexte, l'éducation
postsecondaire est passée sous le contrôle de l'État
qui en assure maintenant le financement.
Traditionnellement, dans les provinces maritimes, le financement
des institutions postsecondaires n'a jamais été
considéré comme une responsabilité entière des
gouvernements. On maintient toujours le principe à l'effet que
l'étudiant et la famille doivent aussi contribuer au
financement des études. Ce principe a du mérite: on veut
éviter une trop grande ingérence politique dans la
gestion des institutions et on veut rendre l'étudiant sensible
aux coûts des études universitaires. Quand un
étudiant paye une partie de ses dépenses universitaires,
il perd beaucoup moins de temps à s'orienter et met plus de
sérieux dans ses études. Cependant, la société
acadienne n'a pas encore atteint un degré de maturité et
de prospérité lui permettant d'assurer trop de frais pour
son éducation. Nos régimes de bourses sont encore
minables, alors que les Acadiens socioéconomiquement faibles
laissent peu d'héritage aux universités pour éponger
des déficits ou pour soutenir des programmes spéciaux.
Dans la mentalité actuelle, on voudrait laisser au
gouvernement la responsabilité entière du financement,
mais avec les compressions budgétaires, il est douteux que le
gouvernement change sa politique. Il faudrait peut-être
introduire plus de «stimulants fiscaux» qui
encourageraient des individus ou des entreprises à contribuer
davantage aux dépenses universitaires.
Après cet examen du droit à l'éducation et de la
responsabilité du financement, il serait bon de discuter des
moyens d'entraide entre les universités francophones. Dès
les débuts de l'Université de Moncton, nous avons compris
qu'il serait impossible d'introduire tous les programmes
nécessaires à la formation des Acadiens. Nous avons
créé de nombreux programmes, mais avec un bassin de
population limité, certaines facultés devenaient trop
coûteuses pour nos ressources. C'est dans cette perspective
que nous avons sollicité l'aide des universités du
Québec et d'Ottawa pour obtenir un certain nombre de places
pour les Acadiens désireux de s'inscrire dans les programmes
médicaux, agricoles, scientifiques ou autres. Au début,
les ententes s'appuyaient sur la bonne foi des secrétaires
généraux et des directeurs de programmes. Nous avions des
problèmes quand les universités d'accueil changeaient
leurs programmes sans nous prévenir ou que nos étudiants
rencontraient des personnes assez inflexibles dans
l'évaluation de leurs dossiers.
D'un autre côté, les universités d'accueil
avaient des problèmes avec certains étudiants qui
abandonnaient leurs études dans des programmes
contingentés et fortement recherchés par des
étudiants du Québec. Heureusement avec l'expérience
et l'organisation d'un comité permanent, la liaison entre les
universités et la sélection des étudiants se sont
grandement améliorées.
Les grandes universités peuvent aussi rendre d'énormes
services et offrir leur expérience quand une petite
université élabore de nouveaux programmes ou a besoin
d'expertise dans l'évaluation des programmes existants; c'est
à ce moment que la solidarité des francophones se fait
sentir et joue son rôle.
Au nom des Acadiens, j'aimerais formellement exprimer nos voeux
de reconnaissance et de remerciement aux universités du
Québec et d'Ottawa pour ces services si
généreusement offerts au développement des cadres de
la société acadienne. Grâce à cette
contribution, nous avons été en mesure de combler des
vides dans plusieurs secteurs. Merci aux nombreuses personnes qui
ont collaboré à l'évolution de nos institutions sans
leur enlever le vent dans les voiles.
Dans les programmes des institutions postsecondaires, la
régionalisation de la population acadienne soulève
beaucoup de problèmes. Il est impossible d'offrir tous les
programmes dans chacune des régions et nous devons essayer de
rationaliser l'utilisation de nos ressources, mais cette politique
provoque beaucoup de frustration et de mécontentement. Si nous
ajoutons à ce problème la situation d'un financement
à 80-85% par le gouvernement provincial, il devient
évident que les pressions politiques peuvent influencer nos
décisions. Pour des politiciens, il faut se faire élire
dans une région acadienne et les décisions rationnelles
ne sont pas toujours les plus populaires. Il faut lutter
continuellement pour éviter l'éparpillement des
ressources et parfois accepter des compromis nuisibles à
l'édification de programmes rentables. Dernièrement, un
programme de foresterie a été accepté dans une
région malgré la nécessité d'améliorer
l'infrastructure de la Faculté des sciences logée à
Moncton. Cette décision des gouverneurs ne respectait pas
beaucoup l'autorité du sénat en matière
académique. Dans notre histoire, le jeu de l'équilibre
est monnaie courante: si nous avons le centre universitaire dans le
sud, il faut créer le collège technologique dans le nord.
Parfois c'est très défendable, à d'autres moments
beaucoup plus dangereux. Dans les trois provinces, les Acadiens
vivent généralement chacun dans leur isolement et il
existe peu de liens entre eux dans les programmes
postsecondaires.
Par ailleurs, les programmes d'aide financière aux
étudiants existent depuis environ 1967. Les trois provinces
offrent sensiblement les mêmes conditions avec quelques
variantes (plus d'emprunt avant la bourse en NouvelleÉcosse et
pénalité aux étudiants de
l'île-duPrince-Edouard qui choisissent à l'extérieur
un programme offert à l'île). Dans la formule actuelle du
Nouveau-Brunswick, l'aide financière commence après
l'épuisement de ses ressources personnelles ou celles de sa
famille. On impose un emprunt de 2400$, suivi d'une bourse de 2200$
et d'un prêt additionnel de 960$ pour les personnes les plus
nécessiteuses. Pour obtenir le plein montant, la famille ne
doit pas réaliser des revenus supérieurs à
30000$.
Cette année, 46% des étudiants de Moncton avaient des
emprunts et des bourses et 51% avaient réclamé le
prêt maximum. Ceci représente un endettement d'environ 4
millions pour les étudiants acadiens. C'est le double des
emprunts dans les institutions anglophones, mais au moins, les
étudiants désireux d'investir dans leur éducation
sont en mesure de poursuivre leurs études. Depuis le
début du programme d'aide financière, le gouvernement
provincial a essayé de limiter la dette totale des
étudiants en absorbant les dettes dépassant 6000$, mais
aujourd'hui il y a fort à craindre que cette politique change
et que les étudiants soient forcés d'absorber une grosse
dette pour leurs études.
L'endettement des étudiants du Centre universitaire de
Moncton en 1984-85 en date du 28 avril 1985
Population totale d'étudiants inscrits durant l'année,
y compris ceux qui ont quitté durant l'année:
Total: 3477
Nouveaux: 984
Nombre total des étudiants qui ont reçu un prêt
d'un gouvernement:
Prêt: 2110 ou 60,7% de la population totale
Nouveaux: 588 ou 59,8%
Nombre total des étudiants qui ont reçu le prêt
maximum de leur province respective (2400$ N.-B., 1860$ QC):
Prêt maximum: 1759 ou 50,6%
Nouveaux: 484 ou 49,2%
Nombre total des étudiants qui ont reçu une bourse
après avoir reçu le prêt maximum de leur province
respective:
Bourse: 1598 ou 46%
Nouveaux: 440 ou 44,7%
Nombre d'étudiants qui ont reçu 2200$ de bourse ou
plus. (Il y en avait 317 du N.-B. avec 2200$, le maximum au N.-B.)
Bourse 2200$+: 491 ou 14,1%
Nouveaux: 149 ou 15,1%
Nombre d'étudiants qui n'ont aucun prêt pour
l'année 1984-85:
Sans prêt: 1367 ou 39,3%
Nouveaux: 396 ou 40,2%
Comme les pourcentages l'indiquent, il y a très peu de
différence entre l'endettement des nouveaux par rapport à
la population totale pour 1984-85. Un total de 4877539$ en
prêts a été consenti à 2110 étudiants du
Centre universitaire de Moncton en 1984-85. Cela fait une
moyenne de 2312$ par étudiant avec prêt. Un total
de 2678190$ en bourses a été divisé entre 1598
étudiants pour une moyenne de 1676$ par étudiant.
Les administrateurs des programmes d'aide financière aux
étudiants sont assez satisfaits du présent régime,
mais les étudiants en contestent plusieurs aspects. Ils
voudraient obtenir la bourse avant le prêt et ne pas être
obligés de déduire les revenus de leur emploi
d'été dans les calculs. Quand l'université offre une
bourse de mérite à un étudiant, la formule actuelle
déduit le montant dépassant 600$ sur la partie bourse de
la province au lieu de faire la déduction sur l'emprunt. Cette
pratique n'aide pas beaucoup les efforts des universités dans
la création de fonds de bourses destinés à
l'allégement des dettes des étudiants.
Les étudiants de 18 à 24 ans n'aiment pas beaucoup
l'idée d'être déclarés dépendants de leur
famille après la première année universitaire. De
leur côté, les familles ne sont pas toujours prêtes
à maintenir ce lien de dépendance pendant de longues
années; parfois, certains parents font du chantage à
leurs enfants quand vient le moment de signer les formules de
prêts-bourses. La solution de déclarer les étudiants
indépendants de leurs familles est jugée trop
coûteuse par les gouvernements provinciaux qui insistent sur
le fait que les parents ont une responsabilité dans
l'éducation de leur progéniture et que le programme
d'aide financière aux étudiants doit s'appuyer sur les
besoins des plus déshérités. Le débat est
ouvert depuis de nombreuses années et l'on ne semble pas
trouver de solution acceptable pour les étudiants.
On discute aussi l'hypothèse de transformer les
modalités de financement des universités en
établissant les vrais coûts, mais les universités ne
recevraient plus l'octroi pondéré sur le nombre
d'étudiants en fonction des coûts des programmes choisis.
Les administrateurs des universités sont
généralement opposés à cette méthode de
financement, parce qu'ils trouvent impossible le calcul des frais
indirects et considèrent qu'ils ont déjà assez de
mal à boucler les budgets. Beaucoup de services et
d'équipements sont nécessaires à la qualité
d'un programme, mais ils sont souvent sous-utilisés et cette
méthode de financement provoquerait encore plus de
déficit. Les universités seront toujours, à mon
point de vue, des éléphants blancs et des paniers sans
fonds parce qu'avec la recherche et la variété des
possibilités, les universités peuvent facilement
dépenser toutes les sommes qu'elles reçoivent et avoir
toujours soif. En éducation, il faut croire à
l'investissement dans l'avenir et éviter la trop grande
rentabilité des universités qui se fera
généralement au détriment de la qualité des
programmes.
Le programme d'aide financière aux étudiants n'est
probablement pas idéal sur toute la ligne mais il a grandement
favorisé la scolarisation des Acadiens. L'endettement de nos
étudiants est plus grand que celui de la population
anglophone, mais au moins la prochaine génération sera
mieux équipée pour faire face au défi des
années quatre-vingt. Malgré le chômage
élevé des régions atlantiques, les éduqués
ont quand même une meilleure chance de réussite et seront
probablement mieux préparés pour créer de nouveaux
emplois.
Conclusion
Nous devons déplorer le fait qu'environ 600 Acadiens soient
inscrits dans des institutions anglophones pour différentes
raisons (plus grande proximité de l'institution, programme non
offert à Moncton ou détenteurs d'une bourse
généreuse d'une université anglophone). Nous
essayons d'obtenir une meilleure participation aux études
postsecondaires dans les institutions acadiennes, mais le
bilinguisme des étudiants acadiens leur donne beaucoup
de mobilité, ce qui nous rend inquiets face à
l'avenir.
Le programme de chances égales et d'accessibilité aux
études postscondaires francophones est une réalité
au NouveauBrunswick, malgré la nécessité des
déplacements. Avec notre petite population, il est impossible,
pour l'instant, de faire mieux. Les Acadiens des autres provinces
maritimes sont beaucoup moins favorisés et leur pouvoir de
pression politique pour corriger la situation n'est pas assez fort.
Il faudra probablement revitaliser nos efforts d'entraide outre
frontière pour améliorer cette situation.
Résumé de la discussion
Selon certains participants, le «phénomène»
des classes d'immersion pourrait servir les communautés
francophones hors Québec. Les élèves inscrits à
de tels programmes augmenteront la clientèle universitaire de
langue française - et même collégiale - permettant
ainsi, à moyen terme, des demandes accrues pour de nouveaux
programmes. D'autres estiment toutefois qu'il faut être
prudent et que les diplômés des programmes d'immersion
pourraient constituer des «agents d'assimilation».
On estime également qu'il sera nécessaire, pour les
francophones hors Québec, d'explorer de nouvelles avenues en
matière d'éducation postsecondaire afin de permettre
à ces derniers un meilleur accès et une plus grande gamme
de programmes en français. On mentionne, à titre
d'exemple, l'enseignement à distance. La
Télé-Université, rattachée à
l'Université du Québec et formant un consortium de
quatorze universités et collèges, a déjà fourni
un bon exemple du succès que peut connaître ce type
d'enseignement.
Enfin, on note que l'accès des femmes à
l'éducation postsecondaire -notamment des femmes chefs de
famille - est une question qui devrait mériter une attention
particulière. On souhaiterait qu'on aborde davantage cette
question de l'accès et que de nouveaux mécanismes soient
trouvés afin d'améliorer la situation.
Merci, monsieur le vice-président. Bonsoir monsieur le
ministre McLean. Madame la secrétaire parlementaire. Monsieur
le président.
Francophones et francophiles tous ici présents ce soir.
Permettez-moi tout d'abord de vous remercier de l'occasion que
vous m'offrez de partager avec vous quelques réflexions sur
l'avenir de l'enseignement postsecondaire en français ou plus
simplement du fait français. Il me fait plaisir d'ailleurs de
participer à ce colloque, et d'y représenter le
gouvernement du Québec, accompagnée de Claude Mallette et
de Jacqueline Bourque de la Direction de la francophonie et de la
coopération du Secrétariat aux affaires
intergouvernementales canadiennes, de Nicole Brodeur et Jean-Marc
Robichaud du ministère de l'Enseignement supérieur,
Science et Technologie ainsi que de Marcel Socqué de la Maison
du Québec à Ottawa.
L'avenir de l'enseignement postsecondaire en français ne
peut être, à mes yeux, qu'inévitablement fonction de
la force du fait français à travers le Canada.
Si vous me le permettez, je vous entretiendrai donc, pendant
quelques instants, des efforts déployés et de ceux à
venir du gouvernement du Québec pour que déborde et
rayonne au-delà de ses frontières, sous toutes ses
facettes, le fait français. J'aimerais toutefois, auparavant,
rappeler quelques faits qui ont marqué l'évolution du
Québec et qui n'ont pas manqué de se répercuter sur
l'ensemble de la francophonie canadienne. L'îlot que
représentait le Québec dans la mer nord-américaine
s'était, jusqu'à la fin des années '50, fort bien
protégé de la menace assimilatrice que constituait son
environnement naturel. Les remparts que la société, non
seulement franco-québécoise mais
canadienne-française tout entière avaient
érigés, allaient au début des années '60,
l'espace d'une génération, s'effondrer.
En effet, la mise au rancart des valeurs traditionnelles
associées à l'émergence et bientôt la
prolifération des valeurs à prédominance
américaine, allaient bouleverser l'environnement
sociolinguistique du Québec. Les moyens de communication qui,
quelques décennies plus tôt, relevaient de la fiction,
allaient exercer une pression endogène à laquelle les
francoquébécois, pour survivre à titre d'entité
linguistique, se devaient de réagir.
Je ne reprendrai pas ici les tiraillements, voire les
déchirements qu'ont suscités les lois 63 en 1969 et 22 en
1974. Je m'arrêterai cependant à l'affirmation claire du
caractère francophone de la société
québécoise qu'a confirmé la Charte de la langue
française. La majorité francophone se dotait enfin de
moyens qui lui permettaient de façonner la structure
linguistique de son milieu de travail, de modifier son
environnement visuel et de s'affirmer comme communauté
linguistique et économique. Il est vrai que, suite à des
jugements des tribunaux, certaines parties de cette
législation ont dû être retranchées. Qu'à
cela ne tienne, la communauté anglophone savait maintenant
à quelle enseigne linguistique se logeait le Québec.
Comme le disait récemment Jean-Denis Gendron qui
présida les séances de la commission d'enquête
Gendron de 1968 à 1972 sur la situation de la langue
française et sur les droits linguistiques au Québec:
« Les Franco-Québécois sont en voie de passer du
culpabilisme inhibant des cent dernières années à un
autonomisme de plus en plus constructeur. »
C'est dans la lancée de ce mouvement affirmatif que nous
nous joignons à vous pour tenter d'amarrer le plus solidement
possible la fierté française au Canada. Notre aide et
coopération bien modestes jusqu'à aujourd'hui ont
été dirigées vers de nombreux organismes qui, je
crois, ont tous ici des représentants ce soir, de la
Fédération des francophones de Terre-Neuve à celle
des Franco-Colombiens en passant par la Fédération des
francophones hors Québec.
Ces programmes d'aide incluent entre autres, diverses ententes
afférentes à l'enseignement postsecondaire. À titre
d'exemple, une entente existe depuis plusieurs années
favorisant l'accès des francophones du Nouveau-Brunswick aux
programmes de santé contingentés des universités
québécoises, telle la médecine générale,
la médecine dentaire, la pharmacologie et
l'ergothérapie.
Une entente semblable est sur le point d'être signée
avec le gouvernement de la Nouvelle-Écosse.
Le Québec offre aussi des bourses de 2e et 3e cycle pour
des étudiants acadiens qui souhaiteraient poursuivre leurs
études au Québec.
L'Université Ste-Anne, sise en NouvelleÉcosse, profite
aussi d'un appui financier québécois visant à
inciter ses finissants de 1er cycle à s'inscrire dans une des
constituantes de l'Université du Québec.
Enfin, encore plus récemment, un projet pilote a
été mis sur pied entre l'Université de Moncton et la
Télé-Université québécoise permettant de
dispenser sur le territoire du Nouveau-Brunswick un des programmes
élaborés par Télé-Université.
Même si le gouvernement du Québec accueille
favorablement les revendications des minorités francophones,
même si très majoritairement la population du Québec
a exprimé le désir de voir s'accroître l'aide et la
coopération avec la francophonie canadienne: votre
présent et votre avenir dépendent d'abord de vous.
Je souhaite que ce colloque soit l'occasion pour les
communautés francophones hors Québec d'imaginer des liens
nouveaux, d'innover en adoptant des solutions audacieuses et
d'envisager des éléments de réponses concrets et
réels, adaptés aux exigences fondamentales du fait
français au Canada.
Nous avons indéniablement ceci en commun, gens du
Canada-Français, de l'Acadie et du Québec, héritiers
d'une tradition de tolérance et de générosité:
nous sommes des minorités au Canada et en Amérique du
Nord.
D'autre part, le gouvernement du Québec a posé au
cours de la dernière décennie plusieurs gestes pour
donner des assises internationales à sa réalité
linguistique. C'est ainsi qu'en raison des diverses
législations, des instruments et des travaux
réalisés au cours des ans dans ce domaine, le Québec
est bien placé pour dialoguer à ce sujet avec des
partenaires à travers le monde. L'Office de la langue
française et le Conseil de la langue française en
particulier ont établi des liens fructueux avec leurs
vis-à-vis, dans des régions comme l'Afrique francophone,
le Maghreb et l'Amérique latine.
En ce qui concerne la situation internationale du français
et l'accès au développement scientifique, technique,
économique et culturel par le truchement de la langue
française, la coopération prend des formes diverses. Elle
peut viser la linguistique elle-même; par exemple, au sein du
Conseil international de recherche et d'étude linguistique
fondamentale et appliquée (CIRELFA) ou par voie de travaux
réalisés avec le Conseil international de la langue
française (CILF) ou dans d'autres secteurs.
Un autre type de coopération avec divers pays touche
l'enseignement de la langue française ainsi que la formation
des maîtres.
Le sujet qui est au centre des préoccupations de ce
colloque, l'enseignement postsecondaire compte aussi au nombre des
initiatives québécoises.
C'est ainsi qu'une région du globe qui représente
à court et à moyen terme un intérêt particulier
dans le domaine des études postsecondaires pour le
gouvernement du Québec est l'Amérique latine: le Mexique
semble devenir à cet égard un interlocuteur de premier
plan. Il peut en aller de même pour le Venezuela. Cela
pourrait être vrai également pour d'autres pays
d'Amérique latine avec lesquels des contacts ont pu être
établis au cours des derniers mois, par le biais
d'organisations non-gouvernementales comme l'Organisation
universitaire interaméricaine (OUI). Le ministère de
l'Éducation et le ministère des Relations internationales
ont aussi joué un rôle instrumental dans
l'établissement de communications nouvelles entre l'Union des
universités d'Amérique latine (UDUAL), dont le siège
social se trouve à Mexico, et certaines universités
québécoises.
Outre les relations avec les organismes internationaux, deux
programmes importants du ministère de l'Éducation du
Québec ont un impact certain sur la coopération avec les
pays en voie de développement.
Le programme de «bourses d'excellence» permet chaque
année à plus de 80 étudiants d'une trentaine de pays
de poursuivre au Québec des études de 2e et de 3e
cycle.
De leur côté, nos étudiants peuvent
bénéficier de bourses importantes offertes
spécifiquement aux étudiants québécois par les
gouvernements de Chine, d'Algérie et du Mexique, pour
des études supérieures spécialisées dans ces
pays.
En matière de formation des enseignants, la France a
constitué un partenaire privilégié dans la
réalisation d'activités internationales destinées
à parfaire la formation des universitaires et des enseignants.
Sur le plan universitaire, le programme de projets
intégrés a permis, depuis 1972, l'accès aux
ressources universitaires de l'autre partie à environ 2000
universitaires québécois et français.
Bien qu'elle n'ait pas connu la même ampleur que la
coopération francoquébécoise, la coopération
belgo-québécoise a aussi permis de nombreux échanges
d'universitaires.
Je crois que ce qui précède suffit à
démontrer qu'en élargissant ses rapports avec le monde
francophone, le Québec s'est inscrit dans le réseau de la
francophonie internationale. Ce faisant, il est en position pour
intervenir dans le développement de ce réseau et profiter
des avantages culturels et économiques qui en
découlent.
Le gouvernement du Québec se tourne maintenant vers les
francophones du Canada pour réévaluer l'ensemble des
échanges qui ont jusqu'à aujourd'hui défini sa
relation avec eux.
À cet effet, le ministre délégué aux
Affaires intergouvernementales canadiennes, monsieur Pierre-Marc
Johnson, entend faire part, sous peu, à la communauté
francophone canadienne des intentions du gouvernement du
Québec au regard d'une orientation nouvelle des énergies
québécoises en ce domaine. Il s'agit là de
l'aboutissement logique des nombreuses consultations menées au
cours de la dernière année par différents
émissaires gouvernementaux et plus particulièrement par
monsieur Claude Mallette du Secrétariat aux Affaires
intergouvernementales canadiennes. Il est d'ores et déjà
assuré que l'on accordera lors de cette réévaluation
une attention toute particulière, entre autres, à
l'intensification des échanges entre les institutions
québécoises de niveaux collégial, universitaire et
celles qu'on retrouve dans vos communautés.
Vous l'aurez compris, nous ne le cachons pas, il est
évident que la vitalité du réseau francophone
canadien peut ouvrir des débouchés culturels et
économiques importants pour les nombreux produits
québécois. Il est certain aussi, que le tout ne va pas
à sens unique. Qu'il s'agisse d'enseignement postsecondaire,
de réalisations artistiques, de biens économiques,
l'intensification des échanges ne peut qu'être profitable
à nos deux communautés.
Ce réseau pan-canadien servira aussi, nous l'espérons,
non seulement à communiquer à la jeune
génération francophone hors Québec, acadienne et
québécoise la fierté des origines communes, mais
aussi à lui donner la volonté de relever ensemble le
défi de l'avenir. Et plus encore, d'affirmer à cette
majorité anglophone qui nous entoure que nous sommes
là... avec la ferme intention d'y rester!...
Lors de cet atelier, on a cherché à faire un tour
d'horizon des liens à établir entre les communautés
desservies par les institutions, de ces mêmes institutions
entre elles et d'une maximisation d'une vie culturelle
française plus vivante. Les participants ont ainsi
cherché à répondre aux questions suivantes: 1)
est-il possible de mettre sur pied des ententes permettant
d'échanger les ressources, d'intégrer les programmes et
de préparer un plan d'ensemble facilitant un meilleur
recrutement (d'étudiants et de professeurs)? 2) comment
peut-on améliorer les retombées des ententes avec le
Québec sur les institutions de langue française hors
Québec?
M. Gérard Etienne, directeur de module en communications de
l'Université de Moncton, passe d'abord en revue la situation
au Nouveau-Brunswick. Il remarque d'abord que seulement 3,6% des
citoyens de langue française de cette province détiennent
un diplôme universitaire, alors que ce pourcentage passe
à 4,24% pour les citoyens de langue anglaise. Quant à
l'équipement, la recherche, l'infrastructure et le leadership,
M. Etienne affirme qu'il existe un immense fossé entre les
institutions de langue française et celles de langue anglaise,
surtout dans les sciences pures et appliquées.
Après avoir traité des spécificités
institutionnelles de l'Université Laurentienne, de la
Faculté Saint-Jean, de l'Université de l'Alberta, M.
Etienne en vient à la conclusion que l'on doit mettre sur pied
un comité pluridisciplinaire dont le mandat serait de former,
de structurer la concertation interinstitutionnelle et un
autre comité de la F.F.H.Q., rattaché au Secrétariat
d'État, pour veiller à examiner toute question d'ordre
académique, financier et administratif relative à
l'enseignement postsecondaire en français hors
Québec.
Monsieur Gaétan Gervais, directeur de l'enseignement en
français à l'Université Laurentienne de Sudbury,
dégage pour sa part trois problèmes reliés
spécifiquement aux centres universitaires francophones hors
Québec: proportion faible d'étudiants de langue
française accédant à l'université; insuffisance
de programmes scolaires adéquats; manque de concertation et de
coordination interinstitutionnelle. Et selon lui, les institutions
francophones doivent accroître leur autonomie, veiller à
la formation des élites, favoriser l'épanouissement de la
culture française et encourager davantage la recherche.
Quant au professeur Frank McMahon, de la Faculté Saint-Jean
de l'Université de l'Alberta, il insiste sur la dispersion des
francophones hors Québec d'une part, mais également sur
«l'inadaptabilité» des institutions existantes
à l'égard des populations de langue française et
à leurs besoins propres.
Pour de meilleures structures institutionnelles
par Gérard Etienne
Introduction
L'enseignement postsecondaire en français, dans la
conjoncture économique actuelle et à cause des
contraintes exercées sur des institutions d'enseignement
dépendant de la gestion financière et académique du
groupe majoritaire, présente un certain nombre de
problèmes pour lesquels il convient de trouver, maintenant,
des solutions appropriées. Il s'agit donc non pas de faire le
procès, direct ou indirect, des centres universitaires
existants, mais de cerner, d'un oeil critique, certains
phénomènes dont l'impact serait susceptible d'agrandir
davantage le fossé entre anglophones et francophones. C'est
pourquoi, dans cet atelier, les questions relatives à la
persévérance des francophones hors Québec à
l'éducation postsecondaire, à l'enseignement et/ou
l'apprentissage des sciences pures et appliquées, aux nouveaux
programmes, au lien entre la communauté francophone et le
développement des programmes en français, aux cours
d'immersion, à la formation des enseignants, devront aboutir
à des recommandations spécifiques pour permettre aux
francophones du pays de maîtriser leur destin par une
formation universitaire qui soit le reflet de leur culture et un
agent évolutif de leurs communautés respectives.
La situation au Nouveau-Brunswick
Les francophones du Nouveau-Brunswick, détenteurs d'un
diplôme de 1er cycle, représentent 3,6% de la
population scolarisée sur une population de langue maternelle
française de 231945 comparativement à 4,24% pour les
anglophones (448880). Quant aux décrocheurs, ils
représentent respectivement 5,36% (francophones) et 6,49%
(anglophones). Mais ce taux de persévérance doit
être interprété avec beaucoup de réserves. Bien
sûr que la moyenne différentielle entre les deux groupes
linguistiques proportionnellement à leur quantité
numérique, se situe entre 1,50 à 2 au niveau de l'abandon
des études (c'est-àdire des jeunes de 15 ans et plus qui
ne fréquentent pas l'école à plein temps): 10,13%
(francophones) opposé à 12,11% (anglophones). Mais pour
une communauté qui a du rattrapage à faire et qui
continue d'affronter des phénomènes de colonisation, la
mortalité scolaire se révèle une donnée
importante. Déjà en 1968 le rapport de la
Commission royale d'enquête sur le bilinguisme et le
biculturalisme notait que «les modifications
apportées au cours secondaire ont été sans doute
inspirées, entre autres, par l'inquiétude grandissante
devant le taux élevé d'abandon des études chez les
Acadiens et par les piètres résultats de ceux qui
persévéraient jusqu'à la fin des cours» (volume
II, L'Éducation, Ottawa, 1968, page 104). De son
côté, le rapport du comité d'études du
Nouveau-Brunswick sur le développement social - LeBlanc -
Nutter - est allé plus loin: «Bien que cela semble
indiquer une amélioration dépassant 50% dans la
persévérance des étudiants, il y a encore une perte
de plus de 40% entre les inscriptions de 7e année
et la fin des cours (...). Les chiffres de 1968-1970 indiquent une
différence marquée dans le taux de défection de ces
deux groupes, tant au niveau des années intermédiaires
qu'au cours des années secondaires, et le taux des
francophones montre une perte d'étudiants beaucoup plus
grande»
(LeBlanc-Nutter, Frédéricton, Nouveau-Brunswick, 1971,
page 126). Et à l'heure où nous écrivons ces lignes
nous ne croyons pas que ce phénomène ait été
neutralisé. Enfin, il faudra tenir compte d'autres
paramètres tels que la valeur relative des programmes
d'études, les facilités d'apprentissage, le rendement
académique, etc.
Nous avons retenu, à cause de nos limites financières,
un seul point d'enquête: la polyvalente Mathieu-Martin. Sur
366 finissants, 144 élèves ont été inscrits
à l'université durant l'année scolaire 1983-1984. Et
parmi ces élèves, on compte 64 inscriptions à la
Faculté des Sciences et de génie.
Mais là encore, la prudence est de rigueur. Car,
d'après les témoignages des scientifiques interrogés
pour la rédaction de ce texte, il existe entre
l'Université de Moncton et les autres établissements
d'enseignement supérieur anglophone un immense fossé
à tous les points de vue: équipement(s), recherche(s),
leadership dans les secteurs de pointe, faiblesse des
infrastructures, etc. Et ceci est le prolongement d'une situation
notée au secondaire. Selon un porte-parole du ministère
de l'Éducation, 20 écoles secondaires francophones sur 21
offrent le cours d'informatique. Or, nous avons mené notre
propre enquête qui révèle qu'il s'agit tout
simplement d'un cours d'introduction à la matière tandis
que 48 écoles secondaires anglophones sur 48 enseignent la
matière en profondeur (computer education, data
processing).
Il est évident que plusieurs nouveaux programmes figurent
dans le plan quinquennal de l'Université de Moncton et qu'il
existe des comités formés de fonctionnaires du
ministère de l'Éducation et des représentants de
l'université (Histoire, Sciences humaines, Études
françaises, Éducation, etc.). Mais là où il y a
place, une grande place même, selon les décideurs et les
personnalités interrogés, dans le but d'améliorer
les services, de coordonner les efforts, de neutraliser les
phénomènes d'assimilation ou d'abandon des études,
c'est dans les relations entre l'Université de Moncton et le
système public (on pense au ministère de
l'Éducation, aux conseils scolaires). D'après monsieur
Guy Savoie, adjoint au vicerecteur à l'enseignement et à
la recherche de l'Université de Moncton, il semble exister
actuellement un embryon de consultation qu'il faut absolument mener
à terme. Trop souvent dans le passé, écrit-il, les
tentatives de rapprochement ont été essayées, mais
n'ont pas abouti. Des conseils scolaires (c'està-dire des
directeurs généraux, des conseillers en orientation ou
d'autres personnes intéressées) auraient souhaité
une concertation dans le domaine de la recherche, mais la chose n'a
jamais abouti là non plus. Ou encore les résultats n'ont
pas été aussi positifs que souhaités.
Au niveau des conseils scolaires, en général, il faut
faire appel aux spécialistes, aux professionnels de
l'enseignement. Les conseillers scolaires, dans leur grande
majorité malheureusement, soutient monsieur Guy Savoie, ne
sont pas préparés à jouer le rôle
«d'éveilleurs», de «questionneurs»
pédagogiques. Pour l'adjoint au vice-recteur, ce n'est pas une
critique négative mais il constate que le ministère
laisse très peu de libertés aux conseils scolaires.
Au rythme où vont les choses, les cours d'immersion
française vont nous forcer à remettre en question maintes
orientations qui semblaient propres à nos institutions et
à adapter nos programmes d'études à cette nouvelle
réalité de façon à établir un
équilibre, sur le plan intellectuel, entre anglophones et
francophones du pays. Sur ce point, mon étude critique
relative au programme d'immersion (Revue Égalité, volume
1, numéro 2, Moncton, Nouveau-Brunswick) rejoint les
préoccupations des décideurs et des personnalités -
sujets de cette brève enquête. Compte tenu d'une
série de phénomènes faisant obstacle à
l'apprentissage du français, langue maternelle
(particularités des parlers régionaux, interférences
linguistiques, anglicismes de tous ordres, problèmes complexes
d'assimilation développant des attitudes parfois hostiles
à son propre groupe ethnique, à sa langue maternelle,
blocage dû à l'inadaptation des manuels
pédagogiques, etc.) les anglophones paraissent moins
vulnérables, sur le plan de la psycho-linguistique, aux
phénomènes qui influent sur l'apprentissage des langues
maternelle et seconde.
L'enseignement postsecondaire en français hors
québec. Homogénéité des points de vue
Tous les décideurs et toutes les personnalités à
qui cette question a été soumise sont unanimes à
souhaiter, pour tous les francophones hors Québec, la mise en
place d'un système par lequel l'accès à des cours ou
à des programmes d'études bien déterminés devra
contribuer au dynamisme et au développement social, politique,
économique des francophones.
L'adjoint au vice-recteur académique de l'Université
de Moncton, monsieur Guy Savoie, est formel. «Je crois,»
dit-il, «en ce qui concerne les francophones hors Québec,
que les Acadiens, en raison de leurs expériences, ont un
rôle de leadership à jouer. Trop souvent, on est
porté à critiquer la situation présente en oubliant
trop vite le chemin parcouru depuis les 25 dernières
années dans le domaine de l'éducation: apparition des
manuels scolaires en français dans nos écoles,
création des écoles polyvalentes pour les Acadiens et les
francophones du NouveauBrunswick, création d'une école
normale francophone, création des districts scolaires
unilingues, création de l'Université de Moncton,
dualité au ministère de l'Éducation».
«Tout», selon monsieur Savoie, «n'est pas parfait.
Mais, il y a là un noyau autour duquel on peut bâtir, un
noyau qui peut même servir de stimulus aux francophones des
autres provinces canadiennes».
Si Moncton présente une caractéristique
particulière, en raison de l'homogénéité de sa
population, les autres centres universitaires francophones du pays
confrontent de multiples difficultés voire des problèmes
qui, pour l'heure, ne leur permettent pas de mettre sur pied ou
même d'assumer une vraie structure d'enseignement
universitaire postsecondaire.
L'Université Laurentienne est une fédération de
trois universités confessionnelles. Bilingue par sa charte, la
Laurentienne comprend cependant une majorité anglophone
importante, de l'ordre de 80%. Dans cette institution, le secteur
francophone ne jouit d'aucune autonomie administrative. Par
conséquent, les décisions touchant le secteur francophone
relèvent inévitablement d'organismes et d'instances
où les francophones ne représentent qu'une faible
minorité. Cette situation engendre de nombreuses tensions et
de nombreux conflits. Pour le secteur francophone, la revendication
principale est la création de structures autonomes au niveau
du Sénat, des programmes et des budgets. À côté
de cette dépendance, le secteur francophone de Laurentienne
manque de personnel spécialisé. Sur ce point, on souhaite
l'élaboration de politiques administratives visant la mise sur
pied de programmes de formation de personnel pour les disciplines
qui devront répondre, à long terme, aux besoins de la
population.
La situation de la Faculté Saint-Jean de L'Université
de l'Alberta présente des symptômes identiques à
ceux de Laurentienne. Mieux: dans l'ouest, nous dit-on, les
francohones sont dispersés. Un véritable centre
universitaire francophone, géré, administré par des
francophones, assurerait un rôle proportionnel au
développement normal d'une communauté sur le plan social,
politique, économique. Sur ce point, on insiste sur le
développement professionnel des professeurs qui inclurait un
élément de participation dans la communauté.
À partir de problèmes communs (Laurentienne, St-Jean,
Moncton), de services non existants, de programmes d'études
à élaborer à court, moyen et long terme, à
partir d'un même ensemble d'intérêts fondés sur
la langue, l'ethnicité, les droits constitutionnels, etc.,
nous sommes arrivés à un consensus portant sur le concept
de concertation inter-institutionnelle.
Ainsi posé, l'enseignement à distance pourra se faire
entre les centres universitaires francophones hors Québec.
Plusieurs cours pourront être offerts par l'un ou par l'autre
centre (Ottawa, Moncton, Laurentienne, StJean, etc.) et des
équivalences seront reconnues au sein du réseau. En
outre, il sera possible de former un consortium pour tous les cours
offerts, par exemple, dans les régions éloignées de
l'ouest ou dans d'autres régions dépourvues
d'infrastructures d'enseignement postsecondaire. Un tel point de
vue suppose la mise en place d'un mécanisme de coordination
subventionné par les ministères de l'Éducation, le
fédéral, la Commission de l'enseignement supérieur
du Nouveau-Brunswick. Dans la même optique, pour tous les
adultes francophones éloignés des centre universitaires,
on pourrait offrir des cours conduisant au moins à un
début de programme(s) universitaire(s). Selon madame Lorraine
Bourque, directrice de l'Éducation permanente à
l'Université de Moncton, 75% des femmes retournent aux
études après avoir suivi quelques cours d'une
concentration donnée. Bref, au moyen des technologies de
communication, l'enseignement à distance commence,
d'après les expériences faites entre Moncton et Ottawa,
à produire des résultats plus que satisfaisants.
Une telle approche répondra non seulement aux
intérêts des parties mais répondra, pour un centre
comme celui de St-Jean, à des problèmes urgents. Les
sciences infirmières administratives et tout le domaine
technique pourront connaître un développement
approprié aux besoins des francophones de l'ouest.
Il est évident que pour des programmes très
spécialisés, tels que le droit, la médecine, les
sciences vétérinaires, etc., des déplacements d'un
centre à l'autre seront indispensables.
Conclusion
Presque tous les décideurs et les personnalités
consultés demandent au colloque de proposer au gouvernement
fédéral de cesser son programme de bilinguisme des
fonctionnaires et de diriger ces mêmes budgets à
l'enseignement des langues secondes au niveau des maternelles, du
primaire et du secondaire ou, de développer dans l'ouest
francophone, des ressources strictement francophones.
Nos conclusions porteront sur le souhait de nos
personnalités-ressources:
- la formation d'un comité (de la F.F.H.Q.)
pluridisciplinaire dont le mandat serait de former, de structurer
la concertation interinstitutionnelle pour la mise sur pied, dans
un bref délai, de l'enseignement à distance
postsecondaire en français, hors Québec.
- la formation d'un comité pluridisciplinaire permanent de
la F.F.H.Q., rattaché au Secrétariat d'État, pour
s'occuper de toutes questions d'ordre académique, financier,
administratif relatives à l'enseignement postsecondaire en
français, hors Québec.
Pour de meilleures structures institutionnelles au niveau
universitaire
par Gaétan Gervais
Monsieur le président, distingués collègues.
Au départ, il me faut faire deux confessions. Par acquit de
conscience. La première, c'est pour avouer que je suis ici un
peu par fausse représentation. En effet, j'ai constaté
dans les divers documents distribués aux participants que
cette réunion s'adressait «aux décideurs». Or
c'est justement la plainte de beaucoup de francophones qu'ils ne
sont pas des «décideurs», mais des porte-parole
seulement, des «consultés». Par contre, on
risquerait de vider cette salle en ne gardant que les
véritables décideurs.
Mon deuxième aveu, c'est pour admettre que je viens de
Sudbury. Je fais donc partie de ce que le recteur d'Ottawa appelait
naguère «les rêveurs du Nord», ceux qui croient
que les Franco-Ontariens devraient contrôler leur propre
système universitaire.
Durant les dix minutes accordées à cette
présentation, je tâcherai d'abord de définir
sommairement le problème universitaire chez les
Franco-Ontariens. Ensuite, la question des structures
universitaires permettra de mettre en opposition deux modèles
de structures. Une troisième section me permettra de plaider
pour l'autonomie des secteurs francophones dans les structures
universitaires.
I- La définition du
probleme
On peut résumer la difficulté de l'enseignement
universitaire en français par l'énumération de trois
lacunes:
- un manque d'étudiants
- un manque d'accessibilité
- un manque de planification
Cette énumération permet déjà de mesurer
l'ampleur du problème.
Le manque d'étudiants nous ramène à une triste
vérité, confirmée par toutes les études, à
savoir que le taux de fréquentation universitaire est plus
faible chez les groupes minoritaires francophones que dans
l'ensemble de la population canadienne. Ce problème grave
exige des solutions urgentes. Car la faiblesse de notre taux de
fréquentation n'est que l'annonce des difficultés que
nous éprouveront dans vingt ou trente années, quand nous
aurons besoin de diplômés universitaires que nous ne
formons pas maintenant. Ce problème est d'une telle
complexité que les groupes minoritaires ont le sentiment
d'avoir peu d'emprise sur la situation et peu de moyens pour
apporter des remèdes.
Le manque d'accessibilité tient au fait que les programmes
voulus par les étudiants ne sont pas toujours disponibles en
français. Quand ils le sont, c'est parfois très loin de
leur domicile. Dans d'autres cas, les programmes ne sont que
partiellement disponibles en français. Étudier en
français, c'est souvent un grand défi pour un
étudiant. Doit-il abandonner tout simplement, s'expatrier pour
étudier loin de chez soi, choisir de poursuivre ses
études en anglais seulement?
La troisième lacune touche à la planification. La
minorité franco-ontarienne ne possède en propre aucune
institution, ni collégiale ni universitaire. Pas une seule.
Elle ne reçoit ses services éducatifs que dans des
institutions bilingues. Dans ces institutions, les programmes
francophones sont en concurrence, pour les ressources, les
effectifs, les fonds, avec des programmes anglophones semblables.
De plus, la clientèle francophone est souvent
numériquement inadéquate pour justifier un programme
complet en français. Il va de soi qu'une planification
s'impose pour assurer la concertation des efforts et la
concentration des effectifs dans un seul endroit pour les
programmes où il manque d'étudiants. Mais comment le
faire? L'autonomie des institutions universitaires est une vache
sacrée qui n'a pas bien servi les intérêts des
Franco-Ontariens. Ainsi, les institutions en place défendent
des intérêts particuliers qui les rendent peu sensibles
aux besoins de coordination et de concertation, étape si
nécessaire à une planification intelligente des
ressources et des services en français. Il n'y a pas de
solution raisonnable qui ne passe par la préparation d'un plan
global.
Numériquement faibles, les groupes minoritaires ne peuvent
se payer le luxe d'une multiplication désordonnée des
programmes d'enseignement. Faute d'une planification, certains
programmes ne seront tout simplement pas offerts, nulle part. Ce
problème d'accessibilité en cache un autre, très
grave: le manque de personnel enseignant pour dispenser certains
enseignements spécialisés. Cette lacune tragique attend
sa solution. Comment combler l'insuffisance de personnel
universitaire? Comment le former et selon quel plan? Ces
problèmes ne trouveront de solution qu'au niveau global,
général, non en se fiant aux seuls efforts des
institutions individuelles. Ainsi, la concertation des efforts
s'impose, à l'intérieur d'une province, mais aussi entre
les provinces.
Il- la question des structures
Devant cet état de choses, il faut poser clairement la
question: quelles structures universitaires (ou collégiales)
peuvent le mieux résoudre les problèmes? Ainsi, la
question des structures n'est pas indifférente.
Dans un pays bilingue comme le Canada, deux modèles de
structure se présentent pour encadrer la vie de la
communauté minoritaire. En saine démocratie, il est
permis de proposer des alternatives au régime en
place.
On se retrouve donc devant deux approches possibles pour
résoudre les problèmes énoncés plus haut: un
modèle d'intégration : dans ce modèle, tous les
individus sont mis sur le même pied. Chacun pour soi, personne
pour tous. Cette approche ne considère que les individus. Les
personnes existent, non la communauté. Cette approche
privilégie les solutions uniformes, évite les exceptions
pour le groupe minoritaire. En histoire politique, son
équivalent est l'union législative. Ce modèle de
structure favorise un seul régime applicable à tous, il
préconise le bilinguisme intégré. Dans cette
structure, les francophones ne se retrouvent jamais comme groupe,
uniquement comme individus, un modèle d'autonomie: cette
deuxième approche fait une place à part au groupe
minoritaire. Justement parce qu'il est numériquement
inférieur, le groupe minoritaire doit pouvoir jouir d'une
mesure d'autonomie dans la gestion de ses affaires. En imposant une
seule loi à tous, francophones ou anglophones, la
majorité utilise la démocratie pour écraser la
minorité. La protection contre cette situation réside
dans le droit de la minorité de choisir ses institutions, de
déterminer ses orientations, de prendre ses décisions. Ce
modèle d'autonomie préfère des structures ou des
institutions qui permettent à une minorité d'agir par
elle-même. Cette approche privilégie les institutions
autonomes ou l'autonomie du groupe minoritaire francophone dans les
institutions bilingues.
Historiquement, les minorités ont préféré la
deuxième approche, mais la majorité a imposé la
première. La préférence de la minorité
s'explique par ses expériences qui lui font craindre les
situations de déséquilibre numérique où elle ne
possède jamais les moyens de se soustraire à la force de
la majorité. Dans un tel régime, la vie est une
succession de tensions gaspilleuses de temps, d'énergie et de
ressources. Un autre facteur intervient ici. La minorité
reconnaît dans le domaine de l'éducation un champ
privilégié et central parmi les institutions qui peuvent
lui assurer son épanouissement culturel et social.
Les promesses d'égalité faites par le modèle
d'intégration dépendent de deux facteurs principaux: les
nombres (quel est le rapport numérique des forces entre les
deux groupes linguistiques) et la conviction des administrateurs en
place. La première contrainte ne pardonne pas, elle impose aux
minorités d'interminables luttes. Quant au deuxième
élément, il met la minorité dans une dépendance
vis-à-vis la générosité du prince, celui qui
détient le pouvoir à un moment donné. Or, les
administrateurs passent, les problèmes demeurent.
Ill- pourquoi il faut des institutions autonomes
L'université et le collège sont appelés à
remplir deux grands rôles dans les sociétés
minoritaires: la formation des élites (les chefs de file, les
gens éduqués, les experts dans tous les domaines) et
l'épanouissement de la culture (en devenant un support social,
culturel). En fait, ces institutions sont des éléments
essentiels pour la continuité et pour la reproduction d'une
société.
L'université et le collège, mieux que des tours
d'ivoire, doivent refléter la société qui les
supporte, contribuer à la faire évoluer par un accès
généralisé au savoir sous toutes ses formes. Ainsi,
les institutions supérieures devraient devenir des appuis pour
le changement social, un instrument privilégié pour
l'évolution de la société minoritaire. À un
niveau encore plus élevé, une société (surtout
une société minoritaire) peut-elle survivre sans ses
propres institutions? Selon la récente intervention d'un
professeur qui a étudié les divers groupes minoritaires,
les minorités françaises du Canada se meurent et seule la
mise en place d'un réseau massif d'institutions peut les
sauver. Malgré qu'on le méprise souvent, le thème
ancien de la survie culturelle n'a pas perdu de sa pertinence. Il
n'est pas inutile de l'évoquer ici. Car pour assurer
l'épanouissement des groupes minoritaires, il est
impérieux d'établir un réseau d'institutions
autonomes, capables de fonctionner en français, seules aptes
à maintenir la vie culturelle des groupes minoritaires.
Les sociétés ne peuvent pas survivre sans leurs
propres institutions.
Conclusion
II importe d'établir certains points en conclusion :
- il ne faut pas négliger les progrès très
réels réalisés depuis deux décennies dans le
secteur du postsecondaire.
- le problème comporte plusieurs volets: un taux de
fréquentation universitaire trop bas, une disponibilité
insuffisante des programmes, un manque de planification.
- le régime actuel (structures intégrées) ne
permet pas de résoudre convenablement ces problèmes.
Ainsi, le choix d'un modèle de structure (d'intégration,
d'autonomie) relève de notions d'efficacité. C'est une
affaire de structures, non un test de la bonne volonté des
administrateurs impliqués.
- il ne s'agit pas d'une lutte entre le bien et le mal, mais
d'une démarche pour savoir quelle méthode permettra le
mieux d'atteindre les grands objectifs que doivent poursuivre les
institutions qui se mettent au service d'une minorité
(formation des élites, épanouissement de la culture,
participation au changement social).
En éducation comme ailleurs, les minorités devraient
avoir pour règle de conduite la norme suivante: partout
où la chose est possible, et dans toute la mesure du possible,
préférer les structures qui garantissent à la
minorité l'autonomie des programmes, l'autonomie des budgets,
l'autonomie des décisions. Cette solution, loin de servir de
refuge à la médiocrité, devrait orienter les
résultats vers une qualité supérieure de
l'enseignement.
Les universités sont-elles coupables?
par Frank McMahon
J'aimerais commencer ces quelques remarques par un
témoignage positif à l'égard de la Faculté de
droit de Moncton, témoignage qui confirme un peu la
mini-thèse du professeur Etienne concernant le leadership que
l'Acadie pourrait donner aux francophones hors Québec.
Quelques-uns de nos étudiants ont pu s'y inscrire et
déjà un finissant du programme nous est revenu avec un
potentiel important de leadership pour la vie française en
Alberta. Il est donc possible de se concerter et de faire des gains
appréciables. C'est dans cette optique que je formulerai les
observations suivantes.
Au niveau de la substance de mes commentaires, je vous les
propose devant l'état de sous-développement en
éducation des francophones hors Québec. Le
phénomène est documenté dans les dossiers qu'on vous
a remis et on en a beaucoup parlé hier soir. On y a aussi
proposé certaines pistes de solution. D'autre part, les
commentaires du président d'assemblée ce matin nous
lancent un défi à la discussion que je voudrais qu'on
relève, i.e., la priorité absolue de la recherche dans
les institutions universitaires devant cette situation de
sous-développement en éducation.
Une première distinction à faire m'apparaît utile
dans ce dossier des universités face au
sous-développement en éducation. Il y a le rôle des
universités dans la formation de cadres, rôle assez
traditionnel et dont le professeur Dionne nous a parlé hier
soir en ce qui concerne l'Acadie. Si le langage a évolué,
la visée traditionnelle de se former une élite s'est
maintenue au cours des vingt dernières années. Ces
cadres, ou ces élites, sont sûrement indispensables si
les francophones veulent «s'inscrire dans l'avenir». Il y
a lieu d'examiner de près nos institutions pour qu'elles se
développent dans le sens des universités d'élite du
Canada anglais ou d'autres pays occidentaux. Certains
développements semblent indispensables, tels l'accès pour
nos jeunes à des facultés francophones des sciences de la
santé, du génie, de l'administration officiellement
organisées en fonction de tous les francophones hors
Québec. Comme je notais plus haut, la Faculté de droit de
Moncton semble représenter une formule à exploiter.
Ça m'apparaît un dossier avec des possibilités,
très intéressantes pour combiner à la fois le
développement national et régional. La F.F.H.Q. devrait
s'y intéresser. C'est également dans ce contexte que nous
pouvons aborder la question du virage technologique pour que notre
élite sache formuler les besoins, les objectifs et les
stratégies de développement des francophones dans le
contexte de cette fin de siècle. Il y a des modèles
relativement bien établis de forcation de cadres qui, dans les
années soixante et soixante-dix, relativisaient les
professions libérales en faveur des technocrates pour
s'orienter plus récemment vers des formules d'administrateurs
systémiques avec des ouvertures nettes sur le plan
international. Nous en avons beaucoup parlé au colloque en
novembre et ce serait redondant d'y revenir. La nouvelle
technologie des communications ouvre aussi de nouvelles
possibilités. Il s'agit moins d'en discuter que d'obtenir que
les chefs de file de nos institutions et de nos organisations
entreprennent le dossier et passent à l'action.
Les universités ont-elles, par contre, à regarder
l'autre dimension de notre sousdéveloppement, soit le taux
d'analphabétisme très élevé de l'ensemble de la
population, taux qui pourrait aller à 50% de la population
adulte si on parle d'analphabétisme fonctionnel plutôt
que d'analphabétisme absolu? Il s'agit ici des classes
populaires et surtout des pauvres qui demeurent à l'écart
de toutes nos institutions postsecondaires et dont on donnait un
exemple hier soir en parlant des mères de familles
monoparentales.
A l'exception des années réformistes en
éducation, surtout les années soixante, durant lesquelles
on défendait un peu partout la thèse du salut social par
l'éducation et au moment où plusieurs universités et
gouvernements ont tenté d'élargir l'accès à ces
institutions, les universités ne se sont pas vues comme ayant
des responsabilités pour l'éducation populaire. Notons
toutefois qu'elles se sont souvent dotées de facultés
d'extension dont le mandat visait une population moins
élitiste et plus communautaire. Par ailleurs, s'il y a
divergence de points de vue par rapport au caractère
démocratique de nos universités, allant de
l'interprétation plus ou moins marxiste de Bowles et Gintis
aux États-Unis à une interprétation plus
fonctionnaliste comme celle de John Porter au Canada, il est
impossible de nier l'importance du lien entre la présence d'un
jeune à l'université et le statut socio-économique
de ses origines.
Le débat est complexe et les données précises
varient d'un pays à l'autre, mais personne ne conteste la
surreprésentation dans nos institutions universitaires de
l'élite socio-économique.
Cette relation entre l'élite formée dans nos
universités et l'ensemble de la population pose d'abord le
problème de la culture à transmettre à nos clients.
Ces derniers apprennent à définir les besoins des
francophones, mais de par leur appartenance au point de départ
à une certaine élite, ne vivent pas la situation de cette
autre moitié de la population. Comme le soulignait Francis
Jeanson dans son petit livre L'action culturelle dans la cité,
il y a un fossé entre ceux qui savent dire les choses, soit
nos finissants d'université et ceux qui les vivent, soit plus
particulièrement cette masse d'analphabètes
fonctionnels.
Je veux bien que ce problème ne soit pas propre aux
francophones. Le contexte sociohistorique dans lequel nous vivons,
toutefois, lui donne un caractère particulièrement urgent
et exige que nous lui accordions une priorité
particulière. Il y a d'abord l'absence de cadres pour la
population francophone hors Québec. Nos professeurs
universitaires à St-Jean, à Saint-Boniface, à
Sudbury ou à Sainte-Anne constituent une très grande
partie de l'élite francophone de ces milieux. Aussi longtemps
qu'il y a une élite si faible sur le plan numérique pour
définir les besoins, les objectifs et les stratégies
d'action pour les groupes francophones, on voit mal comment ces
professeurs peuvent se permettre dans leur ensemble de consacrer
toutes leurs énergies aux innombrables publications
scientifiques à consommer ou à multiplier, somme toute
aussi à ne se socialiser qu'au monde des scientifiques et des
lettres. Dans la mesure où on insistera pour nous proposer
seulement des modèles de développement d'une institution
d'élite pour les pays développés, on risque d'imiter
les facultés de médecine en pays
sous-développés où on investirait des millions dans
un centre de greffes d'organes quand 90% de la population souffre
de dysenterie chronique.
Il y a là, me semble-t-il, un lieu important
d'échanges et de concertation interinstitutionnels pour
créer des modèles de développement universitaire
où l'engagement dans la communauté francophone obtient un
caractère aussi professionnel que l'engagement dans la
communauté scientifique.
N'est-ce pas suicidaire pour nos institutions universitaires de
valoriser davantage l'édition critique d'une poésie
espagnole chez un éditeur à Madrid que le perfectionnement des
enseignants dans les écoles francophones en leur faisant
connaître les nouvelles pédagogies? Ces dernières
activités ne produisent pas des publications arbitrées.
Ce n'est pas mon intention ici de mépriser les aspirations de
nos institutions à devenir des centres de recherche
sérieuse. Pour être sérieuse, la recherche doit se
doter de gratuité et ne pas se fixer sur un problème
concret.
Ce que je conteste c'est d'accorder à la recherche dans nos
institutions d'être l'indice exclusif d'excellence. Il y a une
certaine colonisation à vouloir se calquer sur les
institutions universitaires d'élite d'une population
majoritaire et non sous-développée dans le domaine de
l'éducation.
C'est de souligner que même 20 ans après la formation
de la Commission Laurendeau-Dunton, nos universités ou
collèges universitaires francophones existent en état de
sous-développement. Dans l'hypothèse où nos
collègues mordus de la vocation en recherche scientifique des
universités acceptent d'examiner le bien-fondé de cette
thèse, il y aura lieu surtout de trouver les mécanismes
d'application. Si déjà il est souvent difficile
d'évaluer ce que devrait représenter un dossier
acceptable de publications scientifiques dans les grandes
universités anglophones du pays, dans le domaine des service
à la communauté, il me semble que nous partons à
moins dix.
Ajoutons un dernier élément-clé dans ce dossier:
nos centres universitaires sont souvent les seules institutions
d'éducation des adultes dans leur milieu. Alors que la
population majoritaire a pu établir un réseau
d'institutions postsecondaires non universitaires, ce n'est pas le
cas pour les francophones dans 7 des 9 provinces qui nous
préoccupent. Devant le problème de l'inégalité
des chances en éducation qui demeure un problème
fondamental pour nos sociétés dites démocratiques
(et devrait sûrement être au centre de nos
préoccupations quand nous nous voyons comme des
défenseurs de la culture d'une population
sous-développée au plan de l'éducation), les
organismes publics semblent maintenant chercher des solutions du
côté de l'éducation permanente. Qui donc le fera
quand il n'y a que des centres universitaires dans nos milieux?
Il y a là une responsabilité de nos universités
puisqu'elles sont souvent les seules institutions postsecondaires
francophones, mais aussi parce qu'elles se donnent comme mandat de
définir ce que vivent les gens, et la culture française
que les universités doivent transmettre est celle d'une
population qui n'est pas particulièrement élitiste.
Puisque nos centres universitaires prennent une large part de notre
élite, qu'ils sont les seules institutions postsecondaires
francophones dans nos milieux et donc aussi les seules institutions
pour l'éducation des adultes, la conjoncture historique
devrait nous amener à reprendre de façon radicale notre
définition de l'éducation générale dans le
cadre de l'éducation supérieure. Que l'on s'inspire du
modèle d'humanisme gréco-latin du temps de mes
études ou de celui technico-écologique comme on le
souhaite plus récemment, la sociologie de la connaissance
comme celle de l'éducation nous oblige à bien distinguer
entre les vérités éternelles ou objectives et les
vérités historiques servant les intérêts d'un
groupe privilégié. Si nous avons besoin de cadres pour
nommer les choses et bien les dominer, seuls les pauvres savent ce
que c'est que de les vivre. Pour s'inscrire dans l'avenir, il faut
d'abord s'inscrire dans l'histoire, l'histoire concrète et
même matérielle de l'ensemble de notre population. Sans
rien enlever à l'histoire des universités occidentales
comme source de critique et de réforme de nos
sociétés, dans le contexte actuel d'un retour à
l'élitisme, cette moitié analphabète de notre
population nous oblige à redéfinir la culture
scientifique et technologique de nos universités. L'engagement
historique dans la communauté doit prendre sa place à
côté du «quaecumque vera» traditionnel.
Résumé de la discussion
En ce qui concerne le problème de base soulevé par les
professeurs Etienne, Gervais et McMahon, on s'entend pour admettre
que ce n'est pas facile pour les universitaires francophones de
trouver un juste milieu entre recherche fondamentale et services
à la communauté. Cependant, le recteur de
l'Université Laurentienne, M. John Daniel, affirme qu'il est
de la responsabilité des centres universitaires francophones
de veiller à ce que les deux dimensions, d'une façon
équitable, soient remplies globalement par les institutions.
Et non pas par les individus totalement! Quant à l'autonomie
des centres universitaires de langue française, on mentionne
qu'il est possible, dans les institutions bilingues, de remanier
les structures en octroyant un plus grand pouvoir décisionnel
au personnel francophone, au sein des facultés et conseils de
tout genre. En raison du nombre limité des ressources
disponibles, problème dont ont fait état les trois
universitaires, on pense que cette proposition est plus
réaliste, pour l'instant, que celle, souhaitable à long
terme par ailleurs, de création de départements
séparés, ou encore de structures parallèles, dans
tous les domaines.
Après avoir abordé la question de la contribution des
premiers diplômés de l'immersion, eux qui pourraient,
selon certains, dont le professeur André Obadia, de
l'Université Simon Fraser de Vancouver, créer un
contrepoids aux taux effarants d'assimilation des francophones dans
l'ouest du pays et assurer aux institutions existantes un certain
nombre de nouveaux étudiants qui s'expriment en
français, les participants de cet atelier se penchent quelques
instants sur le modèle du collège Saint-Boniface, à
Winnipeg, institution autonome et complètement homogène.
Messieurs Paul Ruest et Raymond Hébert soulignent les
progrès réalisés par ce collège, tant par
l'amélioration de la qualité des programmes offerts que
par l'accroissement de la clientèle estudiantine.
Un désaccord fait aussi surface. L'aide des instances
fédérales, surtout du Secrétariat d'État, qui
doit augmenter. Et cela, peu importe les destinations de l'aide.
Mais d'autres sont d'avis, l'éducation étant une
compétence administrative provinciale, que les décisions
les plus appropriées sont prises par les provinces, toutes
jalouses de leur autonomie, et que c'est plutôt là que
doit s'exercer d'abord la concertation. Avant de parler de
coopération nationale, il faut, ajoute-t-on, des
mini-coopérations locales.
Enfin, pour pallier les carences des institutions
francophones, délaissées parfois par les jeunes
étudiants qui voient dans l'institution de langue anglaise des
avantages socioéconomiques attirants (bourses, emplois
bilingues, diversité des cours offerts), on souhaiterait que
les expériences québécoises d'études
supérieures co-gérées ainsi que des stages de toutes
sortes soient expérimentés par les institutions hors
Québec. On attire l'attention, à cet égard, sur le
leadership que devraient exercer les professeurs de langue
française, pour qui ce devrait être un devoir de
participer à l'élaboration de nouveaux schèmes de
développement.
Thème II: Pour de meilleures structures
institutionnelles
Les institutions collégiales sont perçues, en raison
de leur appellation «communautaire» dans plusieurs cas,
comme étant des centres éducatifs devant répondre
naturellement aux besoins et aux attentes des communautés.
Pourtant, l'autonomie des unités administratives de langue
française n'est pas consacrée partout et l'on cherche
toujours les meilleurs plans de rationalisation et de maximisation
des ressources disponibles. Et évidemment, on se penche de
plus en plus sur une éventuelle collaboration avec le
Québec.
M. Lionel Poirier, doyen au Collège Algonquin d'Ottawa,
fait un tour d'horizon rapide de la situation dans les
collèges communautaires du Manitoba, de l'Ontario et du
Nouveau-Brunswick, soulignant les similitudes et les
différences. Il affirme que la vie culturelle de langue
française - peu importe les réussites de certaines
institutions - est relativement limitée. Or, sans vie
culturelle française, beaucoup d'efforts pédagogiques
sont inutiles. Il souhaiterait voir des fonds accrus pour le
perfectionnement du personnel, ainsi que pour la préparation
de matériel didactique collant à la réalité
francophone hors Québec.
M. Denis Fortin, du Collège Northern, à Timmins,
appuie les propos de M. Poirier et insiste sur la création de
collèges francophones multi-campus, gérés par des
francophones. Il ajoute qu'il faudra absolument trouver des
mécanismes garantissant la représentation des
francophones au sein des Bureaux des Gouverneurs, au sein des
collèges actuels.
Quant à M. Lomer Leblanc, du Collège d'Edmunston, il
rappelle que le système collégial, au Nouveau-Brunswick,
a vécu d'importants changements depuis une dizaine
d'années. L'autonomie du secteur francophone est
consacrée et la province encourage de plus en plus - bien
qu'un financement additionnel serait essentiel - la
préparation de modules de langue française,
matériels didactiques pour et par des francophones.
Les structures collégiales et leurs besoins
L.J. Poirier
Introduction
Par une analyse succincte de la situation dans les collèges
communautaires du Manitoba, de l'Ontario et du Nouveau-Brunswick,
l'auteur a voulu offrir au lecteur un bref aperçu des services
disponibles aux francophones hors Québec et souligner les
problèmes qui ralentissent le développement d'une gamme
plus complète de services. Ce bref exposé alimentera la
discussion qui suivra, mais se verra complété par les
commentateurs qui me suivront au podium.
1- la situation
actuelle
Le Collège communautaire Saint-Boniface existe depuis
environ 10 ans. Il relève directement du bureau d'études
francophones du ministère de l'Éducation qui est
responsable de tout l'enseignement dispensé en français
du primaire au postsecondaire.
Le Collège communautaire Saint-Boniface offre 2 programmes
à temps plein (secrétariat bilingue et administration des
affaires), ainsi que quelques services au niveau des cours du soir,
en particulier dans le domaine de l'animation
pré-scolaire.
La population francophone à temps plein est de l'ordre de
90 étudiants.
En Ontario, c'est en 1968 que l'on voit apparaître, au
niveau collégial, les premiers services en français au
profit de la communauté. La venue de ces services coincide
avec la mise en place du réseau collégial, réseau
qui, en 1985, compte 22 collèges relevant du ministère
des Collèges et Universités et un collège agricole
relevant du ministère de l'Agriculture.
A leur création, ces collèges reçoivent comme
mission de répondre aux besoins des adultes en matière de
formation professionnelle non-universitaire; répondre aux
besoins éducatifs d'intention professionnelle des adultes qui
ne détiennent pas un diplôme de fin d'études
secondaires; répondre aux besoins éducatifs d'intention
professionnelle des diplômés des écoles secondaires;
offrir un répertoire équilibré de programmes de
formation générale et de formation professionnelle;
permettre l'acquisition de connaissances par le biais de
l'apprentissage autonome et de l'enseignement traditionnel en salle
de classe/en laboratoire.
Alors qu'en 1968 une poignée d'étudiants francophones
profitent de quelques services, on compte en 1985 environ 3000
francophones qui, à travers la province, poursuivent leurs
études en français dans l'un des 70 programmes de niveau
postsecondaire.
Ces programmes offerts entièrement ou en partie en
français, englobent un vaste éventail de disciplines, des
arts appliqués aux programmes de technologie en passant par le
commerce et les sciences de la santé. La durée de ces
programmes à temps plein varie de 1 à 3 ans.
Afin de faciliter le développement rationnel des services
en français, le ministère des Collèges et
Universités déclara bilingues 6 des 22 collèges
communautaires: Northern (Timmins); Canadore (North Bay); Cambrian
(Sudbury); Niagara (Welland); St-Laurent (Cornwall); Algonquin
(Ottawa).
Au Nouveau-Brunswick, en 1973, la formation postsecondaire
collégiale est confiée à la Corporation des
collèges communautaires, corporation qui relève
directement du ministère de l'Éducation.
En 1982, suite à une réforme, cette corporation est
remplacée par un ministère des Collèges
communautaires sous la responsabilité d'un sous-ministre, monsieur Jean-Guy Finn. Ce nouveau
ministère doté de deux sections chargées du
curriculum, une pour le secteur francophone et l'autre pour le
secteur anglophone, est directement responsable du système
collégial qui adopte le modèle d'un collège
multi-campus. Le Collège communautaire du Nouveau-Brunswick
comprend 10 campus, 5 de langue anglaise et 5 de langue
française dont 2 ont été déclarés
officiellement bilingues. Ce sont: campus d'Edmunston (19
programmes); campus de Bathurst (25 programmes); campus de
Campbellton; campus de Grand Sault; campus de Dieppe.
Un premier effort de concertation a permis d'en arriver à
l'élaboration d'un plan de rationalisation de l'offre des
programmes en français. Ce plan a permis de classer les
programmes selon 3 catégories: provincial, régional et
local et de déterminer quelle institution serait en mesure de
les offrir. Cet effort de concertation devrait être
poussé plus loin et permettre d'en arriver à un plan
global à plus long terme quant à l'offre de nouveaux
services et au rôle que chaque institution devrait jouer dans
la phase d'implantation.
Au Nouveau-Brunswick par contre, on a planifié l'offre des
services en français dans cinq des dix campus, relevant d'une
seule autorité, rendant ainsi l'administration des services en
français beaucoup plus productive.
Dans les trois cas, et d'une façon assez
générale, on peut dire que la vie culturelle au sein des
institutions est relativement limitée. Cette quasi-inexistence
est souvent le résultat d'horaires de cours extrêmement
chargés puisque l'étudiant passe en moyenne entre 26h et
36h par semaine en classe, heures auxquelles il faut ajouter celles
consacrées aux travaux.
2- De nouvelles avenues
Pour pallier aux problèmes que nous venons de mentionner,
problèmes que semblent partager à un degré plus ou
moins grand les collèges communautaires de l'Ontario, du
Nouveau-Brunswick et du Manitoba, on pourrait inviter tout à
l'heure l'auditoire à réagir à certaines
recommandations.
En dépit de la désignation anglophone ou francophone,
chaque campus est en mesure de répondre à la demande
d'étudiants se prévalant de la deuxième langue
officielle du pays. Cet état de fait est rendu possible par le
fait que:
- le personnel est en général bilingue,
- le matériel didactique existe dans les deux langues,
- le collège a opté pour un modèle d'apprentissage
de type modulaire, modèle favorisant une approche
individualisée.
La dernière réforme en cours confie au collège
communautaire toute la formation qui relevait auparavant de la
Fonction publique et des diverses écoles professionnelles, ce
qui assurera au collège un certain développement.
Le développement des services en français dans chacune
des trois provinces mentionnées, a connu un certain
progrès depuis une dizaine d'années, mais le défi
à relever est de taille si l'on constate les problèmes
reliés au bassin d'étudiants, au personnel enseignant et
au matériel didactique.
Le réservoir de francophones susceptibles de pouvoir
profiter des services en français, limités en nombre
dès le départ, se voit encore restreint par l'influence
des facteurs suivants:
- selon de nombreuses études statistiques, il semble que les
jeunes francophones soient moins enclins que leurs collègues
anglophones à poursuivre des études au niveau
postsecondaire;
- peu sûrs de leurs compétences linguistiques, les
étudiants préfèrent souvent suivre leurs études
en anglais;
- le mythe souvent présent au sujet duquel la qualité
des services en français est inférieure à celle des
programmes en anglais;
- le fait que pour étudier en français, l'étudiant
doit souvent s'éloigner de son milieu familial et avoir, par
conséquent, des revenus substantiels pour subvenir à ses
besoins. Bien que l'étudiant désireux de poursuivre ses
études en français puisse se prévaloir en Ontario
d'une bourse du Secrétariat d'État d'un montant pouvant
atteindre 2000$, et de 500$ par semestre pendant quatre semestres
au Manitoba, celle-ci n'est disponible en Ontario que pour la
première année d'études.
La combinaison de ces divers facteurs rend bien souvent l'offre
de nouveaux services peu viable économiquement.
En outre, dans certains secteurs, en particulier en technologie
et métiers, les gestionnaires peuvent éprouver des
difficultés à trouver un personnel enseignant
qualifié. Bien souvent, ce personnel a été
formé en anglais. Depuis quelques années, le personnel
francophone des collèges communautaires en Ontario peut
bénéficier de subventions du M.C.U. dans le cadre de son
programme PERPERFRA. Ces subventions permettent au personnel
déjà en place d'aller chercher les connaissances requises
pour être en mesure d'offrir de nouveaux services.
Quant à l'absence de matériel didactique adapté
au niveau collégial, cela a également un rôle
prépondérant dans la mise en place de nouveaux services.
En 1985, les collèges de l'Ontario bénéficiaient
d'une somme de 110000$ reçue par la province, du
Secrétariat d'État.
Au Nouveau-Brunswick, tout l'aspect développement du
matériel didactique relève du ministère par le biais
des sections responsables du curriculum.
Le personnel responsable du développement n'est autre que
le personnel enseignant affecté temporairement aux services du
ministère. Le nouveau matériel se voit préparé
dans les deux langues.
En Ontario, le matériel didactique est développé
par les professeurs des collèges qui peuvent
bénéficier de fonds spéciaux venant du
Secrétariat d'État pour payer les coûts de
remplacement en salle de classe.
Conclusion
Nous savons que l'enseignement peut coûter plus cher
lorsqu'il est dispensé en français. Les gouvernements,
fédéral et provincial consacrent en Ontario environ 5M$
par an à l'enseignement en français au niveau
collégial. Le mécanisme de distribution des fonds
additionnels favorise le principe du parallélisme de l'offre
en français et de l'offre en anglais. Ces fonds qui devraient
permettre de couvrir les coûts différentiels encourus par
une institution offrant des services en français sont, dans
l'ensemble, largement insuffisants. La formation pour les
francophones dans les collèges de l'Ontario se fait dans les
collèges bilingues, dans les unités administratives
où se côtoient étudiants et professeurs anglophones
et francophones. Nous savons tous que des énergies
considérables doivent parfois être employées pour
amorcer des services en français ou encore améliorer ceux
qui existent. Le rythme du progrès accompli par chacun des six
collèges bilingues le démontre. Il faudra bien qu'on
parle des unités administratives autonomes un jour ou
l'autre.
Faut-il s'arrêter maintenant?
par Denis Fortin
L'Ontario a vingt-deux collèges communautaires dont six ont
la responsabilité d'offrir une programmation en
français.
Est-ce que l'on devrait opter pour six collèges autonomes
où chaque unité peut offrir une gamme de programmes sans
considérer que les cinq autres collèges risquent d'offrir
la même programmation?
Tel qu'indiqué dans le programme, on pose la question
suivante: «Quel est le meilleur plan de rationalisation et la
meilleure façon de maximiser les ressources
disponibles?»
Présentement en Ontario, chaque unité collégiale
est indépendante. Le développement du contenu des
programmes en français se fait en collaboration avec le
secteur anglophone du collège ainsi qu'avec une collaboration
provinciale. Toutes ces discussions se déroulent, bien
entendu, en anglais. Ne devrions-nous pas établir des
unités de collaboration par secteur d'activités et ce, au
niveau provincial, et possiblement interprovincial? Ne
devrions-nous pas travailler en équipe, en réunissant les
forces d'expertise par secteur d'activités, équipes qui
verraient à préparer du matériel didactique et
à développer des contenus de cours?
Le système collégial du Québec a un réseau
par secteur afin de développer et de maximiser les
ressources.
Que l'on se retrouve à Bathurst, SaintBoniface ou à
St-Laurent, on se sent probablement isolé. Cependant un
sérieux effort est présentement en marche en Ontario afin
de résoudre ce problème d'isolement. Le ministère
coordonne le développement du matériel didactique, le
perfectionnement du personnel et tente de rationaliser les
programmes provincial, régional et local. Certains programmes
sont très coûteux et attirent peu d'étudiants. Vaut
mieux demander qu'un seul collège offre le programme en
question plutôt que de diviser ses forces et réduire la
chance de succès. Une collaboration saine est requise afin de
s'assurer que l'on desserve notre population en offrant
également des programmes coûteux mais
nécessaires.
Chaque collège a une mission locale. La population
francophone se retrouve partout en Ontario. Que l'on se retrouve
dans l'est, le sud ou le nord, il est impossible de tenter de
regrouper les étudiants francophones sous un seul toit... mais
que dire du système de l'Université du Québec et du
Collège communautaire du Nouveau-Brunswick?
Serait-il possible d'avoir «un seul collège
francophone» en Ontario mais avec des campus dispersés au
sein des six collèges bilingues existants? Ne pourrions-nous
pas maximiser les ressources disponibles? Exemple: en Ontario, les
professeurs francophones en administration des affaires se
retrouvent à North Bay, Sudbury, Cornwall, Ottawa, Timmins,
Kapuskasing et Kirkland Lake. Chacun fonctionne indépendamment
sans trop profiter de l'expertise de l'autre, sans trop partager
les ressources disponibles. Il n'existe pas de lien entre nous
tous.
Nous devrions encourager des regroupements annuels par secteurs
entre les provinces qui offrent le programme en français.
Devrions-nous nous joindre également aux professeurs du
Québec? Avons-nous les mêmes problèmes?
Le doyen, Lionel Poirier, indiquait dans sa présentation
que souvent les étudiants préfèrent suivre leurs
études en anglais. Ce problème, parmi plusieurs, est
typique des collèges hors Québec. Les collèges
francophones hors Québec doivent constamment rassurer la
population que la qualité des services en français est
aussi bonne, sinon meilleure, que les services offerts en anglais.
Les collèges francophones sont jeunes dans le système
mais ils sont dynamiques. Un sérieux effort est
nécessaire pour convaincre notre francophone de suivre ses
études en français. Comme réseau de collèges,
nous devrions collaborer afin de leur montrer les avantages
d'être bilingues. C'est une des principales raisons pourquoi
les agents de liaison des six collèges bilingues en Ontario
visitent, en équipe, toutes les écoles secondaires
francophones de cette province.
On doit montrer que le francophone n'est pas seul à vouloir
étudier en français car partout en Ontario on retrouve
des unités francophones.
Le doyen Poirier traite, dans son exposé, de
perfectionnement, de matériel didactique, de financement, de
services administratifs francophones et de vie culturelle au sein
de nos collèges communautaires. À mon avis, on doit
encourager davantage le perfectionnement de notre personnel et le
faire collectivement afin de partager l'expertise par secteur. On
doit continuer de créer le matériel en français mais
aussi collaborer avec le Québec pour connaître les outils
déjà en place. On devrait encourager les échanges
inter-provinciaux à ce niveau et inclure la province de
Québec dans ces échanges.
Un financement spécial doit être disponible et
augmenté afin d'assurer la croissance des programmes en
français. Le ministère des Collèges et
Universités de chaque province a le mandat de superviser ces
fonds afin de voir à la mise sur pied de nouveaux services en
français. Les fonds proviennent du palier fédéral.
On devrait s'assurer que les fonds sont effectivement
dépensés pour la formation en français.
Le contrôle de l'administration des programmes en
français doit se retrouver entre les mains des francophones.
Nous devrions également s'assurer de la présence des
francophones au sein des conseils des gouverneurs de nos
collèges.
La mise sur pied de conseils ou de regroupements francophones
est primordiale pour voir naître une atmosphère et une
vie culturelle française au sein de nos collèges.
Nous devrions également participer à des projets tel
que «Hospitalité Canada» de l'Association des
collèges communautaires du Canada afin de créer des liens
entre nos étudiants des collèges francophones
canadiens.
Nous avons des avenues offertes pour répondre aux besoins
et aux attentes de nos communautés francophones. C'est à
nous de regrouper nos services et de collaborer.
Le Nouveau-Brunswick en a fait «du chemin»
par Lomer Leblanc
La formation professionnelle a fait ses débuts dans les
années 1920 au NouveauBrunswick. Le premier institut de
technologie a été fondé à Moncton vers 1945, et
les écoles de métiers ont vu le jour entre 1963 et 1970.
Avant cela, tout se passait en anglais, sauf à Edmunston et
Bathurst où on essayait d'introduire un peu de français
dans nos cours.
En 1972, la Commission de l'enseignement supérieur proposa
la formation des collèges communautaires, et en novembre 1973,
on adopta la loi du collège communautaire formant une
corporation avec un bureau des gouverneurs et un président
à sa tête. C'est en juillet 1974 qu'on regroupa les huit
collèges sous un même chapeau. Les campus du sud-est
(Dieppe) et de la Miramichi viendront s'ajouter à la liste des
10 collèges en 1982.
En 1978, la province se donne un plan quinquennal qui devait
prévoir à peu près tout : les conseils
régionaux, les espaces, les lieux de formation, la langue
d'enseignement, les programmes, tout....
Quelques années après, soit en 1981, une décision
gouvernementale change son nom à celui de «Department of
Continuing Education». Sous l'égide du ministre de
l'Éducation, ce «Department» compte deux
sous-ministres, un anglophone et un francophone. On peut dire qu'un
genre de dualité s'implante avec deux structures
parallèles dans les services éducatifs.
Ça ne pouvait pas durer, car 18 mois après, on fonde
le ministère des Collèges communautaires avec son propre
ministre et un seul sous-ministre, monsieur Jean-Guy Finn, qui vous
adressera la parole ce midi. La dualité va donc continuer au
niveau des services éducatifs.
Des progrès significatifs ont été faits avec
l'introduction de l'enseignement individualisé en 1970, ce qui
permet à l'élève de prendre ses cours dans la langue
de son choix, français ou anglais, avec un instructeur
bilingue.
En 1975, le Collège classique de Bathurst devient un
collège communautaire. Il devient le premier institut de
technologie pour francophones au Nouveau-Brunswick, avec mandat de
donner aux francophones la même technologie qui se dispense
dans les deux institutions de langue anglaise.
Aussi, vers 1983, les collèges d'Edmunston, Grand-Sault,
Campbellton, Bathurst et Dieppe deviennent des campus francophones;
les 5 autres conservent leur statut anglophone.
En plus, en 1984, on commence l'orientation des campus, ce qui
signifie que tous les cours ne se donneront pas à tous les
campus parce qu'on n'a plus les ressources pour rencontrer la
demande. On s'engage tout de même à donner à
certains campus francophones les cours qu'on trouve dans les campus
anglophones. Cela veut dire une réduction de programmes à
certains endroits pour pouvoir introduire certains cours
nouveaux.
En 1979, on s'est donné une direction francophone des
programmes d'étude. À Bathurst et à Edmundston, on a
donc des «élaborateurs», des traducteurs et des
secrétaires qui, en coopération avec et sous le bureau
central de Fredericton, travaillent à l'élaboration de
programmes en français pour les campus francophones.
Il faut se rappeler toutefois, qu'à Edmunston, on avait
commencé cette élaboration de programmes en 1970 avec la
charpenterie et la plomberie, tuyauterie, et les cours
préparatoires à la formation professionnelle dès le
début des années '70.
À Edmundston, la plupart des étudiants sont de langue
française; moins de 5% sont de langue anglaise et proviennent
surtout des régions anglophones de la vallée du Fleuve
St-Jean, soit Plaster Rock, Woodstock et Fredericton.
On constate que plusieurs francophones sont unilingues et ils
éprouvent même certaines difficultés et même de
la réticence à apprendre la langue seconde (l'anglais)
qui est souvent requise lors des entrevues pour un emploi chez
plusieurs employeurs du Nouveau-Brunswick.
Les fonds provinciaux pour la langue seconde sont
déficients pour suffire aux besoins du collège
communautaire dans la région du nord-ouest et du nord du
Nouveau-Brunswick.
Des sommes immenses furent consacrées par la province du
Nouveau-Brunswick pour faire l'élaboration des programmes de
formation. Ces programmes existent dans les deux langues sous forme
de modules, la plupart du temps utilisés dans les cours
individualisés.
Des échanges importants de matériel se font
régulièrement avec certains collèges du Québec,
tels Edouard-Montpetit, la polyvalente Le Boisé de
Victoriaville, et autres... Des connaissances importantes en
plomberie, tuyauterie et autres sont échangées avec le
Québec pour de l'information en hôtellerie, en chauffage,
etc.
Avec l'orientation spécifique des campus francophones et
anglophones, les collèges francophones doivent offrir les
mêmes cours que ceux qui existent présentement en
anglais.
Pour empêcher la duplication et pour procurer plus de cours
en français, on doit souvent perdre un ou des cours qui se
donnent dans d'autres campus francophones. Précisons que
l'hôtellerie se donne à Edmunston et à St. Andrews
seulement, tandis que l'agriculture se trouve à Grand-Sault et
à Woodstock.
Les autorités fédérales, en ce qui a trait aux
deniers offerts, deviennent plus sélectives dans leur choix de
certains cours. Souvent, les fonds n'augmentent pas avec les
demandes grandissantes pour la formation professionnelle et
technique. C'est la province qui doit consacrer plus de fonds
chaque année pour mieux répondre aux besoins de la
population du Nouveau-Brunswick. Des frais de scolarité de
300$ pour un cours d'un an et de 1000$ pour un cours de deux ans
sont en vigueur depuis un an.
Il est remarquable de voir l'augmentation substantielle de
demandes d'admission pour septembre 1985. Les regroupements de
services qui s'organisent présentement avec la réforme
gouvernementale vont augmenter les programmes offerts par le
C.C.N.B., et il est possible que les cours en nursing, en
pêcherie, en foresterie, à l'École des langues,
à l'École des arts et autres se retrouvent tous avec les
cours de formation professionnelle offerts par le collège
communautaire sous peu. Ce portefeuille «économique»
provincial augmente alors que d'autres diminuent.
Au sujet de la vie culturelle en français, il est vrai
qu'au Nouveau-Brunswick, l'élève a très peu de temps
disponible à lui, puisqu'il doit suivre 35 heures de cours
prescrits par semaine. D'ailleurs, les campus n'ont pas de
résidence, d'instructeurs attitrés pour les sports. Ni de
bibliothécaire dans la plupart des cas. Puisque notre
clientèle est adulte, souvent avec des responsabilités
familiales, nous retrouvons quand même nos élèves
à tous les niveaux des activités sociales.
Résumé de la discussion
Les participants de cet atelier insistent sur la
nécessité d'efforts particuliers afin de montrer à
la population de langue française que les programmes offerts
en français ne sont pas de moindre qualité que les
programmes en langue anglaise. On reconnaît qu'il est
maintenant nécessaire de créer un réseau de
collèges francophones. La recommandation suivante a reçu
l'assentiment de tous et chacun:
Attendu que les services aux francophones doivent répondre
aux besoins particuliers des communautés francophones;
Attendu que les francophones connaissent mieux les services qui
correspondent à leurs besoins;
Attendu que l'autorité décisionnelle est essentielle
pour mener à bon port les stratégies d'implantation des
services aux francophones;
il est résolu :
que la F.F.H.Q. exerce des pressions auprès du gouvernement
fédéral pour que les octrois qu'il accorde aux
gouvernements provinciaux pour l'éducation collégiale
soient utilisés pour la création de collèges
multi-campus, gérés par des francophones, et qui
respecteraient les besoins régionaux des francophones hors
Québec.
Les participants croient également à l'importance de
développer de nouveaux programmes en langue française qui
ne soient pas uniquement des traductions de l'anglais. On
souhaiterait que la Fédération des francophones hors
Québec fasse des pressions auprès des autorités
gouvernementales compétentes afin que le mode de financement
des programmes soit justement révisé de telle sorte qu'il
soit possible de financer des programmes en français qui n'ont
pas forcément leur équivalent en anglais.
En outre, comme les femmes constituent une importante
clientèle des collèges communautaires et comme elles ont
aussi une grande influence dans l'orientation scolaire de leurs
enfants, elles devraient avoir accès à des programmes de
formation de base dans leur localité et à un financement
permettant de poursuivre leur formation. La F.F.H.Q. pourrait
favoriser la création d'un comité national qui serait
responsable d'entreprendre des négociations avec les
autorités fédérales afin d'assurer le financement
adéquat de ces programmes.
Enfin, on a noté que plusieurs collèges communautaires
se déclarent bilingues. Or, ce statut n'est défini dans
aucune politique. Là également, on demande à la
Fédération des francophones hors Québec d'encourager
l'élaboration d'une politique gouvernementale précise qui
indiquerait les services que doivent fournir les institutions pour
être déclarées bilingues. Il faut par ailleurs
chercher à s'assurer qu'une représentation adéquate
des francophones au sein des Bureaux des Gouverneurs des
institutions visées soit garantie.
par le sous-ministre Jean-Guy Finn, ministère des
Collèges communautaires du Nouveau-Brunswick.
Je voudrais d'abord remercier les responsables de ce symposium
pour leur invitation à prendre la parole. La F.F.H.Q. et le
Secrétariat d'État méritent des félicitations
pour avoir pris l'initiative d'organiser cette rencontre. Le moment
ne saurait être plus approprié. Le statut de
l'éducation postsecondaire en français hors Québec
risque en effet de sortir passablement modifié de la
période de remise en question profonde que traverse
présentement tout le secteur de l'éducation
supérieure au Canada. Les francophones hors Québec
doivent s'interroger dès maintenant sur les implications des
nouvelles orientations qui semblent émerger de cette remise en
question ainsi que sur les effets des changements
socio-économiques dont nous sommes témoins. Ils doivent
identifier les problèmes qui sont propres à leur
situation de minoritaires et indiquer aux pouvoirs publics quelles
sont les mesures qu'ils jugent nécessaires d'adopter pour
protéger les programmes disponibles et favoriser
l'introduction de services nouveaux. Ceci constitue le forum
idéal pour lancer la discussion sur le sujet.
Je voudrais, pour ma part, réfléchir avec vous sur
certains aspects de l'éducation supérieure et plus
spécialement sur l'état de la formation technique et
professionnelle. Ce secteur n'échappe pas aux critiques dont
est l'objet l'éducation postsecondaire mais il a
néanmoins ses particularités. Il se distingue surtout par
son développement encore récent, spécialement en
milieu francophone. Aussi, me pardonnerez-vous sans doute si mon
exposé prend, à l'occasion, une couleur locale.
Mes propos seront en effet grandement influencés par
l'expérience que j'ai vécue au cours des deux
dernières années au NouveauBrunswick en tant que
responsable de la formation technique et professionnelle dans cette
province.
1- les exigences d'une nouvelle société
Les systèmes d'éducation comme tous les autres
systèmes sociaux ne peuvent être conçus et
analysés dans l'abstrait. Ils n'existent pas pour
eux-mêmes. Ils s'inscrivent dans un environment plus large et
servent des fonctions sociales et économiques précises.
Il faut donc éviter la tentation d'évaluer leur rendement
de façon isolée en faisant comme s'ils opéraient
indépendamment de toute contrainte ou de toute influence
extérieure. De ce point de vue, on peut dire que le débat
qui a cours présentement aux États-Unis et au Canada sur
la qualité de l'éducation est quelque peu décevant.
En effet, nombre d'intervenants dans ce débat ont tendance
à condamner les systèmes d'éducation sans se
demander si ce qu'ils ont eux-mêmes exigé de ces
systèmes n'est pas en partie responsable des difficultés
rencontrées. Plusieurs chefs d'entreprises ont fait grand
état récemment de la faiblesse des diplômés
universitaires. Ils déplorent leur manque de connaissances
générales, d'esprit de synthèse et de capacité
d'analyse. Ce que ces mêmes chefs d'entreprises ne disent pas
toutefois, c'est qu'ils ont eux-mêmes exigé des
universités il y a quelques années, qu'elles
préparent des diplômés capables de remplir des
postes techniques immédiatement au sortir des études.
C'est en grande partie sous leur influence que la
surspécialisation fut introduite dans les universités et
que les écoles techniques et professionnelles s'y sont
multipliées. Dans leur volonté de se développer et
de répondre efficacement aux exigences du marché du
travail, de nombreuses universités ont voulu établir une
adéquation aussi parfaite que possible entre leurs programmes
et les exigences d'occupations précises. Dans l'esprit de
Robert Bandeen, chef de la Crown Life Insurance et chancelier de
l'Université Bishop, elles ont alors adopté l'approche du
«cash register».
Si les chefs d'entreprises sont maintenant si critiques à
l'égard du système, c'est que leurs besoins ont
changé avec l'évolution de l'économie et de la
société. La valorisation des connaissances techniques
correspond à une phase particulière du développement
des entreprises au cours de laquelle il y a progression verticale
des carrières. L'employé gravit les échelons de
l'entreprise en progressant à l'intérieur de son domaine
spécialisé de connaissance. Il semble cependant que les
changements technologiques ont rendu ce modèle désuet.
Les employeurs recherchent de plus en plus des diplômés
qui ont des aptitudes les rendant aptes à oeuvrer dans
plusieurs secteurs de l'entreprise. On s'attend des employés
qu'ils soient capables de perspectives d'ensemble et qu'ils
puissent progresser horizontalement dans l'organisation aussi bien
que verticalement.
Mais ce n'est là qu'un aspect des changements sociaux
susceptibles d'influencer le contenu et la structure de
l'éducation à l'avenir. Nous vivons dans une
société qui repose de plus en plus sur la connaissance.
Comme le disait récemment Patricia Cross de la Harvard
Graduate School of Education, «know how and ideas have
replaced land and machines as the economic assets of our society.
Where we once talked about the agrarian society and then the industrial society, we now
talk about the learning society».
Tout indique que le modèle de vie traditionnel dit
linéaire-représenté par les trois phases:
années d'études à temps plein au cours de la
jeunesse, suivies du travail dans la période 20-60 ans,
complétées par la retraite - ne tient plus. Les
connaissances étant créées plus vite qu'elles ne
peuvent être transmises, aucun programme d'études, aucune
spécialisation n'est valable pour toute une vie. Les
connaissances acquises à un moment quelconque ne sont utiles
que pour une période très limitée. Ceux qui veulent
garder leur emploi ou progresser dans leur carrière doivent
consacrer du temps à des études et à du recyclage
pendant leur travail et/ou durant leurs heures de loisir. Et
même ceux et celles qui choisissent de prendre leur retraite
n'abandonnent pas pour autant toute activité d'apprentissage.
Le nombre de gens âgés qui s'instruisent par satisfaction
personnelle plutôt que pour garder un emploi, se multiplie
dans les institutions d'éducation à travers le monde.
C'est là une caractéristique de la société de
l'information ou de la «learning society» comme on la
qualifie en anglais.
Le modèle traditionnel dit linéaire est donc
graduellement remplacé par un autre qualifié de
«mixte» dans lequel la distribution des
éléments éducation, travail et loisir se trouve
fondamentalement modifiée. Il faut désormais former des
citoyens capables d'apprendre de façon permanente.
2- Précision des fonctions de l'éducation
Si j'évoque cette nouvelle réalité, c'est que je
crois qu'elle appelle une remise en question de la conception qu'on
s'est faite de l'éducation au cours des dernières
décennies.
Elle commande une redéfinition des fonctions de
l'éducation et du rôle des institutions. Les
gouvernements doivent profiter de l'occasion pour établir de
façon claire le mandat des divers intervenants en
éducation et favoriser ainsi une utilisation rationnelle et
efficace des deniers publics. Certains choix fondamentaux devront
être faits si l'on veut éviter le gaspillage tout en
répondant aux attentes dictées par la société
nouvelle dont j'ai fait état il y a un instant. Plutôt
que de se placer en situation de compétition, les institutions
devront agir en partenaires.
Déjà certaines mesures prises récemment ou à
l'étude dans plusieurs provinces canadiennes reflètent
une volonté de la part des pouvoirs publics de faire les
ajustements qui s'imposent au niveau de l'école primaire et
secondaire. Les changements apportés en matière de
curriculum et de structure de cours visent à offrir aux
élèves les connaissances, les aptitudes et la
compréhension qui leur permettront d'être autonomes et de
participer de façon constructive à la vie en
société.
L'accent sera à nouveau mis sur les matières de base,
mathématiques, langues, communication. Aussi, sans diminuer
l'importance de la formation technique et professionnelle,
l'orientation en est modifiée afin de présenter aux
élèves un éventail plus vaste de domaines
professionnels et à leur offrir une plus grande gamme de
disciplines professionnelles de base. Le dosage de cours techniques
et de cours de base est mieux équilibré, ce qui favorise
une meilleure formation générale et offre à
l'élève plus de flexibilité.
Si les écoles élémentaires et secondaires ont
réagi relativement rapidement pour s'adapter aux nouvelles
exigences économiques et sociales, au niveau postsecondaire
l'ajustement semble plus laborieux.
Ceci s'explique sans doute par le fait que les signaux en
provenance des entreprises, des gouvernements et de la
société en général demeurent plutôt
confus. D'une part on semble réclamer un retour à une
éducation plus générale, comme je le soulignais plus
tôt, mais d'un autre côté, on tient à une
formation pratique. De nombreux chefs d'entreprises tiennent à
cet égard un langage ambigu. Ils veulent un érudit
capable de remplir des fonctions techniques. Il s'agit là
d'objectifs plutôt incompatibles.
Il n'y a à mon sens qu'une façon de concilier cette
exigence. C'est en faisant du programme général un
pré-requis à tout programme technique ou professionnel
offert à l'université. De cette façon, on ferait
disparaître la spécialisation hâtive et on
assurerait une solide formation générale tout en
conservant la possibilité d'offrir une formation pratique. Une
telle combinaison pourrait se faire sans allonger outre mesure la
durée des études puisque venant à la suite d'une
solide formation générale, le programme
spécialisé pourrait probablement être réduit
à deux années maximum.
Les collèges de formation technique et professionnelle
seront eux aussi amenés à repenser leur approche. Ils
devront accorder plus d'importance à la formation de base tout
en favorisant l'acquisition d'habiletés utilisables dans un
ensemble d'occupations. L'époque de la préparation à
l'occupation unique est probablement révolue. Il faut
désormais penser en termes de préparation à une
famille d'occupations.
Les divers types d'institutions postsecondaires serviraient
aussi mieux leur cause et celle du grand public si elles
entreprenaient d'établir plus clairement leur objectif et leur
mandat. Si les institutions n'ont pas la volonté de le faire
elles-mêmes, les gouvernements devraient les y inciter en
établissant rigoureusement les conditions de financement des
différents types de programmes. Certains types de programmes
appartiennent d'emblée à l'université. D'autres, par
ailleurs, n'ont de place que dans les instituts et les
collèges de formation technique et professionnelle. Le
mélange actuel conduit à des dédoublements inutiles
et à l'ambiguïté.
Cette clarification des mandats et des objectifs m'apparaît
d'autant plus urgente que les clientèles étudiantes de
l'avenir seront à la recherche de formation adaptée
précisément à leurs besoins. En effet, il s'agira
d'une clientèle adulte, ayant donc plus de maturité, dont
les besoins seront plus facilement identifiables. Comme l'indiquait
une étude récente de Statistique Canada et du
Secrétariat d'État, déjà aujourd'hui une
personne sur cinq âgée de 17 ans ou plus au pays a suivi
au moins un cours à l'éducation des adultes. Ces
personnes voudront savoir où les conduisent les programmes et
les cours auxquels elles s'inscrivent.
Cette clientèle adulte sera d'ailleurs d'autant moins
tolérante que ses moyens d'apprentissage ne se limiteront pas
aux institutions de formation postsecondaire. De plus en plus, en
effet, les institutions de formation perdent le monopole dont elles
ont joui depuis si longtemps. La croissance des connaissances a
conduit à la recherche de moyens nouveaux de transmission du
savoir.
On estime présentement aux États-Unis que les
collèges et universités ne fournissent que la moitié
des possibilités d'apprentissage offertes aux adultes. Une
grande partie de l'apprentissage se fait par le biais
d'institutions dont la mission première n'est pas formellement
la transmission des connaissances. Il s'agit d'institutions comme
les agences communautaires (clubs sociaux et autres), les
bibliothèques, les musées, les syndicats, les
associations professionnelles, les entreprises et le reste. C'est
ce qu'on nomme l'éducation non officielle. Toujours aux
États-Unis, on estime que l'industrie consacre plus de
ressources à l'éducation supérieure et à la
formation que ne le font les 50 États réunis. Des
entreprises comme Xerox et IBM possèdent même leur propre
campus, salles de classe et résidences. Elles peuvent faire
compétition à n'importe quel université ou
collège.
3- Effets de la privatisation
Cette tendance à la désinstitutionnalisation de
l'éducation supérieure se manifeste aussi au Canada tant
en matière de formation technique que générale. De
nombreuses organisations ont développé leurs propres
services d'éducation qui s'adressent à leurs
employés aussi bien qu'à certaines autres clientèles
spécialisées. Certaines positions du gouvernement
fédéral laissent croire qu'il pourrait
éventuellement soutenir un transfert de responsabilité
vers le secteur privé dans quelques domaines précis de
formation. Le Livre Vert sur la formation, rendu public l'automne
dernier, de même que le document de Régina sur le
même sujet, favorisent en effet tous deux un rôle accru
de l'entreprise dans la formation pré-emploi et dans le
recyclage de la main-d'oeuvre. Certaines propositions semblent
privilégier la formation en milieu de travail plutôt
qu'en institution.
C'est là un choix difficile à critiquer. Pour nous,
francophones hors Québec, il y a cependant des
conséquences particulières. Comme vous le savez, depuis
que les institutions religieuses ont abandonné leur rôle
en éducation, les francophones s'en sont remis à
l'État pour leur assurer l'accès à une formation
dans leur langue. Au NouveauBrunswick, des efforts
considérables ont été déployés et des
sommes substantielles dépensées à cette fin. Le
gouvernement a établi un réseau complet d'éducation
en français à tous les niveaux. Dans le domaine de la
formation technique et professionnelle, le NouveauBrunswick est la
seule province, à part le Québec, à avoir mis sur
pied un ensemble de collèges communautaires dispensant la
formation en français.
Ce réseau de collèges francophones vient à peine
d'être établi. Il connaît encore quelques
difficultés de fonctionnement dues au fait que le milieu dans
lequel il opère a anglais comme langue principale de travail.
Néanmoins, des progrès considérables ont
été accomplis vers la francisation de la formation
technique et professionnelle.
Le fait que la langue d'enseignement puisse être
déterminée par l'institution constitue une protection non
négligeable pour les francophones.
Si un nombre substantiel de programmes de formation deviennent
la responsabilité de l'industrie, l'État n'aura aucun
contrôle sur la langue dans laquelle la formation sera
offerte. Dans une province comme le NouveauBrunswick où le
milieu industriel utilise principalement l'anglais comme langue de
travail, cela pourrait représenter un recul important pour les
francophones. C'est là un sujet sur lequel les associations
francophones hors Québec auraient avantage à se
pencher.
Conclusion
Je pourrais vous entretenir encore un long moment des
changements socioéconomiques et politiques et de leurs
implications en matière d'éducation supérieure. J'ai
seulement voulu identifier quelques-uns de ces changements,
question d'illustrer l'ampleur des orientations nouvelles qui
s'annoncent.
L'important je crois, pour nous francophones hors Québec,
c'est de nous rappeler que les considérations linguistiques ne
reçoivent pas automatiquement l'attention qu'elles
méritent dans les décisions relatives à
l'éducation. Il nous faudra être vigilants afin que
l'adaptation des systèmes d'éducation aux nouvelles
conditions sociales et économiques ne se fassent pas au
détriment de l'éducation en français.
L'État ne peut nous soumettre aux mêmes lois que la
majorité sans que nous en soyons affaiblis. Le besoin de
protection linguistique demeure. Il est d'autant plus
nécessaire que les ressources financières sont rares et
que la situation impose des choix difficiles.
Nous pouvons améliorer nos chances de conserver l'acquis en
matière d'éducation supérieure, et même faire
des gains, si nous savons faire une utilisation rationnelle de nos
ressources. D'où l'importance d'éviter les
dédoublements inutiles et de favoriser une définition
claire des mandats respectifs des institutions. La coopération
inter-provinces et inter-institutions doit, dans les circonstances,
être très sérieusement considérée.
Celle-ci est devenue possible plus que jamais auparavant par le
développement des technologies de communications.
1985-05-08
Présentation par M. Jean Watters, directeur du Centre de
l'éducation permanente de la Faculté Saint-Jean
Dans la discussion qui a suivi la présentation de
l'andragogue Watters, on a fait remarquer qu'il existe au Canada
français plusieurs réseaux qui s'intéressent (ou
encore qui oeuvrent) à cet important domaine de l'enseignement
à distance. Mais, on a également souligné que la
concertation interinstitutionnelle est encore à créer
puisque les ententes, comme elles existent à l'heure actuelle,
sont le résultat d'accords entre individus se connaissant et
sont donc très ponctuelles. On a soulevé l'hypothèse
qu'un comité, chargé d'étudier les possibilités
d'utiliser justement les méthodes d'enseignement à
distance pour les communautés francophones hors Québec,
aurait un mérite certain.
Je suis, par profession, un andragogue c'est-à-dire une
personne dont le travail consiste à faciliter l'apprentissage
des adultes tout en créant un climat propice à cet
apprentissage. L'andragogie est une science et un domaine de
pratique sociale dont l'objet spécifique est la relation
d'aide éducative à l'apprentissage (changement
délibérément recherché par les adultes).
En terminant la préparation initiale de mon exposé je
me suis rappelé deux choses: une que j'ai apprise et l'autre
que j'ai lue. La première que j'ai apprise, très tôt
dans ma carrière et que j'ai souvent tendance à oublier,
c'est qu'à force de vouloir éclairer les gens, on finit
par les aveugler. Résultat: ils ne verront plus rien. La
deuxième, que j'ai lue et qui me revient souvent à
l'esprit, est le résultat d'une recherche menée par un
groupe de professeurs d'anglais d'un collège du nordouest des
États-Unis. Ils ont établi une corrélation directe
entre le nombre de mots parlés par le professeur et les notes
que les «apprenants» ont obtenues à l'examen. Plus
le professeur parle, moins les apprenants apprennent. Je suis
convaincu que ces résultats s'appliquent aussi à un
présentateur face à son public.
Pour servir de point de départ à notre discussion,
dans une optique d'éducation permanente bien sûr,
j'aimerais vous référer au rapport Point de vue des
adultes (1982), de l'Institut canadien d'éducation des adultes
de Montréal, ou pour ceux qui préfèrent, du
«Canadian Association for Adult Education» de Toronto.
À la page 34, on y lit:
«Les adultes francophones hors Québec devraient avoir
accès à la formation en français tout comme c'est le
cas pour les adultes anglophones du Québec...»
En éducation des adultes, lorsqu'on mentionne l'accès
à la formation, on se réfère au quoi. Le quoi, il
est en tout point identique pour les citoyens de langue anglaise
que pour les citoyens d'expression française. D'ailleurs, une
enquête menée par le Secrétariat d'État sur
l'éducation des adultes au Canada, intitulée Une personne
sur cinq, le démontre indubitablement. Qu'il s'agisse de cours
ayant trait au travail que l'on fait, de cours d'enrichissement ou
d'intérêt personnel, de cours de formation
générale, ou de cours récréatif ou d'artisanat,
les deux groupes choisissent sensiblement la même chose dans
les mêmes proportions. Il existe, selon ce rapport, plus de
différence dans le choix des cours entre un individu
francophone et son conjoint qu'entre ce même francophone et le
groupe anglophone. Ici on ne peut certainement pas les blâmer.
Ce qui nous touche, nous les francophones, et cela est important
à retenir, c'est notre coeur et notre culture.
Les tendances futures qui pourraient influencer l'éducation
permanente s'appliquent aussi bien aux francophones qu'aux
anglophones. D'ailleurs plusieurs de ces tendances sont
universelles. Il s'agirait ensemble de les examiner pour
déterminer le quoi.
Nous sommes de plus en plus centrés sur nous-mêmes.
Nous nous préoccupons de plus en plus de notre croissance
personnelle et de ce qui nous arrive personnellement. En langage
populaire, on dirait qu'on contemple son nombril. Les experts
croient que ceci est le résultat des troubles et des tumultes
des années '60 et 70. Comparés à ma
génération, les jeunes d'aujourd'hui sont plus
conservateurs que jamais et de plus en plus individualistes. On
pense en fonction de soi plutôt qu'en fonction de la
collectivité. Par contre, nous les contestataires des
années '60, avons fait face à des problèmes mineurs
comparés à ceux auxquels les jeunes d'aujourd'hui doivent
faire face.
Nous allons voir dans les années à venir beaucoup de
nouveaux programmes (thought provoking) qui abordent les
problèmes qui touchent les gens dans leur vie quotidienne. Les
causes en sont le taux croissant de chômage, la
déshumanisation de notre société, la
désintégration virtuelle de la classe moyenne et
l'état actuel de l'économie.
Nous allons voir un changement progressif dans le rôle
traditionnel de l'enseignant. Il devient de plus en plus un
facilitateur, c'est-àdire que son rôle ne sera plus celui
de la transmission d'un simple contenu mais plutôt celui de
l'humanisation et la création d'un climat propice à
l'apprentissage. La technologie se chargera très souvent de
transmettre le contenu en coopération avec l'apprenant, qui
étant à la fois consultant et consulté, jouera un
rôle plus actif dans son propre apprentissage. D'ailleurs,
plus de 80% des expériences d'apprentissage prennent place en
dehors des murs d'une institution.
Les années à venir offriront plus de temps pour les
loisirs. Avec le taux de chômage croissant et les apports
technologiques, il est facile d'envisager une société
informative, sous-employée, bien éduquée, une
société où l'on consacrera plus de temps aux
activités récréatives de toutes sortes.
La technologie de pointe continue de faire des progrès
phénoménaux. Les gens éprouvent certaines
difficultés à s'adapter aux changements créés
par cette technologie. La technologie créera une
société centrée sur l'informatique et la
médiatique. Les gens auront de la difficulté à
s'adapter à cette ère technologique. Autrefois les gens
disaient: «Tout change rapidement». Maintenant vous
entendez souvent la remarque: «Les changements changent
vite».
Des gens centrés sur eux-mêmes, des programmes
provocateurs, des facilitateurs plutôt que des enseignants,
une croissance dans les périodes de loisirs et une technologie
de pointe en pleine évolution sont les éléments qui
influenceront éventuellement l'éducation permanente. Ces
cinq tendances s'influencent d'ailleurs l'une et l'autre
mutuellement.
Nos institutions et nos gouvernements résistent aux
changements. On essaie trop souvent d'appliquer de vieilles
solutions à de nouveaux problèmes. La
désinstitutionnalisation de l'éducation des adultes est
une possibilité que les autorités refusent de voir.
Encore moins de considérer. Selon le rapport Point de vue des
adultes :
«...L'éducation des adultes des années '80 doit
donc contribuer à développer des personnes, en tant
qu'individus et membres d'une communauté, autonomes et
responsables, capables de s'assumer elles-mêmes et de
créer une société plus efficace et plus
productive
mais également plus juste, humaine et solidaire. Dans ce
sens, il est important que l'éducation des adultes sensibilise
les adultes aux innovations technologiques et aux transformations
économiques à venir...»
Malgré ces tendances, les grands facteurs de
l'éducation des adultes, dans un cadre d'éducation
permanente, demeurent tout de même les mêmes: donner aux
adultes une deuxième chance d'obtenir les qualifications
qu'ils n'ont pas pu obtenir pendant leur enfance et leur jeunesse;
fournir un enseignement non sanctionné par un diplôme
pour ceux dont le souci est de s'ouvrir l'esprit; favoriser le
développement de la personnalité par l'approfondissement
de la connaissance de soi; mettre à jour ou apporter des
compétences professionnelles essentielles; orienter les
adultes vers la résolution des problèmes personnels ou
communautaires et vers de nouvelles façons de procéder;
promouvoir l'action communautaire.
Pour les francophones hors Québec, le problème de
l'éducation permanente est plus complexe. En plus de devoir
faire face aux nouvelles tendances, nous sommes peu nombreux,
dispersés sur un immense territoire et assujettis à des
politiques provinciales d'édu-
cation qui refusent systématiquement de
reconnaître notre existence. De plus, nos ressources humaines
et financières sont limitées.
En terminant, je veux vous laisser ce commentaire de Lowe:
«...Si magnifique que l'éducation des adultes puisse
être en elle-même et si grande que soit sa force
potentielle en tant qu'instrument du développement
économique et social, elle ne peut prospérer en l'absence
d'un appui généreux des pouvoirs publics. Cela veut dire
que son intérêt doit être reconnu de manière
aussi incontestable par les ministres, les hauts fonctionnaires et
les contribuables qu'il l'est par les grands porte-parole de la
profession...»
(N.B.) Ce texte ne constitue que la première partie de la
présentation de monsieur Watters. Dans la deuxième partie
de sa présentation, il discutait du projet de la Faculté
SaintJean: L'éducation permanente au service des
Franco-Albertains. Les personnes intéressées à
recevoir une copie abrégée de ce projet peuvent
s'adresser directement à monsieur Jean Watters, dont les
coordonnées se retrouvent à la fin de ce recueil.
M. Helmut Schweiger, directeur de la recherche et de la
planification académique à la Commission de
l'enseignement supérieur des provinces maritimes, se propose
de faire un bilan de l'impact de l'arrivée des premiers
diplômés des cours d'immersion et de l'étendue des
programmes disponibles pour les accueillir. Il remarque qu'on ne
reçoit pas toujours d'un bon oeil les diplômés en
question, situation déplorable, selon lui, puisque cela
élargit le fossé entre étudiants de langue
française et ceux de langue anglaise. Après avoir
brossé un court tableau historique de l'évolution de
l'enseignement postsecondaire en langue française dans les
Maritimes, M. Schweiger soutient que le succès de
l'enseignement postsecondaire en langue française hors
Québec dépend d'une multitude de facteurs: ressources
financières, conjoncture politique, concentration des
ressources, planification adéquate, coopération
interprovinciale.
Commentant la présentation de M. Schweiger, madame Claire
Beauchemin, de l'Université Laurentienne de Sudbury, affirme
qu'il est faux de prétendre que l'arrivée des
diplômés des cours d'immersion, dans les institutions
postsecondaires de langue française, n'a que des
avantages. Elle prétend que leur admission devrait se faire
sous certaines conditions, car dans bien des cas ceux-ci n'ont pas
atteint la même compétence linguisque les francophones.
Elle ajoute que trop souvent également la formation des
étudiants de langue française en souffre, puisque tique
les professeurs se trouvent, à son avis, contraints d'adapter
leur niveau d'enseignement en français à celui des
nouveaux arrivants.
Madame Janice Sargent, du comité exécutif de
l'association Canadian Parents for French, souligne d'abord que les
étudiants anglophones qui ont suivi des cours d'immersion
continuent de vouloir étudier, au niveau postsecondaire, dans
des institutions partiellement ou totalement de langue
française. Elle s'interroge cependant et corrobore les dires
de M. Schweiger: les institutions de langue française
devraient faire connaître leurs politiques, si elles en ont,
au sujet de l'accueil des diplômés de l'immersion.
La qualité avant tout?
par Helmut Schweiger
Introduction
À l'intérieur du thème général du
colloque, «L'enseignement postsecondaire en langue
française hors Québec», l'introduction du
présent atelier propose la considération de cinq
questions, soit: l'examen de l'étendue des programmes
disponibles en français; des données sur certains
programmes importants en raison de leurs retombées sur la
qualité de vie de la collectivité francophone; une
analyse de la participation des anglophones dans les
universités de langue française; l'impact de
l'arrivée des premiers diplômés des cours
d'immersion; une réflexion sur les moyens de concilier les
intérêts communs des anglophones et des francophones avec
leurs besoins distinctifs.
Là où je me trouve, dans la suite des
présentations, je fais face à certaines
réalités. Je peux ne pas prêter attention aux
présentations antérieures ou je peux en tenir compte.
J'ai choisi la deuxième alternative dans le but d'éviter
des répétitions et d'apporter des précisions à
certaines déclarations.
J'étais réconforté hier soir par l'annonce que
les trois grandes régions hors Québec seront
représentées également parmi les conférenciers.
Ceci me permet de me limiter à la région de l'est du
Québec-les Maritimes - où j'oeuvre depuis 15 ans dans
l'administration universitaire et dans la planification
académique régionale. Une analyse de la situation
actuelle relative aux cinq questions: comment on y est arrivé
et où on veut aller; le processus de développement, les
réussites et les faillites, pourrait nous servir en quelque
sorte pour le développement futur.
1- la situation des maritimes
Les Maritimes se composent des provinces de l'Ile-du-Prince-Edouard, du Nouveau-Brunswick, et de la
Nouvelle-Écosse.
La population se situe entre 1,6 et 1,7 millions dont à peu
près 300000 (ou 18%-20%) francophones: soit 4,4% pour
l'île-du-PrinceEdouard, 33% pour le Nouveau-Brunswick, et 5,5%
pour la Nouvelle-Écosse. Les régions où la langue
française domine sont bien définies, soit le nord et
l'est du Nouveau-Brunswick, deux régions dans l'extrême
est et deux dans l'extrême ouest de la Nouvelle-Écosse,
et un bon nombre de francophones autour d'Abram Village dans
l'ouest de l'lle-duPrince-Edouard, avec des concentrations de plus
en plus importantes à Halifax et à Fredericton (voir
tableau I).
Il y a 24 établissements postsecondaires dans les
Maritimes: universités, collèges communautaires et
établissements spécialisés. Quatre d'entre eux sont
au service des francophones: soit l'Université de Moncton avec
des campus à Moncton, Shippagan et Edmunston;
l'Université Sainte-Anne à Pointede-l'Église, en
Nouvelle-Écosse; l'école des gardes forestiers des
Maritimes, à Bathurst ' (établie en 1978); et le
Collège communautaire du Nouveau-Brunswick, fondé en 1973
avec 5 campus francophones - Edmunston, Grand-Sault, Campbellton,
Bathurst et Moncton (voir le tableau II). Voici les programmes
actuellement disponibles dans les Maritimes au niveau universitaire
en langue française, en comparaison avec la gamme de
programmes en anglais.
Au premier cycle: Éducation, tous disponibles;
Beaux Arts, tous disponibles; Humanités,
études classiques, langues modernes- quelques-unes - relations
publiques, sciences bibliothécaires; Sciences sociales,
anthropologie, criminologie, études de l'environnement ;
Sciences agricoles et biologiques, aquaculture et sciences
marines actuellement en développement, sciences
forestières en développement, science des vivres...
programme partiel disponible; Génie et sciences
appliquées, certaines orientations; Sciences de la santé,
bien que ces programmes de premier cycle ne soient pas disponibles
dans les Maritimes, ils sont disponibles par une entente
interprovinciale Québec/NouveauBrunswick: médecine, art
dentaire, médecine vétérinaire, pharmacie,
physiothérapieergothérapie, optométrie, hygiène
dentaire. Mathématiques et sciences physiques, géologie,
océanographie, astronomie.
TABLEAU I : Les régions francophones des Maritimes et
le pourcentage de francophones par province

Au deuxième cycle: à l'état du développement
actuel, il y a près d'un tiers des programmes disponibles en
français en comparaison avec ceux disponibles en anglais (voir
le tableau III).
Au troisième cycle: actuellement, il n'y a aucun programme
en français. La planification prévoit l'implantation
suivante, d'ici 1987: Éducation (éducation);
Humanités (français); Sciences sociales
(psychologie); Mathématiques et sciences
physiques (chimie, physique).
Depuis sa création en 1963, l'Université de Moncton
s'est dotée de 11 facultés et écoles qui offrent un
total de 98 programmes de certificat, baccalauréat et
maîtrise. L'Université Sainte-Anne offre le
baccalauréat en administration des affaires, le
baccalauréat en enseignement, des certificats de
perfectionnement, plusieurs options du baccalauréat es arts et
les deux premières années des sciences. Et ceci s'est
fait par le dynamisme institutionnel et non pas par des
interventions externes. De plus, depuis sa création en 1974,
le Collège communautaire du NouveauBrunswick a établi 5
campus francophones.
Parmi les nouveaux programmes de baccalauréat et de
maîtrise à l'Université de Moncton et à
l'Université Sainte-Anne, on compte:
- Le baccalauréat en droit coutumier (Common Law), le
premier au monde en langue française. D'ailleurs, au printemps
1985, les étudiants ont remporté le premier prix du
concours national «Tribunal Ecole» (Moot Court);
- Le baccalauréat en sciences forestières;
- Le baccalauréat en informatique;
- Le baccalauréat en génie mécanique;
- Le baccalauréat en administration des pêcheries;
- La maîtrise en administration publique;
- La maîtrise en génie civil et en génie
industriel, ainsi qu'une gamme de certificats de
perfectionnement.
C'est banal à dire, mais il est nécessaire que les
créations de programmes tiennent convenablement compte des
ressources financières et de la clientèle potentielle. Il
reste qu'on doit regarder certaines créations comme étant
dans l'ordre du raisonnable, à la mesure de nos
collectivités et d'autres comme extravagantes - au moins pour
le moment. Des programmes auront peu de qualité s'ils n'ont
pas une certaine mesure de stabilité. Un programme nouveau
peut en déstabiliser un autre et parfois il faut y aller par
étapes. Pour assurer une masse critique suffisante
d'étudiants et les ressources nécessaires, deux solutions
particulières ont été adoptées dans les
Maritimes à deux niveaux, et ceci pour les deux populations
linguistiques, francophones et anglophones.
La situation n'a pas toujours été comme elle l'est
maintenant. Les années 1963, 1974 et 1977 sont des dates de
première importance pour la formation universitaire en langue
française dans les Maritimes.
Avant 1963, une douzaine de petits collèges de type
classique offraient des baccalauréats classiques traditionnels
avec quelques débuts de programmes professionnels.
L'année 1963 marque la création de l'Université de
Moncton et la confédération et intégration
successive des collèges à l'Université de Moncton.
L'École des gardes forestiers des Maritimes est également
établie à Bathurst depuis 1963.
En 1974, les trois gouvernements des Maritimes acceptaient, par
la ratification d'une loi identique, la coordination de
l'enseignement postsecondaire dans ces provinces. Par l'entremise
de cette initiative, le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse
et l'île-du-Prince-Édouard reconnaissaient
l'Université Sainte-Anne, l'Université de Moncton et
l'École des gardes forestiers des Maritimes comme ressources
régionales, et acceptaient de contribuer financièrement
à leur fonctionnement, se dotant ainsi sinon directement,
indirectement, d'un service assez développé. En 1977,
suite au rapport de la Commission LeBel, l'Université de
Moncton devint la seule université francophone au
NouveauBrunswick, avec 3 campus. Pendant cette même
période, l'Université Sainte-Anne, après plusieurs
études, a vu son statut d'université confirmé par le
gouvernement de la Nouvelle-Écosse.
À l'extérieur des Maritimes, le service est
assuré par des ententes formelles avec l'Ontario, le
Québec et Terre-Neuve pour les deux populations linguistiques.
Ces solutions, dans certains cas, ne sont pas considérées
comme permanentes, mais elles permettent un développement
planifié et raisonnable au cours des années.
J'en illustre un exemple: une entente conclue avec le
Québec en 1969 et modifiée à plusieurs reprises
depuis. C'est une entente qui a connu un excellent succès
(voir le tableau IV), mais qui ne fonctionne pas sans
problèmes: entre autres, l'isolation culturelle des
étudiants, des problèmes d'intégration de programmes
préparatoires avec ceux du système québécois,
la difficulté d'assurer le retour des finissants dans les
Maritimes après la fin des études et les problèmes
politiques qui découlent du fait que certains étudiants
choisissent de s'installer au Québec.
Après un début difficile et incertain, pour
réussir dans ce type d'activités, on a dû employer
des moyens un peu extraordinaires et inorthodoxes. Un comité
fut établi avec le mandat de voir à la réalisation
de cette entente.
Ce Comité voit à la publicité, organise des
ateliers et sessions d'orientation lors des études
préparatoires, collabore au niveau des demandes d'admission
dans les universités du Québec. Ce comité
prépare également les étudiants pour les entrevues,
les visites régulièrement durant leur séjour au
Québec, écoute leurs problèmes d'ordre
académique, économique ou personnel. De plus, on aide ces
étudiants à se trouver des emplois d'été et des
emplois à la fin de leur formation postsecondaire. De cette
manière, on les lie à leur région et on augmente
leurs chances de succès au Nouveau-Brunswick.
Le comité entretient également des relations avec les
autorités gouvernementales et universitaires du Québec et
des Maritimes pour prévenir ou régler des problèmes
ponctuels.
2- Les anglophones dans les établissements de langue
française
À l'exception de l'Université Sainte-Anne, où il
s'agit seulement de 82 anglophones sur à peu près le
même nombre de francophones, il ne semble pas y avoir de
courant extraordinaire dans cette direction dans les Maritimes.
Voici les statistiques :
Dans le cas de Moncton, la grande majorité, plus de 50%,
vient de la région immédiate de l'université; quant
à l'University of New Brunswick, les francophones viennent des
régions de majorité francophone, incluant Moncton. Les
tableaux V à IX illustrent les inscriptions dans certains
programmes, par langue maternelle, même après
l'implantation d'un programme de qualité en français.
Je pose donc la question - les francophones, pourquoi se
déplacent-ils de leur milieu où les programmes identiques
sont disponibles pour s'inscrire dans les établissements de
langue anglaise? L'explication à cette énigme est de
première importance pour le développement continu de
l'enseignement postsecondaire en langue française, et dans
certains cas, même pour sa survivance.
J'avais préparé un modèle mathématique des
possibilités de développement futur de nouveaux
programmes postsecondaires en langue française,
c'est-à-dire, des avantages que cet afflux pourrait apporter.
Mais je le mettrai de côté.
Dans les remarques précédentes et dans la politique de
recrutement universitaire «des immergés», je
perçois une certaine hésitation devant l'assimilation, ou
intégration, ou même l'acceptation des
«immergés» dans le milieu francophone, soit pour des
raisons politiques de pureté socio-linguistique, soit pour des
raisons de compétition potentielle sur le marché de
travail?
Cette dernière constatation est directement liée
à la cinquième question: quels sont les moyens de
concilier les intérêts communs des deux populations
linguistiques?
Si les établissements de langue française ne sont pas
prêts à accueillir ou desservir «les
immergés», une réponse à leurs besoins dans les
établissements de langue anglaise pourrait creuser le
fossé entre les deux populations encore plus profondément
qu'il l'est maintenant. Cette attitude devant l'isolement culturel
pourrait avoir des conséquences dévastatrices pour
l'anthropologie socio-culturelle et politique du Canada.
Anglophones/Francophones
|
Université de Moncton
|
166/3862
|
soit
|
4,2% anglophone
|
Université Sainte-Anne
|
82/76
|
soit
|
52,0% anglophone
|
University of New Brunswick
|
6790/348
|
soit
|
5,1% francophone
|
Saint Thomas University
|
1174/39
|
soit
|
3,3% francophone
|
Mount Allison University
|
1696/10
|
soit
|
0,5% francophone
|
TABLEAU II : Les institutions postsecondaires

Légende:
- Acadia University
- Atlantic School of Theology
- Dalhousie University
- Holland College
- Maritime Forest Ranger School (Fredericton &
Bathurst)
- Mount Allison University
- Mount St. Vincent University
- Nova Scotia Agricultural College
- Nova Scotia College of Art & Design
- Nova Scotia Land Survey Institute
- Nova Scotia Teachers College
- St. Francis Xavier University
- Saint Mary's University
- St. Thomas University
- Technical University of Nova Scotia
- Université de Moncton (Moncton, Edmunston &
Shippagan)
- Université Sainte-Anne
- University College of Cape Breton
- University of King's College
- University of New Brunswick (Fredericton & Saint
John)
- University of Prince Edward Island
- New Brunswick Community College/college communautaire du
NouveauBrunswick (Head Office/Siège social) Campuses/Campus:
Bathurst, Campbellton, Edmunston, Grand Falls/Grand Sault, Moncton,
Saint John & Woodstock
- Nova Scotia Institute of Technology
TABLEAU IX
|
Demandes d'admission par des étudiants francophones aux programmes
d'instruction juridique offerts par les établissements des Maritimes:
|
|
71
|
72
|
73
|
74
|
75
|
76
|
77
|
78
|
79
|
80
|
University of New Brunswick
|
20
|
29
|
31
|
31
|
N/A
|
33*
|
31
|
14
|
10
|
17
|
Université de Moncton
|
|
|
|
|
|
|
|
98
|
102
|
72
|
Dalhousie University
|
N/A
|
N/A
|
N/A
|
N/A
|
N/A
|
N/A
|
N/A
|
N/A
|
N/A
|
N/A
|
Étudiants francophones admis aux programmes d'instruction juridique
dans les Maritimes:
|
|
University of New Brunswick
|
16
|
19
|
19
|
18
|
N/A
|
9*
|
5
|
4
|
1
|
2
|
Université de Moncton
|
|
|
|
|
|
|
|
37
|
61
|
43
|
(inscrits)
|
|
|
|
|
|
|
|
|
(31)
|
(34)
|
(29)
|
Dalhousie University
|
N/A
|
N/A
|
N/A
|
N/A
|
N/A
|
N/A
|
N/A
|
N/A
|
N/A
|
N/A
|
*Au cours de l'année académique 1976-77, l'University of
New Brunswick a offert des cours en langue française.
|
L'impact négatif de l'arrivée des élèves d'immersion
par Claire Beauchemin
À titre de commentatrice, je veux aborder l'un des points soulevés
par monsieur Schweiger, à savoir l'impact de l'arrivée des premiers
diplômés des écoles d'immersion dans les programmes universitaires
en langue française.
Parmi les participants à ce colloque, certains s'intéressent principalement
aux étudiants de l'école d'immersion, d'autres aux étudiants
francophones de langue maternelle française3, tandis que d'autres se préoccupent davantage
de l'aspect administratif de l'intégration des «immergés»
dans les programmes universitaires destinés aux francophones. Par ailleurs,
la province d'origine des participants, et plus précisément le caractère
linguistique de leur institution, conjugué à la force démographique
respective des deux groupes linguistiques qui la fréquentent, rendent
compte de réalités différentes perçues et vécues
par chacun. Conséquemment, les perspectives diffèrent en fonction
de ces éléments.
Je tiens donc à préciser que la perspective que j'adopte se rapporte
spécifiquement à l'épanouissement culturel et linguistique
des francophones au sein des institutions bilingues de l'Ontario: mes commentaires
se limitent à cette réalité.
J'avouerai dès maintenant que je partage l'hésitation dont parlait
monsieur Schweiger devant l'intégration pure et simple des «immergés»
dans les cours universitaires créés à l'intention des francophones.
On sait qu'en Ontario, le nombre d'élèves inscrits aux écoles
d'immersion s'avère très important et même, qu'il va croissant.
Présentement, ce nombre équivaut à celui des élèves
inscrits dans les écoles de langue française. Bien sûr, nous
devons nous réjouir à l'idée que les anglophones apprennent
le français. Cependant, cette constatation doit être présente
à l'esprit dans l'étude de la question qui nous préoccupe.
Il me paraît essentiel que les francophones se penchent sur certains
résultats de recherche en rapport avec la performance des «immergés»,
afin que leur intégration éventuelle se réalise en tenant compte
des conséquences qui en résulteront inévitablement.
La question doit être abordée à deux niveaux, à savoir
l'impact quantitatif et l'impact qualitatif de l'intégration des «immergés»
aux cours et aux programmes en français.
On peut concevoir de grands avantages à l'idée que les élèves
des écoles d'immersion vont s'inscrire aux programmes en français
offerts par les universités bilingues de l'Ontario. En effet, un nombre
plus grand d'étudiants permettra d'offrir plus de cours en français
car la gamme de cours offerts est en fonction des effectifs. En sciences par
exemple, on peut concevoir que tout le programme, et non seulement un nombre
limité de cours, pourra être offert grâce à l'arrivée
des «immergés».
Cependant, cet avantage quantitatif doitil constituer notre seul guide dans
l'étude du problème? L'épanouissement de l'éducation postsecondaire
de la minorité francoontarienne doit-il être dépendant de la
venue des anglophones des cours d'immersion?
À mon avis, l'impact quantitatif comporte des limites: on ne
saurait préconiser l'intégration pure et simple des «immergés»
sans tenir compte de l'impact qualitatif d'une telle mesure auprès
des francophones.
On peut se demander si les étudiants issus des écoles d'immersion
ont une compétence linguistique équivalente à celle des francophones,
ainsi que l'affirment assez souvent certains adeptes de l'immersion. Selon
Richmond (1984), même si ces étudiants «ont tendance à
se croire parfaitement bilingues» (p. 114), ceux-ci ne ressemblent guère
aux superétudiants que l'on croyait former par le biais des écoles
d'immersion. Un nombre croissant de recherches corroborent ce point de vue.
À l'appui, je rappellerai quelques résultats de recherche.* Richmond (1984) a comparé les
résultats au test de classement chez trois groupes: 1) les anglophones
ayant suivi un programme traditionnel, 2) les anglophones ayant suivi un programme
d'immersion et 3) les francophones:
«(...) les résultats du groupe d'immersion (...) se trouvent bien
plus proches de ceux du groupe traditionnel que de ceux des francophones.
Ces mêmes résultats se répètent aussi au niveau de chacun
des sous-tests», (p. 114)
Puis il ajoute que «les anciens des programmes d'immersion ont un avantage
assez fort sur le groupe traditionnel, bien qu'ils se situent assez loin du
niveau linguistique des francophones» (p. 114). Je renvois les lecteurs
qui s'intéressent à l'article de l'auteur. Il suffit de dire ici
que le mythe selon lequel les étudiants issus des écoles d'immersion
possèdent une compétence en français équivalente et même
parfois supérieure à celle des francophones n'a que peu de fondement.
D'autres chercheurs (Baetens-Beardsmore, 1982; Mougeon, Heller, Beniak et
Canale, 1984; Harley, 1984; Swain et Lapkin, 1984; etc.) ont également
signalé les limites de l'immersion. À cet effet, le linguiste G.
Bibeau (1984) écrivait: «L'immersion (...) a beaucoup promis,
(elle) a beaucoup donné, mais (elle) n'a pas permis de rendre les enfants
aussi bilingues qu'on l'espérait.» (p. 114).
Comment expliquer cette situation? Il semblerait qu'après avoir atteint
le stade de l'apprentissage de la langue qui leur permet de se faire comprendre
par leur enseignant et par les autres élèves, les «immergés»
ne cherchent pas à atteindre un seuil de compétence comparable à
celui des francophones, faute de motivation sociale suffisamment forte: la
valeur instrumentale de la langue semble suffire dans la majorité des
cas.
Il est également intéressant de s'arrêter sur le comportement
langagier du professeur qui enseigne à des étudiants éprouvant
des difficultés linguistiques. Dans une expérience d'apprentissage
de la langue seconde à l'université, par le truchement de l'enseignement
d'une discipline, soit la psychologie, on a constaté (à l'examen
du cours enregistré sur ruban magnétoscopique et à l'aide d'autres
données) que le professeur ajustait automatiquement sa langue à
celle de ses étudiants, afin de leur faciliter la transmission du contenu
du cours (voir Edwards, Wesche et al. 1984). Or, si les «immergés»
se trouvaient intégrés au groupe des étudiants francophones
au sein des mêmes cours universitaires, cette adaptation, voire simplification
artificielle de la langue du professeur, ne se produirait-elle pas tout autant?
Les francophones alors souffriraient inévitablement de cet appauvrissement
linguistique.
Mougeon, Heller, Beniak et Canale (1984) ont comparé la compétence
linguistique de trois groupes d'élèves franco-ontariens à savoir
1) les franco-dominants, lesquels communiquent souvent ou toujours
en français au foyer, 2) les anglo-dominants, lesquels communiquent
souvent ou toujours en anglais au foyer et 3) les bilingues, lesquels
communiquent aussi souvent, ou presque aussi souvent, dans une langue que
dans l'autre. Par ailleurs, ces auteurs citent quatre études4 dans lesquelles on a comparé le français parlé
des élèves francophones à celui des élèves d'immersion
et ils affirment que: «Dans les quatre cas, on a pu constater qu'à
niveau de scolarité égal, les élèves d'immersion commettaient
plus d'erreurs que les anglo-dominants et à plus forte raison que les
francodominants et les bilingues», (p. 327) Plus loin, ils ajoutent :
«(...) les enseignants sont d'avis qu'ils (les anglo-dominants) ont
un effet retardant sur les franco-dominants pour ce qui est de l'apprentissage
du français et des autres matières», (p. 346) Or, si les anglo-dominants
on un effet retardant sur les franco-dominants, à plus forte raison les
«immergés», si l'on se rappelle d'une part leur performance
linguistique (voir les quatre recherches relevées par Mougeon et al.)
et d'autre part, les résultats enregistrés par Richmond.
S'il est un domaine universitaire qui nécessite une protection linguistique,
c'est bien celui de la formation des enseignants. Depuis quelques années,
le nombre d'anglophones qui demandent (et qui obtiennent!) l'admission au
programme menant au brevet d'enseignement de l'Ontario va croissant. Nous
avons eu maintes fois l'occasion de constater que la qualité linguistique
laisse beaucoup à désirer de même que l'engagement envers le
fait francophone. Nous ne saurions nous montrer trop exigeants à l'endroit
des candidats qui se destinent à l'enseignement auprès des élèves
francophones dans les écoles primaires et secondaires de l'Ontario. Et
que dire de la transmission des valeurs culturelles francophones... Les enseignants
qui participent au projet éducatif des écoles de langue maternelle
française ont comme mandat moral de faciliter l'intégration culturelle
des élèves dans le milieu francoontarien. Et pour qu'ils puissent
aider les élèves à s'intégrer à leur groupe linguistique
minoritaire, ils doivent eux-mêmes «habiter» cette langue et
cette culture.
En conclusion, j'admets que l'intégration des «immergés»
peut vraisemblablement se faire dans les universités bilingues. Cependant,
il faut trouver une formule qui le permette sans que les francophones en soient
les victimes, comme dans les écoles mixtes de l'Ontario.
Ce qu'il faut bien comprendre des remarques que j'ai formulées au sujet
de la compétence linguistique des «immergés», ce n'est
pas simplement le fait qu'ils commettent des erreurs ou qu'ils soient les
seuls à le faire. Les études les plus élémentaires en
linguistique permettent de se rendre à l'évidence que les francophones
eux aussi en commettent: il en est ainsi dans toutes les langues. Ce qu'il
faut plutôt retenir, c'est le fait que chez les «immergés»,
dont il est ici question, le français demeure une langue seconde
et que ces derniers se sentent beaucoup plus à l'aise dans leur langue
maternelle. Or, dans un cours universitaire où les francophones se trouveraient
réunis avec les anglophones, ce serait faire preuve d'un grand optimisme
que de croire que la langue de communication serait le français. Dès
que les étudiants seraient laissés à eux-mêmes, dans le
contexte d'une institution bilingue où les francophones sont démographiquement
minoritaires, la langue d'échange deviendrait l'anglais. Du reste, c'est
déjà le cas présentement dans un cours qui s'adresse à
des enseignants qui se destinent à l'enseignement du français en
immersion.
Pouvons-nous donc fermer les yeux devant les conséquences que subiraient
inévitablement les francophones dans leur milieu universitaire? L'épanouissement
culturel et linguistique des Franco-Ontariens pourrait-il être favorisé
par l'intégration des «immergés» aux cours universitaires
en français? Permettez-moi d'en douter. Devonsnous, en tant que groupe
linguistique minoritaire, accepter cette mesure comme solution à l'élargissement
de la gamme des cours et des programmes en français? Je ne le crois
pas. Je suis plutôt d'avis que des programmes d'accès à l'égalité
doivent être mis sur pied, afin de corriger les lacunes du passé
et de promouvoir la qualité de l'éducation universitaire des Franco-Ontariens.
Appendice
Références
BAETENS-BEARDSMORE, H. Bilingualism : Basic Principles. Clevedon,
Avon: Tieto Ltd., 1982.
BENIAK, E. MOUGEON, R. et CANALE, M. Compléments infinitifs des verbes
de mouvement en français ontarien, dans Linguistische Berichte,
vol. 64, 1979, pp. 34-49.
BENIAK, E. MOUGEON, R. et COTÉ, N. Acquisition of French Pronominal
Verbs by Groups of Young Monolingual and Bilingual Canadian Students,
dans The Sixth Lacus Forum, sous la direction de J. Copeland
et P. Davis. Columbia, South Carolina: Hornbeam Press, 1980.
BIBEAU, G. Tout ce qui brille..., dans Langue et Soc/été,
No. 12, 1984, pp. 46-49.
CANALE, M., MOUGEON, R. et BENIAK, E. «Acquisition of some Grammatical
Elements in English and French by Monolingual and Bilingual Canadian Students»,
dans La Revue canadienne des langues vivantes, vol. 34, no.
3, 1978, pp. 505-524.
EDWARDS, H., WESCHE, M., KRASHEN, S., CLÉMENT, R. et KRUIDENIER, B.
Second Language Acquisition Through SubjectMatter Learning:
A Study of Sheltered Psychology Classes at the University of Ottawa,
dans La Revue canadienne des langues vivantes, vol. 41, No.
2, 1984, pp. 268-282.
HARLEY, B. Mais apprennent-ils vraiment le français? dans Langue
et Soc/été, No. 12, 1984, pp. 57-63.
MOUGEON, R., HELLER, M., BENIAK, E. et CANALE, M. Acquisition et enseignement
du français en situation minoritaire : le cas des Franco-Ontariens,
dans La Revue canadienne des langues vivantes, vol. 41, No.
2,1984, pp. 315-335.
RICHMOND, J. «Superétudiants ou superproblème?», dans
La Revue de l'Université Laurentienne, vol. 17, No. 1,
1984, pp. 113-119.
SWAIN, M. et LAPKIN, S. Evaluating Bilingual Education : A Canadian
Case Study, Clevedon, Avon: Multilingual Matters Ltd., 1982.
L 'engagement «français» des élèves de l'immersion
n'est pas de la frime
par Janice Sargent
J'ai le plaisir de représenter devant vous une association nationale
de parents, Canadian Parents for French, dont le but est de promouvoir, à
travers le Canada, l'étude du français comme langue seconde.
La F.F.H.Q. et notre association se sont déjà mis d'accord l'année
dernière pour signer une entente afin de promouvoir l'étude du français,
à tous les niveaux scolaires, au Canada.
Canadian Parents for French est une organisation qui fut fondée en 1977
par un groupe de 35 parents; elle compte aujourd'hui plus de 7,000 familles
membres. Elle a appuyé, dans toutes les provinces du Canada, l'enseignement
aux enfants du français, langue seconde. L'énorme succès du
phénomène de l'immersion est dû en bonne partie aux efforts
de cette association à travers le pays, aux niveaux local et provincial.
Récemment, Canadian Parents for French s'est intéressé en
particulier aux études postsecondaires. Ici à Ottawa, par exemple,
M. Russ McGillivray, éducateur bien connu de la région, a effectué
pour notre chapitre local du CPF un sondage auprès des étudiants
en immersion du niveau secondaire (11e et 12e années), pour préciser
les attentes de ces élèves dans la perspective d'études universitaires.
Plus de la moitié des répondants ont dit qu'ils voudraient continuer
à maintenir leur langue seconde, ou à poursuivre, au moins en partie,
leurs études en français au niveau universitaire.
Ces élèves reconnaissent qu'ils ont besoin de suivre des cours
dans leur deuxième langue s'ils veulent devenir vraiment bilingues. Tandis
qu'ils sont, d'après l'étude de M. McGillivray, confiants de pouvoir
parler et de comprendre le français à la sortie du secondaire, ils
ont moins confiance en leur capacité de «l'écrit et de la grammaire».
L'idée que ces étudiants puissent, au niveau universitaire, suivre
des cours offerts en français dans leur domaine choisi revêt néanmoins
beaucoup d'attrait. Mais ils hésitent, étant donné leurs «carences»
dans leur langue seconde, à faire des études universitaires entièrement
en français.
Les universités pourront-elles s'adapter à ce nouveau groupe? Voudront-elles,
par exemple, et comme le fait déjà l'Université d'Ottawa, offrir
la possibilité de suivre des cours en français mais d'écrire,
si on le préfère, les examens en anglais? Offriront-elles des programmes
vraiment bilingues, c'est-àdire où on aurait le choix, en se spécialisant
dans un certain domaine, de suivre quelquesuns de ses cours dans la langue
seconde tout en suivant d'autres dans sa langue première?
Les institutions universitaires anglophones auront à s'adapter autant
- et même plus - que celles de langue française, et devraient faire
un effort non seulement pour accueillir les diplômés des cours d'immersion,
mais aussi pour attirer des étudiants francophones qui voudraient éventuellement
poursuivre leurs études postsecondaires dans une institution de langue
anglaise, tout en conservant leur langue maternelle.
Même au niveau élémentaire en Ontario, les chercheurs ont
noté chez les enfants en immersion, une plus grande tolérance
envers
les minorités, et une plus grande estime des différents groupes
linguistiques et culturels qui forment notre grand pays. À mon avis,
il y aurait grand intérêt à consolider nos gains, tout en respectant
les différences entre les deux grands groupes culturels du Canada. On
doit travailler d'un commun accord à l'amélioration des services
éducatifs en français pour tous les jeunes Canadiens, afin d'offrir
des services bilingues au public dans nos communautés locales.
Résumé de la discussion
Répondant à la prise de position de madame Beauchemin, certains
participants à cet atelier affirment que peu importe les dangers (qu'on
peut toujours amoindrir, à leur avis), l'admission des étudiants
anglophones des cours d'immersion dans les institutions francophones est nécessaire
pour deux raisons: d'abord, ils permettent d'augmenter les effectifs des étudiants,
surtout dans l'ouest canadien où le nombre d'étudiants de langue
française est peu élevé; ensuite, il est sain que deux langues
et deux cultures s'interinfluencent. Les professeurs André Obadia, de
l'Université Simon Fraser, et Bernard St-Jacques, de l'Université
de Colombie-Britannique, estiment d'ailleurs à cet égard que les
études citées par madame Beauchemin ne disent pas tout.
Dans la discussion et l'échange animé qui suivit, on fit valoir
que l'on ne peut s'opposer, dans un système de libertés politiques
et sociales comme le nôtre, à ce que des gens «bien intentionnés»
dans leur désir d'apprentissage de la langue et de la culture de langue
française, soient admis dans nos institutions. On devrait cependant s'assurer
que leur intégration s'effectue de façon à respecter les valeurs
et la culture des étudiants de langue maternelle française.
On souligne également que des études sont en cours, à la Faculté
d'éducation, de l'Université d'Ottawa, sur la compétence linguistique
des étudiants anglophones ayant suivi le cours d'immersion en français.
Le rapport du groupe de travail chargé de cette recherche est prévu
pour juin 1986. Il devrait apporter plus de lumière sur la question.
Enfin, il a été mentionné qu'on a noté - ailleurs que
dans les endroits où ont été effectuées les études
citées par madame Beauchemin - que le français parlé d'un bon
nombre d'anglophones était,dans bien des cas, fort acceptable. C'est
pourquoi on a besoin d'études plus fouillées, comparant les milieux,
les institutions et les individus.
Cet atelier visait à effectuer une réflexion sur l'intégration
(possible, souhaitable?) des programmes des collèges et de ceux du ministère
de l'Emploi et de l'Immigration. Les participants ont eu à se pencher
sur une question d'importance: la formation, reliée à l'ensemble
des emplois disponibles sur le marché, est-elle possible?
Madame Adrienne McLaughlin, viceprésidente à l'enseignement au
Collège Algonquin, dresse la liste des programmes et ententes possibles
entre les collèges communautaires. Elle fait état des progrès
accomplis récemment et souligne qu'il s'agit d'un dossier chaud à
la direction concernée au ministère de l'Emploi.
Monsieur Gérard Raymond, directeur de l'Institut de technologie
de Bathurst, note que le S.P.P.C. (Système de protection des professions
au Canada) constitue un outil important pour connaître l'offre et la
demande de main d'oeuvre malgré le fait que ce système comporte
parfois des retards de dix mois.
Quant à M. Alcide Gour, doyen au Collège Cambrian de Sudbury, il
estime que les collèges communautaires devront faire preuve de plus de
flexibilité et devront offrir dorénavant des programmes donnant
accès à des emplois vraiment disponibles. Il ajoute que l'aide de
l'entreprise privée sera nécessaire si l'on veut adapter les programmes
aux changements du milieu.
De nouveaux défis
par Adrienne McLaughlin
Introduction
Le rapport Apprendre à gagner sa vie au Canada nous souligne
que: «Tandis que le Canada marche à grands pas vers les progrès
technologiques, l'une des infrastructures les plus importantes, l'éducation,
court de graves dangers.»
D'après ce rapport, le système de travail va changer, les aptitudes
actuelles seront moins en demande et de nouvelles aptitudes verront le jour
de plus en plus rapidement. «Les aptitudes acquises pendant la jeunesse
ne restent sans doute pas valables pendant toute la vie» nous dit-on.
Le recyclage, le perfectionnement et la mise à jour deviendront des éléments
inhérents à la vie.
Nous savons aussi que des boulversements surviendront dans le marché
du travail. Le nombre d'emplois diminuera sensiblement dans le secteur de
la fabrication; il diminuera légèrement dans celui de l'agriculture;
il augmentera considérablement dans celui des services. Cinquante pour
cent des emplois du secteur des services seront liés à la collecte
de renseignements, à la gestion et à la diffusion de l'information.
On prévoit qu'en l'an 2000, 75% des «unités» familiales
auront deux revenus et tous les quatre ou cinq ans, l'un des partenaires cherchera
à acquérir de nouvelles connaissances et compétences, rendues
nécessaires par les progrès technologiques et les changements du
marché de l'emploi.
Un autre rapport intitulé Apprendre: un défi pour la vie, publié
en mars 1984, recommande, entre autres, les mesures suivantes: le congé-éducation
payé; le soutien aux personnes défavorisées en matière
d'éducation; la levée des obstacles à l'éducation des
adultes; la création de postes de délégués à
l'éducation dans les milieux de travail; la création de conseils
locaux de formation.
1) Impact des changements
Je voudrais vous communiquer mes impressions sur l'incidence que tous ces
changements auront sur les collèges communautaires, et voir avec vous
comment nous pouvons faire face à ce nouveau défi.
Disons tout d'abord que les collèges communautaires, relativement jeunes,
ne sont pas encore devenus trop rigides ni trop structurés. Ils sont
en bonne position pour faire face à ces changements. Voici comment j'envisage
ces changements.
Un nombre croissant d'adultes chercheront à s'instruire, afin d'acquérir
de nouvelles compétences. La formation de base, c'est-àdire apprendre
à lire, à écrire, à compter, à communiquer et à
résoudre des problèmes, prendra une importance primordiale pour
que la personne puisse par la suite avoir accès à la formation à
divers moments de sa vie et dans diverses circonstances.
Il faudra réorganiser et restructurer les programmes d'éducation
pour les adapter aux besoins et aux modes d'apprentissage des adultes qui
auront besoin de recyclage. Les programmes d'éducation devront être
variés, tant au niveau des modes d'enseignement que des locaux, pour
répondre aux besoins des étudiants adultes qui n'ont pas toujours
la possibilité de se rendre dans un établissement donné, ou
pour lesquels l'établissement ne possède pas les installations ou
l'équipement nécessaire et aussi pour promouvoir le concept de formation
et d'éducation continue.
L'horaire des cours devra être modifié pour répondre aux besoins
d'une nouvelle clientèle qu'on ne peut intégrer dans l'horaire courant
de 9 à 17 heures. Notre conception de l'étudiant doit changer: de
l'être plutôt passif qui ne faisait que gober des données,
il devient un participant actif qui doit se soumettre à un apprentissage
permanent, étalé sur toute sa vie, afin d'acquérir diverses
compétences qui lui permettront de survivre dans un milieu complexe.
Autrefois, les étudiants étaient des élèves à court
terme; leur programme d'études s'étalait sur une période relativement
courte, alors que leur formation devait durer toute leur vie (carrière).
Aujourd'hui, les étudiants sont plutôt des élèves à
long terme; ce sont des employés qui ont des besoins d'apprentissage
permanents ou supplémentaires liés directement à leur travail.
Le rôle du professeur doit également changer. Lui qui était
une source d'information et de connaissances sera désormais chargé
de motiver et de conseiller l'étudiant; de l'aider à établir
et à atteindre ses objectifs, en déterminant et en organisant les
activités d'apprentissage dont il a besoin. Les ressources devront être
affectées à des activités telles que le perfectionnement et
l'adaptation des programmes d'études existants; l'établissement
de nouvelles méthodes d'enseignement; la création de nouveaux programmes;
la coordination des activités scolaires avec celles du secteur privé,
afin de procurer aux étudiants une expérience de travail sérieuse
et valable; et la mise au point de services de soutien essentiels, sans lesquels
la participation de l'étudiant adulte risque d'être compromise (exemples:
allocations pour déplacements, frais de garde...)
Les collèges communautaires de l'Ontario peuvent-ils relever ces défis?
Je crois que oui. En fait, ils ont déjà un bon nombre de caractéristiques
qui pourraient, si on les exploite adéquatement, fort bien répondre
aux besoins nouveaux en matière d'éducation. Ces caractéristiques
sont les suivantes: - parmi les 22 collèges de l'Ontario, il y en a 6,
bien répartis à travers la province, qui permettent aux étudiants
du secondaire et aux adultes d'avoir accès à cet enseignement en
français;
- La collection impressionnante de programmes, tant généraux que
spécialisés, qu'il est possible de modifier et d'adapter aux besoins:
changements du milieu de travail et d'une clientèle faite d'adultes
et de jeunes;
- Une relation bien établie avec le monde de l'industrie;
- Un mécanisme de mise au point et de prestation de programmes (faits
sur mesure) pour répondre aux besoins précis de l'industrie;
- Un système d'éducation permanente très réussi, axé
sur les besoins des adultes;
- Un système de services de soutien souple: orientation professionnelle,
aide financière, centres de documentation;
- Une expérience assez étendue et fructueuse dans le domaine des
stages, de l'expérience de travail et de la formation en utilisant
un modèle d'éducation coopérative;
- De nombreux contacts et ressources dans la collectivité par l'intermédiaire
des comités consultatifs sur les programmes;
- Une longue et heureuse expérience de coopération avec l'industrie
et les conseils locaux de formation dans la mise sur pied de programmes
de formation tels que les programmes f.c.i, et o.e.p.o.;
- Un milieu attrayant pour l'étudiant adulte grâce à la variété
des activités, à la diversité de la population étudiante
et à l'accent placé sur l'acquisition d'habiletés axées
directement sur le milieu de travail;
- La compétence et la réussite de nombreux collèges dans
la prestation d'activités éducatives à divers endroits de
la collectivité (plutôt qu'à un campus donné).
2) De nouvelles voies
Je voudrais formuler quelques recommandations visant à assurer un soutien
aux collèges communautaires dans leurs efforts de réponse aux nouveau
défis.
Dans la subvention qui leur est accordée, les collèges devraient
recevoir des fonds destinés à des activités de création:
création de nouveaux modes d'enseignement (plus souples et moins dépendants
des limites d'espace et de temps); création de méthodes d'apprentissage
individualisées; créations de nouveaux programmes.
Les nombreux programmes de formation existants, tels que les cours préparatoires
à la formation professionnelle (C.P.F.P.), la préparation fondamentale
à l'emploi (P.F.E.), la préparation élémentaire à
un emploi (P.F.E.) et le programme de formation technique (P.F.T.) devraient
être réunis en un seul programme de formation à l'emploi.
Ce programme serait réparti en modules et serait basé sur les aptitudes
à compter, à lire, à écrire, à communiquer, à
résoudre des problèmes. Pour chacun des modules, on mettrait au
point des unités d'apprentissage que les étudiants pourraient utiliser
par euxmêmes. Ces modules seraient adaptés à l'enseignement
à distance, pouvant tirer profit de différents supports, par exemple
les télécommunications.
Un module centré sur les aptitudes nécessaires à la carrière
deviendrait partie intégrante du programme, afin de permettre à
l'étudiant adulte de planifier une formation ultérieure ou à
celui qui n'a pas encore fait de choix. L'admission au programme se ferait
à intervalles réguliers pendant l'année ou même continuellement.
L'étudiant pourraient avancer à son propre rythme, dans une limite
de temps globale. On instaurerait un système d'exemptions pour divers
modules, afin que soient reconnues les connaissances déjà acquises
à l'école ou par l'expérience de vie.
Les programmes d'études centrés sur les aptitudes à acquérir
en vue de carrières précises, tels que les cours de techniques du
génie électronique, de montage électronique de précision,
d'opération de microordinateurs et de programmation d'ordinateurs devraient
être également offerts par modules, comprendre seulement des cours
ayant trait aux aptitudes à acquérir et une certaine expérience
de travail, être offerts là où réside le besoin de main
d'oeuvre, être offerts de façon rationnelle à travers la province,
afin d'éviter le chevauchement et le double emploi et, admettre des étudiants
fréquemment au cours de l'année, et même continuellement.
Dans ce cas également, ils devraient permettre à l'étudiant
d'avancer à son propre rythme dans une limite de temps globale et pourraient
aussi comporter un système d'exemptions pour divers modules, afin que
soient reconnues les connaissances déjà acquises, à l'école
ou par l'expérience de vie.
Le ministère pourrait mettre au point un mécanisme de financement
qui reconnaîtrait la valeur éducative et le coût des composantes
de programme telles que la formation, en utilisant le modèle d'éducation
coopératif, l'expérience de travail, etc.; les établissements
d'enseignement administreraient les fonds reçus et les redistribueraient
aux organismes et aux industries chargés de fournir l'expérience.
Les ministères provinciaux et fédéraux devraient reconnaître,
dans leur financement, que les programmes et services (faits sur mesure) offerts
aux adultes entraînent un accroissement de services individualisés
et, par conséquent, un besoin de ressources supplémentaires.
Il faudrait éclaircir le mandat des deux paliers de gouvernement, fédéral
et provincial, afin que les ressources disponibles soient utilisées de
façon complémentaire (O.E.P.O., Accès Carrière). Grâce
à un financement spécial, les programmes postsecondaires, quelle
que soit leur durée, pourraient être offerts aux adultes qui ont
besoin de recyclage. Quatre ou cinq projets pilotes pourraient être financés
en vue de mettre au point l'enseignement à distance de programmes ou
de modules choisis, à l'aide de divers supports technologiques tels que
les télécommunications, l'ordinateur, la correspondance, le satellite.
Les collèges devraient établir des mécanismes de communication
avec les délégués à l'éducation que l'on se propose
de nommer sur les lieux de travail.
Pour garder leur emploi, les enseignants des collèges communautaires
devraient se recycler en connaissances techniques en retournant dans le monde
de l'industrie. Les collèges pourraient établir des programmes d'échange
entre les professeurs et les spécialistes de l'industrie, afin de se
tenir à jour.
Conclusion
J'affirme que nous pouvons relever les nombreux défis qui nous attendent.
Ce qui m'inquiète le plus, c'est de savoir comment nous reconnaîtrons
les compétences dont auront besoin les jeunes gens et les adultes de
l'an 2010.
On doit cependant se demander si l'on devrait procéder en identifiant
les besoins d'abord, la clientèle ensuite.
Cela va mieux, mais tout n'est pas parfait
par Gérard Raymond
Tout d'abord, je dois être d'accord, de façon générale,
avec la présentation de madame McLaughlin. J'aimerais cependant soulever
la question de disponibilité des emplois versus la formation sous un
autre angle.
Je voudrais mentionner que le système de projection des professions
au Canada (S.P.P.C.) est un outil important et constitue une bonne estimation
de l'offre et de la demande de main-d'oeuvre. Les projections du S.P.P.C.
sont basées sur l'information provenant du monde des affaires, des milieux
financiers, des gouvernements, des maisons d'enseignement, des entreprises,
des syndicats et autres organismes.
Certaines difficultés sont éprouvées actuellement au niveau
du S.P.P.C.; lorsque l'information est compilée, il est parfois déjà
tard. En fait, dans plusieurs cas, 9 à 10 mois de formation se sont écoulés.
Pour les francophones, ça veut dire quoi? Et bien d'abord, les anglophones
sont plus nombreux que nous. En grande partie, l'industrie est gérée
par des anglophones. Cela rend nos chances moindres. On ne peut pas se permettre
de former des francophones dans les domaines où il n'y a pas d'ouvertures.
Il ne faut pas oublier que les anglophones sont plus nombreux à postuler
les mêmes emplois. En conséquence, le S.P.P.C. devra être plus
précis pour permettre aux francophones de minimiser les difficultés
dans leur quête d'emplois.
Le S.P.P.C. manque également de coordination au niveau des renseignements.
L'analyse n'est pas assez efficace et on y traite du court terme sans être
assez précis en vertu du long terme. Dans certains cas, cela prend deux
à trois ans pour que le gouvernement réagisse à des propositions
concernant les besoins de main-d'oeuvre. Dans d'autres cas, l'influence politique
joue un rôle dans la mise sur pied de certains programmes de formation,
dans certaines des provinces où les francophones sont minoritaires. Cette
influence, dans un contexte où nos représentants sont minoritaires,
a un effet négatif sur l'équilibre formation versus les emplois
disponibles pour les francophones.
Un autre facteur à considérer par rapport à cet équilibre
est celui de la mobilité des employeurs. Concernant la situation économique
que nous connaissons et le fait que dans plusieurs cas il y a deux revenus
par famille, la mobilité est rendue plus difficile. Cela limite l'avancement
ou les chances d'emplois.
Dans certaines provinces, l'industrie se retrouve dans des localités
à majorité anglophone. Au Nouveau-Brunswick par exemple, la concentration
des industries se retrouve au sud de la province, occasionnant des analyses
et des sondages qui sont influencés par ce fait. Ce facteur ne rétablit
donc pas l'équilibre avec les francophones du nord.
Encore un autre facteur à considérer est celui de la rentabilité
des programmes de formation. Puisque nous sommes moins nombreux, il en coûte
plus cher pour mettre sur pied des programmes de formation professionnelle
et technique. C'est donc un facteur qui n'avantage pas les francophones.
La situation devrait cependant s'améliorer avec la venue de la révolution
de l'information. En fait, je crois que la formation reliée à l'ensemble
des emplois disponibles va se réaliser. Comment? D'abord les techniques
du S.P.P.C., prenant en considération les taux de croissance, les taux
d'inflation, la croissance de l'emploi, les perspectives économiques,
la ventilation industrielle, le nombre d'intervenants, le nombre de finissants,
leur compétence, la migration des travailleurs spécialisés,
vont s'améliorer par la venue de l'informatique qui deviendra de plus
en plus sophistiquée et à jour.
En plus, la formation deviendra plus généralisée. Par exemple
dans le secteur de l'électronique, une formation de base permetà
l'étudiant d'accéder au marché du travail pour ensuite revenir
se spécialiser dans le tra domaine des ordinateurs, de l'instrumentation
industrielle, des communications ou de l'électronique industrielle.
Avec une telle flexibilité, il deviendra plus facile d'établir l'équilibre
formation versus l'ensemble des emplois disponibles sur le marché du
travail.
Des transformations importantes viennent vite. En ce sens, le gouvernement
fédéral avec ses nouvelles initiatives visera à promouvoir
les programmes qui répondent à une activité industrielle en
voie de changement. Il faut donc faire pression pour que les francophones
aient accès égal à ces programmes de formation et qu'on puisse
non seulement avoir nôtre part, mais maintenir nos programmes en français.
Et cela même s'ils coûtent chers!
En conséquence, il faut que les francophones mettent en place le plus
tôt possible des mécanismes (ou des infrastructures) qui leur permettent
d'avoir accès aux emplois disponibles.
Nous devons réaliser que nous sommes à la frontière d'un virage
technologique, de la révolution de l'information. Des transformations
importantes dans le monde de la formation devront être perçues dans
l'affirmative si l'on veut répondre aux besoins de la maind'oeuvre de
l'industrie de demain. Avec ces outils de base, nous serons plus en mesure
d'envisager et de répondre à la demande de main-d'oeuvre de façon
efficace et équitable.
Résumé de la discussion
Les participants ne manquent pas de commenter les données présentées.
Ils encouragent la Fédération des francophones hors Québec
à faire pression auprès du ministère fédéral de l'Emploi
et de l'Immigration afin que des cours en formation professionnelle soient
accessibles aux francophones hors Québec et que des mécanismes soient
prévus afin que des négociations suivies aient lieu sur des dossiers
comme l'enseignement individualisé, la création d'un réseau
de communications permettant de mettre en commun les ressources humaines et
techniques ainsi que l'établissement de banques de données sur le
matériel didactique disponible aux enseignants francophones.
On évoque aussi la nécessité d'établir un programme de
recherche concerté par une sorte de consortium regroupant les institutions
d'enseignement collégial fréquentées par les francophones hors
Québec. On propose également de chercher, dans les plus brefs délais,
à voir à la création de comités provinciaux pour assurer
à la base la mise sur pied d'un tel consortium.
Quant aux programmes de formation qui existent à l'heure actuelle, il
serait souhaitable qu'ils soient mis à jour, qu'ils soient mieux «vendus»
quand ils connaissent un certain succès dans certaines institutions et,
finalement, qu'ils permettent une meilleure et plus rapide adaptation des
diplômés de langue française aux besoins du marché.
DINER-CAUSERIE
Monsieur Jean-Louis Roy, directeur, Le Devoir
À cette occasion, la F.F.H.Q. a remis son prix Painchaud-Léger
au DEVOIR «pour son importante contribution à la vie des communautés
francophones partout au Canada. » Depuis les origines du Canada contemporain,
la question du statut des minorités francophones hors Québec a occupé
et occupe toujours une place centrale dans notre vie politique.
Mais où en sommes-nous aujourd'hui? Comment ces communautés minoritaires
se sont-elles développées ces vingt-cinq dernières années?
Quelles sont les tâches qui s'imposent pour l'avenir? C'est ce bilan
que j'aimerais parcourir avec vous, actif et passif, rétroactif et prospectif.
Dans un grand nombre de secteurs, ce bilan est favorable. Dans d'autres,
il est toujours tragiquement déficitaire. On doit noter que le Québec
n'aura été que de peu de soutien ces dernières années,
faute d'une politique engagée, cohérente et constante. Il existe
des domaines comme l'enseignement postsecondaire où la province majoritairement
francophone pourrait et devrait jouer un rôle constructif et bienfaiteur.
- Nous parlons du devenir de communautés minoritaires où vivent
plus de trois quart de millions de personnes, ce qui représente en
fait un nombre supérieur à la population de quatre provinces canadiennes.
- Nous parlons du devenir de communautés minoritaires qui, conjuguées
au Québec, donne sa pleine dimension au concept et à la réalité
de la dualité canadienne, concept et réalité dont on ne s'éloigne
jamais sans péril dans l'aménagement de notre régime politique.
- Nous parlons d'une catégorie spécifique de la société
canadienne, catégorie que reconnaît nommément et spécifiquement
la loi fondamentale de notre fédération.
Politiquement et en un certain sens, juridiquement, ces minorités prises
comme un ensemble et liées au Québec participent à l'une des
deux majorités canadiennes.
Comment comprendre autrement et expliquer les efforts déployés
depuis un quart de siècle pour renouveler notre compréhension de
leur situation, notre connaissance de leurs besoins et notre appui à
leur développement? Comment comprendre autrement et expliquer leur incessante
recherche d'un statut qui leur permette de durer et de se développer?
L'actif que nous devons consolider et enrichir est plus significatif qu'on
ne le croit généralement.
La question qui nous réunit est l'une de celles qui a le plus évolué
chez-nous depuis un quart de siècle. Nous devons prendre acte de cette
évolution. Il serait en effet ennuyeux au plan de la connaissance, injuste
au plan intellectuel, désincarné au plan politique, de l'aborder
avec une problématique vieillie et en conséquence éloignée
des faits. Les acquis apparaissent substantiels.
- Un colloque comme le nôtre aurait été impensable il y a
25 ans. Si quelques esprits visionnaires s'étaient lancés alors
dans une pareille aventure, la base de leurs travaux aurait été
infiniment plus mince que celle qui nous sert de référence et
d'appui.
- Le caractère bilingue du Canada est plus solidement établi que
jamais et notamment au plan constitutionnel.
- La Loi fédérale sur les langues officielles a porté loin
le changement. Elle a produit des résultats importants dans l'ensemble
du pays. Mais ce qui reste à faire pour en fixer les ultimes conséquences
dans les faits, les institutions et nos vies, exigera l'engagement de générations
successives.
- Nos tribunaux ont raffiné les textes constitutionnels et dégagé
des voies vers l'égalité linguistique. La reconnaissance par la
Cour d'appel de l'Ontario du droit pour la minorité à gérer
ses propres écoles en plus de créer un précédent de
taille, a redressé une injustice qui minait la survie de la minorité
francophone. Le jugement rendu par la Cour suprême dans l'affaire Forest
a corrigé la plus scandaleuse transgression constitutionnelle de notre
histoire.
- Les droits des minorités, comme je l'ai rappelé, ont acquis
une reconnaissance constitutionnelle sans précédent. La province
du Nouveau-Brunswick, ce premier territoire acadien, est officiellement
bilingue. Le Manitoba l'est officiellement redevenu. Vous conviendrez cependant
que le siècle perdu a changé la nature des choses pour la minorité
de cette province.
- De nombreuses lois provinciales ont élargi partout les structures,
les services et les investissements publics.
- Tout observateur un peu impartial reconnaîtra le changement de nature
qui s'est opéré au Canada dans les investissements publics pour
le développement des minorités, la consolidation et l'élargissement
aussi des services qui leur sont offerts. Entre 1970 et 1982, le gouvernement
du Canada a investi $1,8 milliard pour l'enseignement dans la langue des
minorités.
- Les technologies nouvelles ont été mises à contribution.
Elles rendront possibles des entreprises jusqu'ici bloquées, le nombre
étant insuffisant pour les justifier.
- L'intérêt pour la langue française continue à s'élargir.
À l'échelle du pays, le nombre d'inscriptions des jeunes anglophones
dans les écoles d'immersion était de150,000 pour l'année
1984-85.
Bref, la lutte constante des minorités, l'effort de modernisation du
Québec et le renouvellement de la politique fédérale depuis
vingt ans en matière des droits minoritaires n'ont pas été
vains. Des progrès ont été accomplis, des réseaux constitués,
des réflexes créés.
Voilà l'oeuvre qui doit être complétée là où
elle vit déjà, amorcée là où les résistances
n'ont pas encore été vaincues.
Telle est la tâche des prochaines années: parfaire et créer
les institutions de la francophonie canadienne hors Québec.
Même si cet actif n'est pas négligeable, le passif demeure lourd.
- La population francophone du Canada a connu une décroissance marquée
entre 1961 et 1981, de 28,1 % à 25,7%. Le pourcentage des francophones
qui abandonnent la langue française dans leur vie quotidienne a connu
une croissance inquiétante entre 1971 et 1981, de 29,6% à 32,8%.
- Trop souvent encore, nous sommes témoins de manifestations réprouvant
le droit des francophones à l'existence.
- La participation des francophones hors Québec aux études postsecondaires
est partout moins forte que celle des majorités au sein desquelles
elles vivent.
De la Nouvelle-Écosse à la ColombieBritannique, la carte de la
scolarisation des minorités francophones est désolante. Elle est
en fait une carte du sous-développement. Le retard est partout significatif,
partout révélateur aussi d'une disparité profonde et historique,
d'une discrimination systématique d'une ampleur considérable, force
de déclin et d'appauvrissement.
À l'exception de la province du NouveauBrunswick et de
quelques autres cas isolés dans les provinces de l'Ile-du-Prince-Edouard
et de la Nouvelle-Écosse, les institutions postsecondaires des minorités
francophones sont partout dominées par la majorité. Certes, des
progrès dans les textes juridiques et constitutionnels ont été
enregistrés ces dernières années. Mais ces progrès tardent
partout à se traduire dans des structures nouvelles et indispensables,
dans des mesures justes créant les conditions d'une autonomie financière,
culturelle et institutionnelle.
Ces structures nouvelles ne sont pas susceptibles à elles seules et
partout de faire la jonction entre la culture et la vie quotidienne, de créer
un niveau d'excellence, cet aimant indispensable pour attirer et retenir les
clientèles, de faire contrepoids à l'immense pression de la langue
et des sollicitations diverses en provenance de la force majoritaire. Si ces
structures surgissaient demain sur l'ensemble du territoire , et dans des
conditions favorables tant à l'est qu'à l'ouest, il nous faudrait
saluer un départ bien davantage qu'un point d'arrivée. Mais, malgré
ces réserves, les institutions scolaires constituent, à n'en point
douter, ce minimum indispensable dont le premier effet serait de libérer
les minorités d'une lutte séculaire, dont le coût est proprement
inestimable. Destinées par elles, dirigées par elles, ajustées
par elles, ces institutions seraient plus susceptibles de faire le plein des
jeunes générations, de stopper le décrochage chronique actuel,
de promouvoir le recyclage et de devenir des centres de formation permanente
dont les minorités ont un si évident besoin.
Mais le scolaire n'est pas à lui seul susceptible d'assurer le développement.
C'est bien dans le degré d'affinité entre le milieu scolaire et
la société ambiante que se dessine la différence entre la simple
survie et le développement. D'où la nécessaire complémentarité
entre le réseau scolaire et d'autres réseaux, sociaux, culturels
et économiques.
La province de l'Ontario se refuse toujours au bilinguisme officiel.
Tant de fois réprouvé à Ottawa et à Québec, ce refus
demeure l'un des pires obstacles au progrès réel et durable de la
francophonie canadienne.
J'ai cherché à établir un bilan qui soit près des réalités,
qui tienne compte de l'évolution réelle du pays.
Ce bilan vous est connu.
Il est insuffisant pour satisfaire aux impératifs du développement
économique des minorités, pour répondre à leurs droits
et par rapport aux exigences incompressibles de la dualité canadienne.
Mais comment parfaire et créer les institutions de la francophonie canadienne
hors Québec?
Est-ce là une tâche possible?
Est-ce là une tâche ajustée au possible historique?
L'évolution qui s'est produite au cours des vingt-cinq dernières
années justifie un optimisme limité. La force constitutionnelle,
l'évolution du statut des langues, les mouvements législatifs, les
investissements publics convergent. Cet ensemble d'éléments exprime
et consolide une direction qui a commencé à changer le destin des
minorités. La tâche doit être complétée.
Le pays pourrait-il revenir sur ces engagements? Pourrait-il devenir autre
chose que ce qu'il a commencé à être après tant de
décennies d'attente et de luttes si souvent perdues?
J'estime que le pays pourrait emprunter cette voie de la régression
et notamment à la faveur des questions soulevées par l'équilibre
des finances publiques. Il pourrait subtilement revenir sur ses engagements,
réduire ses investissements dans ce domaine et laisser se perdre les
acquis récents dans la longue durée.
Voilà où nous conduirait l'érosion de la volonté politique
au niveau du gouvernement fédéral quant à l'avenir des minorités
francophones du pays. Voilà où nous conduirait tout retard dans
la réconciliation qui s'impose entre le Québec et les minorités
francophones canadiennes.
Aucun scénario visant le développement des communautés francophones
hors Québec n'est pensable sans ces deux prérequis.
La question des minorités constitue, dans l'ensemble des problèmes
qui confrontent le gouvernement de la fédération, une question de
nature particulière puisqu'elle se situe dans ce domaine privilégié
que je nommerai le territoire intérieur du pays.
Ce territoire doit être revendiqué et défendu.
Certes, on peut imaginer des modèles différenciés de protection.
Mais aucun recul dans les engagements, aucune forme dissimulée de retrait
dans les investissements ne sauraient être tolérés. Si de tels
mouvements devaient se produire, nous devrions alors les combattre comme on
défend un territoire stratégique, pied à pied, quartier après
quartier.
Je pose, en second lieu, la réconciliation du Québec avec les minorités
francophones canadiennes comme tout à fait indispensable dans la conjoncture
présente.
Dans un monde où les frontières ont largement perdu leur signification,
dans un monde où la francophonie demeure un pari risqué, un pari
qui pourrait être perdu dans le premier siècle du prochain millénaire,
l'absence d'une politique québécoise des minorités francophones
canadiennes constitue une absurdité historique et un scandale politique.
Mis à part des accolades stratégiques, quelques programmes ponctuels
et des initiatives limitées prises par certaines institutions, Québec
n'a aucune politique cohérente et constante visant le soutien et le support
aux projets et aux institutions minoritaires.
Cette insensibilité est contraire aux traditions profondes du Québec,
contraire aussi à ses intérêts immédiats et à moyen
terme. Je ne trouve aucune justification à cette froide indifférence
pour cette francophonie immédiate, fragments dans de nombreux cas du
peuple québécois lui-même.
On nous dit que le Conseil des ministres du gouvernement québécois
serait saisi dans les prochains jours d'un tel projet politique. Nous l'accueillerons
et l'analyserons avec grand intérêt. Mais sera du domaine de l'inacceptable
tout projet dont la motivation serait de pallier à la mise à l'écart
de l'article 23 de la Loi constitutionnelle de 1982. La statégie serait
vraiment grosse. Personne ne devrait en être dupe. Toute politique québécoise
d'appui aux institutions minoritaires ne doit pas être dissociée
du maintien de l'article 23. Elle doit en être le complément.
À notre avis, une politique québécoise en ce domaine devrait
comprendre notamment:
- des formules d'accord avec les autres gouvernements, formules qui ne soient
pas dépendantes du concept de réciprocité. Ce concept et
la politique qu'il inspire doivent l'un et l'autre être relégués
aux oubliettes; à moins de consentir à pénaliser des victimes
innocentes, à moins de consentir au troc des droits des minorités.
Le progrès et l'évolution des sociétés ne s'accomplissent
pas de cette manière;
- les initiatives d'appui aux institutions postsecondaires des minorités
et particulièrement dans les domaines des technologies nouvelles et
des sciences de la santé;
- la définition d'un cadre de coopération pour les institutions
québécoises d'enseignement supérieur et leurs correspondants
dans les communautés francophones du pays;
- la création d'un institut québécois de recherche sur les
minorités francophones au Canada;
- des prévisions budgétaires pour permettre de mesurer le volume
et le rythme prévus de l'effort consenti.
Nous sommes réunis ici pour essayer d'imaginer l'avenir, pour réfléchir
à certains scénarios visant des formules d'aide aux communautés
francophones hors Québec et notamment dans le domaine de l'enseignement
postsecondaire.
S'il est vrai, comme l'ont démontré de nombreuses recherches, que
le niveau de scolarisation des francophones hors Québec est intimement
lié à l'accès aux études secondaires et postsecondaires
en français, la question qui nous rassemble vise donc le coeur des choses:
la survie même des minorités.
En guise de conclusion, je vous propose quelques pistes de réflexion
susceptibles de consolider et d'élargir ce qui existe déjà
et d'identifier des entreprises nécessaires et possibles.
Au plan politique, j'ai déjà signalé l'importance de la contribution
du gouvernement canadien et la nécessité d'une politique québécoise
de réconciliation et d'appui aux communautés francophones hors Québec.
Mais le développement de l'enseignement postsecondaire en français
hors Québec suppose aussi une volonté politique au niveau des gouvernements
provinciaux. Cette volonté politique doit se manifester notamment dans
les domaines suivants:
- renforcement dans chaque ministère de l'Éducation des structures
visant le service aux minorités francophones et réévaluation
du statut de ceux qui en sont responsables, là où cela s'impose.
À l'exception des provinces de l'Ontario et du Nouveau-Brunswick, et
dans ce dernier cas d'une manière partielle, la situation actuelle
apparaît partout insuffisante;
- la gestion des gouvernements scolaires locaux, l'obtention de budgets
de rattrapage et la mise en place de programmes d'action positive constituent
partout des priorités évidentes.
À l'est et à l'ouest, à Moncton et dans les institutions de
la grande région des Prairies, bien que les situations soient proprement
incomparables, l'obtention de budgets de rattrapage et la nécessité
de programmes d'action positive répondent l'une et l'autre à la
nécessité de combler des retards notoires. Ces derniers sont communs
et notamment dans les secteurs des sciences et des technologies, des sciences
de la santé et de l'administration.
Dans la province de l'Ontario, qui est à la fois la plus riche du pays
et celle qui compte la plus populeuse minorité francophone, un récent
diagnostic a fait apparaître de nouveau l'ampleur du problème que
pose le retard des francophones à l'accès aux études postsecondaires.
La Commission Bovey n'a pas cherché à dissimuler une situation
injuste et inacceptable. En effet, le taux d'inscription des FrancoOntariens
aux études universitaires est inférieur de plus de 50% au taux d'inscription
des autres Ontariens. La solution à ce problème, conclut le rapport,
requerra des investissements nouveaux et majeurs.
Au plan des institutions elles-mêmes, un fait domine, troublant et significatif.
Hors du Québec, il n'y a pas, à quelques exceptions près, de
très grandes institutions postsecondaires unilingues francophones.
L'Université de Moncton constitue un cas d'exception, d'où son
importance pour l'est du pays, les Acadiens et la francophonie canadienne
tout entière.
Mes amis Acadiens me permettront de citer ici l'un des chercheurs les plus
actifs de cette institution. Dans un document préparé pour ce colloque,
ce dernier rappelait l'immense fossé, à tous les points de vue:
équipements, recherche, faiblesse des infrastructures qui existe toujours
entre l'Université de Moncton et les autres établissements d'enseignement
supérieur anglophones de l'est du Canada.
L'expérience conduite en NouvelleÉcosse à la Pointe-de-l'Église
fait de l'Université Sainte-Anne une pièce indispensable dans le
réseau des institutions francophones hors Québec.
Au centre du pays, dans la province où nous sommes, il n'y a pas d'institution
d'enseignement postsecondaire unilingue française. Chacun de nous connaît
la situation qui prévaut à l'Université d'Ottawa et à
l'Université Laurentienne. Chacun de nous apprécie aussi à
sa juste valeur les efforts déployés et les résultats obtenus
par le Collège Glendon affilié à York University.
Ce n'est certes pas réduire arbitrairement l'ampleur du service historique
rendu à la francophonie canadienne et spécialement à la minorité
franco-ontarienne que de signaler la nécessité absolue de rééquilibrer,
dans le cas de l'université Laurentienne, de consolider dans le cas de
l'Université d'Ottawa, les rapports entre les deux composantes linguistiques.
De fixer aussi des critères qui assurent dans le long terme la viabilité
et le développement dans toutes les disciplines de cette dualité
affichée officiellement sur une réalité qui ne lui ressemble
pas.
Celui qui se scandaliserait de l'absence d'une grande institution universitaire
francophone dans la province la plus riche du Canada et où vit la plus
importante minorité francophone, serait-il si éloigné des exigences
canadiennes les plus pressantes?
Notre traversée du pays nous conduit dans cette grande région de
l'ouest. Certains affirment qu'elle doit être dotée, selon des modalités
particulières, d'un centre universitaire regroupant les services existants
et disposant de ressources pour développer de nouveaux programmes et
notamment dans des spécialités qui refléteraient les besoins
et les réalités de l'ouest du Canada. Ce projet est-il possible?
Est-il viable?
Ce qui précède fait apparaître une véritable situation
d'urgence. Si on croit vraiment à l'avenir de l'enseignement postsecondaire
en français hors Québec, on devra planifier son développement
et les investissements requis.
Les gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral devraient,
par l'intermédiaire du Conseil des ministres de l'Éducation ou tout
autre mécanisme approprié, formuler les objectifs et les modalités
d'application de l'entreprise pour les dix prochaines années. De plus,
une conférence publique annuelle devrait être convoquée pour
vérifier l'évolution des choses et poser les diagnostics et les
correctifs qui s'imposent. Autrement, celui qui dans dix ans établirait
le bilan que je viens de tracer, sera forcé de relater l'histoire d'une
régression.
Il faudrait une capacité d'ignorance exceptionnelle pour envisager les
tâches qui s'imposent avec une espérance qui ne soit pas troublée.
Il faudrait la même capacité pour croire avec la foi du charbonnier
que le temps, les ressources et la détermination convergeront finalement
pour enfin faire justice à des communautés humaines marquées
par des décennies de sous-développement, de privations cumulatives
et de discrimination violente.
Mais quelles sont donc les voies qui nous sont ouvertes à nous Franco-Canadiens
et qui ne s'accompagnent pas d'espérances troublées?
À l'échelle du pays et à celle de la francophonie mondiale,
le Québec partage votre destin, c'est-à-dire votre espérance
de durée dans l'histoire, votre recherche des moyens de préserver
et d'enrichir ce que vous êtes. Et votre échec pourrait bien déclencher
son propre déclin, sa lente absorption dans la marginalité.
Le financement de l'enseignement supérieur est complexe puisqu'il implique
les deux paliers majeurs de gouvernement au Canada. Il existe également,
outre les fonds habituels de fonctionnement des institutions, des crédits
additionnels dans des domaines comme le bilinguisme, des programmes spéciaux
(de mise en marché, par exemple)...
Sous forme de panel, trois intervenants sont appelés à présenter
leur vision de la situation. Chacun examine à sa façon des questions
du genre «quel contrôle peut exercer «l'autorité»
des institutions sur l'allocation des priorités budgétaires internes
par rapport aux décisions politiques?»; «quelle structure de
concertation faudrait-il envisager pour obtenir un plus grand développement
régional?»; «comment peut-on atteindre une maximisation de
l'aide gouvernementale?»
Madame Lise Brisson-Noreau, du Secrétariat d'État, présente
au nom de M. David Cameron, sous-secretaire d'État (Aide à l'éducation),
un résumé des différents moyens utilisés par le gouvernement
canadien pour aider à défrayer les coûts de l'enseignement
postsecondaire au pays. Elle souligne qu'il dépense plus de $5 milliards
annuellement et ne manque pas de noter l'importante contribution du rapport
Johnson qui devrait enrichir les discussions sur le financement de l'enseignement
postsecondaire.
Madame Roseann Runte, recteur de l'Université Sainte-Anne, en Nouvelle-Écosse,
se penche pour sa part sur les difficultés de joindre les deux bouts
avec les fonds disponibles à l'heure actuelle et souligne qu'il faut
être débrouillard pour être en même temps économe,
excellent, innovateur et minoritaire. Elle affirme que l'éducation est
le remède contre le sous-développement des francophones hors Québec.
Monsieur Claude Lacombe, agent des relations avec les universités au
ministère des Collèges et Universités de l'Ontario, prétend
qu'on a tort de croire que ce sont les autorités fédérales
qui subventionnent l'ensemble des activités des institutions postsecondaires.
Il signale que la notion du bilinguisme est beaucoup plus positive aujourd'hui,
même en Ontario.
Pour un financement optimal
par David R. Cameron (présenté par madame Lise Brisson-Noreau)
Introduction
La présente a pour but d'énoncer les différents moyens par
lesquels le gouvernement canadien aide financièrement les provinces à
défrayer les coûts de l'enseignement postsecondaire, et plus particulièrement
ceux de l'enseignement postsecondaire en langue française. Nul n'est
besoin de rappeler ici qu'il s'agit bien d'aider les provinces puisque ce
sont elles, en vertu de notre Constitution, qui sont responsables de l'éducation.
Par ailleurs, tout en vous faisant part des divers programmes d'aide financière,
je vous ferai part des initiatives du gouvernement canadien pour en arriver
à un financement optimal.
Au total, le gouvernement canadien dépense plus de 5 milliards de dollars
par année au titre de l'enseignement postsecondaire. Je m'attarderai
sur les principaux volets de cette aide, et sur le financement de base accordé
aux collèges et universités par l'intermédiaire des gouvernements
provinciaux, et les ententes fédérales-provinciales sur les langues
officielles dans l'enseignement.
En ce qui concerne le financement de base des collèges et universités,
c'est suite à la deuxième guerre mondiale que le gouvernement canadien
s'est mis véritablement à contribuer de façon significative
aux coûts de fonctionnement des collèges et universités au
Canada et ce, afin d'assurer un enseignement accessible et de qualité.
Les modalités de paiement ont évolué depuis ce temps: pendant
une vingtaine d'années, le gouvernement versait directement son aide
aux universités; puis, de 1967 à 1977, les contributions fédérales
furent versées aux gouvernements provinciaux en fonction des dépenses
de fonctionnement des établissements d'enseignement postsecondaire (universités,
collèges, et dernières années du secondaire dans certaines
provinces). Enfin, depuis 1977, c'est par le biais du financement des programmes
établis, regroupant l'enseignement postsecondaire, les soins médicaux
et l'assurancehospitalisation, aux termes de la Loi de 1977 sur les accords
fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces, et sur les
contributions fédérales en matière d'enseignement postsecondaire
et de santé, que l'aide financière est accordée. Quatre points
importants à retenir en ce qui concerne cette aide:
- elle se chiffre cette année à plus de 4,5 milliards de dollars
sous forme de transferts de points d'impôt et de paiements en espèces.
Elle représente le principal mécanisme par lequel le gouvernement
canadien appuie l'enseignement postsecondaire;
- elle est allouée uniquement sur la base de la population provinciale
(il s'agit d'un montant égal per capita pour toutes les provinces)
;
- elle est accordée de façon inconditionnelle - quoique le but
de ces contributions soit d'appuyer l'enseignement postsecondaire - il n'existe
aucune exigence légale liant les provinces à les utiliser à
cette fin;
- elle croît d'année en année au même rythme que l'économie,
c'est-à-dire que le facteur de progression est basé sur le produit
national brut (hormis les années d'application de la politique des
6 et 5% en 1983-1984 et 1984-1985) et l'évolution démographique.
Pour ce qui est de cette année financière, 1985-1986, l'augmentation
totale sera de 7,4%.
Il convient de noter que le niveau de cette aide n'est pas relié aux
subventions provinciales aux collèges et universités.
Il apparaît évident que la loi de 1977 permit au gouvernement canadien
de contrôler ses dépenses et de les planifier à long terme
tout en assurant l'autonomie des provinces et leur flexibilité en matière
d'enseignement postsecondaire. Le gouvernement dût perdre toutefois avec
cette loi le lien qui existait auparavant entre l'aide fédérale
et les coûts totaux entraînés par la prestation de l'enseignement
postsecondaire.
Où en sommes-nous aujourd'hui? Le Secrétaire d'État, l'honorable
Walter McLean, a déjà indiqué qu'il jugeait important de continuer
à aider les provinces à maintenir leurs réseaux respectifs
de collèges et d'universités et ce, pour le développement économique,
social et culturel du Canada. Toutefois, il croit qu'il y aurait lieu d'explorer
les moyens de rétablir un lien entre l'aide fédérale et les
subventions provinciales aux collèges et universités tout en respectant
la compétence provinciale en matière d'éducation. Également,
M. McLean a communiqué sa volonté de doter la recherche universitaire
de mécanismes d'appui adéquats, et son désir qu'on le conseille
sur les façons dont le gouvernement canadien pourrait contribuer à
la fondation et au développement de centres d'excellence qui seraient
rattachés à nos universités.
1) le rapport johnson et la situation actuelle
Dans ce contexte, et en vue de nourrir les discussions sur ces questions,
M. McLean a déposé, il y a près de deux mois, le 14 mars dernier,
à la Chambre des communes, le rapport d'un consultant indépendant,
M. Al Johnson, intitulé «Pour une meilleure orientation du financement
de l'enseignement postsecondaire et de la recherche par le gouvernement du
Canada».
Dans son rapport, M. Johnson analyse les problèmes de notre système
postsecondaire et comment ceux-ci sont reliés aux modalités de subventions
actuelles. En particulier, il note à l'échelle nationale, l'écart
de 2% en moyenne, au fil des ans depuis 1977, entre le taux d'augmentation
des transferts fiscaux au titre de l'enseignement postsecondaire et le taux
de croissance des subventions provinciales aux universités et collèges,
et la proportion croissante de la partie fédérale des subventions
provinciales aux institutions postsecondaires (elle serait passée de
69% en 1977-1978 à 80% en 1984-1985 tandis que la «portion purement
provinciale» aurait baissé de 31% à 20% en moyenne).
M. Johnson recommande dans son rapport que le taux d'augmentation des transferts
fiscaux et celui des subventions provinciales soient harmonisés. Plus
précisément, il recommande que le gouvernement fédéral
respecte «les priorités des provinces en matière d'enseignement
postsecondaire en augmentant ses transferts fiscaux en fonction du taux d'augmentation
des subventions de la province aux universités et collèges jusqu'à
concurrence des taux de croissance du PNB». L'autre volet principal de
son rapport touche à la recherche subventionnée et les centres d'excellence.
Il recommande une réaffectation de fonds en vue d'accorder des crédits
supplémentaires aux conseils de recherche pour leur permettre de financer
les coûts indirects de la recherche qu'ils subventionnent. En ce qui
concerne les centres d'excellence, il recommande la formation d'un comité
d'élites chargé de proposer au gouvernement un mécanisme pour
le financement d'un certain nombre sélectionné de centres d'excellence
de classe internationale.
Il convient que je souligne ici que le rapport représente les vues personnelles
de M. Johnson communiquées au Secrétaire d'État. M. McLean,
en rendant public le rapport Johnson, a annoncé son ferme souhait que
le rapport enrichisse les discussions déjà entamées sur le
financement de l'enseignement postsecondaire tant entre les gouvernements
fédéral et provinciaux que dans les établissements d'enseignement,
chez les étudiants, les groupes intéressés et le public en
général.
2) le processus permanent de consultation
Le Secrétaire d'État attache une grande importance au processus
de consultation pour en arriver à de meilleurs arrangements pour le financement
de l'enseignement postsecondaire, pour en arriver, en quelque sorte, à
«un financement optimal». Ainsi, M. McLean a déjà rencontré
à deux reprises le Conseil des ministres de l'Éducation (Canada)
depuis cet automne et une troisième rencontre est prévue pour la
fin de ce mois. Également, M. McLean prend connaissance des points de
vue que lui communiquent les représentants des universités et des
collèges, les divers groupes intéressés et le grand public.
Vous m'excuserez de m'être tant attardé sur le financement de base
accordé par le gouvernement canadien mais il représente à lui
seul plus de 80% de l'aide fédérale au titre de l'enseignement postsecondaire
et il constitue, par conséquent, le principal mécanisme d'appui
fédéral à nos collèges et universités, tant de langue
française que de langue anglaise.
Ceci étant dit, l'enseignement en langue française bénéficie
d'une source additionnelle de revenu du gouvernement canadien, modeste, soit,
mais non négligeable, celle provenant des ententes fédérales-provinciales
sur les langues officielles dans l'enseignement.
Depuis 1970, suite aux recommandations sur l'éducation de la Commission
royale d'enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme, le gouvernement
fédéral aide les provinces à offrir l'enseignement dans la
langue de la minorité officielle et celui de langue seconde officielle.
De 1970-1971 à 1982-1983, l'aide fédérale s'est chiffrée
à 1,8 milliard de dollars.
Comme vous le savez sans doute, pour remplacer les anciennes ententes, en
décembre 1983, le Secrétaire d'État signait avec le président
du Conseil des ministres de l'Education (Canada) un nouveau protocole d'ententes
relatives à l'enseignement dans la langue de la minorité et à
l'enseignement de la langue seconde.
Ce protocole, d'une durée initiale de trois ans (de 1983-1984 à
1985-1986), s'est vu allouer le budget suivant:
190M$ pour la première année;
200M$ et 210M$ pour les deux années subséquentes
Le Secrétaire d'État, je suis heureux de pouvoir vous l'annoncer,
vient d'informer ses collègues provinciaux que le Cabinet a autorisé
une prolongation de deux ans (soit 19861987 et 1987-1988) du protocole et
que le budget a été augmenté de 3%.
Cette prolongation permettra d'assurer une plus grande stabilité aux
programmes et rendra possible une planification à plus long terme et
ce, autant de la part des provinces et des territoires que de la part du fédéral.
3) le «fonctionnement» du nouveau protocole
Le protocole constitue un cadre général à l'intérieur
duquel se négocie une entente bilatérale avec chaque province et
territoire. Une aide financière est prévue pour les catégories
de dépenses suivantes: infrastructure, élaboration et développement
de programmes, formation et perfectionnement des enseignants et appui aux
étudiants.
D'abord, dans la catégorie «Appui à l'infrastructure»,
une contribution minimum est accordée au titre de programme et activités
en cours sous forme de paiements calculés en fonction du nombre d'étudiants
inscrits à un programme d'enseignement dans la langue de la minorité
ou d'enseignement de la langue seconde.
À l'intérieur de cette catégorie, une contribution est accordée
aux provinces pour les institutions postsecondaires bilingues ou qui offrent
un enseignement dans la langue de la minorité (anglais au Québec
et français dans les autres provinces). Cette aide est calculée
en fonction de la subvention de fonctionnement accordée à ces établissements
par les provinces. Vous serez intéressés de savoir que, pour 1984-1985,
sur une somme totale de 157M$ versée à l'infrastructure, un montant
de 29,3M$ a été accordé à ces différentes institutions
postsecondaires au Canada (voir tableau en annexe). De plus, dans certaines
provinces, suite à des ententes particulières entre les deux paliers
de gouvernement, une part plus grande de nos contributions à ces provinces
est allée au niveau postsecondaire, et ce, en fonction des coûts
supplémentaires démontrés par les provinces. C'est le cas du
Nouveau-Brunswick où un montant supplémentaire d'environ 8M$ a été
consacré au postsecondaire et du Manitoba où 546000$ de plus a été
versé aux institutions postsecondaires.
Dans la catégorie «Élaboration et développement de programmes»,
une aide financière est accordée pour l'expansion de programmes
en cours et le développement et la mise en oeuvre de nouveaux programmes.
Sous cette catégorie, il appartient à chaque province et territoire
de soumettre au gouvernement fédéral, pour approbation, les projets
qu'il entend privilégier. Ces projets sont généralement financés
à 50% par le fédéral, la province ou l'institution assurant
l'autre partie du financement. Plusieurs projets et activités soumis
chaque année touchent le niveau postsecondaire. Ainsi, en 1984-1985,
un montant de 23M$ a été consacré à cette catégorie
et de ce montant, 6,2M$ ont servi à financer des projets touchant le
postsecondaire. À titre d'exemples, j'aimerais mentionner quelques projets
importants: les programmes d'éducation permanente à la Faculté
Saint-Jean, le programme d'administration publique à l'Université
de Moncton, celui d'administration des affaires à l'Université Sainte-Anne,
des cours en informatique au Collège communautaire de Saint-Boniface,
de même que la mise sur pied de plusieurs nouveaux cours dans les institutions
de l'Ontario. Vous trouverez en annexe une liste plus détaillée
de ces projets.
J'aimerais souligner que, à l'intérieur de cette catégorie,
nous privilégions les projets ponctuels qui ont une durée limitée.
Le financement accordé ici est complémentaire à celui accordé
sous l'infrastructure et par le financement des programmes établis qui
visent, eux, le soutien des programmes et activités en cours.
Sous la catégorie «Formation et perfectionnement des enseignants»,
des bourses individuelles sont accordées par les autorités provinciales
et territoriales pour des ateliers et des stages de formation s'adressant
à des professeurs de langue officielle.
Finalement, sous «l'Appui aux étudiants», des bourses sont
accordées à des étudiants de niveau postsecondaire, soit pour
leur permettre d'étudier dans leur langue maternelle, soit pour leur
permettre d'étudier dans leur langue seconde. Ces bourses, tout comme
celles accordées aux enseignants, sont payées à 100% par le
gouvernement fédéral.
Quelques chiffres pour illustrer. En 19841985, une somme totale de 8M$ a
permis d'accorder:
4 481 bourses pour les enseignants; 3 065 bourses à des étudiants
de niveau postsecondaire pour leur permettre de poursuivre leurs études
dans leur langue maternelle et 772 bourses pour la langue seconde; 110 allocations
de déplacement ont été données à des étudiants
de niveau postsecondaire pour leur permettre de défrayer le coût
d'un voyage entre leur domicile et l'institution où ils peuvent poursuivre
leurs études dans leur langue maternelle.
Le protocole prévoit également le financement à 100% par le
gouvernement fédéral de deux programmes nationaux que les provinces
administrent en collaboration avec le Conseil des ministres de l'Éducation
(Canada). Il s'agit des programmes de bourses de cours d'été de
langues et de celui de moniteurs de langues officielles.
Dans le premier cas, on permet à chaque été à environ
7 000 étudiants de niveau postsecondaire de suivre, à travers le
Canada, des stages d'immersion de six semaines dans leur langue seconde officielle.
Également, des jeunes francophones de l'extérieur du Québec
peuvent participer à des stages leur permettant d'approfondir leurs connaissances
de leur langue maternelle. Budget 1985-1986: 9508409$.
Dans le cadre du programme de moniteurs, plus de 1 000 étudiants de
niveau postsecondaire aident tous les ans, tout en poursuivant leurs études,
des professeurs d'anglais, langue seconde ou de français, langue première
et seconde, à tous les paliers du système scolaire. Le programme
prévoit également un certain nombre de postes de moniteurs à
temps plein affectés dans des régions rurales ou semi-urbaines.
Budget 1985-1986: 6153600$.
Compte tenu du titre de notre atelier, Pour un financement optimal,
je me permettrai de partager avec vous quelques-unes des améliorations
les plus marquantes du protocole et des ententes bilatérales par rapport
aux ententes précédentes:
- en vertu des nouvelles ententes, d'énormes gains ont été
réalisés en ce qui concerne l'imputabilité des contributions
fédérales. Le gouvernement fédéral avait en effet été
énormément critiqué au cours des ententes précédentes
par de nombreux députés et groupes, tels la F.F.H.Q. et ses chapitres
provinciaux, pour la manque d'imputabilité des contributions qui étaient
alors versées. Selon les nouvelles ententes, le gouvernement canadien
et les gouvernements provinciaux se sont entendus sur des dispositions visant
une meilleure imputabilité. Notamment, les provinces ont accepté
de fournir des informations sur les contributions qui leur sont octroyées;
- à présent, les contributions fédérales sont identifiées
selon qu'elles sont accordées au titre de l'enseignement dans la langue
de la minorité ou celui de la langue seconde. L'immersion et l'enseignement
en français, langue première constituent deux composantes distinctes.
Cela aussi était un changement souhaité par le public concerné;
- le texte du protocole des ententes bilatérales et des mises à
jour annuelles sont à la disposition du public. Tous et toutes ont
ainsi la possibilité de contester/revendiquer à partir de données
concrètes.
Je pourrais également citer la redistribution des fonds vers les provinces
ayant le plus grand besoin de développement suite à l'utilisation
de contributions moyennes nationales par étudiant et un certain décalage
des fonds au profit du développement de nouveaux programmes par rapport
au maintien de programmes, et le fait que, ces dernières années,
certains projets pilotes desservant la minorité francophone ont acquis
un statut permanent. De plus, dans le cadre des nouvelles ententes, le Secrétaire
d'État, ayant invité les provinces à soumettre des projets
visant tout particulièrement l'institutionnalisation des services d'enseignement
en français hors Québec à tous les niveaux, y compris le postsecondaire
et l'éducation permanente, a accordé des fonds supplémentaires
au titre de nombreux projets ayant cet objectif.
Je vous fais part de ces améliorations car elles reflètent notre
souci constant d'aller vers un financement optimal. Également, elles
témoignent de l'importance des efforts de groupes intéressés
qui ont su nous montrer là où des améliorations étaient
désirables. Ce travail doit continuer car on peut toujours mieux faire,
il y a toujours quelque chose à améliorer.
Ainsi, par exemple et pour lancer le débat, voici quelques questions
que nous pouvons nous poser:
- l'importance relative à accorder au maintien des programmes en comparaison
de celle accordée au développement;
- les bourses aux étudiants pourraient-elles être utilisées
d'une autre façon?;
- le dédoublement de services dans certains domaines par rapport à
la spécialisation;
- y aurait-il lieu de favoriser encore davantage la concertation entre les
établissements francophones?;
- l'enseignement à distance devrait-il être exploité davantage
comme moyen d'enseignement?;
- les nouvelles technologies sont-elles utilisées suffisamment?
4 d'autres mécanismes
Vous ayant décrit les deux principaux mécanismes par lesquels l'enseignement
postsecondaire en français se trouve appuyé financièrement
par le gouvernement canadien, j'aimerais brièvement citer les autres
mécanismes d'appui possibles.
- Le programme de perfectionnement linguistique, complément en quelque
sorte des ententes fédérales-provinciales sur les langues officielles
dans l'enseignement, avec son budget de 893 000 $ pour 1985-1986, permet
d'accorder de l'aide financière à des associations ou des institutions
pour des projets d'envergure nationale touchant la collecte et la diffusion
d'information ou le développement des méthodes d'enseignement
des langues officielles. Un bel exemple de projet financé dans le cadre
de ce programme: le présent colloque. Un autre projet important avec
lequel nous avons été associés: le projet de diffusion de
cours par télé-conférence, mené par l'Université
d'Ottawa, qui a permis à l'Université Ste-Anne, l'Université
de Moncton, le Collège universitaire de St-Boniface et la Faculté
St-Jean de recevoir en même temps des cours diffusés de l'Université
d'Ottawa. Un cours a également été diffusé de l'Université
de Moncton.
- Le programme de communautés de langue officielle que beaucoup d'entre
vous connaissent et qui, avec son budget annuel de l'ordre de 25M$, a pour
but d'aider les minorités de langue officielle à maintenir leur
langue et leur culture dans tous les domaines de la vie, y compris l'éducation.
- Le programme d'études canadiennes, dont le budget est de 3,7M$ par
année, vise à encourager les Canadiens à mieux connaître
leur pays, grâce à des projets et activités mis sur pied
par des associations nationales, des groupes du secteur privé (organismes
non gouvernementaux, institutions et entreprises),
ainsi que par des particuliers. Quelques projets au niveau postsecondaire
qui ont été financés: le Centre de recherche en civilisation
canadienne-française à l'Université d'Ottawa a reçu une
subvention de 131 000$ pour compléter le manuscrit du «Dictionnaire
de l'Amérique française»; le Centre d'études sur les langues,
les arts et les traditions populaires des francophones en Amérique du
Nord de l'Université Laval a reçu une contribution pour la production
d'un volume intitulé «Quatre siècles d'identité canadienne»
destiné à l'enseignement postsecondaire.
- Plus de 500M$ sont accordés à la recherche dans nos universités
de langue anglaise et française à travers le pays par le biais
des conseils nationaux de recherche.
- Enfin, le programme national de prêts aux étudiants, dont le
budget s'élève à plus de 260M$ cette année, facilite
l'accès aux études postsecondaires et accorde aux étudiants
une plus grande latitude dans le choix d'un établissement d'enseignement
au Canada, peu importe où il se trouve. À noter que le Québec
ne participe pas à ce programme mais reçoit, à titre de compensation,
des paiements de remplacement pour administrer son propre programme de prêts.
Conclusion
Les mécanismes d'aide sont ainsi bien nombreux. Nous nous trouvons dans
une période de remise en question, de recherche pour un financement optimal
aussi bien pour ce qui est du financement de base accordé aux provinces
pour les universités et les collèges, que du financement de la recherche
et de centres d'excellence, et du financement des programmes de langues officielles
dans l'enseignement pour ne citer que quelques exemples. Nous accueillons
toute suggestion en vue d'améliorer les mécanismes actuels et le
cas échéant, d'en élaborer des nouveaux.
Langues officielles dans l'enseignement 1984-1985
Exemples de projets spécifiques financés au niveau postsecondaire
Nouvelle-Écosse
|
Université Sainte-Anne:
|
-Laboratoire de phonétique
|
27500$
|
-Nouvelles acquisitions pour la mise à jour du matériel de
la bibliothèque
|
30000$
|
-Introduction de nouvelles techniques en éducation
|
30800$
|
-Programme en informatique des affaires
|
44000$
|
-Implantation de la dernière année du baccalauréat en
administration
|
40225$
|
-Théâtre/Centre culturel
|
400000$
|
Nouveau-Brunswick
|
Ministère des Collèges communautaires
|
-Planification et coordination de programmes et d'opérations
|
283645$
|
-Mise en place de l'infrastructure administrative
|
39005$
|
Collèges communautaires du NouveauBrunswick, Campus de Bathurst:
|
|
-Développement du Campus de Bathurst
|
794957$
|
Collèges communautaires du NouveauBrunswick, Campus du Sud-Est:
|
|
-Mise sur pied d'un campus dans la région de Moncton
|
862716$
|
Université de Moncton:
|
-Mise sur pied d'un programme de baccalauréat en sciences forestières
|
324000$
|
-Développement du programme d'administration publique
|
330654$
|
Université de Moncton, Campus de Shippagan:
|
-Construction d'une résidence
|
297500$
|
-Expansion de la cafétéria
|
50000$
|
Ontario
|
Collège Algonquin, Canadore, Cambrian, Northern et Niagara:
|
-Élaboration de matériel d'apprentissage en français
|
58828$
|
-Élaboration de nouveaux cours et services en français
|
127000$
|
Université d'Ottawa, Université Laurentienne, Collège
de Hearst, Université York (le Collège Glendon), Université
de Sudbury et Université St-Paul: -Élaboration de nouveaux
cours en français
|
384000$
|
Cours donnés en français dans 15 collèges d'arts appliqués
et de technologie
|
242293$
|
Manitoba
|
Collège commmunautaire de Saint-Boniface:
|
-Cours d'éducation aux adultes
|
120180$
|
Saskatchewan
Université de Regina: -Élaboration d'un programme menant
à l'obtention d'un diplôme d'enseignement en français
|
100000$
|
Alberta
|
Université de l'Alberta, Faculté Saint-Jean:
|
-Service de référence à la bibliothèque
|
36820$
|
-École d'éducation permanente
|
206000$
|
Colombie-Britannique:
|
Université Simon Fraser:
|
-Élargissement de la formation dispensée aux professeurs
du programme-cadre et des programmes d'immersion en français
|
131980$
|
-Utilisation d'ordinateurs dans le cadre du programme de formation
des professeurs
|
60000$
|
Université de la Colombie-Britannique: -Élargissement de
la formation dispensée aux professeurs du programme-cadre et des
programmes d'immersion en français
|
16593$
|
Langues officielles dans l'enseignement 1984-1985
Contributions de soutien aux institutions postsecondaires francophones ou
bilingues
|
Montant accordé
|
|
Montant
accordé
|
Nouvelle-Écosse
|
-Université d'Ottawa
|
2182 344$
|
-Université Sainte-Anne
|
110121$
|
-York University
|
53 661$
|
Nouveau-Brunswick
|
|
-Collège Dominicain de
Philosophie et Théologie
|
5134$
|
-Université de Moncton
|
1578 673$
|
École de foresterie des Maritimes
|
10159$
|
-Collège Algonquin
|
472731$
|
-Collège Cambrian
|
168 675$
|
Collèges communautaires
|
-Collège Niagara
|
17 621$
|
-Campus d'Edmunston
|
89864$
|
-Collège Northern
|
61822$
|
-Campus de Grand Falls
|
39 659$
|
-Collège St. Lawrence
|
30 308$
|
-Campus de Bathurst
|
290 597$
|
-Collège de Tech. Agricole
d'Alfred
|
94432$
|
-Campus de Campbellton
|
64436$
|
-Campus du Sud-Est Québec
|
8 659$
|
-Collège Canadore
|
26 683 $
|
Manitoba
|
Bishop University
|
378188$
|
-Collège Saint-Boniface
|
149 327$
|
-McGill University
|
7 390 334$
|
Saskatchewan
|
-Concordia University
|
5 350 834$
|
-University of Regina
|
22 048$
|
-CEGEP
|
10309480$
|
Alberta
|
Ontario
|
Faculté St-Jean
|
116083$
|
-Laurentien University
|
224 693$
|
|
|
-Collège de Hearst
|
32 872$
|
Total
|
29 329269$
|
La recherche de l'excellence
par Roseann Runte
Introduction
Ceux d'entre vous qui me connaissent, ont sans doute trouvé, comme moi,
extraordinaire de voir mon nom au programme de cet atelier. J'ai plutôt
l'âme d'une poète et l'entraînement d'une littéraire,
d'une historienne. Et comme je vous adresse la parole à l'heure de la
messe dominicale, il semblerait plus séant de vous entretenir d'un sujet
qui se prête plus à des pensées sinon pieuses, du moins plus
philosophiques que les finances ou notre manque de finances.
Mais les organisateurs du colloque avaient sans doute une raison pour avoir
mis mon nom dans cette section. Peut-être ont-ils entendu dire que l'Université
Sainte-Anne et son recteur ont connu quelques succès en ramassant des
fonds capitaux? Je n'ai fait que mon devoir, mais ce n'était pas facile.
Heureusement que la poésie et l'histoire m'ont appuyée. Pourquoi
la poésie? À part la rime riche, il y a toujours l'inspiration.
Et l'histoire? Il y a deux ans, j'ai édité avec une étudiante
quelques manuscrits datant des années 1680 à 1700. Leurs auteurs,
vos arrière-grand-pères, furent parmi les premiers colons canadiens.
L'un d'eux, un simple soldat, écrivait son exaspération contre son
sergent qui l'avait obligé à marcher derrière le wagon qui
portait des barils de clous, à ramasser les clous qui s'échappaient
et à compter tous les clous à la fin de la journée. Et ce,
à cause de la pénurie, non seulement de clous, mais d'à peu
près tout dans cette colonie. Lire de pareils textes fut un bon entraînement
pour le rectorat. Car pénurie il y a! Si nous arrivons à la fin
de l'année sans que les comptes financiers soient barbouillés d'encre
rouge, c'est que les Acadiens sont débrouillards et qu'à la Pointe-de-l'Église,
nous n'avons pas l'habitude de mettre beaucoup de lard dans notre râpure.
1) le systeme de financement
Dans un passé plus récent, on a beaucoup parlé du financement
des universités, une responsabilité provinciale à laquelle
le gouvernement fédéral contribue. La forme que pourrait prendre
cette contribution a été beaucoup discutée. Une proposition
préconisait l'aide directe aux étudiants et aux étudiantes.
Ce système de financement n'aiderait pas les petites universités
francophones hors Québec et pourrait même nous conduire à fermer
nos portes.
L'idée, plus récente, de créer des centres d'excellence est
meilleure. C'est une excellente stratégie nationale qui contribuera à
l'élimination de la duplication inutile, de l'éparpillement et de
la dilution de nos talents et de nos ressources. Mais est-ce que nous, les
universités francophones - petites, pauvres, en état de pénurie
- pouvons nous qualifier pour de tels centres d'excellence? Nous rêvons
tous que oui. Mais je pense que l'argent ainsi dirigé ira à Toronto,
à Laval, à l'Université de la Colombie-Britannique, à
McGill. L'excellence entraîne l'excellence.
À titre d'exemple, n'oubliez pas qu'avant d'avoir un excellent programme
en informatique qui pourrait se qualifier et obtenir des fonds additionnels,
il faut acheter l'ordinateur! Et cette année, à l'Université
SainteAnne, nous avons le même ordinateur dont se servent les grandes
universités anglophones de l'est. Cette année. L'année prochaine,
ce ne sera plus vrai. Les universités anglophones auront acheté
un super-ordinateur. L'université francophone retournera au Moyen Age
électronique. Mais, me direz-vous, nous pouvons être excellents
en linguistique, en langues, en lettres. Je vous réponds que ces domaines
ne reçoivent pas autant de fonds que d'autres. Et, est-ce que nous allons
faire progresser la francophonie avec des centres d'excellence dans les domaines
scientifiques et techniques de l'avenir principalement anglophones?
Le programme d'aide aux petites universités protégera quelque peu
les petites universités francophones, mais il va peut-être falloir
augmenter le programme d'appui financier aux universités de langue minoritaire.
J'aimerais vous inviter à faire le budget général d'une université
avec moi. Le problème est évidemment celui des fonds. Il n'y a que
deux solutions: diminuer les dépenses ou augmenter les revenus.
Il est difficile de diminuer les dépenses. À peu près 75%
du budget est consacré aux salaires et pour garder notre personnel, il
faut augmenter les salaires. L'université paie en général moins
bien que l'entreprise privée. Le chauffage et l'éclairage coûtent
plus cher chaque année. Le prix du matériel ne diminue pas et nous
ne pouvons pas beaucoup épargner en comptant des clous! Les universités
pourraient baisser les intérêts qu'elles paient si elles avaient
l'argent pour acquitter des dettes. Enfin, et plusieurs personnes l'ont déjà
mentionné, gérer une institution de langue minoritaire coûte
plus cher.
Nous pouvons essayer d'augmenter les revenus. En augmentant les frais de
scolarité, nous risquons de perdre des étudiants. Il faut aussi
reconnaître que les frais de scolarité représentent moins de
15% des revenus de l'université, donc une très petite somme. L'université
peut essayer de faire payer les services qu'elle rend à la communauté
et les installations qu'elle lui offre: la piscine, la patinoire, le gymnase,
etc. Si elle essaie de faire payer les services de consultation, par exemple,
les employés qui rendent ces services réclament cet argent pour
le consultant qui est en général syndiqué. Si l'université
essaie de gagner de l'argent avec la location de ses installations, le public
proteste en disant que ces installations n'existent que grâce aux impôts
qu'il a payés. Il ne veut pas y contribuer une deuxième fois, même
si ce n'est que pour maintenir l'édifice. Il faut évidemment essayer
de changer cette attitude. Le public ne semble pas exiger que le prix de l'acier
de Sydney Steel soit baissé parce que cette compagnie a reçu de
l'aide du gouvernement.
Les universités peuvent chercher des dons des compagnies, des fondations
et des individus. Ces dons sont en général, et malheureusement,
désignés pour des buts spécifiques et limités. Le recteur
peut aller chercher de l'équipement pour le département des sciences
et revenir avec du goudron. C'est très bien et tout est utile. Mais le
don ne peut pas constituer la base du budget.
L'université peut négocier des contrats avec le gouvernement ou
des corporations tout en tenant compte de sa taille, de sa capacité et
de sa vocation linguistique minoritaire qui peut la désavantager.
L'université peut essayer de bien placer son argent en augmentant le
taux d'intérêt reçu. Mais il faut d'abord avoir de l'argent
à placer.
Il y a enfin la créativité budgétaire. On peut essayer de
trouver une nouvelle manière de compter des clous. Si l'on a des rochers
dans le jardin et on n'a pas assez d'argent pour les faire sauter à la
dynamite ou pour les faire enterrer, on peut toujours créer un jardin
japonais. Mais le nombre de jardins japonais dont on peut se servir est limité!
Il y a enfin l'argent qui nous est accordé par le gouvernement, envers
lequel nous sommes très reconnaissants et sans lequel nous ne pourrions
survivre.
Parmi les programmes du Secrétariat d'État, j'aimerais que l'on
développe un programme de bourses d'échange pour étudiants
et pour professeurs. Il est plus facile actuellement d'aller en Europe ou
au Québec que d'échanger avec d'autres régions francophones
minoritaires. Un tel programme ne coûterait pas cher car les participants
pourraient garder les mêmes frais et les mêmes salaires que dans
leurs institutions d'origine. Il faudrait trouver seulement les frais de déplacement
et d'organisation. Les programmes d'échange aident à combattre les
distances et les différences qui nous séparent au Canada.
J'aimerais également voir un programme pour le développement du
personnel des petites universités francophones qui sont isolées
et qui ont proportionnellement moins de professeurs qui détiennent le
doctorat que les universités de langue majoritaire. Il faut encourager
le corps professoral dans ces institutions à augmenter ses qualifications,
à viser l'excellence.
J'aimerais remercier le Secrétaire d'État pour le programme des
projets spéciaux. S'il m'était permis de rêver un petit peu,
pas en couleur, mais en noir et blanc, j'admettrais au programme des projets
très spéciaux d'une durée de plus de trois ans. Il y a certains
projets qui ne s'autofinanceront jamais et qui seront toujours d'une grande
importance pour l'éducation postsecondaire en français.
Les publications en traduction et en pédagogie relèvent actuellement
de deux programmes du CRSH et du Conseil des Arts. Les projets dans ces domaines
sont d'un grand intérêt pour les universités francophones hors
Québec et nous aimerions voir s'établir un fonds de publication
à cette fin.
Nous aimerions également un programme qui admettrait les frais d'amélioration
de l'équipement, des livres et des revues à la bibliothèque.
Mais si nous voulons que le gouvernement établisse des programmes qui
favorisent nos institutions, il faudrait que nous les appuyions nous-mêmes.
Si nous voulons élever le taux de participation universitaire des francophones,
nous devrons leur offrir de meilleures bourses. Si chaque Acadien de la Nouvelle-Écosse
donnait 100$ à un fonds de bourse, nous n'aurions pas besoin de demander
plus - les revenus paieraient la scolarité de chaque Acadien inscrit
à l'Université Sainte-Anne.
C'est un défi, un défi qui pourrait se répéter dans chaque
province du pays. Nous avons reçu de l'aide de l'Église, du gouvernement
et de nos voisins anglophones. Avant de nous tourner ailleurs, je crois qu'il
nous incombe d'appuyer nos institutions nousmêmes. Et je sais que vous
y croyez aussi.
Aujourd'hui, on nous dit que les francophones sont sous-développés
dans le domaine de l'éducation postsecondaire. Cela n'a pas toujours
été le cas. Au dix-huitième siècle, le taux de la population
qui pouvait lire et écrire en Acadie était plus élevé
que celui de toutes les provinces françaises de France. Et en Nouvelle-Écosse,
il y eut non seulement un collège pour garçons, mais également
un collège pour femmes. Ces collèges étaient fondés bien
avant l'Université Harvard et ils se sont épanouis, comme l'Université
Sainte-Anne, établie un peu plus tard, en dépit de la loi provinciale
qui interdisait toute instruction dans une langue autre que l'anglais. L'éducation
postsecondaire en français au Canada a une longue et difficilemais très
belle histoire. Il nous incombe de contribuer d'abord à son présent,
pour assurer ensuite son avenir.
Il y a deux siècles, Diderot écrivait un essai sur les femmes qui
n'étaient pas encore libérées à l'époque. Il affirmait
que l'unique voie à suivre pour obtenir leurs droits était celle
de l'éducation. Il ajoutait que l'éducation est la clé à
la liberté et à la pleine participation à la société.
Ce que Diderot a dit des femmes s'applique aux francophones hors Québec.
Je crois fermement que l'éducation est le remède contre le sous-développement
des francophones hors Québec. Notre investissement dans l'éducation,
dans la jeunesse, est notre contribution à un meilleur avenir pour nous
tous.
Les provinces font aussi leur part
par Claude Lacombe
Introduction
Cette présentation décrit le cadre institutionnel ontarien pour
l'enseignement postsecondaire, ainsi que les méthodes de financement,
l'environnement politique, social et administratif actuel. Je conclurai avec
quelques réflexions personnelles sur l'avenir, ses défis et ses
possibilités.
1- le cadre institutionnel
En Ontario, il existe, pour les francophones, deux universités (Laurentienne,
Ottawa), deux collèges universitaires (Hearst, Clendon), six collèges
d'art appliqués et de technologie (Algonquin, Cambrian, Canadore, Niagara,
Northern, St-Laurent).
La philosophie du gouvernement ontarien a toujours été d'offrir
l'éducation en français dans un cadre institutionnel bilingue, bien
que certains programmes soient offerts complètement en français.
Le financement des opérations vient en majeure partie du gouvernement
(80% ou plus). Nous connaissons tous le débat actuel sur la participation
du fédéral aux programmes établis, d'ailleurs actuellement
en révision. En Ontario, notons que les fonds disponibles sont distribués
avec l'aide des conseils consultatifs (Conseil des affaires universitaires
de l'Ontario - OCUA, et Conseil de l'éducation franco-ontarienne - CEFO).
Il existe évidemment une différence entre les méthodes de
financement des universités et des collèges. Les principes de base
sont similaires cependant. La formule générale est basée sur
les inscriptions des années précédentes. Nous établissons
également une moyenne pour amortir les variations annuelles. Nous avions
développé jadis une formule encourageant la compétition interinstitutionnelle,
afin d'accroître les inscriptions.
Une modification récente de la formule tend d'ailleurs à décourager
cette compétition qui, dans une situation de contraintes budgétaires,
affecte la qualité de l'enseignement. Les institutions reçoivent
le financement de base et des subventions additionnelles en reconnaissance
des coûts créés par la politique de bilinguisme institutionnel.
Les programmes peuvent être offerts, en parallèle dans chaque langue,
ou dans un cadre bilingue (seuls certains cours étant offerts en français).
En ce qui a trait aux universités, le calcul des coûts additionnels
est fait par l'OCUA périodiquement (5-6 ans) sur la base des dépenses
réelles au cours des années précédentes. C'est en fait
un ajustement aprèscoup qui a lieu. Les universités s'en sont plaint
dans le passé. Mais pour compenser, le ministère a un autre programme
de subventions pour le développement et la mise en oeuvre de nouveaux
cours, ainsi que des programmes dont les fonds sont distribués sur recommandation
du CEFO.
Quelques chiffres: la subvention au bilinguisme, en 1984-85, était de
13,8$ millions. Il s'agit d'une importante augmentation (x 4 en dollars courants
en 10 ans, x 2 en dollars constants). L'aide à la création de nouveaux
cours, en 1984-85, totalisait 768 000$.
Pour ce qui est des collèges, les subventions au bilinguisme sont distribuées
sur la base d'un budget soumis par les collèges chaque année. Une
vérification est faite, aprèscoup, pour s'assurer que les fonds
ont été dépensés en accord avec le budget. Notons que
le financement de nouveaux cours est inclus dans ce budget.
Donnons, comme tantôt, quelques chiffres.
La subvention en 1984-85, atteignait 5,6$ millions, une bonne augmentation
sur 10 ans (x 3 en dollars courants, x 1,5 en dollars constants). En plus
de ces subventions, il existe une série de programmes spéciaux financés
grâce au soutien fédéral du Secrétariat d'État. Ces
programmes répondent à des besoins spécifiques pour l'éducation
en français et l'enseignement du français, langue seconde.
2- la conjoncture politique, sociale et administrative
II existe des contraintes fiscales pour tous les niveaux de gouvernement
et le déclin de la priorité de l'enseignement postsecondaire, au
niveau politique, n'est peut-être qu'une simple réaction contre
les efforts trop accentués de la décennie précédente.
Le diplôme est toujours considéré indispensable, mais il n'est
pas tout. Il n'est qu'un point de départ d'une carrière. Les carrières
dans le monde du travail ne se conforment pas aux attentes des diplômés;
il existe en effet actuellement une surqualification et un sous-emploi. Ce
qu'on pourrait appeler le déclin démographique aura un impact sur
les inscriptions, impact compensé par les changements dans les conditions
requises pour l'obtention du diplôme secondaire. Ces divers éléments
créent une certaine insécurité qui souvent conduit à une
rigidité structurelle, alors que la flexibilité, l'innovation, l'adaptabilité
seraient indispensables.
En Ontario, la perception du concept de bilinguisme est devenue très
positive. Ce changement est dû, selon moi, aux efforts de groupes comme
«Canadian Parents for French». Cette nouvelle situation signifie
que le bilinguisme individuel n'est plus uniquement le privilège, ou
le fardeau, des francophones. Il en résulte aussi que l'avantage social
des francophones, dû à leur bilinguisme, va peut-être disparaître.
Le nombre d'étudiants francophones va probablement commencer à décroître
bientôt et il sera difficile pour les institutions d'innover et de mettre
en oeuvre de nouvelles initiatives. En fait depuis 1980, les inscriptions
dans les cours et programmes en français déclinent dans toutes les
universités bilingues. Une seule exception: le Collège universitaire
Glendon.
L'arrivée d'étudiants anglophones venant des programmes d'immersion
pourrait aider certaines institutions si, bien sûr, ils s'inscrivent
dans des programmes bilingues. Et, à cet égard, le rôle des
gouvernements va continuer à être crucial, surtout du point de vue
financier, pour garantir les acquis. Et le gouvernement fédéral,
qui a pratiquement gelé ses subventions au bilinguisme depuis 5 ans,
va devoir réexaminer ses politiques.
L'image schématique que je vous ai donné peut paraître pessimiste.
En période de crise cependant, on fait souvent beaucoup de progrès.
Pour l'avenir de la communauté francophone en Ontario, il va falloir
se préoccuper, non seulement de la quantité des services disponibles,
mais aussi de leur qualité et de leur pertinence. Par pertinence, on
entend adaptation aux besoins du monde du travail, car il faut que les diplômés
francophones puissent trouver du travail dans leur domaine d'études.
Il faudra continuer à affirmer son existence pour s'assurer que les progrès
des dernières années ne seront pas perdus. La compétition avec
les anglophones bilingues va créer des pressions sur les francophones,
et l'excellence professionnelle va devenir un critère de succès
plus important que le bilinguisme. Les administrateurs des institutions bilingues
devront s'assurer de la qualité des programmes offerts en français
pour attirer les étudiants à l'avenir.
Comme les fonds supplémentaires venant du gouvernement ont peu de chance
d'augmenter, il va falloir recourir à d'autres méthodes pour maintenir
la qualité de l'enseignement en français. Il faudra utiliser les
ressources d'une façon plus efficace (ce qui va forcer les gestionnaires
à des décisions difficiles) et coordonner la programmation au niveau
de la province et du pays!
En Ontario, la commission Bovey a recommandé un fonds spécial de
soutien à la coopération interinstitutionnelle pour l'enseignement
en français. Cette coopération pourrait permettre la rationalisation
des programmes bilingues et en français et elle pourrait obliger certains
étudiants à voyager davantage, d'où l'importance des bourses
d'études du gouvernement fédéral.
Conclusion
Je pense que la coopération entre institutions bilingues pourrait contribuer
à en faire un groupe de pression significatif si elles présentent
un front uni. Cette coopération entre institutions pourrait peut-être
convaincre le gouvernement du besoin d'aide financière pour certains
projets conjoints. La coopération peut aussi avoir existé avec les
institutions anglophones désirant offrir des cours en français pour
les étudiants d'immersion (équivalence de crédits, détachement
de professeurs, etc..) La coopération permet d'éviter les situations
de type «dilemme du prisonnier».
Les institutions pourraient être tentées de laisser le gouvernement
prendre les décisions difficiles; par ailleurs, chaque fois que cela
arrive, elles abdiquent un peu de leur autonomie. Le gouvernement n'aime pas
avoir à prendre de telles décisions (ou encore jouer un rôle
d'arbitre) et sera plus favorable aux institutions qui assument leurs responsabilités
de gestion. Je laisse en réflexion trois mots d'ordre pour l'avenir:
excellence académique, responsabilité financière et coopération.
Et au niveau individuel, avoir confiance en soi et ne pas avoir peur de saisir
les occasions qui se présentent.
Résumé de la discussion
Les participants à cette plénière ont tenu à obtenir
des précisions sur l'invitation faite par la représentante du Secrétariat
d'État, i.e. faire parvenir des commentaires, individuels ou collectifs,
sur les propositions du Rapport Johnson. On fitsavoir qu'il fallait se presser,
car la décision quant aux nouveaux programmes, se prendrait bientôt.
On souligne aussi qu'il n'était pas facile de savoir si les deniers
des autorités fédérales, après avoir emprunté tous
les dédales administratifs, à la fois au sein des administrations
provinciales et au sein des bureaucraties universitaires ou collégiales,
parvenaient aux bons récipiendaires et étaient utilisés aux
fins prescrites. Les agents du gouvernement fédéral, a-t-on soulevé,
devraient exiger des comptes plus serrés, surtout en ce qui a trait à
la promotion du bilinguisme!
Enfin, certains participants ne manquèrent pas de déplorer les
périodes d'austérité sévère imposées par des
gouvernements provinciaux aux institutions universitaires. L'exemple de la
Colombie-Britannique fut cité, tout comme celui de l'Ontario, deux provinces
qui n'ont cessé depuis cinq ans de diminuer leur aide totale à l'enseignement
postsecondaire. À cet égard, il faut remercier l'auteur du rapport
sur le financement de l'enseignement postsecondaire (M. Johnson), d'avoir
attiré l'attention sur les fonds utilisés par certaines provinces,
non pas à ce dossier, mais pour l'administration générale provinciale.
Les participants à cette séance de travail font une analyse des
moyens à envisager pour assurer, à partir des réussites dans
certains domaines, une préparation d'un matériel didactique adéquat
et qui correspond à la spécificité du milieu francophone, tout
en permettant une saine intégration à l'environnement global de
la société.
Le professeur André Obadia, de l'Université Simon Fraser, parle
des mécanismes instaurés en Colombie-Britannique pour le développement
du français: création d'un stage pédagogique de douze mois
pour la formation des professeurs d'immersion en français, introduction
d'un système vidéo-disque, cours estival pour les professeurs actuels,
diplôme de premier cycle, publication de la revue Contact à
l'intention des professeurs de français.
Madame Claudette Tardif, de la Faculté Saint-Jean, de l'Université
de l'Alberta, souligne qu'il n'y a pas d'université de langue française
en Alberta, et cela entraîne des problèmes nombreux, comme ceux
d'une pénurie de textes, d'une surcharge de travail pour les professeurs
actuels, d'un manque de sous pour développer davantage le système
de télé-conférence introduit pour l'enseignement à distance.
Elle propose qu'on mette sur pied des mécanismes pour que les ressources
financières allouées par les gouvernements soient d'abord acheminées
vers la publication ou l'achat de matériel didactique, et vers un réseau
de communication entre les chercheurs francophones en milieu minoritaire.
M. Louis Malenfant, de la Faculté d'éducation de l'Université
de Moncton, insiste pour sa part sur l'aspect humain de la question, la formation
pédagogique des professeurs. Il suggère que l'on conçoive des
programmes en fonction des besoins des gens, que l'on améliore les programmes
existants pour en tenir compte et, finalement, que la formation continue passe
de la parole à l'acte par une coopération interprovinciale, des
ateliers pédagogiques et une concertation à bâtir entre chercheurs.
Pour de nouveaux départs
par Claudette Tardif
Introduction
Étant donné la complexité de cette question, je ne tenterai
pas de vous offrir une analyse détaillée et complète, mais
je partagerai avec vous mes réflexions et mes sentiments, ainsi que quelques
recommandations qui permettront aux universités de mieux répondre
à la spécificité du milieu francophone. Je trouve particulièrement
difficile de répondre à cette question, parce que je dois envisager
le problème à deux niveaux: celui de l'enseignant en salle de classe
face aux besoins des élèves, et celui de la formation des enseignants
et de leurs besoins en milieu universitaire. ]e dois, comme personne impliquée
dans la formation des enseignants, réfléchir sur ma pratique pédagogique
au niveau de la formation de ces enseignants et je dois bien connaître
le milieu dans lequel ces futurs enseignants seront appelés à oeuvrer.
Afin de créer des services, des programmes et un matériel didactique
qui seront appropriés et qui correspondront à la spécificité
d'un milieu francophone, il est important de faire l'analyse de ce milieu.
Je dois bien comprendre la réalité francophone de mon milieu. Je
dois savoir où sont les francophones, je dois connaître leur histoire,
connaître la configuration socio-culturelle et politico-économique
du milieu, l'étendue de leur langue parlée et de leur langue écrite.
1- le cas albertain
Dans mon milieu en Alberta, avant 1983, le ministère de l'Éducation
ne faisait pas la différence entre l'éducation en français
pour francophones et l'éducation en français pour anglophones. Il
existe donc plusieurs situations où les enfants francophones sont regroupés
dans des classes avec des enfants anglophones. Avec l'adoption de l'article
23 de la Charte, cette situation commence à changer. Deux écoles
francophones publiques ont ouvert leurs portes en septembre 1984, une à
Edmonton, l'autre à Calgary. Il faut dire que les enseignants qui enseignent
dans des classes ou des écoles francophones sont minoritaires. Leur rôle
est bien particulier. Comme le disait un de mes collègues, monsieur Alain
Nogue, ces enseignants seront appelés à être en même temps:
«...des enseignants, des animateurs socio-culturels, des
modèles de langue, des pionniers, des missionnaires et des chercheurs...
Comme enseignants, ils auront la lourde responsabilité de créer
des situations d'apprentissage qui permettront au jeune Franco-Albertain d'atteindre
l'excellence... Ils devront être des animateurs socio-culturels parce
que les jeunes ont besoin de bien se connaître, de savoir qui étaient
leurs ancêtres, d'apprendre leur façon de voir la réalité...
Ils devront être des modèles du bon parler, parce que la qualité
du français de leurs élèves dépendra, en grande partie,
de la qualité de la leur... Ils seront appelés à être
des pionniers et des missionnaires dans un domaine qui n'a reçu droit
de cité que cette année. En participant à une expérience
nouvelle (l'école francophone), ils devront agir comme chercheurs, tenant
compte des variables du milieu scolaire, de la programmation, des stratégies
d'enseignement et de bien mesurer le dosage de leur enseignement linguistique
et culturel...» (Nogue, 1985: 19-20).
Il s'agit donc de préparer un personnel qui verra à l'épanouissement
de la culture de l'enfant francophone, non seulement dans le domaine de l'enseignement,
mais aussi dans ceux de l'administration, dans les services gouvernementaux,
para-scolaires et d'unités sanitaires. Il y a une forte demande de personnes
bilingues dans tous ces secteurs. L'université est déjà appelée
à répondre aux demandes de cours en français pour adultes désirant
apprendre le français, et pour francophones voulant améliorer leur
connaissance de la langue. De plus en plus, les universités doivent offrir
des cours traitant des techniques de l'enseignement aux adultes.
Nous pouvons alors nous poser la question : comment pouvons-nous améliorer
en milieu universitaire, par une meilleure formation, le rendement de ce personnel?
Il est évident, par ce qui a été dit, qu'il faut permettre
à ces personnes de prendre conscience de ce qu'est l'éducation des
francophones en milieu minoritaire, de prendre conscience du contexte socio-culturel
et politique. Quelles en sont les implications au niveau postsecondaire? J'aimerais
vous parler d'implications dans trois domaines: celui des valeurs éducatives
et culturelles, celui du matériel didactique et celui de la création
de nouveaux cours et programmes.
2- les valeurs éducatives et culturelles
Par valeurs éducatives et culturelles, j'entends «la qualité
des idéaux sociaux et personnels que l'éducation véhicule ou
devrait véhiculer chez nous» (Lévesque, 1982:7). Le milieu
universitaire de langue française a un double rôle: 1) de former
des personnes qui pensent, qui réfléchissent et qui questionnent,
et aussi 2) de former des personnes qui puissent bien connaître et bien
apprécier la réalité canadienne-française.
Le fait d'avoir choisi d'étudier en français au niveau postsecondaire
est déjà significatif.
La langue d'enseignement au niveau postsecondaire, comme à l'école
élémentaire et secondaire, joue un très grand rôle dans
la formation de l'étudiant. Chaque langue offre une différente vision
du monde. Selon Desjarlais :
«L'identité culturelle (véhiculée principalement par
la langue) est une nécessité psychologique qui fournit à un
individu des instruments d'action; c'est un mode de pensée, c'est une
méthode, c'est une vision du monde, qui, ajoutés à ceux des
autres cultures, donnent de l'homme et de la vie une définition plus
globale et plus enrichie (Desjarlais, 1983:13).»
Il s'agit de créer une âme francophone à l'université.
Ce qui importe avant tout, c'est que les jeunes soient convaincus qu'on peut
et qu'on doit être fier de parler en français et que c'est une façon
de vivre dans le monde. Selon Ghislaine Roquet:
«II ne suffit pas qu'une collectivité bénéficie de l'instruction
en français, il faut aussi qu'elle vive dans un milieu culturel francophone...
Qu'elle crée elle-même et qu'elle réalise des oeuvres culturelles
dans ces modes d'expression, qu'elle puisse les échanger avec d'autres
groupes francophones et même avec l'ensemble de la communauté francophone.»
(Roquet.1982:5).
3- le matériel didactique
La disponibilité de matériel didactique en français crée
également des soucis, et au niveau universitaire et au niveau des salles
de classe. La pénurie de textes et de livres de références,
ainsi que tout autre matériel d'ordre pédagogique en français
et s'appliquant à tous les programmes d'études, est un problème
réel. Selon Cantacuzene:
«Le fond du problème de la langue française est un problème
de qualité, de dynamisme et donc de rayonnement de la pensée et
des réalisations des Français (et des francophones).
Aujourd'hui, la masse des gens, lorsqu'elle a les moyens de s'éduquer,
veut accéder à la culture qui vit, aux technologies et à la
science qui se créent: on apprend donc l'anglais qui rend le plus de
services...» (Cantacuzene, 1984: 93).
Les ouvrages scientifiques publiés en français diminuent de plus
en plus et, dans certaines disciplines, sont presque inexistants. Je vous
donne un exemple. Lorsque je fais le choix des textes scientifiques en français
(e.g. psychologie de l'éducation) pour mes étudiants universitaires,
je suis souvent mis en face d'un dilemme. Si je devais choisir des textes
en anglais, j'aurais l'embarras du choix. Pour trouver des textes équivalents
en français, je dois fouiller les bibliothèques et les catalogues
des maisons d'édition pour arriver à trouver des ouvrages scientifiques
convenables. Souvent, je suis obligée de choisir des textes de la France,
qui ne correspondent pas aux réalités scolaires et culturelles des
étudiants; des textes qui utilisent souvent un langage trop sophistiqué
pour la majorité de nos étudiants, et qui organisent le contenu
des connaissances selon un mode de pensée qui diffère de la conception
nord-américaine. Ou bien, je dois choisir des textes écrits en anglais
(surtout américains).
À défaut de texte, comme professeur, je dois traduire, adapter
et faire la synthèse de l'information, provenant de plusieurs sources
de référence. Il est souvent nécessaire que j'organise mes
notes de cours, sous forme convenable, afin de les remettre aux étudiants.
J'oserais dire que toute la question du matériel pédagogique est
un grand problème dans les universités francophones, parce qu'elle
demande un investissement énorme de temps et d'énergie de la part
du professeur. La recherche du matériel didactique en français engendre
du travail supplémentaire pour le professeur en milieu universitaire
francophone.
Il faut aussi considérer l'effet de l'arrivée des étudiants
anglophones, provenant des classes d'immersion, dans les universités
francophones. Cela exigera l'adaptation de nos cours et, possiblement, de
nos cadres pédagogiques.
Dans la formation d'un personnel enseignant oeuvrant en français, il
serait bon de mettre sur pied des cours qui traiteraient plus particulièrement
de la réalité francophone au Canada. Par exemple, les enseignants
devraient avoir une formation en psychologie de l'enfant en milieu minoritaire,
en psycholinguistique (facteurs qui entrent en jeu chez le francophone dans
l'acquisition de sa langue), en histoire de la francophonie du milieu, dans
la politique de bilinguisme et dans la culture et la civilisation canadiennefrançaise.
Pour les enseignants déjà en salle de classe, il est bon d'envisager
des cours de perfectionnement: méthodologie de l'enseignement de la langue,
techniques d'animation culturelle, psychologie de l'acquisition et l'enseignement
des langues. La Faculté SaintJean est à l'étape de la planification
d'un diplôme supérieur pour enseignants et conseillers pédagogiques
qui veulent approfondir leurs connaissances dans la sphère de l'éducation
en français. Il va sans dire que l'obtention de ce diplôme exigera
davantage en ressources humaines, matérielles et financières. Il
faudra convaincre les administrateurs de notre université et nos membres
élus au Parlement de la nécessité d'un programme de deuxième
cycle en français.
Afin de répondre aux besoins de leur milieu, les universités devront
offrir des services, des cours et des programmes qui s'intègrent davantage
au milieu culturel et qui offrent plus de souplesse que jadis. Le concept
de la télé-conférence est un excellent moyen de rendre des
cours plus accessibles aux enseignants et d'éviter la dispersion des
ressources.
Conclusion
Je termine avec quelques recommandations qui visent l'amélioration du
rendement des universités francophones en ce qui a trait à la formation
d'un personnel pour les milieux d'enseignement en français.
Il faut espérer que les ressources financières accordées aux
universités pour la recherche soient davantage accordées en fonction
du développement de matériel didactique, de cours et de programmes
qui correspondent à la réalité francophone. Par exemple:
- encourager plus de recherches appliquées, dans les domaines des sciences
humaines et sociales (subvention de recherche);
- faire une analyse du matériel didactique, en fonction des besoins
linguistiques et culturels des francophones;
- identifier le matériel didactique au niveau postsecondaire qui reflète
la réalité canadienne-française;
- encourager les professeurs, qui oeuvrent dans le domaine de la formation
des maîtres, à rédiger du matériel didactique. On pourrait
alléger le problème du manque de matériel didactique en donnant
plus d'encouragement aux projets de recherche qui visent la composition
et la rédaction de documents de curriculum et de méthodologie,
traitant de la didactique de l'enseignement du français en milieu minoritaire
et de l'enseignement du français en situation d'immersion;
- encourager des projets de recherche ayant trait aux facteurs qui influencent
le maintien du français en milieu minoritaire.
Nous devons également établir des nouveaux cours et des programmes
qui reflètent la réalité francophone en milieu minoritaire.
Afin d'éviter la dispersion des ressources ou leur dédoublement,
il faudrait voir aux possibilités d'établir une concertation interinstitutionnelle.
Nous ne pouvons pas faire tout, tout seuls.
Enfin, il faudrait créer un réseau de communication des divers
chercheurs francophones en milieu minoritaire, afin de diffuser les travaux
de ces chercheurs, en améliorant les conditions de diffusion. Est-il
possible de mettre sur pied plus de journaux de qualité pour les chercheurs
francophones? En réfléchissant sur l'utilisation du français
comme langue scientifique, Chadli fait la déclaration
suivante:
«L'avenir du français scientifique me paraît fondé
essentiellement sur la qualité de la recherche en langue française
et sur son impact sur la communauté scientifique internationale. Il dépendra
également, outre la diffusion des travaux, de l'engagement des autorités
et des chercheurs français à maintenir et à promouvoir leur
langue d'origine comme moyen de communication et véhicule des découvertes
récentes» (Chaldi, 1984:131-132).
Références
Cantacuzene, J. 1984. «Langage, technologie et rayonnement,» Perspectives
universitaires, 2(1):81-97.
Chadli, A. 1984. «Réflexions sur l'utilisation du français
comme langue scientifique en Tunisie,» Perspectives universitaires, 2
(1): 129-132.
Desjarlais, L. 1983. «L'école française,» Revue de l'Association
canadienne d'éducation de langue française, 12 (3).
Lévesque, G. 1982. «Les valeurs éducatives et l'évolution
du Québec» Revue de l'Association canadienne d'éducation de
langue française, 11 (1): 7-8.
Nogue, A., 1985. «La sirène de l'immersion est déchue,»
Notre langue et notre culture, 12 (1): 3-21.
Roquet, G. 1982. «Facteurs qui influencent l'expansion de la langue
française au Canada», Revue de l'Association canadienne d'éducation
de langue française, 11 (1) : 3-6.
Résumé de la discussion
Les participants de cet atelier sont d'accord avec le message des trois membres
du panel. Le matériel didactique en langue française est rare pour
nos étudiants et nos professeurs. On souligne cependant qu'il serait
souhaitable, plutôt que de se servir de matériel inadéquat,
d'utiliser les ressources de la France. Il y a, souligne-t-on, des consulats
ou des maisons de la France un peu partout sur le territoire canadien. Les
gens qui y travaillent seraient certes heureux de nous faire connaître
leurs publications, dont la qualité de la langue est indéniable.
Nous pourrions adapter le contenu à nos réalités.
On ne manque pas de noter également que l'enseignement à distance,
mis en place en Alberta et en Ontario, pourrait se servir des expériences
mises à l'essai au Québec. Des représentants de l'Université
du Québec se disent prêts à collaborer à cet égard.
Ils soulignent qu'il y aurait des avantages pour tous: diminution des coûts
par étudiant, nondédoublement, analyse des réussites et échecs...
Les francophones hors Québec ne reçoivent peut-être pas leur
juste part des subventions accordées pour le développement du matériel
didactique et pour le perfectionnement du personnel enseignant. Le président
de cette séance de travail, M. Alcide Gour, du Collège Cambrian,
affirme que les autorités fédérales accordent 2,2$ milliards
pour la formation professionnelle dans les collèges communautaires. Or,
de cette somme, aucun montant n'est prévu pour la formation en langue
française.
Madame Raymonde Hanson, doyenne au Collège Algonquin, parle de l'expérience
PERPERFRA, menée en collaboration par les professeurs des collèges,
les dirigeants du ministère ontarien des Collèges et Universités
et les deniers du Secrétariat d'État. Il s'agit de sessions, locales
ou régionales, visant à mettre à jour les connaissances, dans
des domaines spécialisés, à l'intention des participants, par
des échanges mutuels de renseignements. Elle note que les enseignants
ont fait la preuve qu'ils voulaient améliorer tout autant leur façon
d'enseigner que leur contenu pédagogique.
Madame Nicole Brodeur, de la Direction générale de l'enseignement
collégial au ministère de l'Enseignement supérieur, de la Science
et de la Technologie, du gouvernement du Québec, fait le point sur les
expériences québécoises, en soulignant qu'il existe quatre
programmes, à l'intention des usagers des Cégeps. Ce sont les programmes
de subventions à la production de matériel didactique, les programmes
de perfectionnement et de recyclage destinés aux enseignants, les programmes
de subventions à la recherche pédagogique et ceux, finalement, des
échanges professionnels. Elle se dit intéressée à augmenter
la portée de ces programmes et estime qu'ils pourraient avoir des retombées
sur les institutions hors Québec.
Le modèle ontarien
par Raymonde Hanson
Introduction
La préparation du matériel didactique et la formation du personnel
enseignant sont, à mon avis, si étroitement reliées qu'il est
difficile de dire quel élément est la force motrice - un personnel
enseignant bien formé qui identifie la nécessité de préparation
de matériel didactique... ou l'inverse. D'emblée, on reconnaît
qu'il y a un besoin de matériel didactique que l'enseignant doit préparer
et qui, par le fait même, demande une formation spécialisée.
Je veux vous entretenir de ces deux aspects de l'enseignement au niveau collégial
en Ontario: la formation du personnel enseignant et la préparation de
matériel didactique.
1- Le perfectionnement
Les activités de développement professionnel à l'intention
du personnel d'expression française des C.A.A.T. sont subventionnées
depuis 1979 à partir d'un fonds accordé par le Secrétariat
d'État connu sous le nom de PERPERFRA- Perfectionnement du personnel
francophone.
Les activités parrainées par PERPERFRA se regroupent en 2 grandes
catégories: d'une part, des activités provinciales qui sont organisées
par le ministère des Collèges et des Universités (les seuls
frais encourus par les collèges sont ceux du déplacement), d'autre
part, des activités collégiales qui regroupent des sessions locales
ou régionales organisées pour un collège ou un groupe de collèges,
une participation à des conférences, ateliers, séminaires ou
autres et des visites à d'autres institutions postsecondaires, j'ajoute
que pour les activités collégiales, PERPERFRA défraie 75% des
coûts et le collège 25%.
Chaque collège soumet ses projets en ordre de priorité mais, au
niveau du ministère, la préférence est accordée aux projets
et aux individus qui en font la demande pour une première fois. Le but
de PERPERFRA est de favoriser le développement professionnel du personnel
enseignant francophone et d'assurer une mise à jour de leurs connaissances.
En 1983-84, 875 personnes ont bénéficié de subventions de
PERPERFRA pour parfaire leurs connaissances dans leur champ d'expertise ou
d'autres champs connexes. D'ailleurs, depuis 1981, PERPERFRA a parrainé
la participation de 2534 francophones à des activités diverses,
pour un montant global de 426000$.
La mise à jour des connaissances est faite par le truchement d'ateliers
et de séminaires. Cependant PERPERFRA ne supporte pas des projets d'études
tel un cours crédité à l'université ou dans un institut
spécialisé.
Un régime de bourses à l'intention des enseignants des modules
scolaires de langue française est cependant disponible pour poursuivre
des études au niveau du baccalauréat, du 2e et du 3e
cycle. Je me dois ici de souligner cette merveilleuse initiative du Secrétariat
d'État et du ministère des Collèges et des Universités.
Mais qu'arrivera-t-il si, un jour, cette manne venait à ne plus tomber
des cieux bleus d'Ottawa et de Toronto? Les institutions post-secondaires
voudront-elles et pourront-elles identifier des sommes pour le perfectionnement
du personnel enseignant francophone? Quelles sont les solutions et les moyens
à envisager pour assurer une continuité dans ce domaine? Ce sera
à vous de mettre de l'avant vos idées.
Ceci m'amène à la 2e tranche de ma présentation : la préparation
du matériel didactique. Mes commentaires se limiteront toutefois à
mon expérience au Collège Algonquin.
2- Le matériel didactique
Comme c'est la pratique pour le perfectionnement du personnel enseignant
francophone, le ministère des Collèges et Universités offre
de l'aide financière aux collèges désignés bilingues pour
le développement du matériel didactique en langue française.
Depuis 1983, le fonds de création de matériel didactique en français
a permis de subventionner 48 projets (pour une somme de 265000$).
Le but de ce fonds est d'encourager l'élaboration d'outils d'apprentissage
en langue française. Ce fonds est conçu principalement pour répondre
aux besoins du matériel d'apprentissage dans les domaines plus spécialisés.
On entend par matériel d'apprentissage en langue française tout
matériel conçu pour faciliter l'apprentissage - soit livres, cahiers
de travail, manuels de laboratoire, logiciels, matériel audio-visuel.
Ce matériel d'apprentissage peut être destiné soit aux étudiants,
soit aux enseignants.
La difficulté chez nous, comme partout ailleurs je suppose, est tout
d'abord d'inciter les enseignants à soumettre des projets pour des fonds
provenants du ministère, puis de mener ces projets à une fin. D'autre
part, une autre difficulté, et non la moindre, est d'inciter l'emploi
de ce matériel didactique en français, une fois disponible.
Les raisons d'être et la nature du matériel didactique en français
tiennent à l'identification des besoins spécifiques du milieu de
l'enseignement en français. Pour comprendre le concept de création
du matériel didactique en français, il m'apparaît essentiel
de vous référer d'abord à ces besoins et de voir ensuite comment,
de par sa nature, le matériel didactique en français peut répondre
à ces besoins.
Pour identifier les besoins auxquels veut répondre le matériel
didactique en français, il suffit de rappeler les lacunes et les difficultés
qui nous sont toutes déjà familières et de penser au faible
impact des ressources didactiques - bibliothèque, audio-visuel, enseignement
assisté par ordinateur - sur les pratiques pédagogiques de l'éducation
en français au niveau collégial.
3- En français d'abord et avant tout
Si le Collège Algonquin, ou toute autre institution postsecondaire,
offre des programmes et des cours en français, ne faut-il pas s'attendre
à ce que les étudiants francophones désirent recevoir tout
leur enseignement en français et avoir à leur disposition le matériel
didactique nécessaire? L'idéal n'est-il pas que les étudiants
inscrits à un programme en français puissent trouver tout le matériel
didactique qu'ils désirent dans cette langue?
Un de nos premiers soucis, au Collège Algonquin, est de procurer aux
étudiants francophones un apprentissage entièrement dans leur propre
langue. Il doit y avoir une cohérence entre la langue des étudiants,
le mode d'enseignement et le matériel didactique. Le manuel de classe,
comme instrument de travail pour les étudiants et le professeur, se doit
donc d'être en français. Le même principe de cohérence
vaut pour le matériel audio-visuel utilisé en classe ainsi que pour
le matériel disponible au centre de documentation. Lorsque toutes ces
conditions sont remplies, les études des étudiants francophones
sont, par le fait même, grandement facilitées.
De plus, le matériel didactique en français doit permettre aux
étudiants d'améliorer leur langue, tant du point de vue de la syntaxe
que de celui du vocabulaire général. Les étudiants devront
aussi apprendre à connaître le vocabulaire technique en français.
Il est essentiel que les étudiants puissent maîtriser ce vocabulaire
technique lors de leur séjour au collège, car c'est probablement
la seule chance qu'ils auront de le faire.
J'aimerais, si vous le permettez, ajouter les remarques suivantes. La pertinence
du matériel didactique en français a parfois été difficile
à démontrer, surtout dans le contexte nord-américain. D'ailleurs,
elle le demeure toujours dans certains domaines! De plus, la compréhension
par les étudiants, du matériel didactique en français est parfois
difficile: vocabulaire technique, style de l'écriture, présentation
du document. Toutefois, ces difficultés ne sont pas insurmontables et
ne devraient pas servir d'excuses pour la nonutilisation du matériel
didactique en français. Mais attention toutefois! Cela n'implique pas
que les étudiants francophones ne doivent pas connaître l'anglais.
Il est important de se souvenir que le matériel didactique en français
ne vient pas rendre inutile la documentation disponible en anglais. Celle-ci
demeure toujours un outil de travail complémentaire important, même
pour les étudiants qui poursuivent leurs études en français.
Il demeure, néanmoins, qu'une étude au Collège Algonquin en
1982 révélait que le matériel didactique en français est
mal connu et peu utilisé par les étudiants, les professeurs et même
les gestionnaires. Les documents et les services existent pourtant, comme
les moyens de les connaître, de les obtenir et de s'en servir, car ils
sont souvent largement diffusés. Cependant, entre l'administrateur qui
doit prendre une décision, l'enseignant qui veut expérimenter une
méthode, l'étudiant qui approfondit un sujet, entre ces trois utilisateurs
principaux d'une part, et le matériel didactique en français, d'autre
part, force est de reconnaître une faille, un hiatus. D'où le besoin
d'une analyse et d'une synthèse des moyens de favoriser non seulement
l'innovation et la création du matériel didactique en français,
mais également son utilisation.
Ces dernières années, un climat favorisant le bilan et la consolidation
a caractérisé l'approche des collèges communautaires face à
l'enseignement en français: études, orientations, énoncés
de politiques, révisions de programmes et identification de priorités;
ces discours me paraissent particulièrement significatifs de la réalité
du matériel didactique en français dans le réseau des collèges
communautaires. Il faut souligner toutefois les nombreux problèmes qui
restent à résoudre: le perfectionnement des enseignants, la relation
entre l'enseignement général et professionnel, la formation de base,
la pédagogie de l'enseignement professionnel, etc. Il faut également
déplorer le fait que, malheureusement, la communauté francophone
des collèges soit peu intéressée à la pédagogie,
sans parler, bien sûr, de la création ou l'innovation de matériel
didactique en français.
Quelles raisons peut-on invoquer pour expliquer cette attitude des francophones?
- Une méconnaissance des services offerts?
- Une incompréhension de la nécessité de créer du matériel
didactique en français par les responsables?
- La plus grande difficulté à remplacer le personnel enseignant
en français d'une façon temporaire?
- Le manque de connaissances ou de formation nécessaire pour créer
du matériel didactique en français?
- Un manque d'intérêt ou de motivation?
Dans un avenir assez rapproché, les collèges devront ajuster leurs
pratiques pédagogiques traditionnelles à de nouveaux élèves
et explorer des méthodes d'enseignement et d'apprentissage mieux appropriées
face à l'essor de l'enseignement professionnel, à la diversification
des programmes et au recours toujours croissant à la technologie, et
il ne faut pas l'oublier, les contraintes budgétaires! Serons-nous capables
de relever le défi?
Je désire, maintenant, partager avec vous le cheminement déjà
fait au Collège Algonquin pour seconder l'accès au matériel
didactique en français.
Depuis 1978, le centre de documentation a maintenu une moyenne constante
d'environ 16 à 20% des nouvelles acquisitions pour l'achat de livres
et de périodiques en langue française ou bilingues; également,
une plus grande quantité de documents audio-visuels en français
est maintenant disponible, grâce à l'arrivée de nouveaux fournisseurs,
particulièrement du Québec, et à une accessibilité plus
facile.
Le centre de documentation publie mensuellement, depuis 1981, une liste automatisée
bilingue, de toutes ses nouvelles acquisitions (livres, périodiques,
publications officielles, documents audio-visuels). De plus un catalogue qui
regroupe l'ensemble de la documentation en langue française et anglaise
que possède le centre de documentation est disponible sur microfiches
depuis 1982; ce catalogue ne comprend toutefois pas l'ensemble des fonds de
collections de tous les collèges bilingues de la province.
L'enrichissement du centre bibliographique, en ce qui a trait au matériel
didactique en français, la préparation et la publication de dépisteurs
en français, la publicité sur les services offerts, ainsi que l'augmentation
du nombre de francophones capables de travailler en français et la bilinguisation
du personnel continuent à faire partie des objectifs courants du centre
de documentation.
D'ailleurs, afin de faciliter et d'augmenter les contacts (essentiels pour
la connaissance réciproque du matériel didactique en français)
entre les professeurs et les étudiants d'une part, et le centre de documentation
d'autre part, ce dernier a nommé des responsables bilingues pour le choix
et l'utilisation de la documentation disponible; ainsi les bibliothécaires
de référence travaillent depuis 1979 auprès des étudiants
et des professeurs.
Malheureusement, il n'existe aucune étude d'ensemble approfondie et
aucune statistique au sujet de l'utilisation du matériel didactique en
français au Collège Algonquin. Cependant, ma connaissance générale
de la situation actuelle me permet d'affirmer que l'utilisation du matériel
didactique en français au Collège Algonquin est plus importante
dans certains domaines qu'elle ne l'était auparavant, mais qu'elle demeure,
néanmoins, inférieure comparativement à l'utilisation du matériel
didactique en anglais. Il n'en reste pas moins que seul un projet de recherche
d'envergure peut identifier les effets positifs de la disponibilité de
matériel didactique en français auprès des étudiants et
des enseignants.
En plus des argents disponibles en provenance du ministère, le collège,
entre 1978 et 1984, a mis à la disposition du corps enseignant, des argents
pour la création de matériel didactique en français et en anglais
par l'intermédiaire d'un conseil de création. À partir de ces
fonds, plusieurs projets en français ont été subventionnés.
L'impression de manuels en français par l'organisme attitré du
collège, Média Algonquin, a sensiblement augmenté au cours
des dernières années. Depuis 1976, sur un total de 530 titres publiés
par Média Algonquin, il y a eu 206 titres en français.
On doit nécessairement attribuer, en partie, la création de ces
manuels au fonds provenant du ministère des Collèges et des Universités,
du Secrétariat d'État et du collège.
La librairie du collège a également fait des efforts tangibles
pour améliorer le service aux francophones. Les relations entre la librairie
du collège et les éditeurs francophones sont bien établies,
grâce, particulièrement, à la présence d'une personne
bilingue plein temps qui possède une meilleure connaissance du marché
du livre en français et qui est responsable spécifiquement de l'achat
des manuels de classe en français. On nous dit que les choses vont maintenant
tellement bien que les délais de livraison sont souvent plus courts pour
les textes francophones que pour les textes anglophones.
De plus, on pratique au collège le parallélisme français-anglais
lorsque l'on subventionne le manuel en français. C'est-à-dire, le
collège paie la différence entre les coûts du manuel en anglais
et ceux du manuel en français si ceux-ci excèdent 7,00$. Mais cette
pratique d'accorder des subsides aux manuels de classe en français risque
de disparaître puisque le prix des textes en anglais a eu tendance à
augmenter tandis que celui des textes en français s'est maintenu stable,
de telle sorte que la différence est maintenant presque minime; d'ailleurs
la librairie ne dispose plus que de 5000$ de subvention par année pour
tous les volumes en français du collège. Mais une autre question
se pose maintenant: doit-on subventionner un manuel en français pour
lequel il n'existe pas d'équivalent en anglais?
Conclusion
Voilà les «faits de la réalité» du matériel
didactique en français dans le contexte des collèges communautaires
en Ontario et plus spécifiquement au Collège Algonquin.
Vous en conviendrez avec moi que les professeurs sont la clé de la création
et de l'utilisation du matériel didactique français. Ces derniers,
cependant doivent être supportés par un éventail de services
qui doivent répondre aux besoins des usagers francophones.
Les demandes faites pour obtenir des fonds pour la création de matériel
didactique français démontrent l'intérêt de la part des
enseignants.
Il faut cependant que les institutions et les agences gouvernementales, provinciales
et fédérales, maintiennent cette poussée et l'on peut cultiver
ce momentum en mettant en application les cinq recommandations suivantes.
- il existe chez les enseignants francophones des individus inventifs, créateurs;
il importe, au plus haut point, de les dépister et de leur procurer
des conditions favorables à la création.
- il existe aussi chez les enseignants francophones un bon nombre d'individus
qui exercent une critique pénétrante de la réalité éducative,
qui sont prêts à collaborer à une innovation, mais qui ne
partiront pas seuls en croisade; leur contribution à l'innovation peut
être inestimable, pourvu qu'on leur procure les conditions nécessaires:
du temps, des moyens d'expression et des liens avec d'autres catégories
de personnes intéressées à la création, etc.
- il faut également reconnaître qu'à l'égard du matériel
didactique en français, le rôle de l'utilisateur est, d'une certaine
façon, le seul rôle absolument nécessaire; et si la formation
de celui-ci laisse à désirer, il importe de la compléter
- les innovations qu'on propose à cet utilisateur peuvent certes y
contribuer, pourvu qu'on évite les complications inutiles et qu'on
sache graduer les difficultés, comme de bons maîtres et de bons
livres savent parfois le faire, sans brûler les étapes.
- il existe dans le système collégial un «besoin criant»
d'identifier les innovations pédagogiques disponibles dans le milieu
collégial et à l'extérieur de celui-ci, afin de dissuader
toute tendance à toujours «réinventer la roue».
- et finalement, puisque mes énoncés précédents sur
la réalité du matériel didactique français vous portent
sans doute à penser que les innovations pédagogiques ont généralement
été produites, une à la fois, selon les besoins perçus
par les diverses composantes du milieu collégial et moyennant les ressources
disponibles hic et nunc, plutôt qu'en fonction d'une rigoureuse planification
d'ensemble je vous confirme qu'une telle perception est juste, mais qu'elle
devrait clairement être remplacée par une politique privilégiant
une planification à long terme et s'inspirant de considérations
pédagogiques qui reflètent les besoins des différents milieux
collégiaux.
Le modèle québécois
par Nicole Brodeur
Introduction
Je désire remercier la Fédération des francophones hors Québec
de m'avoir invitée à ce colloque. Je suis d'abord heureuse de venir
partager avec d'autres collègues préoccupés par l'enseignement
collégial nos expériences québécoises. Ce plaisir est
accentué pour une Franco-Ontarienne d'origine, née sur les bords
du Lac Témiscamingue et qui a entrepris ses études primaires dans
une école dite «séparée». Enfin, comme représentante
du gouvernement québécois, je tiens à vous témoigner l'intérêt
et la volonté de celui-ci à assister les francophones hors Québec
dans leurs efforts pour se donner des services éducatifs qui correspondent
à la spécificité de milieux francophones.
Cet atelier porte la préparation du matériel didactique et le développement
professionnel continu. J'aborderai le sujet en décrivant les moyens utilisés
pour favoriser le développement pédagogique dans les collèges
publics du Québec. Nous avons favorisé une approche diversifiée.
Quatre catégories de programmes ont été mis en place à
cet effet, depuis la création des cégeps: les programmes de subventions
à la production de matériel didactique; les programmes de perfectionnement
et de recyclage destinés aux professeurs; les programmes de subventions
à la recherche pédagogique et disciplinaire, spécifiquement
destinés aux professeurs des collèges; divers programmes d'échanges
professionnels tels la coopération avec d'autres pays et d'autres provinces,
la tenue de colloques.
Il y a lieu, avant de traiter de chacune de ces catégories de rappeler
quelques caractéristiques des collèges du Québec. Ils sont
constitués en un réseau d'établissements (publics et privés5) dispensant des programmes d'enseignement
conduisant, pour la majorité, à des diplômes décernés
par le ministre de l'Enseignement supérieur, de la Science et de la Technologie,
sur recommandation de leur conseil d'administration respectif. Il s'agit donc
de programmes dits nationaux ou d'État. Ces programmes sont d'une durée
de deux ans pour ceux qui mènent à l'université et d'une durée
qui varie entre deux et trois ans pour les programmes professionnels qui conduisent
au marché du travail. Ils sont élaborés et révisés
par des comités pédagogiques qui regroupent des professeurs représentant
tous les collèges concernés par ces programmes, en concertation
avec des comités consultatifs provenant du monde du travail, des corporations
professionnelles, des universités. C'est le ministère qui approuve
les programmes, en fin de processus.
1- Le matériel didactique
La direction générale de l'enseignement collégial offre aux
collèges trois programmes de subventions à la production de documents
didactiques; matériel didactique écrit; matériel didactique
audio-visuel; matériel didactique informatisé.
Ces trois programmes sont complétés par des prix d'encouragement
à la publication de matériel didactique et une exposition itinérante.
Le service du développement de matériel didactique gère ces
programmes qui représenteront environ 3 millions de dollars en 1985-1986.
Ce service qui réunit environ vingt-cinq personnes, assure aussi une
expertise technique aux collèges engagés dans des projets de production.
L'absence chronique de manuels en français et adaptés au contexte
nord-américain pour l'enseignement technique est bien connue de tous;
elle est toutefois déplorée plus vivement par les étudiants
et les professeurs du secteur professionnel au collégial.
Conscient du problème, le ministère de l'Éducation a prévu,
en 1978, dans son «Projet du gouvernement à l'endroit des cégeps»,
des mesures susceptibles de fournir à la clientèle de ce secteur,
le matériel didactique de base en français, essentiel à la
formation des étudiants.
L'objectif étant de permettre à l'étudiant la possibilité
de s'instruire dans sa langue, la solution envisagée pour certains cours
peut être la traduction d'un volume en anglais. Cependant, à cause
des difficultés à obtenir, dans plusieurs cas, les droits d'auteur
nécessaires à la traduction et parce qu'il faut encourager la production
par des professeurs québécois, la rédaction de manuels originaux
reste toujours la solution privilégiée.
Ce programme, réservé au secteur professionnel du collégial,
est en marche depuis 1978-1979 et le ministère y a consacré un budget
annuel moyen de quelque 600000$. Après des débuts plutôt lents,
le programme va bon train6.
Un comité de la documentation didactique écrite où siègent
des représentants des collèges (administrateurs, professionnels
nonenseignants et professeurs) désignés par la Fédération
des cégeps et des représentants de la Direction générale
de l'enseignement collégial voit à :
- identifier les champs de l'enseignement collégial pour lesquels on
reconnaît une carence majeure en matériel didactique pertinent
en langue française;
- établir un plan de production qui tienne compte des priorités
et des ressources matérielles et humaines.
L'audio-visuel faisant partie des principaux choix pédagogiques faits
par les collèges, le ministère a voulu mettre au service du réseau
collégial des ressources humaines et financières pour favoriser
la production de documents audio-visuels originaux qui soient adaptés
aux besoins des professeurs québécois.
Comme plusieurs collèges ont déjà formé des équipes
de production efficaces et se sont dotés d'équipements importants,
ce programme d'aide à la production audio-visuelle permet d'accroître
la rentabilité de ces ressources. Par ailleurs, un autre aspect de ce
programme est certainement d'aider les collèges moins favorisés
en termes d'équipements ou de personnel, à développer des structures
et à acquérir une expérience de production.
L'application de ce programme comprend deux temps forts: d'une part, l'inventaire
des besoins et la formulation des projets où les collèges sont les
seuls impliqués; d'autre part, l'acceptation et la réalisation des
projets où les collèges et notre service du développement de
matériel didactique sont impliqués selon leur compétence respective.
D'une façon générale, il appartient aux collèges d'exprimer
leurs besoins dans le cadre de champs prioritaires et de critères qualitatifs.
Cette expertise des collèges est faite, selon le cas, à partir de
plusieurs intervenants: les professeurs par leurs plans de cours, les comités
pédagogiques provinciaux lors de la rédaction des guides pédagogiques,
les collèges lors de l'établissement de leurs objectifs et leurs
priorités, enfin, la Direction générale de l'enseignement collégial
par sa planification du développement du réseau et de ses activités
de soutien à ce même réseau.
Chaque intervenant participant à l'inventaire des besoins peut formuler
un projet qui pourra être l'expression d'un besoin de documents audio-visuels
devant être conçus et réalisés par un ou des collèges,
en coproduction avec notre direction.
Ce programme qui existe depuis sept ans a permis la réalisation d'environ
cent cinquante productions avec un budget annuel de 200000$.
Depuis 1983-1984, il existe pour l'enseignement collégial un plan quinquennal
de développement de la micro-informatique à des fins pédagogiques.
Ce plan comprend plusieurs volets: introduction de la microinformatique dans
les programmes de formation, logiciels, équipements, perfectionnement,
recherche. Le volet «logiciels» porte sur la production et les achats
regroupés de logiciels coûteux (système de gestion de base
de données, système comptable, système-auteur). Le programme
d'aide à la production de matériel didactique informatisé vise
à produire et à rendre accessible aux collèges des logiciels
de qualité et à développer une expertise quant aux divers aspects
de la production de ce type de matériel didactique (techniques, pédagogiques
et administratifs).
Il s'agit d'un programme nouveau auquel sera consacré plus de 2 millions
de dollars en 1985-1986.
Nous avons institué le prix d'encouragement (prix du ministre) à
la production de matériel didactique. Il existe une abondante production
d'une qualité exceptionnelle à l'intérieur des collèges
et dans les maisons d'édition du Québec. Le désir de sortir
ce matériel de l'ombre, d'en souligner la qualité, d'en faciliter
la diffusion, de même que le désir d'encourager les professeurs
à produire, sont à l'origine du concours (il existe depuis 1978-1979).
Le ministère a remis en marche une exposition itinérante. On y
retrouve l'ensemble des projets soumis au concours des prix d'encouragement
et des productions subventionnées par le ministère. Cette exposition
permet de faire connaître dans tout le réseau collégial et
par là également augmenter le nombre d'auteurs qui soumettront leur
candidature au concours des prix d'encouragement et ce, tant pour le matériel
didactique écrit, audio-visuel qu'informatisé.
2- Les programmes de perfectionnement et de recyclage
destinés aux professeurs
Les programmes de perfectionnement et de recyclage destinés aux professeurs
des collèges relèvent de deux catégories: une première
reliée à des dispositions contenues dans les conventions collectives;
une seconde qui est constituée par des programmes de subventions gérés
par le ministère.
Les dispositions des conventions collectives prévoient un budget local
de perfectionnement alloué au per capita: ce budget tient compte de l'éloignement
des centres universitaires (1,6 M$ pour le réseau). Les conventions prévoient
aussi un programme de recyclage professionnel d'une durée de 2 ans pour
les professeurs mis en disponibilité dans leur discipline. Les professeurs
permanents bénéficient de la sécurité d'emploi. Ces deux
programmes représenteront 4,4 M$ en 1985-1986.
Il existe trois programmes de subventions gouvernementaux qui totalisent
un peu plus de 1 million de dollars:
- le programme de perfectionnement collectif destiné surtout aux professeurs
mais ouvert également aux autres catégories de personnel. Priorité
est accordée depuis quelques années aux projets centrés sur
le développement de la micro-informatique;
- le programme de stages en entreprise destiné aux professeurs de l'enseignement
professionnel ;
- le programme de formation des éducateurs d'adultes. Ce programme
débutera en 1985-1986 et vise la formation des professeurs venant de
l'entreprise.
Lorsqu'on traite de la formation et du perfectionnement des professeurs des
collèges du Québec, on ne saurait passer sous silence le programme
PERFORMA qui est entièrement pris en charge par près d'une quarantaine
de collèges, avec la participation de l'Université de Sherbrooke.
Il s'agit d'un modèle plutôt unique, où le perfectionnement
réalisé dans les établissements mêmes sont crédités.
Centré d'abord sur le perfectionnement pédagogique, PERFORMA s'oriente
maintenant vers le perfectionnement disciplinaire.
3- les programmes de subventions a la recherche pédagogique et a la
recherche disciplinaire
Souvent implicite et parfois oubliée, la recherche au niveau de l'enseignement
collégial est devenue explicite en 1980 avec la publication du Livre
blanc du gouvernement sur une politique québécoise de la recherche.
La nature et les pratiques du corps professoral ont permis d'abord la réalisation
de projets de recherches pédagogiques. Depuis 1972, le Programme de
subvention à l'innovation pédagogique (1,1 M$
en 1985-1986) permet la réalisation annuelle d'une trentaine de projets.
En 1981, les enseignants des collèges ont également eu accès
à la recherche disciplinaire et technologique dans le cadre d'un programme
protégé (1 M$) et de plusieurs autres volets du Fonds pour la
formation de chercheurs et l'aide à la recherche. Ils
y participent depuis trois ans et réalisent en moyenne une trentaine
de projets par année.
L'implication récente dans les collèges d'une douzaine de centres
spécialisés dans certains secteurs-clés de l'économie
québécoise, a aussi largement contribué au développement
de la recherche appliquée dans les collèges. Les centres spécialisés
ont aussi des mandats d'animation, d'aide technique et d'information auprès
des entreprises qui relèvent de leur secteur respectif. Ces centres reçoivent
des subventions d'encadrement (3 M$).
Depuis quelques mois, le ministère a entrepris, en relation avec ses
partenaires dans le réseau, d'élaborer un document d'orientation
du développement de la recherche dans les collèges. Le ministère
qui consent déjà des ressources financières, humaines et matérielles
à la réalisation de projets de recherche entend reconnaître
un modèle de recherche correspondant aux responsabilités particulières
des cégeps de demain.
4- les divers programmes d'échanges professionnels
La coopération avec d'autres pays et avec le reste du Canada
favorise le ressourcement professionnel des professeurs. Du côté
des pays européens, la coopération s'est principalement développée
avec la France, puis de façon plus modeste avec la Belgique. La coopération
avec les États-Unis a démarré récemment. Au Canada, c'est
surtout avec l'Ontario que les projets sont nombreux (échanges de professeurs,
d'étudiants, etc.). Des démarches sont en cours pour développer
la coopération avec les collèges du Manitoba, de l'Alberta et de
la Colombie-Britannique.
La direction générale de l'enseignement collégial subventionne
annuellement la tenue de quelques colloques organisés par les
comités pédagogiques de professeurs, suivant les priorités
de développement des programmes d'enseignement.
Le programme de soutien au transfert des ressources scientifiques vers
l'entreprise permet aux professeurs chercheurs d'effectuer des stages
dans des entreprises. Ce programme (1,5 M$) n'existe que depuis un an et est
ouvert tant aux professeurs des universités qu'à ceux des collèges.
Ce sont ces derniers toutefois qui en ont le plus largement bénéficié.
Les entreprises, de leur côté, paraissent tirer profit de cet apport
de ressources scientifiques.
Conclusion
Durant l'année en cours, des efforts ont été consentis à
une meilleure harmonisation de ces diverses catégories de programmes.
Ces efforts devront être poursuivis afin d'optimiser les ressources consenties
et de s'assurer que ces programmes contribuent aux objectifs de développement
pédagogique, professionnel et scientifique pour lesquels ils ont été
mis en place.
Résumé de la discussion
Les participants reconnaissent l'importance de mettre à la disposition
des enseignants des programmes de formation continue. Ils appuient les efforts
effectués au Québec et en Ontario, mais ils ajoutent que la volonté
des enseignants doit être soutenue par des conditions adéquates,
conditions qu'il faut sans cesse améliorer!
On aimerait que des équipes de travail interprovinciales soient mises
sur pied afin qu'on puisse profiter de l'expertise des uns et des autres.
On souligne qu'il semble y avoir un désir de coopération entre les
agences provinciales et que les institutions d'enseignement seraient heureuses
de se joindre à de nouveaux mécanismes de concertation.
Enfin, pour la formation professionnelle des francophones hors Québec,
on estime qu'un front commun de tous les intéressés est nécessaire
afin qu'on précise (et adopte) une politique prévoyant l'attribution
de fonds nationaux spécifiques aux enseignants de langue française.
L'assemblée plénière, présidée par M. Clinton Archibald,
coordonnateur du colloque, n'avait pas pour but de faire adopter à la
hâte une série de résolutions qui ne seraient que des voeux
pieux.
Cependant, le professeur Gérard Étienne, de l'Université de
Moncton, a «re-tablé», pour la plénière, les deux
recommandations qu'il avait déjà proposées, lors de son exposé:
d'abord, qu'un comité, mis sur pied par la F.F.H.Q., examine les moyens
de structurer une concertation interinstitutionnelle afin de faire bénéficier
chacune des communautés des avantages de l'enseignement à distance
en français; ensuite, qu'un comité pluridisciplinaire permanent
de la F.F.H.Q., avec des liens étroits avec le Secrétariat d'État,
se penche sur toutes les questions d'ordre académique, financier et administratif
relatives à l'enseignement postsecondaire en français, à l'extérieur
du Québec. L'assemblée a dit souhaiter que les dirigeants de la
fédération et des responsables du Secrétariat d'État se
penchent sur ces deux propositions.
Au nom de la Fédération des jeunes Canadiens-Français, M.
Jean-Pierre Maisonneuve a proposé qu'on publie dans les Actes du colloque,
pour considération de la part des dirigeants de la F.F.H.Q., un ensemble
de recommandations préparées par les jeunes participants au colloque.
Ces propositions qui traitent, selon les thèmes majeurs du colloque,
de l'accessibilité aux études postsecondaires, de l'éducation
permanente, des programmes de qualité et de financement, sont reproduites
in extenso à la fin du présent document.
On a proposé également la formation d'un réseau de télé-conférence,
«à la grandeur du pays». On aimerait également que les
institutions d'enseignement postsecondaire hors Québec réaffirment
le principe suivant: les programmes de formation pédagogique doivent
contenir des éléments de l'identité culturelle de la minorité
de langue française. Les contenus des programmes nouveaux doivent aussi,
estime-t-on, tenir compte des compétences et expériences des enseignants,
tout autant que des besoins de la, ou des communautés.
On a également dit souhaiter que la F.F.H.Q. collabore à l'étude
commencée à l'Université d'Ottawa sur les cours d'immersion
en français, en Ontario, et qu'elle insiste pour qu'on étudie comparativement
la même question pour tout le reste du pays. Dans la même veine,
elle devrait chercher des moyens, de concert avec les autorités gouvernementales
et les représentants des institutions postsecondaires hors Québec,
d'accentuer la coopération entre les membres de l'Association canadienne
de formation des maîtres.
Lors du colloque, la Fédération des francophones hors Québec
a décerné au journal Le Devoir son deuxième prix PainchaudLéger.
Le directeur du journal créé par Henri Bourassa, M. Jean-Louis Roy,
a accepté la plaque commémorant cet honneur.
Le professeur Clinton Archibald, coordonnateur du colloque, a rappelé,
au nom de la F.F.H.Q., la courte histoire du prix Painchaud-Léger. Il
a également souligné l'apport du Devoir à la cause des
francophones hors Québec. Nous reproduisons ici les mots de présentation
de ce prix.
Le prix painchaud-léger
C'est le 10 novembre 1984 que la F.F.H.Q. a créé ce prix afin d'honorer
périodiquement la contribution de chercheurs, d'analystes ou même
d'acteurs (politiques et autres) qui aident non seulement à faire connaître
les minorités de langue française au Canada (à l'extérieur
du Québec), mais qui cherchent également des solutions à l'amélioration
de leur sort collectif.
Le premier prix a été décerné à l'écrivainhistorien
Mason Wade dont les écrits sur les Canadiens-Français et la dualité
canadienne ont dévoilé des talents quasi inégalés à
ce jour. C'était lors du premier colloque des chercheurs sur la minorité
de langue française hors Québec.
Qui sont Robert Painchaud et Jules Léger?
Robert Painchaud est né à Saint-Boniface en 1941. Il était
historien à l'université de Winnipeg. Chercheur dévoué,
il eut l'idée d'un centre pouvant conduire à la concertation des
chercheurs de l'ouest. Il a écrit de nombreux essais sur l'Église
et le mouvement des francophones dans l'ouest canadien, sur les métis,
sur le peuplement et le développement des communautés francophones,
sur les luttes scolaires des minorités de langue française.
Jules Léger, d'origine acadienne, mais né aux États-Unis,
fut l'un des fondateurs de l'Association des historiens de l'Atlantique. Professeur
à l'Université de Moncton, sa contribution à la compréhension
de la spécificité acadienne s'étend sur un axe qui couvre des
écrits remarquables (Les Acadiens et la guerre de Sept-Ans)
tout autant qu'une participation active à des commissions scientifiques,
comme celle des monuments et sites historiques.
Messieurs Painchaud et Léger sont morts en même temps, le 23 juin
1978, lorsque l'avion qui les transportait comme membres de la Commission
canadienne des Musées s'écrasa lors d'un voyage officiel dans les
provinces de l'Atlantique.
Le texte de présentation au journal le Devoir
La Fédération des francophones hors Québec est heureuse de
décerner au journal Le Devoir son deuxième prix Painchaud-Léger.
Le Devoir, par son goût pour l'excellence et par sa compréhension
du sort des minorités de langue française au Canada, symbolise pour
les autres médias et pour nous, un modèle à imiter. La qualité
de ses textes de fond, son combat incessant pour l'amélioration du devenir
de nos communautés, ainsi que sa passion à défendre la justice
pour tous ont fait du journal Le Devoir un cas unique. Et cela depuis
75 ans!
Ottawa, 11 mai 1985 (remis au directeur, monsieur Jean-Louis Roy)
«Pour assurer le triomphe des idées sur les appétits, du bien
public sur l'esprit de parti, il n'y a qu'un moyen: réveiller dans le
peuple, et surtout dans les classes dirigeantes, le sentiment du devoir public
sous toutes ses formes...» (Henri Bourassa, 10 janvier 1910)
1- l'accessibilité aux études postsecondaires
A)
ATTENDU QUE le taux de participation aux études postsecondaires des
francophones hors Québec, et ce tant au niveau des études de premier,
deuxième et troisième cycle, demeure inférieur à la moyenne
canadienne;
ATTENDU QUE le niveau des revenus des communautés francophones hors
Québec demeure inférieur à la moyenne canadienne;
ATTENDU QUE les étudiants francophones hors Québec doivent dans
plusieurs cas quitter leur province d'origine afin de poursuivre des études
postsecondaires;
IL EST RÉSOLU qu'une refonte du système d'aide financière
destinée aux francophones hors Québec soit effectuée par le
Secrétariat d'État en collaboration avec les instances provinciales
concernées;
IL EST RÉSOLU que cette refonte débouche à un accroissement
substantiel des bourses allouées aux étudiants et plus particulièrement
à ceux inscrits dans des programmes jugés prioritaires en regard
du développement des communautés francophones hors Québec,
en prenant en considération la hausse du coût de la vie et des frais
de scolarité;
IL EST RÉSOLU que cette refonte contienne des dispositions spéciales
afin de faciliter les déplacements pour fin d'études;
IL EST RÉSOLU que les programmes d'aide financière qui découleront
de cette refonte soient publicises en collaboration avec les organismes francophones
hors Québec;
B.
ATTENDU QUE les institutions d'enseignement situées à l'extérieur
du Québec offrant des programmes à caractère scientifique dans
la langue de Shakespeare;
ATTENDU QUE les institutions québécoises offrant des programmes
dans la langue de Molière recrutent prioritairement des étudiantes
issu(e)s de leur propre province;
IL EST RÉSOLU que la mise sur pied d'un réseau pan-canadien
d'institutions d'enseignement collégial et universitaire soit planifié
et négocié afin d'offrir intégralement des programmes dans
les secteurs suivants:
- génie;
- science de la santé;
- technologie;
- services sociaux et communautaires.
IL EST RÉSOLU que des négociations soient entamées afin d'en
arriver à des ententes relatives au transfert des crédits académiques
d'une institution à l'autre;
C.
ATTENDU QUE les institutions postsecondaires doivent manifester une plus
grande ouverture à l'égard du marché du travail;
ATTENDU Qu'une distinction quelque peu artificielle existe entre les collèges
et les universités en ce qui a trait à leur mission respective;
IL EST RÉSOLU qu'une attention particulière soit accordée
au concept de collège universitaire polyvalent.
2- éducation permanente
A.
ATTENDU QUE le phénomène de l'analphabétisme propre aux communautés
francophones hors Québec constitue un obstacle de taille à la poursuite
des études postsecondaires ;
IL EST RÉSOLU que les institutions d'enseignement consacrent des ressources
significatives afin de résorber cette situation;
ATTENDU QUE les anglophones issus des programmes d'immersion constituent
une clientèle potentielle pour nos institutions postsecondaires;
IL EST RÉSOLU que nous acceptions chaleureusement ces diplômés
de niveau secondaire à l'intérieur d'institutions homogènes
de langue française, en autant que tous acceptent que ces institutions
soient francophones de coeur et de culture.
3- pour des programmes de qualité
A.
ATTENDU QUE l'affectation des ressources humaines et matérielles destinées
au développement de matériel pédagogique et à l'utilisation
des nouvelles technologies éducatives s'avèrent plutôt limitée;
IL EST RÉSOLU qu'un programme de recherche et d'intervention soit initié,
un consortium regroupant les institutions d'enseignement fréquentées
par les francophones hors Québec dans le but de pallier aux insuffisances
existantes;
B.
ATTENDU QUE l'université est un lieu privilégié d'épanouissement
social et culturel;
ATTENDU QUE l'implication au niveau étudiant apporte un meilleur épanouissement
;
IL EST RÉSOLU que toutes les universités à travers le Canada
suivent l'exemple de l'Université Laval offrant des crédits pour
l'implication étudiante.
4- le financement
ATTENDU QUE la Fédération des francophones hors Québec a initié
une réflexion sur la question du financement des programmes de langues
officielles dans l'enseignement, avec la publication de son rapport «À
la recherche du milliard»;
IL EST RÉSOLU que la Fédération des francophones hors Québec
réclame auprès du gouvernement fédéral l'élaboration
de meilleures garanties en ce qui a trait à l'utilisation effective des
sommes destinées au développement de programmes en français
au niveau postsecondaire;
IL EST RÉSOLU que la Fédération des francophones hors Québec
demande au Secrétariat d'État de compléter le rapport Johnson
en y ajoutant une annexe relative à l'utilisation des fonds destinés
pour le secteur francophone à l'extérieur du Québec.
Andrew, Caroline Science politique Université d'Ottawa, Ontario
Arbez, Gilbert Fédération des jeunes Canadiens-Français
Ottawa, Ontario
Archambault, René Éducation pour la minorité francophone
Ministère de l'Éducation Cravelbourg, Saskatchewan
Archibald, Clinton Politiques et management publics Faculté d'administration
Université d'Ottawa, Ontario
Arsenault, Georges University of Prince Edward Island Charlottetown,
I.-P.-E.
AuCoin, Jean-Roland Élaboration des programmes en français
Ministère de l'Éducation Halifax, N.-Ecosse
Beaty, Stuart Bureau du Commissaire aux langues officielles Ottawa,
Ontario
Beauchemin, Claire Université Laurentienne Sudbury, Ontario
Beaulieu, Claudette Éducation permanente Université de Moncton,
N.-B.
|
Beauregard, Élise Admissions Collège Algonquin Ottawa, Ontario
Bédard, Donat Expositions itinérantes Gouvernement du Québec
Bélanger, Denis Comité de travail, Centre de main-d'oeuvre
Collège Northern Timmins, Ontario
Bélanger, Mignonne Fédération des femmes Canadiennes-Françaises
Ottawa, Ontario
Bélanger-Cowie, Rosanne Fédération des femmes Canadiennes-Françaises
Ottawa, Ontario
Bérubé, Rhéal Développement universitaire Centre
universitaire de Moncton, N.-B.
Bilodeau, Florent Collège Mathieu Gravelbourg, Saskatchewan
Blanchard-Boudreau, Mireille Orientation professionnelle pour les femmes
Collège Bathurst, N.-B.
Blouin, Charles University of Prince Edward Island Charlottetown, I.-P.-E.
Bourque, Jacqueline S.A.l.C. Gouvernement du Québec
|
Bourque, Maurice Programmes en français Fédération canadienne
des enseignants Ottawa, Ontario
Boyd, Robin Secrétariat d'État Ottawa, Ontario
Brassard, André Services en français Collège St-Laurent
Cornwall, Ontario
Brisson-Noreau, Lise Secrétariat d'État Ottawa, Ontario
Brodeur, Nicole Ministère de l'Enseignement supérieur, de
la Science et de la Technologie Gouvernement du Québec
Brossard, Monique École secondaire Charlebois Ottawa, Ontario
Brun, Orner Société des Acadiens du Nouveau-Bru nswick
Carrier, Denis Vice-recteur adjoint à l'enseignement et à
la recherche, Université d'Ottawa, Ontario
Charbonneau, Paul Fédération des francophones de Terre-Neuve
et du Labrador
|
(SUITE)
Chevrier, Richard Bureau du Commissaire aux langues officielles Ottawa,
Ontario
Dallaire, Margot Collège Cambrian Sudbury, Ontario
Daniel, John Recteur, Université Laurentienne Sudbury, Ontario
D'Augerot-Arend, Sylvie Études pluridisciplinaires Collège
universitaire Glendon, Toronto, Ontario
DeMuy, Guylaine ACFO Ottawa-Carleton Ottawa, Ontario
D'Entremont, Danielle Fédération acadienne de la Nouvelle-Ecosse
Desjardins, Pierre-Marcel Fédération des jeunes Canadiens-Français
Dieppe, N.-B.
Dignard, Serge Éducation permanente Université Laurentienne
Sudbury, Ontario
Dionne, Raoul Faculté des Arts Université de Moncton, N.-B.
Doiron, Roger F.F.H.Q. Ottawa, Ontario
Douville, Lucie Bureau du Commissaire aux langues officielles Edmonton,
Alberta
Drainville, Bernard Fédération des étudiants de l'Ontario
Toronto Ontario
|
Dubé, Roxanne Université d'Ottawa, Ontario
Dubois, Gustave Association culturelle franco-canadienne de la Saskatchewan,
Régina
Duguay, Huguette Société St-Thomas d'Aquin Summerside, l.-P.-E.
Dumont, Donald Fédération des francophones de Terre-Neuve
et du Labrador
Duprey, Donald TV Ontario Toronto, Ontario
Etienne, Gérard Communications Université de Moncton, N.-B.
Filion, Jacqueline Collège Georgian Barrie, Ontario
Finn, Gérard Secrétariat d'État Ottawa, Ontario
Finn, Jean-Guy Sous-ministre, ministère des Collèges communautaires
Frédéricton, N.-B.
Fortier, D'Iberville Commissaire aux langues officielles Ottawa, Ontario
Fortin, Denis Services en français Collège Northern Timmins,
Ontario
Fortin, Toussaint Doyen des études de premier cycle, Université
du Québec à Hull
|
Frappier, Roger Collège de technologie agricole et alimentaire
d'Alfred, Ontario
Friolet, Yseult Fédération des Franco-Colombiens Vancouver,
C.-B.
Gagnon,Jean Institut canadien de recherche sur le développement
régional Université de Moncton, N.-B.
Gagnon, Renaud Sciences de l'éducation Université du
Québec à Chicoutimi, Québec
Gallant, Marius Ass. des conseillers scolaires du Nouveau-Brunswick
Atholville, N.-B.
Garand, Linda Fédération des jeunes Canadiens-Français
Ottawa, Ontario
Garigue, Philippe Collège universitaire Glendon, Toronto, Ontario
Gédéon, Jacques Directeur de l'information CBOFT Radio-Canada
Ottawa, Ontario
Gélineau, Guy Vice-recteur U.Q.U.A.M. Montréal, Québec
Gervais, Gaétan Directeur de l'enseignement en français Université
Laurentienne Sudbury, Ontario
|
(SUITE)
Gilbert, Fernand A.C.F.O. Ottawa, Ontario
Gillmore, Allan Ass. des Univ. et Collèges du Canada, Ottawa,
Ontario
Goldenberg, Mark Secrétariat d'État Ottawa, Ontario
Guindon, Raymond Collège Northern Timmins, Ontario
Guindon, René A.C.F.O. Ottawa, Ontario
Gour, Alcide Collège Cambrian Sudbury, Ontario
Hamel, Bruno Université de Moncton, N.-B.
Hanson, Raymonde Sciences de la santé Collège Algonquin Ottawa,
Ontario
Hébert, Gérard Fédération canadienne des Sciences
sociales Ottawa, Ontario
Hébert, Raymond Collège universitaire St-Boniface, Manitoba
Henderson, Sandra Association des Franco-Yukonnais Whitehorse, Yukon
Héroux, Gilbert Collège universitaire de Hearst, Ontario
Isabelle, Laurent Ancien directeur du collège Algonquin Ottawa,
Ontario
|
Jutras, Daniel Association canadienne d'Éducation de langue française,
Sillery, Québec
Kempo, Olga Études québécoises Collège Capilano
Vancouver,
C.-B.
Lacombe, Claude Ministère des Collèges et Universités,
Toronto, Ontario
Lacombe, Trefflé Commission de la Fonction publique, Ottawa, Ontario
Lafontant, Jean Sociologie Collège St-Boniface, Manitoba
Laforêt, René Expositions itinérantes Gouvernement du
Québec
Lalande, Gilles Sous-commissaire aux langues officielles Ottawa, Ontario
Lalonde, André Centre d'études bilingues Université
de Régina, Saskatchewan
Lalonde, Roger Calgary, Alberta
Landry, Alain Secrétariat d'État Ottawa, Ontario
Landry, Monique Secrétaire parlementaire Secrétariat d'État
Ottawa, Ontario
Lapointe, Jean Sociologie Université d'Ottawa, Ontario
|
Lapointe, Maryse Fédération des jeunes Canadiens-Français
Edmonton, Alberta
Larocque, Gabriel Collège Canadore North Bay, Ontario
Lavoie, Pauline Fédération des jeunes Canadiens-Français
Ottawa, Ontario
Leblanc, Claude Fédération des jeunes Canadiens-Français,
N.-B.
Le Blanc, Gilles Fédération acadienne de la Nouvelle-Ecosse
Le Blanc, Jean-CLaude Bureau du Commissaire aux langues officielles
Ottawa, Ontario
LeBlanc, Lomer Collège d'Edmunston, N.-B.
Le Blanc, Ronald Département d'économie Université de
Moncton, N.-B.
Légère, Robert Association canadienne des professeurs d'universités
Ottawa, Ontario
Leibu, Ygal U.Q.A.M. Montréal, Québec
Lemoyne, Hilaire Secrétariat d'État Ottawa, Ontario
Lepage, André-Pierre Sciences de la santé Collège Algonquin
Ottawa, Ontario
|
(SUITE)
Lévesque, Jacqueline Association des Enseignantes/Enseignants
franco-ontariens Ottawa, Ontario
Lortie, Gilles Société franco-manitobaine St-Boniface
Loveless, Glenn Ministère de l'Éducation St-Jean, Terre-Neuve
Luke, Michael Département de français Université Memorial
St-Jean, T.-N.
MacDonald, Paule Canadian Parents for French, Vancouver, C.-B.
Mclntyre, Gérard Conseil des ministres de l'Éducation (Canada)
Toronto, Ontario
McLaughlin, Adrienne Collège Algonquin Ottawa, Ontario
McLaughlin, Yvonne Association des conseillers scolaires, Moncton,
N.-B.
McLean, Walter (Honorable) Secrétaire d'État du Canada Ottawa,
Ontario
McMahon, Frank Faculté St-Jean Université de l'Aberta, Edmonton
Maisonneuve, Jean-Pierre Fédération des jeunes Canadiens-Français
Ottawa, Ontario
Malette, Claude Gouvernement du Québec Secrétariat aux affaires
in ter-gouvernementales canadiennes
|
Malenfant, Louis Sciences de l'éducation Université de Moncton,
N.-B.
Mann-Trofimenkoff, Susan Université d'Ottawa, Ontario
Marchildon, Michel Fédération des jeunes Canadiens-Français
Régina, Saskatchewan
Mayrand, Robert Collège Algonquin Ottawa, Ontario
Merzisen, Yves Littérature québécoise Collège Caribou
Kamloops, C.-B.
Messier, Jean Université du Québec à Hull
Michaud, Renée Université de l'Alberta Edmonton
Neatby, Jacqueline Promotion des services en français en Ontario
Ottawa, Ontario
Nogue, Alain Association canadienne-française de l'Alberta
Obadia, André Faculté d'éducation Université Simon
Fraser Barnaby, C.-B.
Ouellette, Jocelyne Bureau du Québec à Ottawa, Ontario
Paquet, Gilles Faculté d'administration Université d'Ottawa,
Ontario
|
Patry, Pierre Coopération extérieure Montréal, Québec
Paulhus, Marcel Collège de technologie agricole et alimentaire
d'Alfred, Ontario
Pelletier, Pierre Éducation permanente Université d'Ottawa,
Ontario
Poirier, Lionel Faculté d'arts appliqués Collège Algonquin
Ottawa, Ontario
Potvin, Monique Direction Jeunesse Ottawa, Ontario
Préfontaine, Marielle Enseignement et recherche Université
de Moncton, N.-B.
Rabinovitch, Robert Sous-secrétaire d'État Ottawa, Ontario
Raymond, Gérard Collège communautaire de Bathurst, N.B.
Régimbald, Wilda Collège Northern Timmins, Ontario
Robard, Andrée Chimie, Biochimie et physique, Collège Algonquin
Ottawa, Ontario
Robichaud, Gary Fédération des jeunes Canadiens-Français
île-du-Prince-Edouard
Robichaud, Jean-Marc Ministère de l'Enseignement supérieur
du Québec
|
(SUITE)
Roy, Guy Bureau de l'éducation française Winnipeg, Manitoba
Roy, Jean-Louis Journal Le Devoir Montréal, Québec
Roy, Luc Fédération des jeunes Canadiens-Français St-Boniface,
Manitoba
Ruest, Paul Collège St-Boniface, Manitoba
Runte, Roseann Université Ste-Anne, Pointe-de-l'Église, N.-E.
Ryan, Claudette Retour au travail Collège Algonquin Ottawa, Ontario
St-Denis, Yves F.F.H.Q.
Samson, Real Département de pédagogie Université Ste-Anne,
N.-E.
Sargent, Janice Canadian Parents for French, Ottawa, Ontario
Savard, Pierre Centre de recherche en civilisation canadienne-française
Université d'Ottawa, Ontario
|
Schweiger, Helmut Commission de l'enseignement supérieur des Maritimes
Frédéricton, N.-B.
Shapiro, Bernard Ontario Insitute for Studies in Education, Toronto,
Ontario
Socque, Marcel Bureau du Québec à Ottawa, Ontario
St-Jacques, Bernard Département of Linguistics University of B.C.,
Vancouver
St-Louis, Natalie Fédération des jeunes Canadiens-Français
Moncton, N.-B.
Tardif, Claudette Programme de pédagogie Faculté St-Jean
Université de l'Alberta, Edmonton
Thomas, Mireille Département de français Université
Memorial St-Jean, T.-N.
|
Tremblay, Onésime Conseil de l'éducation franco-ontarienne
Toronto, Ontario
Vachon, Diane Fédération des femmes canadiennes-françaises
Ottawa, Ontario
Vachon, Roger Conseil consultatif de langue française Collège
Northern Timmins, Ontario
Vienneau, Jean-Guy Faculté d'éducation Université de
Moncton, N.-B.
Vigeant, Nicole Collège Niagara Welland, Ontario
Watters, Jean Éducation permanente Faculté St-Jean Université
de l'Alberta, Edmonton
Whelan, Marcia Société St-Thomas d'Aquin Summerside, I.-P.-E
Wilhem, Bernard Département de français Université de
Régina, Saskatchewan
|
DU BUREAU DE LA F.F.H.Q.
Gareau, Céline
Kemp, Johanne
Larocque, Manon
Marcoux, Roland
Morin, Jacinthe
Paiement, René-Marie