Actes du colloque : situation actuelle et recherche de scénarios d'un développement d'aide aux communautés francophones hors Québec

Colloque national sur l'enseignement postsecondaire en langue française, à l'extérieur du Québec

Ottawa, les 10, 11 et 12 mai 1985

Avant-propos

La Fédération des francophones hors Québec a le plaisir de publier le texte intégral des communications et un résumé des discussions du colloque national sur l'enseignement postsecondaire en langue française qui s'est tenu à l'hôtel Skyline d'Ottawa, les 10, 11 et 12 mai 1985.

Les textes sont présentés, avec des divisions et sous-titres, afin de faciliter la lecture. Cette harmonisation a été effectuée par le professeur Clinton Archibald, de la Faculté d'administration de l'Université d'Ottawa. La fédération tient d'ailleurs à le remercier vivement de son travail.

Elle souhaite également que ce document permette des discussions utiles sur chacun des thèmes du colloque. La fédération voudrait remercier le Secrétariat d'État de son aide financière, les nombreux(ses) présentateurs(trices) qui ont contribué au succès de cette rencontre et les divers médias qui ont donné à cet important colloque la place qui lui revenait.

TABLE DES MATIÈRES

Avant-propos

Présidences des séances de travail du colloque

Allocution d'ouverture du vice-président de la Fédération des francophones hors Québec

Allocution de l'Honorable Walter F. McLean, Secrétaire d'État

Première séance de travail (en plénière) : Thème I: l'accessibilité aux études postsecondaires

L'accessibilité aux études postsecondaires dans les provinces maritimes

Allocution de madame Jocelyne Ouellette, déléguée de la Maison du Québec à Ottawa

Deuxième séance de travail : Thème II: Pour de meilleures structures institutionnelles

A: Les structures universitaires

B: Les structures collégiales

Déjeûner-causerie : Les collèges professionnels face à l'avenir

Troisième séance de travail (en plénière) : L'éducation permanente : de nouvelles voies?

Quatrième séance de travail : thème IV: Pour des programmes de qualité

A- Les programmes universitaires

B- Les programmes collégiaux

L'avenir des minorités francophones: pour le Canada, un engagement à enrichir; pour le Québec, une réconciliation indispensable

Cinquième séance de travail (en plénière) : Thème V: Pour un financement optimal

Sixieme séance de travail : thème VI: La préparation du matériel didactique et le développement professionnel continu

A- En milieu universitaire

B- En milieu collégial

Plénière et conclusion du colloque

Présentation du prix painchaud-léger

Résolutions des jeunes participants (au nom de la Fédération des jeunes Canadiens-Français)

Participants

Notes

Présidences des séances de travail du colloque

Monsieur Trefflé Lacombe, commissaire Commission de la Fonction publique Ottawa

Monsieur Philippe Garigue, principal Collège Glendon Université York, Toronto

Monsieur Florent Bilodeau, directeur général Collège Mathieu Gravelbourg, Saskatchewan

Madame Jacqueline Neatby Promotion des services en français sur le plan local et au niveau provincial Ottawa

Madame Paule Macdonald, directrice nationale. Canadian Parents for French Vancouver

Monsieur John Daniel, recteur Université Laurentienne Sudbury

Monsieur Clinton Archibald, professeur Faculté d'administration Université d'Ottawa

Monsieur Alcide Gour, doyen Collège Cambrian Sudbury

Allocution d'ouverture du vice-président de la Fédération des francophones hors Québec

Monsieur Roger Doiron

Chers amis,

Je tiens à vous remercier d'avoir accepté avec empressement l'invitation de participer à ce premier colloque national sur l'enseignement postsecondaire de langue française, à l'extérieur du Québec.

Je tiens aussi à remercier tous ceux qui ont travaillé à réaliser ce colloque: l'honorable Walter McLean et son équipe au Secrétariat d'État, dont monsieur Hilaire Lemoyne et madame Claire Paris. Messieurs Michel Bastarache, Lionel Poirier, Gérard Etienne et la Fédération des Jeunes Canadiens-Français qui ont formulé des suggestions de nature à en rehausser le contenu. Bien entendu, un «merci» bien spécial à mesdames Manon Larocque Brunet, Céline Gareau, Jacinthe Morin qui se sont occupées de tous les menus détails organisationnels. Monsieur René-Marie Paiement, notre directeur des communications. Madame Johanne Kemp à qui nous avons confié la tâche de l'organisation de ce colloque et finalement, notre ami, le professeur Clinton Archibald qui a cru avec «passion» à ce colloque et qui en a coordonné les étapes avec un dévouement exemplaire.

Je n'insisterai pas sur l'importance que les francophones hors Québec ont historiquement accordé aux questions se rapportant à l'éducation. D'ailleurs, notre histoire scolaire est trop complexe pour en faire le point en seulement quelques pages. Mais je dois tout de même souligner que des lacunes encore énormes persistent en ce qui a trait à la prestation de services d'enseignement en langue française aux niveaux élémentaire et secondaire. En effet, malgré notre ténacité séculaire, notre système d'enseignement en français n'est pas, à l'heure actuelle, établi sur des bases bien fermes.

En ce qui concerne les études universitaires et collégiales, sujet qui nous intéresse plus particulièrement cette fin de semaine, nous devons reconnaître que malgré des progrès réels, les francophones hors Québec sont, d'une certaine manière, maintenus à l'écart de cette formation avancée. Si, dès le niveau secondaire, les jeunes francophones décident de s'inscrire à un programme postsecondaire, ils doivent souvent consentir à poursuivre de façon inconfortable un programme d'études dans une langue autre que la leur, ou opter pour un programme en français qui ne correspond pas nécessairement à leurs aspirations profondes, ou encore au marché du travail.

L'intérêt que porte la fédération et ses associations provinciales à ce dossier s'inscrit donc dans la logique des interventions qu'elles ont faites antérieurement pour accroître les possibilités offertes aux francophones hors Québec de recevoir l'enseignement dans leur langue.

La tenue de ce colloque s'imposait pour plusieurs raisons mais principalement pour celles-ci :

  • d'abord, nous savons que les études postsecondaires, qu'elles soient universitaires ou collégiales, demeurent un élément de promotion individuelle et de développement collectif pour l'ensemble de la société;
  • ensuite, nous savons aussi que la situation des francophones hors Québec à l'égard des études postsecondaires est nettement moins bonne que celle du reste de la population canadienne. On explique cette faiblesse générale par différents facteurs tels le manque de confiance en soi, l'insécurité financière, le désir de gagner de l'argent, l'absence de modèles familiaux et le manque d'encouragement de la part du milieu. La plus ou moins grande proximité des établissements de formation et le manque de programmes en français sont également des facteurs importants dans la décision de poursuivre ou non des études au niveau postsecondaire;
  • enfin, cette situation nous apparaît comme étant un cercle vicieux, avec tout ce que cela implique de conséquences sérieuses pour l'avenir et la qualité de vie de nos communautés.

Pour la F.F.H.Q., la question de la disponibilité des cours et des programmes postsecondaires en français est fondamentale dans la mesure où le développement d'un tel type d'enseignement ne peut faire autrement qu'avoir une incidence considérable sur la prestation de services en langue française, sur le dynamisme économique des communautés francophones hors Québec et sur la création de lieux de travail de langue française.

Il importe donc, cette fin de semaine, de s'interroger sur l'effet dissuasif que peut avoir l'absence de possibilités d'étudier en français, dans certaines disciplines surtout, telles les sciences pures et appliquées, le génie et les disciplines médicales. En effet, il y a lieu de croire que l'offre conditionne la demande en terme d'orientation et de choix académiques. À ce sujet, le groupe de travail de l'Université d'Ottawa sur les services universitaires en Ontario a formulé en 1983 l'hypothèse suivante: «(...) les secteurs, où la fréquence de la participation des francophones est significativement plus faible que celle des anglophones, correspondent à ceux où il y a peu de programmes d'études offerts entièrement ou partiellement en langue française».1

Les auteurs de ce rapport ajoutent «que l'accroissement des cours universitaires disponibles en français, en sciences et en génie, pourrait devenir un facteur-clé pour inciter les élèves du secondaire à modifier leur comportement, non seulement à l'égard des sciences et du génie, mais aussi à l'égard des sciences de la santé».2

L'histoire des services en français dans les collèges du nord-est de l'Ontario va dans le même sens. Monsieur Alcide Gour, doyen à la division des programmes du collège Cambrian, à Sudbury, déclarait dans une entrevue à la revue Liaison l'hiver dernier, qu'au niveau des études postsecondaires, il faut créer le programme et ensuite, ce programme crée le besoin et les étudiants s'inscrivent.

C'est à la lumière de ces réalités que des organismes comme le nôtre et les associations provinciales s'acharnent à briser ce «fameux» cercle vicieux, mais nous devons avouer franchement que nous ne pouvons faire tout ce travail sans la volonté des gouvernements provinciaux, la participation active du gouvernement fédéral et l'implication constante de gens comme vous tous, ici présents ce soir.

Il est clair que ce colloque aura atteint ses buts s'il peut permettre un engagement plus énergique et formel sur cette question entre les deux niveaux de gouvernement, parce qu'il faut le dire, la situation est urgente.

Car voyez-vous, la conservation de l'identité française au sein d'un Canada et d'une Amérique majoritairement de langue anglaise ne va pas de soi. Cette identité ne se conservera qu'à condition que le débat reste continuellement ouvert, qu'il soit appuyé par une volonté politique et par la créativité des francophones hors Québec, de personnes et de groupes sensibles à leur situation qui s'engagent à en parler au sein de leur espace institutionnel et géographique.

En terminant, permettez-moi de vous livrer une observation d'un auteur malheureusement inconnu, en souhaitant que ses propos guident vos échanges cette fin de semaine: «L'existence même des droits culturels suppose, d'abord et avant tout, le droit à l'éducation».

Mesdames, messieurs, je vous remercie de votre attention et vous souhaite de fructueuses cogitations.

Allocution de l'Honorable Walter F. McLean, Secrétaire d'État

Mesdames et messieurs,

Je tiens d'abord à féliciter la F.F.H.Q. d'avoir pris l'initiative d'organiser ce colloque. Je sais que, depuis longtemps, vous vous intéressez aux problèmes auxquels les francophones font face dans le domaine de l'enseignement. Je sais aussi que vous collaborez étroitement avec le Secrétariat d'État. C'est pourquoi j'attache beaucoup d'importance aux orientations que vous prenez et aux points de vue que vous exprimez. Et je tiens à vous dire que je suis heureux de pouvoir m'associer ainsi à votre conférence.

J'aimerais saisir cette occasion pour redire que le gouvernement fédéral veut continuer à aider les communautés minoritaires de langue officielle. Il veut, par son appui, permettre aux langues officielles de s'épanouir. J'aimerais préciser, en passant, que c'est aussi mon objectif personnel. Dans le cours de ma carrière professionnelle, j'ai contribué au développement de plusieurs communautés culturelles dans différentes parties du monde. Cette expérience, qui fut pour moi une source d'enrichissement, m'a aussi convaincu qu'il était de la plus haute importance de conserver sa langue comme expression de sa culture.

Je partage les préoccupations et les aspirations de vos communautés et je comprends toute l'importance des priorités que vous avez établies pour poursuivre votre route vers l'avenir.

En tant que Secrétaire d'État, c'est moi qui suis chargé de la défense de vos intérêts au sein du Cabinet. C'est avec dynamisme et  enthousiasme que j'ai assumé ce rôle et je compte le jouer à plein pour que le gouvernement puisse répondre à vos aspirations avec toute la vigueur et la compassion dont je le sais capable. Il nous faut voir les choses dans cette optique si nous voulons donner suite à l'engagement du Premier ministre non seulement de raffermir les communautés de langue officielle mais aussi les organisations qui les représentent. Il est clair que, depuis les tout débuts de notre mandat, que le gouvernement a accordé une très haute priorité aux langues officielles. Peut-être est-il bon de rappeler ici les termes du Premier ministre dans le discours du Trône: «Mon gouvernement s'est engagé à faire respecter l'égalité des deux langues officielles consacrée dans les textes législatifs, cette exigence est vitale pour notre originalité et notre identité nationales. Il importe donc qu'on la consacre également dans les faits. Mes ministres reconnaissent la nécessité de réaliser des progrès constants et de manifester la vigilance requise dans ce domaine crucial de notre vie nationale.»

Non seulement j'y suis tenu de par mon mandat, mais je puis dire aussi que je m'y engage personnellement.

Je suis Secrétaire d'État depuis relativement peu de temps mais je crois avoir déjà donné une nouvelle dimension au rôle que mon ministère est appelé à jouer pour contribuer à la promotion sociale de la société canadienne. J'ai une vision des choses qui est sans doute différente de celle de mes prédécesseurs. Je préfère la conciliation à la confrontation. Je préconise l'autonomie, et non la dépendance absolue.

Je crois savoir que votre organisation, tout comme ses membres et les associations qui lui sont affiliées, tiennent comme moi ce principe comme base de notre action. Nous avons eu l'occasion, ma secrétaire parlementaire, Monique Landry, et moi-même, de rencontrer beaucoup de vos gens. Nous avons rencontré, en particulier, tout dernièrement, les membres, très engagés, de la Fédération des Franco-Colombiens. Leur vitalité m'a bien impressionné. Ce qui m'a impressionné le plus chez eux, ce fut leur détermination à devenir autonomes, à devenir les partenaires à part entière du développement de leur province.

Je crois qu'il est possible de délibérer sur les questions qui nous préoccupent, de rechercher ensemble des solutions aux différents problèmes, sans qu'il y ait nécessairement confrontation. On n'a, pour s'en convaincre, qu'à songer au climat de collaboration qui règne actuellement entre les provinces et le gouvernement fédéral à l'heure où, par voie de négociations, nous cherchons à établir un système d'enseignement postsecondaire qui soit plus viable au Canada. Vous conviendrez tous avec moi que, à l'heure actuelle, notre système d'enseignement postsecondaire n'est pas suffisamment solide et accessible pour répondre aux besoins particuliers des minorités francophones. C'est pourtant la condition essentielle au développement de vos communautés et c'est là l'objet premier de mes pourparlers avec les provinces.

Les minorités linguistiques doivent continuer de mettre au défi nos systèmes d'enseignement postsecondaire. Les anciennes politiques, qui ont suscité auprès des provinces la confrontation au lieu de la conciliation, ont été source de malaise. Les gouvernements ne pouvaient, dans cette atmosphère tendue et malsaine, prendre les décisions qui s'imposaient pour répondre véritablement aux besoins des minorités du Canada en fait d'enseignement.

Les francophones de l'extérieur du Québec, comme vous, doivent savoir qu'ils peuvent suivre des cours en français et que les étudiants francophones qui poursuivent les études dans leur propre langue peuvent compter sur un milieu stable qui leur permettra de combler leurs aspirations. J'ai amorcé avec les provinces une série de négociations que je crois positives et constructives. Votre contribution est indispensable à l'issue heureuse de ces négociations.

Pour satisfaire vos besoins, il est essentiel, évidemment, que les universités et les collèges reçoivent des fonds suffisants. Le gouvernement fédéral en est conscient. Nous respectons la réalité constitutionnelle en vertu de laquelle l'éducation relève des provinces au Canada. C'est dans ce contexte que nous sommes à examiner les arrangements actuels aux termes desquels nous contribuons, par l'entremise des provinces, au financement de l'enseignement post-secondaire.

Il y a presque deux mois maintenant que nous avons publié le rapport de M. A.L. Johnson, notre conseiller spécial pour le financement de l'enseignement postsecondaire et de la recherche. On m'a fait bien des observations sur les diverses questions soulevées dans le rapport. Je vais d'ailleurs en discuter avec les ministres provinciaux que je dois rencontrer ce mois-ci. J'aimerais évidemment connaître, à ce sujet, l'opinion de la Fédération des francophones hors Québec, et celle des autres organisations qui sont représentées ici ce soir. Qu'on ne s'y méprenne pas: vous constituez, à mes yeux, un groupe important et nombreux; vos aspirations et vos besoins sont importants. Cela me tient à coeur et, comme preuve, j'ai prolongé pour deux autres années - donc jusqu'en mars 1988 - le protocole sur les langues officielles dans l'enseignement. Sachez aussi que le Cabinet a approuvé une augmentation budgétaire de 3% pour ces importantes ententes bilatérales.

La Charte des droits et libertés, enchâssée dans la Constitution du Canada, est garante des droits linguistiques. Ce sont ces droits fondamentaux qui s'inscrivent en filigrane dans l'édifice de la société canadienne. Comme vous le savez, le Cabinet est en train de réétudier le programme de contestation judiciaire. Nous avons tous à l'esprit l'engagement du Premier ministre d'appuyer l'examen des questions d'ordre juridique auxquelles se heurtent les communautés de langue officielle.

Comme vous devez certainement le savoir, certains d'entre vous, le professeur Pierre Foucher, de l'École de droit de l'Université de Moncton, vient de terminer au cours de son année sabbatique, l'étude des lois provinciales à la lumière des droits à l'instruction dans la langue de la minorité. Il en a conclu que la plupart de ces lois ne respectaient pas l'article 23 de la Charte. Il a procédé province par province pour faire son analyse, j'espère donc que cette étude va permettre aux provinces de concentrer leurs énergies et d'orienter leur action d'une manière qui ne leur aurait pas été possible auparavant. Les résultats de cette étude seront publiés sous peu.

Qui, en fait, doit veiller à ce que la nouvelle génération d'étudiants puissent étudier dans un cadre linguistique qui leur soit propice, qui soit celui qu'ils espèrent et qu'ils méritent? - Les provinces, cela va de soi, en raison de notre réalité constitutionnelle. - Les universités et les collèges, car ce sont ces institutions qui ont la responsabilité d'établir les buts et les objectifs de l'enseignement. - Le gouvernement fédéral, qui reconnaît toute l'importance des objectifs nationaux en matière d'enseignement postsecondaire. - Et, de façon fondamentale, les associations comme la vôtre , car ce sont elles qui connaissent le mieux les besoins et qui peuvent suggérer des sentiers nouveaux et dynamiques aux gouvernements et aux maisons d'enseignement.

Je ne puis trop insister sur le rôle de premier plan que vous devez jouer pour mener à bien cette opération.

Pour mieux défendre vos intérêts, j'ai besoin de votre participation.

Je crois que nous voulons tous asseoir sur des bases solides l'égalité linguistique au pays. C'est, du reste, notre engagement conjoint. C'est par la poursuite de ce même but que nous continuerons à nous forger une identité nationale qui nous soit propre. Un sage a dit un jour: «C'est chemin faisant que l'on s'enrichit; l'arrivée au but ne nous offre guère plus.». Continuons donc à faire route ensemble et à tendre vers le même but.

Il va sans dire qu'en offrant à tous les mêmes chances d'avoir accès aux maisons d'enseignement postsecondaire, ce sera un premier pas de fait pour assurer un traitement équitable aux minorités francophones dans la vie économique et sociale du Canada.

Je tiens ici à mentionner de nouveau un fait que je juge important. Bien que le gouvernement ait pour principe de rechercher le consensus et la réconciliation, nous savons fort bien que certaines questions linguistiques et éducatives de la plus haute importance ne peuvent être résolues que par la voie des tribunaux. Pleinement conscient du caractère délicat de la question, et après avoir longuement consulté les fonctionnaires compétents, j'ai décidé d'accorder une aide financière supplémentaire à l'affaire Marchand. Malgré certaines irrégularités et bien que ce soit un précédent, je crois que l'affaire est suffisamment importante pour justifier cet appui extraordinaire.

J'aimerais formuler le voeu, pour terminer, que cette conférence ne se limite pas à une simple fin de semaine de dialogues et de débats intéressants. J'espère qu'elle déclenchera toute une avalanche de nouvelles suggestions et de nouvelles recommandations. Et que cette avalanche amène dans son sillage toute une foule de changements qui contribueront à établir de nouvelles relations vigoureuses entre notre gouvernement et les communautés francophones du Canada.

Je vous souhaite donc à tous une fructueuse conférence et j'espère bien qu'on me fera connaître vos conclusions et les nouvelles idées qui en jailliront.

Merci.

Première séance de travail (en plénière) : Thème I: l'accessibilité aux études postsecondaires

Cette première séance de travail visait à effectuer un survol des problèmes financiers, de ceux reliés au manque d'intégration des programmes du secondaire et du postsecondaire et à l'insuffisance des programmes disponibles en français. Mais surtout à faire un examen de nouvelles pistes pour pallier ces carences et pour permettre aux étudiants d'avoir «de plus grandes possibilités».

Madame Monique Brossard, de l'école secondaire Charlebois (Ottawa), parle d'abord de la situation actuelle et elle déplore qu'en Ontario, par exemple, seulement 24% des étudiants terminant leur dernière année iront en treizième année terminale. Elle affirme que pour intéresser les jeunes, il faudra des services d'orientation améliorés, un meilleur dialogue entre ceux qui travaillent dans les institutions postsecondaires et les écoles secondaires, des échanges d'activités mieux structurés et des bourses d'études plus alléchantes (car les jeunes de langue française viennent souvent de

Monsieur Bernard Drainville, président de la Fédération des étudiants de l'Ontario, insiste pour sa part sur l'importance des frais de scolarité pour les étudiants issus de familles dont le revenu est plus élevé. Après avoir fait un survol de la situation des jeunes Franco-Ontariens, il se dit d'avis qu'une intervention des autorités fédérales est nécessaire pour corriger les lacunes actuelles.

Monsieur Raoul Dionne, de la Faculté des arts, de l'Université de Moncton, dresse plutôt un tableau de la situation dans les provinces maritimes et admet qu'en ce qui a trait à l'accès aux études postsecondaires en français, il existe des variations prononcées à l'intérieur de ces provinces. Selon lui, le financement des institutions postsecondaires n'a jamais été considéré comme une responsabilité entière des gouvernements et les régimes de bourses sont minables.

L'accessibilité à l'éducation postsecondaire en Ontario: données générales et situation des Franco-Ontariens

par Bernard Drainville

Introduction

Ma présentation traitera, dans sa presque totalité, de la question de l'accessibilité à l'université telle qu'elle se présente à l'heure actuelle en Ontario. Une attention toute spéciale sera portée à la condition de l'enseignement postsecondaire offert à la minorité franco-ontarienne.

Le débat sur les questions d'accès aux études postsecondaires a souvent tourné autour des frais de scolarité, qui en sont le coût le plus direct et le plus visible. Dans la plupart des pays européens, ces frais ont été abolis. Il m'apparaît important, à ce stade-ci, de regrouper tous les aspects de la question de l'accessibilité (c'est-à-dire frais de scolarité et régimes d'aide financière) pour démontrer qu'ils peuvent et doivent faire l'objet d'une politique gouvernementale visant à rapprocher la distribution socio-économique de la clientèle universitaire de celle de la population.

1- l'accessibilité en ontario       

Non seulement une telle politique a-t-elle été recommandée par plusieurs commissions et organismes consultatifs du gouvernement ontarien, mais elle a été adoptée dans le passé et nous ne voyons aucune raison de douter maintenant de son statut prioritaire. En fait, nous croyons qu'une telle démocratisation du recrutement est nécessaire à la poursuite de l'excellence, et qu'en tentant de les dissocier, on remplace l'excellence par l'élitisme.

Dès 1960, le lieutenant-gouverneur de l'Ontario, J.K. MacKay, déclarait dans son discours du Trône que:

«...every student of ability and ambition who wishes to proceed to university will have the opportunity regardless of their financial means.»

Le gouvernement a pris un rôle actif en cherchant à assurer l'accès à toute personne qualifiée par l'expansion de la capacité des institutions et l'aide financière. C'est ainsi qu'on a vu les inscriptions à l'université passer de 20000 environ en 1951 à 125000 en 1971. On a souvent tendance à croire qu'il s'agissait là d'un phénomène purement démographique. Toutefois, comme l'a noté la Commission sur l'éducation postsecondaire en Ontario (COPSEO), dans son rapport de 1972 (p.4), tandis que la population de 18 ans a doublé entre 1951 et 1971, la population universitaire, elle, a augmenté de six fois!

Cependant, depuis le milieu des années 70, le gouvernement s'est lancé dans une politique de restrictions budgétaires, utilisant comme prétexte les changements démographiques conduisant à une réduction du nombre des personnes âgées de 18 à 24 ans, qui ont traditionnellement occupé les places à l'université.

La demande a continué de croître, due à divers facteurs sociaux et économiques, dont la participation accrue des adultes aux études à temps partiel. Un rapport du Conseil des universités de l'Ontario (1983) concluait notamment que:

«Labour market trends also point to increased demand for education in general and for specialized education in particular... At the same time, improvements in the level of education of the general population should ultimately lead to more demand for advanced education. In other words, pure demand will probably increase. Whether university participation rates decrease on the available supply of appropriate places, which are in turn determined by government policies regarding financing and by institutional capacity to adapt.»

La baisse du taux de participation, si elle avait lieu, serait le résultat d'un choix politique, et non d'une réalité démographique. Réduire la capacité des universités à partir de prédictions sur la demande, centrée sur les tendances démographiques, c'est mettre la charrue devant les boeufs (notons en passant que de telles prédictions se sont avérées fausses à plusieurs reprises). Il revient plutôt au gouvernement de créer la demande en assurant que les places appropriées seront disponibles. Cela, nos dirigeants l'ont reconnu au cours des années '60. Comment peuvent-ils maintenant le nier?

Notons, de plus, que la décision de poursuivre une politique d'amélioration de l'accès aux études postsecondaires avait, à son origine, une dimension économique: le retard du Canada sur les États-Unis, conduisant au chômage et à un manque de productivité, reposait sur un manque de personnel qualifié. Nous comprenons mal pourquoi l'éducation, qui est en fait un investissement dans l'avenir, du point de vue de la société autant que de l'individu, soit maintenant perçue comme étant une dépense que l'on doit «couper» de manière à équilibrer le budget.

Aujourd'hui encore, le Canada et l'Ontario se trouvent à un point critique. Nous risquons de perdre les gains qui ont été faits si nous ne sommes pas capables de répondre aux défis que présente «l'ère de l'information». Or, ce n'est pas seulement sur le plan technologique que l'évolution très rapide de notre société a un impact; nous devons aussi être en mesure de cerner la problématique d'une telle évolution en termes humains. Pour ne citer que deux exemples: nous faisons face au vieillissement de la population et au remplacement du concept de carrière par l'évolution plus libre d'un individu qui se réadapte continuellement aux besoins d'une société changeante.

Les thèmes diffèrent quelque peu, mais en relisant ce paragraphe du rapport de la Commission sur l'éducation postsecondaire en Ontario (1972), on se trouve à songer que plus ça change, plus c'est la même chose:

«We must have a continual broadening of skills and knowledge to enable us to live in a world where the problem of providing sufficient goods, the social strains of living closely together, and the ecological dangers of ruining our environment all threaten survival itself. When faced with the imperative need of education for survival, universal access should seem, not a benevolent dream but a categorical necessity.» (p.33)

Notons que la COPSEO entendait par accessibilité universelle, «access to any citizen who wishes and is able to make use of it». Or, s'il se trouve que certains groupes sociaux sont exclus de l'éducation postsecondaire par des facteurs autres que la capacité d'en profiter, nous ne pouvons qu'en déduire que leur talent est gaspillé. Nous posons alors la question: sommes-nous en mesure de gaspiller ce potentiel? Allons-nous nous résigner à devenir une mare stagnante de chômeurs et d'exploités? Ou serons-nous une société dynamique, à l'avant-garde du progrès, autant social que technologique?

Nous insistons donc pour souligner l'importance que nous accordons aux questions d'accessibilité, non seulement pour la clientèle traditionnelle de 18-24 ans, mais aussi pour les adultes et plus précisément les étudiant(e)s à temps partiel qui comptent pour un pourcentage de plus en plus important de la clientèle étudiante. Or, comme le signale David Stager dans un document qu'il a préparé pour la Commission sur l'avenir des universités en Ontario (Commission Bovey), des études ont démontré que les étudiant(e)s à temps partiel sont particulièrement sensibles aux changements des frais de scolarité.

Stager fait allusion à une étude de Bishop et Van Dyk qui a révélé que les adultes poursuivant des études à temps partiel étaient beaucoup plus sensibles aux changements dans les frais de scolarité que ne l'étaient les plus jeunes étudiants à temps plein. Notons de plus que la distribution socio-économique des étudiants à temps partiel est sensiblement plus proche de celle de la population en général, que n'est la distribution des étudiants à temps plein.

Ce que d'ailleurs Paul Anisef admet sans détour:

«The sponsorship of part-time education for mature students could be viewed as a strategy for increasing lower-socialclass participation. Indeed, our own statistics, like those of others, indicate that part-time university students have lower social class background than full-time ones. However, for such changes to take place, it is necessary to implement changes that affect the attitudes and motivations of disadvantaged «target» groups.»

Notons également d'autres faits qui témoignent du rôle important joué par les frais de scolarité auprès de tous les étudiants potentiels. La Fédération des étudiants de l'Ontario, dans son rapport «Sizing up the Gap» (1980), cite une étude de l'Institut de recherches de Stanford (Stanford Research Institute), menée en 1975, et qui révèle qu'avec chaque   baisse de 100$ des frais de scolarité, les inscriptions montaient de 1% parmi les étudiants dont le revenu familial était de plus de 12 000$ par année, et de 7% parmi ceux dont le revenu familial était de moins de 6 000$ par année. Là où il y a scepticisme, ce n'est pas pour dire que le niveau des frais n'a aucune importance, mais seulement qu'il ne joue pas un rôle primordial. Ainsi, Anisef écrit:

«Whether or not tuition fees are a large percentage of the total cost for students, tuition does affect the ability of the students to participate in post-secondary education. And as we suggested previously, the visibility and prominence of tuition fees interact with social, cultural and regional factors and importantly influence the perceived ability of adolescents to finance their future postsecondary studies.»

Les frais de scolarité sont et doivent demeurer un aspect de la politique sociale. Ils doivent être fixés par le gouvernement, quitte à laisser une certaine marge de liberté aux institutions, comme c'est le cas présentement. En accordant toute liberté aux universités pour la détermination de leurs frais, on encourage l'émergence d'un système à deux niveaux, comme il en existe présentement aux États-Unis.

On n'a pas traité sérieusement non plus l'autre volet de la politique d'accessibilité, soit l'aide financière. En effet, on se pose bien souvent aucune question à cet égard. On se contente d'assurer le lecteur que toute hausse des frais de scolarité sera compensée par une augmentation de l'aide financière. Pourtant, les gestes du gouvernement de l'Ontario, au cours des récentes années, n'inspirent pas la confiance dans ce domaine.

Dans les dépenses globales du régime d'aide financière aux étudiants de l'Ontario, le pourcentage de l'aide accordée sous forme de bourses a chuté sans arrêt au cours des cinq dernières années, tombant de 46% en 1979-80 à 33% en 1982-83 (et les données préliminaires pour 1983-84 laissent entrevoir qu'il se chiffre pour cette période à 31%). Les conséquences de cette tendance sont claires. Selon un article du Globe and Mail (11 janvier 1984), le pourcentage d'étudiants provenant de familles à revenus modestes et recevant des bourses est en net déclin: ces étudiants n'ayant qu'une capacité d'endettement limitée sont de plus en plus forcés, pour des raisons pécuniaires, d'abandonner leurs études.

D'ailleurs, l'effet néfaste d'un programme de prêts sur les étudiants provenant des couches sociales désavantagées ne reste plus à documenter. Selon Peter Leslie:

«...any optimism that an all-loan program would have little adverse effect on accessibility must be doubted. One's guide on these matters should not be abstract reasoning, but the abundant sociological evidence which reveals the unwillingness of young people, particularly from lower income levels, to assume heavy long-term debt.»

2- l'accessibilité et les franco-ontariens

En 1968, la Commission royale d'enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme en arrivait à la conclusion que les Canadiens francophones, tout autant que les Canadiens anglophones, avaient droit à l'enseignement dans leur première langue, et ce à tous les paliers du système d'éducation. Depuis lors, les politiques gouvernementales, les études dans le domaine de l'éducation, et les soumissions faites par des organismes tels que la Fédération des francophones hors Québec (F.F.H.Q.) et Direction Jeunesse insistent pour dire que le maintien de l'identité culturelle d'un groupe social dépend essentiellement de la conservation de sa langue. Pour ce qui est des droits linguistiques, on estime dans le fond qu'il ne s'agit nullement d'un cadeau offert par la majorité à un groupe minoritaire, mais plutôt d'une reconnaissance du fait que le Canada est un pays officiellement bilingue, qui accorde un statut égal aux francophones et aux anglophones.

L'assimilation se produit là où on ne peut ni travailler ni étudier en utilisant sa langue maternelle. Lors du recensement du Canada de 1971, on a constaté en effet que 27% des francophones vivant hors Québec n'utilisaient  plus le français comme première langue.

On reconnaît que les écoles assurent la transmission de la culture, et que la langue est un aspect fondamental de l'identité culturelle d'un groupe social. À ce propos, la Fédération des francophones hors Québec, dans son étude intitulée Deux poids, deux mesures, comparaît la situation des anglophones habitant le Québec et celle des francophones vivant dans les neuf autres provinces du Canada. Or, cette comparaison fait ressortir des inégalités inquiétantes. Au niveau des écoles primaires et secondaires, les statistiques démontrent que les élèves francophones hors Québec sont plus nombreux que les élèves anglophones du Québec.

C'est toutefois tout le contraire au niveau postsecondaire, où les étudiants, éduqués partiellement ou complètement en français, sont quatre fois moins nombreux que leurs homologues anglophones  du Québec qui poursuivent leurs études en anglais. Au Québec, on compte six collèges et trois universités unilingues, qui offrent une gamme complète de programmes. En revanche, l'Ontario n'a pas de collège communautaire unilingue à l'intention des étudiants francophones, malgré le fait que la population francophone de l'Ontario est aussi importante que la population anglophone du Québec. Il y a bien le collège universitaire de Hearst où l'enseignement se fait en français, mais cette institution, étant fort éloignée  des grands centres urbains, a de la difficulté à recruter des étudiants et par conséquent, offre un choix limité de programmes.

À l'égard de l'enseignement postsecondaire en Ontario, on constate certaines améliorations au cours des dernières années. Cependant, le «fait bilingue» demeure un sujet de discussion plutôt qu'une réalité, et le gouvernement de l'Ontario refuse toujours de proclamer un bilinguisme officiel dans la province. Les facultés des études professionnelles n'offrent que de rares programmes en langue française, et la population franco-ontarienne est mal représentée auprès des instances chargées de la prise de décisions. Tous ces facteurs empêchent cette population de sortir de sa situation marginale.

Quant aux lois de l'Ontario qui reconnaissent le français comme langue d'enseignement, il est évident que l'accès à l'instruction assuré par celles-ci ne répond pas aux besoins de la population franco-ontarienne. Pour la population ontarienne dans son ensemble, le taux de participation à l'enseignement postsecondaire est de 8%, mais il n'est que de 4,2% pour les francophones de la province. Par ailleurs, il est généralement reconnu que la situation économique et sociale des individus exerce une influence sur leur participation éventuelle à l'éducation postsecondaire. Or, on doit dire que les Franco-Ontariens sont défavorisés à cet égard. Dans un discours prononcé à une assemblée de l'Institut d'administration publique du Canada le 16 avril 1984, le ministre des Affaires intergouvernementales, Thomas Wells, a cité le Premier ministre William Davis:

«Nous devons continuer de faire ce que doit. En Ontario, il s'agit donc de développer les services en langue française pour répondre aux besoins réels, et ce de façon ouverte et directe. Voilà notre politique. Elle n'a pas de plafond, ni budget fixe, ni délais d'exécution artificiels. Il n'y a pas de limite imposée par des idées fixes. Il y a plutôt un engagement profond en vue d'assurer à la population francophone de la province une égalité d'opportunité. Cet engagement tient tout simplement au respect fondamental de la condition humaine.»

Il serait raisonnable de penser qu'un «engagement profond en vue d'assurer une égalité d'opportunité» comprendrait la concrétisation de ce beau principe par l'application de politiques et programmes spécifiques au niveau de l'enseignement postsecondaire.

Dans les universités, dans les collèges, et dans toutes les régions de la province, la disponibilité des programmes en langue française est inadéquate. Il est impardonnable de chercher à légitimer la situation actuelle en disant qu'elle représente un pas en avant par rapport à la situation d'il y a quinze ans. Nous avons toujours à réparer une injustice qui remonte aux époques révolues.

Le Conseil des régents est un organisme qui fait des recommandations au ministère des Collèges et Universités à propos des collèges communautaires. Dans un mémoire intitulé Policy Regarding Education in the French Language in the CAATs (Politique en matière d'enseignement en langue française dans des collèges communautaires), le Conseil a déclaré:

«Le Conseil est toujours d'avis que les objectifs primordiaux des collèges communautaires sont:

  • de préparer les jeunes pour leur entrée au monde du travail;
  • d'aider les adultes à se perfectionner ou à se préparer pour un nouvel ou meilleur emploi.»

Si les collèges communautaires vont aider les jeunes à s'intégrer au monde du travail, ils doivent offrir des programmes qui permettront à leurs étudiants de le faire. Selon une étude effectuée par Statistique Canada en 1981, les programmes des collèges communautaires qui sont les moins utiles à cet égard sont concentrés dans les domaines des beaux arts, des arts appliqués, des arts du spectacle, des services communautaires et des services sociaux. En revanche, les programmes les plus utiles se retrouvent surtout dans les domaines de la technologie et du génie, où les programmes en langue française sont pratiquement inexistants. On peut dire que dans le fond, le manque de programmes utiles en langue française fait obstacle à l'avancement éventuel des jeunes francophones dans le monde du travail, et a pour effet de les diriger insensiblement vers des emplois moins rémunérés.

La situation n'est guère plus heureuse dans les universités. Un étudiant francophone qui habite le nord de l'Ontario, et qui veut étudier le génie des mines, la géologie ou un autre sujet quelconque ayant trait au développement économique de sa région, ne peut pas le faire en français en Ontario. En général, il s'agit de quitter sa province et d'aller étudier ailleurs. Cette situation nuit aux étudiants individuels, et nuit également au développement économique et social de la province. Les origines de ce mal remontent à la politique de sous-financement de l'enseignement que le gouvernement de l'Ontario a adoptée. Cette politique sape davantage les programmes en langue française de la province, qui sont déjà insuffisants. Quant aux énoncés de politiques qui portent aux nues les mérites du bilinguisme, ils servent de paravents destinés à cacher le fond du problème. Dans son rapport de 1983 sur le bilinguisme dans les universités canadiennes, le Commissaire fédéral des langues officielles, M. Max Yalden, a déclaré que malgré une certaine évolution favorable, «II n'est que trop évident qu'un très grand nombre d'universitaires ont toujours des oeillères».

Par ailleurs, M. Yalden a tenu à faire le commentaire suivant sur le thème de la semaine nationale des universités organisée par l'Association des universités et collèges du Canada, «Nous pensons à l'avenir»: «Les universités nous incitent à leur demander, d'une manière acerbe, si le moindre semblant de responsabilité envers autrui ne les oblige à se rappeler l'importance d'un développement des capacités bilingues chez les jeunes gens de notre pays.»

Conclusion       

En ce moment, on ne peut pas dire au juste quel sort attend les programmes en langue française, mais on peut envisager facilement le pire des scénarios éventuels. Si les universités ont à se spécialiser dans des domaines spécifiques, est-ce qu'on va déclarer, par exemple, que l'Université d'Ottawa sera dorénavant le centre de l'enseignement bilingue, et que l'on ne fera plus rien pour les  gens du nord? Une autre éventualité, moins dramatique mais aussi désagréable, serait le transfert vers le sud de la plupart des programmes offerts actuellement dans le nord. Dans ce cas-là, est-ce que l'Université Laurentienne aura à se contenter d'une poignée de cours symboliques? Est-ce que le Collège universitaire de Hearst, jugé trop coûteux, sera éliminé sans égard pour le rôle de premier plan qu'il joue dans la vie des habitants du nord? Nous avons un besoin urgent de développer des programmes d'études technologiques et professionnelles en français. Est-ce qu'une telle expansion va cadrer avec un plan d'action qui vise le rétrécissement?

La Fédération des étudiants de l'Ontario/ Fédération canadienne des étudiants(e)s a souligné à plusieurs reprises que la rationalisation du système universitaire, telle qu'envisagée par le gouvernement, ne fera rien pour assurer un système d'enseignement postsecondaire qui soit de haute qualité et ouvert à tous. La rationalisation proposée ira à l'encontre des besoins et attentes de tous les habitants de l'Ontario, y compris les Franco-Ontariens.

L'idée d'un réseau postsecondaire francophone qui a été dernièrement proposé par Direction Jeunesse et repris par d'autres organisations dont la Fédération des étudiants de l'Ontario (F.E.O.), pourrait constituer une avenue intéressante à explorer. Ce réseau inclurait l'Université d'Ottawa, l'Université Laurentienne, le Collège universitaire de Hearst ainsi que le Collège Glendon.

La direction de ce réseau serait confiée à un bureau des gouverneurs, qui se rapporterait directement au gouvernement, dont le mandat principal serait de consolider les programmes actuellement offerts en français dans le système postsecondaire ontarien, mais surtout de veiller au développement et à l'implantation, à l'intérieur de l'une ou l'autre de ces institutions, de programmes en sciences, sciences de la santé (particulièrement médecine), génie et autres.

Ce réseau auquel pourrait éventuellement se greffer un certain nombre de collèges communautaires, se verrait attribuer une enveloppe budgétaire dont le bureau de direction serait le seul responsable. En permettant une répartition équitable des ressources disponibles, le réseau répondrait non seulement aux nécessités actuelles de rationalisation et d'efficacité, mais pourrait également déboucher sur la création des programmes dont les francophones de l'Ontario ont tellement besoin pour pouvoir avoir leur place dans la société canadienne des années '80 et '90.

Il faudra en attendant offrir aux francophones de l'Ontario, et plus globalement hors Québec, des bourses substantielles leur permettant de se rendre au Québec, ou au Nouveau-Brunswick, où il est actuellement possible d'étudier la médecine en français.

Le gouvernement fédéral est appelé à jouer un rôle important dans la mise en place de politiques favorisant l'accès des francophones à l'éducation postsecondaire. C'est ici que la mission du gouvernement fédéral comme promoteur actif de l'égalité des chances pour les deux peuples fondateurs prend toute son importance. Le rapport Johnson, remis en février dernier au Secrétaire d'État, recommandait d'ailleurs au gouvernement fédéral d'augmenter sa participation financière à l'éducation postsecondaire proportionnellement à l'augmentation des argents que les provinces voudront injecter dans les collèges et universités. Peut-être pourrait-on ajouter une suggestion: que certaines conditions soient exigées pour qu'un pourcentage des argents versés par le fédéral aux provinces, dans le cadre des arrangements relatifs au financement de l'enseignement postsecondaire, soit consacré au développement et à la création de programmes en français dans les universités et collèges ainsi qu'à la mise sur pied de programmes visant à encourager la participation des francophones à l'enseignement postsecondaire.

De façon à ce que les provinces, comme l'Ontario, prennent leurs responsabilités, le gouvernement fédéral doit intervenir et faire preuve de leadership. Ce faisant, il pourra peut-être, comme l'histoire canadienne l'a démontré avec le bilinguisme officiel, corriger une situation qui s'aggrave sans cesse et qui pourrait devenir irréversible.

L'accessibilité aux études postsecondaires dans les provinces maritimes

par Raoul Dionne

Introduction     

Dans les provinces maritimes, l'accès aux études postsecondaires en français varie beaucoup à l'intérieur des trois provinces concernées.

1- trois réalités différentes?...   

Au Nouveau-Brunswick, l'accessibilité aux programmes en français a été fortement améliorée quand le Premier ministre Louis J. Robichaud a lancé son programme de chances égales au début des années soixante. Les collèges universitaires ont été fusionnés lors de la création de l'Université de Moncton en 1963. Un réseau de polyvalentes secondaires s'est établi dans toutes les régions acadiennes, et des collèges communautaires facilitent l'accès aux métiers et aux technologies. Mais avec un bassin de population acadienne réduit et dispersé, il peut arriver que des villes à majorité anglaise offrent peu de services en français ou bien que les trois régions acadiennes n'aient pas toutes l'infrastructure postsecondaire dans leur région respective. Comme le sud-est a obtenu le centre universitaire le plus complet, le nord-est a été doté du centre principal pour les technologies.

Mais le régionalisme acadien provoque beaucoup de dissensions et paralyse souvent les efforts de rationalisation des ressources disponibles. Le gouvernement Hatfield a perfectionné le système postsecondaire francophone sur les recommandations de la Commission de l'enseignement supérieur, mais certaines promesses électorales, pour gagner le vote acadien, nuisent parfois à une saine planification.

Les deux autres provinces enregistrent des progrès assez lents et rencontrent de fortes oppositions, surtout quand les Acadiens réclament un régime en français semblable à celui du Nouveau-Brunswick. La création d'un centre communautaire francophone à Charlottetown a soulevé beaucoup de résistance de la part du groupe écossais qui jugeait qu'un centre d'étude celtique était aussi important qu'un centre acadien. Le bilinguisme n'impressionne pas beaucoup les promoteurs du multiculturalisme.

À l'Ile-du-Prince-Edouard, il y a un district scolaire francophone dans la région rurale Évangéline, mais peu d'enseignement en français dans les villes de Charlottetown et de Summerside. De plus en plus, ces villes deviennent des foyers actifs d'assimilation. Au niveau postsecondaire, les programmes en français sont inexistants.

En Nouvelle-Ecosse, les Acadiens vivent principalement au Cap Breton, à la Baie Sainte-Marie et dans la région métropolitaine de Halifax. Les programmes secondaires sont plutôt bilingues que francophones. L'Université Sainte-Anne, avec ses 150 à 200 étudiants, offre des programmes limités dans les humanités, les sciences, l'éducation et l'administration. Sainte-Anne développe beaucoup de programmes à caractère communautaire et cherche à se franciser avec ses programmes d'immersion, mais le régionalisme de la Nouvelle-Ecosse paralyse aussi les efforts concertés pour faire bouger les gouvernements qui ne disent jamais non, mais n'améliorent pas facilement l'infrastructure acadienne. Dans cette province, beaucoup d'Acadiens poursuivent leurs études dans des institutions anglophones.

L'égalité des chances et l'accessibilité aux études en français est raisonnable au Nouveau-Brunswick, mais dans les autres provinces, les infrastructures secondaires et postsecondaires prennent beaucoup de temps à se réaliser. Comme la programmation et le financement des institutions se font au niveau provincial, les Acadiens doivent lutter à l'intérieur de leurs provinces respectives et obtiennent des résultats en fonction de leur force politique. Les minorités reçoivent généralement les miettes après que les centres anglophones ont été bien équipés.

2- droit, financement, bourses 

Chez les Acadiens, l'accès aux études pour les étudiants admissibles est perçu comme un droit et non un privilège. Dès le XIXe siècle, les Acadiens ont essayé de bâtir des institutions d'enseignement secondaire pour se donner un encadrement social et un leadership. Avec peu de moyens financiers et beaucoup de générosité, l'église acadienne a ouvert une quantité de collèges et de couvents pour l'éducation de la jeunesse. Mais ce système répondait surtout aux besoins des classes moyennes et au recrutement des vocations religieuses. Avec l'explosion démographique et les revendications plus fortes des années soixante, il fallait élargir les possibilités et se doter de programmes beaucoup plus coûteux. Dans ce contexte, l'éducation postsecondaire est passée sous le contrôle de l'État qui en assure maintenant le financement.

Traditionnellement, dans les provinces maritimes, le financement des institutions postsecondaires n'a jamais été considéré comme une responsabilité entière des gouvernements. On maintient toujours le principe à l'effet que l'étudiant et la famille doivent aussi contribuer au financement des études. Ce principe a du mérite: on veut éviter une trop grande ingérence politique dans la gestion des institutions et on veut rendre l'étudiant sensible aux coûts des études universitaires. Quand un étudiant paye une partie de ses dépenses universitaires, il perd beaucoup moins de temps à s'orienter et met plus de sérieux dans ses études. Cependant, la société acadienne n'a pas encore atteint un degré de maturité et de prospérité lui permettant d'assurer trop de frais pour son éducation. Nos régimes de bourses sont encore minables, alors que les Acadiens socioéconomiquement faibles laissent peu d'héritage aux universités pour éponger des déficits ou pour soutenir des programmes spéciaux. Dans la mentalité actuelle, on voudrait laisser au gouvernement la responsabilité entière du financement, mais avec les compressions budgétaires, il est douteux que le gouvernement change sa politique. Il faudrait peut-être introduire plus de «stimulants fiscaux» qui encourageraient des individus ou des entreprises à contribuer davantage aux dépenses universitaires.

Après cet examen du droit à l'éducation et de la responsabilité du financement, il serait bon de discuter des moyens d'entraide entre les universités francophones. Dès les débuts de l'Université de Moncton, nous avons compris qu'il serait impossible d'introduire tous les programmes nécessaires à la formation des Acadiens. Nous avons créé de nombreux programmes, mais avec un bassin de population limité, certaines facultés devenaient trop coûteuses pour nos ressources. C'est dans cette perspective que nous avons sollicité l'aide des universités du Québec et d'Ottawa pour obtenir un certain nombre de places pour les Acadiens désireux de s'inscrire dans les programmes médicaux, agricoles, scientifiques ou autres. Au début, les ententes s'appuyaient sur la bonne foi des secrétaires généraux et des directeurs de programmes. Nous avions des problèmes quand les universités d'accueil changeaient leurs programmes sans nous prévenir ou que nos étudiants rencontraient des personnes assez inflexibles dans l'évaluation de leurs dossiers.

D'un autre côté, les universités d'accueil avaient des problèmes avec certains étudiants qui abandonnaient leurs études dans des programmes contingentés et fortement recherchés par des étudiants du Québec. Heureusement avec l'expérience et l'organisation d'un comité permanent, la liaison entre les universités et la sélection des étudiants se sont grandement améliorées.

Les grandes universités peuvent aussi rendre d'énormes services et offrir leur expérience quand une petite université élabore de nouveaux programmes ou a besoin d'expertise dans l'évaluation des programmes existants; c'est à ce moment que la solidarité des francophones se fait sentir et joue son rôle.

Au nom des Acadiens, j'aimerais formellement exprimer nos voeux de reconnaissance et de remerciement aux universités du Québec et d'Ottawa pour ces services si généreusement offerts au développement des cadres de la société acadienne. Grâce à cette contribution, nous avons été en mesure de combler des vides dans plusieurs secteurs. Merci aux nombreuses personnes qui ont collaboré à l'évolution de nos institutions sans leur enlever le vent dans les voiles.

Dans les programmes des institutions postsecondaires, la régionalisation de la population acadienne soulève beaucoup de problèmes. Il est impossible d'offrir tous les programmes dans chacune des régions et nous devons essayer de rationaliser l'utilisation de nos ressources, mais cette politique provoque beaucoup de frustration et de mécontentement. Si nous ajoutons à ce problème la situation d'un financement à 80-85% par le gouvernement provincial, il devient évident que les pressions politiques peuvent influencer nos décisions. Pour des politiciens, il faut se faire élire dans une région acadienne et les décisions rationnelles ne sont pas toujours les plus populaires. Il faut lutter continuellement pour éviter l'éparpillement des ressources et parfois accepter des compromis nuisibles à l'édification de programmes rentables. Dernièrement, un programme de foresterie a été accepté dans une région malgré la nécessité d'améliorer l'infrastructure de la Faculté des sciences logée à Moncton. Cette décision des gouverneurs ne respectait pas beaucoup l'autorité du sénat en matière académique. Dans notre histoire, le jeu de l'équilibre est monnaie courante: si nous avons le centre universitaire dans le sud, il faut créer le collège technologique dans le nord. Parfois c'est très défendable, à d'autres moments beaucoup plus dangereux. Dans les trois provinces, les Acadiens vivent généralement chacun dans leur isolement et il existe peu de liens entre eux dans les programmes postsecondaires.

Par ailleurs, les programmes d'aide financière aux étudiants existent depuis environ 1967. Les trois provinces offrent sensiblement les mêmes conditions avec quelques variantes (plus d'emprunt avant la bourse en NouvelleÉcosse et pénalité aux étudiants de l'île-duPrince-Edouard qui choisissent à l'extérieur un programme offert à l'île). Dans la formule actuelle du Nouveau-Brunswick, l'aide financière commence après l'épuisement de ses ressources personnelles ou celles de sa famille. On impose un emprunt de 2400$, suivi d'une bourse de 2200$ et d'un prêt additionnel de 960$ pour les personnes les plus nécessiteuses. Pour obtenir le plein montant, la famille ne doit pas réaliser des revenus supérieurs à 30000$.

Cette année, 46% des étudiants de Moncton avaient des emprunts et des bourses et 51% avaient réclamé le prêt maximum. Ceci représente un endettement d'environ 4 millions pour les étudiants acadiens. C'est le double des emprunts dans les institutions anglophones, mais au moins, les étudiants désireux d'investir dans leur éducation sont en mesure de poursuivre leurs études. Depuis le début du programme d'aide financière, le gouvernement provincial a essayé de limiter la dette totale des étudiants en absorbant les dettes dépassant 6000$, mais aujourd'hui il y a fort à craindre que cette politique change et que les étudiants soient forcés d'absorber une grosse dette pour leurs études.

L'endettement des étudiants du Centre universitaire de Moncton en 1984-85 en date du 28 avril 1985

Population totale d'étudiants inscrits durant l'année, y compris ceux qui ont quitté durant l'année:

Total: 3477

Nouveaux: 984

Nombre total des étudiants qui ont reçu un prêt d'un gouvernement:

Prêt: 2110 ou 60,7% de la population totale

Nouveaux: 588 ou 59,8%

Nombre total des étudiants qui ont reçu le prêt maximum de leur province respective (2400$ N.-B., 1860$ QC):

Prêt maximum: 1759 ou 50,6%

Nouveaux: 484 ou 49,2%

Nombre total des étudiants qui ont reçu une bourse après avoir reçu le prêt maximum de leur province respective:

Bourse: 1598 ou 46%

Nouveaux: 440 ou 44,7%

Nombre d'étudiants qui ont reçu 2200$ de bourse ou plus. (Il y en avait 317 du N.-B. avec 2200$, le maximum au N.-B.)

Bourse 2200$+: 491 ou 14,1%

Nouveaux: 149 ou 15,1%

Nombre d'étudiants qui n'ont aucun prêt pour l'année 1984-85:

Sans prêt: 1367 ou 39,3%

Nouveaux: 396 ou 40,2%

Comme les pourcentages l'indiquent, il y a très peu de différence entre l'endettement des nouveaux par rapport à la population totale pour 1984-85. Un total de 4877539$ en prêts a été consenti à 2110 étudiants du Centre universitaire de  Moncton en 1984-85. Cela fait une moyenne de 2312$ par étudiant avec prêt.  Un total de 2678190$ en bourses a été divisé entre 1598 étudiants pour une moyenne de 1676$ par étudiant.

Les administrateurs des programmes d'aide financière aux étudiants sont assez satisfaits du présent régime, mais les étudiants en contestent plusieurs aspects. Ils voudraient obtenir la bourse avant le prêt et ne pas être obligés de déduire les revenus de leur emploi d'été dans les calculs. Quand l'université offre une bourse de mérite à un étudiant, la formule actuelle déduit le montant dépassant 600$ sur la partie bourse de la province au lieu de faire la déduction sur l'emprunt. Cette pratique n'aide pas beaucoup les efforts des universités dans la création de fonds de bourses destinés à l'allégement des dettes des étudiants.

Les étudiants de 18 à 24 ans n'aiment pas beaucoup l'idée d'être déclarés dépendants de leur famille après la première année universitaire. De leur côté, les familles ne sont pas toujours prêtes à maintenir ce lien de dépendance pendant de longues années; parfois, certains parents font du chantage à leurs enfants quand vient le moment de signer les formules de prêts-bourses. La solution de déclarer les étudiants indépendants de leurs familles est jugée trop coûteuse par les gouvernements provinciaux qui insistent sur le fait que les parents ont une responsabilité dans l'éducation de leur progéniture et que le programme d'aide financière aux étudiants doit s'appuyer sur les besoins des plus déshérités. Le débat est ouvert depuis de nombreuses années et l'on ne semble pas trouver de solution acceptable pour les étudiants.

On discute aussi l'hypothèse de transformer les modalités de financement des universités en établissant les vrais coûts, mais les universités ne recevraient plus l'octroi pondéré sur le nombre d'étudiants en fonction des coûts des programmes choisis. Les administrateurs des universités sont généralement opposés à cette méthode de financement, parce qu'ils trouvent impossible le calcul des frais indirects et considèrent qu'ils ont déjà assez de mal à boucler les budgets. Beaucoup de services et d'équipements sont nécessaires à la qualité d'un programme, mais ils sont souvent sous-utilisés et cette méthode de financement provoquerait encore plus de déficit. Les universités seront toujours, à mon point de vue, des éléphants blancs et des paniers sans fonds parce qu'avec la recherche et la variété des possibilités, les universités peuvent facilement dépenser toutes les sommes qu'elles reçoivent et avoir toujours soif. En éducation, il faut croire à l'investissement dans l'avenir et éviter la trop grande rentabilité des universités qui se fera généralement au détriment de la qualité des programmes.

Le programme d'aide financière aux étudiants n'est probablement pas idéal sur toute la ligne mais il a grandement favorisé la scolarisation des Acadiens. L'endettement de nos étudiants est plus grand que celui de la population anglophone, mais au moins la prochaine génération sera mieux équipée pour faire face au défi des années quatre-vingt. Malgré le chômage élevé des régions atlantiques, les éduqués ont quand même une meilleure chance de réussite et seront probablement mieux préparés pour créer de nouveaux emplois.

Conclusion       

Nous devons déplorer le fait qu'environ 600 Acadiens soient inscrits dans des institutions anglophones pour différentes raisons (plus grande proximité de l'institution, programme non offert à Moncton ou détenteurs d'une bourse généreuse d'une université anglophone). Nous essayons d'obtenir une meilleure participation aux études postsecondaires dans les institutions acadiennes, mais le bilinguisme des étudiants acadiens leur donne  beaucoup de mobilité, ce qui nous rend inquiets face à l'avenir.

Le programme de chances égales et d'accessibilité aux études postscondaires francophones est une réalité au NouveauBrunswick, malgré la nécessité des déplacements. Avec notre petite population, il est impossible, pour l'instant, de faire mieux. Les Acadiens des autres provinces maritimes sont beaucoup moins favorisés et leur pouvoir de pression politique pour corriger la situation n'est pas assez fort. Il faudra probablement revitaliser nos efforts d'entraide outre frontière pour améliorer cette situation.

Résumé de la discussion 

Selon certains participants, le «phénomène» des classes d'immersion pourrait servir les communautés francophones hors Québec. Les élèves inscrits à de tels programmes augmenteront la clientèle universitaire de langue française - et même collégiale - permettant ainsi, à moyen terme, des demandes accrues pour de nouveaux programmes. D'autres estiment toutefois qu'il faut être prudent et que les diplômés des programmes d'immersion pourraient constituer des «agents d'assimilation».

On estime également qu'il sera nécessaire, pour les francophones hors Québec, d'explorer de nouvelles avenues en matière d'éducation postsecondaire afin de permettre à ces derniers un meilleur accès et une plus grande gamme de programmes en français. On mentionne, à titre d'exemple, l'enseignement à distance. La Télé-Université, rattachée à l'Université du Québec et formant un consortium de quatorze universités et collèges, a déjà fourni un bon exemple du succès que peut connaître ce type d'enseignement.

Enfin, on note que l'accès des femmes à l'éducation postsecondaire -notamment des femmes chefs de famille - est une question qui devrait mériter une attention particulière. On souhaiterait qu'on aborde davantage cette question de l'accès et que de nouveaux mécanismes soient trouvés afin d'améliorer la situation.

Allocution de madame Jocelyne Ouellette, déléguée de la Maison du Québec à Ottawa

Merci, monsieur le vice-président. Bonsoir monsieur le ministre McLean. Madame la secrétaire parlementaire. Monsieur le président.

Francophones et francophiles tous ici présents ce soir.

Permettez-moi tout d'abord de vous remercier de l'occasion que vous m'offrez de partager avec vous quelques réflexions sur l'avenir de l'enseignement postsecondaire en français ou plus simplement du fait français. Il me fait plaisir d'ailleurs de participer à ce colloque, et d'y représenter le gouvernement du Québec, accompagnée de Claude Mallette et de Jacqueline Bourque de la Direction de la francophonie et de la coopération du Secrétariat aux affaires intergouvernementales canadiennes, de Nicole Brodeur et Jean-Marc Robichaud du ministère de l'Enseignement supérieur, Science et Technologie ainsi que de Marcel Socqué de la Maison du Québec à Ottawa.

L'avenir de l'enseignement postsecondaire en français ne peut être, à mes yeux, qu'inévitablement fonction de la force du fait français à travers le Canada.

Si vous me le permettez, je vous entretiendrai donc, pendant quelques instants, des efforts déployés et de ceux à venir du gouvernement du Québec pour que déborde et rayonne au-delà de ses frontières, sous toutes ses facettes, le fait français. J'aimerais toutefois, auparavant, rappeler quelques faits qui ont marqué l'évolution du Québec et qui n'ont pas manqué de se répercuter sur l'ensemble de la francophonie canadienne. L'îlot que représentait le Québec dans la mer nord-américaine s'était, jusqu'à la fin des années '50, fort bien protégé de la menace assimilatrice que constituait son environnement naturel. Les remparts que la société, non seulement franco-québécoise mais canadienne-française tout entière avaient érigés, allaient au début des années '60, l'espace d'une génération, s'effondrer.

En effet, la mise au rancart des valeurs traditionnelles associées à l'émergence et bientôt la prolifération des valeurs à prédominance américaine, allaient bouleverser l'environnement sociolinguistique du Québec. Les moyens de communication qui, quelques décennies plus tôt, relevaient de la fiction, allaient exercer une pression endogène à laquelle les francoquébécois, pour survivre à titre d'entité linguistique, se devaient de réagir.

Je ne reprendrai pas ici les tiraillements, voire les déchirements qu'ont suscités les lois 63 en 1969 et 22 en 1974. Je m'arrêterai cependant à l'affirmation claire du caractère francophone de la société québécoise qu'a confirmé la Charte de la langue française. La majorité francophone se dotait enfin de moyens qui lui permettaient de façonner la structure linguistique de son milieu de travail, de modifier son environnement visuel et de s'affirmer comme communauté linguistique et économique. Il est vrai que, suite à des jugements des tribunaux, certaines parties de cette législation ont dû être retranchées. Qu'à cela ne tienne, la communauté anglophone savait maintenant à quelle enseigne linguistique se logeait le Québec.

Comme le disait récemment Jean-Denis Gendron qui présida les séances de la commission d'enquête Gendron de 1968 à 1972 sur la situation de la langue française et sur les droits linguistiques au Québec: « Les Franco-Québécois sont en voie de passer du culpabilisme inhibant des cent dernières années à un autonomisme de plus en plus constructeur. »

C'est dans la lancée de ce mouvement affirmatif que nous nous joignons à vous pour tenter d'amarrer le plus solidement possible la fierté française au Canada. Notre aide et coopération bien modestes jusqu'à aujourd'hui ont été dirigées vers de nombreux organismes qui, je crois, ont tous ici des représentants ce soir, de la Fédération des francophones de Terre-Neuve à celle des Franco-Colombiens en passant par la Fédération des francophones hors Québec.

Ces programmes d'aide incluent entre autres, diverses ententes afférentes à l'enseignement postsecondaire. À titre d'exemple, une entente existe depuis plusieurs années favorisant l'accès des francophones du Nouveau-Brunswick aux programmes de santé contingentés des universités québécoises, telle la médecine générale, la médecine dentaire, la pharmacologie et l'ergothérapie.

Une entente semblable est sur le point d'être signée avec le gouvernement de la Nouvelle-Écosse.

Le Québec offre aussi des bourses de 2e et 3e cycle pour des étudiants acadiens qui souhaiteraient poursuivre leurs études au Québec.

L'Université Ste-Anne, sise en NouvelleÉcosse, profite aussi d'un appui financier québécois visant à inciter ses finissants de 1er cycle à s'inscrire dans une des constituantes de l'Université du Québec.

Enfin, encore plus récemment, un projet pilote a été mis sur pied entre l'Université de Moncton et la Télé-Université québécoise permettant de dispenser sur le territoire du Nouveau-Brunswick un des programmes élaborés par Télé-Université.

Même si le gouvernement du Québec accueille favorablement les revendications des minorités francophones, même si très majoritairement la population du Québec a exprimé le désir de voir s'accroître l'aide et la coopération avec la francophonie canadienne: votre présent et votre avenir dépendent d'abord de vous.

Je souhaite que ce colloque soit l'occasion pour les communautés francophones hors Québec d'imaginer des liens nouveaux, d'innover en adoptant des solutions audacieuses et d'envisager des éléments de réponses concrets et réels, adaptés aux exigences fondamentales du fait français au Canada.

Nous avons indéniablement ceci en commun, gens du Canada-Français, de l'Acadie et du Québec, héritiers d'une tradition de tolérance et de générosité: nous sommes des minorités au Canada et en Amérique du Nord.

D'autre part, le gouvernement du Québec a posé au cours de la dernière décennie plusieurs gestes pour donner des assises internationales à sa réalité linguistique. C'est ainsi qu'en raison des diverses législations, des instruments et des travaux réalisés au cours des ans dans ce domaine, le Québec est bien placé pour dialoguer à ce sujet avec des partenaires à travers le monde. L'Office de la langue française et le Conseil de la langue française en particulier ont établi des liens fructueux avec leurs vis-à-vis, dans des régions comme l'Afrique francophone, le Maghreb et l'Amérique latine.

En ce qui concerne la situation internationale du français et l'accès au développement scientifique, technique, économique et culturel par le truchement de la langue française, la coopération prend des formes diverses. Elle peut viser la linguistique elle-même; par exemple, au sein du Conseil international de recherche et d'étude linguistique fondamentale et appliquée (CIRELFA) ou par voie de travaux réalisés avec le Conseil international de la langue française (CILF) ou dans d'autres secteurs.

Un autre type de coopération avec divers pays touche l'enseignement de la langue française ainsi que la formation des maîtres.

Le sujet qui est au centre des préoccupations de ce colloque, l'enseignement postsecondaire compte aussi au nombre des initiatives québécoises.

C'est ainsi qu'une région du globe qui représente à court et à moyen terme un intérêt particulier dans le domaine des études postsecondaires pour le gouvernement du Québec est l'Amérique latine: le Mexique semble devenir à cet égard un interlocuteur de premier plan. Il peut en aller de même pour le Venezuela. Cela pourrait être vrai également pour d'autres pays d'Amérique latine avec lesquels des contacts ont pu être établis au cours des derniers mois, par le biais d'organisations non-gouvernementales comme l'Organisation universitaire interaméricaine (OUI). Le ministère de l'Éducation et le ministère des Relations internationales ont aussi joué un rôle instrumental dans l'établissement de communications nouvelles entre l'Union des universités d'Amérique latine (UDUAL), dont le siège social se trouve à Mexico, et certaines universités québécoises.

Outre les relations avec les organismes internationaux, deux programmes importants du ministère de l'Éducation du Québec ont un impact certain sur la coopération avec les pays en voie de développement.

Le programme de «bourses d'excellence» permet chaque année à plus de 80 étudiants d'une trentaine de pays de poursuivre au Québec des études de 2e et de 3e cycle.

De leur côté, nos étudiants peuvent bénéficier de bourses importantes offertes spécifiquement aux étudiants québécois par les gouvernements de Chine, d'Algérie et du  Mexique, pour des études supérieures spécialisées dans ces pays.

En matière de formation des enseignants, la France a constitué un partenaire privilégié dans la réalisation d'activités internationales destinées à parfaire la formation des universitaires et des enseignants. Sur le plan universitaire, le programme de projets intégrés a permis, depuis 1972, l'accès aux ressources universitaires de l'autre partie à environ 2000 universitaires québécois et français.

Bien qu'elle n'ait pas connu la même ampleur que la coopération francoquébécoise, la coopération belgo-québécoise a aussi permis de nombreux échanges d'universitaires.

Je crois que ce qui précède suffit à démontrer qu'en élargissant ses rapports avec le monde francophone, le Québec s'est inscrit dans le réseau de la francophonie internationale. Ce faisant, il est en position pour intervenir dans le développement de ce réseau et profiter des avantages culturels et économiques qui en découlent.

Le gouvernement du Québec se tourne maintenant vers les francophones du Canada pour réévaluer l'ensemble des échanges qui ont jusqu'à aujourd'hui défini sa relation avec eux.

À cet effet, le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes, monsieur Pierre-Marc Johnson, entend faire part, sous peu, à la communauté francophone canadienne des intentions du gouvernement du Québec au regard d'une orientation nouvelle des énergies québécoises en ce domaine. Il s'agit là de l'aboutissement logique des nombreuses consultations menées au cours de la dernière année par différents émissaires gouvernementaux et plus particulièrement par monsieur Claude Mallette du Secrétariat aux Affaires intergouvernementales canadiennes. Il est d'ores et déjà assuré que l'on accordera lors de cette réévaluation une attention toute particulière, entre autres, à l'intensification des échanges entre les institutions québécoises de niveaux collégial, universitaire et celles qu'on retrouve dans vos communautés.

Vous l'aurez compris, nous ne le cachons pas, il est évident que la vitalité du réseau francophone canadien peut ouvrir des débouchés culturels et économiques importants pour les nombreux produits québécois. Il est certain aussi, que le tout ne va pas à sens unique. Qu'il s'agisse d'enseignement postsecondaire, de réalisations artistiques, de biens économiques, l'intensification des échanges ne peut qu'être profitable à nos deux communautés.

Ce réseau pan-canadien servira aussi, nous l'espérons, non seulement à communiquer à la jeune génération francophone hors Québec, acadienne et québécoise la fierté des origines communes, mais aussi à lui donner la volonté de relever ensemble le défi de l'avenir. Et plus encore, d'affirmer à cette majorité anglophone qui nous entoure que nous sommes là... avec la ferme intention d'y rester!...

Deuxième séance de travail : Thème II: Pour de meilleures structures institutionnelles

A: Les structures universitaires   

Lors de cet atelier, on a cherché à faire un tour d'horizon des liens à établir entre les communautés desservies par les institutions, de ces mêmes institutions entre elles et d'une maximisation d'une vie culturelle française plus vivante. Les participants ont ainsi cherché à répondre aux questions suivantes: 1) est-il possible de mettre sur pied des ententes permettant d'échanger les ressources, d'intégrer les programmes et de préparer un plan d'ensemble facilitant un meilleur recrutement (d'étudiants et de professeurs)? 2) comment peut-on améliorer les retombées des ententes avec le Québec sur les institutions de langue française hors Québec?

M. Gérard Etienne, directeur de module en communications de l'Université de Moncton, passe d'abord en revue la situation au Nouveau-Brunswick. Il remarque d'abord que seulement 3,6% des citoyens de langue française de cette province détiennent un diplôme universitaire, alors que ce pourcentage passe à 4,24% pour les citoyens de langue anglaise. Quant à l'équipement, la recherche, l'infrastructure et le leadership, M. Etienne affirme qu'il existe un immense fossé entre les institutions de langue française et celles de langue anglaise, surtout dans les sciences pures et appliquées.

Après avoir traité des spécificités institutionnelles de l'Université Laurentienne, de la Faculté Saint-Jean, de l'Université de l'Alberta, M. Etienne en vient à la conclusion que l'on doit mettre sur pied un comité pluridisciplinaire dont le mandat serait de former, de structurer la concertation interinstitutionnelle et un autre comité de la F.F.H.Q., rattaché au Secrétariat d'État, pour veiller à examiner toute question d'ordre académique, financier et administratif relative à l'enseignement postsecondaire en français hors Québec.

Monsieur Gaétan Gervais, directeur de l'enseignement en français à l'Université Laurentienne de Sudbury, dégage pour sa part trois problèmes reliés spécifiquement aux centres universitaires francophones hors Québec: proportion faible d'étudiants de langue française accédant à l'université; insuffisance de programmes scolaires adéquats; manque de concertation et de coordination interinstitutionnelle. Et selon lui, les institutions francophones doivent accroître leur autonomie, veiller à la formation des élites, favoriser l'épanouissement de la culture française et encourager davantage la recherche.

Quant au professeur Frank McMahon, de la Faculté Saint-Jean de l'Université de l'Alberta, il insiste sur la dispersion des francophones hors Québec d'une part, mais également sur «l'inadaptabilité» des institutions existantes à l'égard des populations de langue française et à leurs besoins propres.

Pour de meilleures structures institutionnelles

par Gérard Etienne

Introduction     

L'enseignement postsecondaire en français, dans la conjoncture économique actuelle et à cause des contraintes exercées sur des institutions d'enseignement dépendant de la gestion financière et académique du groupe majoritaire, présente un certain nombre de problèmes pour lesquels il convient de trouver, maintenant, des solutions appropriées. Il s'agit donc non pas de faire le procès, direct ou indirect, des centres universitaires existants, mais de cerner, d'un oeil critique, certains phénomènes dont l'impact serait susceptible d'agrandir davantage le fossé entre anglophones et francophones. C'est pourquoi, dans cet atelier, les questions relatives à la persévérance des francophones hors Québec à l'éducation postsecondaire, à l'enseignement et/ou l'apprentissage des sciences pures et appliquées, aux nouveaux programmes, au lien entre la communauté francophone et le développement des programmes en français, aux cours d'immersion, à la formation des enseignants, devront aboutir à des recommandations spécifiques pour permettre aux francophones du pays de maîtriser leur destin par une formation universitaire qui soit le reflet de leur culture et un agent évolutif de leurs communautés respectives.

La situation au Nouveau-Brunswick

Les francophones du Nouveau-Brunswick, détenteurs d'un diplôme de 1er cycle, représentent 3,6% de la population scolarisée sur une population de langue maternelle française de 231945 comparativement à 4,24% pour les anglophones (448880). Quant aux décrocheurs, ils représentent respectivement 5,36% (francophones) et 6,49% (anglophones). Mais ce taux de persévérance doit être interprété avec beaucoup de réserves. Bien sûr que la moyenne différentielle entre les deux groupes linguistiques proportionnellement à leur quantité numérique, se situe entre 1,50 à 2 au niveau de l'abandon des études (c'est-àdire des jeunes de 15 ans et plus qui ne fréquentent pas l'école à plein temps): 10,13% (francophones) opposé à 12,11% (anglophones). Mais pour une communauté qui a du rattrapage à faire et qui continue d'affronter des phénomènes de colonisation, la mortalité scolaire se révèle une donnée importante. Déjà en 1968 le rapport de la Commission royale d'enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme notait que «les modifications apportées au cours secondaire ont été sans doute inspirées, entre autres, par l'inquiétude grandissante devant le taux élevé d'abandon des études chez les Acadiens et par les piètres résultats de ceux qui persévéraient jusqu'à la fin des cours» (volume II, L'Éducation, Ottawa, 1968, page 104). De son côté, le rapport du comité d'études du Nouveau-Brunswick sur le développement social - LeBlanc - Nutter - est allé plus loin: «Bien que cela semble indiquer une amélioration dépassant 50% dans la persévérance des étudiants, il y a encore une perte de plus de 40% entre les inscriptions de 7e année et la fin des cours (...). Les chiffres de 1968-1970 indiquent une différence marquée dans le taux de défection de ces deux groupes, tant au niveau des années intermédiaires qu'au cours des années secondaires, et le taux des francophones montre une perte d'étudiants beaucoup plus grande»

(LeBlanc-Nutter, Frédéricton, Nouveau-Brunswick, 1971, page 126). Et à l'heure où nous écrivons ces lignes nous ne croyons pas que ce phénomène ait été neutralisé. Enfin, il faudra tenir compte d'autres paramètres tels que la valeur relative des programmes d'études, les facilités d'apprentissage, le rendement académique, etc.

Nous avons retenu, à cause de nos limites financières, un seul point d'enquête: la polyvalente Mathieu-Martin. Sur 366 finissants, 144 élèves ont été inscrits à l'université durant l'année scolaire 1983-1984. Et parmi ces élèves, on compte 64 inscriptions à la Faculté des Sciences et de génie.

Mais là encore, la prudence est de rigueur. Car, d'après les témoignages des scientifiques interrogés pour la rédaction de ce texte, il existe entre l'Université de Moncton et les autres établissements d'enseignement supérieur anglophone un immense fossé à tous les points de vue: équipement(s), recherche(s), leadership dans les secteurs de pointe, faiblesse des infrastructures, etc. Et ceci est le prolongement d'une situation notée au secondaire. Selon un porte-parole du ministère de l'Éducation, 20 écoles secondaires francophones sur 21 offrent le cours d'informatique. Or, nous avons mené notre propre enquête qui révèle qu'il s'agit tout simplement d'un cours d'introduction à la matière tandis que 48 écoles secondaires anglophones sur 48 enseignent la matière en profondeur (computer education, data processing).

Il est évident que plusieurs nouveaux programmes figurent dans le plan quinquennal de l'Université de Moncton et qu'il existe des comités formés de fonctionnaires du ministère de l'Éducation et des représentants de l'université (Histoire, Sciences humaines, Études françaises, Éducation, etc.). Mais là où il y a place, une grande place même, selon les décideurs et les personnalités interrogés, dans le but d'améliorer les services, de coordonner les efforts, de neutraliser les phénomènes d'assimilation ou d'abandon des études, c'est dans les relations entre l'Université de Moncton et le système public (on pense au ministère de l'Éducation, aux conseils scolaires). D'après monsieur Guy Savoie, adjoint au vicerecteur à l'enseignement et à la recherche de l'Université de Moncton, il semble exister actuellement un embryon de consultation qu'il faut absolument mener à terme. Trop souvent dans le passé, écrit-il, les tentatives de rapprochement ont été essayées, mais n'ont pas abouti. Des conseils scolaires (c'està-dire des directeurs généraux, des conseillers en orientation ou d'autres personnes intéressées) auraient souhaité une concertation dans le domaine de la recherche, mais la chose n'a jamais abouti là non plus. Ou encore les résultats n'ont pas été aussi positifs que souhaités.

Au niveau des conseils scolaires, en général, il faut faire appel aux spécialistes, aux professionnels de l'enseignement. Les conseillers scolaires, dans leur grande majorité malheureusement, soutient monsieur Guy Savoie, ne sont pas préparés à jouer le rôle «d'éveilleurs», de «questionneurs» pédagogiques. Pour l'adjoint au vice-recteur, ce n'est pas une critique négative mais il constate que le ministère laisse très peu de libertés aux conseils scolaires.

Au rythme où vont les choses, les cours d'immersion française vont nous forcer à remettre en question maintes orientations qui semblaient propres à nos institutions et à adapter nos programmes d'études à cette nouvelle réalité de façon à établir un équilibre, sur le plan intellectuel, entre anglophones et francophones du pays. Sur ce point, mon étude critique relative au programme d'immersion (Revue Égalité, volume 1, numéro 2, Moncton, Nouveau-Brunswick) rejoint les préoccupations des décideurs et des personnalités - sujets de cette brève enquête. Compte tenu d'une série de phénomènes faisant obstacle à l'apprentissage du français, langue maternelle (particularités des parlers régionaux, interférences linguistiques, anglicismes de tous ordres, problèmes complexes d'assimilation développant des attitudes parfois hostiles à son propre groupe ethnique, à sa langue maternelle, blocage dû à l'inadaptation des manuels pédagogiques, etc.) les anglophones paraissent moins vulnérables, sur le plan de la psycho-linguistique, aux phénomènes qui influent sur l'apprentissage des langues maternelle et seconde.

L'enseignement postsecondaire en français hors québec. Homogénéité des points de vue

Tous les décideurs et toutes les personnalités à qui cette question a été soumise sont unanimes à souhaiter, pour tous les francophones hors Québec, la mise en place d'un système par lequel l'accès à des cours ou à des programmes d'études bien déterminés devra contribuer au dynamisme et au développement social, politique, économique des francophones.

L'adjoint au vice-recteur académique de l'Université de Moncton, monsieur Guy Savoie, est formel. «Je crois,» dit-il, «en ce qui concerne les francophones hors Québec, que les Acadiens, en raison de leurs expériences, ont un rôle de leadership à jouer. Trop souvent, on est porté à critiquer la situation présente en oubliant trop vite le chemin parcouru depuis les 25 dernières années dans le domaine de l'éducation: apparition des manuels scolaires en français dans nos écoles, création des écoles polyvalentes pour les Acadiens et les francophones du NouveauBrunswick, création d'une école normale francophone, création des districts scolaires unilingues, création de l'Université de Moncton, dualité au ministère de l'Éducation». «Tout», selon monsieur Savoie, «n'est pas parfait. Mais, il y a là un noyau autour duquel on peut bâtir, un noyau qui peut même servir de stimulus aux francophones des autres provinces canadiennes».

Si Moncton présente une caractéristique particulière, en raison de l'homogénéité de sa population, les autres centres universitaires francophones du pays confrontent de multiples difficultés voire des problèmes qui, pour l'heure, ne leur permettent pas de mettre sur pied ou même d'assumer une vraie structure d'enseignement universitaire postsecondaire.

L'Université Laurentienne est une fédération de trois universités confessionnelles. Bilingue par sa charte, la Laurentienne comprend cependant une majorité anglophone importante, de l'ordre de 80%. Dans cette institution, le secteur francophone ne jouit d'aucune autonomie administrative. Par conséquent, les décisions touchant le secteur francophone relèvent inévitablement d'organismes et d'instances où les francophones ne représentent qu'une faible minorité. Cette situation engendre de nombreuses tensions et de nombreux conflits. Pour le secteur francophone, la revendication principale est la création de structures autonomes au niveau du Sénat, des programmes et des budgets. À côté de cette dépendance, le secteur francophone de Laurentienne manque de personnel spécialisé. Sur ce point, on souhaite l'élaboration de politiques administratives visant la mise sur pied de programmes de formation de personnel pour les disciplines qui devront répondre, à long terme, aux besoins de la population.

La situation de la Faculté Saint-Jean de L'Université de l'Alberta présente des symptômes identiques à ceux de Laurentienne. Mieux: dans l'ouest, nous dit-on, les francohones sont dispersés. Un véritable centre universitaire francophone, géré, administré par des francophones, assurerait un rôle proportionnel au développement normal d'une communauté sur le plan social, politique, économique. Sur ce point, on insiste sur le développement professionnel des professeurs qui inclurait un élément de participation dans la communauté.

À partir de problèmes communs (Laurentienne, St-Jean, Moncton), de services non existants, de programmes d'études à élaborer à court, moyen et long terme, à partir d'un même ensemble d'intérêts fondés sur la langue, l'ethnicité, les droits constitutionnels, etc., nous sommes arrivés à un consensus portant sur le concept de concertation inter-institutionnelle.

Ainsi posé, l'enseignement à distance pourra se faire entre les centres universitaires francophones hors Québec. Plusieurs cours pourront être offerts par l'un ou par l'autre centre (Ottawa, Moncton, Laurentienne, StJean, etc.) et des équivalences seront reconnues au sein du réseau. En outre, il sera possible de former un consortium pour tous les cours offerts, par exemple, dans les régions éloignées de l'ouest ou dans d'autres régions dépourvues d'infrastructures d'enseignement postsecondaire. Un tel point de vue suppose la mise en place d'un mécanisme de coordination subventionné par les ministères de l'Éducation, le fédéral, la Commission de l'enseignement supérieur du Nouveau-Brunswick. Dans la même optique, pour tous les adultes francophones éloignés des centre universitaires, on pourrait offrir des cours conduisant au moins à un début de programme(s) universitaire(s). Selon madame Lorraine Bourque, directrice de l'Éducation permanente à l'Université de Moncton, 75% des femmes retournent aux études après avoir suivi quelques cours d'une concentration donnée. Bref, au moyen des technologies de communication, l'enseignement à distance commence, d'après les expériences faites entre Moncton et Ottawa, à produire des résultats plus que satisfaisants.

Une telle approche répondra non seulement aux intérêts des parties mais répondra, pour un centre comme celui de St-Jean, à des problèmes urgents. Les sciences infirmières administratives et tout le domaine technique pourront connaître un développement approprié aux besoins des francophones de l'ouest.

Il est évident que pour des programmes très spécialisés, tels que le droit, la médecine, les sciences vétérinaires, etc., des déplacements d'un centre à l'autre seront indispensables.

Conclusion

Presque tous les décideurs et les personnalités consultés demandent au colloque de proposer au gouvernement fédéral de cesser son programme de bilinguisme des fonctionnaires et de diriger ces mêmes budgets à l'enseignement des langues secondes au niveau des maternelles, du primaire et du secondaire ou, de développer dans l'ouest francophone, des ressources strictement francophones.

Nos conclusions porteront sur le souhait de nos personnalités-ressources:

  • la formation d'un comité (de la F.F.H.Q.) pluridisciplinaire dont le mandat serait de former, de structurer la concertation interinstitutionnelle pour la mise sur pied, dans un bref délai, de l'enseignement à distance postsecondaire en français, hors Québec.
  • la formation d'un comité pluridisciplinaire permanent de la F.F.H.Q., rattaché au Secrétariat d'État, pour s'occuper de toutes questions d'ordre académique, financier, administratif relatives à l'enseignement postsecondaire en français, hors Québec.

Pour de meilleures structures institutionnelles au niveau universitaire

par Gaétan Gervais

Monsieur le président, distingués collègues.

Au départ, il me faut faire deux confessions. Par acquit de conscience. La première, c'est pour avouer que je suis ici un peu par fausse représentation. En effet, j'ai constaté dans les divers documents distribués aux participants que cette réunion s'adressait «aux décideurs». Or c'est justement la plainte de beaucoup de francophones qu'ils ne sont pas des «décideurs», mais des porte-parole seulement, des «consultés». Par contre, on risquerait de vider cette salle en ne gardant que les véritables décideurs.

Mon deuxième aveu, c'est pour admettre que je viens de Sudbury. Je fais donc partie de ce que le recteur d'Ottawa appelait naguère «les rêveurs du Nord», ceux qui croient que les Franco-Ontariens devraient contrôler leur propre système universitaire.

Durant les dix minutes accordées à cette présentation, je tâcherai d'abord de définir sommairement le problème universitaire chez les Franco-Ontariens. Ensuite, la question des structures universitaires permettra de mettre en opposition deux modèles de structures. Une troisième section me permettra de plaider pour l'autonomie des secteurs francophones dans les structures universitaires.

I- La définition du probleme      

On peut résumer la difficulté de l'enseignement universitaire en français par l'énumération de trois lacunes:

  • un manque d'étudiants
  • un manque d'accessibilité
  • un manque de planification

Cette énumération permet déjà de mesurer l'ampleur du problème.

Le manque d'étudiants nous ramène à une triste vérité, confirmée par toutes les études, à savoir que le taux de fréquentation universitaire est plus faible chez les groupes minoritaires francophones que dans l'ensemble de la population canadienne. Ce problème grave exige des solutions urgentes. Car la faiblesse de notre taux de fréquentation n'est que l'annonce des difficultés que nous éprouveront dans vingt ou trente années, quand nous aurons besoin de diplômés universitaires que nous ne formons pas maintenant. Ce problème est d'une telle complexité que les groupes minoritaires ont le sentiment d'avoir peu d'emprise sur la situation et peu de moyens pour apporter des remèdes.

Le manque d'accessibilité tient au fait que les programmes voulus par les étudiants ne sont pas toujours disponibles en français. Quand ils le sont, c'est parfois très loin de leur domicile. Dans d'autres cas, les programmes ne sont que partiellement disponibles en français. Étudier en français, c'est souvent un grand défi pour un étudiant. Doit-il abandonner tout simplement, s'expatrier pour étudier loin de chez soi, choisir de poursuivre ses études en anglais seulement?

La troisième lacune touche à la planification. La minorité franco-ontarienne ne possède en propre aucune institution, ni collégiale ni universitaire. Pas une seule. Elle ne reçoit ses services éducatifs que dans des institutions bilingues. Dans ces institutions, les programmes francophones sont en concurrence, pour les ressources, les effectifs, les fonds, avec des programmes anglophones semblables. De plus, la clientèle francophone est souvent numériquement inadéquate pour justifier un programme complet en français. Il va de soi qu'une planification s'impose pour assurer la concertation des efforts et la concentration des effectifs dans un seul endroit pour les programmes où il manque d'étudiants. Mais comment le faire? L'autonomie des institutions universitaires est une vache sacrée qui n'a pas bien servi les intérêts des Franco-Ontariens. Ainsi, les institutions en place défendent des intérêts particuliers qui les rendent peu sensibles aux besoins de coordination et de concertation, étape si nécessaire à une planification intelligente des ressources et des services en français. Il n'y a pas de solution raisonnable qui ne passe par la préparation d'un plan global.

Numériquement faibles, les groupes minoritaires ne peuvent se payer le luxe d'une multiplication désordonnée des programmes d'enseignement. Faute d'une planification, certains programmes ne seront tout simplement pas offerts, nulle part. Ce problème d'accessibilité en cache un autre, très grave: le manque de personnel enseignant pour dispenser certains enseignements spécialisés. Cette lacune tragique attend sa solution. Comment combler l'insuffisance de personnel universitaire? Comment le former et selon quel plan? Ces problèmes ne trouveront de solution qu'au niveau global, général, non en se fiant aux seuls efforts des institutions individuelles. Ainsi, la concertation des efforts s'impose, à l'intérieur d'une province, mais aussi entre les provinces.

Il- la question des structures    

Devant cet état de choses, il faut poser clairement la question: quelles structures universitaires (ou collégiales) peuvent le mieux résoudre les problèmes? Ainsi, la question des structures n'est pas indifférente.

Dans un pays bilingue comme le Canada, deux modèles de structure se présentent pour encadrer la vie de la communauté minoritaire. En saine démocratie, il est permis de  proposer des alternatives au régime en place.

On se retrouve donc devant deux approches possibles pour résoudre les problèmes énoncés plus haut: un modèle d'intégration : dans ce modèle, tous les individus sont mis sur le même pied. Chacun pour soi, personne pour tous. Cette approche ne considère que les individus. Les personnes existent, non la communauté. Cette approche privilégie les solutions uniformes, évite les exceptions pour le groupe minoritaire. En histoire politique, son équivalent est l'union législative. Ce modèle de structure favorise un seul régime applicable à tous, il préconise le bilinguisme intégré. Dans cette structure, les francophones ne se retrouvent jamais comme groupe, uniquement comme individus, un modèle d'autonomie: cette deuxième approche fait une place à part au groupe minoritaire. Justement parce qu'il est numériquement inférieur, le groupe minoritaire doit pouvoir jouir d'une mesure d'autonomie dans la gestion de ses affaires. En imposant une seule loi à tous, francophones ou anglophones, la majorité utilise la démocratie pour écraser la minorité. La protection contre cette situation réside dans le droit de la minorité de choisir ses institutions, de déterminer ses orientations, de prendre ses décisions. Ce modèle d'autonomie préfère des structures ou des institutions qui permettent à une minorité d'agir par elle-même. Cette approche privilégie les institutions autonomes ou l'autonomie du groupe minoritaire francophone dans les institutions bilingues.

Historiquement, les minorités ont préféré la deuxième approche, mais la majorité a imposé la première. La préférence de la minorité s'explique par ses expériences qui lui font craindre les situations de déséquilibre numérique où elle ne possède jamais les moyens de se soustraire à la force de la majorité. Dans un tel régime, la vie est une succession de tensions gaspilleuses de temps, d'énergie et de ressources. Un autre facteur intervient ici. La minorité reconnaît dans le domaine de l'éducation un champ privilégié et central parmi les institutions qui peuvent lui assurer son épanouissement culturel et social.

Les promesses d'égalité faites par le modèle d'intégration dépendent de deux facteurs principaux: les nombres (quel est le rapport numérique des forces entre les deux groupes linguistiques) et la conviction des administrateurs en place. La première contrainte ne pardonne pas, elle impose aux minorités d'interminables luttes. Quant au deuxième élément, il met la minorité dans une dépendance vis-à-vis la générosité du prince, celui qui détient le pouvoir à un moment donné. Or, les administrateurs passent, les problèmes demeurent.

Ill- pourquoi il faut des institutions autonomes 

L'université et le collège sont appelés à remplir deux grands rôles dans les sociétés minoritaires: la formation des élites (les chefs de file, les gens éduqués, les experts dans tous les domaines) et l'épanouissement de la culture (en devenant un support social, culturel). En fait, ces institutions sont des éléments essentiels pour la continuité et pour la reproduction d'une société.

L'université et le collège, mieux que des tours d'ivoire, doivent refléter la société qui les supporte, contribuer à la faire évoluer par un accès généralisé au savoir sous toutes ses formes. Ainsi, les institutions supérieures devraient devenir des appuis pour le changement social, un instrument privilégié pour l'évolution de la société minoritaire. À un niveau encore plus élevé, une société (surtout une société minoritaire) peut-elle survivre sans ses propres institutions? Selon la récente intervention d'un professeur qui a étudié les divers groupes minoritaires, les minorités françaises du Canada se meurent et seule la mise en place d'un réseau massif d'institutions peut les sauver. Malgré qu'on le méprise souvent, le thème ancien de la survie culturelle n'a pas perdu de sa pertinence. Il n'est pas  inutile de l'évoquer ici. Car pour assurer l'épanouissement des groupes minoritaires, il est impérieux d'établir un réseau d'institutions autonomes, capables de fonctionner en français, seules aptes à maintenir la vie culturelle des groupes minoritaires.

Les sociétés ne peuvent pas survivre sans leurs propres institutions.

Conclusion       

II importe d'établir certains points en conclusion :

  1. il ne faut pas négliger les progrès très réels réalisés depuis deux décennies dans le secteur du postsecondaire.
  2. le problème comporte plusieurs volets: un taux de fréquentation universitaire trop bas, une disponibilité insuffisante des programmes, un manque de planification.
  3. le régime actuel (structures intégrées) ne permet pas de résoudre convenablement ces problèmes. Ainsi, le choix d'un modèle de structure (d'intégration, d'autonomie) relève de notions d'efficacité. C'est une affaire de structures, non un test de la bonne volonté des administrateurs impliqués.
  4. il ne s'agit pas d'une lutte entre le bien et le mal, mais d'une démarche pour savoir quelle méthode permettra le mieux d'atteindre les grands objectifs que doivent poursuivre les institutions qui se mettent au service d'une minorité (formation des élites, épanouissement de la culture, participation au changement social).

En éducation comme ailleurs, les minorités devraient avoir pour règle de conduite la norme suivante: partout où la chose est possible, et dans toute la mesure du possible, préférer les structures qui garantissent à la minorité l'autonomie des programmes, l'autonomie des budgets, l'autonomie des décisions. Cette solution, loin de servir de refuge à la médiocrité, devrait orienter les résultats vers une qualité supérieure de l'enseignement.

Les universités sont-elles coupables?

par Frank McMahon

J'aimerais commencer ces quelques remarques par un témoignage positif à l'égard de la Faculté de droit de Moncton, témoignage qui confirme un peu la mini-thèse du professeur Etienne concernant le leadership que l'Acadie pourrait donner aux francophones hors Québec. Quelques-uns de nos étudiants ont pu s'y inscrire et déjà un finissant du programme nous est revenu avec un potentiel important de leadership pour la vie française en Alberta. Il est donc possible de se concerter et de faire des gains appréciables. C'est dans cette optique que je formulerai les observations suivantes.

Au niveau de la substance de mes commentaires, je vous les propose devant l'état de sous-développement en éducation des francophones hors Québec. Le phénomène est documenté dans les dossiers qu'on vous a remis et on en a beaucoup parlé hier soir. On y a aussi proposé certaines pistes de solution. D'autre part, les commentaires du président d'assemblée ce matin nous lancent un défi à la discussion que je voudrais qu'on relève, i.e., la priorité absolue de la recherche dans les institutions universitaires devant cette situation de sous-développement en éducation.

Une première distinction à faire m'apparaît utile dans ce dossier des universités face au sous-développement en éducation. Il y a le rôle des universités dans la formation de cadres, rôle assez traditionnel et dont le professeur Dionne nous a parlé hier soir en ce qui concerne l'Acadie. Si le langage a évolué, la visée traditionnelle de se former une élite s'est maintenue au cours des vingt dernières années. Ces cadres, ou ces élites, sont sûrement indispensables si les francophones veulent «s'inscrire dans l'avenir». Il y a lieu d'examiner de près nos institutions pour qu'elles se développent dans le sens des universités d'élite du Canada anglais ou d'autres pays occidentaux. Certains développements semblent indispensables, tels l'accès pour nos jeunes à des facultés francophones des sciences de la santé, du génie, de l'administration officiellement organisées en fonction de tous les francophones hors Québec. Comme je notais plus haut, la Faculté de droit de Moncton semble représenter une formule à exploiter. Ça m'apparaît un dossier avec des possibilités, très intéressantes pour combiner à la fois le développement national et régional. La F.F.H.Q. devrait s'y intéresser. C'est également dans ce contexte que nous pouvons aborder la question du virage technologique pour que notre élite sache formuler les besoins, les objectifs et les stratégies de développement des francophones dans le contexte de cette fin de siècle. Il y a des modèles relativement bien établis de forcation de cadres qui, dans les années soixante et soixante-dix, relativisaient les professions libérales en faveur des technocrates pour s'orienter plus récemment vers des formules d'administrateurs systémiques avec des ouvertures nettes sur le plan international. Nous en avons beaucoup parlé au colloque en novembre et ce serait redondant d'y revenir. La nouvelle technologie des communications ouvre aussi de nouvelles possibilités. Il s'agit moins d'en discuter que d'obtenir que les chefs de file de nos institutions et de nos organisations entreprennent le dossier et passent à l'action.

Les universités ont-elles, par contre, à regarder l'autre dimension de notre sousdéveloppement, soit le taux d'analphabétisme très élevé de l'ensemble de la population, taux qui pourrait aller à 50% de la population adulte si on parle d'analphabétisme fonctionnel plutôt que d'analphabétisme absolu? Il s'agit ici des classes populaires et surtout des pauvres qui demeurent à l'écart de toutes nos institutions postsecondaires et dont on donnait un exemple hier soir en parlant des mères de familles monoparentales.

A l'exception des années réformistes en éducation, surtout les années soixante, durant lesquelles on défendait un peu partout la thèse du salut social par l'éducation et au moment où plusieurs universités et gouvernements ont tenté d'élargir l'accès à ces institutions, les universités ne se sont pas vues comme ayant des responsabilités pour l'éducation populaire. Notons toutefois qu'elles se sont souvent dotées de facultés d'extension dont le mandat visait une population moins élitiste et plus communautaire. Par ailleurs, s'il y a divergence de points de vue par rapport au caractère démocratique de nos universités, allant de l'interprétation plus ou moins marxiste de Bowles et Gintis aux États-Unis à une interprétation plus fonctionnaliste comme celle de John Porter au Canada, il est impossible de nier l'importance du lien entre la présence d'un jeune à l'université et le statut socio-économique de ses origines.

Le débat est complexe et les données précises varient d'un pays à l'autre, mais personne ne conteste la surreprésentation dans nos institutions universitaires de l'élite socio-économique.

Cette relation entre l'élite formée dans nos universités et l'ensemble de la population pose d'abord le problème de la culture à transmettre à nos clients. Ces derniers apprennent à définir les besoins des francophones, mais de par leur appartenance au point de départ à une certaine élite, ne vivent pas la situation de cette autre moitié de la population. Comme le soulignait Francis Jeanson dans son petit livre L'action culturelle dans la cité, il y a un fossé entre ceux qui savent dire les choses, soit nos finissants d'université et ceux qui les vivent, soit plus particulièrement cette masse d'analphabètes fonctionnels.

Je veux bien que ce problème ne soit pas propre aux francophones. Le contexte sociohistorique dans lequel nous vivons, toutefois, lui donne un caractère particulièrement urgent et exige que nous lui accordions une priorité particulière. Il y a d'abord l'absence de cadres pour la population francophone hors Québec. Nos professeurs universitaires à St-Jean, à Saint-Boniface, à Sudbury ou à Sainte-Anne constituent une très grande partie de l'élite francophone de ces milieux. Aussi longtemps qu'il y a une élite si faible sur le plan numérique pour définir les besoins, les objectifs et les stratégies d'action pour les groupes francophones, on voit mal comment ces professeurs peuvent se permettre dans leur ensemble de consacrer toutes leurs énergies aux innombrables publications scientifiques à consommer ou à multiplier, somme toute aussi à ne se socialiser qu'au monde des scientifiques et des lettres. Dans la mesure où on insistera pour nous proposer seulement des modèles de développement d'une institution d'élite pour les pays développés, on risque d'imiter les facultés de médecine en pays sous-développés où on investirait des millions dans un centre de greffes d'organes quand 90% de la population souffre de dysenterie chronique.

Il y a là, me semble-t-il, un lieu important d'échanges et de concertation interinstitutionnels pour créer des modèles de développement universitaire où l'engagement dans la communauté francophone obtient un caractère aussi professionnel que l'engagement dans la communauté scientifique.

N'est-ce pas suicidaire pour nos institutions universitaires de valoriser davantage l'édition critique d'une poésie espagnole chez un éditeur à Madrid que le perfectionnement des enseignants dans les écoles francophones en leur faisant connaître les nouvelles pédagogies? Ces dernières activités ne produisent pas des publications arbitrées. Ce n'est pas mon intention ici de mépriser les aspirations de nos institutions à devenir des centres de recherche sérieuse. Pour être sérieuse, la recherche doit se doter de gratuité et ne pas se fixer sur un problème concret.

Ce que je conteste c'est d'accorder à la recherche dans nos institutions d'être l'indice exclusif d'excellence. Il y a une certaine colonisation à vouloir se calquer sur les institutions universitaires d'élite d'une population majoritaire et non sous-développée dans le domaine de l'éducation.

C'est de souligner que même 20 ans après la formation de la Commission Laurendeau-Dunton, nos universités ou collèges universitaires francophones existent en état de sous-développement. Dans l'hypothèse où nos collègues mordus de la vocation en recherche scientifique des universités acceptent d'examiner le bien-fondé de cette thèse, il y aura lieu surtout de trouver les mécanismes d'application. Si déjà il est souvent difficile d'évaluer ce que devrait représenter un dossier acceptable de publications scientifiques dans les grandes universités anglophones du pays, dans le domaine des service à la communauté, il me semble que nous partons à moins dix.

Ajoutons un dernier élément-clé dans ce dossier: nos centres universitaires sont souvent les seules institutions d'éducation des adultes dans leur milieu. Alors que la population majoritaire a pu établir un réseau d'institutions postsecondaires non universitaires, ce n'est pas le cas pour les francophones dans 7 des 9 provinces qui nous préoccupent. Devant le problème de l'inégalité des chances en éducation qui demeure un problème fondamental pour nos sociétés dites démocratiques (et devrait sûrement être au centre de nos préoccupations quand nous nous voyons comme des défenseurs de la culture d'une population sous-développée au plan de l'éducation), les organismes publics semblent maintenant chercher des solutions du côté de l'éducation permanente. Qui donc le fera quand il n'y a que des centres universitaires dans nos milieux?

Il y a là une responsabilité de nos universités puisqu'elles sont souvent les seules institutions postsecondaires francophones, mais aussi parce qu'elles se donnent comme mandat de définir ce que vivent les gens, et la culture française que les universités doivent transmettre est celle d'une population qui n'est pas particulièrement élitiste. Puisque nos centres universitaires prennent une large part de notre élite, qu'ils sont les seules institutions postsecondaires francophones dans nos milieux et donc aussi les seules institutions pour l'éducation des adultes, la conjoncture historique devrait nous amener à reprendre de façon radicale notre définition de l'éducation générale dans le cadre de l'éducation supérieure. Que l'on s'inspire du modèle d'humanisme gréco-latin du temps de mes études ou de celui technico-écologique comme on le souhaite plus récemment, la sociologie de la connaissance comme celle de l'éducation nous oblige à bien distinguer entre les vérités éternelles ou objectives et les vérités historiques servant les intérêts d'un groupe privilégié. Si nous avons besoin de cadres pour nommer les choses et bien les dominer, seuls les pauvres savent ce que c'est que de les vivre. Pour s'inscrire dans l'avenir, il faut d'abord s'inscrire dans l'histoire, l'histoire concrète et même matérielle de l'ensemble de notre population. Sans rien enlever à l'histoire des universités occidentales comme source de critique et de réforme de nos sociétés, dans le contexte actuel d'un retour à l'élitisme, cette moitié analphabète de notre population nous oblige à redéfinir la culture scientifique et technologique de nos universités. L'engagement historique dans la communauté doit prendre sa place à côté du «quaecumque vera» traditionnel.

Résumé de la discussion 

En ce qui concerne le problème de base soulevé par les professeurs Etienne, Gervais et McMahon, on s'entend pour admettre que ce n'est pas facile pour les universitaires francophones de trouver un juste milieu entre recherche fondamentale et services à la communauté. Cependant, le recteur de l'Université Laurentienne, M. John Daniel, affirme qu'il est de la responsabilité des centres universitaires francophones de veiller à ce que les deux dimensions, d'une façon équitable, soient remplies globalement par les institutions. Et non pas par les individus totalement! Quant à l'autonomie des centres universitaires de langue française, on mentionne qu'il est possible, dans les institutions bilingues, de remanier les structures en octroyant un plus grand pouvoir décisionnel au personnel francophone, au sein des facultés et conseils de tout genre. En raison du nombre limité des ressources disponibles, problème dont ont fait état les trois universitaires, on pense que cette proposition est plus réaliste, pour l'instant, que celle, souhaitable à long terme par ailleurs, de création de départements séparés, ou encore de structures parallèles, dans tous les domaines.

Après avoir abordé la question de la contribution des premiers diplômés de l'immersion, eux qui pourraient, selon certains, dont le professeur André Obadia, de l'Université Simon Fraser de Vancouver, créer un contrepoids aux taux effarants d'assimilation des francophones dans l'ouest du pays et assurer aux institutions existantes un certain nombre de nouveaux étudiants qui s'expriment en français, les participants de cet atelier se penchent quelques instants sur le modèle du collège Saint-Boniface, à Winnipeg, institution autonome et complètement homogène. Messieurs Paul Ruest et Raymond Hébert soulignent les progrès réalisés par ce collège, tant par l'amélioration de la qualité des programmes offerts que par l'accroissement de la clientèle estudiantine.

Un désaccord fait aussi surface. L'aide des instances fédérales, surtout du Secrétariat d'État, qui doit augmenter. Et cela, peu importe les destinations de l'aide. Mais d'autres sont d'avis, l'éducation étant une compétence administrative provinciale, que les décisions les plus appropriées sont prises par les provinces, toutes jalouses de leur autonomie, et que c'est plutôt là que doit s'exercer d'abord la concertation. Avant de parler de coopération nationale, il faut, ajoute-t-on, des mini-coopérations locales.

Enfin, pour pallier les carences des institutions francophones,  délaissées parfois par les jeunes étudiants qui voient dans l'institution de langue anglaise des avantages socioéconomiques attirants (bourses, emplois bilingues, diversité des cours offerts), on souhaiterait que les expériences québécoises d'études supérieures co-gérées ainsi que des stages de toutes sortes soient expérimentés par les institutions hors Québec. On attire l'attention, à cet égard, sur le leadership que devraient exercer les professeurs de langue française, pour qui ce devrait être un devoir de participer à l'élaboration de nouveaux schèmes de développement.

Thème II: Pour de meilleures structures institutionnelles

B: Les structures collégiales 

Les institutions collégiales sont perçues, en raison de leur appellation «communautaire» dans plusieurs cas, comme étant des centres éducatifs devant répondre naturellement aux besoins et aux attentes des communautés. Pourtant, l'autonomie des unités administratives de langue française n'est pas consacrée partout et l'on cherche toujours les meilleurs plans de rationalisation et de maximisation des ressources disponibles. Et évidemment, on se penche de plus en plus sur une éventuelle collaboration avec le Québec.

M. Lionel Poirier, doyen au Collège Algonquin d'Ottawa, fait un tour d'horizon rapide de la situation dans les collèges communautaires du Manitoba, de l'Ontario et du Nouveau-Brunswick, soulignant les similitudes et les différences. Il affirme que la vie culturelle de langue française - peu importe les réussites de certaines institutions - est relativement limitée. Or, sans vie culturelle française, beaucoup d'efforts pédagogiques sont inutiles. Il souhaiterait voir des fonds accrus pour le perfectionnement du personnel, ainsi que pour la préparation de matériel didactique collant à la réalité francophone hors Québec.

M. Denis Fortin, du Collège Northern, à Timmins, appuie les propos de M. Poirier et insiste sur la création de collèges francophones multi-campus, gérés par des francophones. Il ajoute qu'il faudra absolument trouver des mécanismes garantissant la représentation des francophones au sein des Bureaux des Gouverneurs, au sein des collèges actuels.

Quant à M. Lomer Leblanc, du Collège d'Edmunston, il rappelle que le système collégial, au Nouveau-Brunswick, a vécu d'importants changements depuis une dizaine d'années. L'autonomie du secteur francophone est consacrée et la province encourage de plus en plus - bien qu'un financement additionnel serait essentiel - la préparation de modules de langue française, matériels didactiques pour et par des francophones.

Les structures collégiales et leurs besoins

L.J. Poirier

Introduction     

Par une analyse succincte de la situation dans les collèges communautaires du Manitoba, de l'Ontario et du Nouveau-Brunswick, l'auteur a voulu offrir au lecteur un bref aperçu des services disponibles aux francophones hors Québec et souligner les problèmes qui ralentissent le développement d'une gamme plus complète de services. Ce bref exposé alimentera la discussion qui suivra, mais se verra complété par les commentateurs qui me suivront au podium.

1- la situation actuelle       

Le Collège communautaire Saint-Boniface existe depuis environ 10 ans. Il relève directement du bureau d'études francophones du ministère de l'Éducation qui est responsable de tout l'enseignement dispensé en français du primaire au postsecondaire.

Le Collège communautaire Saint-Boniface offre 2 programmes à temps plein (secrétariat bilingue et administration des affaires), ainsi que quelques services au niveau des cours du soir, en particulier dans le domaine de l'animation pré-scolaire.

La population francophone à temps plein est de l'ordre de 90 étudiants.

En Ontario, c'est en 1968 que l'on voit apparaître, au niveau collégial, les premiers services en français au profit de la communauté. La venue de ces services coincide avec la mise en place du réseau collégial, réseau qui, en 1985, compte 22 collèges relevant du ministère des Collèges et Universités et un collège agricole relevant du ministère de l'Agriculture.

A leur création, ces collèges reçoivent comme mission de répondre aux besoins des adultes en matière de formation professionnelle non-universitaire; répondre aux besoins éducatifs d'intention professionnelle des adultes qui ne détiennent pas un diplôme de fin d'études secondaires; répondre aux besoins éducatifs d'intention professionnelle des diplômés des écoles secondaires; offrir un répertoire équilibré de programmes de formation générale et de formation professionnelle; permettre l'acquisition de connaissances par le biais de l'apprentissage autonome et de l'enseignement traditionnel en salle de classe/en laboratoire.

Alors qu'en 1968 une poignée d'étudiants francophones profitent de quelques services, on compte en 1985 environ 3000 francophones qui, à travers la province, poursuivent leurs études en français dans l'un des 70 programmes de niveau postsecondaire.

Ces programmes offerts entièrement ou en partie en français, englobent un vaste éventail de disciplines, des arts appliqués aux programmes de technologie en passant par le commerce et les sciences de la santé. La durée de ces programmes à temps plein varie de 1 à 3 ans.

Afin de faciliter le développement rationnel des services en français, le ministère des Collèges et Universités déclara bilingues 6 des 22 collèges communautaires: Northern (Timmins); Canadore (North Bay); Cambrian (Sudbury); Niagara (Welland); St-Laurent (Cornwall); Algonquin (Ottawa).

Au Nouveau-Brunswick, en 1973, la formation postsecondaire collégiale est confiée à la Corporation des collèges communautaires, corporation qui relève directement du ministère de l'Éducation.

En 1982, suite à une réforme, cette corporation est remplacée par un ministère des Collèges communautaires sous la responsabilité d'un sous-ministre, monsieur Jean-Guy Finn. Ce nouveau ministère doté de deux sections chargées du curriculum, une pour le secteur francophone et l'autre pour le secteur anglophone, est directement responsable du système collégial qui adopte le modèle d'un collège multi-campus. Le Collège communautaire du Nouveau-Brunswick comprend 10 campus, 5 de langue anglaise et 5 de langue française dont 2 ont été déclarés officiellement bilingues. Ce sont: campus d'Edmunston (19 programmes); campus de Bathurst (25 programmes); campus de Campbellton; campus de Grand Sault; campus de Dieppe.

Un premier effort de concertation a permis d'en arriver à l'élaboration d'un plan de rationalisation de l'offre des programmes en français. Ce plan a permis de classer les programmes selon 3 catégories: provincial, régional et local et de déterminer quelle institution serait en mesure de les offrir. Cet effort de concertation devrait être poussé plus loin et permettre d'en arriver à un plan global à plus long terme quant à l'offre de nouveaux services et au rôle que chaque institution devrait jouer dans la phase d'implantation.

Au Nouveau-Brunswick par contre, on a planifié l'offre des services en français dans cinq des dix campus, relevant d'une seule autorité, rendant ainsi l'administration des services en français beaucoup plus productive.

Dans les trois cas, et d'une façon assez générale, on peut dire que la vie culturelle au sein des institutions est relativement limitée. Cette quasi-inexistence est souvent le résultat d'horaires de cours extrêmement chargés puisque l'étudiant passe en moyenne entre 26h et 36h par semaine en classe, heures auxquelles il faut ajouter celles consacrées aux travaux.

2- De nouvelles avenues  

Pour pallier aux problèmes que nous venons de mentionner, problèmes que semblent partager à un degré plus ou moins grand les collèges communautaires de l'Ontario, du Nouveau-Brunswick et du Manitoba, on pourrait inviter tout à l'heure l'auditoire à réagir à certaines recommandations.

En dépit de la désignation anglophone ou francophone, chaque campus est en mesure de répondre à la demande d'étudiants se prévalant de la deuxième langue officielle du pays. Cet état de fait est rendu possible par le fait que:

  • le personnel est en général bilingue,
  • le matériel didactique existe dans les deux langues,
  • le collège a opté pour un modèle d'apprentissage de type modulaire, modèle favorisant une approche individualisée.

La dernière réforme en cours confie au collège communautaire toute la formation qui relevait auparavant de la Fonction publique et des diverses écoles professionnelles, ce qui assurera au collège un certain développement.

Le développement des services en français dans chacune des trois provinces mentionnées, a connu un certain progrès depuis une dizaine d'années, mais le défi à relever est de taille si l'on constate les problèmes reliés au bassin d'étudiants, au personnel enseignant et au matériel didactique.

Le réservoir de francophones susceptibles de pouvoir profiter des services en français, limités en nombre dès le départ, se voit encore restreint par l'influence des facteurs suivants:

  • selon de nombreuses études statistiques, il semble que les jeunes francophones soient moins enclins que leurs collègues anglophones à poursuivre des études au niveau postsecondaire;
  • peu sûrs de leurs compétences linguistiques, les étudiants préfèrent souvent suivre leurs études en anglais;
  • le mythe souvent présent au sujet duquel la qualité des services en français est inférieure à celle des programmes en anglais;
  • le fait que pour étudier en français, l'étudiant doit souvent s'éloigner de son milieu familial et avoir, par conséquent, des revenus substantiels pour subvenir à ses besoins. Bien que l'étudiant désireux de poursuivre ses études en français puisse se prévaloir en Ontario d'une bourse du Secrétariat d'État d'un montant pouvant atteindre 2000$, et de 500$ par semestre pendant quatre semestres au Manitoba, celle-ci n'est disponible en Ontario que pour la première année d'études.

La combinaison de ces divers facteurs rend bien souvent l'offre de nouveaux services peu viable économiquement.

En outre, dans certains secteurs, en particulier en technologie et métiers, les gestionnaires peuvent éprouver des difficultés à trouver un personnel enseignant qualifié. Bien souvent, ce personnel a été formé en anglais. Depuis quelques années, le personnel francophone des collèges communautaires en Ontario peut bénéficier de subventions du M.C.U. dans le cadre de son programme PERPERFRA. Ces subventions permettent au personnel déjà en place d'aller chercher les connaissances requises pour être en mesure d'offrir de nouveaux services.

Quant à l'absence de matériel didactique adapté au niveau collégial, cela a également un rôle prépondérant dans la mise en place de nouveaux services. En 1985, les collèges de l'Ontario bénéficiaient d'une somme de 110000$ reçue par la province, du Secrétariat d'État.

Au Nouveau-Brunswick, tout l'aspect développement du matériel didactique relève du ministère par le biais des sections responsables du curriculum.

Le personnel responsable du développement n'est autre que le personnel enseignant affecté temporairement aux services du ministère. Le nouveau matériel se voit préparé dans les deux langues.

En Ontario, le matériel didactique est développé par les professeurs des collèges qui peuvent bénéficier de fonds spéciaux venant du Secrétariat d'État pour payer les coûts de remplacement en salle de classe.

Conclusion       

Nous savons que l'enseignement peut coûter plus cher lorsqu'il est dispensé en français. Les gouvernements, fédéral et provincial consacrent en Ontario environ 5M$ par an à l'enseignement en français au niveau collégial. Le mécanisme de distribution des fonds additionnels favorise le principe du parallélisme de l'offre en français et de l'offre en anglais. Ces fonds qui devraient permettre de couvrir les coûts différentiels encourus par une institution offrant des services en français sont, dans l'ensemble, largement insuffisants. La formation pour les francophones dans les collèges de l'Ontario se fait dans les collèges bilingues, dans les unités administratives où se côtoient étudiants et professeurs anglophones et francophones. Nous savons tous que des énergies considérables doivent parfois être employées pour amorcer des services en français ou encore améliorer ceux qui existent. Le rythme du progrès accompli par chacun des six collèges bilingues le démontre. Il faudra bien qu'on parle des unités administratives autonomes un jour ou l'autre.

Faut-il s'arrêter maintenant?

par Denis Fortin

L'Ontario a vingt-deux collèges communautaires dont six ont la responsabilité d'offrir une programmation en français.

Est-ce que l'on devrait opter pour six collèges autonomes où chaque unité peut offrir une gamme de programmes sans considérer que les cinq autres collèges risquent d'offrir la même programmation?

Tel qu'indiqué dans le programme, on pose la question suivante: «Quel est le meilleur plan de rationalisation et la meilleure façon de maximiser les ressources disponibles?»

Présentement en Ontario, chaque unité collégiale est indépendante. Le développement du contenu des programmes en français se fait en collaboration avec le secteur anglophone du collège ainsi qu'avec une collaboration provinciale. Toutes ces discussions se déroulent, bien entendu, en anglais. Ne devrions-nous pas établir des unités de collaboration par secteur d'activités et ce, au niveau provincial, et possiblement interprovincial? Ne devrions-nous pas travailler en équipe, en réunissant les forces d'expertise par secteur d'activités, équipes qui verraient à préparer du matériel didactique et à développer des contenus de cours?

Le système collégial du Québec a un réseau par secteur afin de développer et de maximiser les ressources.

Que l'on se retrouve à Bathurst, SaintBoniface ou à St-Laurent, on se sent probablement isolé. Cependant un sérieux effort est présentement en marche en Ontario afin de résoudre ce problème d'isolement. Le ministère coordonne le développement du matériel didactique, le perfectionnement du personnel et tente de rationaliser les programmes provincial, régional et local. Certains programmes sont très coûteux et attirent peu d'étudiants. Vaut mieux demander qu'un seul collège offre le programme en question plutôt que de diviser ses forces et réduire la chance de succès. Une collaboration saine est requise afin de s'assurer que l'on desserve notre population en offrant également des programmes coûteux mais nécessaires.

Chaque collège a une mission locale. La population francophone se retrouve partout en Ontario. Que l'on se retrouve dans l'est, le sud ou le nord, il est impossible de tenter de regrouper les étudiants francophones sous un seul toit... mais que dire du système de l'Université du Québec et du Collège communautaire du Nouveau-Brunswick?

Serait-il possible d'avoir «un seul collège francophone» en Ontario mais avec des campus dispersés au sein des six collèges bilingues existants? Ne pourrions-nous pas maximiser les ressources disponibles? Exemple: en Ontario, les professeurs francophones en administration des affaires se retrouvent à North Bay, Sudbury, Cornwall, Ottawa, Timmins, Kapuskasing et Kirkland Lake. Chacun fonctionne indépendamment sans trop profiter de l'expertise de l'autre, sans trop partager les ressources disponibles. Il n'existe pas de lien entre nous tous.

Nous devrions encourager des regroupements annuels par secteurs entre les provinces qui offrent le programme en français. Devrions-nous nous joindre également aux professeurs du Québec? Avons-nous les mêmes problèmes?

Le doyen, Lionel Poirier, indiquait dans sa présentation que souvent les étudiants préfèrent suivre leurs études en anglais. Ce problème, parmi plusieurs, est typique des collèges hors Québec. Les collèges francophones hors Québec doivent constamment rassurer la population que la qualité des services en français est aussi bonne, sinon meilleure, que les services offerts en anglais. Les collèges francophones sont jeunes dans le système mais ils sont dynamiques. Un sérieux effort est nécessaire pour convaincre notre francophone de suivre ses études en français. Comme réseau de collèges, nous devrions collaborer afin de leur montrer les avantages d'être bilingues. C'est une des principales raisons pourquoi les agents de liaison des six collèges bilingues en Ontario visitent, en équipe, toutes les écoles secondaires francophones de cette province.

On doit montrer que le francophone n'est pas seul à vouloir étudier en français car partout en Ontario on retrouve des unités francophones.

Le doyen Poirier traite, dans son exposé, de perfectionnement, de matériel didactique, de financement, de services administratifs francophones et de vie culturelle au sein de nos collèges communautaires. À mon avis, on doit encourager davantage le perfectionnement de notre personnel et le faire collectivement afin de partager l'expertise par secteur. On doit continuer de créer le matériel en français mais aussi collaborer avec le Québec pour connaître les outils déjà en place. On devrait encourager les échanges inter-provinciaux à ce niveau et inclure la province de Québec dans ces échanges.

Un financement spécial doit être disponible et augmenté afin d'assurer la croissance des programmes en français. Le ministère des Collèges et Universités de chaque province a le mandat de superviser ces fonds afin de voir à la mise sur pied de nouveaux services en français. Les fonds proviennent du palier fédéral. On devrait s'assurer que les fonds sont effectivement dépensés pour la formation en français.

Le contrôle de l'administration des programmes en français doit se retrouver entre les mains des francophones. Nous devrions également s'assurer de la présence des francophones au sein des conseils des gouverneurs de nos collèges.

La mise sur pied de conseils ou de regroupements francophones est primordiale pour voir naître une atmosphère et une vie culturelle française au sein de nos collèges.

Nous devrions également participer à des projets tel que «Hospitalité Canada» de l'Association des collèges communautaires du Canada afin de créer des liens entre nos étudiants des collèges francophones canadiens.

Nous avons des avenues offertes pour répondre aux besoins et aux attentes de nos communautés francophones. C'est à nous de regrouper nos services et de collaborer.

Le Nouveau-Brunswick en a fait «du chemin»

par Lomer Leblanc

La formation professionnelle a fait ses débuts dans les années 1920 au NouveauBrunswick. Le premier institut de technologie a été fondé à Moncton vers 1945, et les écoles de métiers ont vu le jour entre 1963 et 1970. Avant cela, tout se passait en anglais, sauf à Edmunston et Bathurst où on essayait d'introduire un peu de français dans nos cours.

En 1972, la Commission de l'enseignement supérieur proposa la formation des collèges communautaires, et en novembre 1973, on adopta la loi du collège communautaire formant une corporation avec un bureau des gouverneurs et un président à sa tête. C'est en juillet 1974 qu'on regroupa les huit collèges sous un même chapeau. Les campus du sud-est (Dieppe) et de la Miramichi viendront s'ajouter à la liste des 10 collèges en 1982.

En 1978, la province se donne un plan quinquennal qui devait prévoir à peu près tout : les conseils régionaux, les espaces, les lieux de formation, la langue d'enseignement, les programmes, tout....

Quelques années après, soit en 1981, une décision gouvernementale change son nom à celui de «Department of Continuing Education». Sous l'égide du ministre de l'Éducation, ce «Department» compte deux sous-ministres, un anglophone et un francophone. On peut dire qu'un genre de dualité s'implante avec deux structures parallèles dans les services éducatifs.

Ça ne pouvait pas durer, car 18 mois après, on fonde le ministère des Collèges communautaires avec son propre ministre et un seul sous-ministre, monsieur Jean-Guy Finn, qui vous adressera la parole ce midi. La dualité va donc continuer au niveau des services éducatifs.

Des progrès significatifs ont été faits avec l'introduction de l'enseignement individualisé en 1970, ce qui permet à l'élève de prendre ses cours dans la langue de son choix, français ou anglais, avec un instructeur bilingue.

En 1975, le Collège classique de Bathurst devient un collège communautaire. Il devient le premier institut de technologie pour francophones au Nouveau-Brunswick, avec mandat de donner aux francophones la même technologie qui se dispense dans les deux institutions de langue anglaise.

Aussi, vers 1983, les collèges d'Edmunston, Grand-Sault, Campbellton, Bathurst et Dieppe deviennent des campus francophones; les 5 autres conservent leur statut anglophone.

En plus, en 1984, on commence l'orientation des campus, ce qui signifie que tous les cours ne se donneront pas à tous les campus parce qu'on n'a plus les ressources pour rencontrer la demande. On s'engage tout de même à donner à certains campus francophones les cours qu'on trouve dans les campus anglophones. Cela veut dire une réduction de programmes à certains endroits pour pouvoir introduire certains cours nouveaux.

En 1979, on s'est donné une direction francophone des programmes d'étude. À Bathurst et à Edmundston, on a donc des «élaborateurs», des traducteurs et des secrétaires qui, en coopération avec et sous le bureau central de Fredericton, travaillent à l'élaboration de programmes en français pour les campus francophones.

Il faut se rappeler toutefois, qu'à Edmunston, on avait commencé cette élaboration de programmes en 1970 avec la charpenterie et la plomberie, tuyauterie, et les cours préparatoires à la formation professionnelle dès le début des années '70.

À Edmundston, la plupart des étudiants sont de langue française; moins de 5% sont de langue anglaise et proviennent surtout des régions anglophones de la vallée du Fleuve St-Jean, soit Plaster Rock, Woodstock et Fredericton.

On constate que plusieurs francophones sont unilingues et ils éprouvent même certaines difficultés et même de la réticence à apprendre la langue seconde (l'anglais) qui est souvent requise lors des entrevues pour un emploi chez plusieurs employeurs du Nouveau-Brunswick.

Les fonds provinciaux pour la langue seconde sont déficients pour suffire aux besoins du collège communautaire dans la région du nord-ouest et du nord du Nouveau-Brunswick.

Des sommes immenses furent consacrées par la province du Nouveau-Brunswick pour faire l'élaboration des programmes de formation. Ces programmes existent dans les deux langues sous forme de modules, la plupart du temps utilisés dans les cours individualisés.

Des échanges importants de matériel se font régulièrement avec certains collèges du Québec, tels Edouard-Montpetit, la polyvalente Le Boisé de Victoriaville, et autres... Des connaissances importantes en plomberie, tuyauterie et autres sont échangées avec le Québec pour de l'information en hôtellerie, en chauffage, etc.

Avec l'orientation spécifique des campus francophones et anglophones, les collèges francophones doivent offrir les mêmes cours que ceux qui existent présentement en anglais.

Pour empêcher la duplication et pour procurer plus de cours en français, on doit souvent perdre un ou des cours qui se donnent dans d'autres campus francophones. Précisons que l'hôtellerie se donne à Edmunston et à St. Andrews seulement, tandis que l'agriculture se trouve à Grand-Sault et à Woodstock.

Les autorités fédérales, en ce qui a trait aux deniers offerts, deviennent plus sélectives dans leur choix de certains cours. Souvent, les fonds n'augmentent pas avec les demandes grandissantes pour la formation professionnelle et technique. C'est la province qui doit consacrer plus de fonds chaque année pour mieux répondre aux besoins de la population du Nouveau-Brunswick. Des frais de scolarité de 300$ pour un cours d'un an et de 1000$ pour un cours de deux ans sont en vigueur depuis un an.

Il est remarquable de voir l'augmentation substantielle de demandes d'admission pour septembre 1985. Les regroupements de services qui s'organisent présentement avec la réforme gouvernementale vont augmenter les programmes offerts par le C.C.N.B., et il est possible que les cours en nursing, en pêcherie, en foresterie, à l'École des langues, à l'École des arts et autres se retrouvent tous avec les cours de formation professionnelle offerts par le collège communautaire sous peu. Ce portefeuille «économique» provincial augmente alors que d'autres diminuent.

Au sujet de la vie culturelle en français, il est vrai qu'au Nouveau-Brunswick, l'élève a très peu de temps disponible à lui, puisqu'il doit suivre 35 heures de cours prescrits par semaine. D'ailleurs, les campus n'ont pas de résidence, d'instructeurs attitrés pour les sports. Ni de bibliothécaire dans la plupart des cas. Puisque notre clientèle est adulte, souvent avec des responsabilités familiales, nous retrouvons quand même nos élèves à tous les niveaux des activités sociales.

Résumé de la discussion 

Les participants de cet atelier insistent sur la nécessité d'efforts particuliers afin de montrer à la population de langue française que les programmes offerts en français ne sont pas de moindre qualité que les programmes en langue anglaise. On reconnaît qu'il est maintenant nécessaire de créer un réseau de collèges francophones. La recommandation suivante a reçu l'assentiment de tous et chacun:

Attendu que les services aux francophones doivent répondre aux besoins particuliers des communautés francophones;

Attendu que les francophones connaissent mieux les services qui correspondent à leurs besoins;

Attendu que l'autorité décisionnelle est essentielle pour mener à bon port les stratégies d'implantation des services aux francophones;

il est résolu :

que la F.F.H.Q. exerce des pressions auprès du gouvernement fédéral pour que les octrois qu'il accorde aux gouvernements provinciaux pour l'éducation collégiale soient utilisés pour la création de collèges multi-campus, gérés par des francophones, et qui respecteraient les besoins régionaux des francophones hors Québec.

Les participants croient également à l'importance de développer de nouveaux programmes en langue française qui ne soient pas uniquement des traductions de l'anglais. On souhaiterait que la Fédération des francophones hors Québec fasse des pressions auprès des autorités gouvernementales compétentes afin que le mode de financement des programmes soit justement révisé de telle sorte qu'il soit possible de financer des programmes en français qui n'ont pas forcément leur équivalent en anglais.

En outre, comme les femmes constituent une importante clientèle des collèges communautaires et comme elles ont aussi une grande influence dans l'orientation scolaire de leurs enfants, elles devraient avoir accès à des programmes de formation de base dans leur localité et à un financement permettant de poursuivre leur formation. La F.F.H.Q. pourrait favoriser la création d'un comité national qui serait responsable d'entreprendre des négociations avec les autorités fédérales afin d'assurer le financement adéquat de ces programmes.

Enfin, on a noté que plusieurs collèges communautaires se déclarent bilingues. Or, ce statut n'est défini dans aucune politique. Là également, on demande à la Fédération des francophones hors Québec d'encourager l'élaboration d'une politique gouvernementale précise qui indiquerait les services que doivent fournir les institutions pour être déclarées bilingues. Il faut par ailleurs chercher à s'assurer qu'une représentation adéquate des francophones au sein des Bureaux des Gouverneurs des institutions visées soit garantie.

Déjeûner-causerie : Les collèges professionnels face à l'avenir

par le sous-ministre Jean-Guy Finn, ministère des Collèges communautaires du Nouveau-Brunswick.

Je voudrais d'abord remercier les responsables de ce symposium pour leur invitation à prendre la parole. La F.F.H.Q. et le Secrétariat d'État méritent des félicitations pour avoir pris l'initiative d'organiser cette rencontre. Le moment ne saurait être plus approprié. Le statut de l'éducation postsecondaire en français hors Québec risque en effet de sortir passablement modifié de la période de remise en question profonde que traverse présentement tout le secteur de l'éducation supérieure au Canada. Les francophones hors Québec doivent s'interroger dès maintenant sur les implications des nouvelles orientations qui semblent émerger de cette remise en question ainsi que sur les effets des changements socio-économiques dont nous sommes témoins. Ils doivent identifier les problèmes qui sont propres à leur situation de minoritaires et indiquer aux pouvoirs publics quelles sont les mesures qu'ils jugent nécessaires d'adopter pour protéger les programmes disponibles et favoriser l'introduction de services nouveaux. Ceci constitue le forum idéal pour lancer la discussion sur le sujet.

Je voudrais, pour ma part, réfléchir avec vous sur certains aspects de l'éducation supérieure et plus spécialement sur l'état de la formation technique et professionnelle. Ce secteur n'échappe pas aux critiques dont est l'objet l'éducation postsecondaire mais il a néanmoins ses particularités. Il se distingue surtout par son développement encore récent, spécialement en milieu francophone. Aussi, me pardonnerez-vous sans doute si mon exposé prend, à l'occasion, une couleur locale.

Mes propos seront en effet grandement influencés par l'expérience que j'ai vécue au cours des deux dernières années au NouveauBrunswick en tant que responsable de la formation technique et professionnelle dans cette province.

1- les exigences d'une nouvelle société

Les systèmes d'éducation comme tous les autres systèmes sociaux ne peuvent être conçus et analysés dans l'abstrait. Ils n'existent pas pour eux-mêmes. Ils s'inscrivent dans un environment plus large et servent des fonctions sociales et économiques précises. Il faut donc éviter la tentation d'évaluer leur rendement de façon isolée en faisant comme s'ils opéraient indépendamment de toute contrainte ou de toute influence extérieure. De ce point de vue, on peut dire que le débat qui a cours présentement aux États-Unis et au Canada sur la qualité de l'éducation est quelque peu décevant. En effet, nombre d'intervenants dans ce débat ont tendance à condamner les systèmes d'éducation sans se demander si ce qu'ils ont eux-mêmes exigé de ces systèmes n'est pas en partie responsable des difficultés rencontrées. Plusieurs chefs d'entreprises ont fait grand état récemment de la faiblesse des diplômés universitaires. Ils déplorent leur manque de connaissances générales, d'esprit de synthèse et de capacité d'analyse. Ce que ces mêmes chefs d'entreprises ne disent pas toutefois, c'est qu'ils ont eux-mêmes exigé des universités il y a quelques années, qu'elles préparent des diplômés capables de remplir des postes techniques immédiatement au sortir des études.

C'est en grande partie sous leur influence que la surspécialisation fut introduite dans les universités et que les écoles techniques et professionnelles s'y sont multipliées. Dans leur volonté de se développer et de répondre efficacement aux exigences du marché du travail, de nombreuses universités ont voulu établir une adéquation aussi parfaite que possible entre leurs programmes et les exigences d'occupations précises. Dans l'esprit de Robert Bandeen, chef de la Crown Life Insurance et chancelier de l'Université Bishop, elles ont alors adopté l'approche du «cash register».

Si les chefs d'entreprises sont maintenant si critiques à l'égard du système, c'est que leurs besoins ont changé avec l'évolution de l'économie et de la société. La valorisation des connaissances techniques correspond à une phase particulière du développement des entreprises au cours de laquelle il y a progression verticale des carrières. L'employé gravit les échelons de l'entreprise en progressant à l'intérieur de son domaine spécialisé de connaissance. Il semble cependant que les changements technologiques ont rendu ce modèle désuet. Les employeurs recherchent de plus en plus des diplômés qui ont des aptitudes les rendant aptes à oeuvrer dans plusieurs secteurs de l'entreprise. On s'attend des employés qu'ils soient capables de perspectives d'ensemble et qu'ils puissent progresser horizontalement dans l'organisation aussi bien que verticalement.

Mais ce n'est là qu'un aspect des changements sociaux susceptibles d'influencer le contenu et la structure de l'éducation à l'avenir. Nous vivons dans une société qui repose de plus en plus sur la connaissance. Comme le disait récemment Patricia Cross de la Harvard Graduate School of Education, «know how and ideas have replaced land and machines as the economic assets of our society. Where we once talked about the agrarian society and then the industrial society, we now talk about the learning society».

Tout indique que le modèle de vie traditionnel dit linéaire-représenté par les trois phases: années d'études à temps plein au cours de la jeunesse, suivies du travail dans la période 20-60 ans, complétées par la retraite - ne tient plus. Les connaissances étant créées plus vite qu'elles ne peuvent être transmises, aucun programme d'études, aucune spécialisation n'est valable pour toute une vie. Les connaissances acquises à un moment quelconque ne sont utiles que pour une période très limitée. Ceux qui veulent garder leur emploi ou progresser dans leur carrière doivent consacrer du temps à des études et à du recyclage pendant leur travail et/ou durant leurs heures de loisir. Et même ceux et celles qui choisissent de prendre leur retraite n'abandonnent pas pour autant toute activité d'apprentissage. Le nombre de gens âgés qui s'instruisent par satisfaction personnelle plutôt que pour garder un emploi, se multiplie dans les institutions d'éducation à travers le monde. C'est là une caractéristique de la société de l'information ou de la «learning society» comme on la qualifie en anglais.

Le modèle traditionnel dit linéaire est donc graduellement remplacé par un autre qualifié de «mixte» dans lequel la distribution des éléments éducation, travail et loisir se trouve fondamentalement modifiée. Il faut désormais former des citoyens capables d'apprendre de façon permanente.

2- Précision des fonctions de l'éducation 

Si j'évoque cette nouvelle réalité, c'est que je crois qu'elle appelle une remise en question de la conception qu'on s'est faite de l'éducation au cours des dernières décennies.

Elle commande une redéfinition des fonctions de l'éducation et du rôle des institutions. Les gouvernements doivent profiter de l'occasion pour établir de façon claire le mandat des divers intervenants en éducation et favoriser ainsi une utilisation rationnelle et efficace des deniers publics. Certains choix fondamentaux devront être faits si l'on veut éviter le gaspillage tout en répondant aux attentes dictées par la société nouvelle dont j'ai fait état il y a un instant. Plutôt que de se placer en situation de compétition, les institutions devront agir en partenaires.

Déjà certaines mesures prises récemment ou à l'étude dans plusieurs provinces canadiennes reflètent une volonté de la part des pouvoirs publics de faire les ajustements qui s'imposent au niveau de l'école primaire et secondaire. Les changements apportés en matière de curriculum et de structure de cours visent à offrir aux élèves les connaissances, les aptitudes et la compréhension qui leur permettront d'être autonomes et de participer de façon constructive à la vie en société.

L'accent sera à nouveau mis sur les matières de base, mathématiques, langues, communication. Aussi, sans diminuer l'importance de la formation technique et professionnelle, l'orientation en est modifiée afin de présenter aux élèves un éventail plus vaste de domaines professionnels et à leur offrir une plus grande gamme de disciplines professionnelles de base. Le dosage de cours techniques et de cours de base est mieux équilibré, ce qui favorise une meilleure formation générale et offre à l'élève plus de flexibilité.

Si les écoles élémentaires et secondaires ont réagi relativement rapidement pour s'adapter aux nouvelles exigences économiques et sociales, au niveau postsecondaire l'ajustement semble plus laborieux.

Ceci s'explique sans doute par le fait que les signaux en provenance des entreprises, des gouvernements et de la société en général demeurent plutôt confus. D'une part on semble réclamer un retour à une éducation plus générale, comme je le soulignais plus tôt, mais d'un autre côté, on tient à une formation pratique. De nombreux chefs d'entreprises tiennent à cet égard un langage ambigu. Ils veulent un érudit capable de remplir des fonctions techniques. Il s'agit là d'objectifs plutôt incompatibles.

Il n'y a à mon sens qu'une façon de concilier cette exigence. C'est en faisant du programme général un pré-requis à tout programme technique ou professionnel offert à l'université. De cette façon, on ferait disparaître la spécialisation hâtive et on assurerait une solide formation générale tout en conservant la possibilité d'offrir une formation pratique. Une telle combinaison pourrait se faire sans allonger outre mesure la durée des études puisque venant à la suite d'une solide formation générale, le programme spécialisé pourrait probablement être réduit à deux années maximum.

Les collèges de formation technique et professionnelle seront eux aussi amenés à repenser leur approche. Ils devront accorder plus d'importance à la formation de base tout en favorisant l'acquisition d'habiletés utilisables dans un ensemble d'occupations. L'époque de la préparation à l'occupation unique est probablement révolue. Il faut désormais penser en termes de préparation à une famille d'occupations.

Les divers types d'institutions postsecondaires serviraient aussi mieux leur cause et celle du grand public si elles entreprenaient d'établir plus clairement leur objectif et leur mandat. Si les institutions n'ont pas la volonté de le faire elles-mêmes, les gouvernements devraient les y inciter en établissant rigoureusement les conditions de financement des différents types de programmes. Certains types de programmes appartiennent d'emblée à l'université. D'autres, par ailleurs, n'ont de place que dans les instituts et les collèges de formation technique et professionnelle. Le mélange actuel conduit à des dédoublements inutiles et à l'ambiguïté.

Cette clarification des mandats et des objectifs m'apparaît d'autant plus urgente que les clientèles étudiantes de l'avenir seront à la recherche de formation adaptée précisément à leurs besoins. En effet, il s'agira d'une clientèle adulte, ayant donc plus de maturité, dont les besoins seront plus facilement identifiables. Comme l'indiquait une étude récente de Statistique Canada et du Secrétariat d'État, déjà aujourd'hui une personne sur cinq âgée de 17 ans ou plus au pays a suivi au moins un cours à l'éducation des adultes. Ces personnes voudront savoir où les conduisent les programmes et les cours auxquels elles s'inscrivent.

Cette clientèle adulte sera d'ailleurs d'autant moins tolérante que ses moyens d'apprentissage ne se limiteront pas aux institutions de formation postsecondaire. De plus en plus, en effet, les institutions de formation perdent le monopole dont elles ont joui depuis si longtemps. La croissance des connaissances a conduit à la recherche de moyens nouveaux de transmission du savoir.

On estime présentement aux États-Unis que les collèges et universités ne fournissent que la moitié des possibilités d'apprentissage offertes aux adultes. Une grande partie de l'apprentissage se fait par le biais d'institutions dont la mission première n'est pas formellement la transmission des connaissances. Il s'agit d'institutions comme les agences communautaires (clubs sociaux et autres), les bibliothèques, les musées, les syndicats, les associations professionnelles, les entreprises et le reste. C'est ce qu'on nomme l'éducation non officielle. Toujours aux États-Unis, on estime que l'industrie consacre plus de ressources à l'éducation supérieure et à la formation que ne le font les 50 États réunis. Des entreprises comme Xerox et IBM possèdent même leur propre campus, salles de classe et résidences. Elles peuvent faire compétition à n'importe quel université ou collège.

3- Effets de la privatisation

Cette tendance à la désinstitutionnalisation de l'éducation supérieure se manifeste aussi au Canada tant en matière de formation technique que générale. De nombreuses organisations ont développé leurs propres services d'éducation qui s'adressent à leurs employés aussi bien qu'à certaines autres clientèles spécialisées. Certaines positions du gouvernement fédéral laissent croire qu'il pourrait éventuellement soutenir un transfert de responsabilité vers le secteur privé dans quelques domaines précis de formation. Le Livre Vert sur la formation, rendu public l'automne dernier, de même que le document de Régina sur le même sujet, favorisent en effet tous deux un rôle accru de l'entreprise dans la formation pré-emploi et dans le recyclage de la main-d'oeuvre. Certaines propositions semblent privilégier la formation en milieu de travail plutôt qu'en institution.

C'est là un choix difficile à critiquer. Pour nous, francophones hors Québec, il y a cependant des conséquences particulières. Comme vous le savez, depuis que les institutions religieuses ont abandonné leur rôle en éducation, les francophones s'en sont remis à l'État pour leur assurer l'accès à une formation dans leur langue. Au NouveauBrunswick, des efforts considérables ont été déployés et des sommes substantielles dépensées à cette fin. Le gouvernement a établi un réseau complet d'éducation en français à tous les niveaux. Dans le domaine de la formation technique et professionnelle, le NouveauBrunswick est la seule province, à part le Québec, à avoir mis sur pied un ensemble de collèges communautaires dispensant la formation en français.

Ce réseau de collèges francophones vient à peine d'être établi. Il connaît encore quelques difficultés de fonctionnement dues au fait que le milieu dans lequel il opère a anglais comme langue principale de travail. Néanmoins, des progrès considérables ont été accomplis vers la francisation de la formation technique et professionnelle.

Le fait que la langue d'enseignement puisse être déterminée par l'institution constitue une protection non négligeable pour les francophones.

Si un nombre substantiel de programmes de formation deviennent la responsabilité de l'industrie, l'État n'aura aucun contrôle sur la langue dans laquelle la formation sera offerte. Dans une province comme le NouveauBrunswick où le milieu industriel utilise principalement l'anglais comme langue de travail, cela pourrait représenter un recul important pour les francophones. C'est là un sujet sur lequel les associations francophones hors Québec auraient avantage à se pencher.

Conclusion

Je pourrais vous entretenir encore un long moment des changements socioéconomiques et politiques et de leurs implications en matière d'éducation supérieure. J'ai seulement voulu identifier quelques-uns de ces changements, question d'illustrer l'ampleur des orientations nouvelles qui s'annoncent.

L'important je crois, pour nous francophones hors Québec, c'est de nous rappeler que les considérations linguistiques ne reçoivent pas automatiquement l'attention qu'elles méritent dans les décisions relatives à l'éducation. Il nous faudra être vigilants afin que l'adaptation des systèmes d'éducation aux nouvelles conditions sociales et économiques ne se fassent pas au détriment de l'éducation en français.

L'État ne peut nous soumettre aux mêmes lois que la majorité sans que nous en soyons affaiblis. Le besoin de protection linguistique demeure. Il est d'autant plus nécessaire que les ressources financières sont rares et que la situation impose des choix difficiles.

Nous pouvons améliorer nos chances de conserver l'acquis en matière d'éducation supérieure, et même faire des gains, si nous savons faire une utilisation rationnelle de nos ressources. D'où l'importance d'éviter les dédoublements inutiles et de favoriser une définition claire des mandats respectifs des institutions. La coopération inter-provinces et inter-institutions doit, dans les circonstances, être très sérieusement considérée. Celle-ci est devenue possible plus que jamais auparavant par le développement des technologies de communications.

1985-05-08

Troisième séance de travail (en plénière) : L'éducation permanente : de nouvelles voies?

Présentation par M. Jean Watters, directeur du Centre de l'éducation permanente de la Faculté Saint-Jean

Dans la discussion qui a suivi la présentation de l'andragogue Watters, on a fait remarquer qu'il existe au Canada français plusieurs réseaux qui s'intéressent (ou encore qui oeuvrent) à cet important domaine de l'enseignement à distance. Mais, on a également souligné que la concertation interinstitutionnelle est encore à créer puisque les ententes, comme elles existent à l'heure actuelle, sont le résultat d'accords entre individus se connaissant et sont donc très ponctuelles. On a soulevé l'hypothèse qu'un comité, chargé d'étudier les possibilités d'utiliser justement les méthodes d'enseignement à distance pour les communautés francophones hors Québec, aurait un mérite certain.

Je suis, par profession, un andragogue c'est-à-dire une personne dont le travail consiste à faciliter l'apprentissage des adultes tout en créant un climat propice à cet apprentissage. L'andragogie est une science et un domaine de pratique sociale dont l'objet spécifique est la relation d'aide éducative à l'apprentissage (changement délibérément recherché par les adultes).

En terminant la préparation initiale de mon exposé je me suis rappelé deux choses: une que j'ai apprise et l'autre que j'ai lue. La première que j'ai apprise, très tôt dans ma carrière et que j'ai souvent tendance à oublier, c'est qu'à force de vouloir éclairer les gens, on finit par les aveugler. Résultat: ils ne verront plus rien. La deuxième, que j'ai lue et qui me revient souvent à l'esprit, est le résultat d'une recherche menée par un groupe de professeurs d'anglais d'un collège du nordouest des États-Unis. Ils ont établi une corrélation directe entre le nombre de mots parlés par le professeur et les notes que les «apprenants» ont obtenues à l'examen. Plus le professeur parle, moins les apprenants apprennent. Je suis convaincu que ces résultats s'appliquent aussi à un présentateur face à son public.

Pour servir de point de départ à notre discussion, dans une optique d'éducation permanente bien sûr, j'aimerais vous référer au rapport Point de vue des adultes (1982), de l'Institut canadien d'éducation des adultes de Montréal, ou pour ceux qui préfèrent, du «Canadian Association for Adult Education» de Toronto. À la page 34, on y lit:

«Les adultes francophones hors Québec devraient avoir accès à la formation en français tout comme c'est le cas pour les adultes anglophones du Québec...»

En éducation des adultes, lorsqu'on mentionne l'accès à la formation, on se réfère au quoi. Le quoi, il est en tout point identique pour les citoyens de langue anglaise que pour les citoyens d'expression française. D'ailleurs, une enquête menée par le Secrétariat d'État sur l'éducation des adultes au Canada, intitulée Une personne sur cinq, le démontre indubitablement. Qu'il s'agisse de cours ayant trait au travail que l'on fait, de cours d'enrichissement ou d'intérêt personnel, de cours de formation générale, ou de cours récréatif ou d'artisanat, les deux groupes choisissent sensiblement la même chose dans les mêmes proportions. Il existe, selon ce rapport, plus de différence dans le choix des cours entre un individu francophone et son conjoint qu'entre ce même francophone et le groupe anglophone. Ici on ne peut certainement pas les blâmer. Ce qui nous touche, nous les francophones, et cela est important à retenir, c'est notre coeur et notre culture.

Les tendances futures qui pourraient influencer l'éducation permanente s'appliquent aussi bien aux francophones qu'aux anglophones. D'ailleurs plusieurs de ces tendances sont universelles. Il s'agirait ensemble de les examiner pour déterminer le quoi.

Nous sommes de plus en plus centrés sur nous-mêmes. Nous nous préoccupons de plus en plus de notre croissance personnelle et de ce qui nous arrive personnellement. En langage populaire, on dirait qu'on contemple son nombril. Les experts croient que ceci est le résultat des troubles et des tumultes des années '60 et 70. Comparés à ma génération, les jeunes d'aujourd'hui sont plus conservateurs que jamais et de plus en plus individualistes. On pense en fonction de soi plutôt qu'en fonction de la collectivité. Par contre, nous les contestataires des années '60, avons fait face à des problèmes mineurs comparés à ceux auxquels les jeunes d'aujourd'hui doivent faire face.

Nous allons voir dans les années à venir beaucoup de nouveaux programmes (thought provoking) qui abordent les problèmes qui touchent les gens dans leur vie quotidienne. Les causes en sont le taux croissant de chômage, la déshumanisation de notre société, la désintégration virtuelle de la classe moyenne et l'état actuel de l'économie.

Nous allons voir un changement progressif dans le rôle traditionnel de l'enseignant. Il devient de plus en plus un facilitateur, c'est-àdire que son rôle ne sera plus celui de la transmission d'un simple contenu mais plutôt celui de l'humanisation et la création d'un climat propice à l'apprentissage. La technologie se chargera très souvent de transmettre le contenu en coopération avec l'apprenant, qui étant à la fois consultant et consulté, jouera un rôle plus actif dans son propre apprentissage. D'ailleurs, plus de 80% des expériences d'apprentissage prennent place en dehors des murs d'une institution.

Les années à venir offriront plus de temps pour les loisirs. Avec le taux de chômage croissant et les apports technologiques, il est facile d'envisager une société informative, sous-employée, bien éduquée, une société où l'on consacrera plus de temps aux activités récréatives de toutes sortes.

La technologie de pointe continue de faire des progrès phénoménaux. Les gens éprouvent certaines difficultés à s'adapter aux changements créés par cette technologie. La technologie créera une société centrée sur l'informatique et la médiatique. Les gens auront de la difficulté à s'adapter à cette ère technologique. Autrefois les gens disaient: «Tout change rapidement». Maintenant vous entendez souvent la remarque: «Les changements changent vite».

Des gens centrés sur eux-mêmes, des programmes provocateurs, des facilitateurs plutôt que des enseignants, une croissance dans les périodes de loisirs et une technologie de pointe en pleine évolution sont les éléments qui influenceront éventuellement l'éducation permanente. Ces cinq tendances s'influencent d'ailleurs l'une et l'autre mutuellement.

Nos institutions et nos gouvernements résistent aux changements. On essaie trop souvent d'appliquer de vieilles solutions à de nouveaux problèmes. La désinstitutionnalisation de l'éducation des adultes est une possibilité que les autorités refusent de voir. Encore moins de considérer. Selon le rapport Point de vue des adultes :

«...L'éducation des adultes des années '80 doit donc contribuer à développer des personnes, en tant qu'individus et membres d'une communauté, autonomes et responsables, capables de s'assumer elles-mêmes et de créer une société plus efficace et plus productive

mais également plus juste, humaine et solidaire. Dans ce sens, il est important que l'éducation des adultes sensibilise les adultes aux innovations technologiques et aux transformations économiques à venir...»

Malgré ces tendances, les grands facteurs de l'éducation des adultes, dans un cadre d'éducation permanente, demeurent tout de même les mêmes: donner aux adultes une deuxième chance d'obtenir les qualifications qu'ils n'ont pas pu obtenir pendant leur enfance et leur jeunesse; fournir un enseignement non sanctionné par un diplôme pour ceux dont le souci est de s'ouvrir l'esprit; favoriser le développement de la personnalité par l'approfondissement de la connaissance de soi; mettre à jour ou apporter des compétences professionnelles essentielles; orienter les adultes vers la résolution des problèmes personnels ou communautaires et vers de nouvelles façons de procéder; promouvoir l'action communautaire.

Pour les francophones hors Québec, le problème de l'éducation permanente est plus complexe. En plus de devoir faire face aux nouvelles tendances, nous sommes peu nombreux, dispersés sur un immense territoire et assujettis à des politiques provinciales d'édu-

 cation qui refusent systématiquement de reconnaître notre existence. De plus, nos ressources humaines et financières sont limitées.

En terminant, je veux vous laisser ce commentaire de Lowe:

«...Si magnifique que l'éducation des adultes puisse être en elle-même et si grande que soit sa force potentielle en tant qu'instrument du développement économique et social, elle ne peut prospérer en l'absence d'un appui généreux des pouvoirs publics. Cela veut dire que son intérêt doit être reconnu de manière aussi incontestable par les ministres, les hauts fonctionnaires et les contribuables qu'il l'est par les grands porte-parole de la profession...»

(N.B.) Ce texte ne constitue que la première partie de la présentation de monsieur Watters. Dans la deuxième partie de sa présentation, il discutait du projet de la Faculté SaintJean: L'éducation permanente au service des Franco-Albertains. Les personnes intéressées à recevoir une copie abrégée de ce projet peuvent s'adresser directement à monsieur Jean Watters, dont les coordonnées se retrouvent à la fin de ce recueil.

Quatrième séance de travail : thème IV: Pour des programmes de qualité

A- Les programmes universitaires

M. Helmut Schweiger, directeur de la recherche et de la planification académique à la Commission de l'enseignement supérieur des provinces maritimes, se propose de faire un bilan de l'impact de l'arrivée des premiers diplômés des cours d'immersion et de l'étendue des programmes disponibles pour les accueillir. Il remarque qu'on ne reçoit pas toujours d'un bon oeil les diplômés en question, situation déplorable, selon lui, puisque cela élargit le fossé entre étudiants de langue française et ceux de langue anglaise. Après avoir brossé un court tableau historique de l'évolution de l'enseignement postsecondaire en langue française dans les Maritimes, M. Schweiger soutient que le succès de l'enseignement postsecondaire en langue française hors Québec dépend d'une multitude de facteurs: ressources financières, conjoncture politique, concentration des ressources, planification adéquate, coopération interprovinciale.

Commentant la présentation de M. Schweiger, madame Claire Beauchemin, de l'Université Laurentienne de Sudbury, affirme qu'il est faux de prétendre que l'arrivée des diplômés des cours d'immersion, dans les institutions postsecondaires de langue française, n'a que des  avantages. Elle prétend que leur admission devrait se faire sous certaines conditions, car dans bien des cas ceux-ci n'ont pas atteint la même compétence linguisque les francophones. Elle ajoute que trop souvent également la formation des étudiants de langue française en souffre, puisque tique les professeurs se trouvent, à son avis, contraints d'adapter leur niveau d'enseignement en français à celui des nouveaux arrivants.

Madame Janice Sargent, du comité exécutif de l'association Canadian Parents for French, souligne d'abord que les étudiants anglophones qui ont suivi des cours d'immersion continuent de vouloir étudier, au niveau postsecondaire, dans des institutions partiellement ou totalement de langue française. Elle s'interroge cependant et corrobore les dires de M. Schweiger: les institutions de langue française devraient faire connaître leurs politiques, si elles en ont, au sujet de l'accueil des diplômés de l'immersion.

La qualité avant tout?

par Helmut Schweiger

Introduction     

À l'intérieur du thème général du colloque, «L'enseignement postsecondaire en langue française hors Québec», l'introduction du présent atelier propose la considération de cinq questions, soit: l'examen de l'étendue des programmes disponibles en français; des données sur certains programmes importants en raison de leurs retombées sur la qualité de vie de la collectivité francophone; une analyse de la participation des anglophones dans les universités de langue française; l'impact de l'arrivée des premiers diplômés des cours d'immersion; une réflexion sur les moyens de concilier les intérêts communs des anglophones et des francophones avec leurs besoins distinctifs.

Là où je me trouve, dans la suite des présentations, je fais face à certaines réalités. Je peux ne pas prêter attention aux présentations antérieures ou je peux en tenir compte. J'ai choisi la deuxième alternative dans le but d'éviter des répétitions et d'apporter des précisions à certaines déclarations.

J'étais réconforté hier soir par l'annonce que les trois grandes régions hors Québec seront représentées également parmi les conférenciers. Ceci me permet de me limiter à la région de l'est du Québec-les Maritimes - où j'oeuvre depuis 15 ans dans l'administration universitaire et dans la planification académique régionale. Une analyse de la situation actuelle relative aux cinq questions: comment on y est arrivé et où on veut aller; le processus de développement, les réussites et les faillites, pourrait nous servir en quelque sorte pour le développement futur.

1- la situation des maritimes

Les Maritimes se composent des provinces de l'Ile-du-Prince-Edouard, du Nouveau-Brunswick, et de la Nouvelle-Écosse.

La population se situe entre 1,6 et 1,7 millions dont à peu près 300000 (ou 18%-20%) francophones: soit 4,4% pour l'île-du-PrinceEdouard, 33% pour le Nouveau-Brunswick, et 5,5% pour la Nouvelle-Écosse. Les régions où la langue française domine sont bien définies, soit le nord et l'est du Nouveau-Brunswick, deux régions dans l'extrême est et deux dans l'extrême ouest de la Nouvelle-Écosse, et un bon nombre de francophones autour d'Abram Village dans l'ouest de l'lle-duPrince-Edouard, avec des concentrations de plus en plus importantes à Halifax et à Fredericton (voir tableau I).

Il y a 24 établissements postsecondaires dans les Maritimes: universités, collèges communautaires et établissements spécialisés. Quatre d'entre eux sont au service des francophones: soit l'Université de Moncton avec des campus à Moncton, Shippagan et Edmunston; l'Université Sainte-Anne à Pointede-l'Église, en Nouvelle-Écosse; l'école des gardes forestiers des Maritimes, à Bathurst ' (établie en 1978); et le Collège communautaire du Nouveau-Brunswick, fondé en 1973 avec 5 campus francophones - Edmunston, Grand-Sault, Campbellton, Bathurst et Moncton (voir le tableau II). Voici les programmes actuellement disponibles dans les Maritimes au niveau universitaire en langue française, en comparaison avec la gamme de programmes en anglais.

Au premier cycle: Éducation, tous disponibles; Beaux Arts, tous disponibles; Humanités, études classiques, langues modernes- quelques-unes - relations publiques, sciences bibliothécaires; Sciences sociales, anthropologie, criminologie, études de l'environnement ; Sciences agricoles et biologiques, aquaculture et sciences marines actuellement en développement, sciences forestières en développement, science des vivres... programme partiel disponible; Génie et sciences appliquées, certaines orientations; Sciences de la santé, bien que ces programmes de premier cycle ne soient pas disponibles dans les Maritimes, ils sont disponibles par une entente interprovinciale Québec/NouveauBrunswick: médecine, art dentaire, médecine vétérinaire, pharmacie, physiothérapieergothérapie, optométrie, hygiène dentaire. Mathématiques et sciences physiques, géologie, océanographie, astronomie.

TABLEAU I : Les régions francophones des Maritimes et le pourcentage de francophones par province

Au deuxième cycle: à l'état du développement actuel, il y a près d'un tiers des programmes disponibles en français en comparaison avec ceux disponibles en anglais (voir le tableau III).

Au troisième cycle: actuellement, il n'y a aucun programme en français. La planification prévoit l'implantation suivante, d'ici 1987: Éducation (éducation); Humanités (français); Sciences sociales (psychologie); Mathématiques et sciences physiques (chimie, physique).

Depuis sa création en 1963, l'Université de Moncton s'est dotée de 11 facultés et écoles qui offrent un total de 98 programmes de certificat, baccalauréat et maîtrise. L'Université Sainte-Anne offre le baccalauréat en administration des affaires, le baccalauréat en enseignement, des certificats de perfectionnement, plusieurs options du baccalauréat es arts et les deux premières années des sciences. Et ceci s'est fait par le dynamisme institutionnel et non pas par des interventions externes. De plus, depuis sa création en 1974, le Collège communautaire du NouveauBrunswick a établi 5 campus francophones.

Parmi les nouveaux programmes de baccalauréat et de maîtrise à l'Université de Moncton et à l'Université Sainte-Anne, on compte:

  • Le baccalauréat en droit coutumier (Common Law), le premier au monde en langue française. D'ailleurs, au printemps 1985, les étudiants ont remporté le premier prix du concours national «Tribunal Ecole» (Moot Court);
  • Le baccalauréat en sciences forestières;
  • Le baccalauréat en informatique;
  • Le baccalauréat en génie mécanique;
  • Le baccalauréat en administration des pêcheries;
  • La maîtrise en administration publique;
  • La maîtrise en génie civil et en génie industriel, ainsi qu'une gamme de certificats de perfectionnement.

C'est banal à dire, mais il est nécessaire que les créations de programmes tiennent convenablement compte des ressources financières et de la clientèle potentielle. Il reste qu'on doit regarder certaines créations comme étant dans l'ordre du raisonnable, à la mesure de nos collectivités et d'autres comme extravagantes - au moins pour le moment. Des programmes auront peu de qualité s'ils n'ont pas une certaine mesure de stabilité. Un programme nouveau peut en déstabiliser un autre et parfois il faut y aller par étapes. Pour assurer une masse critique suffisante d'étudiants et les ressources nécessaires, deux solutions particulières ont été adoptées dans les Maritimes à deux niveaux, et ceci pour les deux populations linguistiques, francophones et anglophones.

La situation n'a pas toujours été comme elle l'est maintenant. Les années 1963, 1974 et 1977 sont des dates de première importance pour la formation universitaire en langue française dans les Maritimes.

Avant 1963, une douzaine de petits collèges de type classique offraient des baccalauréats classiques traditionnels avec quelques débuts de programmes professionnels. L'année 1963 marque la création de l'Université de Moncton et la confédération et intégration successive des collèges à l'Université de Moncton. L'École des gardes forestiers des Maritimes est également établie à Bathurst depuis 1963.

En 1974, les trois gouvernements des Maritimes acceptaient, par la ratification d'une loi identique, la coordination de l'enseignement postsecondaire dans ces provinces. Par l'entremise de cette initiative, le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse et l'île-du-Prince-Édouard reconnaissaient l'Université Sainte-Anne, l'Université de Moncton et l'École des gardes forestiers des Maritimes comme ressources régionales, et acceptaient de contribuer financièrement à leur fonctionnement, se dotant ainsi sinon directement, indirectement, d'un service assez développé. En 1977, suite au rapport de la Commission LeBel, l'Université de Moncton devint la seule université francophone au NouveauBrunswick, avec 3 campus. Pendant cette même période, l'Université Sainte-Anne, après plusieurs études, a vu son statut d'université confirmé par le gouvernement de la Nouvelle-Écosse.

À l'extérieur des Maritimes, le service est assuré par des ententes formelles avec l'Ontario, le Québec et Terre-Neuve pour les deux populations linguistiques. Ces solutions, dans certains cas, ne sont pas considérées comme permanentes, mais elles permettent un développement planifié et raisonnable au cours des années.

J'en illustre un exemple: une entente conclue avec le Québec en 1969 et modifiée à plusieurs reprises depuis. C'est une entente qui a connu un excellent succès (voir le tableau IV), mais qui ne fonctionne pas sans problèmes: entre autres, l'isolation culturelle des étudiants, des problèmes d'intégration de programmes préparatoires avec ceux du système québécois, la difficulté d'assurer le retour des finissants dans les Maritimes après la fin des études et les problèmes politiques qui découlent du fait que certains étudiants choisissent de s'installer au Québec.

Après un début difficile et incertain, pour réussir dans ce type d'activités, on a dû employer des moyens un peu extraordinaires et inorthodoxes. Un comité fut établi avec le mandat de voir à la réalisation de cette entente.

Ce Comité voit à la publicité, organise des ateliers et sessions d'orientation lors des études préparatoires, collabore au niveau des demandes d'admission dans les universités du Québec. Ce comité prépare également les étudiants pour les entrevues, les visites régulièrement durant leur séjour au Québec, écoute leurs problèmes d'ordre académique, économique ou personnel. De plus, on aide ces étudiants à se trouver des emplois d'été et des emplois à la fin de leur formation postsecondaire. De cette manière, on les lie à leur région et on augmente leurs chances de succès au Nouveau-Brunswick.

Le comité entretient également des relations avec les autorités gouvernementales et universitaires du Québec et des Maritimes pour prévenir ou régler des problèmes ponctuels.

2- Les anglophones dans les établissements de langue française    

À l'exception de l'Université Sainte-Anne, où il s'agit seulement de 82 anglophones sur à peu près le même nombre de francophones, il ne semble pas y avoir de courant extraordinaire dans cette direction dans les Maritimes. Voici les statistiques :

Dans le cas de Moncton, la grande majorité, plus de 50%, vient de la région immédiate de l'université; quant à l'University of New Brunswick, les francophones viennent des régions de majorité francophone, incluant Moncton. Les tableaux V à IX illustrent les inscriptions dans certains programmes, par langue maternelle, même après l'implantation d'un programme de qualité en français.

Je pose donc la question - les francophones, pourquoi se déplacent-ils de leur milieu où les programmes identiques sont disponibles pour s'inscrire dans les établissements de langue anglaise? L'explication à cette énigme est de première importance pour le développement continu de l'enseignement postsecondaire en langue française, et dans certains cas, même pour sa survivance.

J'avais préparé un modèle mathématique des possibilités de développement futur de nouveaux programmes postsecondaires en langue française, c'est-à-dire, des avantages que cet afflux pourrait apporter. Mais je le mettrai de côté.

Dans les remarques précédentes et dans la politique de recrutement universitaire «des immergés», je perçois une certaine hésitation devant l'assimilation, ou intégration, ou même l'acceptation des «immergés» dans le milieu francophone, soit pour des raisons politiques de pureté socio-linguistique, soit pour des raisons de compétition potentielle sur le marché de travail?

Cette dernière constatation est directement liée à la cinquième question: quels sont les moyens de concilier les intérêts communs des deux populations linguistiques?

Si les établissements de langue française ne sont pas prêts à accueillir ou desservir «les immergés», une réponse à leurs besoins dans les établissements de langue anglaise pourrait creuser le fossé entre les deux populations encore plus profondément qu'il l'est maintenant. Cette attitude devant l'isolement culturel pourrait avoir des conséquences dévastatrices pour l'anthropologie socio-culturelle et politique du Canada.

Anglophones/Francophones

Université de Moncton

166/3862

soit

4,2% anglophone

Université Sainte-Anne

82/76

soit

52,0% anglophone

University of New Brunswick

6790/348

soit

5,1% francophone

Saint Thomas University

1174/39

soit

3,3% francophone

Mount Allison University

1696/10

soit

0,5% francophone

TABLEAU II :  Les institutions postsecondaires

Légende:

  1. Acadia University
  2. Atlantic School of Theology
  3. Dalhousie University
  4. Holland College
  5. Maritime Forest Ranger School (Fredericton & Bathurst)
  6. Mount Allison University
  7. Mount St. Vincent University
  8. Nova Scotia Agricultural College
  9. Nova Scotia College of Art & Design
  1. Nova Scotia Land Survey Institute
  2. Nova Scotia Teachers College
  3. St. Francis Xavier University
  4. Saint Mary's University
  5. St. Thomas University
  1. Technical University of Nova Scotia
  2. Université de Moncton (Moncton, Edmunston & Shippagan)
  3. Université Sainte-Anne
  4. University College of Cape Breton
  5. University of King's College
  6. University of New Brunswick (Fredericton & Saint John)
  7. University of Prince Edward Island
  8. New Brunswick Community College/college communautaire du NouveauBrunswick (Head Office/Siège social) Campuses/Campus: Bathurst, Campbellton, Edmunston, Grand Falls/Grand Sault, Moncton, Saint John & Woodstock
  9. Nova Scotia Institute of Technology

TABLEAU III : Programmes du 2e  cycle actuels et projetés dans les Maritimes

Programmes

en anglais

Actuels en français

Projetés pour la période 84-87

Éducation

 

 

 

Éducation

X

X

 

Éducation physique

X

 

X

Arts visuels

 

 

 

Arts visuels

X

 

 

Humanités

 

 

 

Études classiques

X

 

 

Langues modernes et litt.

X

 

 

Littérature comparée

 

 

X

Anglais

X

 

 

Français

X

X

 

Histoire et études régionales

X

X

 

Philosophie

X

X(tp)

X

Sciences bibliothécaires

X

 

 

Théologie

X

 

 

Sciences sociales

 

 

 

Anthropologie

X

 

 

Études acadiennes

 

 

X

MAA

X

X

XXX

MAP

X

X

 

Économique

X

X

 

Droit

X

 

 

Environnement

X

 

X

Science politique

X

 

 

Psychologie

X

X

 

Services sociaux

X

Q

X

Sociologie

X

 

 

Sciences agricoles/biologiques

 

 

 

Biochimie

X

 

X

Biologie

X

X

 

Sciences ménagères

 

X

 

Science des vivres

X

 

 

Professions de la santé

 

 

 

Art dentaire

X

 

 

Sciences médicales

X

 

 

Pharmacie

X

 

 

Sciences infirmières

X

 

 

Audiologie et orthophonie

X

Q

 

Génie et sciences appliquées

 

 

 

Architecture

X

 

 

Génie

X

X

 

Sciences forestières

X

 

 

Mathématiques/Sciences physiques

 

 

 

Informatique

X

 

 

Mathématique

X

 

 

Chimie

X

X

 

Géologie

X

 

 

Physique

X

X

 

Nota Bene: Q signifie programme disponible

par l'entente Québec- N.-B.

TABLEAU IV

Programmes contingentés

Historique des inscriptions des étudiants du Nouveau-Brunswick au Québec

Discipline

69

70

71

72

73

74

75

76

77

78

79

80

81

82

83

84

70

71

72

73

74

75

76

77

78

79

80

81

82

83

84

85

Médecine

11

16

22

34

33

19

19

22

23

24

29

35

38

43

49

53

Art dentaire

 

 

 

 

 

15

17

18

21

19

19

21

19

14

14

9

Médecine

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

vétérinaire

 

 

 

 

 

2

4

6

7

7

5

3

3

3

4

7

Pharmacie

 

 

 

 

 

1

5

12

11

10

9

10

12

15

13

12

Hygiène

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

dentaire

 

 

 

 

 

-

-

1

-

1

-

2

2

2

4

2

Service

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

social

 

 

 

 

 

2

2

-

1

-

-

-

-

-

-

-

Génie agricole

 

 

 

 

 

6

18

21

15

7

10

6

3

-

3

3

Audiologie/

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

orthophonie

 

 

 

 

 

-

-

-

-

-

-

1

1

1

3

4

Ergothérapie

 

 

 

 

 

-

-

-

-

-

-

2

4

5

7

8

Physiothérapie

 

 

 

 

 

-

-

-

-

-

-

2

3

7

8

8

Optométrie

 

 

 

 

 

-

-

-

-

-

-

2

4

6

8

6

Total

11

16

22

34

33

45

65

80

78

68

72

84

89

%

113

112


TABLEAU V

Inscriptions en génie

 

1980/81

1981/82

1982/83

1983/84

1984/85

University of New Brunswick

Total

1054

1164

1261

1269

1297

Francophone

104

106

106

107

98

Université de Moncton

Total

165

192

211

235

221

Anglophone

0

2

3

2

1

TABLEAU VI

Inscriptions en informatique (1er cycle)

 

 

1980/81

1981/82

1982/83

1983/84

1984/85

University of New Brunswick

Total

 

269

343

444

463

514

Francophone

 

24

36

35

43

41

Université de Moncton

Total

 

0

80

138

185

161

Anglophone

 

0

2

5

5

6

 

TABLEAU VII

Inscriptions en droit

 

1971

1974

1975   1976

1977

1978

1979

1980

1981

1982

1983

1984

1972

1975

1976  1977

1978

1979

1980

1981

1982

1983

1984

1985

University of New Brunswick

Total

 

 

 

 

 

 

223

211

201

197

197

Francophone

16-19

18

9        5

4

1

2

8

7

7

5

4

Université de Moncton

 

 

 

 

 

 

59

60

48

58

64

Total

 

 

 

 

 

 

67

72

62

69

73

Anglophone

 

 

 

 

 

 

8

12

14

11

9

 

TABLEAU VIII

Inscriptions en sciences forestières

 

1980/81

1981/82

1982/83

1983/84

1984/85

University of New Brunswick

Total

291

273

287

264

231

Francophone

8

10

10

8

12


TABLEAU IX

Demandes d'admission par des étudiants francophones aux programmes d'instruction juridique offerts par les établissements des Maritimes:

 

71

72

73

74

75

76

77

78

79

80

University of New Brunswick

20

29

31

31

N/A

33*

31

14

10

17

Université de Moncton

 

 

 

 

 

 

 

98

102

72

Dalhousie University

N/A

N/A

N/A

N/A

N/A

N/A

N/A

N/A

N/A

N/A

Étudiants francophones admis aux programmes d'instruction juridique dans les Maritimes:

 

University of New Brunswick

16

19

19

18

N/A

9*

5

4

1

2

Université de Moncton

 

 

 

 

 

 

 

37

61

43

(inscrits)

 

 

 

 

 

 

 

 

(31)

(34)

(29)

Dalhousie University

N/A

N/A

N/A

N/A

N/A

N/A

N/A

N/A

N/A

N/A

*Au cours de l'année académique 1976-77, l'University of New Brunswick a offert des cours en langue française.

L'impact négatif de l'arrivée des élèves d'immersion

par Claire Beauchemin

À titre de commentatrice, je veux aborder l'un des points soulevés par monsieur Schweiger, à savoir l'impact de l'arrivée des premiers diplômés des écoles d'immersion dans les programmes universitaires en langue française.

Parmi les participants à ce colloque, certains s'intéressent principalement aux étudiants de l'école d'immersion, d'autres aux étudiants francophones de langue maternelle française3, tandis que d'autres se préoccupent davantage de l'aspect administratif de l'intégration des «immergés» dans les programmes universitaires destinés aux francophones. Par ailleurs, la province d'origine des participants, et plus précisément le caractère linguistique de leur institution, conjugué à la force démographique respective des deux groupes linguistiques qui la fréquentent, rendent compte de réalités différentes perçues et vécues par chacun. Conséquemment, les perspectives diffèrent en fonction de ces éléments.

Je tiens donc à préciser que la perspective que j'adopte se rapporte spécifiquement à l'épanouissement culturel et linguistique des francophones au sein des institutions bilingues de l'Ontario: mes commentaires se limitent à cette réalité.

J'avouerai dès maintenant que je partage l'hésitation dont parlait monsieur Schweiger devant l'intégration pure et simple des «immergés» dans les cours universitaires créés à l'intention des francophones. On sait qu'en Ontario, le nombre d'élèves inscrits aux écoles d'immersion s'avère très important et même, qu'il va croissant. Présentement, ce nombre équivaut à celui des élèves inscrits dans les écoles de langue française. Bien sûr, nous devons nous réjouir à l'idée que les anglophones apprennent le français. Cependant, cette constatation doit être présente à l'esprit dans l'étude de la question qui nous préoccupe. Il me paraît essentiel que les francophones se penchent sur certains résultats de recherche en rapport avec la performance des «immergés», afin que leur intégration éventuelle se réalise en tenant compte des conséquences qui en résulteront inévitablement.

La question doit être abordée à deux niveaux, à savoir l'impact quantitatif et l'impact qualitatif de l'intégration des «immergés» aux cours et aux programmes en français.

On peut concevoir de grands avantages à l'idée que les élèves des écoles d'immersion vont s'inscrire aux programmes en français offerts par les universités bilingues de l'Ontario. En effet, un nombre plus grand d'étudiants permettra d'offrir plus de cours en français car la gamme de cours offerts est en fonction des effectifs. En sciences par exemple, on peut concevoir que tout le programme, et non seulement un nombre limité de cours, pourra être offert grâce à l'arrivée des «immergés».

Cependant, cet avantage quantitatif doitil constituer notre seul guide dans l'étude du problème? L'épanouissement de l'éducation postsecondaire de la minorité francoontarienne doit-il être dépendant de la venue des anglophones des cours d'immersion?

À mon avis, l'impact quantitatif comporte des limites: on ne saurait préconiser l'intégration pure et simple des «immergés» sans tenir compte de l'impact qualitatif d'une telle mesure auprès des francophones.

On peut se demander si les étudiants issus des écoles d'immersion ont une compétence linguistique équivalente à celle des francophones, ainsi que l'affirment assez souvent certains adeptes de l'immersion. Selon Richmond (1984), même si ces étudiants «ont tendance à se croire parfaitement bilingues» (p. 114), ceux-ci ne ressemblent guère aux superétudiants que l'on croyait former par le biais des écoles d'immersion. Un nombre croissant de recherches corroborent ce point de vue. À l'appui, je rappellerai quelques résultats de recherche.* Richmond (1984) a comparé les résultats au test de classement chez trois groupes: 1) les anglophones ayant suivi un programme traditionnel, 2) les anglophones ayant suivi un programme d'immersion et 3) les francophones:

«(...) les résultats du groupe d'immersion (...) se trouvent bien plus proches de ceux du groupe traditionnel que de ceux des francophones. Ces mêmes résultats se répètent aussi au niveau de chacun des sous-tests», (p. 114)

Puis il ajoute que «les anciens des programmes d'immersion ont un avantage assez fort sur le groupe traditionnel, bien qu'ils se situent assez loin du niveau linguistique des francophones» (p. 114). Je renvois les lecteurs qui s'intéressent à l'article de l'auteur. Il suffit de dire ici que le mythe selon lequel les étudiants issus des écoles d'immersion possèdent une compétence en français équivalente et même parfois supérieure à celle des francophones n'a que peu de fondement. D'autres chercheurs (Baetens-Beardsmore, 1982; Mougeon, Heller, Beniak et Canale, 1984; Harley, 1984; Swain et Lapkin, 1984; etc.) ont également signalé les limites de l'immersion. À cet effet, le linguiste G. Bibeau (1984) écrivait: «L'immersion (...) a  beaucoup promis, (elle) a beaucoup donné, mais (elle) n'a pas permis de rendre les enfants aussi bilingues qu'on l'espérait.» (p. 114).

Comment expliquer cette situation? Il semblerait qu'après avoir atteint le stade de l'apprentissage de la langue qui leur permet de se faire comprendre par leur enseignant et par les autres élèves, les «immergés» ne cherchent pas à atteindre un seuil de compétence comparable à celui des francophones, faute de motivation sociale suffisamment forte: la valeur instrumentale de la langue semble suffire dans la majorité des cas.

Il est également intéressant de s'arrêter sur le comportement langagier du professeur qui enseigne à des étudiants éprouvant des difficultés linguistiques. Dans une expérience d'apprentissage de la langue seconde à l'université, par le truchement de l'enseignement d'une discipline, soit la psychologie, on a constaté (à l'examen du cours enregistré sur ruban magnétoscopique et à l'aide d'autres données) que le professeur ajustait automatiquement sa langue à celle de ses étudiants, afin de leur faciliter la transmission du contenu du cours (voir Edwards, Wesche et al. 1984). Or, si les «immergés» se trouvaient intégrés au groupe des étudiants francophones au sein des mêmes cours universitaires, cette adaptation, voire simplification artificielle de la langue du professeur, ne se produirait-elle pas tout autant? Les francophones alors souffriraient inévitablement de cet appauvrissement linguistique.

Mougeon, Heller, Beniak et Canale (1984) ont comparé la compétence linguistique de trois groupes d'élèves franco-ontariens à savoir 1) les franco-dominants, lesquels communiquent souvent ou toujours en français au foyer, 2) les anglo-dominants, lesquels communiquent souvent ou toujours en anglais au foyer et 3) les bilingues, lesquels communiquent aussi souvent, ou presque aussi souvent, dans une langue que dans l'autre. Par ailleurs, ces auteurs citent quatre études4 dans lesquelles on a comparé le français parlé des élèves francophones à celui des élèves d'immersion et ils affirment que: «Dans les quatre cas, on a pu constater qu'à niveau de scolarité égal, les élèves d'immersion commettaient plus d'erreurs que les anglo-dominants et à plus forte raison que les francodominants et les bilingues», (p. 327) Plus loin, ils ajoutent :

«(...) les enseignants sont d'avis qu'ils (les anglo-dominants) ont un effet retardant sur les franco-dominants pour ce qui est de l'apprentissage du français et des autres matières», (p. 346) Or, si les anglo-dominants on un effet retardant sur les franco-dominants, à plus forte raison les «immergés», si l'on se rappelle d'une part leur performance linguistique (voir les quatre recherches relevées par Mougeon et al.) et d'autre part, les résultats enregistrés par Richmond.

S'il est un domaine universitaire qui nécessite une protection linguistique, c'est bien celui de la formation des enseignants. Depuis quelques années, le nombre d'anglophones qui demandent (et qui obtiennent!) l'admission au programme menant au brevet d'enseignement de l'Ontario va croissant. Nous avons eu maintes fois l'occasion de constater que la qualité linguistique laisse beaucoup à désirer de même que l'engagement envers le fait francophone. Nous ne saurions nous montrer trop exigeants à l'endroit des candidats qui se destinent à l'enseignement auprès des élèves francophones dans les écoles primaires et secondaires de l'Ontario. Et que dire de la transmission des valeurs culturelles francophones... Les enseignants qui participent au projet éducatif des écoles de langue maternelle française ont comme mandat moral de faciliter l'intégration culturelle des élèves dans le milieu francoontarien. Et pour qu'ils puissent aider les élèves à s'intégrer à leur groupe linguistique minoritaire, ils doivent eux-mêmes «habiter» cette langue et cette culture.

En conclusion, j'admets que l'intégration des «immergés» peut vraisemblablement se faire dans les universités bilingues. Cependant, il faut trouver une formule qui le permette sans que les francophones en soient les victimes, comme dans les écoles mixtes de l'Ontario.

Ce qu'il faut bien comprendre des remarques que j'ai formulées au sujet de la compétence linguistique des «immergés», ce n'est pas simplement le fait qu'ils commettent des erreurs ou qu'ils soient les seuls à le faire. Les études les plus élémentaires en linguistique permettent de se rendre à l'évidence que les francophones eux aussi en commettent: il en est ainsi dans toutes les langues. Ce qu'il faut plutôt retenir, c'est le fait que chez les «immergés», dont il est ici question, le français demeure une langue seconde et que ces derniers se sentent beaucoup plus à l'aise dans leur langue maternelle. Or, dans un cours universitaire où les francophones se trouveraient réunis avec les anglophones, ce serait faire preuve d'un grand optimisme que de croire que la langue de communication serait le français. Dès que les étudiants seraient laissés à eux-mêmes, dans le contexte d'une institution bilingue où les francophones sont démographiquement minoritaires, la langue d'échange deviendrait l'anglais. Du reste, c'est déjà le cas présentement dans un cours qui s'adresse à des enseignants qui se destinent à l'enseignement du français en immersion.

Pouvons-nous donc fermer les yeux devant les conséquences que subiraient inévitablement les francophones dans leur milieu universitaire? L'épanouissement culturel et linguistique des Franco-Ontariens pourrait-il être favorisé par l'intégration des  «immergés» aux cours universitaires en français? Permettez-moi d'en douter. Devonsnous, en tant que groupe linguistique minoritaire, accepter cette mesure comme solution à l'élargissement de la gamme des cours et des programmes en français? Je ne le  crois pas. Je suis plutôt d'avis que des programmes d'accès à l'égalité doivent être mis sur pied, afin de corriger les lacunes du passé et de promouvoir la qualité de l'éducation universitaire des Franco-Ontariens.

Appendice

Références

BAETENS-BEARDSMORE, H. Bilingualism : Basic Principles. Clevedon, Avon: Tieto Ltd., 1982.

BENIAK, E. MOUGEON, R. et CANALE, M. Compléments infinitifs des verbes de mouvement en français ontarien, dans Linguistische Berichte, vol. 64, 1979, pp. 34-49.

BENIAK, E. MOUGEON, R. et COTÉ, N. Acquisition of French Pronominal Verbs by Groups of Young Monolingual and Bilingual Canadian Students, dans The Sixth Lacus Forum, sous la direction de J. Copeland et P. Davis. Columbia, South Carolina: Hornbeam Press, 1980.

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L 'engagement «français» des élèves de l'immersion n'est pas de la frime

par Janice Sargent

J'ai le plaisir de représenter devant vous une association nationale de parents, Canadian Parents for French, dont le but est de promouvoir, à travers le Canada, l'étude du français comme langue seconde.

La F.F.H.Q. et notre association se sont déjà mis d'accord l'année dernière pour signer une entente afin de promouvoir l'étude du français, à tous les niveaux scolaires, au Canada.

Canadian Parents for French est une organisation qui fut fondée en 1977 par un groupe de 35 parents; elle compte aujourd'hui plus de 7,000 familles membres. Elle a appuyé, dans toutes les provinces du Canada, l'enseignement aux enfants du français, langue seconde. L'énorme succès du phénomène de l'immersion est dû en bonne partie aux efforts de cette association à travers le pays, aux niveaux local et provincial.

Récemment, Canadian Parents for French s'est intéressé en particulier aux études postsecondaires. Ici à Ottawa, par exemple, M. Russ McGillivray, éducateur bien connu de la région, a effectué pour notre chapitre local du CPF un sondage auprès des étudiants en immersion du niveau secondaire (11e et 12e années), pour préciser les attentes de ces élèves dans la perspective d'études universitaires. Plus de la moitié des répondants ont dit qu'ils voudraient continuer à maintenir leur langue seconde, ou à poursuivre, au moins en partie, leurs études en français au niveau universitaire.

Ces élèves reconnaissent qu'ils ont besoin de suivre des cours dans leur deuxième langue s'ils veulent devenir vraiment bilingues. Tandis qu'ils sont, d'après l'étude de M. McGillivray, confiants de pouvoir parler et de comprendre le français à la sortie du secondaire, ils ont moins confiance en leur capacité de «l'écrit et de la grammaire».

L'idée que ces étudiants puissent, au niveau universitaire, suivre des cours offerts en français dans leur domaine choisi revêt néanmoins beaucoup d'attrait. Mais ils hésitent, étant donné leurs «carences» dans leur langue seconde, à faire des études universitaires entièrement en français.

Les universités pourront-elles s'adapter à ce nouveau groupe? Voudront-elles, par exemple, et comme le fait déjà l'Université d'Ottawa, offrir la possibilité de suivre des cours en français mais d'écrire, si on le préfère, les examens en anglais? Offriront-elles des programmes vraiment bilingues, c'est-àdire où on aurait le choix, en se spécialisant dans un certain domaine, de suivre quelquesuns de ses cours dans la langue seconde tout en suivant d'autres dans sa langue première?

Les institutions universitaires anglophones auront à s'adapter autant - et même plus - que celles de langue française, et devraient faire un effort non seulement pour accueillir les diplômés des cours d'immersion, mais aussi pour attirer des étudiants francophones qui voudraient éventuellement poursuivre leurs études postsecondaires dans une institution de langue anglaise, tout en conservant leur langue maternelle.

Même au niveau élémentaire en Ontario, les chercheurs ont noté chez les enfants en immersion, une plus grande tolérance  envers

les minorités, et une plus grande estime des différents groupes linguistiques et culturels qui forment notre grand pays. À mon avis, il y aurait grand intérêt à consolider nos gains, tout en respectant les différences entre les deux grands groupes culturels du Canada. On doit travailler d'un commun accord à l'amélioration des services éducatifs en français pour tous les jeunes Canadiens, afin d'offrir des services bilingues au public dans nos communautés locales.

Résumé de la discussion 

Répondant à la prise de position de madame Beauchemin, certains participants à cet atelier affirment que peu importe les dangers (qu'on peut toujours amoindrir, à leur avis), l'admission des étudiants anglophones des cours d'immersion dans les institutions francophones est nécessaire pour deux raisons: d'abord, ils permettent d'augmenter les effectifs des étudiants, surtout dans l'ouest canadien où le nombre d'étudiants de langue française est peu élevé; ensuite, il est sain que deux langues et deux cultures s'interinfluencent. Les professeurs André Obadia, de l'Université Simon Fraser, et Bernard St-Jacques, de l'Université de Colombie-Britannique, estiment d'ailleurs à cet égard que les études citées par madame Beauchemin ne disent pas tout.

Dans la discussion et l'échange animé qui suivit, on fit valoir que l'on ne peut s'opposer, dans un système de libertés politiques et sociales comme le nôtre, à ce que des gens «bien intentionnés» dans leur désir d'apprentissage de la langue et de la culture de langue française, soient admis dans nos institutions. On devrait cependant s'assurer que leur intégration s'effectue de façon à respecter les valeurs et la culture des étudiants de langue maternelle française.

On souligne également que des études sont en cours, à la Faculté d'éducation, de l'Université d'Ottawa, sur la compétence linguistique des étudiants anglophones ayant suivi le cours d'immersion en français. Le rapport du groupe de travail chargé de cette recherche est prévu pour juin 1986. Il devrait apporter plus de lumière sur la question.

Enfin, il a été mentionné qu'on a noté - ailleurs que dans les endroits où ont été effectuées les études citées par madame Beauchemin - que le français parlé d'un bon nombre d'anglophones était,dans bien des cas, fort acceptable. C'est pourquoi on a besoin d'études plus fouillées, comparant les milieux, les institutions et les individus.

B- Les programmes collégiaux    

Cet atelier visait à effectuer une réflexion sur l'intégration (possible, souhaitable?) des programmes des collèges et de ceux du ministère de l'Emploi et de l'Immigration. Les participants ont eu à se pencher sur une question d'importance: la formation, reliée à l'ensemble des emplois disponibles sur le marché, est-elle possible?

Madame Adrienne McLaughlin, viceprésidente à l'enseignement au Collège Algonquin, dresse la liste des programmes et ententes possibles entre les collèges communautaires. Elle fait état des progrès accomplis récemment et souligne qu'il s'agit d'un dossier chaud à la direction concernée au ministère de l'Emploi.

 Monsieur Gérard Raymond, directeur de l'Institut de technologie de Bathurst, note que le S.P.P.C. (Système de protection des professions au Canada) constitue un outil important pour connaître l'offre et la demande de main d'oeuvre malgré le fait que ce système comporte parfois des retards de dix mois.

Quant à M. Alcide Gour, doyen au Collège Cambrian de Sudbury, il estime que les collèges communautaires devront faire preuve de plus de flexibilité et devront offrir dorénavant des programmes donnant accès à des emplois vraiment disponibles. Il ajoute que l'aide de l'entreprise privée sera nécessaire si l'on veut adapter les programmes aux changements du milieu.

De nouveaux défis

par Adrienne McLaughlin

Introduction     

Le rapport Apprendre à gagner sa vie au Canada nous souligne que: «Tandis que le Canada marche à grands pas vers les progrès technologiques, l'une des infrastructures les plus importantes, l'éducation, court de graves dangers.»

D'après ce rapport, le système de travail va changer, les aptitudes actuelles seront moins en demande et de nouvelles aptitudes verront le jour de plus en plus rapidement. «Les aptitudes acquises pendant la jeunesse ne restent sans doute pas valables pendant toute la vie» nous dit-on. Le recyclage, le perfectionnement et la mise à jour deviendront des éléments inhérents à la vie.

Nous savons aussi que des boulversements surviendront dans le marché du travail. Le nombre d'emplois diminuera sensiblement dans le secteur de la fabrication; il diminuera légèrement dans celui de l'agriculture; il augmentera considérablement dans celui des services. Cinquante pour cent des emplois du secteur des services seront liés à la collecte de renseignements, à la gestion et à la diffusion de l'information.

On prévoit qu'en l'an 2000, 75% des «unités» familiales auront deux revenus et tous les quatre ou cinq ans, l'un des partenaires cherchera à acquérir de nouvelles connaissances et compétences, rendues nécessaires par les progrès technologiques et les changements du marché de l'emploi.

Un autre rapport intitulé Apprendre: un défi pour la vie, publié en mars 1984, recommande, entre autres, les mesures suivantes: le congé-éducation payé; le soutien aux personnes défavorisées en matière d'éducation; la levée des obstacles à l'éducation des

 adultes; la création de postes de délégués à l'éducation dans les milieux de travail; la création de conseils locaux de formation.

1) Impact des changements      

Je voudrais vous communiquer mes impressions sur l'incidence que tous ces changements auront sur les collèges communautaires, et voir avec vous comment nous pouvons faire face à ce nouveau défi.

Disons tout d'abord que les collèges communautaires, relativement jeunes, ne sont pas encore devenus trop rigides ni trop structurés. Ils sont en bonne position pour faire face à ces changements. Voici comment j'envisage ces changements.

Un nombre croissant d'adultes chercheront à s'instruire, afin d'acquérir de nouvelles compétences. La formation de base, c'est-àdire apprendre à lire, à écrire, à compter, à communiquer et à résoudre des problèmes, prendra une importance primordiale pour que la personne puisse par la suite avoir accès à la formation à divers moments de sa vie et dans diverses circonstances.

Il faudra réorganiser et restructurer les programmes d'éducation pour les adapter aux besoins et aux modes d'apprentissage des adultes qui auront besoin de recyclage. Les programmes d'éducation devront être variés, tant au niveau des modes d'enseignement que des locaux, pour répondre aux besoins des étudiants adultes qui n'ont pas toujours la possibilité de se rendre dans un établissement donné, ou pour lesquels l'établissement ne possède pas les installations ou l'équipement nécessaire et aussi pour promouvoir le concept de formation et d'éducation continue.

L'horaire des cours devra être modifié pour répondre aux besoins d'une nouvelle clientèle qu'on ne peut intégrer dans l'horaire courant de 9 à 17 heures. Notre conception de l'étudiant doit changer: de l'être plutôt passif qui ne faisait que gober des données, il devient un participant actif qui doit se soumettre à un apprentissage permanent, étalé sur toute sa vie, afin d'acquérir diverses compétences qui lui permettront de survivre dans un milieu complexe. Autrefois, les étudiants étaient des élèves à court terme; leur programme d'études s'étalait sur une période relativement courte, alors que leur formation devait durer toute leur vie (carrière). Aujourd'hui, les étudiants sont plutôt des élèves à long terme; ce sont des employés qui ont des besoins d'apprentissage permanents ou supplémentaires liés directement à leur travail.

Le rôle du professeur doit également changer. Lui qui était une source d'information et de connaissances sera désormais chargé de motiver et de conseiller l'étudiant; de l'aider à établir et à atteindre ses objectifs, en déterminant et en organisant les activités d'apprentissage dont il a besoin. Les ressources devront être affectées à des activités telles que le perfectionnement et l'adaptation des programmes d'études existants; l'établissement de nouvelles méthodes d'enseignement; la création de nouveaux programmes; la coordination des activités scolaires avec celles du secteur privé, afin de procurer aux étudiants une expérience de travail sérieuse et valable; et la mise au point de services de soutien essentiels, sans lesquels la participation de l'étudiant adulte risque d'être compromise (exemples: allocations pour déplacements, frais de garde...)

Les collèges communautaires de l'Ontario peuvent-ils relever ces défis? Je crois que oui. En fait, ils ont déjà un bon nombre de caractéristiques qui pourraient, si on les exploite adéquatement, fort bien répondre aux besoins nouveaux en matière d'éducation. Ces caractéristiques sont les suivantes: - parmi les 22 collèges de l'Ontario, il y en a 6, bien répartis à travers la province, qui permettent aux étudiants du secondaire et aux adultes d'avoir accès à cet enseignement en français;

2) De nouvelles voies        

Je voudrais formuler quelques recommandations visant à assurer un soutien aux collèges communautaires dans leurs efforts de réponse aux nouveau défis.

Dans la subvention qui leur est accordée, les collèges devraient recevoir des fonds destinés à des activités de création: création de nouveaux modes d'enseignement (plus souples et moins dépendants des limites d'espace et de temps); création de méthodes d'apprentissage individualisées; créations de nouveaux programmes.

Les nombreux programmes de formation existants, tels que les cours préparatoires à la formation professionnelle (C.P.F.P.), la préparation fondamentale à l'emploi (P.F.E.), la préparation élémentaire à un emploi (P.F.E.) et le programme de formation technique (P.F.T.) devraient être réunis en un seul programme de formation à l'emploi.

Ce programme serait réparti en modules et serait basé sur les aptitudes à compter, à lire, à écrire, à communiquer, à résoudre des problèmes. Pour chacun des modules, on mettrait au point des unités d'apprentissage que les étudiants pourraient utiliser par euxmêmes. Ces modules seraient adaptés à l'enseignement à distance, pouvant tirer profit de différents supports, par exemple les télécommunications.

Un module centré sur les aptitudes nécessaires à la carrière deviendrait partie intégrante du programme, afin de permettre à l'étudiant adulte de planifier une formation ultérieure ou à celui qui n'a pas encore fait de choix. L'admission au programme se ferait à intervalles réguliers pendant l'année ou même continuellement.

L'étudiant pourraient avancer à son propre rythme, dans une limite de temps globale. On instaurerait un système d'exemptions pour divers modules, afin que soient reconnues les connaissances déjà acquises à l'école ou par l'expérience de vie.

Les programmes d'études centrés sur les aptitudes à acquérir en vue de carrières précises, tels que les cours de techniques du génie électronique, de montage électronique de précision, d'opération de microordinateurs et de programmation d'ordinateurs devraient être également offerts par modules, comprendre seulement des cours ayant trait aux aptitudes à acquérir et une certaine expérience de travail, être offerts là où réside le besoin de main d'oeuvre, être offerts de façon rationnelle à travers la province, afin d'éviter le chevauchement et le double emploi et, admettre des étudiants fréquemment au cours de l'année, et même continuellement.

Dans ce cas également, ils devraient permettre à l'étudiant d'avancer à son propre rythme dans une limite de temps globale et pourraient aussi comporter un système d'exemptions pour divers modules, afin que soient reconnues les connaissances déjà acquises, à l'école ou par l'expérience de vie.

Le ministère pourrait mettre au point un mécanisme de financement qui reconnaîtrait la valeur éducative et le coût des composantes de programme telles que la formation, en utilisant le modèle d'éducation coopératif, l'expérience de travail, etc.; les établissements d'enseignement administreraient les fonds reçus et les redistribueraient aux organismes et aux industries chargés de fournir l'expérience. Les ministères provinciaux et fédéraux devraient reconnaître, dans leur financement, que les programmes et services (faits sur mesure) offerts aux adultes entraînent un accroissement de services individualisés et, par conséquent, un besoin de ressources supplémentaires.

Il faudrait éclaircir le mandat des deux paliers de gouvernement, fédéral et provincial, afin que les ressources disponibles soient utilisées de façon complémentaire (O.E.P.O., Accès Carrière). Grâce à un financement spécial, les programmes postsecondaires, quelle que soit leur durée, pourraient être offerts aux adultes qui ont besoin de recyclage. Quatre ou cinq projets pilotes pourraient être financés en vue de mettre au point l'enseignement à distance de programmes ou de modules choisis, à l'aide de divers supports technologiques tels que les télécommunications, l'ordinateur, la correspondance, le satellite.

Les collèges devraient établir des mécanismes de communication avec les délégués à l'éducation que l'on se propose de nommer sur les lieux de travail.

Pour garder leur emploi, les enseignants des collèges communautaires devraient se recycler en connaissances techniques en retournant dans le monde de l'industrie. Les collèges pourraient établir des programmes d'échange entre les professeurs et les spécialistes de l'industrie, afin de se tenir à jour.

Conclusion

J'affirme que nous pouvons relever les nombreux défis qui nous attendent. Ce qui m'inquiète le plus, c'est de savoir comment nous reconnaîtrons les compétences dont auront besoin les jeunes gens et les adultes de l'an 2010.

On doit cependant se demander si l'on devrait procéder en identifiant les besoins d'abord, la clientèle ensuite.

Cela va mieux, mais tout n'est pas parfait

par Gérard Raymond

Tout d'abord, je dois être d'accord, de façon générale, avec la présentation de madame McLaughlin. J'aimerais cependant soulever la question de disponibilité des emplois versus la formation sous un autre angle.

Je voudrais mentionner que le système de projection des professions au Canada (S.P.P.C.) est un outil important et constitue une bonne estimation de l'offre et de la demande de main-d'oeuvre. Les projections du S.P.P.C. sont basées sur l'information provenant du monde des affaires, des milieux financiers, des gouvernements, des maisons d'enseignement, des entreprises, des syndicats et autres organismes.

Certaines difficultés sont éprouvées actuellement au niveau du S.P.P.C.; lorsque l'information est compilée, il est parfois déjà tard. En fait, dans plusieurs cas, 9 à 10 mois de formation se sont écoulés.

Pour les francophones, ça veut dire quoi? Et bien d'abord, les anglophones sont plus nombreux que nous. En grande partie, l'industrie est gérée par des anglophones. Cela rend nos chances moindres. On ne peut pas se permettre de former des francophones dans les domaines où il n'y a pas d'ouvertures. Il ne faut pas oublier que les anglophones sont plus nombreux à postuler les mêmes emplois. En conséquence, le S.P.P.C. devra être plus précis pour permettre aux francophones de minimiser les difficultés dans leur quête d'emplois.

Le S.P.P.C. manque également de coordination au niveau des renseignements. L'analyse n'est pas assez efficace et on y traite du court terme sans être assez précis en vertu du long terme. Dans certains cas, cela prend deux à trois ans pour que le gouvernement réagisse à des propositions concernant les besoins de main-d'oeuvre. Dans d'autres cas, l'influence politique joue un rôle dans la mise sur pied de certains programmes de formation, dans certaines des provinces où les francophones sont minoritaires. Cette influence, dans un contexte où nos représentants sont minoritaires, a un effet négatif sur l'équilibre formation versus les emplois disponibles pour les francophones.

Un autre facteur à considérer par rapport à cet équilibre est celui de la mobilité des employeurs. Concernant la situation économique que nous connaissons et le fait que dans plusieurs cas il y a deux revenus par famille, la mobilité est rendue plus difficile. Cela limite l'avancement ou les chances d'emplois.

Dans certaines provinces, l'industrie se retrouve dans des localités à majorité anglophone. Au Nouveau-Brunswick par exemple, la concentration des industries se retrouve au sud de la province, occasionnant des analyses et des sondages qui sont influencés par ce fait. Ce facteur ne rétablit donc pas l'équilibre avec les francophones du nord.

Encore un autre facteur à considérer est celui de la rentabilité des programmes de formation. Puisque nous sommes moins nombreux, il en coûte plus cher pour mettre sur pied des programmes de formation professionnelle et technique. C'est donc un facteur qui n'avantage pas les francophones.

La situation devrait cependant s'améliorer avec la venue de la révolution de l'information. En fait, je crois que la formation reliée à l'ensemble des emplois disponibles va se réaliser. Comment? D'abord les techniques du S.P.P.C., prenant en considération les taux de croissance, les taux d'inflation, la croissance de l'emploi, les perspectives économiques, la ventilation industrielle, le nombre d'intervenants, le nombre de finissants, leur compétence, la migration des travailleurs spécialisés, vont s'améliorer par la venue de l'informatique qui deviendra de plus en plus sophistiquée et à jour.

En plus, la formation deviendra plus généralisée. Par exemple dans le secteur de l'électronique, une formation de base permetà l'étudiant d'accéder au marché du travail pour ensuite revenir se spécialiser dans le tra domaine des ordinateurs, de l'instrumentation industrielle, des communications ou de l'électronique  industrielle. Avec une telle flexibilité, il deviendra plus facile d'établir l'équilibre formation versus l'ensemble des emplois disponibles sur le marché du travail.

Des transformations importantes viennent vite. En ce sens, le gouvernement fédéral avec ses nouvelles initiatives visera à promouvoir les programmes qui répondent à une activité industrielle en voie de changement. Il faut donc faire pression pour que les francophones aient accès égal à ces programmes de formation et qu'on puisse non seulement avoir nôtre part, mais maintenir nos programmes en français. Et cela même s'ils coûtent chers!

En conséquence, il faut que les francophones mettent en place le plus tôt possible des mécanismes (ou des infrastructures) qui leur permettent d'avoir accès aux emplois disponibles.

Nous devons réaliser que nous sommes à la frontière d'un virage technologique, de la révolution de l'information. Des transformations importantes dans le monde de la formation devront être perçues dans l'affirmative si l'on veut répondre aux besoins de la maind'oeuvre de l'industrie de demain. Avec ces outils de base, nous serons plus en mesure d'envisager et de répondre à la demande de main-d'oeuvre de façon efficace et équitable.

Résumé de la discussion 

Les participants ne manquent pas de commenter les données présentées. Ils encouragent la Fédération des francophones hors Québec à faire pression auprès du ministère fédéral de l'Emploi et de l'Immigration afin que des cours en formation professionnelle soient accessibles aux francophones hors Québec et que des mécanismes soient prévus afin que des négociations suivies aient lieu sur des dossiers comme l'enseignement individualisé, la création d'un réseau de communications permettant de mettre en commun les ressources humaines et techniques ainsi que l'établissement de banques de données sur le matériel didactique disponible aux enseignants francophones.

On évoque aussi la nécessité d'établir un programme de recherche concerté par une sorte de consortium regroupant les institutions d'enseignement collégial fréquentées par les francophones hors Québec. On propose également de chercher, dans les plus brefs délais, à voir à la création de comités provinciaux pour assurer à la base la mise sur pied d'un tel consortium.

Quant aux programmes de formation qui existent à l'heure actuelle, il serait souhaitable qu'ils soient mis à jour, qu'ils soient mieux «vendus» quand ils connaissent un certain succès dans certaines institutions et, finalement, qu'ils permettent une meilleure et plus rapide adaptation des diplômés de langue française aux besoins du marché.

DINER-CAUSERIE

L'avenir des minorités francophones: pour le Canada, un engagement à enrichir; pour le Québec, une réconciliation indispensable

Monsieur Jean-Louis Roy, directeur, Le Devoir

À cette occasion, la F.F.H.Q. a remis son prix Painchaud-Léger au DEVOIR «pour son importante contribution à la vie des communautés francophones partout au Canada. » Depuis les origines du Canada contemporain, la question du statut des minorités francophones hors Québec a occupé et occupe toujours une place centrale dans notre vie politique.

Mais où en sommes-nous aujourd'hui? Comment ces communautés minoritaires se sont-elles développées ces vingt-cinq dernières années? Quelles sont les tâches qui s'imposent pour l'avenir? C'est ce bilan que j'aimerais parcourir avec vous, actif et passif, rétroactif et prospectif.

Dans un grand nombre de secteurs, ce bilan est favorable. Dans d'autres, il est toujours tragiquement déficitaire. On doit noter que le Québec n'aura été que de peu de soutien ces dernières années, faute d'une politique engagée, cohérente et constante. Il existe des domaines comme l'enseignement postsecondaire où la province majoritairement francophone pourrait et devrait jouer un rôle constructif et bienfaiteur.

Politiquement et en un certain sens, juridiquement, ces minorités prises comme un ensemble et liées au Québec participent à l'une des deux majorités canadiennes.

Comment comprendre autrement et expliquer les efforts déployés depuis un quart de siècle pour renouveler notre compréhension de leur situation, notre connaissance de leurs besoins et notre appui à leur développement? Comment comprendre autrement et expliquer leur incessante recherche d'un statut qui leur permette de durer et de se développer?

L'actif que nous devons consolider et enrichir est plus significatif qu'on ne le croit généralement.

La question qui nous réunit est l'une de celles qui a le plus évolué chez-nous depuis un quart de siècle. Nous devons prendre acte de cette évolution. Il serait en effet ennuyeux au plan de la connaissance, injuste au plan intellectuel, désincarné au plan politique, de l'aborder avec une problématique vieillie et en conséquence éloignée des faits. Les acquis apparaissent substantiels.

Bref, la lutte constante des minorités, l'effort de modernisation du Québec et le renouvellement de la politique fédérale depuis vingt ans en matière des droits minoritaires n'ont pas été vains. Des progrès ont été accomplis, des réseaux constitués, des réflexes créés.

Voilà l'oeuvre qui doit être complétée là où elle vit déjà, amorcée là où les résistances n'ont pas encore été vaincues.

Telle est la tâche des prochaines années: parfaire et créer les institutions de la francophonie canadienne hors Québec.

Même si cet actif n'est pas négligeable, le passif demeure lourd.

De la Nouvelle-Écosse à la ColombieBritannique, la carte de la scolarisation des minorités francophones est désolante. Elle est en fait une carte du sous-développement. Le retard est partout significatif, partout révélateur aussi d'une disparité profonde et historique, d'une discrimination systématique d'une ampleur considérable, force de déclin et d'appauvrissement.

À l'exception de la province du NouveauBrunswick et de quelques autres cas isolés dans les provinces de l'Ile-du-Prince-Edouard et de la Nouvelle-Écosse, les institutions postsecondaires des minorités francophones sont partout dominées par la majorité. Certes, des progrès dans les textes juridiques et constitutionnels ont été enregistrés ces dernières années. Mais ces progrès tardent partout à se traduire dans des structures nouvelles et indispensables, dans des mesures justes créant les conditions d'une autonomie financière, culturelle et institutionnelle.

Ces structures nouvelles ne sont pas susceptibles à elles seules et partout de faire la jonction entre la culture et la vie quotidienne, de créer un niveau d'excellence, cet aimant indispensable pour attirer et retenir les clientèles, de faire contrepoids à l'immense pression de la langue et des sollicitations diverses en provenance de la force majoritaire. Si ces structures surgissaient demain sur l'ensemble du territoire , et dans des conditions favorables tant à l'est qu'à l'ouest, il nous faudrait saluer un départ bien davantage qu'un point d'arrivée. Mais, malgré ces réserves, les institutions scolaires constituent, à n'en point douter, ce minimum indispensable dont le premier effet serait de libérer les minorités d'une lutte séculaire, dont le coût est proprement inestimable. Destinées par elles, dirigées par elles, ajustées par elles, ces institutions seraient plus susceptibles de faire le plein des jeunes générations, de stopper le décrochage chronique actuel, de promouvoir le recyclage et de devenir des centres de formation permanente dont les minorités ont un si évident besoin.

Mais le scolaire n'est pas à lui seul susceptible d'assurer le développement. C'est bien dans le degré d'affinité entre le milieu scolaire et la société ambiante que se dessine la différence entre la simple survie et le développement. D'où la nécessaire complémentarité entre le réseau scolaire et d'autres réseaux, sociaux, culturels et économiques.

La province de l'Ontario se refuse toujours au bilinguisme officiel. Tant de fois réprouvé à Ottawa et à Québec, ce refus demeure l'un des pires obstacles au progrès réel et durable de la francophonie canadienne.

J'ai cherché à établir un bilan qui soit près des réalités, qui tienne compte de l'évolution réelle du pays.

Ce bilan vous est connu.

Il est insuffisant pour satisfaire aux impératifs du développement économique des minorités, pour répondre à leurs droits et par rapport aux exigences incompressibles de la dualité canadienne.

Mais comment parfaire et créer les institutions de la francophonie canadienne hors Québec?

Est-ce là une tâche possible?

Est-ce là une tâche ajustée au possible historique?

L'évolution qui s'est produite au cours des vingt-cinq dernières années justifie un optimisme limité. La force constitutionnelle, l'évolution du statut des langues, les mouvements législatifs, les investissements publics convergent. Cet ensemble d'éléments exprime et consolide une direction qui a commencé à changer le destin des minorités. La tâche doit être complétée.

Le pays pourrait-il revenir sur ces engagements? Pourrait-il devenir autre chose que ce qu'il a commencé à être après tant de

décennies d'attente et de luttes si souvent perdues?

J'estime que le pays pourrait emprunter cette voie de la régression et notamment à la faveur des questions soulevées par l'équilibre des finances publiques. Il pourrait subtilement revenir sur ses engagements, réduire ses investissements dans ce domaine et laisser se perdre les acquis récents dans la longue durée.

Voilà où nous conduirait l'érosion de la volonté politique au niveau du gouvernement fédéral quant à l'avenir des minorités francophones du pays. Voilà où nous conduirait tout retard dans la réconciliation qui s'impose entre le Québec et les minorités francophones canadiennes.

Aucun scénario visant le développement des communautés francophones hors Québec n'est pensable sans ces deux prérequis.

La question des minorités constitue, dans l'ensemble des problèmes qui confrontent le gouvernement de la fédération, une question de nature particulière puisqu'elle se situe dans ce domaine privilégié que je nommerai le territoire intérieur du pays.

Ce territoire doit être revendiqué et défendu.

Certes, on peut imaginer des modèles différenciés de protection. Mais aucun recul dans les engagements, aucune forme dissimulée de retrait dans les investissements ne sauraient être tolérés. Si de tels mouvements devaient se produire, nous devrions alors les combattre comme on défend un territoire stratégique, pied à pied, quartier après quartier.

Je pose, en second lieu, la réconciliation du Québec avec les minorités francophones canadiennes comme tout à fait indispensable dans la conjoncture présente.

Dans un monde où les frontières ont largement perdu leur signification, dans un monde où la francophonie demeure un pari risqué, un pari qui pourrait être perdu dans le premier siècle du prochain millénaire, l'absence d'une politique québécoise des minorités francophones canadiennes constitue une absurdité historique et un scandale politique.

Mis à part des accolades stratégiques, quelques programmes ponctuels et des initiatives limitées prises par certaines institutions, Québec n'a aucune politique cohérente et constante visant le soutien et le support aux projets et aux institutions minoritaires.

Cette insensibilité est contraire aux traditions profondes du Québec, contraire aussi à ses intérêts immédiats et à moyen terme. Je ne trouve aucune justification à cette froide indifférence pour cette francophonie immédiate, fragments dans de nombreux cas du peuple québécois lui-même.

On nous dit que le Conseil des ministres du gouvernement québécois serait saisi dans les prochains jours d'un tel projet politique. Nous l'accueillerons et l'analyserons avec grand intérêt. Mais sera du domaine de l'inacceptable tout projet dont la motivation serait de pallier à la mise à l'écart de l'article 23 de la Loi constitutionnelle de 1982. La statégie serait vraiment grosse. Personne ne devrait en être dupe. Toute politique québécoise d'appui aux institutions minoritaires ne doit pas être dissociée du maintien de l'article 23. Elle doit en être le complément.

À notre avis, une politique québécoise en ce domaine devrait comprendre notamment:

Nous sommes réunis ici pour essayer d'imaginer l'avenir, pour réfléchir à certains scénarios visant des formules d'aide aux communautés francophones hors Québec et notamment dans le domaine de l'enseignement postsecondaire.

S'il est vrai, comme l'ont démontré de nombreuses recherches, que le niveau de scolarisation des francophones hors Québec est intimement lié à l'accès aux études secondaires et postsecondaires en français, la question qui nous rassemble vise donc le coeur des choses: la survie même des minorités.

En guise de conclusion, je vous propose quelques pistes de réflexion susceptibles de consolider et d'élargir ce qui existe déjà et d'identifier des entreprises nécessaires et possibles.

Au plan politique, j'ai déjà signalé l'importance de la contribution du gouvernement canadien et la nécessité d'une politique québécoise de réconciliation et d'appui aux communautés francophones hors Québec.

Mais le développement de l'enseignement postsecondaire en français hors Québec suppose aussi une volonté politique au niveau des gouvernements provinciaux. Cette volonté politique doit se manifester notamment dans les domaines suivants:

À l'est et à l'ouest, à Moncton et dans les institutions de la grande région des Prairies, bien que les situations soient proprement incomparables, l'obtention de budgets de rattrapage et la nécessité de programmes d'action positive répondent l'une et l'autre à la nécessité de combler des retards notoires. Ces derniers sont communs et notamment dans les secteurs des sciences et des technologies, des sciences de la santé et de l'administration.

Dans la province de l'Ontario, qui est à la fois la plus riche du pays et celle qui compte la plus populeuse minorité francophone, un récent diagnostic a fait apparaître de nouveau l'ampleur du problème que pose le retard des francophones à l'accès aux études postsecondaires.

La Commission Bovey n'a pas cherché à dissimuler une situation injuste et inacceptable. En effet, le taux d'inscription des FrancoOntariens aux études universitaires est inférieur de plus de 50% au taux d'inscription des autres Ontariens. La solution à ce problème, conclut le rapport, requerra des investissements nouveaux et majeurs.

Au plan des institutions elles-mêmes, un fait domine, troublant et significatif. Hors du Québec, il n'y a pas, à quelques exceptions près, de très grandes institutions postsecondaires unilingues francophones.

L'Université de Moncton constitue un cas d'exception, d'où son importance pour l'est du pays, les Acadiens et la francophonie canadienne tout entière.

Mes amis Acadiens me permettront de citer ici l'un des chercheurs les plus actifs de cette institution. Dans un document préparé pour ce colloque, ce dernier rappelait l'immense fossé, à tous les points de vue: équipements, recherche, faiblesse des infrastructures qui existe toujours entre l'Université de Moncton et les autres établissements d'enseignement supérieur anglophones de l'est du Canada.

L'expérience conduite en NouvelleÉcosse à la Pointe-de-l'Église fait de l'Université Sainte-Anne une pièce indispensable dans le réseau des institutions francophones hors Québec.

Au centre du pays, dans la province où nous sommes, il n'y a pas d'institution d'enseignement postsecondaire unilingue française. Chacun de nous connaît la situation qui prévaut à l'Université d'Ottawa et à l'Université Laurentienne. Chacun de nous apprécie aussi à sa juste valeur les efforts déployés et les résultats obtenus par le Collège Glendon affilié à York University.

Ce n'est certes pas réduire arbitrairement l'ampleur du service historique rendu à la francophonie canadienne et spécialement à la minorité franco-ontarienne que de signaler la nécessité absolue de rééquilibrer, dans le cas de l'université Laurentienne, de consolider dans le cas de l'Université d'Ottawa, les rapports entre les deux composantes linguistiques. De fixer aussi des critères qui assurent dans le long terme la viabilité et le développement dans toutes les disciplines de cette dualité affichée officiellement sur une réalité qui ne lui ressemble pas.

Celui qui se scandaliserait de l'absence d'une grande institution universitaire francophone dans la province la plus riche du Canada et où vit la plus importante minorité francophone, serait-il si éloigné des exigences canadiennes les plus pressantes?

Notre traversée du pays nous conduit dans cette grande région de l'ouest. Certains affirment qu'elle doit être dotée, selon des modalités particulières, d'un centre universitaire regroupant les services existants et disposant de ressources pour développer de nouveaux programmes et notamment dans des spécialités qui refléteraient les besoins et les réalités de l'ouest du Canada. Ce projet est-il possible? Est-il viable?

 Ce qui précède fait apparaître une véritable situation d'urgence. Si on croit vraiment à l'avenir de l'enseignement postsecondaire en français hors Québec, on devra planifier son développement et les investissements requis.

Les gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral devraient, par l'intermédiaire du Conseil des ministres de l'Éducation ou tout autre mécanisme approprié, formuler les objectifs et les modalités d'application de l'entreprise pour les dix prochaines années. De plus, une conférence publique annuelle devrait être convoquée pour vérifier l'évolution des choses et poser les diagnostics et les correctifs qui s'imposent. Autrement, celui qui dans dix ans établirait le bilan que je viens de tracer, sera forcé de relater l'histoire d'une régression.

Il faudrait une capacité d'ignorance exceptionnelle pour envisager les tâches qui s'imposent avec une espérance qui ne soit pas troublée. Il faudrait la même capacité pour croire avec la foi du charbonnier que le temps, les ressources et la détermination convergeront finalement pour enfin faire justice à des communautés humaines marquées par des décennies de sous-développement, de privations cumulatives et de discrimination violente.

Mais quelles sont donc les voies qui nous sont ouvertes à nous Franco-Canadiens et qui ne s'accompagnent pas d'espérances troublées?

À l'échelle du pays et à celle de la francophonie mondiale, le Québec partage votre destin, c'est-à-dire votre espérance de durée dans l'histoire, votre recherche des moyens de préserver et d'enrichir ce que vous êtes. Et votre échec pourrait bien déclencher son propre déclin, sa lente absorption dans la marginalité.

Cinquième séance de travail (en plénière) : Thème V: Pour un financement optimal

Le financement de l'enseignement supérieur est complexe puisqu'il implique les deux paliers majeurs de gouvernement au Canada. Il existe également, outre les fonds habituels de fonctionnement des institutions, des crédits additionnels dans des domaines comme le bilinguisme, des programmes spéciaux (de mise en marché, par exemple)...

Sous forme de panel, trois intervenants sont appelés à présenter leur vision de la situation. Chacun examine à sa façon des questions du genre «quel contrôle peut exercer «l'autorité» des institutions sur l'allocation des priorités budgétaires internes par rapport aux décisions politiques?»; «quelle structure de concertation faudrait-il envisager pour obtenir un plus grand développement régional?»; «comment peut-on atteindre une maximisation de l'aide gouvernementale?»

Madame Lise Brisson-Noreau, du Secrétariat d'État, présente au nom de M. David Cameron, sous-secretaire d'État (Aide à l'éducation), un résumé des différents moyens utilisés par le gouvernement canadien pour aider à défrayer les coûts de l'enseignement postsecondaire au pays. Elle souligne qu'il dépense plus de $5 milliards annuellement et ne manque pas de noter l'importante contribution du rapport Johnson qui devrait enrichir les discussions sur le financement de l'enseignement postsecondaire.

Madame Roseann Runte, recteur de l'Université Sainte-Anne, en Nouvelle-Écosse, se penche pour sa part sur les difficultés de joindre les deux bouts avec les fonds disponibles à l'heure actuelle et souligne qu'il faut être débrouillard pour être en même temps économe, excellent, innovateur et minoritaire. Elle affirme que l'éducation est le remède contre le sous-développement des francophones hors Québec.

Monsieur Claude Lacombe, agent des relations avec les universités au ministère des Collèges et Universités de l'Ontario, prétend qu'on a tort de croire que ce sont les autorités fédérales qui subventionnent l'ensemble des activités des institutions postsecondaires. Il signale que la notion du bilinguisme est beaucoup plus positive aujourd'hui, même en Ontario.

Pour un financement optimal

par David R. Cameron (présenté par madame Lise Brisson-Noreau)

Introduction

La présente a pour but d'énoncer les différents moyens par lesquels le gouvernement canadien aide financièrement les provinces à défrayer les coûts de l'enseignement postsecondaire, et plus particulièrement ceux de l'enseignement postsecondaire en langue française. Nul n'est besoin de rappeler ici qu'il s'agit bien d'aider les provinces puisque ce sont elles, en vertu de notre Constitution, qui sont responsables de l'éducation. Par ailleurs, tout en vous faisant part des divers programmes d'aide financière, je vous ferai part des initiatives du gouvernement canadien pour en arriver à un financement optimal.

Au total, le gouvernement canadien dépense plus de 5 milliards de dollars par année au titre de l'enseignement postsecondaire. Je m'attarderai sur les principaux volets de cette aide, et sur le financement de base accordé aux collèges et universités par l'intermédiaire des gouvernements provinciaux, et les ententes fédérales-provinciales sur les langues officielles dans l'enseignement.

En ce qui concerne le financement de base des collèges et universités, c'est suite à la deuxième guerre mondiale que le gouvernement canadien s'est mis véritablement à contribuer de façon significative aux coûts de fonctionnement des collèges et universités au Canada et ce, afin d'assurer un enseignement accessible et de qualité. Les modalités de paiement ont évolué depuis ce temps: pendant une vingtaine d'années, le gouvernement versait directement son aide aux universités; puis, de 1967 à 1977, les contributions fédérales furent versées aux gouvernements provinciaux en fonction des dépenses de fonctionnement des établissements d'enseignement postsecondaire (universités, collèges, et dernières années du secondaire dans certaines provinces). Enfin, depuis 1977, c'est par le biais du financement des programmes établis, regroupant l'enseignement postsecondaire, les soins médicaux et l'assurancehospitalisation, aux termes de la Loi de 1977 sur les accords fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces, et sur les contributions fédérales en matière d'enseignement postsecondaire et de santé, que l'aide financière est accordée. Quatre points importants à retenir en ce qui concerne cette aide:

Il convient de noter que le niveau de cette aide n'est pas relié aux subventions provinciales aux collèges et universités.

Il apparaît évident que la loi de 1977 permit au gouvernement canadien de contrôler ses dépenses et de les planifier à long terme tout en assurant l'autonomie des provinces et leur flexibilité en matière d'enseignement postsecondaire. Le gouvernement dût perdre toutefois avec cette loi le lien qui existait auparavant entre l'aide fédérale et les coûts totaux entraînés par la prestation de l'enseignement postsecondaire.

Où en sommes-nous aujourd'hui? Le Secrétaire d'État, l'honorable Walter McLean, a déjà indiqué qu'il jugeait important de continuer à aider les provinces à maintenir leurs réseaux respectifs de collèges et d'universités et ce, pour le développement économique, social et culturel du Canada. Toutefois, il croit qu'il y aurait lieu d'explorer les moyens de rétablir un lien entre l'aide fédérale et les subventions provinciales aux collèges et universités tout en respectant la compétence provinciale en matière d'éducation. Également, M. McLean a communiqué sa volonté de doter la recherche universitaire de mécanismes d'appui adéquats, et son désir qu'on le conseille sur les façons dont le gouvernement canadien pourrait contribuer à la fondation et au développement de centres d'excellence qui seraient rattachés à nos universités.

1) le rapport johnson et la situation actuelle       

Dans ce contexte, et en vue de nourrir les discussions sur ces questions, M. McLean a déposé, il y a près de deux mois, le 14 mars dernier, à la Chambre des communes, le rapport d'un consultant indépendant, M. Al Johnson, intitulé «Pour une meilleure orientation du financement de l'enseignement postsecondaire et de la recherche par le gouvernement du Canada».

Dans son rapport, M. Johnson analyse les problèmes de notre système postsecondaire et comment ceux-ci sont reliés aux modalités de subventions actuelles. En particulier, il note à l'échelle nationale, l'écart de 2% en moyenne, au fil des ans depuis 1977, entre le taux d'augmentation des transferts fiscaux au titre de l'enseignement postsecondaire et le taux de croissance des subventions provinciales aux universités et collèges, et la proportion croissante de la partie fédérale des subventions provinciales aux institutions postsecondaires (elle serait passée de 69% en 1977-1978 à 80% en 1984-1985 tandis que la «portion purement provinciale» aurait baissé de 31% à 20% en moyenne).

M. Johnson recommande dans son rapport que le taux d'augmentation des transferts fiscaux et celui des subventions provinciales soient harmonisés. Plus précisément, il recommande que le gouvernement fédéral respecte «les priorités des provinces en matière d'enseignement postsecondaire en augmentant ses transferts fiscaux en fonction du taux d'augmentation des subventions de la province aux universités et collèges jusqu'à concurrence des taux de croissance du PNB». L'autre volet principal de son rapport touche à la recherche subventionnée et les centres d'excellence. Il recommande une réaffectation de fonds en vue d'accorder des crédits supplémentaires aux conseils de recherche pour leur permettre de financer les coûts indirects de la recherche qu'ils subventionnent. En ce qui concerne les centres d'excellence, il recommande la formation d'un comité d'élites chargé de proposer au gouvernement un mécanisme pour le financement d'un certain nombre sélectionné de centres d'excellence de classe internationale.

Il convient que je souligne ici que le rapport représente les vues personnelles de M. Johnson communiquées au Secrétaire d'État. M. McLean, en rendant public le rapport Johnson, a annoncé son ferme souhait que le rapport enrichisse les discussions déjà entamées sur le financement de l'enseignement postsecondaire tant entre les gouvernements fédéral et provinciaux que dans les établissements d'enseignement, chez les étudiants, les groupes intéressés et le public en général.

2) le processus permanent de consultation       

Le Secrétaire d'État attache une grande importance au processus de consultation pour en arriver à de meilleurs arrangements pour le financement de l'enseignement postsecondaire, pour en arriver, en quelque sorte, à «un financement optimal». Ainsi, M. McLean a déjà rencontré à deux reprises le Conseil des ministres de l'Éducation (Canada) depuis cet automne et une troisième rencontre est prévue pour la fin de ce mois. Également, M. McLean prend connaissance des points de vue que lui communiquent les représentants des universités et des collèges, les divers groupes intéressés et le grand public.

Vous m'excuserez de m'être tant attardé sur le financement de base accordé par le gouvernement canadien mais il représente à lui seul plus de 80% de l'aide fédérale au titre de l'enseignement postsecondaire et il constitue, par conséquent, le principal mécanisme d'appui fédéral à nos collèges et universités, tant de langue française que de langue anglaise.

Ceci étant dit, l'enseignement en langue française bénéficie d'une source additionnelle de revenu du gouvernement canadien, modeste, soit, mais non négligeable, celle provenant des ententes fédérales-provinciales sur les langues officielles dans l'enseignement.

Depuis 1970, suite aux recommandations sur l'éducation de la Commission royale d'enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme, le gouvernement fédéral aide les provinces à offrir l'enseignement dans la langue de la minorité officielle et celui de langue seconde officielle. De 1970-1971 à 1982-1983, l'aide fédérale s'est chiffrée à 1,8 milliard de dollars.

Comme vous le savez sans doute, pour remplacer les anciennes ententes, en décembre 1983, le Secrétaire d'État signait avec le président du Conseil des ministres de l'Education (Canada) un nouveau protocole d'ententes relatives à l'enseignement dans la langue de la minorité et à l'enseignement de la langue seconde.

Ce protocole, d'une durée initiale de trois ans (de 1983-1984 à 1985-1986), s'est vu allouer le budget suivant:

190M$ pour la première année;

200M$ et 210M$ pour les deux années subséquentes

Le Secrétaire d'État, je suis heureux de pouvoir vous l'annoncer, vient d'informer ses collègues provinciaux que le Cabinet a autorisé une prolongation de deux ans (soit 19861987 et 1987-1988) du protocole et que le budget a été augmenté de 3%.

Cette prolongation permettra d'assurer une plus grande stabilité aux programmes et rendra possible une planification à plus long terme et ce, autant de la part des provinces et des territoires que de la part du fédéral.

3)  le «fonctionnement» du  nouveau protocole

Le protocole constitue un cadre général à l'intérieur duquel se négocie une entente bilatérale avec chaque province et territoire. Une aide financière est prévue pour les catégories de dépenses suivantes: infrastructure, élaboration et développement de programmes, formation et perfectionnement des enseignants et appui aux étudiants.

D'abord, dans la catégorie «Appui à l'infrastructure», une contribution minimum est accordée au titre de programme et activités en cours sous forme de paiements calculés en fonction du nombre d'étudiants inscrits à un programme d'enseignement dans la langue de la minorité ou d'enseignement de la langue seconde.

À l'intérieur de cette catégorie, une contribution est accordée aux provinces pour les institutions postsecondaires bilingues ou qui offrent un enseignement dans la langue de la minorité (anglais au Québec et français dans les autres provinces). Cette aide est calculée en fonction de la subvention de fonctionnement accordée à ces établissements par les provinces. Vous serez intéressés de savoir que, pour 1984-1985, sur une somme totale de 157M$ versée à l'infrastructure, un montant de 29,3M$ a été accordé à ces différentes institutions postsecondaires au Canada (voir tableau en annexe). De plus, dans certaines provinces, suite à des ententes particulières entre les deux paliers de gouvernement, une part plus grande de nos contributions à ces provinces est allée au niveau postsecondaire, et ce, en fonction des coûts supplémentaires démontrés par les provinces. C'est le cas du Nouveau-Brunswick où un montant supplémentaire d'environ 8M$ a été consacré au postsecondaire et du Manitoba où 546000$ de plus a été versé aux institutions postsecondaires.

Dans la catégorie «Élaboration et développement de programmes», une aide financière est accordée pour l'expansion de programmes en cours et le développement et la mise en oeuvre de nouveaux programmes. Sous cette catégorie, il appartient à chaque province et territoire de soumettre au gouvernement fédéral, pour approbation, les projets qu'il entend privilégier. Ces projets sont généralement financés à 50% par le fédéral, la province ou l'institution assurant l'autre partie du financement. Plusieurs projets et activités soumis chaque année touchent le niveau postsecondaire. Ainsi, en 1984-1985, un montant de 23M$ a été consacré à cette catégorie et de ce montant, 6,2M$ ont servi à financer des projets touchant le postsecondaire. À titre d'exemples, j'aimerais mentionner quelques projets importants: les programmes d'éducation permanente à la Faculté Saint-Jean, le programme d'administration publique à l'Université de Moncton, celui d'administration des affaires à l'Université Sainte-Anne, des cours en informatique au Collège communautaire de Saint-Boniface, de même que la mise sur pied de plusieurs nouveaux cours dans les institutions de l'Ontario. Vous trouverez en annexe une liste plus détaillée de ces projets.

J'aimerais souligner que, à l'intérieur de cette catégorie, nous privilégions les projets ponctuels qui ont une durée limitée. Le financement accordé ici est complémentaire à celui accordé sous l'infrastructure et par le financement des programmes établis qui visent, eux, le soutien des programmes et activités en cours.

Sous la catégorie «Formation et perfectionnement des enseignants», des bourses individuelles sont accordées par les autorités provinciales et territoriales pour des ateliers et des stages de formation s'adressant à des professeurs de langue officielle.

Finalement, sous «l'Appui aux étudiants», des bourses sont accordées à des étudiants de niveau postsecondaire, soit pour leur permettre d'étudier dans leur langue maternelle, soit pour leur permettre d'étudier dans leur langue seconde. Ces bourses, tout comme celles accordées aux enseignants, sont payées à 100% par le gouvernement fédéral.

Quelques chiffres pour illustrer. En 19841985, une somme totale de 8M$ a permis d'accorder:

4 481 bourses pour les enseignants; 3 065 bourses à des étudiants de niveau postsecondaire pour leur permettre de poursuivre leurs études dans leur langue maternelle et 772 bourses pour la langue seconde; 110 allocations de déplacement ont été données à des étudiants de niveau postsecondaire pour leur permettre de défrayer le coût d'un voyage entre leur domicile et l'institution où ils peuvent poursuivre leurs études dans leur langue maternelle.

Le protocole prévoit également le financement à 100% par le gouvernement fédéral de deux programmes nationaux que les provinces administrent en collaboration avec le Conseil des ministres de l'Éducation (Canada). Il s'agit des programmes de bourses de cours d'été de langues et de celui de moniteurs de langues officielles.

Dans le premier cas, on permet à chaque été à environ 7 000 étudiants de niveau postsecondaire de suivre, à travers le Canada, des stages d'immersion de six semaines dans leur langue seconde officielle. Également, des jeunes francophones de l'extérieur du Québec peuvent participer à des stages leur permettant d'approfondir leurs connaissances de leur langue maternelle. Budget 1985-1986: 9508409$.

Dans le cadre du programme de moniteurs, plus de 1 000 étudiants de niveau postsecondaire aident tous les ans, tout en poursuivant leurs études, des professeurs d'anglais, langue seconde ou de français, langue première et seconde, à tous les paliers du système scolaire. Le programme prévoit également un certain nombre de postes de moniteurs à temps plein affectés dans des régions rurales ou semi-urbaines. Budget 1985-1986: 6153600$.

Compte tenu du titre de notre atelier, Pour un financement optimal, je me permettrai de partager avec vous quelques-unes des améliorations les plus marquantes du protocole et des ententes bilatérales par rapport aux ententes précédentes:

Je pourrais également citer la redistribution des fonds vers les provinces ayant le plus grand besoin de développement suite à l'utilisation de contributions moyennes nationales par étudiant et un certain décalage des fonds au profit du développement de nouveaux programmes par rapport au maintien de programmes, et le fait que, ces dernières années, certains projets pilotes desservant la minorité francophone ont acquis un statut permanent. De plus, dans le cadre des nouvelles ententes, le Secrétaire d'État, ayant invité les provinces à soumettre des projets visant tout particulièrement l'institutionnalisation des services d'enseignement en français hors Québec à tous les niveaux, y compris le postsecondaire et l'éducation permanente, a accordé des fonds supplémentaires au titre de nombreux projets ayant cet objectif.

Je vous fais part de ces améliorations car elles reflètent notre souci constant d'aller vers un financement optimal. Également, elles témoignent de l'importance des efforts de groupes intéressés qui ont su nous montrer là où des améliorations étaient désirables. Ce travail doit continuer car on peut toujours mieux faire, il y a toujours quelque chose à améliorer.

Ainsi, par exemple et pour lancer le débat, voici quelques questions que nous pouvons nous poser:

4 d'autres mécanismes

Vous ayant décrit les deux principaux mécanismes par lesquels l'enseignement postsecondaire en français se trouve appuyé financièrement par le gouvernement canadien, j'aimerais brièvement citer les autres mécanismes d'appui possibles.

 ainsi que par des particuliers. Quelques projets au niveau postsecondaire qui ont été financés: le Centre de recherche en civilisation canadienne-française à l'Université d'Ottawa a reçu une subvention de 131 000$ pour compléter le manuscrit du «Dictionnaire de l'Amérique française»; le Centre d'études sur les langues, les arts et les traditions populaires des francophones en Amérique du Nord de l'Université Laval a reçu une contribution pour la production d'un volume intitulé «Quatre siècles d'identité canadienne» destiné à l'enseignement postsecondaire.

Conclusion    

Les mécanismes d'aide sont ainsi bien nombreux. Nous nous trouvons dans une période de remise en question, de recherche pour un financement optimal aussi bien pour ce qui est du financement de base accordé aux provinces pour les universités et les collèges, que du financement de la recherche et de centres d'excellence, et du financement des programmes de langues officielles dans l'enseignement pour ne citer que quelques exemples. Nous accueillons toute suggestion en vue d'améliorer les mécanismes actuels et le cas échéant, d'en élaborer des nouveaux.

Langues officielles dans l'enseignement 1984-1985

Exemples de projets spécifiques financés au niveau postsecondaire

Nouvelle-Écosse

Université Sainte-Anne:

-Laboratoire de phonétique

27500$

-Nouvelles acquisitions pour la mise à jour du matériel de la bibliothèque

 30000$

-Introduction de nouvelles techniques en éducation

30800$

-Programme en informatique des affaires

44000$

-Implantation de la dernière année du baccalauréat en administration

40225$

-Théâtre/Centre culturel

400000$

Nouveau-Brunswick

Ministère des Collèges communautaires

-Planification et coordination de programmes et d'opérations

283645$

-Mise en place de l'infrastructure administrative

39005$

Collèges communautaires du NouveauBrunswick, Campus de Bathurst:

 

-Développement du Campus de Bathurst

794957$

Collèges communautaires du NouveauBrunswick, Campus du Sud-Est:

 

-Mise sur pied d'un campus dans la région de Moncton

862716$

Université de Moncton:

-Mise sur pied d'un programme de baccalauréat en sciences forestières

324000$

-Développement du programme d'administration publique

330654$

Université de Moncton, Campus de Shippagan:

-Construction d'une résidence

297500$

-Expansion de la cafétéria

50000$

Ontario

Collège Algonquin, Canadore, Cambrian, Northern et Niagara:

-Élaboration de matériel d'apprentissage en français

58828$

-Élaboration de nouveaux cours et services en français

127000$

Université d'Ottawa, Université Laurentienne, Collège de Hearst, Université York (le Collège Glendon), Université de Sudbury et Université St-Paul: -Élaboration de nouveaux cours en français

384000$

Cours donnés en français dans 15 collèges d'arts appliqués et de technologie

242293$

Manitoba

Collège commmunautaire de Saint-Boniface:

-Cours d'éducation aux adultes

120180$

Saskatchewan

Université de Regina: -Élaboration d'un programme menant à l'obtention d'un diplôme d'enseignement en français

100000$

Alberta

Université de l'Alberta, Faculté Saint-Jean:

-Service de référence à la bibliothèque

36820$

-École d'éducation permanente

206000$

Colombie-Britannique:

Université Simon Fraser:

-Élargissement de la formation dispensée aux professeurs du programme-cadre et des programmes d'immersion en français

131980$

-Utilisation d'ordinateurs dans le cadre du programme de formation des professeurs

60000$

Université de la Colombie-Britannique: -Élargissement de la formation dispensée aux professeurs du programme-cadre et des programmes d'immersion en français

16593$

Langues officielles dans l'enseignement 1984-1985

Contributions de soutien aux institutions postsecondaires francophones ou bilingues

 

Montant accordé

 

Montant

accordé

Nouvelle-Écosse

-Université d'Ottawa

2182 344$

-Université Sainte-Anne

110121$

-York University

53 661$

Nouveau-Brunswick

 

-Collège Dominicain de

Philosophie et Théologie

5134$

-Université de Moncton

1578 673$

École de foresterie des Maritimes

10159$

-Collège Algonquin

472731$

-Collège Cambrian

168 675$

Collèges communautaires

-Collège Niagara

17 621$

-Campus d'Edmunston

89864$

-Collège Northern

61822$

-Campus de Grand Falls

39 659$

-Collège St. Lawrence

30 308$

-Campus de Bathurst

290 597$

-Collège de Tech. Agricole

d'Alfred

94432$

-Campus de Campbellton

64436$

-Campus du Sud-Est Québec

8 659$

-Collège Canadore

26 683 $

Manitoba

Bishop University

378188$

-Collège Saint-Boniface

149 327$

-McGill University

7 390 334$

Saskatchewan

-Concordia University

5 350 834$

-University of Regina

22 048$

-CEGEP

10309480$

Alberta

Ontario

Faculté St-Jean

116083$

-Laurentien University

224 693$

 

 

-Collège de Hearst

32 872$

Total

29 329269$

La recherche de l'excellence

par Roseann Runte

Introduction   

Ceux d'entre vous qui me connaissent, ont sans doute trouvé, comme moi, extraordinaire de voir mon nom au programme de cet atelier. J'ai plutôt l'âme d'une poète et l'entraînement d'une littéraire, d'une historienne. Et comme je vous adresse la parole à l'heure de la messe dominicale, il semblerait plus séant de vous entretenir d'un sujet qui se prête plus à des pensées sinon pieuses, du moins plus philosophiques que les finances ou notre manque de finances.

Mais les organisateurs du colloque avaient sans doute une raison pour avoir mis mon nom dans cette section. Peut-être ont-ils entendu dire que l'Université Sainte-Anne et son recteur ont connu quelques succès en ramassant des fonds capitaux? Je n'ai fait que mon devoir, mais ce n'était pas facile. Heureusement que la poésie et l'histoire m'ont appuyée. Pourquoi la poésie? À part la rime riche, il y a toujours l'inspiration. Et l'histoire? Il y a deux ans, j'ai édité avec une étudiante quelques manuscrits datant des années 1680 à 1700. Leurs auteurs, vos arrière-grand-pères, furent parmi les premiers colons canadiens. L'un d'eux, un simple soldat, écrivait son exaspération contre son sergent qui l'avait obligé à marcher derrière le wagon qui portait des barils de clous, à ramasser les clous qui s'échappaient et à compter tous les clous à la fin de la journée. Et ce, à cause de la pénurie, non seulement de clous, mais d'à peu près tout dans cette colonie. Lire de pareils textes fut un bon entraînement pour le rectorat. Car pénurie il y a! Si nous arrivons à la fin de l'année sans que les comptes financiers soient barbouillés d'encre rouge, c'est que les Acadiens sont débrouillards et qu'à la Pointe-de-l'Église, nous n'avons pas l'habitude de mettre beaucoup de lard dans notre râpure.

1) le systeme de financement      

Dans un passé plus récent, on a beaucoup parlé du financement des universités, une responsabilité provinciale à laquelle le gouvernement fédéral contribue. La forme que pourrait prendre cette contribution a été beaucoup discutée. Une proposition préconisait l'aide directe aux étudiants et aux étudiantes. Ce système de financement n'aiderait pas les petites universités francophones hors Québec et pourrait même nous conduire à fermer nos portes.

L'idée, plus récente, de créer des centres d'excellence est meilleure. C'est une excellente stratégie nationale qui contribuera à l'élimination de la duplication inutile, de l'éparpillement et de la dilution de nos talents et de nos ressources. Mais est-ce que nous, les universités francophones - petites, pauvres, en état de pénurie - pouvons nous qualifier pour de tels centres d'excellence? Nous rêvons tous que oui. Mais je pense que l'argent ainsi dirigé ira à Toronto, à Laval, à l'Université de la Colombie-Britannique, à McGill. L'excellence entraîne l'excellence.

À titre d'exemple, n'oubliez pas qu'avant d'avoir un excellent programme en informatique qui pourrait se qualifier et obtenir des fonds additionnels, il faut acheter l'ordinateur! Et cette année, à l'Université SainteAnne, nous avons le même ordinateur dont se servent les grandes universités anglophones de l'est. Cette année. L'année prochaine, ce ne sera plus vrai. Les universités anglophones auront acheté un super-ordinateur. L'université francophone retournera au Moyen Age électronique. Mais, me direz-vous, nous pouvons être excellents en linguistique, en langues, en lettres. Je vous réponds que ces domaines ne reçoivent pas autant de fonds que d'autres. Et, est-ce que nous allons faire progresser la francophonie avec des centres d'excellence dans les domaines scientifiques et techniques de l'avenir principalement anglophones?

Le programme d'aide aux petites universités protégera quelque peu les petites universités francophones, mais il va peut-être falloir augmenter le programme d'appui financier aux universités de langue minoritaire.

J'aimerais vous inviter à faire le budget général d'une université avec moi. Le problème est évidemment celui des fonds. Il n'y a que deux solutions: diminuer les dépenses ou augmenter les revenus.

Il est difficile de diminuer les dépenses. À peu près 75% du budget est consacré aux salaires et pour garder notre personnel, il faut augmenter les salaires. L'université paie en général moins bien que l'entreprise privée. Le chauffage et l'éclairage coûtent plus cher chaque année. Le prix du matériel ne diminue pas et nous ne pouvons pas beaucoup épargner en comptant des clous! Les universités pourraient baisser les intérêts qu'elles paient si elles avaient l'argent pour acquitter des dettes. Enfin, et plusieurs personnes l'ont déjà mentionné, gérer une institution de langue minoritaire coûte plus cher.

Nous pouvons essayer d'augmenter les revenus. En augmentant les frais de scolarité, nous risquons de perdre des étudiants. Il faut aussi reconnaître que les frais de scolarité représentent moins de 15% des revenus de l'université, donc une très petite somme. L'université peut essayer de faire payer les services qu'elle rend à la communauté et les installations qu'elle lui offre: la piscine, la patinoire, le gymnase, etc. Si elle essaie de faire payer les services de consultation, par exemple, les employés qui rendent ces services réclament cet argent pour le consultant qui est en général syndiqué. Si l'université essaie de gagner de l'argent avec la location de ses installations, le public proteste en disant que ces installations n'existent que grâce aux impôts qu'il a payés. Il ne veut pas y contribuer une deuxième fois, même si ce n'est que pour maintenir l'édifice. Il faut évidemment essayer de changer cette attitude. Le public ne semble pas exiger que le prix de l'acier de Sydney Steel soit baissé parce que cette compagnie a reçu de l'aide du gouvernement.

Les universités peuvent chercher des dons des compagnies, des fondations et des individus. Ces dons sont en général, et malheureusement, désignés pour des buts spécifiques et limités. Le recteur peut aller chercher de l'équipement pour le département des sciences et revenir avec du goudron. C'est très bien et tout est utile. Mais le don ne peut pas constituer la base du budget.

L'université peut négocier des contrats avec le gouvernement ou des corporations tout en tenant compte de sa taille, de sa capacité et de sa vocation linguistique minoritaire qui peut la désavantager.

L'université peut essayer de bien placer son argent en augmentant le taux d'intérêt reçu. Mais il faut d'abord avoir de l'argent à placer.

Il y a enfin la créativité budgétaire. On peut essayer de trouver une nouvelle manière de compter des clous. Si l'on a des rochers dans le jardin et on n'a pas assez d'argent pour les faire sauter à la dynamite ou pour les faire enterrer, on peut toujours créer un jardin japonais. Mais le nombre de jardins japonais dont on peut se servir est limité!

Il y a enfin l'argent qui nous est accordé par le gouvernement, envers lequel nous sommes très reconnaissants et sans lequel nous ne pourrions survivre.

Parmi les programmes du Secrétariat d'État, j'aimerais que l'on développe un programme de bourses d'échange pour étudiants et pour professeurs. Il est plus facile actuellement d'aller en Europe ou au Québec que d'échanger avec d'autres régions francophones minoritaires. Un tel programme ne coûterait pas cher car les participants pourraient garder les mêmes frais et les mêmes salaires que dans leurs institutions d'origine. Il faudrait trouver seulement les frais de déplacement et d'organisation. Les programmes d'échange aident à combattre les distances et les différences qui nous séparent au Canada.

J'aimerais également voir un programme pour le développement du personnel des petites universités francophones qui sont isolées et qui ont proportionnellement moins de professeurs qui détiennent le doctorat que les universités de langue majoritaire. Il faut encourager le corps professoral dans ces institutions à augmenter ses qualifications, à viser l'excellence.

J'aimerais remercier le Secrétaire d'État pour le programme des projets spéciaux. S'il m'était permis de rêver un petit peu, pas en couleur, mais en noir et blanc, j'admettrais au programme des projets très spéciaux d'une durée de plus de trois ans. Il y a certains projets qui ne s'autofinanceront jamais et qui seront toujours d'une grande importance pour l'éducation postsecondaire en français.

Les publications en traduction et en pédagogie relèvent actuellement de deux programmes du CRSH et du Conseil des Arts. Les projets dans ces domaines sont d'un grand intérêt pour les universités francophones hors Québec et nous aimerions voir s'établir un fonds de publication à cette fin.

Nous aimerions également un programme qui admettrait les frais d'amélioration de l'équipement, des livres et des revues à la bibliothèque.

Mais si nous voulons que le gouvernement établisse des programmes qui favorisent nos institutions, il faudrait que nous les appuyions nous-mêmes. Si nous voulons élever le taux de participation universitaire des francophones, nous devrons leur offrir de meilleures bourses. Si chaque Acadien de la Nouvelle-Écosse donnait 100$ à un fonds de bourse, nous n'aurions pas besoin de demander plus - les revenus paieraient la scolarité de chaque Acadien inscrit à l'Université Sainte-Anne.

C'est un défi, un défi qui pourrait se répéter dans chaque province du pays. Nous avons reçu de l'aide de l'Église, du gouvernement et de nos voisins anglophones. Avant de nous tourner ailleurs, je crois qu'il nous incombe d'appuyer nos institutions nousmêmes. Et je sais que vous y croyez aussi.

Aujourd'hui, on nous dit que les francophones sont sous-développés dans le domaine de l'éducation postsecondaire. Cela n'a pas toujours été le cas. Au dix-huitième siècle, le taux de la population qui pouvait lire et écrire en Acadie était plus élevé que celui de toutes les provinces françaises de France. Et en Nouvelle-Écosse, il y eut non seulement un collège pour garçons, mais également un collège pour femmes. Ces collèges étaient fondés bien avant l'Université Harvard et ils se sont épanouis, comme l'Université Sainte-Anne, établie un peu plus tard, en dépit de la loi provinciale qui interdisait toute instruction dans une langue autre que l'anglais. L'éducation postsecondaire en français au Canada a une longue et difficilemais très belle histoire. Il nous incombe de contribuer d'abord à son présent, pour assurer ensuite son avenir.

Il y a deux siècles, Diderot écrivait un essai sur les femmes qui n'étaient pas encore libérées à l'époque. Il affirmait que l'unique voie à suivre pour obtenir leurs droits était celle de l'éducation. Il ajoutait que l'éducation est la clé à la liberté et à la pleine participation à la société. Ce que Diderot a dit des femmes s'applique aux francophones hors Québec. Je crois fermement que l'éducation est le remède contre le sous-développement des francophones hors Québec. Notre investissement dans l'éducation, dans la jeunesse, est notre contribution à un meilleur avenir pour nous tous.

Les provinces font aussi leur part

par Claude Lacombe

Introduction   

Cette présentation décrit le cadre institutionnel ontarien pour l'enseignement postsecondaire, ainsi que les méthodes de financement, l'environnement politique, social et administratif actuel. Je conclurai avec quelques réflexions personnelles sur l'avenir, ses défis et ses possibilités.

1- le cadre institutionnel       

En Ontario, il existe, pour les francophones, deux universités (Laurentienne, Ottawa), deux collèges universitaires (Hearst, Clendon), six collèges d'art appliqués et de technologie (Algonquin, Cambrian, Canadore, Niagara, Northern, St-Laurent).

La philosophie du gouvernement ontarien a toujours été d'offrir l'éducation en français dans un cadre institutionnel bilingue, bien que certains programmes soient offerts complètement en français. Le financement des opérations vient en majeure partie du gouvernement (80% ou plus). Nous connaissons tous le débat actuel sur la participation du fédéral aux programmes établis, d'ailleurs actuellement en révision. En Ontario, notons que les fonds disponibles sont distribués avec l'aide des conseils consultatifs (Conseil des affaires universitaires de l'Ontario - OCUA, et Conseil de l'éducation franco-ontarienne - CEFO).

Il existe évidemment une différence entre les méthodes de financement des universités et des collèges. Les principes de base sont similaires cependant. La formule générale est basée sur les inscriptions des années précédentes. Nous établissons également une moyenne pour amortir les variations annuelles. Nous avions développé jadis une formule encourageant la compétition interinstitutionnelle, afin d'accroître les inscriptions.

Une modification récente de la formule tend d'ailleurs à décourager cette compétition qui, dans une situation de contraintes budgétaires, affecte la qualité de l'enseignement. Les institutions reçoivent le financement de base et des subventions additionnelles en reconnaissance des coûts créés par la politique de bilinguisme institutionnel. Les programmes peuvent être offerts, en parallèle dans chaque langue, ou dans un cadre bilingue (seuls certains cours étant offerts en français).

En ce qui a trait aux universités, le calcul des coûts additionnels est fait par l'OCUA périodiquement (5-6 ans) sur la base des dépenses réelles au cours des années précédentes. C'est en fait un ajustement aprèscoup qui a lieu. Les universités s'en sont plaint dans le passé. Mais pour compenser, le ministère a un autre programme de subventions pour le développement et la mise en oeuvre de nouveaux cours, ainsi que des programmes dont les fonds sont distribués sur recommandation du CEFO.

Quelques chiffres: la subvention au bilinguisme, en 1984-85, était de 13,8$ millions. Il s'agit d'une importante augmentation (x 4 en dollars courants en 10 ans, x 2 en dollars constants). L'aide à la création de nouveaux cours, en 1984-85, totalisait 768 000$.

Pour ce qui est des collèges, les subventions au bilinguisme sont distribuées sur la base d'un budget soumis par les collèges chaque année. Une vérification est faite, aprèscoup, pour s'assurer que les fonds ont été dépensés en accord avec le budget. Notons que le financement de nouveaux cours est inclus dans ce budget.

Donnons, comme tantôt, quelques chiffres.

La subvention en 1984-85, atteignait 5,6$ millions, une bonne augmentation sur 10 ans (x 3 en dollars courants, x 1,5 en dollars constants). En plus de ces subventions, il existe une série de programmes spéciaux financés grâce au soutien fédéral du Secrétariat d'État. Ces programmes répondent à des besoins spécifiques pour l'éducation en français et l'enseignement du français, langue seconde.

2- la conjoncture politique, sociale et administrative 

II existe des contraintes fiscales pour tous les niveaux de gouvernement et le déclin de la priorité de l'enseignement postsecondaire, au niveau politique, n'est peut-être qu'une simple réaction contre les efforts trop accentués de la décennie précédente.

Le diplôme est toujours considéré indispensable, mais il n'est pas tout. Il n'est qu'un point de départ d'une carrière. Les carrières dans le monde du travail ne se conforment pas aux attentes des diplômés; il existe en effet actuellement une surqualification et un sous-emploi. Ce qu'on pourrait appeler le déclin démographique aura un impact sur les inscriptions, impact compensé par les changements dans les conditions requises pour l'obtention du diplôme secondaire. Ces divers éléments créent une certaine insécurité qui souvent conduit à une rigidité structurelle, alors que la flexibilité, l'innovation, l'adaptabilité seraient indispensables.

En Ontario, la perception du concept de bilinguisme est devenue très positive. Ce changement est dû, selon moi, aux efforts de groupes comme «Canadian Parents for French». Cette nouvelle situation signifie que le bilinguisme individuel n'est plus uniquement le privilège, ou le fardeau, des francophones. Il en résulte aussi que l'avantage social des francophones, dû à leur bilinguisme, va peut-être disparaître. Le nombre d'étudiants francophones va probablement commencer à décroître bientôt et il sera difficile pour les institutions d'innover et de mettre en oeuvre de nouvelles initiatives. En fait depuis 1980, les inscriptions dans les cours et programmes en français déclinent dans toutes les universités bilingues. Une seule exception: le Collège universitaire Glendon.

L'arrivée d'étudiants anglophones venant des programmes d'immersion pourrait aider certaines institutions si, bien sûr, ils s'inscrivent dans des programmes bilingues. Et, à cet égard, le rôle des gouvernements va continuer à être crucial, surtout du point de vue financier, pour garantir les acquis. Et le gouvernement fédéral, qui a pratiquement gelé ses subventions au bilinguisme depuis 5 ans, va devoir réexaminer ses politiques.

L'image schématique que je vous ai donné peut paraître pessimiste. En période de crise cependant, on fait souvent beaucoup de progrès. Pour l'avenir de la communauté francophone en Ontario, il va falloir se préoccuper, non seulement de la quantité des services disponibles, mais aussi de leur qualité et de leur pertinence. Par pertinence, on entend adaptation aux besoins du monde du travail, car il faut que les diplômés francophones puissent trouver du travail dans leur domaine d'études. Il faudra continuer à affirmer son existence pour s'assurer que les progrès des dernières années ne seront pas perdus. La compétition avec les anglophones bilingues va créer des pressions sur les francophones, et l'excellence professionnelle va devenir un critère de succès plus important que le bilinguisme. Les administrateurs des institutions bilingues devront s'assurer de la qualité des programmes offerts en français pour attirer les étudiants à l'avenir.

Comme les fonds supplémentaires venant du gouvernement ont peu de chance d'augmenter, il va falloir recourir à d'autres méthodes pour maintenir la qualité de l'enseignement en français. Il faudra utiliser les ressources d'une façon plus efficace (ce qui va forcer les gestionnaires à des décisions difficiles) et coordonner la programmation au niveau de la province et du pays!

En Ontario, la commission Bovey a recommandé un fonds spécial de soutien à la coopération interinstitutionnelle pour l'enseignement en français. Cette coopération pourrait permettre la rationalisation des programmes bilingues et en français et elle pourrait obliger certains étudiants à voyager davantage, d'où l'importance des bourses d'études du gouvernement fédéral.

Conclusion    

Je pense que la coopération entre institutions bilingues pourrait contribuer à en faire un groupe de pression significatif si elles présentent un front uni. Cette coopération entre institutions pourrait peut-être convaincre le gouvernement du besoin d'aide financière pour certains projets conjoints. La coopération peut aussi avoir existé avec les institutions anglophones désirant offrir des cours en français pour les étudiants d'immersion (équivalence de crédits, détachement de professeurs, etc..) La coopération permet d'éviter les situations de type «dilemme du prisonnier».

Les institutions pourraient être tentées de laisser le gouvernement prendre les décisions difficiles; par ailleurs, chaque fois que cela arrive, elles abdiquent un peu de leur autonomie. Le gouvernement n'aime pas avoir à prendre de telles décisions (ou encore jouer un rôle d'arbitre) et sera plus favorable aux institutions qui assument leurs responsabilités de gestion. Je laisse en réflexion trois mots d'ordre pour l'avenir: excellence académique, responsabilité financière et coopération. Et au niveau individuel, avoir confiance en soi et ne pas avoir peur de saisir les occasions qui se présentent.

Résumé de la discussion     

Les participants à cette plénière ont tenu à obtenir des précisions sur l'invitation faite par la représentante du Secrétariat d'État, i.e. faire parvenir des commentaires, individuels ou collectifs, sur les propositions du Rapport Johnson. On fitsavoir qu'il fallait se presser, car la décision quant aux nouveaux programmes, se prendrait bientôt.

On souligne aussi qu'il n'était pas facile de savoir si les deniers des autorités fédérales, après avoir emprunté tous les dédales administratifs, à la fois au sein des administrations provinciales et au sein des bureaucraties universitaires ou collégiales, parvenaient aux bons récipiendaires et étaient utilisés aux fins prescrites. Les agents du gouvernement fédéral, a-t-on soulevé, devraient exiger des comptes plus serrés, surtout en ce qui a trait à la promotion du bilinguisme!

Enfin, certains participants ne manquèrent pas de déplorer les périodes d'austérité sévère imposées par des gouvernements provinciaux aux institutions universitaires. L'exemple de la Colombie-Britannique fut cité, tout comme celui de l'Ontario, deux provinces qui n'ont cessé depuis cinq ans de diminuer leur aide totale à l'enseignement postsecondaire. À cet égard, il faut remercier l'auteur du rapport sur le financement de l'enseignement postsecondaire (M. Johnson), d'avoir attiré l'attention sur les fonds utilisés par certaines provinces, non pas à ce dossier, mais pour l'administration générale provinciale.

Sixieme séance de travail : thème VI: La préparation du matériel didactique et le développement professionnel continu

A- En milieu universitaire      

Les participants à cette séance de travail font une analyse des moyens à envisager pour assurer, à partir des réussites dans certains domaines, une préparation d'un matériel didactique adéquat et qui correspond à la spécificité du milieu francophone, tout en permettant une saine intégration à l'environnement global de la société.

Le professeur André Obadia, de l'Université Simon Fraser, parle des mécanismes instaurés en Colombie-Britannique pour le développement du français: création d'un stage pédagogique de douze mois pour la formation des professeurs d'immersion en français, introduction d'un système vidéo-disque, cours estival pour les professeurs actuels, diplôme de premier cycle, publication de la revue Contact à l'intention des professeurs de français.

Madame Claudette Tardif, de la Faculté Saint-Jean, de l'Université de l'Alberta, souligne qu'il n'y a pas d'université de langue française en Alberta, et cela entraîne des problèmes nombreux, comme ceux d'une pénurie de textes, d'une surcharge de travail pour les professeurs actuels, d'un manque de sous pour développer davantage le système de télé-conférence introduit pour l'enseignement à distance. Elle propose qu'on mette sur pied des mécanismes pour que les ressources financières allouées par les gouvernements soient d'abord acheminées vers la publication ou l'achat de matériel didactique, et vers un réseau de communication entre les chercheurs francophones en milieu minoritaire.

M. Louis Malenfant, de la Faculté d'éducation de l'Université de Moncton, insiste pour sa part sur l'aspect humain de la question, la formation pédagogique des professeurs. Il suggère que l'on conçoive des programmes en fonction des besoins des gens, que l'on améliore les programmes existants pour en tenir compte et, finalement, que la formation continue passe de la parole à l'acte par une coopération interprovinciale, des ateliers pédagogiques et une concertation à bâtir entre chercheurs.

Pour de nouveaux départs

par Claudette Tardif

Introduction   

Étant donné la complexité de cette question, je ne tenterai pas de vous offrir une analyse détaillée et complète, mais je partagerai avec vous mes réflexions et mes sentiments, ainsi que quelques recommandations qui permettront aux universités de mieux répondre à la spécificité du milieu francophone. Je trouve particulièrement difficile de répondre à cette question, parce que je dois envisager le problème à deux niveaux: celui de l'enseignant en salle de classe face aux besoins des élèves, et celui de la formation des enseignants et de leurs besoins en milieu universitaire. ]e dois, comme personne impliquée dans la formation des enseignants, réfléchir sur ma pratique pédagogique au niveau de la formation de ces enseignants et je dois bien connaître le milieu dans lequel ces futurs enseignants seront appelés à oeuvrer.

Afin de créer des services, des programmes et un matériel didactique qui seront appropriés et qui correspondront à la spécificité d'un milieu francophone, il est important de faire l'analyse de ce milieu. Je dois bien comprendre la réalité francophone de mon milieu. Je dois savoir où sont les francophones, je dois connaître leur histoire, connaître la configuration socio-culturelle et politico-économique du milieu, l'étendue de leur langue parlée et de leur langue écrite.

1- le cas albertain  

Dans mon milieu en Alberta, avant 1983, le ministère de l'Éducation ne faisait pas la différence entre l'éducation en français pour francophones et l'éducation en français pour anglophones. Il existe donc plusieurs situations où les enfants francophones sont regroupés dans des classes avec des enfants anglophones. Avec l'adoption de l'article 23 de la Charte, cette situation commence à changer. Deux écoles francophones publiques ont ouvert leurs portes en septembre 1984, une à Edmonton, l'autre à Calgary. Il faut dire que les enseignants qui enseignent dans des classes ou des écoles francophones sont minoritaires. Leur rôle est bien particulier. Comme le disait un de mes collègues, monsieur Alain Nogue, ces enseignants seront appelés à être en même temps:

«...des enseignants, des animateurs socio-culturels, des modèles de langue, des pionniers, des missionnaires et des chercheurs... Comme enseignants, ils auront la lourde responsabilité de créer des situations d'apprentissage qui permettront au jeune Franco-Albertain d'atteindre l'excellence... Ils devront être des animateurs socio-culturels parce que les jeunes ont besoin de bien se connaître, de savoir qui étaient leurs ancêtres, d'apprendre leur façon de voir la réalité... Ils devront être des modèles du bon parler, parce que la qualité du français de leurs élèves dépendra, en grande partie, de la qualité de la leur... Ils seront appelés à être des pionniers et des missionnaires dans un domaine qui n'a reçu droit de cité que cette année. En participant à une expérience nouvelle (l'école francophone), ils devront agir comme chercheurs, tenant compte des variables du milieu scolaire, de la programmation, des stratégies d'enseignement et de bien mesurer le dosage de leur enseignement linguistique et culturel...» (Nogue, 1985: 19-20).

Il s'agit donc de préparer un personnel qui verra à l'épanouissement de la culture de l'enfant francophone, non seulement dans le domaine de l'enseignement, mais aussi dans ceux de l'administration, dans les services gouvernementaux, para-scolaires et d'unités sanitaires. Il y a une forte demande de personnes bilingues dans tous ces secteurs. L'université est déjà appelée à répondre aux demandes de cours en français pour adultes désirant apprendre le français, et pour francophones voulant améliorer leur connaissance de la langue. De plus en plus, les universités doivent offrir des cours traitant des techniques de l'enseignement aux adultes.

Nous pouvons alors nous poser la question : comment pouvons-nous améliorer en milieu universitaire, par une meilleure formation, le rendement de ce personnel? Il est évident, par ce qui a été dit, qu'il faut permettre à ces personnes de prendre conscience de ce qu'est l'éducation des francophones en milieu minoritaire, de prendre conscience du contexte socio-culturel et politique. Quelles en sont les implications au niveau postsecondaire? J'aimerais vous parler d'implications dans trois domaines: celui des valeurs éducatives et culturelles, celui du matériel didactique et celui de la création de nouveaux cours et programmes.

2- les valeurs éducatives et culturelles       

Par valeurs éducatives et culturelles, j'entends «la qualité des idéaux sociaux et personnels que l'éducation véhicule ou devrait véhiculer chez nous» (Lévesque, 1982:7). Le milieu universitaire de langue française a un double rôle: 1) de former des personnes qui pensent, qui réfléchissent et qui questionnent, et aussi 2) de former des personnes qui puissent bien connaître et bien apprécier la réalité canadienne-française.

Le fait d'avoir choisi d'étudier en français au niveau postsecondaire est déjà significatif.

La langue d'enseignement au niveau postsecondaire, comme à l'école élémentaire et secondaire, joue un très grand rôle dans la formation de l'étudiant. Chaque langue offre une différente vision du monde. Selon Desjarlais :

«L'identité culturelle (véhiculée principalement par la langue) est une nécessité psychologique qui fournit à un individu des instruments d'action; c'est un mode de pensée, c'est une méthode, c'est une vision du monde, qui, ajoutés à ceux des autres cultures, donnent de l'homme et de la vie une définition plus globale et plus enrichie (Desjarlais, 1983:13).»

Il s'agit de créer une âme francophone à l'université. Ce qui importe avant tout, c'est que les jeunes soient convaincus qu'on peut et qu'on doit être fier de parler en français et que c'est une façon de vivre dans le monde. Selon Ghislaine Roquet:

«II ne suffit pas qu'une collectivité bénéficie de l'instruction en français, il faut aussi qu'elle vive dans un milieu culturel francophone... Qu'elle crée elle-même et qu'elle réalise des oeuvres culturelles dans ces modes d'expression, qu'elle puisse les échanger avec d'autres groupes francophones et même avec l'ensemble de la communauté francophone.» (Roquet.1982:5).

3- le matériel didactique       

La disponibilité de matériel didactique en français crée également des soucis, et au niveau universitaire et au niveau des salles de classe. La pénurie de textes et de livres de références, ainsi que tout autre matériel d'ordre pédagogique en français et s'appliquant à tous les programmes d'études, est un problème réel. Selon Cantacuzene:

«Le fond du problème de la langue française est un problème de qualité, de dynamisme et donc de rayonnement de la pensée et des réalisations des Français (et des francophones).

Aujourd'hui, la masse des gens, lorsqu'elle a les moyens de s'éduquer, veut accéder à la culture qui vit, aux technologies et à la science qui se créent: on apprend donc l'anglais qui rend le plus de services...» (Cantacuzene, 1984: 93).

Les ouvrages scientifiques publiés en français diminuent de plus en plus et, dans certaines disciplines, sont presque inexistants. Je vous donne un exemple. Lorsque je fais le choix des textes scientifiques en français (e.g. psychologie de l'éducation) pour mes étudiants universitaires, je suis souvent mis en face d'un dilemme. Si je devais choisir des textes en anglais, j'aurais l'embarras du choix. Pour trouver des textes équivalents en français, je dois fouiller les bibliothèques et les catalogues des maisons d'édition pour arriver à trouver des ouvrages scientifiques convenables. Souvent, je suis obligée de choisir des textes de la France, qui ne correspondent pas aux réalités scolaires et culturelles des étudiants; des textes qui utilisent souvent un langage trop sophistiqué pour la majorité de nos étudiants, et qui organisent le contenu des connaissances selon un mode de pensée qui diffère de la conception nord-américaine. Ou bien, je dois choisir des textes écrits en anglais (surtout américains).

À défaut de texte, comme professeur, je dois traduire, adapter et faire la synthèse de l'information, provenant de plusieurs sources de référence. Il est souvent nécessaire que j'organise mes notes de cours, sous forme convenable, afin de les remettre aux étudiants. J'oserais dire que toute la question du matériel pédagogique est un grand problème dans les universités francophones, parce qu'elle demande un investissement énorme de temps et d'énergie de la part du professeur. La recherche du matériel didactique en français engendre du travail supplémentaire pour le professeur en milieu universitaire francophone.

Il faut aussi considérer l'effet de l'arrivée des étudiants anglophones, provenant des classes d'immersion, dans les universités francophones. Cela exigera l'adaptation de nos cours et, possiblement, de nos cadres pédagogiques.

Dans la formation d'un personnel enseignant oeuvrant en français, il serait bon de mettre sur pied des cours qui traiteraient plus particulièrement de la réalité francophone au Canada. Par exemple, les enseignants devraient avoir une formation en psychologie de l'enfant en milieu minoritaire, en psycholinguistique (facteurs qui entrent en jeu chez le francophone dans l'acquisition de sa langue), en histoire de la francophonie du milieu, dans la politique de bilinguisme et dans la culture et la civilisation canadiennefrançaise. Pour les enseignants déjà en salle de classe, il est bon d'envisager des cours de perfectionnement: méthodologie de l'enseignement de la langue, techniques d'animation culturelle, psychologie de l'acquisition et l'enseignement des langues. La Faculté SaintJean est à l'étape de la planification d'un diplôme supérieur pour enseignants et conseillers pédagogiques qui veulent approfondir leurs connaissances dans la sphère de l'éducation en français. Il va sans dire que l'obtention de ce diplôme exigera davantage en ressources humaines, matérielles et financières. Il faudra convaincre les administrateurs de notre université et nos membres élus au Parlement de la nécessité d'un programme de deuxième cycle en français.

Afin de répondre aux besoins de leur milieu, les universités devront offrir des services, des cours et des programmes qui s'intègrent davantage au milieu culturel et qui offrent plus de souplesse que jadis. Le concept de la télé-conférence est un excellent moyen de rendre des cours plus accessibles aux enseignants et d'éviter la dispersion des ressources.

Conclusion    

Je termine avec quelques recommandations qui visent l'amélioration du rendement des universités francophones en ce qui a trait à la formation d'un personnel pour les milieux d'enseignement en français.

Il faut espérer que les ressources financières accordées aux universités pour la recherche soient davantage accordées en fonction du développement de matériel didactique, de cours et de programmes qui correspondent à la réalité francophone. Par exemple:

Nous devons également établir des nouveaux cours et des programmes qui reflètent la réalité francophone en milieu minoritaire. Afin d'éviter la dispersion des ressources ou leur dédoublement, il faudrait voir aux possibilités d'établir une concertation interinstitutionnelle. Nous ne pouvons pas faire tout, tout seuls.

Enfin, il faudrait créer un réseau de communication des divers chercheurs francophones en milieu minoritaire, afin de diffuser les travaux de ces chercheurs, en améliorant les conditions de diffusion. Est-il possible de mettre sur pied plus de journaux de qualité pour les chercheurs francophones? En réfléchissant sur l'utilisation du français comme langue scientifique, Chadli fait la déclaration

suivante:

«L'avenir du français scientifique me paraît fondé essentiellement sur la qualité de la recherche en langue française et sur son impact sur la communauté scientifique internationale. Il dépendra également, outre la diffusion des travaux, de l'engagement des autorités et des chercheurs français à maintenir et à promouvoir leur langue d'origine comme moyen de communication et véhicule des découvertes récentes» (Chaldi, 1984:131-132).

Références    

Cantacuzene, J. 1984. «Langage, technologie et rayonnement,» Perspectives universitaires, 2(1):81-97.

Chadli, A. 1984. «Réflexions sur l'utilisation du français comme langue scientifique en Tunisie,» Perspectives universitaires, 2 (1): 129-132.

Desjarlais, L. 1983. «L'école française,» Revue de l'Association canadienne d'éducation de langue française, 12 (3).

Lévesque, G. 1982. «Les valeurs éducatives et l'évolution du Québec» Revue de l'Association canadienne d'éducation de langue française, 11 (1): 7-8.

Nogue, A., 1985. «La sirène de l'immersion est déchue,» Notre langue et notre culture, 12 (1): 3-21.

Roquet, G. 1982. «Facteurs qui influencent l'expansion de la langue française au Canada», Revue de l'Association canadienne d'éducation de langue française, 11 (1) : 3-6.

Résumé de la discussion     

Les participants de cet atelier sont d'accord avec le message des trois membres du panel. Le matériel didactique en langue française est rare pour nos étudiants et nos professeurs. On souligne cependant qu'il serait souhaitable, plutôt que de se servir de matériel inadéquat, d'utiliser les ressources de la France. Il y a, souligne-t-on, des consulats ou des maisons de la France un peu partout sur le territoire canadien. Les gens qui y travaillent seraient certes heureux de nous faire connaître leurs publications, dont la qualité de la langue est indéniable. Nous pourrions adapter le contenu à nos réalités.

On ne manque pas de noter également que l'enseignement à distance, mis en place en Alberta et en Ontario, pourrait se servir des expériences mises à l'essai au Québec. Des représentants de l'Université du Québec se disent prêts à collaborer à cet égard. Ils soulignent qu'il y aurait des avantages pour tous: diminution des coûts par étudiant, nondédoublement, analyse des réussites et échecs...

B- En milieu collégial     

Les francophones hors Québec ne reçoivent peut-être pas leur juste part des subventions accordées pour le développement du matériel didactique et pour le perfectionnement du personnel enseignant. Le président de cette séance de travail, M. Alcide Gour, du Collège Cambrian, affirme que les autorités fédérales accordent 2,2$ milliards pour la formation professionnelle dans les collèges communautaires. Or, de cette somme, aucun montant n'est prévu pour la formation en langue française.

Madame Raymonde Hanson, doyenne au Collège Algonquin, parle de l'expérience PERPERFRA, menée en collaboration par les professeurs des collèges, les dirigeants du ministère ontarien des Collèges et Universités et les deniers du Secrétariat d'État. Il s'agit de sessions, locales ou régionales, visant à mettre à jour les connaissances, dans des domaines spécialisés, à l'intention des participants, par des échanges mutuels de renseignements. Elle note que les enseignants ont fait la preuve qu'ils voulaient améliorer tout autant leur façon d'enseigner que leur contenu pédagogique.

Madame Nicole Brodeur, de la Direction générale de l'enseignement collégial au ministère de l'Enseignement supérieur, de la Science et de la Technologie, du gouvernement du Québec, fait le point sur les expériences québécoises, en soulignant qu'il existe quatre programmes, à l'intention des usagers des Cégeps. Ce sont les programmes de subventions à la production de matériel didactique, les programmes de perfectionnement et de recyclage destinés aux enseignants, les programmes de subventions à la recherche pédagogique et ceux, finalement, des échanges professionnels. Elle se dit intéressée à augmenter la portée de ces programmes et estime qu'ils pourraient avoir des retombées sur les institutions hors Québec.

Le modèle ontarien

par Raymonde Hanson

Introduction   

La préparation du matériel didactique et la formation du personnel enseignant sont, à mon avis, si étroitement reliées qu'il est difficile de dire quel élément est la force motrice - un personnel enseignant bien formé qui identifie la nécessité de préparation de matériel didactique... ou l'inverse. D'emblée, on reconnaît qu'il y a un besoin de matériel didactique que l'enseignant doit préparer et qui, par le fait même, demande une formation spécialisée.

Je veux vous entretenir de ces deux aspects de l'enseignement au niveau collégial en Ontario: la formation du personnel enseignant et la préparation de matériel didactique.

1- Le perfectionnement

Les activités de développement professionnel à l'intention du personnel d'expression française des C.A.A.T. sont subventionnées depuis 1979 à partir d'un fonds accordé par le Secrétariat d'État connu sous le nom de PERPERFRA- Perfectionnement du personnel francophone.

Les activités parrainées par PERPERFRA se regroupent en 2 grandes catégories: d'une part, des activités provinciales qui sont organisées par le ministère des Collèges et des Universités (les seuls frais encourus par les collèges sont ceux du déplacement), d'autre part, des activités collégiales qui regroupent des sessions locales ou régionales organisées pour un collège ou un groupe de collèges, une participation à des conférences, ateliers, séminaires ou autres et des visites à d'autres institutions postsecondaires, j'ajoute que pour les activités collégiales, PERPERFRA défraie 75% des coûts et le collège 25%.

Chaque collège soumet ses projets en ordre de priorité mais, au niveau du ministère, la préférence est accordée aux projets et aux individus qui en font la demande pour une première fois. Le but de PERPERFRA est de favoriser le développement professionnel du personnel enseignant francophone et d'assurer une mise à jour de leurs connaissances.

En 1983-84, 875 personnes ont bénéficié de subventions de PERPERFRA pour parfaire leurs connaissances dans leur champ d'expertise ou d'autres champs connexes. D'ailleurs, depuis 1981, PERPERFRA a parrainé la participation de 2534 francophones à des activités diverses, pour un montant global de 426000$.

La mise à jour des connaissances est faite par le truchement d'ateliers et de séminaires. Cependant PERPERFRA ne supporte pas des projets d'études tel un cours crédité à l'université ou dans un institut spécialisé.

Un régime de bourses à l'intention des enseignants des modules scolaires de langue française est cependant disponible pour poursuivre des études au niveau du baccalauréat, du 2e et du 3e cycle. Je me dois ici de souligner cette merveilleuse initiative du Secrétariat d'État et du ministère des Collèges et des Universités. Mais qu'arrivera-t-il si, un jour, cette manne venait à ne plus tomber des cieux bleus d'Ottawa et de Toronto? Les institutions post-secondaires voudront-elles et pourront-elles identifier des sommes pour le perfectionnement du personnel enseignant francophone? Quelles sont les solutions et les moyens à envisager pour assurer une continuité dans ce domaine? Ce sera à vous de mettre de l'avant vos idées.

Ceci m'amène à la 2e tranche de ma présentation : la préparation du matériel didactique. Mes commentaires se limiteront toutefois à mon expérience au Collège Algonquin.

2- Le matériel didactique      

Comme c'est la pratique pour le perfectionnement du personnel enseignant francophone, le ministère des Collèges et Universités offre de l'aide financière aux collèges désignés bilingues pour le développement du matériel didactique en langue française. Depuis 1983, le fonds de création de matériel didactique en français a permis de subventionner 48 projets (pour une somme de 265000$).

Le but de ce fonds est d'encourager l'élaboration d'outils d'apprentissage en langue française. Ce fonds est conçu principalement pour répondre aux besoins du matériel d'apprentissage dans les domaines plus spécialisés. On entend par matériel d'apprentissage en langue française tout matériel conçu pour faciliter l'apprentissage - soit livres, cahiers de travail, manuels de laboratoire, logiciels, matériel audio-visuel. Ce matériel d'apprentissage peut être destiné soit aux étudiants, soit aux enseignants.

La difficulté chez nous, comme partout ailleurs je suppose, est tout d'abord d'inciter les enseignants à soumettre des projets pour des fonds provenants du ministère, puis de mener ces projets à une fin. D'autre part, une autre difficulté, et non la moindre, est d'inciter l'emploi de ce matériel didactique en français, une fois disponible.

Les raisons d'être et la nature du matériel didactique en français tiennent à l'identification des besoins spécifiques du milieu de l'enseignement en français. Pour comprendre le concept de création du matériel didactique en français, il m'apparaît essentiel de vous référer d'abord à ces besoins et de voir ensuite comment, de par sa nature, le matériel didactique en français peut répondre à ces besoins.

Pour identifier les besoins auxquels veut répondre le matériel didactique en français, il suffit de rappeler les lacunes et les difficultés qui nous sont toutes déjà familières et de penser au faible impact des ressources didactiques - bibliothèque, audio-visuel, enseignement assisté par ordinateur - sur les pratiques pédagogiques de l'éducation en français au niveau collégial.

3- En français d'abord et avant tout

Si le Collège Algonquin, ou toute autre institution postsecondaire, offre des programmes et des cours en français, ne faut-il pas s'attendre à ce que les étudiants francophones désirent recevoir tout leur enseignement en français et avoir à leur disposition le matériel didactique nécessaire? L'idéal n'est-il pas que les étudiants inscrits à un programme en français puissent trouver tout le matériel didactique qu'ils désirent dans cette langue?

Un de nos premiers soucis, au Collège Algonquin, est de procurer aux étudiants francophones un apprentissage entièrement dans leur propre langue. Il doit y avoir une cohérence entre la langue des étudiants, le mode d'enseignement et le matériel didactique. Le manuel de classe, comme instrument de travail pour les étudiants et le professeur, se doit donc d'être en français. Le même principe de cohérence vaut pour le matériel audio-visuel utilisé en classe ainsi que pour le matériel disponible au centre de documentation. Lorsque toutes ces conditions sont remplies, les études des étudiants francophones sont, par le fait même, grandement facilitées.

De plus, le matériel didactique en français doit permettre aux étudiants d'améliorer leur langue, tant du point de vue de la syntaxe que de celui du vocabulaire général. Les étudiants devront aussi apprendre à connaître le vocabulaire technique en français. Il est essentiel que les étudiants puissent maîtriser ce vocabulaire technique lors de leur séjour au collège, car c'est probablement la seule chance qu'ils auront de le faire.

J'aimerais, si vous le permettez, ajouter les remarques suivantes. La pertinence du matériel didactique en français a parfois été difficile à démontrer, surtout dans le contexte nord-américain. D'ailleurs, elle le demeure toujours dans certains domaines! De plus, la compréhension par les étudiants, du matériel didactique en français est parfois difficile: vocabulaire technique, style de l'écriture, présentation du document. Toutefois, ces difficultés ne sont pas insurmontables et ne devraient pas servir d'excuses pour la nonutilisation du matériel didactique en français. Mais attention toutefois! Cela n'implique pas que les étudiants francophones ne doivent pas connaître l'anglais. Il est important de se souvenir que le matériel didactique en français ne vient pas rendre inutile la documentation disponible en anglais. Celle-ci demeure toujours un outil de travail complémentaire important, même pour les étudiants qui poursuivent leurs études en français.

Il demeure, néanmoins, qu'une étude au Collège Algonquin en 1982 révélait que le matériel didactique en français est mal connu et peu utilisé par les étudiants, les professeurs et même les gestionnaires. Les documents et les services existent pourtant, comme les moyens de les connaître, de les obtenir et de s'en servir, car ils sont souvent largement diffusés. Cependant, entre l'administrateur qui doit prendre une décision, l'enseignant qui veut expérimenter une méthode, l'étudiant qui approfondit un sujet, entre ces trois utilisateurs principaux d'une part, et le matériel didactique en français, d'autre part, force est de reconnaître une faille, un hiatus. D'où le besoin d'une analyse et d'une synthèse des moyens de favoriser non seulement l'innovation et la création du matériel didactique en français, mais également son utilisation.

Ces dernières années, un climat favorisant le bilan et la consolidation a caractérisé l'approche des collèges communautaires face à l'enseignement en français: études, orientations, énoncés de politiques, révisions de programmes et identification de priorités; ces discours me paraissent particulièrement significatifs de la réalité du matériel didactique en français dans le réseau des collèges communautaires. Il faut souligner toutefois les nombreux problèmes qui restent à résoudre: le perfectionnement des enseignants, la relation entre l'enseignement général et professionnel, la formation de base, la pédagogie de l'enseignement professionnel, etc. Il faut également déplorer le fait que, malheureusement, la communauté francophone des collèges soit peu intéressée à la pédagogie, sans parler, bien sûr, de la création ou l'innovation de matériel didactique en français.

Quelles raisons peut-on invoquer pour expliquer cette attitude des francophones?

Dans un avenir assez rapproché, les collèges devront ajuster leurs pratiques pédagogiques traditionnelles à de nouveaux élèves et explorer des méthodes d'enseignement et d'apprentissage mieux appropriées face à l'essor de l'enseignement professionnel, à la diversification des programmes et au recours toujours croissant à la technologie, et il ne faut pas l'oublier, les contraintes budgétaires! Serons-nous capables de relever le défi?

Je désire, maintenant, partager avec vous le cheminement déjà fait au Collège Algonquin pour seconder l'accès au matériel didactique en français.

Depuis 1978, le centre de documentation a maintenu une moyenne constante d'environ 16 à 20% des nouvelles acquisitions pour l'achat de livres et de périodiques en langue française ou bilingues; également, une plus grande quantité de documents audio-visuels en français est maintenant disponible, grâce à l'arrivée de nouveaux fournisseurs, particulièrement du Québec, et à une accessibilité plus facile.

Le centre de documentation publie mensuellement, depuis 1981, une liste automatisée bilingue, de toutes ses nouvelles acquisitions (livres, périodiques, publications officielles, documents audio-visuels). De plus un catalogue qui regroupe l'ensemble de la documentation en langue française et anglaise que possède le centre de documentation est disponible sur microfiches depuis 1982; ce catalogue ne comprend toutefois pas l'ensemble des fonds de collections de tous les collèges bilingues de la province.

L'enrichissement du centre bibliographique, en ce qui a trait au matériel didactique en français, la préparation et la publication de dépisteurs en français, la publicité sur les services offerts, ainsi que l'augmentation du nombre de francophones capables de travailler en français et la bilinguisation du personnel continuent à faire partie des objectifs courants du centre de documentation.

D'ailleurs, afin de faciliter et d'augmenter les contacts (essentiels pour la connaissance réciproque du matériel didactique en français) entre les professeurs et les étudiants d'une part, et le centre de documentation d'autre part, ce dernier a nommé des responsables bilingues pour le choix et l'utilisation de la documentation disponible; ainsi les bibliothécaires de référence travaillent depuis 1979 auprès des étudiants et des professeurs.

Malheureusement, il n'existe aucune étude d'ensemble approfondie et aucune statistique au sujet de l'utilisation du matériel didactique en français au Collège Algonquin. Cependant, ma connaissance générale de la situation actuelle me permet d'affirmer que l'utilisation du matériel didactique en français au Collège Algonquin est plus importante dans certains domaines qu'elle ne l'était auparavant, mais qu'elle demeure, néanmoins, inférieure comparativement à l'utilisation du matériel didactique en anglais. Il n'en reste pas moins que seul un projet de recherche d'envergure peut identifier les effets positifs de la disponibilité de matériel didactique en français auprès des étudiants et des enseignants.

En plus des argents disponibles en provenance du ministère, le collège, entre 1978 et 1984, a mis à la disposition du corps enseignant, des argents pour la création de matériel didactique en français et en anglais par l'intermédiaire d'un conseil de création. À partir de ces fonds, plusieurs projets en français ont été subventionnés.

L'impression de manuels en français par l'organisme attitré du collège, Média Algonquin, a sensiblement augmenté au cours des dernières années. Depuis 1976, sur un total de 530 titres publiés par Média Algonquin, il y a eu 206 titres en français.

On doit nécessairement attribuer, en partie, la création de ces manuels au fonds provenant du ministère des Collèges et des Universités, du Secrétariat d'État et du collège.

La librairie du collège a également fait des efforts tangibles pour améliorer le service aux francophones. Les relations entre la librairie du collège et les éditeurs francophones sont bien établies, grâce, particulièrement, à la présence d'une personne bilingue plein temps qui possède une meilleure connaissance du marché du livre en français et qui est responsable spécifiquement de l'achat des manuels de classe en français. On nous dit que les choses vont maintenant tellement bien que les délais de livraison sont souvent plus courts pour les textes francophones que pour les textes anglophones.

De plus, on pratique au collège le parallélisme français-anglais lorsque l'on subventionne le manuel en français. C'est-à-dire, le collège paie la différence entre les coûts du manuel en anglais et ceux du manuel en français si ceux-ci excèdent 7,00$. Mais cette pratique d'accorder des subsides aux manuels de classe en français risque de disparaître puisque le prix des textes en anglais a eu tendance à augmenter tandis que celui des textes en français s'est maintenu stable, de telle sorte que la différence est maintenant presque minime; d'ailleurs la librairie ne dispose plus que de 5000$ de subvention par année pour tous les volumes en français du collège. Mais une autre question se pose maintenant: doit-on subventionner un manuel en français pour lequel il n'existe pas d'équivalent en anglais?

Conclusion    

Voilà les «faits de la réalité» du matériel didactique en français dans le contexte des collèges communautaires en Ontario et plus spécifiquement au Collège Algonquin.

Vous en conviendrez avec moi que les professeurs sont la clé de la création et de l'utilisation du matériel didactique français. Ces derniers, cependant doivent être supportés par un éventail de services qui doivent répondre aux besoins des usagers francophones.

Les demandes faites pour obtenir des fonds pour la création de matériel didactique français démontrent l'intérêt de la part des enseignants.

Il faut cependant que les institutions et les agences gouvernementales, provinciales et fédérales, maintiennent cette poussée et l'on peut cultiver ce momentum en mettant en application les cinq recommandations suivantes.

  1. il existe chez les enseignants francophones des individus inventifs, créateurs; il importe, au plus haut point, de les dépister et de leur procurer des conditions favorables à la création.
  2. il existe aussi chez les enseignants francophones un bon nombre d'individus qui exercent une critique pénétrante de la réalité éducative, qui sont prêts à collaborer à une innovation, mais qui ne partiront pas seuls en croisade; leur contribution à l'innovation peut être inestimable, pourvu qu'on leur procure les conditions nécessaires: du temps, des moyens d'expression et des liens avec d'autres catégories de personnes intéressées à la création, etc.
  3. il faut également reconnaître qu'à l'égard du matériel didactique en français, le rôle de l'utilisateur est, d'une certaine façon, le seul rôle absolument nécessaire; et si la formation de celui-ci laisse à désirer, il importe de la compléter - les innovations qu'on propose à cet utilisateur peuvent certes y contribuer, pourvu qu'on évite les complications inutiles et qu'on sache graduer les difficultés, comme de bons maîtres et de bons livres savent parfois le faire, sans brûler les étapes.
  4. il existe dans le système collégial un «besoin criant» d'identifier les innovations pédagogiques disponibles dans le milieu collégial et à l'extérieur de celui-ci, afin de dissuader toute tendance à toujours «réinventer la roue».
  5. et finalement, puisque mes énoncés précédents sur la réalité du matériel didactique français vous portent sans doute à penser que les innovations pédagogiques ont généralement été produites, une à la fois, selon les besoins perçus par les diverses composantes du milieu collégial et moyennant les ressources disponibles hic et nunc, plutôt qu'en fonction d'une rigoureuse planification d'ensemble je vous confirme qu'une telle perception est juste, mais qu'elle devrait clairement être remplacée par une politique privilégiant une planification à long terme et s'inspirant de considérations pédagogiques qui reflètent les besoins des différents milieux collégiaux.

Le modèle québécois

par Nicole Brodeur

Introduction   

Je désire remercier la Fédération des francophones hors Québec de m'avoir invitée à ce colloque. Je suis d'abord heureuse de venir partager avec d'autres collègues préoccupés par l'enseignement collégial nos expériences québécoises. Ce plaisir est accentué pour une Franco-Ontarienne d'origine, née sur les bords du Lac Témiscamingue et qui a entrepris ses études primaires dans une école dite «séparée». Enfin, comme représentante du gouvernement québécois, je tiens à vous témoigner l'intérêt et la volonté de celui-ci à assister les francophones hors Québec dans leurs efforts pour se donner des services éducatifs qui correspondent à la spécificité de milieux francophones.

Cet atelier porte la préparation du matériel didactique et le développement professionnel continu. J'aborderai le sujet en décrivant les moyens utilisés pour favoriser le développement pédagogique dans les collèges publics du Québec. Nous avons favorisé une approche diversifiée. Quatre catégories de programmes ont été mis en place à cet effet, depuis la création des cégeps: les programmes de subventions à la production de matériel didactique; les programmes de perfectionnement et de recyclage destinés aux professeurs; les programmes de subventions à la recherche pédagogique et disciplinaire, spécifiquement destinés aux professeurs des collèges; divers programmes d'échanges professionnels tels la coopération avec d'autres pays et d'autres provinces, la tenue de colloques.

Il y a lieu, avant de traiter de chacune de ces catégories de rappeler quelques caractéristiques des collèges du Québec. Ils sont constitués en un réseau d'établissements (publics et privés5) dispensant des programmes d'enseignement conduisant, pour la majorité, à des diplômes décernés par le ministre de l'Enseignement supérieur, de la Science et de la Technologie, sur recommandation de leur conseil d'administration respectif. Il s'agit donc de programmes dits nationaux ou d'État. Ces programmes sont d'une durée de deux ans pour ceux qui mènent à l'université et d'une durée qui varie entre deux et trois ans pour les programmes professionnels qui conduisent au marché du travail. Ils sont élaborés et révisés par des comités pédagogiques qui regroupent des professeurs représentant tous les collèges concernés par ces programmes, en concertation avec des comités consultatifs provenant du monde du travail, des corporations professionnelles, des universités. C'est le ministère qui approuve les programmes, en fin de processus.

1- Le matériel didactique      

La direction générale de l'enseignement collégial offre aux collèges trois programmes de subventions à la production de documents didactiques; matériel didactique écrit; matériel didactique audio-visuel; matériel didactique informatisé.

Ces trois programmes sont complétés par des prix d'encouragement à la publication de matériel didactique et une exposition itinérante. Le service du développement de matériel didactique gère ces programmes qui représenteront environ 3 millions de dollars en 1985-1986. Ce service qui réunit environ vingt-cinq personnes, assure aussi une expertise technique aux collèges engagés dans des projets de production.

L'absence chronique de manuels en français et adaptés au contexte nord-américain pour l'enseignement technique est bien connue de tous; elle est toutefois déplorée plus vivement par les étudiants et les professeurs du secteur professionnel au collégial.

Conscient du problème, le ministère de l'Éducation a prévu, en 1978, dans son «Projet du gouvernement à l'endroit des cégeps», des mesures susceptibles de fournir à la clientèle de ce secteur, le matériel didactique de base en français, essentiel à la formation des étudiants.

L'objectif étant de permettre à l'étudiant la possibilité de s'instruire dans sa langue, la solution envisagée pour certains cours peut être la traduction d'un volume en anglais. Cependant, à cause des difficultés à obtenir, dans plusieurs cas, les droits d'auteur nécessaires à la traduction et parce qu'il faut encourager la production par des professeurs québécois, la rédaction de manuels originaux reste toujours la solution privilégiée.

Ce programme, réservé au secteur professionnel du collégial, est en marche depuis 1978-1979 et le ministère y a consacré un budget annuel moyen de quelque 600000$. Après des débuts plutôt lents, le programme va bon train6.

Un comité de la documentation didactique écrite où siègent des représentants des collèges (administrateurs, professionnels nonenseignants et professeurs) désignés par la Fédération des cégeps et des représentants de la Direction générale de l'enseignement collégial voit à :

  1. identifier les champs de l'enseignement collégial pour lesquels on reconnaît une carence majeure en matériel didactique pertinent en langue française;
  2. établir un plan de production qui tienne compte des priorités et des ressources matérielles et humaines.

L'audio-visuel faisant partie des principaux choix pédagogiques faits par les collèges, le ministère a voulu mettre au service du réseau collégial des ressources humaines et financières pour favoriser la production de documents audio-visuels originaux qui soient adaptés aux besoins des professeurs québécois.

Comme plusieurs collèges ont déjà formé des équipes de production efficaces et se sont dotés d'équipements importants, ce programme d'aide à la production audio-visuelle permet d'accroître la rentabilité de ces ressources. Par ailleurs, un autre aspect de ce programme est certainement d'aider les collèges moins favorisés en termes d'équipements ou de personnel, à développer des structures et à acquérir une expérience de production.

L'application de ce programme comprend deux temps forts: d'une part, l'inventaire des besoins et la formulation des projets où les collèges sont les seuls impliqués; d'autre part, l'acceptation et la réalisation des projets où les collèges et notre service du développement de matériel didactique sont impliqués selon leur compétence respective.

D'une façon générale, il appartient aux collèges d'exprimer leurs besoins dans le cadre de champs prioritaires et de critères qualitatifs. Cette expertise des collèges est faite, selon le cas, à partir de plusieurs intervenants: les professeurs par leurs plans de cours, les comités pédagogiques provinciaux lors de la rédaction des guides pédagogiques, les collèges lors de l'établissement de leurs objectifs et leurs priorités, enfin, la Direction générale de l'enseignement collégial par sa planification du développement du réseau et de ses activités de soutien à ce même réseau.

Chaque intervenant participant à l'inventaire des besoins peut formuler un projet qui pourra être l'expression d'un besoin de documents audio-visuels devant être conçus et réalisés par un ou des collèges, en coproduction avec notre direction.

Ce programme qui existe depuis sept ans a permis la réalisation d'environ cent cinquante productions avec un budget annuel de 200000$.

Depuis 1983-1984, il existe pour l'enseignement collégial un plan quinquennal de développement de la micro-informatique à des fins pédagogiques. Ce plan comprend plusieurs volets: introduction de la microinformatique dans les programmes de formation, logiciels, équipements, perfectionnement, recherche. Le volet «logiciels» porte sur la production et les achats regroupés de logiciels coûteux (système de gestion de base de données, système comptable, système-auteur). Le programme d'aide à la production de matériel didactique informatisé vise à produire et à rendre accessible aux collèges des logiciels de qualité et à développer une expertise quant aux divers aspects de la production de ce type de matériel didactique (techniques, pédagogiques et administratifs).

Il s'agit d'un programme nouveau auquel sera consacré plus de 2 millions de dollars en 1985-1986.

Nous avons institué le prix d'encouragement (prix du ministre) à la production de matériel didactique. Il existe une abondante production d'une qualité exceptionnelle à l'intérieur des collèges et dans les maisons d'édition du Québec. Le désir de sortir ce matériel de l'ombre, d'en souligner la qualité, d'en faciliter la diffusion, de même que le désir d'encourager les professeurs à produire, sont à l'origine du concours (il existe depuis 1978-1979).

Le ministère a remis en marche une exposition itinérante. On y retrouve l'ensemble des projets soumis au concours des prix d'encouragement et des productions subventionnées par le ministère. Cette exposition permet de faire connaître dans tout le réseau collégial et par là également augmenter le nombre d'auteurs qui soumettront leur candidature au concours des prix d'encouragement et ce, tant pour le matériel didactique écrit, audio-visuel qu'informatisé.

2- Les  programmes  de  perfectionnement et de recyclage destinés aux professeurs   

Les programmes de perfectionnement et de recyclage destinés aux professeurs des collèges relèvent de deux catégories: une première reliée à des dispositions contenues dans les conventions collectives; une seconde qui est constituée par des programmes de subventions gérés par le ministère.

Les dispositions des conventions collectives prévoient un budget local de perfectionnement alloué au per capita: ce budget tient compte de l'éloignement des centres universitaires (1,6 M$ pour le réseau). Les conventions prévoient aussi un programme de recyclage professionnel d'une durée de 2 ans pour les professeurs mis en disponibilité dans leur discipline. Les professeurs permanents bénéficient de la sécurité d'emploi. Ces deux programmes représenteront 4,4 M$ en 1985-1986.

Il existe trois programmes de subventions gouvernementaux qui totalisent un peu plus de 1 million de dollars:

Lorsqu'on traite de la formation et du perfectionnement des professeurs des collèges du Québec, on ne saurait passer sous silence le programme PERFORMA qui est entièrement pris en charge par près d'une quarantaine de collèges, avec la participation de l'Université de Sherbrooke. Il s'agit d'un modèle plutôt unique, où le perfectionnement réalisé dans les établissements mêmes sont crédités. Centré d'abord sur le perfectionnement pédagogique, PERFORMA s'oriente maintenant vers le perfectionnement disciplinaire.

3- les programmes de subventions a la recherche pédagogique et a la recherche disciplinaire 

Souvent implicite et parfois oubliée, la recherche au niveau de l'enseignement collégial est devenue explicite en 1980 avec la publication du Livre blanc du gouvernement sur une politique québécoise de la recherche.

La nature et les pratiques du corps professoral ont permis d'abord la réalisation de projets de recherches pédagogiques. Depuis 1972, le Programme de subvention à l'innovation pédagogique (1,1 M$ en 1985-1986) permet la réalisation annuelle d'une trentaine de projets.

En 1981, les enseignants des collèges ont également eu accès à la recherche disciplinaire et technologique dans le cadre d'un programme protégé (1 M$) et de plusieurs autres volets du Fonds pour la formation de chercheurs et l'aide à la recherche. Ils y participent depuis trois ans et réalisent en moyenne une trentaine de projets par année.

L'implication récente dans les collèges d'une douzaine de centres spécialisés dans certains secteurs-clés de l'économie québécoise, a aussi largement contribué au développement de la recherche appliquée dans les collèges. Les centres spécialisés ont aussi des mandats d'animation, d'aide technique et d'information auprès des entreprises qui relèvent de leur secteur respectif. Ces centres reçoivent des subventions d'encadrement (3 M$).

Depuis quelques mois, le ministère a entrepris, en relation avec ses partenaires dans le réseau, d'élaborer un document d'orientation du développement de la recherche dans les collèges. Le ministère qui consent déjà des ressources financières, humaines et matérielles à la réalisation de projets de recherche entend reconnaître un modèle de recherche correspondant aux responsabilités particulières des cégeps de demain.

4- les divers programmes d'échanges professionnels      

La coopération avec d'autres pays et avec le reste du Canada favorise le ressourcement professionnel des professeurs. Du côté des pays européens, la coopération s'est principalement développée avec la France, puis de façon plus modeste avec la Belgique. La coopération avec les États-Unis a démarré récemment. Au Canada, c'est surtout avec l'Ontario que les projets sont nombreux (échanges de professeurs, d'étudiants, etc.). Des démarches sont en cours pour développer la coopération avec les collèges du Manitoba, de l'Alberta et de la Colombie-Britannique.

La direction générale de l'enseignement collégial subventionne annuellement la tenue de quelques colloques organisés par les comités pédagogiques de professeurs, suivant les priorités de développement des programmes d'enseignement.

Le programme de soutien au transfert des ressources scientifiques vers l'entreprise permet aux professeurs chercheurs d'effectuer des stages dans des entreprises. Ce programme (1,5 M$) n'existe que depuis un an et est ouvert tant aux professeurs des universités qu'à ceux des collèges. Ce sont ces derniers toutefois qui en ont le plus largement bénéficié. Les entreprises, de leur côté, paraissent tirer profit de cet apport de ressources scientifiques.

Conclusion    

Durant l'année en cours, des efforts ont été consentis à une meilleure harmonisation de ces diverses catégories de programmes. Ces efforts devront être poursuivis afin d'optimiser les ressources consenties et de s'assurer que ces programmes contribuent aux objectifs de développement pédagogique, professionnel et scientifique pour lesquels ils ont été mis en place.

Résumé de la discussion     

Les participants reconnaissent l'importance de mettre à la disposition des enseignants des programmes de formation continue. Ils appuient les efforts effectués au Québec et en Ontario, mais ils ajoutent que la volonté des enseignants doit être soutenue par des conditions adéquates, conditions qu'il faut sans cesse améliorer!

On aimerait que des équipes de travail interprovinciales soient mises sur pied afin qu'on puisse profiter de l'expertise des uns et des autres. On souligne qu'il semble y avoir un désir de coopération entre les agences provinciales et que les institutions d'enseignement seraient heureuses de se joindre à de nouveaux mécanismes de concertation.

Enfin, pour la formation professionnelle des francophones hors Québec, on estime qu'un front commun de tous les intéressés est nécessaire afin qu'on précise (et adopte) une politique prévoyant l'attribution de fonds nationaux spécifiques aux enseignants de langue française.

Plénière et conclusion du colloque

L'assemblée plénière, présidée par M. Clinton Archibald, coordonnateur du colloque, n'avait pas pour but de faire adopter à la hâte une série de résolutions qui ne seraient que des voeux pieux.

Cependant, le professeur Gérard Étienne, de l'Université de Moncton, a «re-tablé», pour la plénière, les deux recommandations qu'il avait déjà proposées, lors de son exposé: d'abord, qu'un comité, mis sur pied par la F.F.H.Q., examine les moyens de structurer une concertation interinstitutionnelle afin de faire bénéficier chacune des communautés des avantages de l'enseignement à distance en français; ensuite, qu'un comité pluridisciplinaire permanent de la F.F.H.Q., avec des liens étroits avec le Secrétariat d'État, se penche sur toutes les questions d'ordre académique, financier et administratif relatives à l'enseignement postsecondaire en français, à l'extérieur du Québec. L'assemblée a dit souhaiter que les dirigeants de la fédération et des responsables du Secrétariat d'État se penchent sur ces deux propositions.

Au nom de la Fédération des jeunes Canadiens-Français, M. Jean-Pierre Maisonneuve a proposé qu'on publie dans les Actes du colloque, pour considération de la part des dirigeants de la F.F.H.Q., un ensemble de recommandations préparées par les jeunes participants au colloque. Ces propositions qui traitent, selon les thèmes majeurs du colloque, de l'accessibilité aux études postsecondaires, de l'éducation permanente, des programmes de qualité et de financement, sont reproduites in extenso à la fin du présent document.

On a proposé également la formation d'un réseau de télé-conférence, «à la grandeur du pays». On aimerait également que les institutions d'enseignement postsecondaire hors Québec réaffirment le principe suivant: les programmes de formation pédagogique doivent contenir des éléments de l'identité culturelle de la minorité de langue française. Les contenus des programmes nouveaux doivent aussi, estime-t-on, tenir compte des compétences et expériences des enseignants, tout autant que des besoins de la, ou des communautés.

On a également dit souhaiter que la F.F.H.Q. collabore à l'étude commencée à l'Université d'Ottawa sur les cours d'immersion en français, en Ontario, et qu'elle insiste pour qu'on étudie comparativement la même question pour tout le reste du pays. Dans la même veine, elle devrait chercher des moyens, de concert avec les autorités gouvernementales et les représentants des institutions postsecondaires hors Québec, d'accentuer la coopération entre les membres de l'Association canadienne de formation des maîtres.

Présentation du prix painchaud-léger

Lors du colloque, la Fédération des francophones hors Québec a décerné au journal Le Devoir son deuxième prix PainchaudLéger. Le directeur du journal créé par Henri Bourassa, M. Jean-Louis Roy, a accepté la plaque commémorant cet honneur.

Le professeur Clinton Archibald, coordonnateur du colloque, a rappelé, au nom de la F.F.H.Q., la courte histoire du prix Painchaud-Léger. Il a également souligné l'apport du Devoir à la cause des francophones hors Québec. Nous reproduisons ici les mots de présentation de ce prix.

Le prix painchaud-léger

C'est le 10 novembre 1984 que la F.F.H.Q. a créé ce prix afin d'honorer périodiquement la contribution de chercheurs, d'analystes ou même d'acteurs (politiques et autres) qui aident non seulement à faire connaître les minorités de langue française au Canada (à l'extérieur du Québec), mais qui cherchent également des solutions à l'amélioration de leur sort collectif.

Le premier prix a été décerné à l'écrivainhistorien Mason Wade dont les écrits sur les Canadiens-Français et la dualité canadienne ont dévoilé des talents quasi inégalés à ce jour. C'était lors du premier colloque des chercheurs sur la minorité de langue française hors Québec.

Qui sont Robert Painchaud et Jules Léger?

Robert Painchaud est né à Saint-Boniface en 1941. Il était historien à l'université de Winnipeg. Chercheur dévoué, il eut l'idée d'un centre pouvant conduire à la concertation des chercheurs de l'ouest. Il a écrit de nombreux essais sur l'Église et le mouvement des francophones dans l'ouest canadien, sur les métis, sur le peuplement et le développement des communautés francophones, sur les luttes scolaires des minorités de langue française.

Jules Léger, d'origine acadienne, mais né aux États-Unis, fut l'un des fondateurs de l'Association des historiens de l'Atlantique. Professeur à l'Université de Moncton, sa contribution à la compréhension de la spécificité acadienne s'étend sur un axe qui couvre des écrits remarquables (Les Acadiens et la guerre de Sept-Ans) tout autant qu'une participation active à des commissions scientifiques, comme celle des monuments et sites historiques.

Messieurs Painchaud et Léger sont morts en même temps, le 23 juin 1978, lorsque l'avion qui les transportait comme membres de la Commission canadienne des Musées s'écrasa lors d'un voyage officiel dans les provinces de l'Atlantique.

Le texte de présentation au journal le Devoir     

La Fédération des francophones hors Québec est heureuse de décerner au journal Le Devoir son deuxième prix Painchaud-Léger.

Le Devoir, par son goût pour l'excellence et par sa compréhension du sort des minorités de langue française au Canada, symbolise pour les autres médias et pour nous, un modèle à imiter. La qualité de ses textes de fond, son combat incessant pour l'amélioration du devenir de nos communautés, ainsi que sa passion à défendre la justice pour tous ont fait du journal Le Devoir un cas unique. Et cela depuis 75 ans!

Ottawa, 11 mai 1985 (remis au directeur, monsieur Jean-Louis Roy)

«Pour assurer le triomphe des idées sur les appétits, du bien public sur l'esprit de parti, il n'y a qu'un moyen: réveiller dans le peuple, et surtout dans les classes dirigeantes, le sentiment du devoir public sous toutes ses formes...» (Henri Bourassa, 10 janvier 1910)

Résolutions des jeunes participants (au nom de la Fédération des jeunes Canadiens-Français)

1- l'accessibilité aux études postsecondaires    

A)

ATTENDU QUE le taux de participation aux études postsecondaires des francophones hors Québec, et ce tant au niveau des études de premier, deuxième et troisième cycle, demeure inférieur à la moyenne canadienne;

ATTENDU QUE le niveau des revenus des communautés francophones hors Québec demeure inférieur à la moyenne canadienne;

ATTENDU QUE les étudiants francophones hors Québec doivent dans plusieurs cas quitter leur province d'origine afin de poursuivre des études postsecondaires;

IL EST RÉSOLU qu'une refonte du système d'aide financière destinée aux francophones hors Québec soit effectuée par le Secrétariat d'État en collaboration avec les instances provinciales concernées;

IL EST RÉSOLU que cette refonte débouche à un accroissement substantiel des bourses allouées aux étudiants et plus particulièrement à ceux inscrits dans des programmes jugés prioritaires en regard du développement des communautés francophones hors Québec, en prenant en considération la hausse du coût de la vie et des frais de scolarité;

IL EST RÉSOLU que cette refonte contienne des dispositions spéciales afin de faciliter les déplacements pour fin d'études;

IL EST RÉSOLU que les programmes d'aide financière qui découleront de cette refonte soient publicises en collaboration avec les organismes francophones hors Québec;

B.

ATTENDU QUE les institutions d'enseignement situées à l'extérieur du Québec offrant des programmes à caractère scientifique dans la langue de Shakespeare;

ATTENDU QUE les institutions québécoises offrant des programmes dans la langue de Molière recrutent prioritairement des étudiantes issu(e)s de leur propre province;

 IL EST RÉSOLU que la mise sur pied d'un réseau pan-canadien d'institutions d'enseignement collégial et universitaire soit planifié et négocié afin d'offrir intégralement des programmes dans les secteurs suivants:

IL EST RÉSOLU que des négociations soient entamées afin d'en arriver à des ententes relatives au transfert des crédits académiques d'une institution à l'autre;

C.

ATTENDU QUE les institutions postsecondaires doivent manifester une plus grande ouverture à l'égard du marché du travail;

ATTENDU Qu'une distinction quelque peu artificielle existe entre les collèges et les universités en ce qui a trait à leur mission respective;

IL EST RÉSOLU qu'une attention particulière soit accordée au concept de collège universitaire polyvalent.

2- éducation permanente     

A.

ATTENDU QUE le phénomène de l'analphabétisme propre aux communautés francophones hors Québec constitue un obstacle de taille à la poursuite des études postsecondaires ;

IL EST RÉSOLU que les institutions d'enseignement consacrent des ressources significatives afin de résorber cette situation;

ATTENDU QUE les anglophones issus des programmes d'immersion constituent une clientèle potentielle pour nos institutions postsecondaires;

IL EST RÉSOLU que nous acceptions chaleureusement ces diplômés de niveau secondaire à l'intérieur d'institutions homogènes de langue française, en autant que tous acceptent que ces institutions soient francophones de coeur et de culture.

3- pour des programmes de qualité

A.

ATTENDU QUE l'affectation des ressources humaines et matérielles destinées au développement de matériel pédagogique et à l'utilisation des nouvelles technologies éducatives s'avèrent plutôt limitée;

IL EST RÉSOLU qu'un programme de recherche et d'intervention soit initié, un consortium regroupant les institutions d'enseignement fréquentées par les francophones hors Québec dans le but de pallier aux insuffisances existantes;

B.

ATTENDU QUE l'université est un lieu privilégié d'épanouissement social et culturel;

ATTENDU QUE l'implication au niveau étudiant apporte un meilleur épanouissement ;

IL EST RÉSOLU que toutes les universités à travers le Canada suivent l'exemple de l'Université Laval offrant des crédits pour l'implication étudiante.

4- le financement  

ATTENDU QUE la Fédération des francophones hors Québec a initié une réflexion sur la question du financement des programmes de langues officielles dans l'enseignement, avec la publication de son rapport «À la recherche du milliard»;

IL EST RÉSOLU que la Fédération des francophones hors Québec réclame auprès du gouvernement fédéral l'élaboration de meilleures garanties en ce qui a trait à l'utilisation effective des sommes destinées au développement de programmes en français au niveau postsecondaire;

IL EST RÉSOLU que la Fédération des francophones hors Québec demande au Secrétariat d'État de compléter le rapport Johnson en y ajoutant une annexe relative à l'utilisation des fonds destinés pour le secteur francophone à l'extérieur du Québec.

Participants

Andrew, Caroline Science politique Université d'Ottawa, Ontario

 

Arbez, Gilbert Fédération des jeunes Canadiens-Français Ottawa, Ontario

 

Archambault, René Éducation pour la minorité francophone Ministère de l'Éducation Cravelbourg, Saskatchewan

 

Archibald, Clinton Politiques et management publics Faculté d'administration Université d'Ottawa, Ontario

 

Arsenault, Georges University of Prince Edward Island Charlottetown, I.-P.-E.

 

AuCoin, Jean-Roland Élaboration des programmes en français Ministère de l'Éducation Halifax, N.-Ecosse

 

Beaty, Stuart Bureau du Commissaire aux langues officielles Ottawa, Ontario

 

Beauchemin, Claire Université Laurentienne Sudbury, Ontario

 

Beaulieu, Claudette Éducation permanente Université de Moncton, N.-B.

Beauregard, Élise Admissions Collège Algonquin Ottawa, Ontario

 

Bédard, Donat Expositions itinérantes Gouvernement du Québec

 

Bélanger, Denis Comité de travail, Centre de main-d'oeuvre Collège Northern Timmins, Ontario

 

Bélanger, Mignonne Fédération des femmes Canadiennes-Françaises Ottawa, Ontario

 

Bélanger-Cowie, Rosanne Fédération des femmes Canadiennes-Françaises Ottawa, Ontario

 

Bérubé, Rhéal Développement universitaire Centre universitaire de Moncton, N.-B.

 

Bilodeau, Florent Collège Mathieu Gravelbourg, Saskatchewan

 

Blanchard-Boudreau, Mireille Orientation professionnelle pour les femmes Collège Bathurst, N.-B.

 

Blouin, Charles University of Prince Edward Island Charlottetown, I.-P.-E.

 

Bourque, Jacqueline S.A.l.C. Gouvernement du Québec

Bourque, Maurice Programmes en français Fédération canadienne des enseignants Ottawa, Ontario

 

Boyd, Robin Secrétariat d'État Ottawa, Ontario

 

Brassard, André Services en français Collège St-Laurent Cornwall, Ontario

 

Brisson-Noreau, Lise Secrétariat d'État Ottawa, Ontario

 

Brodeur, Nicole Ministère de l'Enseignement supérieur, de la Science et de la Technologie Gouvernement du Québec

 

Brossard, Monique École secondaire Charlebois Ottawa, Ontario

 

Brun, Orner Société des Acadiens du Nouveau-Bru nswick

 

Carrier, Denis Vice-recteur adjoint à l'enseignement et à la recherche, Université d'Ottawa, Ontario

 

Charbonneau, Paul Fédération des francophones de Terre-Neuve et du Labrador

(SUITE)

Chevrier, Richard Bureau du Commissaire aux langues officielles Ottawa, Ontario

 

Dallaire, Margot Collège Cambrian Sudbury, Ontario

 

Daniel, John Recteur, Université Laurentienne Sudbury, Ontario

 

D'Augerot-Arend, Sylvie Études pluridisciplinaires Collège universitaire Glendon, Toronto, Ontario

 

DeMuy, Guylaine ACFO Ottawa-Carleton Ottawa, Ontario

 

D'Entremont, Danielle Fédération acadienne de la Nouvelle-Ecosse

 

Desjardins, Pierre-Marcel Fédération des jeunes Canadiens-Français Dieppe, N.-B.

 

Dignard, Serge Éducation permanente Université Laurentienne Sudbury, Ontario

 

Dionne, Raoul Faculté des Arts Université de Moncton, N.-B.

 

Doiron, Roger F.F.H.Q. Ottawa, Ontario

 

Douville, Lucie Bureau du Commissaire aux langues officielles Edmonton, Alberta

 

Drainville, Bernard Fédération des étudiants de l'Ontario Toronto   Ontario

Dubé, Roxanne Université d'Ottawa, Ontario

 

Dubois, Gustave Association culturelle franco-canadienne de la Saskatchewan, Régina

 

Duguay, Huguette Société St-Thomas d'Aquin Summerside, l.-P.-E.

 

Dumont, Donald Fédération des francophones de Terre-Neuve et du Labrador

 

Duprey, Donald TV Ontario Toronto, Ontario

 

Etienne, Gérard Communications Université de Moncton, N.-B.

 

Filion, Jacqueline Collège Georgian Barrie, Ontario

 

Finn, Gérard Secrétariat d'État Ottawa, Ontario

 

Finn, Jean-Guy Sous-ministre, ministère des Collèges communautaires Frédéricton, N.-B.

 

Fortier, D'Iberville Commissaire aux langues officielles Ottawa, Ontario

 

Fortin, Denis Services en français Collège Northern Timmins, Ontario

 

Fortin, Toussaint Doyen des études de premier cycle, Université du Québec à Hull

Frappier, Roger Collège de technologie agricole et alimentaire d'Alfred, Ontario

 

Friolet, Yseult Fédération des Franco-Colombiens Vancouver, C.-B.

 

Gagnon,Jean Institut canadien de recherche sur le développement régional Université de Moncton, N.-B.

 

Gagnon, Renaud Sciences de l'éducation Université du

Québec à Chicoutimi, Québec

 

Gallant, Marius Ass. des conseillers scolaires du Nouveau-Brunswick Atholville, N.-B.

 

Garand, Linda Fédération des jeunes Canadiens-Français Ottawa, Ontario

 

Garigue, Philippe Collège universitaire Glendon, Toronto, Ontario

 

Gédéon, Jacques Directeur de l'information CBOFT Radio-Canada Ottawa, Ontario

 

Gélineau, Guy Vice-recteur U.Q.U.A.M. Montréal, Québec

 

Gervais, Gaétan Directeur de l'enseignement en français Université Laurentienne Sudbury, Ontario

(SUITE)

Gilbert, Fernand A.C.F.O. Ottawa, Ontario

 

Gillmore, Allan Ass. des Univ. et Collèges du Canada, Ottawa, Ontario

 

Goldenberg, Mark Secrétariat d'État Ottawa, Ontario

 

Guindon, Raymond Collège Northern Timmins, Ontario

 

Guindon, René A.C.F.O. Ottawa, Ontario

 

Gour, Alcide Collège Cambrian Sudbury, Ontario

 

Hamel, Bruno Université de Moncton, N.-B.

 

Hanson, Raymonde Sciences de la santé Collège Algonquin Ottawa, Ontario

 

Hébert, Gérard Fédération canadienne des Sciences sociales Ottawa, Ontario

 

Hébert, Raymond Collège universitaire St-Boniface, Manitoba

 

Henderson, Sandra Association des Franco-Yukonnais Whitehorse, Yukon

 

Héroux, Gilbert Collège universitaire de Hearst, Ontario

 

Isabelle, Laurent Ancien directeur du collège Algonquin Ottawa, Ontario

Jutras, Daniel Association canadienne d'Éducation de langue française, Sillery, Québec

 

Kempo, Olga Études québécoises Collège Capilano Vancouver,

C.-B.

 

Lacombe, Claude Ministère des Collèges et Universités, Toronto, Ontario

 

Lacombe, Trefflé Commission de la Fonction publique, Ottawa, Ontario

 

Lafontant, Jean Sociologie Collège St-Boniface, Manitoba

 

Laforêt, René Expositions itinérantes Gouvernement du Québec

 

Lalande, Gilles Sous-commissaire aux langues officielles Ottawa, Ontario

 

Lalonde, André Centre d'études bilingues Université de Régina, Saskatchewan

 

Lalonde, Roger Calgary, Alberta

 

Landry, Alain Secrétariat d'État Ottawa, Ontario

 

Landry, Monique Secrétaire parlementaire Secrétariat d'État Ottawa, Ontario

 

Lapointe, Jean Sociologie Université d'Ottawa, Ontario

Lapointe, Maryse Fédération des jeunes Canadiens-Français Edmonton, Alberta

 

Larocque, Gabriel Collège Canadore North Bay, Ontario

 

Lavoie, Pauline Fédération des jeunes Canadiens-Français Ottawa, Ontario

 

Leblanc, Claude Fédération des jeunes Canadiens-Français, N.-B.

 

Le Blanc, Gilles Fédération acadienne de la Nouvelle-Ecosse

 

Le Blanc, Jean-CLaude Bureau du Commissaire aux langues officielles Ottawa, Ontario

 

LeBlanc, Lomer Collège d'Edmunston, N.-B.

 

Le Blanc, Ronald Département d'économie Université de Moncton, N.-B.

 

Légère, Robert Association canadienne des professeurs d'universités Ottawa, Ontario

 

Leibu, Ygal U.Q.A.M. Montréal, Québec

 

Lemoyne, Hilaire Secrétariat d'État Ottawa, Ontario

 

Lepage, André-Pierre Sciences de la santé Collège Algonquin Ottawa, Ontario

(SUITE)

Lévesque, Jacqueline Association des Enseignantes/Enseignants franco-ontariens Ottawa, Ontario

 

Lortie, Gilles Société franco-manitobaine St-Boniface

 

Loveless, Glenn Ministère de l'Éducation St-Jean, Terre-Neuve

 

Luke, Michael Département de français Université Memorial St-Jean, T.-N.

 

MacDonald, Paule Canadian Parents for French, Vancouver, C.-B.

 

Mclntyre, Gérard Conseil des ministres de l'Éducation (Canada) Toronto, Ontario

 

McLaughlin, Adrienne Collège Algonquin Ottawa, Ontario

 

McLaughlin, Yvonne Association des conseillers scolaires, Moncton, N.-B.

 

McLean, Walter (Honorable) Secrétaire d'État du Canada Ottawa, Ontario

 

McMahon, Frank Faculté St-Jean Université de l'Aberta, Edmonton

 

Maisonneuve, Jean-Pierre Fédération des jeunes Canadiens-Français Ottawa, Ontario

 

Malette, Claude Gouvernement du Québec Secrétariat aux affaires in ter-gouvernementales canadiennes

Malenfant, Louis Sciences de l'éducation Université de Moncton, N.-B.

 

Mann-Trofimenkoff, Susan Université d'Ottawa, Ontario

 

Marchildon, Michel Fédération des jeunes Canadiens-Français Régina, Saskatchewan

 

Mayrand, Robert Collège Algonquin Ottawa, Ontario

 

Merzisen, Yves Littérature québécoise Collège Caribou Kamloops, C.-B.

 

Messier, Jean Université du Québec à Hull

 

Michaud, Renée Université de l'Alberta Edmonton

 

Neatby, Jacqueline Promotion des services en français en Ontario Ottawa, Ontario

 

Nogue, Alain Association canadienne-française de l'Alberta

 

Obadia, André Faculté d'éducation Université Simon Fraser Barnaby, C.-B.

 

Ouellette, Jocelyne Bureau du Québec à Ottawa, Ontario

 

Paquet, Gilles Faculté d'administration Université d'Ottawa, Ontario

Patry, Pierre Coopération extérieure Montréal, Québec

 

Paulhus, Marcel Collège de technologie agricole et alimentaire d'Alfred, Ontario

 

Pelletier, Pierre Éducation permanente Université d'Ottawa, Ontario

 

Poirier, Lionel Faculté d'arts appliqués Collège Algonquin Ottawa, Ontario

 

Potvin, Monique Direction Jeunesse Ottawa, Ontario

 

Préfontaine, Marielle Enseignement et recherche Université de Moncton, N.-B.

 

Rabinovitch, Robert Sous-secrétaire d'État Ottawa, Ontario

 

Raymond, Gérard Collège communautaire de Bathurst, N.B.

 

Régimbald, Wilda Collège Northern Timmins, Ontario

 

Robard, Andrée Chimie, Biochimie et physique, Collège Algonquin Ottawa, Ontario

 

Robichaud, Gary Fédération des jeunes Canadiens-Français île-du-Prince-Edouard

 

Robichaud, Jean-Marc Ministère de l'Enseignement supérieur du Québec

 

(SUITE)

Roy, Guy Bureau de l'éducation française Winnipeg, Manitoba

 

Roy, Jean-Louis Journal Le Devoir Montréal, Québec

 

Roy, Luc Fédération des jeunes Canadiens-Français St-Boniface, Manitoba

 

Ruest, Paul Collège St-Boniface, Manitoba

 

Runte, Roseann Université Ste-Anne, Pointe-de-l'Église, N.-E.

 

Ryan, Claudette Retour au travail Collège Algonquin Ottawa, Ontario

 

St-Denis, Yves F.F.H.Q.

Samson, Real Département de pédagogie Université Ste-Anne, N.-E.

 

Sargent, Janice Canadian Parents for French, Ottawa, Ontario

 

Savard, Pierre Centre de recherche en civilisation canadienne-française Université d'Ottawa, Ontario

Schweiger, Helmut Commission de l'enseignement supérieur des Maritimes Frédéricton, N.-B.

 

Shapiro, Bernard Ontario Insitute for Studies in Education, Toronto, Ontario

 

Socque, Marcel Bureau du Québec à Ottawa, Ontario

St-Jacques, Bernard Département of Linguistics University of B.C., Vancouver

 

St-Louis, Natalie Fédération des jeunes Canadiens-Français Moncton, N.-B.

 

Tardif, Claudette Programme de pédagogie Faculté St-Jean Université de l'Alberta, Edmonton

 

Thomas, Mireille Département de français Université Memorial St-Jean, T.-N.

Tremblay, Onésime Conseil de l'éducation franco-ontarienne Toronto, Ontario

 

Vachon, Diane Fédération des femmes canadiennes-françaises Ottawa, Ontario

 

Vachon, Roger Conseil consultatif de langue française Collège Northern Timmins, Ontario

 

Vienneau, Jean-Guy Faculté d'éducation Université de Moncton, N.-B.

 

Vigeant, Nicole Collège Niagara Welland, Ontario

 

Watters, Jean Éducation permanente Faculté St-Jean Université de l'Alberta, Edmonton

 

Whelan, Marcia Société St-Thomas d'Aquin Summerside, I.-P.-E

 

Wilhem, Bernard Département de français Université de Régina, Saskatchewan

DU BUREAU DE LA F.F.H.Q.

Gareau, Céline

Kemp, Johanne

Larocque, Manon

Marcoux, Roland

Morin, Jacinthe

Paiement, René-Marie

Notes

1 Groupe de travail sur les services universitaires en français, Rapport Préliminaire, Université d'Ottawa, juin 1983.
2 Ibidem.
3 C'est le sens que nous donnerons au terme francophone dans ce texte.
* On trouvera en appendice les références complètes des ouvrages cités.
4 Il s'agit de Harley (1979) ; Beniak, Mougeon et Côté (1980); Beniak. Mougeon et Canale (1979) et Canale, Mougeon et Beniak (1978).
5 En 1984-1985, les 44 collèges publics dispensaient l'enseignement à 139000 étudiants à temps plein à l'enseignement régulier et à 67000 personnes inscrites à l'éducation des adultes à temps plein et à temps partiel. Les 43 collèges privés recevaient 21500 étudiants.
6 52 manuels sont déjà parus: 20 manuels paraîtront d'ici la fin 1985.
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