En 1995-96, la dette moyenne des étudiants ayant fréquenté une école professionnelle non subventionnée était de 15 644 $, une dette plus élevée que chez lensemble des étudiants. Les difficultés de remboursement étaient aussi beaucoup plus marquées : « 40% des ex-étudiants - ce taux pouvant atteindre 60% dans certains établissements - ont de la difficulté à rembourser leur dette. On constate que 8%-16% dans certains établissements - de ces personnes déclarent faillite, parfois même dès la fin de leurs études. À titre comparatif, le taux de défaut de paiement est de 7% dans les collèges subventionnés, alors quil atteint 22%, cest-à-dire quil est trois fois plus élevé, lorsque létablissement denseignement est non subventionné. »Devant lampleur du problème, dans le rapport quil déposait en septembre 1997, le Comité dexperts recommande : « Que le ministère de lÉducation analyse la problématique entourant les difficultés de remboursement des étudiants ayant fréquenté ces établissements denseignement professionnel non subventionnés afin de déterminer, entre autres, si les montants maximaux de prêts, qui comprennent les droits de scolarité, sont appropriés » . De toute évidence, le ministère en est vite arrivé à la conclusion que non. Dans la série de modifications au Règlement sur laide
financière aux études, quil publiait le 25 février dernier, il annonçait déjà son intention de réduire de 17 000 $ à 9 300 $ les prêts aux étudiants qui fréquentent ces écoles, en plus dabolir complètement le régime de bourses.Cette approche, selon nous, ne sattaque pas au fond du problème qui dépasse la question de lendettement ou les difficultés de remboursement des étudiants qui ont fréquenté ces écoles. Cette situation découle directement dune série de lacunes sur le plan de lencadrement de ces établissements par le ministère de lÉducation. Malgré le fait que nous ayons déjà soulevé le problème à maintes reprises, plusieurs collèges font encore régulièrement lobjet de plaintes. Le cas de Madame Lagueux est un bon exemple. Après avoir obtenu son diplôme du Collège délectronique de Québec, en février 97, elle intentait un recours collectif contre létablissement. Ses griefs portent notamment sur le manque de personnel enseignant, la sous-qualification des professeurs, lencadrement insuffisant des étudiants et les fausses promesses demploi.
Un cas typique
Son cas est typique de ce que vivent souvent les personnes qui choisissent dacquérir une formation dans un établissement denseignement non subventionné. Attirée par les perspectives dobtenir un emploi manuel, malgré une formation universitaire poussée, elle décide dentreprendre une formation en informatique pour apprendre à réparer les ordinateurs. Le feu de son enthousiasme initial était alimenté, entre autres choses, par les campagnes promotionnelles du Collège délectronique qui faisaient miroiter des possibilités dembauche hors du commun. Elle a toutefois vite déchanté. Alors que ses professeurs faisaient état en classe dun taux de placement de 80%, 85%, le Cégep de Limoilou, qui donnait le même cours, parlait dun taux de placement de seulement 1%.Elle sétonne que le ministère de lÉducation nexerce pas un contrôle plus serré sur la qualité des programmes offerts aux étudiants. Son périple au Collège délectronique lui aura coûté environ 23 000 $. Comme elle na toujours pas demploi, un an après avoir obtenu son diplôme, elle ne peut faire face au remboursement de ses dettes. Se sentant lésée et victime de fausse représentation, elle a décidé de sortir lartillerie lourde. Si la requête en recours collectif porte fruit, le Collège devra verser quinze millions de dollars en dédommagement aux 600 personnes qui ont connu le même sort quelle. Mais son geste vise surtout à forcer le gouvernement à contrôler plus sévèrement les activités de ces écoles.
Un ménage simpose
Il est grand temps que le ministère de lÉducation fasse le ménage dans cette industrie. Des plaintes nous sont régulièrement transmises dans les ACEF, concernant la piètre qualité des formations, la sous-qualification et l'incompétence des professeurs, les manuels scolaires et les équipements informatiques désuets (les plaintes émanent le plus souvent des écoles de formation en informatique), l'insuffisance de matériel, les critères d'admission inadéquats, le coût élevé des formations en regard du diplôme obtenu (qui souvent nest même pas reconnu par les employeurs), les fausses promesses d'emploi et de stage (les emplois offerts, lorsquil y en a, sont très souvent sous-qualifiés et à bas salaires).Un gouffre financier
Ces formations coûteuses débouchent trop souvent sur un cul-de-sac pour les étudiants. Ils sont forcés de revenir à la case départ, avec en prime une dette énorme quils sont incapables de rembourser. Pour régler le problème, le ministère de lÉducation doit se donner les moyens d'évaluer en profondeur la qualité des formations et les perspectives demploi. Il faudrait aussi rendre accessible le même type de formation dans le réseau public, des formations de qualité et gratuites. De plus, lorsqu'une école fait l'objet d'une plainte, le renouvellement de son permis devrait être conditionnel aux efforts faits pour corriger la situation, de façon à ne conserver que les bonnes écoles. Il faudrait enfin une véritable concertation entre les différentes instances gouvernementales, tant fédérales que provinciales, (C.S.S.T., Assurance-Emploi, Sécurité du revenu etc.), qui réfèrent un grand nombre détudiants à ces établissements qui se disent non subventionnés, mais qui en fait engloutissent des sommes énormes provenant de fonds publics, sans que les étudiants nen tirent aucun bénéfice.Source : Charles Cyr. "Les écoles professionnelles privées : un cas particulier". Changements vol. 7, no 2. Fédération des ACEF. Mars 1998, p. 7.