L'éducation populaire, une nécessité pour l'avancement de la justice sociale

29 février 1996

tirage: 6 000

Hêtre ou ne pas hêtre de l'ÉPA?

Par Mise au jeu Montréal

Ce journal est constitué d'extraits de présentations des personnes-ressources lors du Colloque du MÉPACQ. Certains de ces textes sont disponibles en version intégrale à votre Table régionale en ÉPA.

Table des matières

Notes

 

Asdémène et Autonome devant l'hêtre de l'ÉPA

II était une fois, dans un petit pays où il fait bon vivre (du moins en statistiques),deux vaillantes amies qui travaillaient pour le mieux-être de leur communauté. Hélas! Plusieurs étaient victimes d'une abrutissante maladie, nommée la maladie de l'inconscience. Pour anéantir ce fléau, un seul remède existait: l'élixir d'ÉPA, une potion naturelle fabriquée à base d'un fruit qu'on ne retrouvait que dans un seul arbre, l'hêtre de l'ÉPA. Alors, nos deux complices munies de leur guide d'interprétation des plantes médicinales nationales, partirent à la recherche du puissant arbre, dans la grande et riche forêt de leur petit pays. C'était la nuit, elles avançaient à petits pas...

•Autonome, penses-tu qu'on va y arriver? Je me demande si je vais encore être capable de le reconnaître notre arbre, la forêt a tellement poussé.

0 Voyons Asdémène, ce n'est pas la première fois qu'on vient ici.

• Oui, mais ça fait longtemps.

0 On a tout ce qu'il faut. En tous cas, j'ai amené le livre.

• As-tu amené le sac?

0 Le sac? le sac, le sac... Avant de prendre le sac, vaut mieux être sûr de ce qu'on va mettre dedans.

• Tu as bien raison

0 Asdémène, Asdémène,viens voir. Qu'est-ce que c'est?

• Attends, passe-moi le guide... Tronc large, racines de surface, feuillage ambitieux, fruits rares,très épineux. Ah! c est ce fameux petit arbre à deux lettres... c'est un if, un if du Canada.

0 Un "if?

• De plus, son feuillage est permanent. Toujours le même!

0 Aïe, c'est un arbre encombrant, allons voir ailleurs. Gambadons par là!

• Autonome. Regarde les aiguilles de celui-ci.

0 Ah ! Je reconnais, ce sont des malaises, des malaises québécois. Racine principale celle du service, le tronc est large, il attire le regard vers ses vertes aiguilles. Attention, la consommation de celles-ci peut encourager la dépendance.

• Ça ne m'inspire pas. Ce n'est pas avec ça qu'on va guérir nos gens de leur inconscience. Trottons plus loin.

0 Qu'est-ce que c'est que ça? Ah qu'il est beau!

• Regarde les racines. Il y en a trois principales assez charnues, elles ont l'air profondes. Qu'est-ce qu'ils disent dans le guide?

0 Attends, je le cherche... être de l'ÉPA ... être de l'ÉPA...

• Ne cherche pas dans les "E", ça commence par "H", H-ê-t-r-e.

* Ah! bon... Oui, c'est très caractéristique à l'hêtre de l'ÉPA, les trois racines: celle de la démarche collective, celle de la prise en charge et la racine du changement social.

• Et le tronc, solide regarde l'écorce toute veinée.

* Ça, ce sont les multiples réseaux entre les personnes, les groupes, les secteurs.

• II y a même des noeuds.

* L'autocritique, ça renforce la charpente!

• On sent la sève monter...

* L'hêtre de l'ÉPA pousse surtout dans les terres les plus pauvres. Il s'enracine dans les sols les plus rocailleux, il jaillit de la misère et transforme son milieu...

• Regarde ses fruits, tout lumineux...

* Des petites victoires, des luttes engagées, des actions concrètes pour un mieux-être collectif.

• C'est ça qui va fortifier nos gens. Ça va leur donner du pouvoir pour transformer leur milieu. Décidément, c'est notre arbre! L'hêtre de l'Éducation Populaire Autonome.

Une petite histoire du MÉPACQ et de son Colloque des groupes de base

Le Mouvement d'éducation populaire et d'action communautaire du Québec (MÉPACQ) est un regroupement national issu de la volonté de quatre Tables régionales d'éducation populaire autonome (ÉPA) (Estrie, Outaouais, Québec et Montréal) d'élargir le mouvement aux autres régions du Québec. Réunies en 1975 au sein de l'Institut canadien d'éducation des adultes (ICÉA), ces quatre Tables forment en 1978 un Comité de coordination autonome. Le MÉPACQ est incorporé en 1981 et compte aujourd'hui 11 Tables régionales qui, elles-mêmes, regroupent environ 400 groupes populaires et communautaires.


C'est lors de son congrès d'orientation de 1990 que le MÉPACQ prend la décision d'organiser une première rencontre des groupes de base en ÉPA. Les objectifs en seront: échanger et renforcer les pratiques en éducation populaire autonome, améliorer les liens d'appartenance et améliorer la cohésion du mouvement. Après de nombreuses discussions plus enrichissantes les unes que les autres, la date et le thème du Colloque sont décidés: le Colloque du MÉPACQ aura lieu les 27-28 et 29 octobre 1995 et le thème sera: L'éducation populaire autonome une nécessité pour l'avancement de la justice sociale.

Justice sociale, équité, égalité: Défis et enjeux pour le mouvement populaire

Depuis les années 80, la population du Québec assiste à un retrait progressif de l'État-providence. La lutte au déficit justifie toutes les mesures prises par nos politiciens et politiciennes pour sabrer dans les programmes sociaux. En situation de pénurie, nous dit-on, il faut se "responsabiliser" et rationaliser les ressources; "question d'assainir les finances publiques!" Pourtant, la démarche entreprise pas nos élus-e-s n'est pas isolée. Elle s'inscrit dans la percée fulgurante des valeurs néo-libérales: profit, production maximale, rentabilité, performance, efficience, main-d'oeuvre moins coûteuse etc... À l'échelle mondiale, les rapports de force se modifient au profit des intérêts d'un groupe restreint de multinationales au détriment de l'intérêt et du bien-être public. Plusieurs acquis sociaux sont éliminés, d'autres sont menacés. Les emplois sont de plus en plus précaires et font place à des mesures d'employabilité, au bénévolat "forcément consenti". La pauvreté augmente sans cesse, le clivage des classes sociales s'accentue. La détérioration des conditions de vie d'une large partie de la population s'impose, bref, l'augmentation de la pauvreté est à l'honneur!

NOTRE PROJET DE SOCIÉTÉ ÉBRANLÉ

Les nombreuses régionalisations amorcées ont imposé de nouveaux lieux de concertation, la création d'une multitude de regroupements et de "nouveaux partenaires". Cette situation a eu plusieurs incidences pour nos organismes: surcharge de travail, manque de ressources humaines et financières pour assumer toutes ces représentations. Ces dernières sont souvent faites au détriment de nos propres regroupements régionaux et nationaux constituant ainsi une menace à la cohésion de notre mouvement et nous isolant de nos "allié-e-s historiques". Les délais très courts qui nous sont imposés par les "diverses instances partenariales" ne respectent ni notre vie démocratique ou associative, ni le manque de ressources qui nous caractérisent. Nous devons intervenir rapidement dans des dossiers qui nous sont parfois étrangers, (ex: achat d'ordinateurs ou d'équipements dans les hôpitaux décidé par les personnes siégeant à un C.A. d'une Régie Régionale dont les représentant-e-s des organismes communautaires). Par ailleurs, le financement de plus en plus conditionnel à notre participation, attribué par programmes ou en fonction de "populations ou clientèles à risque" n'intervient-il pas sur notre autonomie, sur notre approche globale et sur nos objectifs de base; influençant ainsi nos prises de décisions. N'avons -nous pas tendance à adapter notre discours, notre langage, à concéder ou à taire nos analyses, nos revendications en fonction des priorités imposées par la conjoncture du moment? Ne risque-t-on pas de devenir des sous-traitants des institutions, au détriment de notre projet de société initial. Ce qui nous confinerait à gérer la pauvreté plutôt que de travailler largement avec la population à carrément l'éliminer.

POUR NE PAS CONCLURE...

Les défis qui se présentent aux groupes populaires sont de taille, comme le souligne si justement Daniel Laprès1: " Sans cesse, les pouvoirs politiques et économiques imposent recul sur recul, contribuant directement à rendre les conditions de vie de la population de plus en plus précaires" d'où l'importance de "reconsidérer et questionner notre participation aux concertations avec l'État, les entreprises ou l'entrepreneurship communautaire." Au départ, nous devons porter un regard lucide et critique sur l'impact social que nous avons réellement, sur les stratégies que nous adoptons et sur nos modes de fonctionnement. Nous devons également développer de nouveaux plans d'actions plus "combatifs et plus énergiques" afin qu'émerge une "véritable citoyenneté politique" porteuse de justice sociale, d'équité, d'égalité. Pour cela, nous devons redoubler nos efforts afin que nos revendications et nos actions soient entendues et supportées par une grande partie de la population, et non seulement par les personnes qui consultent ou qui travaillent dans nos propres groupes.

En ce sens, nous devons occuper massivement "l'espace public", redoubler nos efforts si nous voulons créer un réel rapport de force face aux pouvoirs existants et assurer des "ripostes efficaces", garantes de changement social profond. Nous croyons profondément que le mouvement populaire peut et doit jouer un rôle de premier plan dans cette difficile mais combien captivante aventure.

L'équipe du journal

Et le Chat-État sorti du "S.A.C." pour essayer de mettre la main sur la Souris-Autonomie. À suivre...

La fable du loup et du chien

II était une fois un loup qui avait très faim. S'approchant d'une ferme, il apperçut un chien. "Mon dieu, ce que tu es maigre mon pauvre loup", lui cria le chien. Le loup, affamé, se montra curieux. "Comment se fait-il que toi, tu aies l'air aussi vigoureux?", demanda-t-il.

"Je me porte très bien parce que je suis bien nourri par le maître de la ferme. À tous les jours le maître me tend tout ses restes répondit le chien. "Je suis sûr que tu pourrais manger avec nous si tu le désires", ajouta-t-il. Le loup, intéressé par l'offre, s'étonna tout de même de ce que le chien portait autour du cou. Il le questionna encore. "Ah ça, c'est juste un collier. On l'attache à une corde parce que le maître veut qu'on protège la ferme et qu'on ne s'éloigne pas."

Le loup prestement s'enfuit sans manger...

Tiré de Vie ouvrière, mai-juin 1995.

Mouvement d'éducation populaire et d'action communautaire du Québec" 3575, Boul. St-Laurent #202, Montréal, H2X 2T7 Tél.: (514)843-3236 Fax.: (514)843-6512

Nous tenons à remercier, pour leurs contributions financières qui ont facilité la réalisation du Colloque et de ce Journal: La Conférence Religieuse Canadienne section Québec, Le Ministère de l'Éducation du Québec, Centraide et la Centrale de l'Enseignement du Québec.


Equipe du journal

Hélène Beauregard Christiane Gadoury Normand Gilbert Johanne Marcotte Ghyslaine Morin-Jolette


Editeur Le MÉPACQ

Impression: The Record, Sherbrooke

Mise en page: Christiane Gadoury et Normand Gilbert

Conrrection : Louise Daigle et Joanne Dutil

Secrétariat: Mylène Boisvert

Réseau de distribution: Groupes membres du réseau

MÉPACQ, fédérations nationales, communautés

religieuses et autres.

Tirage: 6,000 copies

COMMENT ÇA, VOUS NE RAMEZ PLUS ? VOUS M'ÉTONNEZ. FERNANDEZ, SOMMES-NOUS,OUI OU NOM,DANS LE MÊME BATEAU?

L'État et nous

Désengagement ou «des engagements»?

Par Pierre Valois

Qui sommes-nous? Dans son livre Le partenariat à l'épreuve,2 Jocelyne Lamoureux, mentionne qu'il existe trois grands champs d'intervention dans lesquels se meuvent les groupes populaires et communautaires:"Il y a la fonction de promotion et de défense des droits, celle de la socialisation et enfin celle de services. Plusieurs groupes et associations du mouvement communautaire touchent à une ou plusieurs de ces grandes catégories d'activités ou ont clairement une dominante qui les caractérise". Ce que nous pouvons ajouter c'est qu'une large proportion de ces organismes sont nés ou naissent là où des personnes prennent conscience d'un problème à résoudre, d'un besoin auquel ils doivent répondre. Pour être plus précis nous pouvons dire qu'un groupe populaire ou communautaire autonome naît de l'initiative des gens à la base et existe pour apporter des solutions à ces problèmes et à répondre aux besoins identifiés par une démarche collective.

Face à une conjoncture que nous et nos groupes avons une certaine difficulté à appréhender, nous assistons depuis quelques années à la mise à jour de problématiques de tout ordre Un mélimélo dans lequel on a de plus en plus de difficultés à se retrouver Se pourrait-il que la réalité soit devenue à ce point complexe qu'on n'y voit plus la possibilité d'intervenir sur notre propre avenir comme homme, comme femme, comme citoyen? "Salutaire pour la réflexion, la complexité est mortelle pour l'action: la passivité de l'opinion publique n'a pas d'autre origine. A une époque où l'histoire revient en bourrasque, dans une écrasante accumulation de faits, comprendre, simplement comprendre ce qui se passe devient de plus en plus difficile (et la notion de complexité est devenue le nouveau fétiche intellectuel pour consacrer notre impuissance) 3 Cette complexité ne don pas nous aveugler et nous empêcher de revenir aux textes fondateurs de nos organismes, à la mission initiale de ceux-ci. Bien sûr certains aménagements pourront être apportés, mais ils ne devront pas remettre en question nos désirs de justice, d'égalité et de solidarité.

Dans quel contexte agissons-nous?

De plus en plus de textes mentionnent la possibilité d'une certaine inégalité d'une égalité à géométrie variable qui varie invariablement vers le bas; seront alors égaux les démunis et les exclus. En abdiquant, l'État contribue à la variabilité, à la paupérisation d'une fraction de plus en plus grande de la population; tandis que les autres bénéficieront de toutes les possibilités que permet la liberté comprise au sens libéral du terme. des réformes importantes de nos politiques sociales. Ces réformes constituent en fait une application sociale des changements économiques. Pour les populations visées, les pertes financières ne sont pas les seuls effets de ces réformes. Ces coupures s'opèrent par un contrôle accru et ce, au détriment du respect des droits démocratiques élémentaires: non-reconnaissance du droit à la vie privé, stigmatisation des bénéficiaires, non-application de la loi des normes minimales du travail, etc

Au sujet du désengagement de l'État, nous rencontrons diverses positions qui ne sont pas toutes synonymes, loin de là Prenons par exemple le discours du président de la Banque Nationale devant le Canadian club d'Ottawa qui dit "Il faut changer le régime d'assurance-chômage, même si cela signifie la fermeture de régions entières qui sont incapables d'offrir autre chose que des emplois saisonniers Les plus faibles et les plus pauvres vont se défendre. Placez-les dans un contexte où ils ont à se débattre, où ilsdoivent améliorer leur sort et vous allez être surpris des progrès qu'ils vont faire 4

Pour d'autres encore, surtout économistes et consorts, les finances publiques ne peuvent plus supporter le fardeau des dépenses, le déficit et ta dette deviennent les leitmotive derrière lesquels un nouveau discours émerge de nos propres rangs.

La poursuite de l'eldorado néo-libéral se fera à un prix que nous ne pouvons pas encore calculer, à des reculs dans les mesures sociales qu'il est difficile d'imaginer On peut voir la pointe de l'iceberg lorsque l'on regarde agir Mike Harris, premier ministre de l'Ontario

Impact du désengagement dans nos groupes

A première vue je dirais qu'il y a impact réel lorsque la mission de nos organismes se trouve radicalement changée, lorsque le désengagement ne nous permet plus de mettre nos aspirations de l'avant. Ce qui n'empêche pas que nous soyons confrontés quotidiennement dans nos pratiques, dans notre discours, au poids de l'idéologie dominante qui lui a un réel impact dans la population, donc chez les gens qui viennent dans nos bureaux et qui militent dans nos groupes

Certains ont choisi

Au moment où l'État se désengage les mots à la mode sont: concertation, efficacité, développement économique local et le non moins célèbre partenariat Tous utilisés dans un même sens, vers la même aspiration: redonner a l'humain le sens de la vie en passant par le travail. Nous assistons ici à un mariage entre un libéralisme décrié et une forme d'autogestion contribuant d'une part, à remettre en cause une part importante du rôle de l'État et d'autre part, favorisant la montée du discours individualisant les problèmes et les réponses à ceux-ci. Une autre maxime tout aussi célèbre nous enseigne depuis quelque temps à penser globalement pour agir localement Cependant nulle part je ne vois dans ce qui se réalise, dans le cadre du développement économique local, une analyse du contexte de mondialisation, de révolution informationnelle et de libre-échange continental

En outre, cette nouvelle voie à laquelle les organismes communautaires semblent conviés, consacre la montée irrépressible des petits boulots, de l'importance du travail souterrain ou au noir, cette tendance va jusqu'à revamper la notion de troc, alors que nous parlons d'internationalisation des échanges commerciaux, de spéculation monétaire à l'échelle planétaire. Faut-il réellement que nous nous abrutissions dans ce type de travail pour atteindre notre humanité? 11 est primordial que le secteur populaire et communautaire se questionne sur ces grands changements de société. Il doit résister à la tentation facile que cautionne cette restructuration économique qui, en fait, génère un phénomène endémique de pauvreté contre lequel il lutte fondamentalement

La société civile comme lieu d'ancrage

Actuellement il est clair que la politique est à la remorque d'une pensée qui émane des grandes corporations, des banques et des autres tenants du désengagement Si comme moi vous croyez que la lutte politique ne mène plus nécessairement à la prise du pouvoir dans un hypothétique grand soir, il serait peut-être intéressant de voir où nos actions politiques pourraient s'inscrire

Depuis les trente dernières années l'un des projets auxquels nous nous sommes attelés a été de faire en sorte que l'État assure une meilleure répartition des richesses, tout en permettant une autonomisation5 réelle des citoyennes et citoyens bénéficiant du support de l'État. Le travail qui nous reste à faire, comme partie prenante de la société civile qui fonde dans une certaine mesure l'État lui-même6, est maintenant d'agir dans un cadre qui permettrait d'éviter le danger de repli sur les identités catégorielles tout en ayant comme souci de remédier aux injustices sociales.

En guise de conclusion

Les années '60 et '70 ont été les années d'émergence des groupes populaires et de la mise à jour de problématiques sociales importantes. Les années '80 ont été caractérisées par une multiplication du nombre de groupes et des champs d'intervention. Elles représentent aussi une certaine maturité dans le fonctionnement des groupes (malgré la précarité du financement). Il semble que les années '90 seront celles du partenariat et du développement économique local7. Cette impression revient souvent mais devrait-elle représenter l'unique rôle que les groupes seront appelés à jouer comme force sociale dans le Québec de demain?

C'est sur ce rôle que nous devons nous questionner avant que l'État et l'entreprise privée ne le définissent sans nous, à notre insu. Il nous apparaît de plus en plus urgent d'imposer notre présence comme groupes populaires et communautaires dans le nouveau projet de société qui se dessine au Québec II faut remettre sur la table les valeurs que nous partageons si nous les partageons toujours et qui sont absentes du discours "rétrolibéral" actuellement dominant au Québec sinon, désemparé, le citoyen risque toujours d'abandonner ses droits et sa responsabilité à un "sauveur" et à un "caudillo" quelconque 8

De plus en plus de textes mentionnent la possibilité d'une certaine inégalité d'une égalité à géométrie variable qui varie invariablement vers le bas; seront alors égaux les démunis et les exclus. En abdiquant, l'État contribue à la variabilité, à la paupérisation d'une fraction de plus en plus grande de la population; tandis que les autres bénéficieront de toutes les possibilités que permet la liberté comprise au sens libéral du terme.

Programmes gouvernementaux

La gestion des pauvres par les groupes?

Par Carole Girard

Peut-on parier de gestion des pauvres par les groupes, lorsque ceux-ci sont eux-mêmes confrontés au problème de sous-financement et de survie? À partir du moment où l'on sait que c'est un problème de sous-financement qui a amené les groupes à dépendre de plus en plus des programmes, ne faut-il pas plutôt questionner comment l'État récupère cette situation de précarité financière des groupes. Les groupes n'ont pas initialement voulu gérer la pauvreté. Bien avant la réforme de la loi 37 plus communément appelée la loi de l'aide sociale, les organismes sans but lucratif étaient déjà actifs dans le champ de l'employabilité. Ils répondaient avant tout aux demandes spécifiques de groupes dits défavorisés, tels les jeunes et les femmes qui revendiquaient leur juste place dans toutes les sphères de la société, y compris dans le monde du marché du travail. Et je suis certaine que vous pourrez en identifier bien d'autres.

On peut dire que la réforme de l'aide sociale a repris à son compte des ingrédients déjà en place, mais selon ses propres objectifs. L'État cherchait un terrain d'exercice se rapprochant du milieu de travail mais qui n'était pas régi par les mêmes contraintes. Alors quoi de mieux que le monde des services communautaires.

Le Gouvernement, en plus des CIT., financera la mise sur pied de projets expérimentaux (projet C.I.T amélioré) en aide domestique, implantera des Carrefour Jeunesse Emploi, avec les budgets du Secrétariat à l'action communautaire et je pourrais allonger la liste...Dans ce contexte, il n'y a pas de quoi être tranquille.

Une reconnaissance douteuse...

Le gouvernement soutient qu'il reconnaît le communautaire, mais il veut financer les groupes qui feront exclusivement ou presque de l'employabilité en créant des emplois socialement utiles. L'enrobage concernant les programmes d'employabilité est différent, mais son application est plus contrôlante que ce que nous avions connu jusqu'à maintenant. Les programmes porteront un autre nom, mais la finalité sera la même. Pour les groupes la marge de manoeuvre est très mince. Le gouvernement reconnaît le communautaire? Moi je décode qu'il récupère le communautaire, en affirmant par-dessus le marché, que nous sommes partenaires.

Nous pouvions jusqu'à aujourd'hui faire de beaux codes d'éthique et libérer notre conscience en nous convainquant que nous n'étions pas des exploiteurs de maind'oeuvre à bon marché. Nous pouvions continuer de dénoncer tout en espérant pouvoir changer les règles du jeu, même si dans les faits nous étions complices involontaires de ce système

Si nous devons dépendre encore davantage des programmes Extra, PAIE, Stage, P.DE, Article 25, etc., ou carrément nous transformer en C.I.T., aurons-nous encore le temps d'assumer notre rôle critique face à l'État. Où sera notre beau projet de société si nous devenons des créateurs d'emplois à la solde de l'État. Serons-nous une vaste entreprise de sous-traitance sociale? Gestionnaire des pauvres, le serons-nous maintenant et en toute connaissance de cause?

Une autonomie "fragilisée"

La menace est bien présente. Notre autonomie est plus; que remise en cause, sans compter que les personnes n'auront pas une participation volontaire dans les organismes. Et serons-nous confrontés une fois de plus à notre double discours? D'une part dénoncer l'employabilité tout en étant dedans jusqu'aux oreilles. Vivrons-nous de façon plus accentuée nos grandes contradictions entre notre mission sociale et notre dépendance aux programmes?

Oui nous vivons un grand malaise. À part le fait d'être plus que vigilant et critique de ce que l'on nous impose par le haut, il nous faudra faire preuve d'autocritique. Nous devrons être plus que jamais conséquents avec le discours que nous portons

Je compare la réalité des groupes à celle de l'individu qui doit assumer sa survie. Peut-on se permettre de juger une personne qui participe à une mesure en sachant fort bien qu'elle s'y voit contrainte? De la même façon il est très délicat de juger un groupe en situation de survie.

La division menace aussi les groupes. Les programmes d'employabilité et les lois qui les régissent sont la pointe de l'iceberg. Nous devrons voir plus loin que la surface. Nous aurions une belle excuse devant notre incapacité à trancher, de pouvoir dire que le mouvement communautaire est divisé à cause des lois et des programmes. Je sais que cette situation tiraillante nous met en situation de risque, quant à la solidarité du mouvement, mais faut-il pour autant rester neutre ou abdiquer. Ou bien nous sommes victimes du système, ou nous ripostons au système. À nous de trouver de quelle manière nous allons garder notre identité et prendre notre place avec ce que nous sommes et non avec ce que l'on voudrait que l'on soit.

Comme groupe nous n'avons pas à nous faire charrier par l'État, ni par les intellectuels purs et durs. Attention aux jugements qui ne tiennent compte que d'une analyse détachée de la situation. Si la solution c'est de se renier et d'embarquer dans l'employabilité mur-à-mur, le groupe que je représente, préfère ne pas prendre ce trainlà. C'est une destination cul-de-sac de toute façon.

Des réalités à travailler

Je n'ai pas de réponses magiques comme je vous l'ai dit au tout début, face à ce constat. Je vois des personnes qui s'accrochent à de faux espoirs et qui reviennent déçues et confrontées du carrousel des programmes. Je vois des groupes tels que le nôtre disparaître de plus en plus du portrait et d'autres qui essaient avec beaucoup d'acharnement de maintenir la survie. Au Saguenay nous sommes le seul groupe de défense des droits des personnes assistées sociales et en chômage. Au Lac St-Jean, à Roberval, le Regroupement de défense des droits sociaux est devenu le Centre d'aide aux sans emploi et il est membre d'un collectif d'entreprises d'insertion. Il y a un comité des droits sociaux à Alma qui fonctionne avec peu de ressources et une permanente qui tient le comité à bout de bras depuis au moins dix ans. À Hébertville il y a un organisme qui regroupe les personnes assistées sociales que l'on retrouve maintenant dans différents lieux de concertation. Malgré toute l'implication de ses groupes, le réseau de la défense des droits, entre autres des personnes assistées sociales et en chômage, est très fragile et menacé. Au Saguenay Lac St-Jean, il n'y a pas de groupes comme ceux des Mouvement Action Chômage. De notre côté nous essayons de compenser ce manque, mais ce n'est pas facile étant donné le manque de ressources.

Un choix faussé...

L'organisme que je représente peut-il se glorifier de ne pas utiliser les programmes, quand deux permanentes travaillent comme salariées pour une certaine période et comme bénévoles chômeuses pour une autre période? N'y a-t-il pas là aussi une forme de subvention déguisée qui nous confronte nous aussi dans une forme de dépendance et de précarité. Nous ne pouvons pas juger sans nousmêmes revoir nos façons de fonctionner. Il nous faut admettre que tôt au tard nous vivons des situations qui confrontent nos contradictions. Sommes-nous les vrais responsables? Avonsnous le choix? À chaque groupe d'y répondre et selon sa propre réalité. Par la suite nous devrons mettre en commun nos réflexions pour trouver un consensus sur des pistes d'actions communes, et tout ceci dans le respect. C'est d'ailleurs cette belle opportunité que ce colloque nous permet.

Les groupes sont à la survie et s'accrochent comme ils le peuvent. Les groupes, c'est des militantes et militants et des permanents(es) surchargés avec des conditions de travail souvent tout aussi questionnantes que les programmes d'employabilité. Et je ne parlerai pas des disparités et des iniquités qu'il y a entre les groupes au niveau du financement.

Il y a encore bien du travail à faire pour vivre notre projet de société. Nous devons avant tout changer nos mentalités et défaire les préjugés qui divisent l'esprit collectif.

De gros défis nous attendent encore, mais le MEPACQ, nos tables régionales et cet événement qui nous rassemble, nous confirment que comme organismes, nous ne sommes pas seuls, et il y a un mouvement qui nous représente. J'ose espérer que comme groupe qui est menacé d'exclusion nous riposterons dans la solidarité et la dignité.

Les groupes d'éducation populaire autonome et la politique

Par Bernard Vallée

À la veille du 30 octobre, il serait difficile de ne pas évoquer le référendum sur la souveraineté du Québec dans un atelier qui doit aborder la question des relations entre la politique et les groupes d'éducation populaire autonome. Comme en 1980, et sans doute plus qu'en 1980, un certain nombre d'organismes se sont engagés dans la campagne référendaire et plusieurs militantes et militants populaires se sont engagés dans les comités référendaires en leur nom personnel, mais aussi et surtout au nom des causes sociales qu'elles ou ils défendent et de l'action communautaire qu'elles ou ils mènent

On doit pourtant constater qu'une grande partie du mouvement populaire et communautaire reste souvent absente des tribunes politiques en particulier dans les moments privilégiés où la démocratie se met en scène, comme aux élections. Peut-on dire pour autant que les groupes populaires sont apolitiques?

De la politique au quotidien

Aux origines de nos organisations, il y a souvent des problèmes et une volonté de les résoudre, il y a des scandales sociaux et l'espoir de les éliminer, il y a des communautés atteintes dans leur dignité ou des territoires menacés dans leur survie ou leur intégrité et une volonté de résistance, il y a aussi le goût du changement et du dépassement, l'envie de faire les choses autrement, d'avoir une plus grande prise sur nos vies, d'inventer de nouveaux rapports entre les gens, le goût de bâtir des choses qui nous ressemblent et qui nous font plaisir, etc.

En réponse à une situation intolérable, a une situation d'oppression ou d'injustice, ou bien pour réaliser des aspirations collectives à mieux vivre, l'action communautaire s'appuie sur des valeurs, sur des visions de la société, qu'elles soient conscientes ou inconscientes, explicites ou implicites, qu'elles soient circonscrites à une question particulière ou qu'elles embrassent plus large.

Qu'elles visent la transformation d'un élément particulier de notre vie de voisinage ou une composante majeure de la vie sociale, nos actions communautaires sont donc "politiques" dans le sens qu'elles sont l'expression concrète d'une implication dans la vie de la cité, qu'elles cherchent à petites ou grandes échelles à changer la vie d'une manière ou d'une autre, qu'elles se réfèrent à un projet. En fait, dans les groupes communautaires, on fait de la politique tous les jours, sauf peut-être quand vient le temps des élections!

D'où vient le "non-alignement", l'apparente neutralité et la timidité des organisations populaires à s'impliquer activement dans l'espace politique "politicien", celui des institutions et du pouvoir politique? Est-ce d'ailleurs nécessaire de s'y impliquer pour avoir une influence?

Est-ce une abstention volontaire ( garder un pluralisme dans le membership, volonté d'autonomie, crainte d'être utilisé ou récupéré, la dépendance du financement gouvernemental, cynisme et méfiance face à la classe politique)... ou est-ce une démission (sentiment d'impuissance politique, on s'autocensure et on rabaisse nos objectifs et nos aspirations, sectorisation de l'action communautaire, localisme, méconnaissance de l'histoire, faiblesse de l'éducation populaire) ?

Une force politique qui s'ignore

Constatation frappante quand on examine l'histoire: à de rares exceptions, ce ne sont ni les institutions, ni les partis politiques qui ont été les précurseurs ou les propagandistes conséquents des changements sociaux, démocratiques et des éléments d'une justice sociale dont on peut bénéficier aujourd'hui. Ce sont essentiellement des citoyens et mouvements associatifs qui ont été les ferments de ces idées nouvelles et qui les ont mises en application. Pourtant ce que l'histoire officielle retient le plus ce sont les actes institutionnels et les personnages politiques qui les ont portés, et ils demeurent pour la prospérité avec le crédit de ce qu'ils ont fini bien tardivement, et souvent de façon tronquée, à admettre et à traduire dans des législations et dans des institutions. Ceci a comme conséquence que les véritables ferments et acteurs de la démocratie et du changement social, les simples citoyens et les mouvements associatifs populaires, demeurent largement occultés et marginalisés ce qui accrédite leur impuissance.

La méconnaissance de l'histoire populaire de notre pays, de celle du mouvement populaire et même de celle de nos propres organisations freine considérablement notre capacité à se reconnaître comme une force politique et à avoir confiance en nos forces.

Le devoir de résistance

Malgré ses faiblesses internes et la précarité de ses conditions de survie, le mouvement populaire est potentiellement une des plus grandes forces sociales au Québec: il a la force du nombre. Il a l'heure juste sur la situation des gens et la realité des régions: son réseau est enraciné partout, dans les quartiers urbains comme dans les zones rurales, peu de problématiques lui échappent et il est souvent le premier à les mettre en lumière.

Partout ou il intervient, il a pu développer avec des ressources ridicules une expertise unique pour inventer des ressources et des réalisations alternatives répondant aux besoins immédiats et aux volontés d'autodétermination et d'organisation des plus démunis. Il représente aussi, malgré bien des contradictions, un des rares espaces où l'on peut expérimenter et faire l'apprentissage de formes de démocratie directe, de rapports égalitaires.

Ses revendications, ses luttes et ses réalisations, mises ensemble, représentent sans doute le programme politique le plus complet, le plus cohérent et le plus enraciné dans le Québec d'aujourd'hui pour défendre les intérêts des populations exclues, mais aussi de l'ensemble de la collectivité.

Les groupes populaires et communautaires n'ont pas le droit de s'abstenir et de refuser le rôle politique qui leur revient En existant, nos organisations se sont donné non seulement la liberté d'intervenir dans la vie politique, mais elles ont aussi la responsabilité et le devoir de le faire, de ne pas s'arrêter en chemin.

En n'assumant pas cette fonction de résistance globale et de promotion de nouveaux rapports sociaux, ou en la cantonnant uniquement dans des problématiques sectorielles, le mouvement populaire et ses composantes diminuent leur crédibilité et leur capacité d'être des acteurs efficaces des changements sociaux, ils se condamnent à devoir toujours recommencer.

Faire de la politique autrement

Occuper le terrain politique, tous les terrains politiques, ne veut pas dire s'aligner sur les partis ou seulement négocier nos appuis.

-D'abord se reconnaître la capacité d'être une force politique: interroger l'Histoire, identifier nos forces à partir des succès vécus et diffuser ces acquis.

-Développer et renforcer les atouts qui peuvent faire de notre mouvement une force politique: pousser plus loin notre connaissance concrète des réalités et des besoins de la population; continuer à inventer des alternatives concrètes; développer nos capacités collectives d'analyser et d'être critiques; développer notre capacité d'organisation, de mobilisation.

-Devenir incontournable: se donner un éventail plus large de stratégies et de tactiques, du lobbying jusqu'à la confrontation; prendre l'initiative dès que c'est possible face aux lieux de pouvoir et de décisions.

-Expliciter notre projet social global: se rendre visible, sortir de la "clandestinité" et de la confidentialité!

-Multiplier les lieux de réflexion collective: débattre des questions qu'on aborde rarement, mais qui traversent nos domaines d'intervention; faire des liens, oser aborder les questions qui nous échappent.

-Se baser sur nos atouts que sont l'éducation populaire et l'action collective: s'appuyer sur les savoirs multiples des milieux populaires et développer leurs capacités d'analyse et d'expression, ne rien prendre pour du "cash", vérifier l'addition, car c'est nous qui payons!; apprendre à lire l'actualité et à "déculotter" les pouvoirs et leurs mensonges; mettre sur pied des alternatives concrètes (les services populaires ne s'opposent pas à l'action politique: ils la nourrissent et s'en nourrissent ils sont à la fois critiques du système établi et préfiguration de notre projet social).

Utiliser toute la gamme des moyens au moment opportun pour ""mettre nos idées au pouvoir"; éclairer les enjeux, faire de l'éducation politique à partir de tous les prétextes; questionner en tout temps les responsables politiques, être des "chiens de garde" des intérêts populaires; créer les rapports de force qui feront que participer aux consultations et aux décisions ne sera plus un piège; soutenir, quand l'occasion est favorable, des candidatures "populaires" aux postes électifs à tous les niveaux; se donner un programme commun, localement, régionalement et nationalement,...

Excusez-la!

L'éducation populaire autonome et l'autonomie des femmes

Les Artisanes de solidarités

Par Lucie Bélanger

Avec nos têtes, avec nos mains, avec nos coeurs!

Je vais vous parler un peu d'histoire, celle des artisanes de solidarités nouvelles, de bien-être économique réel et partagé. Je pense qu'il y a un p'tit peu de notre marque de commerce celle des groupes autonomes de femmes bien collés sur le quotidien.

Nous avons construit beaucoup de choses avec nos têtes, avec nos mains, avec nos coeurs. Les femmes assistées sociales se sont tenues debout, elles continuent à se tenir debout et à mener la bataille. Et, la bataille est tellement efficace que la riposte patriarcale est à la mesure du chemin que les femmes ont fait.

Ça provoque peut-être des reculs temporaires, mais jamais systématiquement en arrière. Il y a un chemin que les femmes ont fait à l'aide sociale. Elles ont compris leurs droits à leur autonomie comme femme. Elles ont compris leur droit de ne pas marchander leur vie affective pour leur survie économique. Et cela même si "popa État" veut revenir là-dessus, il ne pourra pas.

Dénoncer la violence

Les femmes se sont tenues debout pour dénoncer la violence. C'est devenu inacceptable. Non seulement il s'est fait un chemin au niveau de la conscience, mais les femmes se sont données des outils pour permettre aux femmes de s'en sortir. "Chiquement" ont peut appeler ça de nouveaux espaces démocratiques. Concrètement, cela signifie que des femmes peuvent claquer la porte quand le conjoint violent est parti "à sa job". Elles peuvent alors, aller à la maison d'hébergement et savoir que là, elles auront du support.

Savez-vous que ça fait à peine cinquante ans qu'on est reconnu comme des personnes, les femmes? Et, c'est en 1993, pas 1893, c'est en 1993 qu'on a reconnu à Vienne que les droits des femmes sont des droits humains et, que la violence faite aux femmes est une violation d'un droit humain fondamental.

Qu'on pense aux CALACS, centres d'aide et de lutte pour les victimes d'agression à caractères sexuels.

Aujourd'hui, leurs actions donnent lieu à une politique gouvernementale au Québec. Ce ne sont pas des espaces démocratiques que pour les femmes, ce sont de nouveaux espaces issus des réalités dénoncées, qui permettent de transformer la façon de vivre ensemble les hommes et les femmes.

Et bien plus encore

S'il y a encore des paniers de Noël, mais il y a aussi des cuisines collectives. Les femmes ont décidé que c'est fini de se faire dire que si nos petits ne mangent pas c'est parce qu'on est "pas d'allure" et qu'on sait pas gérer un budget. Dans les cuisines collectives, les femmes ont compris que s'il y a quelque chose qu'elles savent faire c'est de couper les sous en quatre. Elles choisissent de s'organiser pour contrer leur appauvrissement face au désengagement de l'État et dénoncer ce désengagement.

Que l'on pense au changement de nom de la FAFMQ, ça s'appelle maintenant "Fédération des familles monoparentales et familles recomposées du Québec". C'est quoi si c'est pas aussi que ces groupes sont arrivés à faire prendre conscience qu'il n'y a pas un modèle de famille, la vraie belle petite famille "the american way of life". Mais, qu'il y a plusieurs modèles de famille et qu'il y a plusieurs façons de vivre les rapports hommes-femmes, femmes-femmes, hommes-hommes, hommes-femmes-enfants et le reste.

Et le logement... C'est pas par hasard que plusieurs femmes se sont retrouvées dans les luttes pour le logement: reprendre le contrôle de leur habitat.

L'État-Providence

Les femmes se sont organisées dans un contexte de développement de l' État-Providence. Il serait maintenant caduque. Faut faire attention dans la lecture actuelle de la dépendance qu'aurait engendré F État-Providence. Ça sent le retour à Môman-Providence.

Une vision féministe ouverte aux femmes et aux hommes

Je ne saurais finir sans vous parler de la "Marche des femmes". Ça peut-être donné des problèmes de genoux mais ce fut surtout un moment dans l'histoire du Québec, dans l'histoire des femmes du Québec, où l'espoir est revenu et à nos fenêtres et dans nos coeurs et dans nos têtes. Oui, à nouveau nous avons repris confiance en nous. Même si Messieurs Martin, Axworthy et compagnie nous disent qu'on a qu'à se fermer la trappe, se mettre à genoux et se soumettre à leur réforme, la seule voie sacrée, et bien nous avons "désacralisé" la voie, et avons témoigné qu'il y a d'autres chemins pour construire un monde différent, à partir des revendications bien concrètes et bien "terre à terre". La "Marche des femmes" n'est pas sans lien avec la marche pour le droit de vote. À l'époque elles l'ont fait en train. Je ne pense pas qu'elles avaient obtenues 90% de réduction pour leurs billets de train!

Sous l'impulsion de la solidarité, partout les marcheuses ont été accueillies, reçues. Ça continue d'être un moment énergisant. La bataille est loin d'être gagnée, elle continue. La "Marche des femmes" fait prendre conscience qu'une vision féministe du monde c'est une dimension incontournable pour une vraie démocratie. Ce n'est pas la seule dimension mais, c'est une dimension incontournable. Et, ce n'est pas une dimension fermée sur nous autres, les femmes. C'est une dimension qui nous ouvre à construire différemment nos rapports hommes-femmes.

Marcher pour un salaire minimum décent, c'est marcher pour tous et toutes et pas marcher uniquement pour les femmes. Et ainsi des autres revendications, ça aussi je tiens à le dire, les filles: travailler avec une vision féministe de société c'est travailler pour l'ensemble de la société. C'est nous rendre beaucoup plus sensibles à toutes sortes d'autres formes de discriminations dans la société contre lesquelles les gens s'organisent pour les renverser et nous faire prendre conscience qu'il faut être solidaire de cet ensemble-là.

La démocratie est plurielle. Elle est composée et ne peut exister que tissée à même toutes ces luttes pour arriver à une véritable égalité et une société non raciste, ouverte. Nous la construirons ensemble. C'est quelque chose de dynamique, qui bouge.

Peut-être, les femmes, avons-nous une sensibilité particulière parce que nous avons une longue histoire de dépossession de notre intelligence. Quand on regarde ce que les femmes ont construit depuis les vingt dernières années, on voit que les femmes sont capables d'être créatives, de repenser l'économie et le politique. Ça fait peut peut-être!

Quelle est notre mission?

Un dernier mot: il ne faudrait pas succomber à la "game" service versus éducation. C'est pas une question de faire du service ou de l'éducation. Mais plutôt, est-ce que nous faisons du service qui est un chemin d'autonomisation, de libération collective et individuelle. Je trouve que c'est ça qui est important. Actuellement, on veut nous faire faire du service où on dit ferme ta "boîte". Bien, nous on va faire du service pour transformer les affaires. Je le sais pas si ça va s'appeler F État-Providence, éventuellement mais, je sais qu'il faut que ce soit un État qui prend ses responsabilités et qui construit avec nos acquis collectifs.

Cou'donc, qui ce qui a la plus grande gueule?

Développement de l'esprit critique ou du chialage à rabais?

Par Marcelle Dubé

La recherche que j'ai effectuée m'a conduite à des découvertes intéressantes. En effet au niveau étymologique, c'est-à-dire d'où prend son origine le mot critique, on doit d'une part se référer au mot "crible" pour constater qu'il vient du grec kritikos et qu'il fait son apparition au XVII ème siècle sous la définition de: examen, jugement

Dans le Vocabulaire de la philosophie et des sciences humaines on nous définit critique par jugement d'appréciation, soit esthétique, portant sur une oeuvre d'art, soit logique, portant sur un raisonnement, soit intellectuel (philosophique ou scientifique), portant sur une conception, une théorie une expérience, soit morale, portant sur une conduite

On lui donne aussi comme sens dans la langue courante jugement défavorable ou négatif a l'egard d'une assertion, d'une conception, etc (objection, réfutation)

Concernant le sens critique ou encore l'esprit critique on nous les définit comme une tendance ou attitude d'esprit qui n'admet aucune affirmation sans en avoir reconnu la légitimité rationnelle

II est important de distinguer "l'esprit critique" de "l'esprit de critique" ce dernier voulant signifier l'attitude negative de dénigrement systématique concernant les opinions ou les actions d'autrui

Dans le Petit Robert l'esprit critique est défini comme qui n'accepte aucune assertion sans interroger d'abord sur sa valeur en faisant référence au doute méthodique, au libre examen

Finalement lorsqu'on cherche le sens du mot crible puisqu'il est a l'origine et notamment l'expression "passer une idee ou une opinion au crible" on donne la definition suivante l'examiner avec soin, pour distinguer le vrai du faux, le bon du mauvais.

Donc cette recherche nous présente assez clairement le sens et la definition de ce que nous devrions entendre et comprendre lorsqu'on parle d'esprit critique Cependant on s'aperçoit également comment dans l'usage quotidien de cette expression il a pu y avoir des glissements sur le sens premier et aller vers une compréhension plutôt négative qui amène confusion sur ce qu'on veut dire quand on parle d'esprit critique dans nos groupes et dans la société en général

Comment se développe l'esprit critique dans nos groupes? L'exemple des Maisons de Jeunes

Les Maisons de Jeunes (MdJ) qui adhèrent à la philosophie "Maison de Jeunes" mise de l'avant par le regroupement se définissent comme des associations de jeunes et d'adultes qui se sont donné la mission sur une base volontaire, dans leur communauté, de tenir un lieu de rencontre animé où les jeunes de 12 à 18 ans, au contact d'adultes significatifs, pourront devenir des citoyens/citoyennes critiques, actives et responsables.

Devenir des citoyens-citoyennes critiques, actives et responsables, c'est être quelqu'un qui a des droits et des responsabilités, c'est être considère comme quelqu'un qui peut s'exprimer et exercer des choix démocratiques, partout ou cela prend un sens.

Pour être critique, il faut prendre l'habitude de questionner les événements, d'écouter les opinions des autres, de s'informer, de se questionner pour ainsi disposer de plusieurs façons de voir les choses Une Maison de Jeunes est bien sûr un lieu ou on peut traiter l'information que l'on reçoit et l'intégrer C'est ce qui permet aux jeunes de devenir critiques C'est ce qui permet aux jeunes de développer leur point de vue et leur opinion sur les sujets qui les concernent et qui les intéressent

Quand on dispose d'un éventail de possibilités, on est en mesure de procéder a des choix et de passer à l'action C'est ce qui fait la difference entre être porté par le courant et ramer dans la direction ou on veut aller En commençant par la prise en charge de leur temps de loisirs***, les jeunes qui fréquentent les MdJ ont l'occasion d'évaluer les possibilités et ensuite de s'organiser pour réaliser ce qu'ils ou elles ont choisi de faire

Être responsable, c'est assumer les conséquences de la réalisation de ses choix. C'est avoir eu le droit de choisir, ce qui implique qu'on peut s'être trompé, et c'est ne pas avoir eu peur de se reprendre si c'est nécessaire.

Pour nous l'ordre dans lequel on présente les qualificatifs reliés au citoyen revêt une importance En effet on dit "les jeunes seront appelés à devenir des citoyens-citoyennes critiques, actives et responsables" et non actives, critiques et responsables Et cette différence prend tout son sens dans ce que je vous ai présenté auparavant, car pour développer son sens critique, il est important d'avoir un minimum d'informations avant d'opérer une action alors que bien souvent on assiste plutôt à l'inverse. C'est-à-dire qu'on agit sans toujours savoir ce qui nous anime et une fois dans l'action on se sent manipulé, utilisé, mal informé et là nous avons d'autant plus de difficulté a être critique, ce qui nous amène à nous retrouver plus à dénoncer, à chialer et à critiquer dans un sens plutôt négatif

Une Maison de Jeunes, c'est d'abord et avant tout un espace animé en fonction d'une démarche d'éducation populaire, un lieu qui a une âme et qui vit intensément. Le local n'est pas une fin en soi, ce n'est pas la preuve de l'atteinte des objectifs, c'est simplement la où se passe l'action

Les Maisons de Jeunes proposent de travailler a multiplier les lieux où les jeunes pourront exprimer leurs besoins, faire valoir leurs droits et assumer leurs responsabilités. Pour améliorer la qualité de vie démocratique, il faut prendre conscience de nos responsabilités autant face aux gestes qu'on pose (ou qu'on ne pose pas) qu'à ceux posés par d'autres à notre place

Réflexions générales autour du thème

Au RMJQ on trouve important et nécessaire d'offrir un lieu aux jeunes de 12 à 18 ans pour qu'ils puissent développer leur esprit critique Conscient qu'il existe peu de lieux qui favorisent cet apprentissage, le travail fait en ce sens dans les MdJ devient fondamental et essentiel.

Malheureusement l'école d'aujourd'hui ne forme plus vraiment les jeunes sur cet aspect de leur développement En effet dans les dix dernières années elle s'est désinvestie pour répondre à des exigences de formation axées en direction du marché du travail Par ailleurs, les autres lieux que fréquentent les jeunes ne répondent pas clairement à cet objectif et à ce besoin

En fait, l'espace que fournissent les groupes d'éducation populaire et les groupes communautaires n'est-il pas un terrain propice et privilégié pour favoriser l'apprentissage et l'exercice de l'esprit critique?

L'apprentissage à la vie démocratique tisse une toile de fond et une occasion réelle pour le développement de l'esprit critique. Puisque les groupes du mouvement d'éducation populaire et communautaire travaillent en ce sens comment peut-on s'expliquer les difficultés que bon nombre d'entre eux vivent face à faire la distinction entre ce que veut dire développer son esprit critique et chialer ou encore être "critiqueux" ou "critiqueuses"

Nul n'est à l'abri des courants qui traversent notre société moderne, et en cette fin de millénaire on nous propose une multitude de "prêt à penser" qui nous disent où aller, comment être, que penser, comment vivre sur ces choix déjà tout tracés Résister à ce mode ambiant est devenu presque quelque chose d'étrange et d'inusité.

Pour ne pas conclure

En terminant, j'aimerais souligner la nécessité pour le mouvement d'éducation populaire de continuer son travail sur cet aspect et ce pour tous les individus et les groupes avec lesquels il travaille. Éveiller la curiosité, stimuler le goût de savoir et de comprendre chez les membres pour qu'ils saisissent mieux le déroulement d'une assemblée générale, un règlement interne, l'histoire des luttes et des actions du groupe, les enjeux politiques actuels pour ne citer que ces exemples, devient un levier de travail majeur qui fera que la santé de nos associations n'en sera que meilleure.

Comme j'aime bien me référer à l'histoire je vous laisserai sur le propos de Bénigno Cacéres, personnage qui a marqué le mouvement de l'éducation populaire français II est le fondateur d'un mouvement appelé "Peuple et Culture" qui s'est développé en France au lendemain de la Libération après la seconde Guerre mondiale. Voici donc un extrait d'un livre qu'il a écrit et qui a pour titre "L'histoire de l'éducation populaire":

"Donner à tous l'instruction et la formation nécessaire, afin qu'ils deviennent des citoyens aptes à participer activement à la vie du pays, c'est là une des idées essentielles qui ont guidé et guident encore les animateurs de l'éducation des adultes Parallèlement, une conception "humaniste", parfois naïve mais qui ne manquait pas de grandeur, a conduit des intellectuels, conscients de l'injustice culturelle qui frappait le plus grand nombre, au désir de partager avec d'autres leur savoir. (...)

Les grandes périodes de l'histoire de l'éducation populaire se caractérisent par la rencontre d'hommes qui se rassemblent d'abord pour défendre, parfois au péril de leurs vies, des valeurs menacées, telles que les idées républicaines. (Faisant référence à la liberté, fraternité, égalité)"

•••Selon la définition de Joffre Dumazedier, le loisir a trois fonctions majeures: la détente, le divertissement et le développement. C'est dans l'optique du développement que les MdJ travaillent, dans l'optique de donner le goût aux jeunes d'élargir leurs horizons.

Éducation populaire et identité politique


Par Lorraine Gaudreau

Quand je militais à l'ADDSMQ, j'étais toujours impressionnée et touchée de voir des femmes qui étaient arrivées dans le groupe courbées, brisées parla honte et la peur, en venir, après quelques mois à s'identifier fièrement comme personnes assistées sociales. L'identité, c'est bien de cela qu'il est question dans la réflexion à laquelle nous sommes convié-e-s cet aprèsmidi. Cette question, nous pouvons l'aborder sous plusieurs angles. Je vous en propose un, à la lumière de mon implication au sein du mouvement populaire.

Voici donc cet angle de réflexion: est-ce que comme groupes d'éducation populaire, nous pouvons participer à la construction de l'identité politique des femmes et des hommes de classe populaire et de celles et ceux qui composent les groupes opprimés? L'identité politique étant ainsi définie: la capacité collective de défendre efficacement ses intérêts comme classe ou groupe opprimé, et de les représenter politiquement.

Pour amener de l'eau au moulin j'aimerais partager avec vous une grille que j'ai élaborée à partir de la parole politique de 142 militantes et militants de classe populaire dans le cadre d'une enquête conscientisante ayant pour thème: "militance populaire et politique". Précisons un peu le contexte de cette enquête. Au milieu des années "80. nous étions un groupe d'une dizaine de personnes à vouloir nous former, mobiliser et agir dans le champ de la politique partisane pour que les femmes et les hommes de classe populaire en arrivent à briser le mur entre eux et la politique partisane Le moyen que nous avons privilégié dans un premier temps a été de mener une enquête conscientisante dans quelques régions du Québec pour aller "parler politique" avec du monde impliqué dans les groupes. Cette prise de parole m'a permis d'élaborer une grille de construction de l'identité politique des femmes et des hommes de classe populaire. Trois grands moments dans un cheminement sont identifiés: sujets politiques soumis, sujets politiques participants, sujets politiques engagés. Nous remarquons aussi que les passages d'un moment à l'autre, se font à travers une implication.

Il y a un élément de cette grille sur lequel je trouve essentiel d'insister: l'identité politique se construit dans l'action, à travers un cheminement dans l'action. Ce cheminement nous pouvons le résumer à travers le tableau qui suit.

Et si maintenant nous retournions au dépliant du colloque, est-ce que nous pourrions associer les appellations de celui-ci à ces moments du cheminement

La discussion est ouverte.

Est-ce que le contenu de ce tableau illustre vraiment la réalité? Est-ce qu'il alimente notre réflexion? Où voudrions-nous nous situer? Où nous sentons-nous obligés de nous situer pour avoir du financement? Est-ce un débat réel ou l'important n'est -il pas ce que l'on fait vraiment sur le terrain? Est-ce que la façon dont on se nomme reflète une façon d'être comme groupe, un fonctionnement précis, une visée particulière?

Essentiellement, dans toute la réflexion portée par le colloque, cette question de la construction de l'identité politique des citoyennes et des citoyens du Québec par l'éducation populaire autonome, constitue-t-elle un élément pertinent?

- Grille de construction de l'identité politique -


SUJETS POLITIQUES SOUMIS

Attitudes: la peur qui paralyse, la répulsion morale qui freine, le sentiment d'incompétence qui immobilise, le désabusement, la désillusion et le découragement qui anéantissent, le défaitisme politique qui neutralise, le sentiment d'infériorité qui assujettit.

Sentiments face à la politique: sentiments de haine, de dégoût, d'indifférence, de révolte et de colère.

Types de réaction face à la domination politique: soumission, retrait, isolement, attente, grand cri de révolte pouvant déboucher sur une action d'éclat ponctuelle ou sur l'inaction.

Perception des hommes politiques:confiance dans les hommes politiques à cause de leur profession et basée sur leur image, absence totale de confiance dans tous les hommes politiques.

Histoire personnelle et de classe,apprentissage de la soumission (principalement pour les femmes), absence de formation politique, non-valorisation et non-respect dans les institutions (famille, école, ...).

Comportements politiques: manquent d'intérêt pour la politique, ne votent pas, votent pour des partis politiques qui participent à leur oppression, s'impliquent dans des partis qui participent à leur oppression

Univers des connaissances: ne situent pas les causes structurelles des oppressions.

Identité: identité fondée sur un état ressenti face à sa classe sociale: "nous autres les pauvres", "les pauvres gens", "des p'tits", "nous autres les gens ordinaires".

PASSAGE DE SUJETS POLITIQUES SOUMIS À SUJETS POLITIQUES PARTICIPANTS

Par une participation dans un groupe à partir de ses besoins: sortir de son isolement; retrouver confiance en soi; reconnaître ses forces et ses aptitudes; se reconnaître comme sujet pouvant intervenir dans un groupe, dans sa famille, dans des institutions; reconnaître ses droits.

Par la collectivisation de son vécu et un premier contact avec l'analyse sociale: se reconnaître comme faisant partie d'un "groupe social"; se sentir responsable au sein du groupe auquel on appartient.

Par l'expérience du conflictuel, la multiplication de projets collectifs, la compréhension des causes de son oppression: possibilité de devenir un sujet politique participant, à partir d'une nouvelle identité fondée sur la catégorie sexuelle femme ou sur un groupe d'appartenance.

SUJETS POLITIQUES PARTICIPANTS

Attitudes ou sentiments face à la politique: sentiments d'injustice.

Types de réaction face à la domination politique: actions de défense collective; début de solidarité.

Comportements politiques: se former politiquement; militer; pour des militantes et des militants politises, refuser d'envahir le champ de la politique partisane.

Univers des connaissances: savoir lire entre les lignes; miser sur le contenu politique (programme des partis) et non sur le contenant politique (image projetée par les médias).

Histoire politique personnelle et de classe: soit aucune expérience en politique partisane, celle-ci ne représentant pas un champ d'action privilégié; soit un lourd "passé politique" (dans des partis qui se sont transformés par l'exercice du pouvoir).

Identité, fondée sur une couche sociale, sur un rapport au marché du travail: "les assistés sociaux", "les p'tits salariés", "tous les travailleurs", "les chômeuses".

PASSAGE DE SUJETS POLITIQUES PARTICIPANTS À SUJETS POLITIQUES ENGAGÉS


Par la multiplication des expériences d'actions conflictuelles, par l'appartenance à des réseaux de solidarité locaux, régionaux, nationaux et internationaux, par la création de fronts de lutte nationaux, par une réflexion en période électorale sur les programmes des partis et les stratégies à développer, par des sessions de formation sur le passage à la politique partisane, par le développement de l'esprit critique: les personnes se reconnaissent comme faisant partie d'un groupe opprimé et d'une classe sociale; elles perçoivent la nécessité de la solidarité, des luttes communes, d'une unité portée par une même visée; elles développent la volonté de porter au niveau de la politique partisane et concrètement à partir d'une nouvelle identité fondée sur sa classe sociale et sur l'appartenance au mouvement populaire.

SUJETS POLITIQUES ENGAGES

Attitudes et sentiments face à la politique: sentiment que comme classe on a le pouvoir et le potentiel pour que nos intérêts soient représentés.

Type de réaction face à la domination politique: organisation en politique partisane.

Comportements politiques: militer dans un parti qui défend les intérêts des classes populaires ou travailler à la création d'un parti qui défende les intérêts des classes populaires.

Identité: identité politique de classe: "la classe populaire", "nous dans le bas de la pyramide sociale", "la classe ouvrière populaire".

Langage et réalité sociale: savoir nous dire

Par Henri Lamoureux

Ma grand-mère avait pour habitude de dire que les mots que l'on utilise traduisent souvent l'intelligence du coeur. Ma grand-mère était, comme le sont souvent les personnes qui ont beaucoup et bien vécu, une femme très sage. J'apprendrai plus tard que les mots sont aussi l'expression de notre conscience des choses et des êtres et qu'ils traduisent notre rapport au monde.

Les mots sont des outils précieux qui nous permettent d'exprimer notre affection, notre amour, notre solidarité. Ils expriment aussi nos "bibittes", notre aliénation, notre rage face à l'oppression. Les éducatrices et les éducateurs d'adultes progressistes qui utilisent des méthodes pédagogiques comme le photo-langage connaissent l'importance des mots et leur charge socio-politique. Parfois un seul petit mot ou deux suffisent à faire une énorme différence dans nos vies. "Je t'aime", mots rares que nous ne prononçons que dans les grandes occasions.

Les mots sont précieux et méritent qu'on les ménage, qu'on ne les utilise pas n'importe comment et pour rien. Nos mots disent ce que nous sommes, ce que nous voulons être, ce que nous entendons devenir. "Espoir": des étoiles apparaissent dans nos yeux. "Révolte": nous serrons les poings et notre regard s'assombrit.

Les mots permettent l'affirmation d'une culture. Ils sont aussi l'expression d'une éthique dans la mesure où ils nous servent à véhiculer nos valeurs. L'utilisation d'une langue est un acte politique. Le choix des mots est un acte politique. Si notre langage peut être subversif, il peut aussi êtife profondément aliéné et aliénant.

Ma petite histoire

Quand j'ai commencé à m'impliquer dans les milieux ouvriers et les quartiers populaires de Montréal, j'ai vite appris une langue qui était celle de la rage face à l'exploitation et à l'oppression. Des poètes dé chez-nous ont bien traduit cette rage. Je pense à Gérald Godin bien sûr, mais aussi à Michelle Lalonde, à Gaston Miron, à tous ces écrivains et ces interprètes qui ont su si bien traduire notre écoeurement face à l'injustice et à la déshumanisation. Je pense aussi au manifeste du FLQ qui traduit bien notre révolte avec ses mots durs, crus, définitifs. J'ai aussi appris des mots doux et mobilisateurs: camarades, militants, travailleurs. J'ai appris des mots signifiants: oppression, aliénation, exploitation, révolte. Ces mots, et d'autres, étaient des outils d'identité, les termes d'une dénonciation de l'injustice, de l'iniquité, de l'inégalité, de l'irrespect de la dignité de chacune et de chacun d'entre nous.

Plus tard, des femmes ont exigé que les mots disent aussi l'existence de 50% de l'humanité. La formulation de cette exigence traduisait la profondeur de la révolution féministe. Et je sais, moi qui suis écrivain, comment, dans les faits, la résistance à la révolution féministe passe par la mise entre parenthèses des femmes, par la volonté de conserver le masculin, son caractère générique, et de voir ainsi ce masculin l'emporter sur le féminin. Que cache cette insistance à préserver une règle de grammaire dont la logique est profondément politique?

J'ai ainsi acquis la certitude que les mots sont le support de notre action et l'expression de la qualité de notre conscience. J'ai acquis la certitude que les utiliser. À titre d'écrivain, je sais aussi le pouvoir d'évocation des mots, cette curieuse capacité qu'ils ont à provoquer les émotions, à nous mobiliser ou à nous anéantir.

Les mots ont du sens

C'est pourquoi je ne peux qu'être désolé du sort que nous, des milieux communautaires, leur faisons trop souvent subir. Il me semble que, particulièrement dans les milieux de l'éducation populaire, on devrait davantage se soucier de la langue que nous utilisons. Ne s'agit-il pas d'un des principaux outils dont nous disposons pour affirmer la culture populaire et l'éthique qui la sous-tend? Pourquoi accepterions-nous de nous laisser déposséder de nos mots à nous aux profits de ceux, par exemple, de la technostructure?

Quelques exemples tirés de ma propre expérience

Au cours des dernières années, et au fur et à mesure que les groupes populaires s'institutionnalisent, on a assisté à un glissement progressif de notre identité. On est passé de groupes populaires, à organismes communautaires autonomes, à organismes communautaires tout court. Que cache ce glissement si ce n'est une volonté de ne pas effaroucher ceux qui tiennent les cordons de la bourse? Dans nos groupes, on ne parle plus de militants, on dit bénévoles, personnes-ressources. À la limite on parlera d'intervenantes et d'intervenants. Cela illustre à mon avis une réduction de sens significative. Nous glissons progressivement d'une culture de combat, à une culture de services, de gestion de la misère humaine.

En d'autres circonstances, j'ai entendu des membres de groupes de femmes dire qu'il ne fallait plus utiliser le terme "féminisme" parce que cela éloignait certaines femmes "de nos services". Les mots oppression, aliénation, exploitation, ne sont plus utilisés sous prétexte que cela fait trop "militant". Pour se dédouaner, on dira que cela fait trop marxiste, trop "années 70". On se réfugie dans de nouveaux concepts comme celui "d'exclusion" dont le contraire, je vous le signale est inclusion. Moi, je ne tiens pas à être inclus dans le grand rêve libéral fondé
sur l'exploitation de la majorité par la minorité, je veux justement m'en exclure. On fait plus facilement l'apologie des sympathiques "petits boulots" comme façon de développer "l'employabilité" que la dénonciation de la précarité, du travail sous-payé comme forme d'exploitation du travail humain.

Mais le pire à mon avis, le plus illustratif de la dérive de sens nous guette, de cette perte d'une culture de combat qui a marqué les organismes populaires, c'est la généralisation du terme "clients" pour identifier les personnes qui fréquentent nos activités. Horrible! Ouvrez le dictionnaire et voyez si ce terme convient à ce que nous tentons de réaliser par notre implication:

Client: Plébéien qui se mettait sous la protection d'un praticien appelé patron (Rome) / Celui qui se place sous la protection de quelqu'un / Celui qui requiert des services moyennant rétribution.

J'ai toujours cru que notre action visait à faire prendre conscience aux personnes, qu'ils étaient des sujets souverains. Je crains que ce clientélisme ne soit que la conclusion logique du glissement de larges secteurs de l'action communautaire vers un communautaire de marché.

J'ai même entendu un "intervenant" d'une maison de jeunes dire à une intervenante d'un centre de femmes "je te réfère un client". Allez hop! On s'échange des clientèles comme le font tous les bons commerçants dont le profit est fonction de l'achalandage.

Je voudrais terminer mon intervention en vous demandant de faire tous les efforts nécessaires pour que les mots que nous utilisons soient l'expression de notre désir de changer les choses. Il faut que notre vocabulaire s'enrichisse de notre pratique et que nos mots témoignent de nos valeurs de référence que sont la justice, le respect, la solidarité, l'équité, la liberté, la démocratie.

Le langage n'est pas neutre

Soyons joyeusement subversifs, la prochaine fois que nous siégerons à une table de concertation, refusons de parler de clientèle, référons aux personnes qui utilisent nos services, référons aux animatrices de notre centre de femmes, comme le suggère le Regroupement des Centres de femmes du Québec, référons aux militantes et militants de notre organisation et affirmons bien fort que nous n'existons pas pour gérer la misère humaine, mais pour la dénoncer, la combattre et nommer celles et ceux qui la provoquent et l'entretiennent.

L'Équipe de Mise au Jeu Montréal lors du Colloque

La demande en mariage

Par Mise au jeu Montréal

Faisant sa petite promenade matinale, un personnage, avec prestance et élégance, observe discrètement Asdémène (•) et Autonome(0). C'est le sieur État Toutcompris(*), le Seigneur du petit pays. Depuis quelques jours, il propose à la gentille Asdémène de s'unir à lui en justes noces. Et ce matin, il a bien l'intention de revenir sur la question.

* Oh! la belle et douce Asdémène, celle qui m'est si chère toute dévouée pour les gens qui sont dans la misère. Allons voir si elle a pensé à ma proposition. Peut-être, aujourd'hui, me répondra-t-elle d'un oui ou d'un non. Après tout, je suis le seigneur de ce petit pays, elle ne pourrait refuser une meilleure qualité de vie.

0 II ne manquait plus que ça, voilà ton courtisan.

* II va sûrement me reparler d'association.

•0 II va falloir sortir nos grandes phrases et faire rimer notre discours avec le sien, hélas!

  • Bonjour les donzelles, j'entends que ça jase.
  • Monsieur État, vous arrivez plein gaz.

* C'est pour mieux reprendre notre négociation à la base.

0 Asdémène n'a pas à faire un mariage de raison avec un mécène qui lui donnerait des leçons.

* Calmez-vous Mademoiselle Chaperon.

0 Autonome, Autonome est mon nom.

* État, État Toutcompris.

0 Autonome, Autonome à tout prix.

* Le mariage traditionnel n'est pas dans mon esprit. Je vous propose, Asdémène, un partenariat où nous serions d'égal à égal vous et moi.

* J'aimerais connaître votre vision de l'entente, pour être sûre de ne pas jouer perdante.

0 Mon Dieu! On dirait que cette union la tente.

* Eh bien! puisque nous sommes dans le même bateau...

0 Tu t'imagines qu'il va ramer avec nous ce gros...

* Tu t'énerves un peu, peutêtre qu'il y a des avantages.

0 À mon avis, c'est plutôt du chantage.

  • Ce sera une alliance basée sur la concertation et le partage.
  • Comment être sûre qu'il n'y aura pas de marchandage? Ce que je veux est une aide financière renouvelable.
  • Vos conditions de travail seront, de toute façon, à mes côtés, plus agréables.

0 À vous, elle serait liée et éternellement redevable.

* Asdémène, j'ai besoin d'une battante comme vous, droite et serviable.

0 II veut faire de toi une servante, c'est ce qu'il fait sous-entendre.

* Tu peux consulter ton monde, je saurai comprendre.

0 Le rusé, il flatte ton petit coeur tendre.

* Mais il me semble qu'il y a matière à s'entendre

* Si je l'ai, pour moi, elle contentera les chiâleux et les miséreux. Et moi, je n'aurai en retour qu'à la nourrir un peu.

0 Bien sûr qu'on pourrait plus avec des sous mais notre rôle est d'encourager les gens à se tenir debout. Avec lui, tu n'oseras plus faire de revendications, tu seras prisonnière dans sa maison. Asdémène, rappelle-toi les causes pour lesquelles tu milites et ne te laisse pas poser de limites.

• C'est vrai, qu'est-ce qui arriverait avec mon autonomie, ensuite?

* Alors, tu m'accompagnes ou tu me quittes?

• Si je pouvais constater sur papier vos dires.

* Le fait que je te reconnaisse devrait te suffire.

0 Les belles paroles ne font pas une politique.

  • Un accord avec lui, c'est peut-être une bonne tactique.
  • Alors...

0 Méfie-toi...

  • Je ne sais pas... 0 Ta liberté...
  • Oui ou non...
  • Vous et moi...
  • Quoi faire...
  • Votre main... 0 N'y va pas...
  • Y-a-t-il quelqu'un qui pourrait me sortir de l'embarras?

Extrait de l'allocution de Monsieur Jean Garon, ex-ministre de l'Éducation, devant les participant-e-s au Colloque du MÉPACQ. Les réflexions entre parenthèses ( ) sont du Comité du journal...

Votre mouvement et les organismes qu'il regroupe ont depuis longtemps promu une philosophie que je voudrais voir adoptée par tout le système scolaire, je veux parler du partenariat et de l'action communautaire. (Tiens, tiens nous ne savions pas que nous avions le mandat de promouvoir le partenariat et surtout nous ne souhaitons nullement voir l'ensemble du système scolaire adopter l'action communautaire...)

Il m'est apparu que vos services répondaient à des besoins réels et diversifiés d'une partie de la population, souvent aux prises avec de graves difficultés. Ces gens ont besoin de soutien et, souvent, ils peuvent difficilement le trouver auprès des services réguliers du système scolaire. Votre action est donc complémentaire à celle des écoles et des commissions scolaires. (Notre action se veut différente des commissions scolaires et non simplement "complémentaire"...)

Le nouveau programme reconnaît d'abord la nécessité de l'éducation populaire autonome et la complémentarité des services que vous offrez avec ceux des services réguliers de l'éducation aux adultes. Par sa participation au Comité de consultation, il fait de votre mouvement un partenaire associé au développement de l'éducation populaire autonome. (AH OUI? La vision du partenariat de l'ex-ministre nous a d'ailleur été clairement démontré lors de l'annonce, en janvier dernier, de la décision UNILATERALE sans consultation et sans préavis concernant la suspension du financement particulier de deux tables régionales et de plusieurs fédérations nationales. Cela ne peut que nous laisser songeurs...)

Je sais aussi qu'il n'est pas toujours aisé pour un organisme composé de bénévoles de formuler l'action que l'on veut entreprendre en termes d'objectifs précis qui permettent la mesure de l'atteinte des résultats. (Alors là! Le ministre prend-il les bénévoles pour des nouilles? Ce n'est pas parce que nous ne sommes pas capables de produire ce que le mec -s'cusez, le MEQnous demande. Mais voilà, les résultats atteints ne sont pas toujours mesurables comme dans le réseau scolaire...)

Je pense qu'il faut aussi s'entendre sur ce qui s'en vient, sur l'avenir de l'éducation populaire autonome. Je sais que la principale recommandation contenue dans votre mémoire aux Etats généraux concerne l'élaboration d'une politique globale en éducation populaire autonome. Vous la réclamez depuis longtemps, j'en suis conscient.

Cette politique, vous la voyez comme une reconnaissance de l'importance de votre rôle, comme un instrument vous permettant de sortir de la précarité, comme une assurance du développement futur de l'éducation populaire autonome. Le nouveau programme représente un pas dans cette direction. Mais je sais que ce n'est pas suffisant.

Les consensus qui se dégageront des Etats généraux vont guider notre avenir. (Bon. voilà une piste de travail incontournable selon le ministre... Serons-nous vraiment écoutés?). Votre engagement actuel dans le soutien aux adultes qui vivent des situations difficiles est pour moi une garantie de votre engagement futur dans l'essor que nous voulons tous et toutes donner à l'éducation populaire autonome. (Merci beaucoup,beaucoup, beaucoup!!!)

Notre vie démocratique: à l'aise ou foutaise?

Par Roch Lafrance

Lorsqu'on parie de démocratie, une phrase nous vient spontanément en tête: le pouvoir par le peuple et pour le peuple. Pourtant, lorsque l'on regarde concrètement la vie démocratique au Québec, on se rend bien compte que la participation et le contrôle populaire sont exclus de la prise de décision.

La structure de pouvoir dans notre société capitaliste, fondée sur des intérêts privés, est en contradiction avec l'idéal même de la démocratie qui veut promouvoir l'intérêt public. On a créé, ici comme ailleurs, un système démocratique basé sur le formalisme et la représentation que bien souvent on tente de limiter aux élections.

Les groupes d'Éducation populaire autonome (GÉPA) ont maintes fois décrié cette vision de la démocratie qui exclut l'ensemble des citoyennes et citoyens du véritable processus décisionnel. Ces groupes affirment depuis longtemps que l'Éducation populaire autonome, c'est un peu l'éducation à la démocratie.

Mais qu'en est-il dans nos groupes? Nous ne sommes pas isolés dans la société québécoise et nous vivons dans nos milieux de vie et de travail l'expérience du type de démocratie pratiquée au Québec. Dans leurs pratiques quotidiennes, les GEPA se démarquent-ils du modèle dominant ou ont-ils plutôt tendance à le reproduire?

Définition en bref

Démocratie:Origine grecque; demos-peuple et kratos-force, puissance. Définition: Doctrine politique d'après laquelle la souveraineté doit appartenir à l'ensemble des citoyens (Petit Robert 1).

Éducation populaire autonome:Ensemble des démarches d'apprentissage et de réflexions critiques par lesquelles des citoyennes et des citoyens 1) mènent collectivement des actions 2) qui amènent une prise de conscience individuelle et collective au sujet de leurs conditions de vie ou de travail, et 3) qui visent, à court, moyen ou long terme, une transformation sociale, économique, culturelle et politique de leur milieu.

Dans cette définition de l'Éducation populaire autonome, on retrouve les éléments créant les conditions de la vie démocratique. C'est pourquoi on parle souvent de l'É.P.A. comme étant une forme d'éducation à la démocratie.

La vie démocratique a parfois tendance à être assimilée aux seuls mécanismes d'élections et de représentation de la population ou des membres d'un groupe. En réalité, elle devrait inclure tout le travail accompli dans le but de permettre à des personnes, individuellement ou collectivement, de prendre la parole, de dire leurs besoins et leurs attentes, de devenir des acteurs sociaux plutôt que d'être confinées à un rôle de spectateur. L'É.P.A. se veut une démarche d'apprentissage de la démocratie. Mais dans nos pratiques quotidiennes, est-ce vraiment le cas?

Nos pratiques

A. Notre vision de la démocratie: En 1993, le MÉPACQ adoptait son cadre de référence pour un projet de société, fruit d'une longue réflexion et d'une consultation auprès des groupes de base du MÉPACQ. On y dénonçait le peu de pouvoir que les citoyennes et les citoyens ont sur les décisions qui sont prises dans notre société et l'absence de larges parties de la population dans le processus démocratique.

On y affirmait notre volonté de vivre dans une société qui véhicule une véritable démocratie, tant dans sa représentation politique que dans ses structures, et qui se dote des outils nécessaires favorisant le droit de parole. On suggérait alors quelques moyens pour atteindre une réelle démocratie participative tels:


-établir une représentation proportionnelle des femmes, des minorités, des personnes âgées, des personnes handicapées / se limiter à un nombre maximum de mandats pour les personnes élues / se doter d'un véritable processus de consultation qui soit démocratique et respectueux des points de vue présentés.

Comme lieu d'apprentissage de la démocratie, un groupe d'É.P.A. devrait être l'endroit privilégié pour appliquer ces moyens. Qu'en est-il vraiment?

B. Que fait-on sur notre terrain? La vie démocratique dans un groupe d'É.P.A. devrait être une de nos principales préoccupations. Toutefois, à cause de plusieurs facteurs (comme le manque de ressources, les problèmes de financement, l'urgence de la situation, la faible participation des membres), il peut être difficile de concilier ce mandat avec notre pratique quotidienne. N'a-t-on pas tendance, lorsqu'il faut choisir, à prioriser certaines activités de l'organisme au détriment de la vie démocratique?

Pistes de réflexion

Ce bref survol de la vie démocratique dans les groupes d'É.P.A. est forcément fort incomplet. Le but de l'exposé n'est pas d'apporter des réponses toutes faites mais plutôt de susciter la réflexion sur cette problématique. À cet effet, voici quelques pistes qui pourront nous guider dans cette réflexion.

  • A-t-on tendance à reproduire dans nos groupes les modèles démocratiques de la société que l'on dénonce? -Y a-t-il possibilité pour toutes et tous de participer aux débats dans l'organisme? -Dans quelle proportion les membres participent-ils activement aux activités de l'organisme?
  • Les orientations du groupe sont véritablement décidées par la permanence, par un petit groupe ou par plusieurs personnes? -Les décisions, qu'elles soient banales ou importantes, sontelles prises par la permanence, par un petit groupe ou par plusieurs?
  • L'organisme réflète-t-il bien la composition de la communauté?
  • Quelles sont les possibilités pour l'ensemble des membres de s'impliquer dans le groupe?
  • Quelles sont les mesures concrètes que le groupe met de l'avant pour que les membres s'impliquent
  • Les membres ont-ils l'occasion de participer à des débats importants dans l'organisme?

La régionalisation et :

Pistes de réflexion en vrac

Par Lise Gervais

Qui je suis et à quel titre je fais cette présentation:

"je ne suis pas une experte mais quelqu'un qui a vécu l'expérience de la régionalisation dans le champ de la santé et des services sociaux. C'est à ce titre que je me permets d'intervenir. Ma présentation sera donc un témoignage et je me permettrai quelques réflexions liées à cette experience."

Le contexte

Crise de l'État providence, crise des finances publiques, crise de l'emploi, crise de légitimité du politique. Les régions qui demandent de plus en plus de contrôle sur les services qui leur sont dispensés.

Des régions et des secteurs de la population qui n'ont plus, ou presque plus accès aux services.

Le "virage préventif et les déterminants de la santé. Les groupes qui questionnent les façons de faire ou de ne pas faire de l'État. De la commission Rochon à la mise sur pied de la loi 120, la position des groupes est passée, du refus global à la participation critique.


Quelques questions que pose la participation aux instances régionales

Notre spécificité est-elle menacée?

La participation conflictuelle, est-ce possible? S'adapter et/ou s'imposer? Tout le monde parle de complémentarité, qui est complémentaire à quoi? On a demandé à être "partenaire" et à être "consulté", nous le sommes... Avoir une approche globale, est-ce que ça veut dire répondre à toutes les consultations et demandes de partenariat?

Sommes-nous reconnus ou récupérés?


Conditions pour une réelle participation

Malgré la tentation, ne pas tomber dans la spécialisation. Clarifier dès le départ, la nature du partenariat. Clarifier notre fonctionnement par délégation.

Ne pas devenir un groupe d'intérêts comme les autres. Apprendre à négocier. Avoir des dédommagements à la participation, sans tout monnayer.

Maintenir les liens entre nous. Se donner le droit de dire NON.

Un financement de base adéquat.

Etre reconnu pour ce qu'on est...


Pourquoi se donner tout ce mal?

Pour que les conditions de vie de la population soient vraiment prises en considération.

Pour participer à la démocratisation du système. Pour que les patients, les consommateurs, les bénéficiaires deviennent des citoyens et des citoyennes avec un mot à dire sur leur vie. Pour se battre pour le SENS. Pour être la conscience de l'État.

Et que viennent les réponses à travers nos réflexions et nos débats...

É.P.A. et féminisme: convergences et... divergences?

«Cou'donc, les filles vont-elles finir par changer le monde?»

Par Michèle Asselin

De la lutte au droit de vote des femmes, à la naissance du mouvement des femmes actuel, la lutte des femmes passe par l'éducation populaire:

  • lutte pour le droit de vote et éducation à la citoyenneté (ex.: activité "électorale", etc);
  • lutte pour le droit à l'avortement et éducation au planning des naissances (ex.: atelier d'auto-examen, etc.);
  • lutte contre la violence faite aux femmes et éducation à l'autonomie (ex.: atelier d'autodéfense, etc.).

Les grands principes de l'éducation populaire féministe

  • une approche globale et non compartimentée des problèmes des femmes,
  • un projet éducatif qui fait partie intégrante de toute l'action féministe que ce soit au niveau des services, des activités éducatives, de l'action collective ou de la vie associative;
  • une prise de conscience des stéréotypes et une lutte contre les préjugés, qu'ils soient fondés sur le sexe, l'appartenance ethnique, l'orientation sexuelle, le statut social, etc.;
  • le développement d'une solidarité concrète autour de problèmes communs ou de projets collectifs;
  • confiance dans le potentiel des femmes;
  • déculpabilisation des femmes, valorisation de leurs connaissances, de leurs expériences, etc.;
  • analyse des problèmes et des réalités individuelles en rapport avec leurs causes socio-politiques et patriarcales;
  • démarche d'autonomie, permettant aux femmes d'acquérir plus de pouvoir sur leur vie, respect de leur cheminement, liberté de choix;
  • entraide, soutien entre les femmes, solidarité;
  • recherche de solutions collectives;
  • développement de rapports égalitaires et équitables entre les animatrices et toutes les femmes; démystification du rôle de l'experte;
  • participation à la vie démocratique et sociale.

Les groupes de femmes sont des lieux d'appartenance qui tiennent compte de la vie des femmes; pour femmes seulement / un salon, une cuisine / autour d'un café, d'un dîner... / les enfants sont les bienvenus, etc.

Une multitude d'activités éducatives, des pratiques innovatrices,quelques exemples; les cuisines collectives / formation préparatoire à l'emploi ou la pré-employabilité / l'animation culturelle.

La gestion collective, un nouveau modèle de pouvoir, les grands principes de la gestion collective: pas de hiérarchie et prise de décision par consensus / quelques modèles: c.a.=collective, a.g. et c.a=collective.

Éducation populaire et féminisme: convergences et... divergences?

Convergences, la même source; une approche globale et non compartimentée des problèmes / le développement d'une solidarité concrète autour des problèmes communs ou de projets collectifs / confiance dans le potentiel des personnes , analyse des problèmes et des réalités individuelles en rapport avec leurs causes sociopolitiques / recherche de solutions collectives / participation à la vie démocratique et sociale.

Divergences, là où le fleuve se sépare; l'éducation populaire est un lieu où on remet en cause les rapports sociaux dominants, on développe une analyse de "classe" mais trop souvent on n'analyse pas les rapports hommes femmes, les causes de l'oppression des femmes...

Quelques questions...

Un groupe populaire peut-il être sexiste? Existe-t-il une division sexuelle des responsabilités dans les groupes d'éducation populaire? Estce que cette division se répercute dans les structures organisationnelles, dans le partage du pouvoir? Est-ce quelle détermine le type de militantisme?

L'éducation populaire intervient au niveau des conditions de vie, le domaine des femmes Pourquoi ne pas reprendre plus les revendications féministes? Un groupe populaire mixte peut-il être féministe?

L'éducation populaire et le changement social

Par Guy Paiement

Dès ses débuts, le mouvement a été porteur d'un projet de changement social fondamental. Avec la montée de l'État de la révolution tranquille, il a été influencé puis colonisé par les perspectives fonctionnalistes des fonctionnaires et des nouvelles disciplines sociales d'intervention. Aujourd'hui, alors qu'il connaît une crise financière importante qui menace son existence même, le mouvement populaire doit retrouver ses racines et, pour le faire, discerner le type de changement à long terme qu'il entend promouvoir.

L'atelier proposera deux lectures du changement social, l'une issue de la mentalité néo-libérale dominante et l'autre qui poursuit la voie d'un développement solidaire en prise sur un territoire concret. Les deux se retrouvent souvent simultanément dans les groupes, ce qui rend l'action si écartelée et peu susceptible de compter socialement. L'art de voir clair devient alors incontournable.

Pour la première, on peut observer trois choses qui s'emboîtent: 1) la disparition du territoire ou du quartier au profit de la région administrative. La logique administrative prendra alors toute la place 2) la disparition de la structure sociale au profit du seul fonctionnement social. Les personnes exclues sont définies par les gens inclus. On parlera alors de poches de pauvreté. La pauvreté étant définie par un manque d'argent ou par un manque d'atout socio-culturel. 3) l'insistance de l'intervention se concentre alors sur les multiples façons d'aider les gens exclus à mieux fonctionner et donc à être inclus dans la société de marché.

Pour la seconde, on insiste plutôt; 1) sur la redécouverte du territoire (ou du quartier) et des interactions multiples qui s'y jouent 2) sur le passage de l'analyse de la pauvreté à la recherche commune d'un développement solidaire. Les exclus et les inclus cherchent ensemble une redistribution des pouvoirs dans la société 3) sur une approche globale, en processus et donc comprenant des étapes, vers plus de pouvoir sur sa vie et sur son milieu On parle moins de pauvres que de citoyens et de citoyennes qui veulent vivre et être heureux dans leur milieu.

Plusieurs questions découlent évidemment de ces deux perspectives opposées et souvent mutuellement présentes dans nos groupes.

Trois grappes de questions

  • Comment intègre-t-on le territoire ou le quartier dans nos préoccupations et interventions? Quelle collaboration intergroupe avons-nous? De quelle coalition faisons-nous partie et pour quoi faire?
  • Avons-nous fait le passage de la pauvreté au développement solidaire? La gestion de la pauvreté que nous devons faire s'inscrit-elle dans un cadre et une démarche critique? Avons-nous un code d'éthique dans l'utilisation des programmes gouvernementaux? La pauvreté de notre gestion: le fonctionnement de notre organisme prend-il tellement d'énergie qu'il nous empêche de chercher des alliés, de faire de l'éducation populaire à partir des événements, de chercher d'autres formules d'intervention que la manif de réaction? Prenons-nous du temps pour réfléchir ensemble à des alternatives et pour les proposer? Notre préoccupation de l'économie se limite-t-elle à exiger un meilleur fonctionnement financier de notre organisme?
  • Avons-nous une approche et une pédagogie qui vise à donner plus de pouvoir aux citoyens et citoyennes que nous sommes? La gestion de l'organisme est un lieu possible: est-il le seul? Est-il toujours souhaitable? Le passage du dépannage à l'alternative ou celui des services à une implication solidaire sont-ils prévus et intégrés? Des exemples: les cuisines collectives, les clubs d'achats, les collectifs d'artistes du quartier, les enquêtes auprès des magasins du quartier ou de la région, le projet de développement économique à partir d'un mini-prêt à un groupe, etc. Se fait-il une critique du pouvoir exercé dans l'organisme, de façon à détecter les abus de pouvoir et à comprendre leurs liens avec le fonctionnement de la société?

De l'esprit et des mots...

Lecture à "débroussailler" nos esprits embourbés dans les discours dominants et à éveiller nos questionnements et réflexions pour continuer à alimenter nos espoirs et notre travail quotidien. Une revue abordant différents sujets tant sur le plan philosophique, social, politique qu'économique mais toujours avec un esprit critique soutenu par un idéal de justice social (certains diraient un discours de gauche...). Pourquoi pas s'abonner

Virtualité, en vente dans les kiosques à 5.00$ (abonnement-6 nos25.00$)

J'accuse l'économie triomphante d'Albert Jacquard

Devant le désarroi de plusieurs citoyens et citoyennes devant le discours triomphant de l'économie de marché, quelle devrait être l'attitude des gens poursuivant des objectifs de justice sociale?

Albert Jacquard analyse certains des phénomènes les plus menaçants pour l'avenir de notre société et la survie même de notre planète. Un des phénomènes dominants est sans aucun doute le discours de "vérité indiscutable[' du libre marché (nous pourrions même dire de discours économique "intégriste") auquel Jacquard s'attaII tire la sonnette d'alarme et appelle à la remise en question (sinon à la résistance) de ce discours fallacieux au profit d'une mince minorité. Allant plus loin, il indique le choix à faire; "La barbarie ou la démocratie, il faut en décider aujourd'hui"

Ed.Calmann-Lévy, Paris, 1995, 167 pages


La culture de la dette de Patrice Martin et Patrick Savidan

L'obsession de la dette hante la classe dirigeante et la quasi totalité des politiciensennes des pays occidentaux Que de coupures, privatisations, déréglementations ou autres politiques conservatrices ne s'effectuent pas au nom de la sacro-sainte dette. Et pourtant...

Voilà un petit livre incisif démystifiant les discours soi-disant "économiquement neutres" et "au-dessus toutes idéologies" qu'utilisent nos chers ($) dirigeant-e-s politiques .

Ed. Boréal, Montréal, 1994, 138 pages

Les corporations de développement économique communautaire en milieu urbain: l'expérience montréalaise par

Richard Morin, Anne Latendresse et Michel Parazelli

Cette parution est d'abord et avant tout un rapport s'inscrivant dans le cadre d'un programme de recherche de trois ans encadré par le département d'études urbaines et touristiques de l'UQAM.

Abordant tant l'aspect historique, théorique et pratique de l'approche du développement économique local et communautaire ainsi que l'expérience des corporations économiques communautaires (CDEC) de Montréal, les auteur-e-s soulignent les différents aspects positifs, les dangers et surtout les enjeux liés à ce nouveau type d'organisation au Québec.

Document de référence particulièrement intéressant dans le contexte de débats et d'échanges autour de toutes ces questions; CDEC, Corporation de développement communautaire (CDC), développement local, etc.

Éd. : Études, matériaux et documents 5, Département d'études urbaines et touristiques, 1994, 241 pages


De la charité médiévale à la sécurité sociale sous la direction d'André Gueslin et Pierre Guillaume

De la seigneurie au bureau d'aide sociale, des confréries charitables à l'action catholique, des sociétés de secours direct aux programmes sociaux, ce livre retrace l'évolution de la protection sociale du Moyen Âge à nos jours.

À l'heure des grandes réformes de la sécurité sociale, ce livre offre des perspectives historiques essentielles pour mieux se positionner.

Ed. de l'Atelier, 1995


Un jardinier pour les hommes de Nicole Labelle Ruel

Roman jeunesse traitant des questions du désespoir, de la solitude et du suicide mais avec des pistes d'espoir et de lucidité.

Histoire d'amitié entre un adulte et un adolescent, histoire d'un cri du coeur et de détresse; "Pourquoi faut-il toujours attendre les ultimatums pour exprimer les choses importantes de la vie?".

Et ce jeune, comme des milliers d'autres, exprime son goût de fuir mais aussi son espoir pour l'avenir; "J'aurais le goût de m'étendre, de dormir jusqu'à vingt ans, pis là, de me réveiller dans un monde beau, où tout le monde s'entend, où tout le monde rit, où il n'y a plus de guerre, plus de pollution, plus de crime."

Éd. Québec-Amérique, 1992


L'ATOUT, Manuel de ressources pour l'action communautaire d'un collectif de la Table Ronde des OVEP de l'Estrie (TROVEPE)

Outil de réflexion et de travail abordant plusieurs aspects de l'organisation communautaire; la planification, la gestion, les relations publiques, le financement, la vie démocratique, l'animation, les réunions, la mobilisation et l'évaluation.

De plus, les groupes membres de la TROVEPE se sont donné collectivement deux instruments fort intéressants, inclus dans L'ATOUT; un '"Outil d'appropriation de l'éducation populaire autonome" s'adressant aux membres d'un conseil d'administration d'un groupe populaire et facile d'utilisation ainsi qu'un "Guide d'utilisation des programmes de création d'emploi et d'employabilité".

Éd. TROVEPE, 1994 (dernière édition mise à jour), 425 pages

Des militantes témoignent

Extrait de «L'autre éducation» Émission réalisée à l'occasion du Colloque sur l'ÉPA, production: TVCRA

Pourquoi ont-elles choisi l'éducation populaire autonome?

France Boudreault, Centre d'éducation et d'action des femmes de Montréal

Pour les défis qu 'on se lance et surtout pour les gens avec qui on travaille. Dans mon cas, ce sont les femmes. L'éducation populaire autonome c 'est aussi l'action collective, c'est-à-dire réfléchir sur notre condition et agir. C'est également pour l'analyse qu'on porte sur notre société. Dans un Centre de femmes, c'est l'analyse et l'intervention féministe qui priment et c 'est essentiel pour moi. L'éducation populaire autonome fait appel à la créativité. Enfin, parce que j'ai encore beaucoup déplaisir à travailler dans un groupe populaire, dans un Centre de femmes.

Carole Girard, L'ASTUSE, Groupe de défense des droits des personnes assistées sociales du Saguenay

Ça fait peut-être cliché, c'est la "justice sociale". D'avoir des rapports égalitaires, travailler sur l'équité, une meilleure répartition de la richesse. De reprendre aussi du pouvoir, son rôle de citoyen d'abord. On a beaucoup de discussions sur nos valeurs, comme sur le travail par exemple. Mais comme citoyenne, moi j'ai mon mot à dire dans les décisions qui se prennent. Je me redonne un petit peu de pouvoir, je m'informe pour pouvoir avoir ma place dans ça.

Marie-Josée Larochelle, Groupe de défense des droits des détenus de Québec

Ce qu 'on a de la misère des fois à faire passer c 'est que la personne incarcérée a des droits comme toute personne. C'est un gros préjugé qu'on rencontre: qu 'elle est là parce qu 'elle le mérite et elle doit subir ce qui se passe là. Ça c'est la première chose: c'est de faire valoir la personne incarcérée comme une personne humaine àpart entière avec tous les droits que ça sous-entend. Alors, c'est vraiment des valeurs d'égalité, d'équité; vraiment les valeurs fondamentales de solidarité, d'entraide qu'on veut développer chez ces personnes-là.

Louise Lachance, Association des locataires de Sherbrooke

La prise en charge de la personne c'est la valeur qui est sous-entendue dans tout ça. On veut pas que les gens arrivent à l'association et les traiter comme des clients qui nous voient comme des avocats en disant: «voilà mon dossier, vous me rappellerez la semaine prochaine lorsque vous aurez une réponse ou lorsque le jugement sera rendu». On tente de donner des moyens à ces gens-là pour s'aider à se prendre en main.

Selon elles, quels sont les défis actuels en éducation populaire autonome?

France Boudreault

Selon moi, c 'est l'autonomie des groupes populaires et communautaires en lien avec leur financement. Les bailleurs de fonds ont tendance actuellement à définir des objectifs et des moyens d'intervention et les groupes sont confrontés à s'y soumettre. Les objectifs ne sont donc plus définis à partir des citoyennes-citoyens avec qui nous travaillons. C'est la mission, la vocation même des groupes qui se voit modifiée et par le fait même le projet éducatif. Pour les Centres de femmes, le danger c 'est de voir le volet services augmenter et ce, au détriment des activités éducatives et des actions collectives. Comment conserver cette autonomie? Je crois qu'il faut revenir à nos valeurs de base, à notre mission, à nos objectifs de départ.

Pour les groupes subventionnés par la Régie régionale, là aussi, il faudra être vigilant. Des priorités ont été adoptées etàl 'heure actuelle, des projets sont proposés aux groupes où les objectifs, les partenaires et le plan d'action sont élaborés par la Régie. C'est tentant d'aller chercher un tel projet pour un groupe qui n 'a pas beaucoup de financement.

Un autre danger, c 'est le contrôle de nos évaluations. Hier soir, Monsieur Garon a été clair sur le sujet. Il veut qu 'on lui fournisse des résultats mesurables. Qu 'il vienne voir ce qu 'on fait dans nos groupes! On travaille avec et pour des femmes afin de briser leur isolement et développer leur autonomie afin qu 'elles parviennent à changer des situations dans leur vie personnelle, dans leur milieu. C'est ça notre principal défi.

Lise St-Germain, Centre d'éducation populaire de Pointe-du-Lac

Dans le cadre de la décentralisation, de la régionalisation, est-ce que le communautaire a de plus en plus de place? En même temps, on ne sait pas trop c 'est quoi les attentes de l'État par rapport à ce qu 'on doit faire. Il y a de plus en plus de pauvreté, d'exclusion. On a de plus en plus à gérer cette pauvreté. Il y a comme un déséquilibre. Je pense qu 'un des plus grands défis c'est de garder l'unité, la solidarité et la force du mouvement populaire et communautaire dans l'ensemble du Québec. Et ça, ça va être un défi. Comment on va le faire tout en se disant "il y a un processus de régionalisation ". Il y a comme un fil conducteur qui doit être là. On doit gérer de plus en plus de choses à la fois, avec pas beaucoup d'argent aussi tout en ayant une certaine reconnaissance qui est aussi à définir. On est comme en redéfinition de ce qu'on doit faire et de ce qu 'on attend qu 'on fasse. On doit se questionner par rapport à ça aussi.

Carole Girard

C 'est d'avoir une politique de reconnaissance. Ça paraît peut-être "flyé " là mais pour nous autres c 'est important, entre autres, pour notre groupe qui est un groupe de défense de droits. On sent que ce qui est reconnu c'est davantage les groupes de services. Donc, on sent une menace parce qu 'on se dit un groupe de défense de droits c 'est aussi la base démocratique, l'endroit où les gens peuvent se faire entendre. Alors, si on reconnaît seulement le service, comment pourra-t-on continuer à porter notre "projet de société" et à travailler à la base pour changer les choses socialement. Le défi c'est de faire reconnaître nos groupes.

Citations, hors contexte mais combien rafraîchissantes, de quelques participant-e-s lors des ateliers;

"L'utilisation de mots qui ne nous ressemblent pas c'est se «mettre des roches dans la mâchoire»"

" Les mots sont porteurs de plusieurs rapports de pouvoir, de valeurs, d'idées et nous positionnent. "

"Être vigilant: l'appauvrissement pousse à l'intolérance par la création de boucs émissaires. "

" La gestion des pauvres par les groupes. Pourquoi pas la gestion des groupes par les pauvres?"

"Se donner du temps pour rêver dans nos groupes autrement et dangereusement"

"L'urgence de prendre son temps: se poser les questions pertinentes avant de dire oui à une participation à une coalition quelconque"

Flashs photos

Des groupes d'ÉDUCATION POPULAIRE AUTONOME sont actifs sur tout le territoire du Québec dans à peu près tous les secteurs:

  • Logement
  • Violence faite aux femmes
  • Hébergement
  • Chômage
  • Environnement
  • Maison de jeunes
  • Personnes handicapées
  • Sécurité du revenu
  • Alphabétisation
  • Consommation
  • Solidarité internationale
  • Garderies
  • Formation
  • Alimentation
  • Centres de femmes
  • Santé
  • Sécurité au travail
  • Centres de femmes
  • Action bénévole
  • Familles monoparentales
  • Immigration
  • Droits et libertés
  • Médias communautaires
  • ETC.

LES GRANDS PRINCIPES DE NOTRE PROJET DE SOCIETE SONT:

  • Une société démocratique
  • Un environnement sain
  • Une société non-discriminatoire
  • Une société non-violente
  • Une société juste sur les plans économique et social
  • Des rapports égalitaires entre les femmes et les hommes
  • Des plaisirs pour mieux vivre

VISANT L'OBTENTION D'UNE PLUS GRANDE JUSTICE SOCIALE ET D'ESPACES DÉMOCRATIQUES PLUS DÉVELOPPÉS, IL NOUS FAUT ÉLARGIR LES DIFFÉRENTS LIEUX DE PRISE DE PAROLE, BASE DE TOUTE DÉMOCRATIE VÉRITABLE ET D'AVANCEMENT SOCIAL SIGNIFICATIF. LES GROUPES D'ÉDUCATION POPULAIRE AUTONOME CONSTITUENT UNE DES BASES FONDAMENTALES DE CETTE RÉALITÉ. EN CE SENS, NOUS CROYONS QUE LE GOUVERNEMENT DOIT JOUER UN RÔLE MAJEUR DANS LE SOUTIEN DE CES GROUPES ET CONSÉQUEMMENT, NOUS CONTINUONS À REVENDIQUER, AUPRÈS DU GOUVERNEMENT PROVINCIAL;

  • L'OBTENTION D'UNE VÉRITABLE POLITIQUE DE RECONNAISSANCE DE L'ÉDUCATION POPULAIRE AUTONOME
  • L'AUGMENTATION DES BUDGETS POUR ATTEINDRE 1,5% DES BUDGETS DU MINISTÈRE DE L'ÉDUCATION (à l'heure actuelle les budgets alloués à l'ÉPA ne représentent qu'environ 0.12% des budgets du MEQ)
  • LA RECONNAISSANCE ET LE FINANCEMENT DES TABLES RÉGIONALES MEMBRES DU RÉSEAU MÉPACQ À TITRE D'ORGANISATION DE REPRÉSENTATION RÉGIONALE DES GROUPES D'ÉDUCATION POPULAIRE AUTONOME

NOTES

1 Laprès, Daniel: Des valeurs sociales à concrétiser, Virtualités, vol. 3 no. 1, novembre/décembre 1996

2 Jocelyne Lamoureux, Le partenariat à l'épreuve. Éditions Saint-Martin, 1994

3 Pascal Bruckner, La mélancolie démocratique, Points actuel, 1990

4 Source Radio-Canada Presse Canadienne

5 Autonomisation: Action de donner davantage de pouvoirs décisionnels à une personne pour lui permettre de mieux utiliser ses ressources et ses capacités

6 En effet selon Gramsci la notion d'État comporte des éléments qu'il faut rapporter à la société civile, dans le sens où l'État est composé d'une société politique à laquelle se greffe la société civile.

7 Voir le texte de Benoît Lévesque et Lucie Mager, Le développement régional et local élément central d'un nouveau contrat social, 1990 7Pascal

8 Bruckner, La mélancolie démocratique. Points actuel, 1990

> >