D'autres sont tentés de ne caractériser le P.Q. que par sa superstructure, ils ne le voient qu'à travers les personnages braqués sur le podium. Alors, pour eux, le P.Q. ne fait que de l'arithmétique électorale, il fait la chasse à l'électorat en mettant au point ses techniques de vente et de marketing. Il trahit, la classe ouvrière, ne la soutient pas activement dans ses luttes, etc..
Sans doute, chacune de ces explications contient uns part vitale de vérité. Mais le P.Q. n'est pas statique. Il évolue avec la question nationale qui a tendance souvent à errer ou à émigrer sur la scène politique.
"Le P.Q. un parti bourgeois". Quand on dit cela, on croit avoir tout dit: voilà le P.Q. casé à jamais dans un tiroir étiqueté: bourgeois.
Par cette courbe phrase, on a caractérisé seulement un aspect du P.Q. On ne dit qu'une partie de la vérité, puisque le P.Q. est, dans les faits, un parti national. Quand on analyse le "national", on se rend compte qu'il comprend plusieurs classes sociales, On ne peut pas caractériser le P.Q. à partir de la présence d'une seule classe en son sein. Il faut aussi tenir compte des autres classes qui le composent ou qui l'appuient.
S'il est tout simplement ravalé aux autres parti notoirement bourgeois, et si ce qui le différencie des autres est éliminé ou recouvert par l'amalgame "bourgeois", alors on s'aveugle sur la réalité et on risque de subir ainsi de cuisants revers dans le combat social actuel.
La question nationale est toujours envisagée par ceux qui la posent, et surtout par ceux qui subissent l'oppression nationale, en termes de lutte et d'opposition."Comment lutter contre l'oppression nationale ? Quelle solution proposer pour la résoudre ?"
Le P.Q. est un parti national principalement parce que sa raison d'être, son programme et son projet politique sont fondée exclusivement sur la question nationale,c'est-à-dire l'oppression spécifique d'une nation par une autre. Le P.Q., et surtout sa direction actuelle,présente aux masses une option politique qui prétend résoudre ce problème.
Qu'est-ce que la lutte nationale ?
La lutte nationale, c'est la lutte de plusieurs classes d'une même nation contre l'oppression qui s'exerce sur l'ensemble de la nation.
Du fait que la nation est composée de classes distinctes et aux intérêts souvent opposés ou différente, cette oppression n'est pas ressentie de la même façon par toutes les classes, et les moyens de lutte contre l'oppression varient énormément d'une classe à l'autre. Face à la lutte nationale, chaque classe a donc sa vision, ses objectifs, sa stratégie, ses tactiques; chaque classe y voit des enjeux qui ne sont pas les mêmes pour tout le monde. La lutte nationale est donc une lutte des classes extrêmement complexe et fluide.
Dans chaque nation, il faut distinguer les classes, tant dans les nations oppressives que dans les nations opprimées. Dans la nation qui opprime, ce n'est jamais tout le peuple de la nation qui exerce cette oppression, mais la classe dirigeante qui vit de l'exploitation des ouvriers de "sa"nation et de l'exploitation et de l'oppression des ouvriers de la nation opprimée.
Au sein de chacune d'elles, les prolétaires n'ont pas non plus l'égalité. Au Canada anglais, le prolétariat participe des bienfaits que la bourgeoisie canadienne tire de l'oppression du Québec. Est-ce que cela signifie que les travailleurs canadiens oppriment ceux du Québec ? Non, Cela signifie qu'ils sont eux-mêmes dominés par la bourgeoisie canadienne qui corrompt une fraction du prolétariat canadien avec les bénéfices tirés de l'oppression nationale.
Dans la nation oppressive, les intérêts du peuple canadien exigent qu'il combatte l'oppression que la bourgeoisie canadienne exerce sur le Québec. "Un peuple qui en opprime d'autres ne peut être libre"(Marx).
Ceux qui disent que le P.Q. divise la classe ouvrière canadienne prennent l'effet pour la cause.
Le problème national est déjà une manifestation de la division du prolétariat canadien. C'est la bourgeoisie canadienne qui entretient l'oppression nationale; la cause première, c'est le capitalisme. La forme même de son hégémonie engendre cette oppression nationale, et la rend nécessaire pour son maintien. Elle l'exerce sur les Québécois, mais aussi sur les autochtones (les Inuit et les Amérindiens); la discrimination est le fait dominant, lié à l'exploitation capitaliste, partout au Canada,Les travailleurs immigrants sont eux aussi sans cette soumis à la discrimination.
La bourgeoisie a longtemps mis en avant le principe du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, surtout dans sa période révolutionnaire. Dans une seconde époque, perdant son caractère révolutionnaire, la bourgeoisie a de plus en plus utilisé le principe dans ses intérêts de classe et ses manoeuvres. Elle l'a détruit en tant que principe et n'en parle plus que comme diversion, et pour cacher une pratique contraire: l'absence de liberté et de droit des peuples, l'oppression impérialiste, l'oppression de classe.
Le P.Q. se présente devant le peuple québécois pour la troisième fois depuis 1970. Au cours des deux premières élections auxquelles il a participé, les voix péquistes se sont constamment accrues, surtout dans les régions du Québec où la classe ouvrière est concentrée.
Deux points importants ressortent des élections de 1970et 1973. l) la rupture de la classe ouvrière avec ses attitudes électorales traditionnelles, et son soutien aux candidats péquistes et au programme du P.Q. 2) la chute constante de l'Union Nationale que l'on ne doit pas réduire à une simple question de conjoncture électorale.
La question du soutien au P.Q. par la classe ouvrière est l'aspect le plus important pour nous. Les analyses faites du P.Q. par les organisations marxistes-léninistes qui ne soutiennent pas le P.Q. (P.Q.,"parti bourgeois", lié à l'impérialisme américain; "l'indépendance du P.Q., une indépendance de papier"; "le P.Q. divise la classe ouvrière canadienne", etc.) ne peuvent rendre compte de ce fait capital.
Si l'on s'éclaire de telles analyses, le soutien au P.Q.par la classe ouvrière apparaît alors comme le seul résultat d'une duperie psychologique, d'un succès du battage électoral et d'un échec des tentatives d'explication des marxistes-léninistes.
Le P.Q. est l'organisation politique d'une coalition de fractions hétérogènes de la petite-bourgeoisie. En ce sens, sous sa forme actuelle, le P.Q. est une formation politique instable. L'aspect principal de cette coalition est constitué par la petite-bourgeoisie technocratique(fonctionnaires, cadres, aristocratie syndicale) trouvant un fort appui,, parfois fanatique, dans les larges masses petites-bourgeoises (petits fonctionnaires, collets blancs,petits commerçants, professeurs, étudiants), Les aspects secondaires sont constitués par l'appui d'une aile de la petite-bourgeoisie traditionnelle (avocats, notaires,médecins, clergé, etc.) et par l'appui d'une frange inférieure de la bourgeoisie (petits capitalistes locaux, embryon en difficulté d'une bourgeoisie nationale). Le groupe dominant de cet ensemble bigarré, la petite-bourgeoisie technocratique, donne le ton aux aspects importants du programme du PQ: la constitution d'un Etat moderne technocratique, souverain. Il importe de voir les déterminations historiques de cette petite bourgeoisie moderne (transformation du caractère de l'implantation du capitalisme au Québec, liquidation de l'idéologie traditionnelle et de ce qui restait de la base économique traditionnelle) et ses différences avec la petite-bourgeoisie traditionnelle dont la domination politique a pris la forme du duplessisme.
L'UN est la formation politique de cette petite bourgeoisie traditionnelle dont la domination était liée à deux ensembles de phénomènes. Premièrement, cette petite bourgeoisie jouait le rôle d'entremetteur dans le vol impérialiste des ressources naturelles du Québec. Deuxièmement, elle assurait l'isolement culturel, linguistique et religieux du Québec, en perpétuant la domination dans la classe ouvrière d'une idéologie paysanne et religieuse s'appuyant artificiellement, par une carte électorale arrangée, sur une paysannerie déjà dépassée par le développement des forces productives; elle assurait ainsi uns réserve de main-d'oeuvre à bon marché aux secteurs industriels qui en avaient un besoin particulier (textile, industrie du cuir, pâtes et papier). L'autonomisme duplessiste était à la fois l'expression des limites de cet enclos de "cheap labour",et le pouvoir politique dont la petite-bourgeoisie traditionnelle avait besoin: elle n'avait pas besoin de l'indépendance, car sa domination ne tenait pas tant au contrôle des fonctions technocratiques d'un Etat ayant une existence véritable, comme c'est le cas pour la nouvelle petite-bourgeoisie, qu'à une position d'intermédiaire officiel entre le peuple et le capital financier.
Le développement des forces productives sous des formes nouvelles au Québec (industries plue modernes), la liquidation de l'idéologie traditionnelle, la prolétarisation massive de la paysannerie parcellaire, le développement des trusts et du capital monopolistique d'Etat, le vieillissement et la disparition progressive de la vieille structure industrielle profitant de la main d'oeuvre à bon marché, ont progressivement enlevé toutes ses bases historiques à la domination politique de la petite-bourgeoisie traditionnelle. Cela s'est reflété dans l'effritement de l'UN, la menace d'éclatement, l'apparition dans son sein d'une aile technocratique prête à l'alliance avec le PQ(Cardinal, Masse) et la présence effective d'une fraction de la petite-bourgeoisie traditionnelle au PQ? La défaite massive de l'UN aux dernières élections est la consommation de cette transformation historique des classes au Québec. La petite-bourgeoisie traditionnelle ne peut plus avoir son organisation politique autonome, elle ne peut que se rallier aux deux classes qui s'opposent actuellement, la bourgeoisie financière (parti libéral) ou la petite-bourgeoisie technocratique(PQ).
La raison principale du "balayage libéral" aux deux dernières élections ne tient pas à une soi-disant victoire du fédéralisme et ne concerne pas fondamentalement le débat fédéralisme-souveraineté. L'aspect principal de ce balayage,c'est la victoire des libéraux dans les forteresses traditionnelles de l'UN, c'est-à-dire que la victoire des libéraux n'est que l'autre face de l'affaiblissement historique de l'UN. C'est une victoire passive et empoisonnée.
La présente lutte pour la souveraineté est l'effet d'une contradiction non antagoniste entre la petite-bourgeoisie technocratique québécoise et la bourgeoisie financière. L'apparition de cette petite-bourgeoisie technocratique est organiquement liée au développement du capital monopoliste et conséquemment à l'élargissement du râle technique de l'Etat dans l'économie. La "révolution tranquille"(qui a fait monter lès technocrates et René Lévesque dans l'arène politique) a été le point d'impact politique de cette transformation de la base économique. Il ne faut pas oublier que le PQ est sorti du parti libéral. Ainsi il n'y a pas d'oppositions inconciliables entre cette petite-bourgeoisie et le capital; au contraire, le PQ offre au capital monopolistique la sorte d'Etat dont il a besoin. La contradiction se manifeste sur la question de la souveraineté :
Cette contradiction ne peut prendra une forme violente,il s'agit plutôt d'un marchandage entre la petite-bourgeoisie technocratique et la bourgeoisie financière. L'enjeu de ce marchandage est la classe ouvrière. L'alliance entre la bourgeoisie financière et le P.Q. est au prochain tournant, et le P.Q. la recherche avidement de deux façons:
La petite-bourgeoisie technocratique ne peut réaliser seule ses intérêts de classe, elle a besoin du soutien électoral de la classe ouvrière: ce soutien, elle l'a gagné par un programme de sécurité sociale progressiste,par l'emploi d'une phraséologie ouvrière et démocratique,et par la présentation d'un certain nombre de candidats syndicaux.
Cependant, le soutien de la classe ouvrière au PQ ne peut être réduit à une duperie électorale, et même le PQ se rend compte de cela. Il s'agit d'un mouvement démocratique de masse et ne peut dans la conjoncture actuelle,se manifester que par un soutien électoral au PQ. A l'étape actuelle, le soutien au PQ est une des formes politiques importantes que prend la montée des luttes de la classe ouvrière. En ce sens, c'est à la fois: le soutien électoral dont la petite-bourgeoisie a besoin,l'argument fort du PQ face à la bourgeoisie financière en ce qui concerne le danger de luttes sociales au Québec,et la preuve de la capacité du PQ de canaliser cette agitation sociale.
Le soutien électoral accordé au PQ par la classe ouvrière n'a pas un caractère nationaliste: il a un caractère résolument démocratique (reconnaissance assez précise des aspects démocratiques progressistes du PQ, caractère de la caisse électorale, bénévolat des militante,chef politique sans taches, salaire minimum, rapatriement des impôts, anti-colonialisme, prétention de contrôler l'économie et de créer des emplois, espoir qu'il s'agit là d'un changement fondamental). Nous devons saluer cet essor démocratique de la classe ouvrière et y voir un mouvement progressiste sur lequel nous devons noue appuyer. Il y a donc une différence essentielle dans la façon dont nous devons analyser le caractère progressiste du soutiendes ouvriers et l'appui que donne certains "labor boss"qui ne font que défendre leurs privilèges. Notons en particulier, la position ambiguë des candidats syndicalistes qui du même coup luttent pour leurs intérêts et servent d'appât électoral pour la classe ouvrière.
Le fait que la montée des luttes politiques de la classe ouvrière prennent la forme d'un soutien au PQ ne tient pas à des conditions historiques fondamentales (nécessité d'une étape démocratique, comme dans le cas de la révolution de 1905 en Russie et la révolution de démocratie nouvelle en Chine) mais strictement de l'absence d'une organisation politique autonome de la classe ouvrière et à la direction petite-bourgeoise des luttes ouvrières et populaires. Le soutien au PQ est une étape dans le développement idéologique de la classe ouvrière, mais pas le signe de la nécessité de l'indépendance réalisée par la bourgeoisie comme étape dans la lutte pour le socialisme. Avec le développement de la lutte politique autonome de la classe ouvrière et de son organisation politique,, la situation sera renversée, la lutte pour la démocratie deviendra subordonnée à la lutte pour le socialisme, l'indépendance sera un aspect de la victoire du socialisme.
La lutte contre l'oppression nationale (pour la solution de la contradiction entre le peuple québécois et la domination politique anglo-canadienne) menant à l'indépendance nationale est un des aspects de la lutte du prolétariat pour le socialisme à mettre sous la rubrique des tâches démocratiques du prolétariat (droit des nations à disposer d'elles-mêmes). Seul le prolétariat dans le cadre de sa lutte pour le socialisme peut mener de façon conséquente, c'est-à-dire entièrement démocratique, la lutte pour l'indépendance politique. Cependant,il est possible que la petite-bourgeoisie mène cette lutte et réalise, quoique de façon non-conséquente (souveraineté-association) l'indépendance politique. C'est une position gauchiste que de critiquer comme telle l'indépendance politique en refusant de voir sa spécificité par rapport à ce qu'on appelle "l'indépendance économique".Ainsi, on doit reconnaître le caractère progressiste de l'indépendance politique même réalisée par le PQ, et critiquer le PQ sous ses aspects anti-démocratiques, c'est-à-dire en révélant sa nature de classe, son marchandage avec la bourgeoisie, son alliance avec l'impérialisme, dont la classe ouvrière fera les frais sous la forme d'une législation syndicale anti-démocratique et anti-ouvrière. Une alliance du prolétariat avec la petite-bourgeoisie dans la lutte pour l'indépendance n'est cependant pas impensable,mais il est erroné de la penser sous la forme d'un soutien électoral seulement. Elle doit prendre la forme d'une alliance entre des formes politiques constituées et autonomes,c'est-à-dire qu'elle suppose l'existence d'une organisation politique autonome de la classe ouvrière.
Donc, la tâche prioritaire du prolétariat, à l'étape actuelle est la construction de son organisation politique autonome en vue de réaliser le socialisme.
Le PQ a transformé la question nationale en domicile légal, en maison bourgeoise, et il s'y est installé confortablement. Il a glissé et a fondu sur nous comme un immense glacier: il est venu refroidir la question nationale qui était, jusqu'à sa fondation, une question trop brûlante pour les partisans libéraux du "monstre froid"(l'Etat).Le P.Q. a "étatisé" la question: il a inséré la lutte nationale dans un projet réducteur de la question en une lutte pour la réalisation d'un Etat particulier (un maillon avec statut particulier d'un Etat central réaménagé).Et cette lutte, paradoxalement, se fait contre la nation,à ses dépens, pour des objectifs qui ne sont pas les siens. La nation est sacrifiée à une mystique de l'Etat. Et l'opposition à l'Etat central tourne en lamentations, en jérémiades, en protestantisme, de l'Etat.
Dans la lutte nationale donc, la nation elle-même est enjeu: la réalité tout autant que l& concept. La bourgeoisie a sa petite idée sur ce qu'est la nation et ses intérêts;le prolétariat a lui aussi son point de vue là-dessus. Mais est-ce que les prolétaires en sont tous conscients ? Voient-ils en quoi la lutte nationale fait partie de la marche vers le socialisme ? Voient-ils que la lutte nationale fait partie intégrante de la lutte de classe fondamentale ? Est-ce que nous les éduquons dans la compréhension de ces enjeux ?
La lutte nationale est traversée de tous bords et de tous côtés par la lutte sociale. C'est ce fait que la direction,et l'idéologie dominante dans le PQ, refoulent; c'est ce qu'elle tente d'éteindre, de contenir, dans les cadres de son référendum, de sa politique sociale laxiste et de son immense main-morte. C'est une direction qui a la chienne depuis longtemps et qui manque de foirer à chaque fois que le fédéral la menace d'une "mesure de guerre".
te PQ est dominé par des penseurs de l'Etat. Ils impriment une orientation au PQ, un style politique déterminé. Leur projet est un projet étatiste qui s 'intègre dans une vision néo-fédéraliste et force la main à un réaménagement de la Constitution canadienne. Le PQ peut ainsi devenir un élément ou un maillon de l'extension et de la consolidation de l'Etat central dans une former modifiée, réformée. Une vulgaire pièce de rechange dans la machine d'exploitation et d'oppression! Le fait que le parti libéral vienne piger dans l'arsenal péquiste certains thèmes de sa campagne n'est pas sans conséquence pour l'avenir proche et lointain. Ce sont là des signes très clairs que la grande bourgeoisie ne dédaignerait peut-être pas une telle alternative, revue et corrigée évidemment parle parti libéral.
Le PQ, de notre point de vue, n'est pas un parti national résolu. Pour la masse des gens qui le soutiennent, cela n'est pas encore évident. Le PQ n'a pas encore subi l'épreuve du feu. Il est très prudent, trop même; il cherche à se mouiller le moins possible. Si les marxistes ne pratiquent pas une critique de gauche à son égard et envers les aspects les plus négatifs, capitulationnistes de sa politique, comment peuvent-ils encore prétendre vouloir éduquer les masses que le PQ influence.
Le fait dominant de l'histoire du PQ depuis cinq ans, c'est son glissement progressif, son abandon des objectifs indépendantistes. D'un parti national en apparence vigoureux il est devenu un parti national hésitant, irrésolu,c'est-à-dire un parti national qui lutte contre l'oppression nationale en reculant, qui se contente de dénonciations générales, rituelles et stériles. C'est en ce sens que l'on peut dire que le PQ est un parti national inconséquent. Entant que marxistes, nous devons soumettre cette inconséquence et cette irrésolution, ce défaitisme national à une critique sans ménagements ni concessions.
Ce qui est en jeu d'abord c'est le pouvoir. Ce seul fait lie profondément la lutte nationale à la lutte des classes fondamentales dans notre société. La lutte entre la bourgeoisie et le prolétarisme mène aussi au niveau de la lutte nationale. L'enjeu s'exprime ainsi: Quelle classe va prendre le pouvoir dans la nation et exercer son hégémonie sur les masses ? Quelle classe au sein de la nation va détenir les moyens de production, les appareils idéologiques ? Quelle classe va déterminer le contenu de l'éducation, de la culture ? Les enjeux sont énormes. Lorsque l'on éclaire la question nationale avec les lumières du marxisme on s'aperçoit que la lutte nationale actuelle est abandonnée aux mains d'éléments opportunistes, que le prolétariat ne détermine pas le cours de cette lutte et qu'il est lui-même la proie de prédateurs de toutes sortes qui vivent de son labeur en parasites pour mieux le subjuguer et le plier dans un rôle de second violon, d'appui ou de tremplin. Comprendre cela c'est comprendre notre propre insuffisance en tant que marxistes ou en tant que militants ouvriers. Notre propre inconséquence est complice d'un traffic d'influence entre étatistes de tous poils qui manigancent et préparent leur avenir sur le dos des gens.
Les marxistes ne peuvent se contenter de discours vagues et de phrases creuses sur la "question nationale", sans aborder ses mécanismes concrets, la nature économique et politique de ses origines et les rapports de forces de classes ainsi mis en mouvement.
Les marxistes commencent par analyser le contenu objectif des revendications nationales, l'étape que le mouvement national traverse. L'étape et les revendications des canadiens français alors que le peuple québécois était composé majoritairement de paysans, ne peuvent pas s'analyser et se comprendra de la même façon qu'à l'étape où le peuple québécois est composé majoritairement de la classe ouvrière, des classes laborieuses, auxquelles s'ajoutent les petite agriculteurs prolétarisés, les artisans,les intellectuels et les couches de la petite-bourgeoise envoie de prolétarisation rapide. S'il y a une continuité historique d'une étape à l'autre du développement de la nation, il faut voir aussi le changement qualitativement différent à l'étape actuelle des revendications nationales. Par exemple : autrefois les agriculteurs canadiens français ne revendiquaient pas la langue de travail: ils travaillaient chez eux sur la ferme. Notre agriculteur canadien-français ne commence à revendiquer le français comme langue de travail qu'à partir du moment où il est dépossédé de sa terre et se voit pousser dans le prolétariat; il entre alors à l'usine de GM, et là il doit s'humilier et obéir à des patrons qui ne s'adressent à lui qu'en anglais.
L'exploitation capitaliste et l'oppression nationale sont ainsi vécues d'un seul souffle; elles sont intimement liées. On ne peut pas les séparer dans la vie de l'ouvrier. Si on les sépare, on ne peut le faire que par une opération mentale. Les marxistes ne peuvent pas sans se trahir prêter attention à la lutte contre l'exploitation capitaliste sans en même temps reconnaître que le problème national y est très lié, et inséparable On ne peut pas laisser au seul PQ le soin de résoudre le problème national. Quelles garanties donne-t-il que ce problème va être effectivement résolu dans le cadre de son "Etat indépendant?" D'ailleurs, si on regarde la façon avec laquelle le PQ envisage la question nationale,on remarque qu'il la sépare constamment de l'exploitation capitaliste. La pensée politique péquiste sépare les choses qui, dans la vie de l'ouvrier, sont en fait inséparables.
La nation est devenue tabou. Parmi les questions gênantes,la question nationale est la première que l'on"oublie" et refoule. L'abandon de cette question ne va pas sans un prix de consolation: l'identification de plus en plus claire au nationalisme canadien de Trudeau. Une foie converti au marxisme-léninisme, certains ne semblent plus sentir l'oppression nationale! La croyance dogmatique les a comme immunisés contre cette maladie de tarés. La réponse à la question nationale, il l'on traquée dans les oeuvres de Lénine ou de Staline. Leurs arguments d'autorité sur cette question repose essentiellement sur un "sallage" de citations de ces deux auteurs. Elle semble résolue, du moins elle le sera sûrement. Quand? Un jour, avec le socialisme au Canada. Le socialisme, un jour, comme on disait autrefois le paradis un jour, à la fin de vos jours!En attendant, gare à ceux qui la soulèvent! Ils sont immédiatement traités de nationalistes, de nationalistes étroits!
Certains parlent de la question nationale seulement lorsque les masses la posent dans leurs luttes. Il est toujours facile d'en parler après coup! On en fait alors l'objet d'un article, et voilà le devoir accompli: la ligne 3ur la question nationale est à nouveau ploguée!
A l'heure actuelle, qui défend les québécois victimes de l'oppression nationale? Les députés fédéraux, les libéraux de l'équipe Trudeau: Joyal et cie! Avec quelles idées?Le bilinguisme et le biculturalisme! Ecoutez Roger Delorme à CRAC dans l'après-midi!
Il y aurait donc deux types de politiques inconséquentes dans la lutte nationale actuelle: celle des péquistes inconséquents et irrésolus; celle des marxistes inconséquents qui refoulent la question nationale. La place que les marxistes ne prennent pas dans la lutte nationale, il là laisse à d'autres. Ces contradictions, ces inconséquences rangent de plus en plus ces marxistes inconséquents du côté de l'Etat central. D'un point de vue marxiste, ce paradoxe est le plus malaisé et le plus insoutenable. Pourtant, c'est la position qu'occupent presque toutes les tendances qui se réclament actuellement du marxisme-léninisme.
Chez nous, le prolétariat et la lutte des classes sont des tabous pour les nationalistes ; d'autre part, la nation et la question nationale sont tabous pour les marxistes. Qui profite de cet imbroglio? L'Etat central, celui qui exerce au nom des intérêts de la bourgeoisie canadienne,l'oppression nationale, c 'est-à-dire la division des travailleurs, et celui qui maintient le système exploitation capitaliste.
La Ligue pousse ce paradoxe jusqu'à l'absurde lorsque d'un côté elle met de l'avant le "droit pour les nations de disposer d'elles-mêmes" et de l'autre condamne le droit à la séparation. Le "droit ou la liberté pour les nations de disposer d'elles-mêmes" comprend le droit ou la liberté de se séparer. La Ligue va même jusqu'à se servir de l'amalgame et de l'épouvantail"séparatisme" inventé par Trudeau et ses collègues au début des années 60 pour dénigrer et déformer la notion politique de séparation.
Or, nier dans un Etat capitaliste la liberté pour les nations de disposer d'elles-mêmes, c'est-à-dire de se séparer, c'est uniquement défendre les privilèges de la nation dominante et les méthodes policières de gouvernement au détriment des méthodes démocratiques.
Arborer le drapeau du chauvinisme grand-canadien et prêcher l'indépendance nationale du Canada à l'heure actuelle, cela peut mettre certains marxistes-léninistes à l'abri de tout heurt violent avec l'Etat central, mais cela ne sert aucunement les intérêts du prolétariat canadien et québécois.
Il ne suffit pas d'énoncer les principes généraux tirés des classiques du marxisme-léninisme, puis de reléguer la question dans un schéma mécanique des contradictions. La révolution est impensable au Québec et au Canada sans la prise en charge par le mouvement prolétarien de la lutte nationale La lutte nationale n'est pas un bien commun, elle appartient à la classe sociale qui s'en saisit afin de la diriger et de la résoudre dans l'intérêt des masses de notre peuple. Seul un mouvement prolétarien conscient et conséquent peut prendre en charge le contenu et la direction de la question nationale et en faire une partie inséparable de la lutte pour le socialisme au Canada.
L'abandon de la question par les militants nouvellement convertis au marxisme-léninisme, à un marxisme-léninisme dogmatisé et empâté dans le conditionnement bourgeois, est une bêtise politique qui va coûter extrêmement cher si elle persiste encore plus longtemps. Cette bêtise ne peut que conduire les marxistes à une marginalisation croissante. L'histoire ce fera sans eux, et même contre eux. Si c'est cela qu'ils appellent aller à contre-courant, ils devraient se demander si le courant auquel ils s'opposent avec tant d'acharnement n'est pas celui auquel Trudeau lui-même s'oppose ?
Plus haut nous disions que le PQ avait la chienne devant l'Etat centrait on peut se demander s'il n'y aurait pas plus inconséquent que la direction du PQ à l'heure actuelle? L'attitude de certains courante politiques qui se prétendent marxistes-léninistes est celle d'un aplatissement devant l'Etat central, d'une collusion dans les interventions et d'un compromis de type lassallien 1 au niveau des lignes politiques et des mots d'ordre. Il y a un usage du marxisme chez nous qui dessert le marxisme et principalement la classe ouvrière à qui appartient en tout premier lieu cette théorie politique.
Personne ne va suivre longtemps des rêveurs, qu'ils soient des péquistes inconséquents ou des marxistes inconséquents,Quiconque prétend servir les intérêts du prolétariat ne peut entrer en collusion avec l'Etat central, dans l'opposition loyale de Sa Majesté.
Certains marxistes rejoignent dans leurs énoncés, dans leurs mois d'ordre et leurs proclamations les énoncés mêmes de la bourgeoisie canadienne. On croirait ré-entendre le Trudeau de 1963-64 qui s'opposait alors à l'idée d'indépendance du Québec et traitait les indépendantistes de contre-révolutionnaires, de séparatistes dans "Cité Libre":"La contre-révolution séparatiste". Par exemple, dans le journal de la Ligue, "La Forge", du 21 octobre 1976, on peut lire en page 9 un article sur les élections intitulé; "Non à la séparation, oui à l'autodétermination et au socialisme."Bourassa ne dit-il pas sur ses panneaux-réclames : "Non aux séparatistes", et ne prône-t-il pas une certaine version de l'autodétermination avec son slogan de "souveraineté culturelle"?
Cette analyse prétendument marxiste ne lie ou ne tente aucunement de lier la lutte nationale à la lutte pour le socialisme. Elle sépare ce qui dans le réel est intimement lié: l'exploitation et l'oppression. Le prolétariat canadien est perçu comme une abstraction et comme une généralité. En aucun moment on n'aperçoit même un cheveu de son contenu vivant et contradictoire.
Qu'est-ce au juste que le prolétariat canadien?
Si la nation est une réalité contradictoire, le prolétariat l'est aussi. Ce n'est pas un monolithe, un bloc solide et indivisible. Dans le prolétariat, il y a les prolétaires. Il y a des différences, du spécifique. Dans le prolétariat canadien, si on prend la peine de poser des petites bottes de plomb à ce concept, on voit qu'il comprend des prolétaires canadiens et des prolétaires québécois, des hommes et des femmes, des Inuit et des Amérindiens, des immigrants parlant plusieurs langues. Toutes ces différences ethniques, linguistiques et nationales constituent des contradictions au sein du prolétariat. Dans la question nationale, il y a aussi toute la question de "la moitié du ciel"; il y a toute la question des classes intermédiaires, petites-bourgeoises,que certains marxistes-léninistes dénigrent avec tant de complaisance.
Le moment est venu où le prolétariat prend conscience de la réalité nationale non plus en tant que force auxiliaire de ta bourgeoisie, mais en tant que force autonome,
Cette conscience est d'abord celle d'un dépouillement. La nation, réalité et concept, c'est la bourgeoisie qui la tient captive. Cet ensemble de biens matériels, moyens de productions, terres arables, forets, mines, lacs et rivières,voies de communications, fleuves, routes, richesses minières et naturelles, tout cela que l'on qualifie de national,c'est la bourgeoisie qui en dispose à son gré, en fonction de ses intérêts de classe. La bourgeoisie intègre ces biens à sa stratégie de classe afin de subvenir à ses besoins de survivance et afin aussi de renforcer sa volonté de puissance.
Pour les prolétaires et leurs alliés, pour le prolétariat atteignant à la conscience de classe, la réalité nationale est la réalité de la dictature de la bourgeoisie sur la nation. Au Canada, cette dictature s'exerce à travers tout le pays, sur les Canadiens et les Québécois, sur les Inuit et les Amérindiens, sur les immigrants et les autres minorités nationales. Au Canada, la réalité étatique l'emporte de beaucoup sur la réalité nationale. La lutte nationale des québécois est liée à la lutte contre l'Etat central. Jusqu'à maintenant, les classes qui ont dirigé le combat national ont toujours été en collusion avec Ottawa. Les têtes bourgeoises ont constamment trahi la nation pour quelques dollars de plus. Le prolétariat n'a vraiment de patrie que lorsqu'il détient la propriété des moyens de production, la propriété foncière, et le pouvoir d'Etat. Tant qu'il ne dispose pas de ces moyens, la patrie ne lui appartient pas, mais à d'autres classes.
La question nationale est donc pour le prolétariat, comme elle l'est pour la bourgeoisie, une question de classe.
Le parti prolétarien que nous voulons voir se dresser sur la scène politique canadienne et québécoise, ne saurait naître à partir d'une telle méconnaissance du phénomène national, et à partir d'une telle abdication devant la bourgeoisie canadienne et ses complices québécois. Méconnaître la question nationale, ne pas prendre position maintenant dans la conjoncture, c'est ni plus ni moins se mettre à la remorque de la bourgeoisie, c'est abandonner par là même les alliée du prolétariat ainsi qu'une large fraction du prolétariat lui-même, entre les mains de ceux qui, par intérêt de classe, peuvent être conduite à sacrifier et la nation et son héritage et son avenir.
Le parti prolétarien que nous voulons doit déterminere on attitude par l'analyse des situations historiques concrètes en prônant la solution qui assure le meilleur développement à la lutte de la classe ouvrière.
Nous devons démontrer la supériorité du socialisme scientifique pour résoudre la question nationale. Il faut dire que l'on peut lutter ici et maintenant contre oppression nationale sans abriller la question d'un voile nationaliste,mais en l'intégrant à la lutte pour le socialisme au Canada,Il faut insister sur le fait que l'on peut faire reculer maintenant les forces sociales qui entretiennent à leur profit cette oppression. Les masses peuvent le faire si nous savons les organiser et les mobiliser contre l'ennemi principal.
De ce point de vue, la solution consiste à reconnaître à tous le droit de séparation, sans admettre aucune inégalité,aucun privilège, aucun exclusivisme. Cette solution correspond à l'intérêt des prolétaires de la nation qui opprime parce qu'"un peuple qui en opprime un autre ne saurait être libre"(Marx), Comment le peuple canadien serait-il libre,en effet, puisque par l'oppression des autres peuples, ses propres exploiteurs renforcent constamment leur pouvoir de coercition sur lui ?
Le droit à la séparation sert les intérêts, des prolétaires de la nation opprimée, même s'il répond aussi à ceux de la bourgeoisie de cette nation. La politique prolétarienne se distingue de celle de la bourgeoisie dans ces nations,en ce qu'elle luttera jusqu'au bout, à travers bien des péripéties, pour l'égalité des droits, contre les compromis avec la bourgeoisie de la nation qui opprime, aussi bien que contre tout exclusivisme national, contre le nationalisme de toute bourgeoisie.
Les marxistes ont pour tâche de démystifier le terme"nation" et de démonter la mystification nationaliste. Ce faisant, ils redonnent au terme nation son contenu réel. La nation n'est pas un sentiment mystique, un attachement irrationnel à des valeurs obscures. C'est tout l'héritage accumulé au long des siècles par les gens d'un même pays, dans leur activité sociale et productrice; le patrimoine, les connaissances, les pratiques,les oeuvres que le travail du peuple continue d'accroître et dont la bourgeoisie frustre le prolétariat, ne lui laissant qu'un pris de consolation: l'arôme spirituel du nationalisme.
Ce culte de la nation, cette fausse solidarité nationale,cette unité d'aspiration, projet collectif, et., c'est à quoi la politique prolétarienne refuse de laisser réduire la nation, son concept et sa réalité. La bourgeoisie est déjà toute fin prête à faire de la "nation" et du patriotisme un sentiment quasi religieux. Ainsi le prolétariat et tous les exploités et les opprimés avec lui,toutes les victimes de la dictature de classe de la bourgeoisie, pourront communier avec elle dans le culte d'une même valeur spirituelle compensatrice. En réduisant la nation à ces piètres idées, à cette mystification, il est plus facile ensuite à la bourgeoisie de cacher sa main mise sur le patrimoine national, de s 'accaparer du national et d'en faire son cheval de bataille, et d'entraîner le prolétariat et l'ensemble du peuple dans ses efforts de guerre, dans sa course aux marchés dans le monde. L'extension de la bourgeoisie canadienne dans le monde n'est conduite en réalité qu'en fonction de ses intérêts de classe. Lorsqu'elle prétend aider les pays en voie de développement, n'est-ce pas surtout parce qu'elle veut leur refiler ses Candu et ses tracteurs Massey-Ferguson?
1 N.B.: Le marxisme lassalien, c'est la politique opportuniste du marxiste allemand Ferdinand Lassalle qui a fondé l'Association générale des travailleurs allemands en1863. Lassalle nourrissait dans les rangs de la classe ouvrièreallemande, l'illusion d'uneintervention socialiste de l'Etat prussien. On retrouve dans le lasserie, l'ouvriérisme et les tendances à la phrase révolutionnaire. Sous un courant en apparence rigoureux se profilait une collusion avec les tentatives de Bismarck de "réformer" la société par le haut.