LE MOUVEMENT DES FEMMES AU QUÉBEC : étude des groupes montréalais et nationaux

par : Violette Brodeur

Suzanne G. Chartrand Louise Corriveau Béatrice Valay

Composition et Montage :

Composition Solidaire Inc.

Impression :

Les Presses Solidaires Enr.

Dessin de la page couverture :

Francine Jean, militante du FLF.

Maquette de la couverture :

Johanne Landry

Dépôt légal : premier trimestre 82 Bibliothèque nationale du Québec ISBN2-920111-00-0

Tous droits de reproduction, de traduction et d'adaptation réservés.

Table des matières

Avant-propos

Introduction

I - De la période coloniale à 1893 Les femmes : remparts de la société catholique, canadienne-française

II - De 1893 à 1940 : Naissance du féminisme : devoirs et droits des femmes

2.1 Le travail féminin

2.2 Le Montréal Local Council of Women (MLCW)

2.3 La Fédération nationale Saint-Jean Baptiste (FNSJB)

2.4 Les revendications autour du droit de vote

III - De 1940 à 1960 : Participation des femmes à l'effort de guerre et aux luttes

3.1 L'influence de la guerre sur la condition des femmes

3.2 Le travail féminin

3.3 Les luttes des femmes

3.4 Dans les syndicats

IV- De 1960 à 1969 Des femmes s'organisent en groupe de pression

4.1 La conjoncture et le travail des femmes

4.2 L'influence des transformations sociales sur les femmes

4.3 Le mouvement des femmes

V- De 1969 à 1972 : Une étape importante pour l'émergence d'un nouveau féminisme

5.1 La conjoncture économique et le travail des femmes

5.2 La conjoncture politique, sociale et idéologique

5.3 Le mouvement des femmes

VI - De 1972 à 1975 : Elargissement des revendications et multiplication des groupes de femmes

6-1 La conjoncture économique et le travail des femmes

6.2 La conjoncture politique, sociale et idéologique

6.3 Le mouvement des femmes

6.3.1 Les organisations féminines

6.3.2 Les comités de condition féminine

6.3.3 Dans la foulée du F.L.F.

VII-De 1975 à 1980 Enracinement ou récupération des luttes des femmes

7.1 La conjoncture économique et le travail des femmes

7.3 Contexte général du mouvement des femmes

7.4 Les comités de condition féminine des centrales syndicales

7.5 Les organisations féminines

7.5.1 La F. F. Q.

7.5.2 L'AFEAS

7.6 Du côté des groupes autonomes

7.6.1 Les luttes pour l'avortement

7.6.2 Pratiques dans le domaine de la santé

7.6.3 Des services

7.6.4 Les luttes contre le viol et la violence

7.6.5 Pratiques et luttes contre la répression et la discrimination sexuelles

7.6.6 Pratiques et luttes dans le champ idéologique et culturel

7.6.7 Les femmes s'organisent en prison

7.6.8 Écoféminisme

7.6.9 Des regroupements féministes

7.7 Des fronts de lutte diversifiés

7.8 Des tentatives pour briser la barrière des ethnies et développer la solidarité internationale des femmes

7.9 Les 8 mars et les États généraux des travailleuses salariées québécoises

7.9.1 Les 8 mars

7.9.2. Les États généraux des travailleuses salariées québécoises

VIII - 1981 : Le mouvement des femmes s'affirme comme un mouvement social... fragile.

8.1 La conjoncture économique, politique et sociale

8.2 Le mouvement des femmes en 81

8.2.1 Les luttes pour l'avortement et dans le domaine de la santé des femmes

8.2.2 Les luttes contre la violence et le viol.

8.2.3 Des services pour les femmes

8.2.4 Les regroupements féministes et féminins

8.2.5 Dans les centrales syndicales,les comités des condition féminine

8.2.6 Des interventions sur les conditions des femmes travailleuses

8.2.7 Pratiques dans le champ idéologique et culturel.

Conclusion

Annexe : Chronologie des principaux événements du mouvement des femmes de 1968 à 1981

Sigles

Index

Bibliographie

Avant-propos

Le Centre de formation populaire, au moment de l'adoption de sa déclaration de principes en 73, reconnaissait l'importance de la lutte des femmes contre leur oppression et leur exploitation spécifiques. Par la suite la condition et les luttes des femmes est devenu un thème de travail au Centre. Il a fait l'objet des travaux d'un comité qui a produit un document sur les multiples facettes de l'oppression et de l'exploitation des femmes au Québec. Par ailleurs, on se heurtait à l'inexistence d'un document synthétique sur le mouvement des femmes. Quatre femmes, membres du CFP se sont donc mises à la tâche de produire un document d'information et de référence sur le mouvement des femmes, plus particulièrement sur ses organisations et ses activités.

Publié en mars 81, les 1000 exemplaires ont vite été épuisés. Plus d'une vingtaine de militantes de différents secteurs du mouvement des femmes ont bien voulu contribuer à enrichir le document par leurs commentaires et critiques, nous les remercions. Nous publions donc cette 2e édition, revue et augmentée. Nous espérons toujours que les militantes du mouvement des femmes écrivent son histoire et rendent compte de sa richesse et de sa créativité. Puisse ce texte les stimuler dans ce sens.

Suzanne G. Chartrand Béatrice Valay

 

Introduction


Manifestation du 7 mars 1981 à Montréal, CSN

Le mouvement des femmes au Québec fait de plus en plus parler de lui. On en parle beaucoup mais de quoi parle-t-on ? Si on constate facilement un foisonnement de groupes, d'écrits, de luttes et de revendications concernant les femmes, par ailleurs on a du mal à en dégager les acquis et les perspectives, de même que l'ensemble des contradictions qui le traversent. Afin de pouvoir saisir le mouvement des femmes dans toute sa complexité, un travail préalable de ramassage et d'organisation des informations de base était nécessaire. Nous avons donc recueilli les principales données concernant les organisations et les activités du mouvement, laissant de côté, ce qui est sans contredit, sa partie la plus vivante et contradictoire, à savoir ses débats internes.

Ce n'est pas sans hésitations que nous avons tenu à limiter notre entreprise à la tâche modeste et souvent fastidieuse de ne décrire que le versant organisationnel du mouvement, utilisant un ton neutre et un regard froid. Combien de fois, en effet, n'a-t-on pas eu l'impression de trahir le mouvement, de passer à côté de l'essentiel, de pratiquer l'autocensure, à laquelle nous ne sommes que trop habituées ! Cependant nous sommes convaincues qu'il ne nous revenait pas de faire l'histoire ou l'analyse du mouvement des femmes d'ici. D'ailleurs cette entreprise demanderait une enquête plus approfondie, des confrontations d'hypothèses et des débats avec celles qui en ont été ou en sont au coeur, du recul et beaucoup de travail ; de plus, rien n'est moins certain que cette tâche revienne au Centre de formation populaire.

Ceci dit, il est évident que nous avons un certain point de vue sur le mouvement des femmes actuel. Tous les groupes n'ont pas fait l'objet de la même attention, nous avons accordé plus d'importance aux « groupes autonomes » qu'aux associations féminines et nous avons opéré un choix dans les informations et un découpage de la réalité. Nous ne nous cachons pas derrière l'impossible objectivité. Nous avons plutôt tenté de refléter le plus fidèlement l'image que les groupes donnent d'eux-mêmes et de leurs activités. Aussi l'essentiel du matériel utilisé pour les périodes allant de 69 à 81 a été puisé dans les articles et textes produits par les groupes eux-mêmes ou dans les revues et journaux de femmes. Nous avons indiqué les références précises pour chaque passage, ainsi avons-nous évité l'usage des guillemets. Le traitement des données est différent pour les périodes avant et après 1960. Pour les années de 1893 à 1960, nous avons consulté les travaux des historiennes et des sociologues plutôt que les écrits des militantes de ces époques.

Deux autres limites doivent être soulignées. Notre étude porte sur les groupes actifs dans la région montréalaise ou ayant leur centre d'activité

à Montréal, à l'exception des comités syndicaux de condition féminine et des organisations féminines structurées au niveau national. Le mouvement des femmes présente des visages différents d'une région à l'autre du Québec. C'est donc une approche régionale du mouvement que nous présentons ici, bien que la région de Montréal ait un caractère de métropole. Par manque d'information mais aussi de légitimité nous ne traitons pas du mouvement dans les autres régions du Québec. Puisse cependant ce travail inciter des militantes de chacune des régions à entreprendre des démarches semblables. Enfin, nous n'abordons pas non plus la réalité du mouvement des femmes dans les milieux anglophones et allophones de Montréal.

Une fois l'objectif de ce document précisé, reste le vocabulaire... Tout au long du texte nous employons différentes notions : mouvement des femmes, féminisme, groupes autonomes, etc. Comme nous ne prétendons pas utiliser une définition universelle et encore moins scientifique il nous semble important de définir les principales expressions utilisées.

L'expression mouvement des femmes désigne ici l'ensemble des organisations, des actions, des revendications, des idées visant à lutter contre la discrimination, l'oppression et l'exploitation des femmes (quelles que soient la définition, l'ampleur et l'explication qui en est donnée). Nous avons préféré cette approche qui nous permet mieux de saisir la diversité des luttes des femmes et leur interaction avec l'ensemble de la réalité sociale.

Par groupe de femmes, nous désignons tous les groupes non mixtes qui sont préoccupés par la question des femmes.

Par groupe autonome sont désignés les groupes de femmes qui font de l'autonomie organisa-tionnelle et de la non mixité un principe politique de base.

Quant à la notion de féminisme, nous préférons la restreindre aux discours et aux pratiques qui font de la transformation en profondeur de l'ordre établi, l'enjeu fondamental de la lutte des femmes. Il ne s'agit donc pas de l'émancipation des femmes par la conquête de leur égalité avec les hommes dans l'ordre social actuel. Il s'agit plutôt de l'établissement de nouveaux rapports sociaux, comme conséquence d'un processus révolutionnaire qui touche l'ensemble des institutions sociales et en premier lieu l'État, l'Église et la famille.

Enfin, le mouvement des femmes et ses analystes utilisent souvent une typologie permettant de caractériser sommairement le cadre théorique de référence de ses différentes composantes. Soulignons immédiatement les limites d'une telle entreprise qui permet mal d'aborder les contradictions présentes à l'intérieur des groupes de même que leur évolution et l'interaction entre les différents courants. Malgré cela, chacun des groupes étudiés ici se rattache, dans une partie ou une autre de sa démarche, à l'un ou l'autre des grands courants idéologiques qui traversent le mouvement des femmes dans les pays industrialisés de l'Occident chrétien, à savoir le courant réformiste libéral, le courant marxiste (dans sa version orthodoxe ou critique), le courant féministe radical.

Le courant réformiste libéral né à la fin du XIXe siècle est en constante évolution et prend des formes très variées. Contrairement aux deux autres courants, il ne remet pas en cause le système social tout entier mais les inégalités et les injustices existantes. Aussi revendique-t-il des réformes (mineures ou majeures) pour que les femmes aient les mêmes droits que les hommes dans la société. Les notions de discrimination et d'égalité des chances sont centrales ; la distinction entre le privé et le public est consacrée et l'État est leur interlocuteur privilégié.

Le courant marxiste au Québec, émerge avec le Front de libération des femmes (FLF). Il vise à une remise en question fondamentale de la société tant au niveau des rapports de production que des rapports sociaux. Il lie l'oppression des femmes à la structure de classe de la société capitaliste et donc associe la lutte contre l'oppression spécifique des femmes à la lutte anti-capitaliste. Le matérialisme historique est utilisé comme un instrument d'analyse (bien qu'imparfait et devant évoluer). Si une partie du mouvement des femmes reste fidèle à l'orthodoxie marxiste sur l'oppression des femmes, la majorité des groupes provenant de ce courant s'en éloigne au niveau théorique et pratique (avec l'introduction de la notion de production domestique par exemple) et conteste l'analyse marxiste de l'oppression des femmes.

Le courant féministe radical a pris corps au Québec dans les années 75 et a été véhiculé principalement par le journal Les Têtes de pioche. La cause de l'oppression des femmes, ce n'est plus le système capitaliste mais le système patriarcal qui est bien antérieur au capitalisme et qui institutionnalise l'oppression et l'exploitation des femmes sur la base de leur sexe. Le système capitaliste n'a fait que raffiner l'oppression des femmes ; sans nécessairement nier l'existence de la lutte des classes, les différences de classe entre les femmes sont jugées secondaires par rapport à leur situation commune d'opprimées. La remise en cause de la séparation entre vie privée, vie publique, de même que le questionnement sur la sexualité et le corps sont au coeur des avancées théoriques et pratiques de ce courant.

Comme on le voit les différences sont de tailles. Cependant si les organisations se distinguent selon les analyses qu'elles font, les actions qu'elles mènent, la dynamique entre les courants qu'on y retrouve et les alliances qu'elles développent, toutes renvoient à la volonté d'autonomie des femmes. L'histoire du mouvement des femmes au Québec est longue. Elle est liée à celle de la société québécoise. L'évolution du mouvement n'est pas linéaire ; elle s'effectue par bonds. Elle est marquée par l'émergence de revendications qui, particulièrement depuis 69, touchent à l'ensemble des aspects des conditions spécifiques d'oppression et d'exploitation des femmes.

Afin de ne pas oublier que l'histoire des luttes des femmes québécoises ne date pas d'hier, nous sommes remontées jusqu'en 1893, date de la fondation du premier groupe de femmes. Nous avons partagé l'histoire en grandes périodes, en tentant de dégager pour chacune d'elles les principaux éléments de la conjoncture économique, politique, sociale et idéologique qui ont pu avoir une influence sur les conditions et les luttes des femmes.

De la fin du siècle dernier à 1940 où les femmes québécoises ont conquis le droit de vote, le mouvement des femmes s'est articulé autour de la conquête de droits fondamentaux. Puis une fois, le droit de vote obtenu, le mouvement s'essouffle pour presque disparaître à l'époque de « la grande noirceur ».

La Révolution tranquille correspond à des transformations importantes dans la société québécoise. À partir de ce moment, les luttes des femmes évolueront dans le contexte social de lutte.

À partir de 69, à la faveur de la montée du mouvement étudiant et du mouvement national qui constituent les lieux d'expérimentation de luttes politiques, émerge un nouveau féminisme, de référence marxiste. Il se développe d'abord chez déjeunes militantes issues de classes sociales différentes, qui, évaluant le cul-de-sac de leurs pratiques politiques, se regroupent et forment le F.L.F. Pour la première fois, est posée la nécessité de l'autonomie politique de la lutte des femmes. Le F.L.F. tente de faire le lien entre lutte de libération des femmes, lutte des classes et lutte pour la libération du Québec, ceci dans une perspective de lutte pour le socialisme. Cette prise de conscience de l'oppression et de l'exploitation des femmes s'est donc développée dans un contexte de lutte sociale. Ce sont cependant les anglophones, solidaires de ces luttes, mais évoluant à la périphérie du mouvement national québécois, qui soutiendront, par leurs pratiques et leurs références idéologiques et théoriques, le développement de la lutte féministe. Celle-ci sera alors axée sur une revendication spécifique : le droit à l'avortement. Le Centre des femmes, issu du F.L.F. et au sein duquel s'opèrent des jonctions entre des militantes provenant de différents secteurs s'engagent dans la lutte pour l'avortement.

Entre 72 et 75, dans une conjoncture où les femmes se retrouvent de plus en plus nombreuses sur le marché du travail (33% de la main-d'oeuvre totale en 71), sont mis sur pied des comités syndicaux de condition féminine. Ceux-ci commencent à développer des revendications liées aux conditions vécues par les femmes sur le marché du travail. Les groupes autonomes de femmes, encore peu nombreux, subissent la répression organisée de l'État et des corps policiers qui frappent, de plus en plus durement depuis 70, l'ensemble des mouvements de revendication. Parallèlement à l'action qu'elles continuent à mener pour le droit à l'avortement, les militantes poursuivent leur travail de réflexion sur les conditions des femmes. Dans la mesure où une très grande partie de la vie des femmes se passe à produire et à entretenir la force de travail entre les quatre murs des maisons, dans la mesure où les militantes sont en contact quotidiennement avec cette réalité, il n'est pas étonnant qu'elles aient cherché à comprendre les causes, les effets et la portée économique et sociale de cette condition. Elles voient la nécessité d'une réflexion théorique sur l'oppression spécifique des femmes, qu'elles amorcent à partir de l'analyse du travail ménager, caché et gratuit, qui constitue la base matérielle de l'exploitation et de l'oppression des femmes.

À partir de 75, on assiste à un pluralisme organisationnel et idéologique dans le mouvement des femmes, le courant réformiste s'affirme davantage. De nouveaux groupes de femmes se développent à partir de plusieurs revendications et dans plusieurs champs d'intervention. On peut dire que les femmes organisées, cherchent de plus en plus à investir tous les terrains et particulièrement ceux qui leur permettent de s'exprimer : les terrains idéologique et culturel.

La majorité des groupes autonomes se constituent en groupe qui offrent des services ou qui font de l'intervention idéologique. Très peu d'entre eux développent des interventions de masse visant soit à sensibiliser, éduquer et mobiliser un grand nombre de femmes à partir de leur vécu, soit à agir directement dans le champ politique concret par des luttes portant sur une revendication spécifique, assumée très largement par les femmes. Cela demeure l'axe de travail privilégié par les organisations féminines plus traditionnelles et par les nouvelles institutions comme le Conseil du statut de la femme. Les luttes pour l'avortement et la contraception continuent à se développer, notamment par la mise sur pied d'un front large (la Coordination nationale pour l'avortement libre et gratuit) qui constitue le lieu privilégié où les jonctions peuvent s'effectuer entre différents types d'organisations et différents courants de pensée.

C'est à travers ces luttes que les femmes vont dégager et articuler davantage les enjeux politiques que pose le contrôle par elles-mêmes de leur fonction de reproduction.

Les luttes contre la violence faite aux femmes ont aussi commencé à se développer dès le début de cette période. Là encore, ce sont des militantes anglophones qui ont initié les interventions pour faire face à cette réalité. Cependant, dès le départ, les pratiques s'inscrivent essentiellement dans une perspective de services et de réformes à obtenir, plutôt que de luttes de masse. Par la suite, le volet animation et sensibilisation sera déployé. Les groupes se regrouperont principalement pour faire face à l'État, à ses tentatives d'intégration et pour exiger un financement adéquat.

Parallèlement à l'action, se poursuivent difficilement les efforts de théorisation à partir du spécifique de l'oppression et de l'exploitation des femmes (travail ménager, vie privée) car au cours de cette période, la plupart des groupes sont confrontés à des difficultés de tout ordre. Ces difficultés renvoient à la résurgence des forces de la droite organisée, à la récupération des luttes et des revendications par l'ensemble des institutions sociales (système scolaire, appareils d'État, pouvoir politiques, média bourgeois), aux difficultés d'unification des groupes, à leur précarité financière, à l'intransigeance et au sectarisme de la gauche, etc. C'est dans cette conjoncture que se développe le féminisme radical et qu'apparaissent davantage les divergences entre les différentes composantes du mouvement et au sein même des organisations.

Ces divergences portent entre autres, sur la structuration du mouvement, les perspectives et les alliances à développer ainsi que sur la manière d'articuler lutte des femmes/lutte des classes/choix d'orientation sexuelle comme pratique politique. Elles ont des effets sur la définition des revendications, des stratégies et des modes d'action. Malgré des tensions et la dispersion des interventions, continue à s'affirmer la volonté politique d'une autonomie collective des femmes. Cette volonté partagée, enracinée dans les luttes, constitue le moteur d'alliances entre groupes et courants différents. Cependant, la préoccupation de la consolidation des alliances n'est pas partagée. La mise sur pied de regroupements pouvant prendre en charge un ensemble de revendications ne semble pas non plus être une forme d'organisation retenue par les militantes. La seule expérience significative que l'on connaît (le Regroupement des femmes québécoises) s'est développée en marge des pratiques des groupes.

Toujours au cours de cette période, les comités syndicaux de condition féminine affirment davantage leur présence au sein du mouvement syndical. Ils pressent celui-ci d'assumer les revendications qu'ils développent et leurs interventions ont pour effet de remettre en cause les pratiques syndicales elles-mêmes. Cette situation n'est pas sans rapport avec l'augmentation toujours croissante du nombre de femmes sur le marché du travail (44,5 % en 79) et des conséquences que cela entraîne pour le mouvement syndical. Après sept ans de travail effectué par les militantes dans les différents niveaux de la structure, le mouvement syndical fait du congé parental une revendication prioritaire des négociations du Front commun du secteur public et para-public. La clause sur les droits parentaux négociée par le Front commun étendue aux employés de tout le secteur public constitue une victoire importante pour les femmes et une preuve de l'efficacité de la longue lutte menée en particulier par les militantes des comités de condition féminine dans les centrales syndicales.

Si avec les années 80, une nouvelle conjoncture sociale apparaît, il est difficile de cerner si pour le mouvement des femmes, une nouvelle période commence. Chose certaine, il fait désormais partie de la vie sociale : récupération ou enracinement ? Fin 81, la conjoncture de crise porte de nouveaux défis pour le mouvement des femmes qui demeure ....fragile.

I - De la période coloniale à 1893 Les femmes : remparts de la société catholique, canadienne-française

Le travail féminin à la ferme

ARCHIVES PUBLIQUES, CANADA

Avant d'aborder le premier groupe de femmes né en 1893, il serait peut-être intéressant de jeter un coup d'oeil sur la condition des femmes à partir de la période coloniale. 1

En l'absence d'un pouvoir religieux et civil bien établi en Nouvelle-France, les femmes ont joué un rôle très important. Cette société avait besoin de tout son potentiel humain et ne pouvait s'accomo-der de la division traditionnelle, rigide, des tâches. L'absence du conjoint pour des raisons de voyage, de traite de fourrures, de guerre, etc., leur a permis d'assumer la pleine responsabilité de la famille et de la gestion des biens. L'organisation sociale, basée sur une économie rurale atténuait de beaucoup les relations d'autorité des hommes sur les femmes et celles-ci pouvaient intervenir au niveau de l'administration domestique et municipale. Évidemment ces conditions favorables ne doivent pas masquer les différences énormes entre les citoyennes d'origines sociales diverses, par exemple, entre la bourgeoise et ses servantes ou encore dans la hiérarchie des communautés religieuses.

Après la Conquête de 1760 et avec l'évolution des rapports marchands capitalistes, l'importance du rôle des femmes a diminué et leur situation s'est détériorée. Elles sont reléguées graduellement à la seule économie domestique et la division sexuelle du travail devient plus rigoureuse. Leur incapacité juridique se voit renforcée par des lois, l'adoption du Code civil en 1866 confirme leur déchéance en les empêchant d'être gardiennes de leurs propres enfants, de se défendre ou d'intenter une action devant la loi, de recevoir un héritage, de profiter du produit de leur propre travail, de voter et de se présenter aux élections. Notons cependant que les femmes qui se prévalaient jusque là de leur droit de vote étaient celles qui avaient une propriété.

Les femmes mariées sont frappées d'une pleine incapacité juridique tandis que les célibataires et les veuves ont une marge de manoeuvre plus grande. Cela expliquerait peut-être le rôle prépondérant des religieuses au siècle dernier. La vocation religieuse apparaissait comme un instrument de promotion sociale permettant aux femmes de s'évader du rôle traditionnel de mère et d'épouse. Avec le rétrécissement du rôle des femmes, dans le contexte de la progression du capitalisme industriel du 19e siècle et de l'urbanisation, un nombre considérable de femmes entre dans les communautés religieuses.

Durant la première moitié du 19e siècle, le travail domestique représente la principale source d'emplois pour les femmes. À Montréal en 1825, 56 % de la main-d'oeuvre féminine est composée de domestiques. Les communautés religieuses monopolisent l'enseignement et les oeuvres charitables (orphelins, vieillards, indigents, malades mentaux et physiques...) ne laissant aux laïques qu'un rôle de soutien. La deuxième moitié du 19e siècle, avec le développement accéléré de l'industrialisation, modifie la nature du travail des femmes. En 1881 à Montréal, les ouvrières dans les manufactures sont deux fois plus nombreuses que les domestiques. Le personnel laïc de l'enseignement est composé de femmes à 63 % en 1853-54, recevant la moitié du salaire des hommes. Dès cette époque, les mères ont fait leur entrée dans la production et elles se heurteront à l'hostilité générale puisque dans l'idéologie traditionnelle la place des femmes est à la maison.

Tout comme l'idéologie traditionaliste dominante refuse les progrès et les changements dûs à la transformation de notre structure industrielle, au nom de notre authenticité canadienne-française, de même elle rejette toute modification à la condition féminine. La famille n'est pas seulement une cellule de base mais encore la raison de notre survivance comme peuple. La femme-mère est le « coeur », « l'âme » de la famille : c'est elle avec ses maternités qui assure « la revanche des berceaux », elle est la gardienne de la langue, de la race, de la foi. Ce discours impose une image unique, restrictive des femmes masquant les véritables rapports sociaux et niant les changements qui s'opèrent graduellement dans le statut des femmes dans la société. Il vise à maintenir les femmes dans la sphère de la famille en particulier par la maternité. Aussi en 1892, une loi canadienne est promulguée, interdisant de diffuser des renseignements sur la régulation des naissances et de vendre ou annoncer des produits contraceptifs.

II - De 1893 à 1940 : Naissance du féminisme : devoirs et droits des femmes

Préparation et prolongement du rôle de mère : cuisinière et puéricultrice

ARCHIVES PUBLIQUES, CANADA

2.1 Le travail féminin 2

L'industrialisation et l'urbanisation à la fin du 19e siècle et au début du 20e siècle entraînent les femmes sur le marché du travail. En 1901, 15 % des jeunes filles de dix ans et plus constitue le dixième de la main-d'oeuvre totale du Québec. La participation des femmes s'accroît constamment jusqu'à la crise économique de 1929; de 1911 à 1921, le taux d'augmentation de la main-d'oeuvre féminine est de 30,09 % et de 1921 à 1931 de 46,71 %. À Montréal en 1931, 87% de la main-d'oeuvre féminine est composée de célibataires et 55 % d'entre elles ont moins de 25 ans. La moyenne des salaires correspond à la moitié de ceux des hommes et l'éventail des emplois est assez simple : manufactures, services domestiques et travail de bureau.

Dans les manufactures, on retrouve majoritairement des femmes dans la confection, les textiles, le tabac, la chaussure. Ce sont les industries qui paient les plus bas salaires. De plus, comme dans la confection les investissements de capitaux sont faibles, cette industrie est instable et fonctionne beaucoup à partir de sous-contractants dans de petits ateliers spécialisés. Tout cela favorise le chômage périodique, les bas salaires, le travail à domicile ou dans de petits ateliers plus ou moins clandestins (sweating System) où les 3/4 des vêtements sont fabriqués.

Entre 1901 et 1915, les textiles et les vêtements sont après les transports, les secteurs les plus affectés par les grèves et les lock-outs ; les femmes représentent 58 % des employés du textile et 60 % de la confection à Montréal. Si à cette époque, on ne retrouve pas de revendications sur l'égalité salariale, par contre, on en retrouve qui sont liées à l'oppression spécifique des femmes contre les sollicitations intéressées des patrons, contremaîtres ou collègues de travail ; on exige l'usage d'ascenseurs pour femmes seulement, la surveillance par des contremaîtresses et non par des hommes et la possibilité de quitter le travail cinq minutes plus tôt que les hommes.

Les employées des services domestiques semblent jouer le rôle de réserve de main-d'oeuvre pour le secteur manufacturier. La mobilité est très grande car les longues heures et les bas salaires incitent les employées domestiques à se tourner vers les manufactures quand le taux de chômage n'est pas trop élevé.

Le travail dans les bureaux est l'un des rares qui exige un minimum d'instruction. Cependant, il se heurte à l'opposition des travailleurs qui veulent continuer à le monopoliser. Par exemple, au début du siècle, ils ont tenté d'expulser les femmes de la carrière de sténographes ; plus tard, les femmes rencontrent la même résistance lorsqu'elles veulent accéder à la fonction publique.

Les vendeuses de magasins qui passaient de longues heures debout (douze heures) ont lutté pour la fermeture des magasins plus tôt et pour l'obtention de sièges.

Les congrégations religieuses contrôlaient l'enseignement et le milieu hospitalier, ceci à peu de frais et au grand bénéfice du capital. En conséquence les laïques qui voulaient travailler dans ces secteurs devaient accepter le bénévolat et l'esprit de sacrifice qui caractérisaient ces professions.

Aussi, en 1905 les institutrices protestantes gagnent le double du salaire des catholiques et au début du siècle le salaire de ces dernières est inférieur à la moyenne des salaires féminins. Des luttes seront menées par l'Association des institutrices catholiques fondée en 1907; en 1936 Laure Gaudreault fonde l'Association catholique des institutrices rurales au moment où celles-ci venaient de subir une baisse de salaire de 300 $ à 250 $ par an.

En résumé, le travail social et celui d'infirmière reste la chasse gardée des religieuses pendant la première moitié du siècle. Les femmes de la classe ouvrière travaillent dans les manufactures et les services domestiques, celles plus instruites dans les bureaux et les magasins. Les femmes de la bourgeoisie ont peu de débouchés, l'accès à la médecine et à la comptabilité leur sera fermé jusqu'en 31, le droit jusqu'en 41 et le notariat jusqu'en 56.

C'est dans un climat d'hostilité générale que les femmes ont dû gagner leur vie. Les élites clérico-nationalistes, ainsi que les associations et organisations ouvrières s'opposent à tout changement dans le rôle féminin susceptible de bouleverser le pouvoir paternel dans la famille et la division sexuelle des tâches.

Dans le mouvement ouvrier, les travailleuses sont perçues comme des concurrentes. La tendance généralisée du patronat à remplacer un homme par une femme afin d'abaisser les salaires a même provoqué des grèves pour le renvoi des femmes. Ne reconnaissant pas le droit au travail pour les femmes sauf exception (célibataires et veuves soutien de famille) on en vient à revendiquer l'égalité salariale pour les écarter ou une politique protectionniste qui part du principe que leur rôle premier se joue à la maison (allocations aux mères afin qu'elles ne soient pas obligées de travailler, réglementation du travail féminin avant et après l'accouchement, protection et sécurité accrues pour les femmes et les enfants dans l'industrie...)- On n'a pas assisté de la part des syndicats, à une véritable contestation de la politique des bas salaires et des mauvaises conditions de travail pour les femmes. La revendication de « travail égal, salaire égal » a été contournée par le patronat par la sexua-lisation des emplois. De plus l'idéologie de la mère au foyer, partagée par les syndicats, a eu des effets importants sur les travailleuses car en caractérisant leur travail comme marginal et anormal, elle les conditionnait à se soumettre aux injustices et à la discrimination. Malgré cela, certaines ont lutté pour améliorer leurs conditions de travail et on peut noter la participation d'ouvrières au 1er mai 1910, l'adhésion de midinettes à la Ligue ouvrière, syndicat sous influence communiste et des luttes d'institutrices réclamant une augmentation de salaire...

Les suffragettes réclament le droit de vote pour pouvoir intervenir en faveur des femmes ouvrières, des mères de famille, des enfants qui travaillent en usine.

2.2 Le Montréal Local Council of Women (MLCW)

En réponse à une variété de problèmes engendrés par l'industrialisation croissante, l'urbanisation, l'immigration et la prolétarisation, les femmes de la petite-bourgeoisie et de la bourgeoisie veulent étendre leur pouvoir d'intervention dans le domaine des affaires publiques en réorganisant le travail philanthropique dans la métropole. Devant la menace de la montée des revendications ouvrières et la constitution d'organisations syndicales, les femmes bourgeoises s'organisent pour défendre l'intérêt de leur classe sociale tout en se portant à la défense de l'égalité des femmes au travail et de la promotion plus globale de leurs droits.

En 1893, le Montréal Local Council of Women (MLCW) , constitution montréalaise du National Council of Women (NCWC) est mis sur pied. Cette organisation souhaite unifier les associations de femmes au Canada et briser ainsi la barrière religieuse qui divisait les Québécoises francophones des autres femmes. Le MLCW, premier groupe féministe au Québec, est composé d'anglophones et de francophones, ces dernières idéolo-giquement plus conservatrices que leurs consoeurs. De plus, les féministes francophones, contrairement aux anglophones, n'exercent pas de profession.

Les actions de ces femmes se dirigeront vers une tentative de professionnalisation du service social : elles demandent l'institution de maternelles, le droit des femmes à toutes les professions et une instruction industrielle et technique pour les femmes des classes laborieuses. Toutefois, en luttant en faveur de la professionnalisation du travail domestique, elles visent surtout à former de « bonnes » domestiques pour les patronnes. Elles cherchent à introduire l'éducation ménagère dans les écoles. Par ailleurs, les positions égalitaristes sont mises de l'avant : l'égalité de formation entre filles et garçons, l'application du principe « À travail égal, salaire égal ». Elles demandent l'abolition de la discrimination dans les lieux de travail, la journée de huit heures (on est contre la mesure protectionniste de limiter la journée des femmes à neuf heures) et de meilleures conditions de travail pour tous et toutes.

Deux orientations coexistent donc dans le MLCW : le féminisme social où par l'action sociale, les femmes pensent améliorer la société et le féminisme revendicatif où l'accent est mis sur les luttes pour des droits égaux. Cependant, l'hostilité du clergé, des milieux cléricaux, le boycottage des moyens d'information et la montée du nationalisme canadien-français rendent difficile l'intégration de ces deux courants correspondant à deux sociétés fort différentes. En 1902, ce sera l'éclatement du MLCW.

2.3 La Fédération nationale Saint-Jean Baptiste (FNSJB) 3

L'influence de l'idéologie cléricale nationaliste sur les premières féministes les pousse à créer un organisme qui respecte leurs croyances religieuses et leur culture : Marie Gérin-Lajoie et Caroline Beique fondent en 1907 la Fédération nationale Saint-Jean Baptiste (FNSJB). Cette fédération réunit 22 sociétés affiliées qui se répartissent selon trois types d'oeuvres : oeuvres de charité, oeuvres d'éducation (Ass. de femmes journalistes, Écoles ménagères provinciales) et oeuvres économiques (Ass. professionnelle pour l'amélioration de la situation des travailleuses). La FNSJB reprend fondamentalement l'idéologie de la femme au foyer. Ses actions s'inscrivent dans le prolongement des rôles d'épouse et de mère que l'idéologie dominante assigne aux femmes. À partir de la soi-disant différence de « nature » entre les sexes, la participation des femmes à la société est encouragée à cause de leur « supériorité morale ».

Cette organisation reflète les intérêts bourgeois des premières féministes et véhicule l'idéologie philanthropique de l'époque. Elle veut faire l'éducation sociale, morale et professionnelle des femmes selon leur situation de classe. Elle revendique une éducation supérieure et universitaire pour les filles de la bourgeoisie mais des cours ménagers pour celles de la classe ouvrière.

Des associations professionnelles se créent, axées sur une perception harmonieuse des relations entre patrons et employés. Elles regroupent diverses catégories de travailleuses catholiques et canadiennes-françaises : employées de manufacture, de magasin, de bureau, servantes, institutrices, « femmes d'affaires ». Chaque association jouit de la « protection » d'un comité de dames patron-nesses, par exemple l'association des employées de magasin est « patronnée » par l'épouse du propriétaire de « Dupuis Frères ». L'association des employées de manufacture regroupe principalement des contremaîtresses, ce qui montre bien l'élitisme de l'organisation. Cela mène à la situation contradictoire suivante : appui aux luttes des vendeuses de magasin pour diminuer le nombre d'heures de travail et, peu de temps après, appui aux « femmes d'affaires » réclamant un amendement d'exception pour pouvoir fermer leur magasin plus tard que les grands magasins. Par ailleurs, pour fournir du travail aux femmes chômeuses ou à celles ne pouvant quitter la maison, on encourage le travail à domicile. Pour les bourgeoises, la rationalisation des services de charité leur a permis l'accès à une nouvelle fonction « prestigieuse », celle de travailleuse sociale.

L'absence de droits égaux a amené les féministes à considérer leur statut juridique et politique comme la source même de leur oppression en tant que femme. Leurs principales luttes portèrent sur l'obtention du droit de vote à tous les paliers, sur l'accès des femmes aux professions et à l'enseignement supérieur et sur l'abolition de la discrimination au niveau juridique. La contradiction entre l'égalité juridique demandée et la non remise en question du partage des rôles traditionnels d'une part, les alliances entre la FNSJB et les élites de l'autre, mèneront cette organisation dans une impasse. Dès 1933, l'organisation connaît un déclin et sa perte d'influence n'est pas sans rapport avec la démarcation entre les groupes résolument catholiques et conservateurs comme le Cercle des fer mières et d'autres groupes réformistes de type laïc telles que La Ligue des droits de la femme et l'Al liance canadienne pour le droit de vote des femmes au Québec.

L'influence de ces femmes n'est pas à sous-estimer car elles ont quand même joué un rôle d'éveilleuses de conscience en ébranlant certains préjugés fort tenaces.

2.4 Les revendications autour du droit de vote 4

Le premier mouvement organisé pour le suffrage des femmes fut la Montreal Suffrage Association (1913-1919) orientée vers le droit de vote au fédéral qui fut accordé en 1918 après la Première Guerre mondiale, (en 17, on avait accordé le droit de vote aux femmes ayant un lien de parenté avec une personne ayant servi ou au service des Forces Armées). La plupart des provinces canadiennes ont étendu ce droit peu de temps après, sauf le Québec où les femmes n'ont eu le droit de vote qu'en 40.

Le Comité provincial pour le suffrage fémi nin fut fondé en 1921 et prit la relève de la Montreal Suffrage Association. En 1927, une scission s'opéra au sein du Comité et un groupe nouveau, l'AIliance pour le vote des femmes du Québec prit naissance ayant Idola St-Jean à sa tête et comptant sur l'appui de travailleuses. Thérèse Casgrain devint présidente du Comité provincial en 1928 et lui donna le nom de Ligue des droits de la femme en 1929. À partir de 1927, chaque année les deux organismes se rendent à Québec pour assister aux débats entourant le projet de loi accordant le droit de vote aux femmes. Le Premier ministre Tachereau se refuse à accorder ce droit, il est appuyé par le clergé, par des groupes féminins catholiques et conservateurs et par des intellectuels comme Henri Bourassa (fondateur du journal Le Devoir).

Suite aux pressions de la Ligue, en 1929, la commission Dorion fut chargée d'examiner des réformes possibles au Code civil. Une de ces recommandations fut acceptée en 1931. Elle reconnaît aux femmes mariées le droit de toucher leur salaire. Mais elle refuse d'abolir le « double-standard », c'est-à-dire que la séparation de corps est accordée à l'homme dans le cas d'adultère de son épouse mais pour la femme, elle est accordée seulement si le mari tient sa concubine dans la maison commune. Ce « double-standard » ne fut aboli qu'en 1954-55.

Avec l'arrivée des Libéraux au pouvoir au Québec, le droit de vote est accordé aux femmes en 1940. Ceux-ci l'avaient inscrit dans leur programme électoral sous la pression des féministes. Les militantes de la Ligue continueront à faire des pressions au sujet de questions comme la protection de la jeunesse, la réforme des pénitenciers, les amendements au Code civil, etc.


Après 60 ans d'efforts, le droit de vote pour les femmes est conquis, 1940. LA PRESSE

III- De 1940 à 1960 : Participation des femmes à l'effort de guerre et aux luttes

TIRÉ DE G. AUGER ET R. LAMOTHE : DE LA POÊLE À FRIRE A LA LIGNE DE FEU

3.1 L'influence de la guerre sur la condition des femmes

Ce qui caractérise le début de cette période c'est l'influence de la guerre dans la société québécoise. La guerre met fin à la crise en apportant un essor économique. On assiste à une redéfinition du rôle et de l'importance des femmes ; on a maintenant besoin des femmes pour le travail en usine, du bénévolat pour soutenir l'effort de guerre et même les ménagères seront mises à contribution.

On donne l'impression aux ménagères de participer aux politiques économiques du gouvernement par le rationnement volontaire, le recyclage de vieux vêtements, l'hébergement et l'entretien de la main-d'oeuvre productive, l'achat des « Bons de la Victoire », le travail bénévole en fonction des besoins de l'armée : confection de bas, mitaines, pansements, etc. Les femmes se mobilisent, ayant l'impression de contribuer directement à l'effort collectif de guerre.

La guerre apportant enfin la prospérité après dix ans de crise, les femmes entreront massivement dans les usines en 1942 lorsque la main-d'oeuvre masculine ne suffira plus. Le fédéral, à grand coup de publicité, joue sur le renversement des rôles, insistant sur le côté « libérateur » et utile des emplois jusque-là réservés aux hommes. Cela s'accompagne de mise sur pied de garderies, moins nombreuses au Québec qu'ailleurs puisque le clergé et les élites nationalistes s'opposent au travail des femmes mariées. Ceci n'empêchera pas les industries de recruter massivement les femmes mariées pour la première fois. 5

Toutefois, la nature même du travail et les conditions spéciales d'urgence créées par la guerre contribuent à la détérioration des conditions de travail. Les principales revendications des travailleuses concernent les longues heures de travail (11 - 11 1/2 heures par jour) avec seulement 1/2 heure pour dîner et bien souvent aucune période de repos, le travail debout qui occasionne une fatigue extrême, le manque d'aération, les poussières nocives en suspension provoquant une inflammation des voies respiratoires, l'absence de cafétéria, de toilettes ou malpropreté de celles-ci, la chaleur excessive, les bruits constants, l'absence ou l'exiguïté des vestiaires... 6

Avec la fin de la guerre, plusieurs de ces problèmes furent amoindris par la remise en vigueur de certaines lois abrogées pour la durée du conflit et par la fermeture ou la conversion des usines de guerre. Afin que les femmes mobilisées par cet effort exceptionnel regagnent le foyer pour laisser la place aux hommes revenus de guerre, les élites cléricales, le clergé, les centrales syndicales, la Confédération des travailleurs catholiques du Canada (CTCC) en tête, et le gouvernement orchestrent une campagne.

Le gouvernement, qui avait fortement encouragé l'entrée des femmes en usines, envisage certaines solutions pour favoriser le retour des femmes à la maison. Entre autres : améliorer les conditions de vie rurale pour freiner l'exode des jeunes filles vers les villes, revaloriser l'artisanat et le travail domestique qui peuvent seuls empêcher le chômage féminin généralisé tout en contribuant à « l'heureux maintien des foyers et de leur bonheur » et enfin orienter les femmes vers des professions féminines pour les sortir de l'usine.

La campagne contre le travail des femmes mariées et surtout contre celles ayant de jeunes enfants n'avait pas cessé durant la guerre. On dénonçait les octrois fédéraux aux garderies comme une mesure « communiste » portant atteinte à la morale chrétienne et aux droits de la famille. On imputait au travail des femmes l'augmentation de la prostitution, de l'alcoolisme, de la délinquance juvénile, la naissance d'enfants malingres et infirmes.

L'entrée massive des femmes sur le marché du travail a eu des répercussions certaines sur ces dernières, entre autres une « libéralisation des moeurs sexuelles » que prouve un nombre assez important de grossesses hors mariage ainsi qu'une liberté nouvelle due à l'indépendance économique. Toutes les femmes n'étaient sans doute pas disposées à retourner dans la « cage dorée » de la famille, mais l'histoire de leur résistance commence à peine à être dévoilée.

Donc, le mouvement ouvrier, l'Église, les élites intellectuelles et bourgeoises sont tous farouchement opposés au travail des femmes qui détournerait les femmes de leur rôle de mère, qui porterait atteinte à la famille, qui saperait la société canadienne-française à sa base et provoquerait sa lente désagrégation. On souhaite donc la disparition du travail féminin ou, au mieux, sa réorientation vers des professions « féminines ».

3.2 Le travail féminin 7

La participation des femmes au travail rémunéré varie selon les conjonctures économiques. L'augmentation du travail féminin s'accompagne de transformations importantes des caractéristiques de ce travail, par exemple dans la répartition selon les divisions professionnelles et selon les caractéristiques personnelles des travailleuses (âge, état civil, et niveau de scolarité). De 1940 à 1960 le taux de croissance de la main-d'oeuvre féminine passe de 21,95 % en 1941 à 27 % en 61. Il subit une baisse après la guerre (1947 à 49) puis augmente jusqu'aux difficultés économiques des années 53 à 57. L'après-guerre est une période d'expansion du système capitaliste jusqu'à la récession de 1957. On assiste à la domination de plus en plus envahissante de l'impérialisme américain dans l'économie québécoise et canadienne, au contrôle des branches vitales de l'économie par les entreprises américaines. C'est une période d'emploi élevé, où l'urbanisation et le secteur tertiaire s'accroissent rapidement.

La police à cheval contre les vendeuses-grévistes de« Dupuis Frères », 1952, CSN.

Dans les quatre secteurs professionnels où sont concentrées les femmes (professions libérales et techniciennes, employées de bureau, des services domestiques, ouvrières) on assiste à une redistribution différente et à un accroissement graduel de leur importance relative. Par exemple, les employées du bureau vont passer du 4e rang en importance au 1er. La mécanisation croissante dans l'industrie, la prédominance de l'industrie lourde qui emploie une main-d'oeuvre masculine et le développement de l'industrie tertiaire expliquent la diminution du nombre d'ouvrières. Les travailleuses des services domestiques voient leur nombre diminuer également. Proportionnellement les professions libérales restent au même point mais le nombre des travailleuses augmente.

Quant aux caractéristiques personnelles des travailleuses, on ne retrouve plus seulement des célibataires de moins de 30 ans, la proportion des femmes mariées d'âge moyen et mûr va en s'ac-croissant constamment. Toutefois, cette progression varie beaucoup selon le secteur d'activité professionnelle.

Pour les ouvrières et les travailleuses domestiques, la tendance est une diminution de l'importance relative des groupes d'âge de moins de 35 ans et une augmentation de la main-d'oeuvre plus âgée. C'est parmi les ouvrières que le mouvement des femmes mariées vers le marché du travail est le plus marqué, passant de 9,5 % en 41 à 38,09 % en 61. Chez les ouvrières le niveau d'instruction ne s'est pas amélioré et s'est même détérioré durant la décade 40 à 50. La plus grande partie des femmes mariées est venue sur le marché du travail par le canal des professions les moins exigen-tes sur le plan de la scolarité et du recyclage.

Dans les professions libérales et chez les techniciennes on retrouve le plus fort taux de célibataires et la plus faible augmentation des femmes mariées. À cause de la scolarité demandée, on n'y retrouve pas de très jeunes femmes contrairement à celles travaillant dans les bureaux où avec l'âge la proportion diminue.

En gros la guerre a été le point de départ de cet accroissement de la main-d'oeuvre féminine, de la nouvelle répartition entre femmes mariées et célibataires et du changement d'attitude des femmes mariées.

3.3 Les luttes des femmes 8

La période de l'après-guerre, avec Duplessis à la tête du gouvernement québécois, fut marquée par une politique de répression à l'égard des organisations ouvrières. La syndicalisation s'accroît, le nombre des syndiqués passe de 20 % à 30 % de la main-d'oeuvre. La résistance s'organise et les grèves sont nombreuses. Parmi ces grèves, mentionnons celles menées particulièrement par des femmes : en 1946, la grève de la « Dominion Textile » à Valleyfield, où les travailleurs et les travailleuses réclamaient une augmentation de 25 cents l'heure, la semaine de 40 heures et la reconnaissance syndicale. L'issue du conflit devait avoir des répercussions importantes puisque la « Dominion Textile » était le plus gros producteur de cotonnades au Canada. Le président de la compagnie et Duplessis firent tout en leur pouvoir pour casser cette grève grâce aux policiers provinciaux et aux fiers-à-bras. Ils firent arrêter le président du syndicat, Kent Rowley puis la coordonnatrice de la grève Madeleine Parent mais ils durent céder après 99 jours de grève, à cause de la mobilisation très grande des grévistes.

En 1947, grève du textile des travailleurs et travailleuses de la Compagnie Ayers à Lachute. La paie d'une ouvrière correspondait à 11,17$ pour 108 heures de travail. De nouveau on envoie la police provinciale et des fiers-à-bras pour briser la grève et de nouveau les dirigeants syndicaux K. Rowley et M. Parent sont arrêtés. Ni l'intensification de la terreur, ni l'arrestation des grévistes et de leurs chefs syndicaux n'interrompent la grève. Elle gagna même l'usine voisine de la « Dominion Shuttle » propriété de la famille Ayers. Après 5 mois de lutte les grévistes sont vaincus.

En 1952, la grève des ouvriers et ouvrières de l'« Associated Textile » de Louiseville dure 32 jours ; les grévistes subissent de nouveau l'hostilité de Duplessis et de sa police et plusieurs sont arrêtés. En 52, c'est aussi la grève des employées de « Dupuis Frères », la grande majorité des grévistes sont des femmes et n'ont pas peur de tenir leurs piquets devant la charge des policiers à cheval. Mentionnons également l'implication importante des femmes de grévistes lors des dures grèves d'Asbestos et de Murdochville.

Au niveau du mouvement des femmes apparaît un nouveau groupe en 1957, la Ligue des femmes du Québec. Des femmes s'étaient regroupées pour appuyer leurs maris lors d'une grève à Canadair. Prenant conscience de l'importance de la solidarité entre les femmes et les travailleurs, elles décident de créer un organisme permanent susceptible de canaliser les revendications des femmes en lien avec celles des travailleurs. Ce groupe est implanté surtout à Montréal et dans quelques villes. Il est lié directement au Parti communiste. La Ligue revendique une législation sociale pour appuyer « la mère et l'enfant » et travaille à sensibiliser les femmes au syndicalisme.

3.4 Dans les syndicats 9

À la CTCC (devenue CSN en 1960) le refus du travail des femmes fut dominant jusqu'en 1953. Cette année-là s'amorce une époque de discussion sur le travail féminin avec la création d'un Comité de condition féminine (les déléguées le réclamaient depuis 1943). On y parle des conditions difficiles des femmes sur le marché du travail, on se préoccupe de l'éducation syndicale pour les travailleuses et de la non-représentativité des femmes à la direction de la centrale. La CSN fut la première centrale syndicale à poser les problèmes pratiques engendrés par le travail féminin et à dénoncer les inégalités subies par les femmes sur le marché du travail. Jusqu'au milieu des années 60, les femmes constituaient moins de 10 % des délégués au Congrès même si elles représentaient le tiers des membres.

À la CEQ, malgré le fort pourcentage de femmes dans cette centrale, on en retrouve bien peu dans l'exécutif des syndicats. À la fin des années 50, il y avait des disparités salariales énormes entre les hommes et les femmes ainsi qu'entre les urbains et les ruraux.

À la FTQ (fusion de la Fédération provinciale du travail du Québec (FPTQ) et de la Fédération des unions industrielles du Québec (FUIQ) en 57), les femmes sont peu présentes. La FPTQ regroupait majoritairement des syndicats de métiers dont certains avaient des traditions qui bloquaient l'accès des femmes à certains métiers. On y était donc peu disposé à discuter du travail féminin. À partir de 57, la centrale demande la parité salariale et elle dénonce le travail à domicile.

La décennie 1950-60 est une période de transition vers l'acceptation générale du travail des femmes. Parallèlement au courant de rejet du travail féminin se développe une attitude plus réaliste de résignation et d'acceptation conditionnelle de ce phénomène qui semble de moins en moins temporaire.

Dans les revendications ouvrières, on commence à parler de chances égales de formation ou d'accès à l'emploi, d'avancement, de possibilités égales d'orientation. On assiste aux premières mesures visant la promotion et non exclusivement la protection du travail des femmes.

IV-De 1960 à 1969 Des femmes s'organisent en groupe de pression

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le premier conseil d'administration de la Fédération des femmes du Québec, 25 avril 1966, PHOTO LA PRESSE, MTL

L'élément central de cette période est la Révolution tranquille avec ses conséquences directes sur la vie des femmes. Ces conditions objectives façonneront en partie le mouvement des femmes des périodes suivantes.

4.1 La conjoncture et le travail des femmes

Cette période commence avec la « Révolution Tranquille ». Les réformes touchent autant les bases économiques que les appareils d'État, la santé et l'éducation, etc. Celles-ci vont de pair avec la laïcisation de la société québécoise, la transformation des valeurs et la hausse de syndicalisation des travailleurs de l'État. Tout cela constitue des conditions favorables à l'émergence de mouvements sociaux de revendications. À cette époque on assiste à la naissance d'organisations culturelles et politiques, ayant une idéologie nationaliste et socialiste.

Tous ces changements affectent grandement la population féminine et le travail des femmes.10 Il y a une amélioration du niveau d'instruction de la population québécoise à cette époque. L'accroissement du nombre d'emploi dans le secteur tertiaire permet à plus de femmes d'avoir accès au marché du travail. Les femmes plus scolarisées ont accès à un marché plus diversifié. Toutefois au début de cette époque, la majorité des salaires féminins est inférieure à la moitié de ceux des hommes et dans les conventions collectives on note des pratiques salariales discriminatoires fondées exclusivement sur le sexe. L'importance de la proportion des femmes mariées parmi la population active ne cesse de s'accroître, passant de 7,53 % en 41 à 48,78 % en 71. Cela explique qu'à partir des années 60 les revendications portent dans un premier temps sur l'instauration d'horaires de travail souples (qui seraient mieux adaptés à la condition des femmes, surtout mariées) et sur la généralisation et sur la réglementation du travail à temps partiel. Les revendications concernant le recyclage et la formation professionnelle apparaissent à la fin des années 60. Des changements s'opèrent aussi dans les organisations syndicales québécoises. À la CSN en 1962, on assiste aux premières déclarations favorables au travail féminin. En 1964, le président de la centrale reconnaît : « Nous ne sommes pas opposés au travail féminin et nous croyons d'ailleurs que notre opposition serait vaine devant la puissance des forces qui incitent les femmes à travailler»11. Cependant, il définit encore le rôle des femmes comme étant d'abord celui d'épouse et de ménagère. Dès ce moment, la CSN tente d'intégrer les revendications féminines en matière de condition de travail dans son action globale de défense des droits des travailleurs. Ce début d'esprit égalitaire a comme conséquence la dissolution du Comité de condition féminine de la CSN en 1966, au nom de la non-discrimination. À la FTQ, c'est une période où s'amorce la féminisation des effectifs avec la syndicalisation des secteurs publics et para-publics. Cette centrale, dans son mémoire soumis à la Commission Bird, relie les problèmes de la main-d'oeuvre féminine à la division traditionnelle des rôles sociaux et s'oppose à toutes mesures spéciales destinées aux femmes (temps partiel par exemple, visant à perpétuer la discrimination).

La Commission Bord, créée par le gouvernement fédéral en 1967, aborde les problèmes de la condition féminine d'une façon différente de celle de l'idéologie traditionnelle. Son rapport rend manifeste les différences entre les conditions socio-économiques des femmes québécoises (francophones en majorité) et celles des femmes canadiennes. De plus, son enquête démontre que dans certains milieux ouvriers, les seules concessions au travail féminin sont le travail bénévole, le travail dans une entreprise familiale ou lorsque la nécessité économique le justifie. Il doit cependant être temporaire, comme salaire d'appoint et orienté vers un métier féminin. Le travail des femmes est encore perçu comme une menace à l'emploi masculin. Les mémoires (des syndicats, des groupes de femmes...) soumis à la Commission se préoccupent de la promotion du travail féminin et revendiquent la création de garderies, d'allocations de maternité, d'horaires souples, de cours de recyclage...

Plusieurs groupes demandent la création d'un office qui assumerait des tâches de recherche, d'information, de consultation et de protection des droits de la femme. Cette revendication sera concrétisée (en juillet 73) par la création du Conseil du statut de la femme (CSF).

Il s'agit de faire face aux problèmes que ce travail engendre, ajoute Jean Marchand, président de la CSN en 1964., LE TRAVAIL, CSN

4.2 L'influence des transformations sociales sur les femmes

Avec l'amélioration des moyens de communication au niveau international, le Québec s'ouvre au monde et se met à l'heure de l'Amérique. En 1968, aux États-Unis, lors du concours de Miss Amérique, c'est la première manifestation féministe où des femmes brûlent leur soutien-gorge. C'est le début des groupes d'auto-conscience et de la diffusion massive de livres qui marqueront les femmes américaines et celles d'ailleurs.

Ce mouvement féministe aux États-Unis correspond à un mouvement de contestation générale dans la société américaine : les luttes des Noirs, les luttes contre la guerre au Vietnam, les luttes étudiantes, etc. En France, mai 68 a influencé de façon particulière les jeunes femmes qui l'ont vécu, elles ont pu s'exprimer et être écoutées pour la première fois. Mai 68 leur a permis de sortir de leur isolement, de se regrouper et de radicaliser leur révolte. Les difficultés d'avoir du pouvoir les amènent à se regrouper sur leurs propres bases.

Au Québec, la création des cégeps mixtes en 67 a favorisé l'accès des jeunes femmes à l'enseignement supérieur. L'année suivante, un vaste mouvement de contestation secoue les cégeps. Ce mouvement de contestation permet à plusieurs jeunes femmes d'avoir un lieu d'expérimentation politique et de se former. La remontée du mouvement de luttes nationales à cette époque influencera également les femmes.12

Pendant cette période, des innovations technologiques changent les conditions matérielles des femmes (au grand profit des entreprises capitalistes). Par exemple, le développement des appareils ménagers qui aurait pu permettre une plus grande libération des femmes du travail ménager, n'apporte pas cette libération. Au contraire, pour empêcher une entrée trop massive des femmes dans la production, la publicité insiste sur l'importance de la propreté en inondant le marché de multitudes de produits pour l'entretien de la maison favorisant du même coup la consommation et l'accroissement du travail ménager, décourageant toute socialisation des tâches ménagères. On assiste également à l'élargissement des responsabilités dévolues aux femmes comme mères et épouses : la psychologie insiste sur l'importance de la mère au foyer pour l'éducation et les soins aux enfants, sa présence bénéfique comme soutien du conjoint. La femme est de plus en plus isolée, surtout celle de la petite bourgeoisie qui émigré vers la banlieue pendant que la vie de quartier dans les grandes villes se disloque graduellement. Donc, malgré le fait que le droit au travail devient de plus en plus accepté et possible et que certaines conditions favorisent une participation plus active des femmes dans la société, d'autres éléments (dont le mouvement contre-culturel préconisant, entre autres, le retour à la terre) viennent renforcer l'isolement des femmes au foyer.

En 1964, Claire Kirkland-Casgrain, alors ministre du gouvernement québécois, propose le projet de loi n° 16 qui met fin à l'incapacité juridique de la femme. Ce projet abolissait l'obligation pour la femme d'obéir à son mari, il la rendait partenaire dans la direction matérielle et morale de la famille et lui reconnaissait la pleine capacité quant à ses droits civils.

Au début des années 60, commence une certaine ouverture sur la contraception. Le groupe SERENA (Service de régulation des naissances) fondé depuis 62 préconise l'utilisation de la méthode sympto-thermique, laquelle rend très aléatoire le contrôle des périodes de fertilité mais elle oblige les couples stables à reviser leur mode de rapport sexuel. Vers cette époque « la pilule » arrive sur le marché mais elle est surtout prescrite, officiellement, pour régulariser le cycle menstruel.

En 1964 est mise sur pied l'Association pour le planning des naissances de Montréal qui vise à répondre aux demandes d'information, de formation et de référence sur la contraception.13 En 67, l'ancien président de l'Association le Dr. Serge Mongeau, créait le Centre de planning familial. Une équipe multidisciplinaire (médecine, psychologie, anthropologie, sociologie, démographie, travail social) offrira un service direct de contraception à la clientèle et un service sur les problèmes sexuels. Le personnel du Centre fera du travail communautaire, en particulier de la sensibilisation à la contraception et à la fécondité, la formation d'intervenants sur ces questions et le soutien à la mise sur pied de services cliniques dans différentes régions du Québec.

Il mettra aussi sur pied un projet « jeunesse » visant l'information massive des jeunes sur les méthodes contraceptives et sur leur vie sexuelle. En 68, se dérouleront des semaines sur la sexualité dans 12 des 15 nouveaux cégeps. Des recherches seront effectuées sur les valeurs et les attitudes des femmes à propos de la contraception. Enfin, en collaboration avec l'International Planned Parenthood Federation (IPPF) et l'université de Montréal, le Centre verra à la formation de médecins, infirmières, sage-femmes d'Afrique francophone. Dès sa fondation le Centre est subventionné par l'ancien ministère québécois de la famille et du Bien-Être social.

4.3 Le mouvement des femmes

Cette période de 60 à 69, marquée par de profondes transformations sociales, permet l'éclosion d'un mouvement plus large, d'inspiration libérale et réformiste. Plusieurs associations et regroupements surgissent comme autant de groupes de pression sur les gouvernements qui prétendent être engagés dans la recherche de l'égalité des sexes. Les organisations des femmes de l'époque seront alors fort différentes selon qu'elles surgissent en milieu rural ou urbain. Cependant, elles réussissent à regrouper un nombre de femmes beaucoup plus élevé qu'aux périodes antérieures. Elles exercent alors une influence non négligeable sur les institutions.14

Lors de la célébration du 25e anniversaire du droit de vote pour les femmes au niveau provincial (en avril 65), certaines femmes décident de former une organisation pour regrouper les femmes et coordonner leurs activités dans le domaine de l'action sociale. Le 23 avril 1966 est fondée la Fédération des femmes du Québec (FFQ). Ce sont des femmes ayant l'expérience soit d'une carrière dans les professions libérales (Thérèse Casgrain, Monique Bégin) soit de l'action sociale et politique (Colette Beauchamp, Simone Chartrand, etc.). Les membres fondatrices soucieuses d'avoir un impact dotent la FFQ d'une structure accueillant le plus grand nombre de femmes possible. Elles regroupent les individus sur une base régionale d'une part et de l'autre les associations ou organisations désireuses de se joindre à la Fédération. Les actions de la Fédération convergent vers deux objectifs : l'éducation et la pression. La cause commune à tous les membres de la FFQ : « la promotion de la femme ». L'organisation rédige de nombreux mémoires en particulier celui pour l'Office de révision du Code civil (66) et pour la Commission Bord (68). À partir de 68, elle publiera un bulletin de liaison pour ses membres.

Dans les milieux ruraux et dans les petites villes, l'essor économique permet la rationalisation de la propriété agricole et le développement de la petite et moyenne entreprise. Ces conditions économiques alliées à la floraison de l'idéologie réformiste favorisent la fusion de deux organismes, l'Union catholique des femmes rurales et les Cercles d'économie domestique; en 1966, est donc née, L'Association féminine d'éducation et d'action sociale (AFEAS). C'est une organisation féminine, catholique, très modérée. On y retrouve 60 % de mères au foyer et plusieurs se définissent comme collaboratrices de leur mari dans l'entreprise familiale. Ces femmes sont intéressées à la promotion féminine et à l'amélioration de la société par l'éducation et l'action sociale. Elles veulent que les femmes assument leur condition de femme, qu'elles développent leur autonomie et qu'elles interviennent dans leur milieu.

V- De 1969 à 1972 : Une étape importante pour l'émergence d'un nouveau féminisme

Manifestation de 200 femmes enchaînées pour protester contre le règlement anti-manifestation photo la presse mtl

Nous avons fait des années 69-72 une période spécifique du mouvement des femmes contemporain parce que cette période est celle de l'émergence du féminisme dans le mouvement des femmes. En effet la création du Front de libération des femmes du Québec (FLF) apporte quelque chose de radicalement différent dans le champ de la lutte des femmes. Le FLF se crée en 69 et disparaît en 72.

5.1 La conjoncture économique et le travail des femmes

Depuis 1967, année où débute la récession économique, le Québec vit une nouvelle crise du système capitaliste qui engendre des taux très élevés de chômage et d'inflation. De 1966 à 1970, le chômage grimpe de 4,6 % à 8 %. Les femmes continuent à grossir les rangs de la main-d'oeuvre rémunérée du Québec ; elles constituent un peu moins du tiers (32 %) de la main-d'oeuvre en 71. Depuis 66, le taux d'activité des femmes appartenant à différents groupes d'âge continue d'augmenter.15 Le tiers des femmes âgées de 24 à 34 ans se retrouvait sur le marché du travail en 66 ; en 71, leur nombre grimpe à 39 ,9% et continuera d'augmenter même si c'est à cette période de leur vie qu'une forte proportion d'entre elles sont occupées en plus par la maternité et les tâches reliées aux soins d'un ou de quelques enfants d'âge pré-scolaire. Quant aux femmes âgées de 34 à 45 ans, le nombre d'entre elles qui sont sur le marché du travail est passé de 30 % en 66 à 34,4 % en 71. Enfin, comparativement aux périodes antérieures, à partir de 69, on assiste à une stabilisation du taux de participation des femmes qui ont entre 45 et 54 ans ; elles ont intégré le marché du travail rémunéré et elles y demeurent.

Quelles sont les conditions qui les attendent? L'existence d'un double marché du travail, fondé sur la division sociale des sexes a un effet considérable sur la répartition de la main-d'oeuvre féminine. Elle entraîne une concentration toujours plus massive des femmes à l'intérieur de quelques professions spécifiques à prédominance féminine et les confine à des tâches qui ne sont souvent que le prolongement de leurs activités de ménagères et de mères. Entre 61 et 71, on observe non seulement un degré réel de stabilité dans les 20 professions qui emploient un grand nombre de femmes, mais aussi une féminisation encore plus grande ce certaines professions. À l'exception des professions d'institutrices et d'infirmières, les autres se situent toutes dans des positions inférieures des catégories socio-professionnelles faibles, n'exigeant que peu ou pas de qualification et ne comportant que peu ou pas de responsabilité.16

Une autre donnée qui caractérise aussi le marché de l'emploi ouvert aux femmes est celle du travail à temps partiel.17 Le travail à temps partiel n'a commencé a se développer que dans les années 60 et c'est un phénomène qui s'observe essentiellement dans les pays industrialisés. Entre 66 et 73, au Canada, l'emploi à temps partiel s'était accru de 60 %, alors que l'emploi à temps plein s'était accru de 19 % seulement. Plus de 3/4 des emplois à temps partiel sont concentrés dans le secteur tertiaire, là où les tâches sont morcelées, divisées. Elles peuvent donc s'effectuer de façon indépendante et l'on peut modifier le nombre de personnes travaillant à une tâche sans désorganiser le système de travail. Le problème de requalification du travail s'y pose donc de façon plus aiguë.

En 71, au Québec, les femmes représentent les 2/3 de la population active oeuvrant dans le secteur tertiaire; 1/4 des femmes qui y travaillent le font à temps partiel et elles constituent les 2/3 de l'ensemble des personnes travaillant à temps partiel. Le portrait-robot de la travailleuse à temps partiel révèle une femme mariée (56,1 %), ayant entre 25 et 55 ans, ayant complété 8 ou 9 ans de scolarité et ayant quelques enfants à la maison.

Enfin, disons qu'en 71, au Québec, chez les personnes qui avaient travaillé à plein temps durant toute l'année, le salaire moyen des femmes était de 4702 $ et celui des hommes de 7882 $.18 Quant au travail ménager gratuit, il équivaut en 71 à 20-25 % du Produit national brut (PNB) 19: il y aurait tout un travail à faire pour systématiser les conséquences, sur la vie des femmes, de la détérioration de ce qu'on appelle les conditions de vie qui sont, en fait, les conditions de travail des ménagères.

5.2 La conjoncture politique, sociale et idéologique

Sur la scène politique, après une courte transition où l'Union nationale prend le pouvoir (1966-70), les Libéraux reprennent le pouvoir avec à leur tête Bourassa. Lors de cette élection, le mouvement ouvrier et populaire a donné son appui « tactique » au P.Q. qui recueille 24 % du vote.

Cette courte période amène à leur apogée les mouvements sociaux de la période précédente. Les luttes sont très dures, on assiste à la création du premier parti des travailleurs salariés sur la scène municipale montréalaise : le Front d'action politique (FRAP) ; pour la première fois en 70, les trois centrales syndicales québécoises célèbrent dans l'unité le 1er mai ; les luttes contre les manifestations criantes de l'oppression nationale (contre le Bill 63, pour McGill français...) sont nombreuses. Cette radicalisation des luttes sera la cible de la répression d'octobre 70.

Durant cette période, la jonction entre les différents mouvements (mouvement étudiant, mouvement syndical, groupes culturels et politiques) se fait avec comme perspective le refus de l'ordre social établi et avec des objectifs de libération nationale et sociale.

Par ailleurs, la « crise de la famille » qu'a accéléré le phénomène d'urbanisation de la période précédente est mise à jour. Le divorce 20est introduit au Québec en 69 ; à cette époque (69-70), l'indice est de huit divorces pour cent mariages, 76,9 % des divorces ont été demandés par des femmes qui se voyaient octroyer exclusivement à 57 % la garde des enfants. En 71, 7,8 % des familles au Québec étaient des familles monoparentales dont le chef était une femme (105,400). Sur ce nombre, 38 % vivaient du Bien-Etre social.21 Alors qu'en 61, le revenu moyen des familles monoparentales dont le chef était une femme, représentait 73 % du revenu moyen des familles biparentales, en 71, il n'en représente plus que 50 %.22

C'est aussi en 69 que sont éliminées du code criminel du Canada les interdictions concernant la diffusion des renseignements sur la régulation des naissances et la vente ou l'annonce de produits contraceptifs.23 À Montréal, Morgentaler débute sa pratique d'avortement. C'est en 69 qu'au fédéral, les Libéraux font adopter le Bill Omnibus permettant aux hôpitaux qui le « désirent » de pratiquer des avortements « thérapeutiques ». Cette loi est présentée comme une libéralisation.* En septembre 71, le nouveau ministère des Affaires sociales du Québec met sur pied un comité provincial de planification familiale et prévoit que les C.L.S.C. vont offrir des services.

5.3 Le mouvement des femmes

Cette amorce de libéralisation des lois concernant les femmes et leurs fonctions reproductrices rend compte à la fois des luttes et des pressions menées par elles mais aussi des changements qui s'opèrent dans la société. Nous assistons à l'arrivée croissante des femmes sur le marché du travail salarié (marché qui est fortement sexué), à la mise à jour de la crise qui traverse l'institution familiale et à une contestation sans précédent des pouvoirs établis et du système social par des luttes intenses auxquelles les femmes participent. C'est dans ce contexte qu'émerge un nouveau féminisme avec la création du premier groupe féministe ayant des objectifs politiques révolutionnaires. Ce phénomène se fait jour dans la plupart des pays occidentaux industrialisés et les idées féministes circuleront facilement. Par exemple, en 71 la diffusion au Québec du numéro spécial de la revue de gauche Partisans sur l'oppression des femmes stimulera les jeunes féministes.

Page couverture du premier numéro de Québécoises Debouttes !

Cette radicalisation du mouvement des femmes se fait jour, tout d'abord du côté des anglophones. Elles ont plus facilement accès à l'information sur le M.L.F. américain et sa littérature. Elles sont les premières à développer ici les groupes d'auto-conscience. En octobre 68, un étudiant et une étudiante de l'université McGill produisent une brochure qui eut un succès retentissant : The Birth control handbook. Suite à cette parution, des centaines de femmes leur demandent comment obtenir un avortement ; c'est pour répondre à ce besoin qu'un service de référence fut mis sur pied. Le Montreal Women's Liberation Movement (M. W.L.M.) assume ce travail militant dès sa fondation en 69. Le FLF collaborera et assurera la version française du « Handbook » tirée à plus de 50 000 copies sous le titre « Pour un contrôle des naissances ».

Les féministes francophones qui se révèlent à cette époque viennent pour la plupart d'entre elles d'organisations qui mènent la lutte nationale et sociale. En octobre 69, s'organise en 48 heures une manifestation de 200 femmes contre le règlement anti-manifestation de l'administration Drapeau-Saulnier ; 165 manifestantes sont emprisonnées. 24

Suite à cette manifestation, une trentaine de femmes se regroupent et fondent le Front de libé ration des femmes du Québec (F.L.F.). Elles étaient liées au plan idéologique et structurel avec la gauche. En effet, les premières militantes du F.LF. venaient du Rassemblement pour l'indépendance nationale (R.I.N.), du Front de libération populaire (F.L.P.), du Parti socialiste du Québec (P.S.Q.), du Comité ouvrier de St-Henri, du Théâtre radical du Québec (T.R.Q.), du mouvement étudiant, des milieux syndicaux (particulièrement de la C.S.N.). D'autres sortaient directement de leur cuisine ou de leur milieu de travail. Le F.LF. regroupait en majeure partie des femmes pour qui la première prise de conscience politique était passée par la conscience de l'oppression nationale du peuple québécois, et dans un deuxième temps, de l'exploitation de la classe ouvrière.25 Des femmes anglophones seront présentes au sein du F.LF.. Cependant, elles seront exclues à la fin 70 à cause de divergences idéologiques mais surtout à cause du nationalisme intransigeant des francophones.

Leurs positions idéologiques sont traduites, entre autres dans le premier numéro du journal Québécoises Debouttes ! qui paraît en novembre 71 et dans le Manifeste des femmes québécoises écrit par deux militantes anonymes et qui sera diffusé par le F.LF. Ce manifeste dénonce, entre autres, le sexisme qui prévaut dans les organisations de gauche et considère que pour se libérer les femmes doivent s'organiser sur une base autonome.

On y affirme que la lutte doit porter contre deux systèmes : le système capitaliste et le système patriarcal. On y retrouve une tentative d'articulation d'une position à la fois féministe, indépendantiste et socialiste, s'appuyant sur la problématique marxiste. Dès mars 70, le F.L.F. tient des réunions hebdomadaires ; un peu plus tard, le travail se fera sur la base de cellules autonomes. L'une met sur pied une garderie, une autre travaille sur la question de l'avortement, d'autres visent à favoriser la conscientisation des femmes par l'information, l'animation et la formation politique.26

Enfin, les militantes F.L.F. ont également mené des actions culturelles-choc dont celle du Salon de la femme et celle lors du procès de Lise Balcer. Lors de la comparution de cette dernière accusée d'outrage au tribunal pour refus de témoigner lors du procès de Paul Rose, sept femmes du FLF se précipitent sur le banc des jurés en criant : « discrimination » et « la justice c'est de la marde ». elles seront toutes condamnées mais la presse fait un écho retentissant à cette manifestation. Quelques mois plus tard, la loi sera modifiée permettant aux femmes d'être juré lors de procès.

Le 6 mai 70, a lieu la Caravane nationale pour l'avortement à Ottawa. Ce rassemblement de femmes, venues de tous les coins du Canada, a été appelé par les Fédération et Association canadiennes pour l'abrogation de la loi sur l'avortement (F.C.A.L.A. et A.C.A.L.A.) Elles sont porteuses d'une pétition de milliers de signatures en faveur de l'avortement. C'est la première lutte à l'échelle canadienne pour la libéralisation des lois sur l'avortement. Le docteur Morgentaler, alors collaborateur du service de référence y fait un discours. Le F.L.F. refusera de participer à cette manifestation à cause de son caractère légaliste et parce qu'il refuse de s'adresser au gouvernement canadien. Le F.L.F. organisera sa propre manifestation à Montréal à l'occasion de la Fête des mères et y présentera une animation théâtrale sur le thème de l'avortement. En juin Morgentaler est arrêté pour pratique illégale d'avortements. C'est le début de la répression ouverte et du harcèlement judiciaire.

En décembre 71, le F.L.F. disparaît après de longs débats entre celles qui presqu'intégrées au CAP St-Jacques véhiculent la théorie marxiste-léniniste sur l'oppression des femmes et celles qui, tout en étant anti-capitalistes, considèrent les rapports entre les hommes et les femmes comme une contradiction principale et non secondaire comme l'affirment les marxistes d'alors. L'absence de théorie féministe révolutionnaire tant au plan international que national, l'éparpillement des forces et l'impact émotif des divisions au sein du groupe contribuent largement à cette disparition.

Le 6 mai 70, a lieu la Caravane nationale pour l'avortement à Ottawa. Ce rassemblement de femmes, venues de tous les coins du Canada, a été appelé par les Fédération et Association canadiennes pour l'abrogation de la loi sur l'avortement (F.C.A.L.A. et A.C.A.L.A.) Elles sont porteuses d'une pétition de milliers de signatures en faveur de l'avortement. C'est la première lutte à l'échelle canadienne pour la libéralisation des lois sur l'avortement. Le docteur Morgentaler, alors collaborateur du service de référence y fait un discours. Le F.L.F. refusera de participer à cette manifestation à cause de son caractère légaliste et parce qu'il refuse de s'adresser au gouvernement canadien. Le F.L.F. organisera sa propre manifestation à Montréal à l'occasion de la Fête des mères et y présentera une animation théâtrale sur le thème de l'avortement. En juin Morgentaler est arrêté pour pratique illégale d'avortements. C'est le début de la répression ouverte et du harcèlement judiciaire27.

En décembre 71, le F.L.F. disparaît après de longs débats entre celles qui presqu'intégrées au CAP St-Jacques véhiculent la théorie marxiste-léniniste sur l'oppression des femmes et celles qui, tout en étant anti-capitalistes, considèrent les rapports entre les hommes et les femmes comme une contradiction principale et non secondaire comme l'affirment les marxistes d'alors. L'absence de théorie féministe révolutionnaire tant au plan international que national, l'éparpillement des forces et l'impact émotif des divisions au sein du groupe contribuent largement à cette disparition.

VI - De 1972 à 1975 : Elargissement des revendications et multiplication des groupes de femmes

Affiche annonçant la fête du premier 8 mars célébrée à Montréal,le 8 mars 1974 lise nantel

Cette période n'est pas caractérisée par un événement central. Toutes les composantes du mouvement existantes dans les périodes précédentes se développent et commencent à influencer la réalité sociale. Cependant l'année 75 avec l'Année internationale de la femme constituera un moment clé pour le mouvement des femmes. Ce dernier deviendra alors un phénomène social...

6-1 La conjoncture économique et le travail des femmes

À partir de 1972, le Québec subira la pire crise du capitalisme depuis la crise de 29. Avec l'inflation, les salaires montent moins vite que le coût de la vie, les travailleurs subissent des mises à pied, plusieurs usines ferment et le pouvoir d'achat s'érode. La politique du gouvernement encourage la main-mise des monopoles américains et canadiens sur les richesses du Québec (Baie James, ITT).

Les femmes continuent à affluer sur le marché du travail ; elles constituent en 1974, 33,1 % de la main-d'oeuvre.

6.2 La conjoncture politique, sociale et idéologique

Les libéraux ont été reportés au pouvoir en octobre 73. Le gouvernement Bourassa pro-impérialiste, orchestre la répression économique et politique des luttes sociales. Le P.Q. a décroché 30 % des votes. Depuis 70, le P.Q. a peu à peu hégémonisé le mouvement national et il se propose comme alternative au gouvernement Bourassa ; sa propagande porte sur sa capacité d'être un « bon gouvernement ». Dès 1974 il est question de la nécessité de tenir un référendum sur l'avenir constitutionnel du Québec advenant l'élection d'un gouvernement du Parti Québécois.

C'est une période de luttes sociales mais aussi d'effritement idéologique et politique dans la gauche naissante, ce qui se manifeste par exemple par la crise à l'intérieur du FRAP. On note dans le mouvement ouvrier et populaire un recul des revendications nationales au profit d'une radicalisation idéologique ; les trois « Manifestes » des centrales syndicales en sont le reflet. Il y a également le premier Front commun du secteur public et para-public, le développement de l'internationalisme suite au coup d'État chilien, le développement d'outils de réflexions et d'une presse militante. Du foisonnement idéologique naissent des groupes politiques : En Lutte ! en 73 et la Ligue communiste (LCMLC) en 75.

L'éclatement de la famille nucléaire continue de s'opérer. En 74, 17 000 mariages sont rompus au Québec par le divorce ou la séparation, dont 75 % sont demandés par les femmes.28 La baisse de natalité se poursuit ce qui est à la fois un reflet et une condition du changement des femmes.

6.3 Le mouvement des femmes

Durant cette période, le mouvement des femmes prend son essor. Des organisations se réorientent, d'autres se créent comme prolongement de celles de la période précédente, des revendications viennent à terme, par exemple la création d'un organisme étatique sur les femmes : le Conseil du statut de la femme (CSF). Des comités de condition féminine se créent dans les trois centrales syndicales et, dans la foulée du F.L.F., de nombreux groupes de femmes surgissent pour prendre en charge différents aspects de la lutte.

La création du CSF constitue un événement majeur pour le mouvement des femmes. C'est suite à des pressions exercées par des associations syndicales et professionnelles féminines que le Conseil du statut de la femme est créé le 6 juillet 73 par l'adoption de la loi 63, votée à l'unanimité par l'assemblée législative. C'est aux termes de la loi, un organisme d'étude et de consultation qui relève directement de l'autorité du Premier ministre ou de son ministre délégué... Il est composé de dix personnes nommées, issues d'associations féminines, de groupes sociaux-économiques, des milieux syndicaux et universitaires. Il est chargé de conseiller le gouvernement du Québec sur toute question que celui-ci lui soumet et d'entreprendre des études. Il se définit lui-même comme « un outil de changement » dans la société québécoise. Le Conseil disposait en 1974-75 d'un budget de 225 400 $ pour mettre sur pied quatre services permanents : Action-Femmes, Consult-Action, Documentation, Recherche-Information.

6.3.1 Les organisations féminines

Durant cette période, les organisations féminines comme L'AFEAS et la FFQ poursuivent leur action et se penchent sur les principaux thèmes du mouvement des femmes comme l'avortement, les garderies.

C'est aussi durant cette période que la Ligue des femmes du Québec (LFQ) élargit son champ d'action (consommation, par exemple), à partir de ses perspectives dans le sens de l'unité de la lutte des travailleurs et des travailleuses et met sa priorité sur la syndicalisation de celles-ci.

La création, en 1972, du Centre d'information et de référence pour femmes (CIRF) était l'aboutissement du travail d'un groupe de femmes qui publiait un journal féministe dans le centre-ville. Les membres du journal recevaient de plus en plus d'appels de femmes aux prises avec des problèmes de tout ordre et en quête d'information ; la nécessité d'avoir un service d'information et de référence devint vite évidente. Après de nombreuses réunions, la création du CIRF fut décidée et il ouvrit officiellement ses portes en janvier 1973, grâce à une subvention de Projet initiative locale (P.I.L.), il offre alors des services d'information et de référence sur les garderies, les agences de service social, les médecins, les services médicaux, les avocats, les organismes communautaires, les groupes de locataires. Le CIRF aide également celles qui ont des problèmes avec les bureaux du Bien-Être social, les hôpitaux, les agences de service social et d'autres institutions publiques et para-publiques et apportant un soutien particulier aux femmes et aux familles immigrantes, en particulier celles du Pakistan, de l'Inde et d'Asie. Le CIRFest aussi un lieu de rencontre où toutes les femmes sont bienvenues ; le groupe met à leur disposition des brochures et des livrets d'information.

Au cours de la même année en 73, naît le R.A.I.F. (Réseau d'action et d'information pour les femmes) ;29 le groupe se définit comme féministe, il dénonce le patriarcat et ses corrolaires législatifs. Il combat tous les préjugés sexistes enracinés dans les mentalités. Ne désespérant pas d'utiliser les moyens d'action qu'offre le système « relativement démocratique » dans lequel nous vivons, le R.A.I.F. s'est donné la tâche de suivre les gouvernements provincial et fédéral pas à pas. Il produira différents mémoires qu'il déposera à l'Assemblée nationale ou défendra en commissions parlementaires. Il résume ainsi le travail d'action qui constitue l'un des pôles du mouvement : pétitions, lettres ouvertes, rencontres avec des personnalités politiques, télégrammes, etc. S'il favorise l'implication dans le milieu social, il n'est pas à proprement parler un groupe d'action de masse. S'il identifie les systèmes législatif et fiscal comme étant des sources d'oppression pour les femmes, il ne s'inscrit pas par ailleurs dans la lutte anti-capitaliste.

6.3.2 Les comités de condition féminine

C'est aussi durant cette période que naissent deux des Comités de condition féminine dans les centrales syndicales, soit à la C.E.Q. et à la F.T.Q., et qu'est mis sur pied un nouveau comité à la C.S.N.

À la F.T.Q.

Au cours de 72, des femmes salariées et militantes de la F.T.Q. se réunissent informellement pour analyser leur situation ; elles font par la suite pression sur la direction de la F.T.Q. qui forme officiellement, en janvier 73, un comité chargé de préparer une intervention pour le congrès de 73 et de « réfléchir » de façon globale sur la condition des femmes travailleuses. Le Comité produira le texte Travailleuses et syndiquées pour le congrès de décembre 73, lequel fut discuté en commissions par l'ensemble des délégués et ratifié en plénière par la suite ; ce fut à ce moment que l'ancrage sur la question des femmes se fit à la F.T.Q. Les femmes du Comité étaient soit recommandées ou désignées par leurs directions syndicales, soit des personnes intéressées et venues d'elles-mêmes. Dans l'ensemble, les membres du Comité n'étaient pas représentatives de leurs secteurs ou syndicats, en ce sens qu'elles ne parlaient qu'en leur nom personnel et n'étaient pas en mesure d'établir des réseaux d'information et de liaison avec les membres féminins de leurs syndicats. Cette difficulté fut constante et on tenta de la surmonter par la convocation d'assemblées de militantes, les plus larges possibles; ces réunions eurent lieu, en moyenne quatre fois par année, constituant de fait l'instance consultative pour les permanents et la direction de la centrale.

De 73 à 75, le Comité organisa des assemblées pour discuter du document et trois sessions de formation. La perspective de susciter la formation de comités de condition féminine dans les syndicats et dans les conseils du travail était présente, mais plusieurs difficultés empêchèrent ce projet de se concrétiser de façon satisfaisante ; seul le Conseil du travail de Québec mit sur pied un Comité de condition féminine.30

À la C.E.Q.

C'est dans le cadre de la recherche en vue d'une nouvelle définition de l'orientation à donner à son action syndicale, plus particulièrement grâce à la réflexion amorcée par le manifeste L'École au service de la classe dominante, que la C.E.Q. a connu les premiers balbutiements de la lutte des femmes dans ses rangs, lors du congrès tenu à l'été 72.

Suite au congrès, un noyau de militantes de Montréal s'est constitué pour poursuivre la réflexion.

C'est lors du XXIIIe congrès, en juillet 73, que le Comité Laure-Gaudreault devenait un comité officiel de la C.E.Q., composé de sept membres non libérées, avec un ensemble de résolutions qui constituait l'essentiel du plan d'action de la centrale et des syndicats affiliés. Malgré cela, le Comité et la lutte des femmes n'ont pas provoqué beaucoup d'intérêt et ont connu des heures difficiles.

Au congrès de 74, deux revendications majeures : l'obtention de 2 personnes ressources libérées et l'élargissement du mandat à la préparation de la négociation aboutirent, d'où l'intervention plus active des militantes de la condition féminine dans la centrale, ce qui ne se fait pas toujours en douceur.

Le Comité de la C.E.Q. fut dynamique autant à l'intérieur de la centrale qu'à l'extérieur, dans la mesure où il reprenait les grandes lignes du courant féministe autonome et les intégrait aux revendications immédiates de l'organisation syndicale. Les animatrices de ce comité participaient en effet aux débats politiques de la gauche (les pôles politiques d'alors étaient En Lutte ! et la revue Mobilisation) mais vers 75 quelques-unes d'entre elles décidèrent de mettre leurs énergies militantes dans la création d'une organisation politique, le GRP qui fusionnera avec En Lutte ! par la suite. Le Comité de condition féminine de la C.E.Q. fut momentanément désorganisé, puis reprit ses activités, l'année suivante dans une ligne syndicale et avec une orientation assez différente. 31

A la C.S.N.

L'actuel Comité remonte à 73 ; on se souviendra qu'un Comité avait été mis sur pied en 53 pour être dissout en 66. Quelques salariées de la C.S.N. contactent des syndiquées pour discuter de la condition féminine à la C.S.N. Elles mettent l'exécutif de la C.S.N. devant l'évidence de la nécessité et de l'existence « de fait » d'un Comité de condition féminine à la C.S.N. C'est au congrès de 74 que le Comité sera dûment formé. Son mandat consistait à faire une étude sur la condition des femmes (au travail, au foyer, dans le mouvement syndical et dans la société) pour susciter un débat dans la C.S.N. devant aboutir à une politique de la centrale lors du congrès de 76. Ce Comité était composé de salariées et de militantes de syndicats locaux. La revendication centrale développée : l'accès au travail social ; la perspective : La Lutte des femmes, combat de tous les travailleurs (titre du rapport du Comité au congrès de 76).

 

6.3.3 Dans la foulée du F.L.F.

En 72, grâce à une subvention du MAS, un groupe de femmes dont quelques ex-militantes du F.L.F. produisent sous la direction d'une sociologue L'Analyse socio-économique de la ménagère québécoise. Cette recherche, la première sur ce thème vise à étudier de façon globale la situation de la ménagère québécoise dans ses rapports à l'économique, au politique et à l'idéologique. Elle fournira des éléments pour l'analyse de la production domestique, sujet qui deviendra central dans l'analyse des féministes.

Page couverture du Manifeste du Théâtre des cuisines, 1975

Suite à la disparition du F.L.F., dans un contexte de foisonnement idéologique, deux exmilitantes du F.L.F. et deux militantes d'un groupe politique mettent sur pied, en janvier le Centre des femmes qui reprend à son compte la référence en organisant une clinique d'avortement. Plus de 60 femmes y viennent par semaine. Le Centre collabore à la rédaction du Manifeste pour une politique de planification des naissances, publié en septembre 72 et co-signé par différents groupes. En novembre 72, le Centre des femmes devient membre associé de la Fédération du Québec pour le planning des naissances (FQPN) 32 fondée en septembre de cette même année. * Au cours de cette période, le Centre de planning familial du Québec publie la brochure 100 femmes devant l'avor-tement recherche sur les aspects psycho-sociaux de l'avortement, entreprise dans le but d'éclaircir cette question controversée, mais sans intention de trancher le débat « pour ou contre l'avortement ». En juin 72, le Centre de planning termera ses portes à la suite d'un conflit syndical. Son travail aura permis à de nombreuses femmes et jeunes filles de s'interroger sur leur sexualité, de contrôler leur fécondité et de définir de nouvelles formes de contraception.

Le 21 janvier 73, cinq policiers de la Sûreté du Québec font une perquisition au Centre des fem mes. Ils vident littéralement le local de tous ses dossiers, documents et journaux. Privées de leurs dossiers, les femmes du Centre décident de poursuivre malgré tout leur service. En juillet 73, un autre médecin, !e Dr. Yvan Macchabée est arrêté pour pratique d'avortements. En août 73, c'est le début du premier procès Morgentaler. Celui-ci déclare avoir pratiqué dans sa clinique plus de 5000 avor-tements ; il plaide cependant non-coupable. Peu avant le début du procès la Fédération canadienne pour l'Abrogation de la loi sur l'avortement appelle à la création d'un comité de défense. Ce comité constitue la première expérience de jonction, réunissant des femmes de syndicats, des centrales C.S.N. et C.E.Q., de groupes populaires, de groupes politiques tels la LSO et le GMR (deux groupes trotskystes) et des groupes de femmes. Certaines avaient des mandats de leurs organisations, d'autres intervenaient dans le comité à titre individuel. Le Centre s'y joint et y participe activement.

À l'intérieur du comité, un certain clivage s'opéra entre les femmes d'organisations populaires, syndicales et féministes et les militantes trotskystes qui défendaient une ligne d'agitation jugée trop aventuriste et activiste. Le comité se divisa par la suite à cause de conceptions différentes sur les tâches pour faire avancer la lutte pour l'avortement particulièrement sur la question de la défense du médecin.

Le 2 février 74, le Dr.Robert Tanguay est arrêté à son tour, face à la répression qui s'accentue, les médecins qui jusqu'ici collaboraient avec le Cen tre des femmes cessent de pratiquer des avorte-ments. Le Centre réfère donc les femmes à des centres New York. En avril 74, la Cour d'appel du Québec renverse la décision du jury et déclare Morgentaler coupable. Sentence : 18 mois de prison et trois ans de probation. Le médecin fait appel devant la Cour suprême du Canada.

Les femmes du Centre sont essoufflées. La clinique leur prend beaucoup d'énergie de même que la publication de Québécoises Debouttes! (neuf numéros sur une période de 15 mois). Le Centre n'arrive pas à formuler de proposition en terme de mobilisation et d'organisation aux femmes qu'il rejoignait par le biais de sa clinique et du journal. L'équipe du journal d'En Lutte! les saisit de son questionnement ; les femmes du Centre sont sommées de se prononcer sur le socialisme sur la question du parti, etc. Pour essayer d'y voir clair, le Cen tre s'engage dans une période de bilan. La production du journal fut suspendue. De septembre 73 à août 74, une partie des militantes quittèrent individuellement le Centre pour se diriger vers d'autres types de pratiques, sans que soit résolue la question de l'orientation et de l'avenir du Centre des femmes, d'autres rédigent le bilan et publient le dernier Québécoises Deboutte ! pour le 8 mars 74.

Certaines d'entre elles vont constituer le Théâ tre des cuisines. Les premières réunions de ce groupe se situent en décembre 73. Son but est de faire du théâtre de combat en traitant de l'exploitation des femmes en tant que ménagères, travailleuses et femmes. Son premier spectacle sera présenté lors du 8 mars et porte principalement sur l'avortement : Nous aurons les enfants que nous voulons.

Le Centre des femmes participe à l'organisation du 8 mars 74, conjointement avec des femmes des syndicats (C.S.N., F.T.Q. et C.E.Q.), des garderies populaires et de l'ADDS. C'était la première fête d'envergure au Québec pour célébrer la journée internationale des femmes. Le thème était : « Ménagères, Travailleuses : même combat ! » 2000 personnes de différentes régions de la province et de différents quartiers de Montréal étaient réunies au sous-sol de l'église St-Édouard.

Les femmes du Centre des femmes présentèrent leurs chansons, le Théâtre des cuisines, sa pièce, d'autres interventions d'une Indienne, d'une Noire, d'une Chilienne, ainsi que des femmes en grève et de ménagères venues témoigner de leur lutte.

Au cours de ce même mois de mars, le Centre des femmes et des groupes qui avaient participé au Comité de défense de Morgentaler participent à la manifestation pour le droit aux garderies, contre le Plan Bacon.

De septembre 74 à mars 75, une nouvelle équipe constituée de trois anciennes et cinq nouvelles femmes prend la relève du Centre, Elles reprennent le bilan inachevé et, convaincues de la nécessité d'organiser la lutte pour l'avortement sur une base plus large, elles regroupent autour de cette question une trentaine de femmes. De ce regroupement est né le Comité de lutte pour l'avortement et la contraception libres et gratuits (CLACLG).. Tout de suite après, c'est la dissolution du Centre des femmes. Deux des militantes travailleront à consolider le Comité de lutte tandis que d'autres, jugeant prématuré l'engagement du Centre dans la lutte pour l'avortement et la contraception mettront sur pied le Centre de docu mentation féministe, en mai 75.

Le Centre des femmes a su organiser la lutte sur l'avortement dans une perspective féministe tout en la situant dans les luttes du peuple québécois contre toutes les formes de leur exploitation. S'inscrivant dans le même courant que le F.L.F., il développe plus son féminisme. Il remet en cause des éléments du marxisme traditionnel tel que véhiculé par la gauche dans de nombreux pays. Au niveau théorique, son principal apport sera de développer des éléments du marxisme autour du mode de production domestique. Tout au cours de cette période, les féministes ont eu à subir le harcèlement et les attaques de la gauche organisée. D'abord subtilement puis plus vigoureusement à partir de 75, c'est par exemple, le boycottage systématique que les militantes et militants des groupes politiques actifs dans les groupes populaires ont mené contre la pièce du Théâtre des cuisines : Moman travaille pas a trop d'ouvrage qui développe la problématique de la production domestique.

Si le mouvement de libération des femmes, dans la période de 1972 à 1975 apparaît, organisationnellement et idéologiquement, très centralisé, celui de la période de 1975 à 1980 se caractérisera plutôt par son pluralisme organisationnel et idéologique.

VII-De 1975 à 1980 Enracinement ou récupération des luttes des femmes

Manifestation dans le cadre de la première journée internationale pour l'avortement, Montréal, le 31 mars 1979. CLAUDINE KURTZMAN

Cette période commence avec l'Année internationale de la femme. Durant ces cinq années le mouvement se diversifiera à un point tel qu'une périodisation de l'ensemble du mouvement devient illusoire. Celle que nous avons adoptée renvoie essentiellement à des contingences pour la production de la première édition, fin 80.

7.1 La conjoncture économique et le travail des femmes 33

Durant cette période, la crise économique s'accentue. L'inflation et le chômage grimpent ; celui-ci continue d'affecter plus particulièrement les femmes. En 77, le taux de chômage était de 11,5 % pour les femmes et de 9,6 % pour les hommes ; en 78, de 13,8 % par rapport à 11,9 % pour les hommes. Il s'accroît chez les jeunes de 15 à 24 ans et s'accentue chez les hommes-chefs de famille de 25 ans et plus.

Le nombre de femmes sur le marché du travail a continué d'augmenter : en 78, elles représentent 44 % de la main-d'oeuvre active. Et il continue à y avoir augmentation selon les différents groupes d'âge : 70,6 % des femmes de 20 à 24 ans sont sur le marché du travail en 78 ; le pourcentage de femmes âgées de 25 à 34 ans passe de 47,7 % en 75 à 55,5 % en 78 et pour ce qui est des femmes de 35 à 44 ans, leur participation sur le marché du travail passe de 42,6 % en 75 à 51,6 % en 78 ; de plus on constate un accroissement du taux d'activité des femmes mariées. Cette augmentation du taux d'emploi des femmes s'explique par différents facteurs : augmentation du taux de scolarité, augmentation continue du nombre de femmes chefs de famille, endettement, chômage du conjoint, essor du secteur tertiaire, diminution du nombre d'enfants, nécessité de deux salaires, désir d'indépendance économique des femmes.

En 78, les femmes occupent 78,3 % des emplois du secteur tertiaire où on assiste à une féminisation toujours croissante des catégories d'emploi : « emploi de bureau », « vente » et « service » qui regroupent à elles seules, au Canada en 1979, 62,6 % de la totalité de la main-d'oeuvre féminine. On peut déjà par ailleurs prévoir que le secteur « emploi de bureau » subira fortement l'automatisation au cours de la prochaine décennie, entraînant un chômage important des femmes qui seront les premières mises à pied.

On assiste aussi à une augmentation du travail à temps partiel fait à 70 % par des femmes et l'on sait que ces emplois sont peu qualifiés, mal payés, que les conditions de travail sont presque toujours inférieures et qu'ils offrent très peu de stabilité.

Quant aux salaires, en 75, les travailleuses, collectivement, retirent à peu près toujours la moitié du salaire des travailleurs pris collectivement. 89,4 % des femmes font moins de 10 000 $/année et 1,7 % font plus de 15 000 $. C'est à l'automne de cette année-là qu'au niveau fédéral et provincial, on passe des lois contrôlant les prix et surtout les salaires. En 77, dans l'ensemble des secteurs d'activités, 55,4 % des femmes touchaient un salaire horaire inférieur à 5,01 $, alors que 74,7 % des hommes avaient un salaire supérieur à cette somme. Les femmes fournissent les 3/4 du contingent des travailleurs au salaire minimum.

Les inégalités au niveau de l'emploi renvoient donc à une augmentation de la ségrégation sexuelle selon les secteurs, à une formation inadéquate des femmes, combinée à une déqualification de la scolarisation, aux pratiques discriminatoires et à la faiblesse du taux de syndicalisation (en 76,34,2 % de la main-d'oeuvre active est syndiquée, 36,5 % des hommes, 30 % des femmes sont syndiquées).

Au cours de cette période, on assistera à un écrasement des revenus et des prestations 34: coupures d'assurance-chômage qui toucheront principalement la main-d'oeuvre féminine, immigrante et les jeunes ; coupures des allocations familiales fédérales en janvier 79 ; freinage de l'indexation de l'aide sociale (plus nombreux sont les enfants, plus basses sont les indexations) ; baisse des revenus de prestations des personnes âgées (de 71 à 77 le nombre de personnes âgées vivant sous le seuil de la pauvreté passe de 56,4 % à 63,2 % et en 77, 82 % des femmes retraitées vivent sous le seuil de la pauvreté); relèvement du taux d'intérêt impliquant un accroissement du fardeau de la dette et diminution de l'accès aux biens de consommation.

Dans un contexte économique pareil, on s'étonne peu des conclusions que tire une étude du Conseil national du bien-être social en 79 35: trois adultes pauvres sur cinq sont des femmes ; une femme sur dix est incapable de faire vivre une famille ; trois femmes sur quatre se retrouvent seules à subvenir à leurs besoins à un moment donné de leur vie ; les veuves et autres femmes seules déjà mariées sont plus sujettes à la pauvreté ; 44 % des femmes chef de familles sont pauvres, contre 34 % de célibataires qui vivent seules ; les femmes mariées vivant avec leur mari sont celles qui risquent le moins d'être pauvres ; grâce au travail de l'épouse à l'extérieur les familles à faible revenu peuvent éviter la pauvreté.

On ne parle plus d'égalité des revenus mais de la pauvreté des femmes. Les effets de la crise économique sont décriés mais l'analyse des causes est absente des discours gouvernementaux.

Pendant cette période, le travail ménager continue de rapporter à la collectivité (en 78, d'après un rapport de Statistiques Canada, son évaluation est grimpée de 35 à 40 % du PNB et représente 80 milliards de dollars).36 La crise économique n'affecte pas seulement les femmes travailleuses mais aussi les « conditions de travail » des ménagères. Car en période d'inflation, de diminutions des prestations et services sociaux, la crise veut dire pour les ménagères, plus de travail, plus de tensions familiales et le renforcement de certains modes de contrôle social via la famille. Par ailleurs l'institution familiale accuse encore les secousses du divorce. 36 divorces pour 100 mariages en 75, cela représente un peu plus que quatre fois le nombre de divorces en 69. 85,7 % de ces divorces sont demandés par les femmes et à 67 % d'entre elles, la charge d'enfants est octroyée exclusivement. En 76, 70 % des divorcées sont des assistées sociales. Dans la même année, il y avait au Québec 158 895 familles monoparentales dont 83% avaient pour chef une femme. On évalue qu'en 80 il y avait 200 000 familles monoparentales dont 90 % avaient pour chef une femme et qu'à cette vitesse de croisière correspondant à 15 000 divorces par année, d'ici la fin du siècle, les familles à parent unique constitueront peut-être le tiers de l'ensemble des familles québécoises. Enfin la crise veut aussi dire la détérioration considérable des conditions de vie, en particulier de l'habitat, lieu de travail des femmes.

7.2 La conjoncture politique, sociale et idéologique

En 76, c'est la fin du gouvernement Bourassa. Le P.Q. prend le pouvoir avec un programme présentant des mesures social-démocrates dont plusieurs visaient les femmes. Il cherche à constituer un bloc social autour du projet de souveraineté-association en nouant toutes sortes d'alliances. Il marginalise une partie du mouvement syndical, institutionnalise ses relations avec d'autres organisations syndicales. Il délégitimise certaines organisations populaires, soit en mettant sur pied ses propres services (dans les secteurs du logement, de la consommation, de l'éducation populaire), soit en les intégrant à ses structures.

Avec l'arrivée du P.Q. au pouvoir, la crise politique canadienne s'accentue et les femmes font souvent l'objet de marchandage politique entre les différents tenants du pouvoir politique. À partir de 79-80, la société québécoise est mobilisée et polarisée en bonne partie par les enjeux du référendum proposé par le gouvernement du P.Q. sur l'avenir constitutionnel du Québec, qui s'est tenu en mai 80.

Le gouvernement du Parti québécois développe des pratiques et des discours politiques ambiguës et contradictoires selon les différentes classes et secteurs sociaux à qui il s'adresse. Son énoncé de politique économique : Bâtir le Québec reflète bien l'orientation de ses principales mesures économiques. Elles visent avant tout à conquérir la bourgeoisie québécoise petite et grande. Ses politiques sociales concernant le revenu, la santé, le logement, les relations de travail, etc, sont toutes en deçà de celles de son programme. Elles changent souvent quelques aspects et quelque fois améliorent les législations précédentes mais elles ne modifient en rien les rapports de force, les formes de l'exploitation et les inégalités sociales. Durant cette période on assiste à une détérioration et à une bureaucratisation des services sociaux et gouvernementaux, alors que par rapport aux femmes, la pratique gouvernementale est spectaculaire. Plusieurs projets de lois, le soutien au développement du Conseil du statut de la femme, le financement de plusieurs projets dont les colloques régionaux sur la violence faite aux femmes et enfin la création du poste de ministre d'État à la condition féminine en 79 donnent au gouvernement une image de promoteur des droits des femmes.

Le mouvement syndical qui avait espéré une réforme en profondeur du Code du travail et une législation qui aurait facilité une syndicalisation massive est rapidement mis devant l'évidence que le préjugé favorable du P.Q. à l'égard des travailleurs fut une habile manoeuvre politique. Le mouvement syndical doit se battre sur tous les fronts et tenter de maintenir son autonomie par rapport au nouveau gouvernement. Il investira beaucoup d'énergies dans des débats sur la participation aux « Sommets économiques » lancés par le gouvernement et sur la question nationale. Les syndicats de l'enseignement et le mouvement étudiant alors en réorganisation se heurte à une contre-réforme, le front commun des employés de l'État connaît nombres de difficultés et se termine pour les enseignants par une ignoble loi spéciale.

Sur le front des conditions de vie, les organisations populaires vivent des difficultés internes énormes et doivent réagir aux politiques de l'État qui institutionnalise plusieurs champs d'intervention (consommation, services juridiques, etc.). De nouvelles revendications, luttes et organisations naissent dans le champ culturel et de l'environnement (écologie). Les populations autochtones se réorganisent et font connaître leurs revendications.

Sans commentaires ! RACHEL BÉLISLE

Enfin, au cours de cette période, le courant « ML » devient dominant dans la gauche. Les principales conséquences sont premièrement leur tentative de soumettre ou de liquider les organisations de masse, deuxièmement d'accentuer les divisions au sein de la gauche et troisièmement d'accentuer l'abandon ou le recul de la question nationale dans le mouvement ouvrier et populaire, quatrièmement d'accentuer le terrorisme verbal et psychologique à l'endroit des groupes de femmes et du féminisme.

Plus tard, dans la gauche (77-79) des militants et des militantes en rupture avec le « MLisme » amorceront une critique du courant « ML » et défendront l'autonomie des organisations populaires et syndicales. Ce courant encouragera la reprise en main dans le mouvement syndical de la question nationale et de l'action politique autonome. C'est une période de repli, de défensive des mouvements sociaux.

7.3 Contexte général du mouvement des femmes

Le mouvement des femmes de 75 à 80 prend une ampleur considérable et se diversifie. La condition féminine devient un thème « à la mode » dans la foulée de l'immense propagande entourant l'Année internationale de la femme (AIF) patronnée par l'O.N.U. Plusieurs organisations se préparent au congrès de Mexico, envoient des déléguées et sensibilisent la population à la lutte des femmes pour l'égalité. Dans la foulée de l'Année (AIF), le gouvernement québécois et les institutions politiques sont pressés de concéder un certain nombre de réformes. Le gouvernement du P.Q. met en chantier plusieurs projets de loi, commissions d'étude, consultations, etc., s'adressant plus particulièrement aux femmes. Les principales législations sont l'ordonnance 17 sur les congés de maternité, la loi 126 sur les normes de travail, la loi 77 sur les services de garde et enfin la loi 89 passée à la vapeur le 19 décembre 80 sur la réforme du Code civil, toutes ces lois sont très en deçà des promesses gouvernementales, du programme du P.Q. et des exigences du CSF ou des organisations de femmes. Cependant elles ont exigé une énergie considérable en études, consultations, rédactions de mémoires, conférences de presse. Une partie du mouvement des femmes est donc sans cesse interpelée par les initiatives gouvernementales ou par l'action débordante de sa propre création : le CSF. Fin 78, le CSF publie son « manifeste », Pour les Québécoises : égalité et indépendance qui fait couler beaucoup d'encre. Le CSF mène en 79-80 une large campagne contre le sexisme, publie un bulletin mensuel : La Gazette des femmes. Il intervient sur l'ensemble des sujets concernant les femmes. Le gouvernement via différents ministères subventionne des projets ambitieux menés par des organismes se situant dans une perspective réformiste.

Les femmes sont aussi un enjeu dans le débat politique entourant le référendum. Elles font l'objet d'une vaste campagne de charme. Le phénomène des « Yvettes » n'est pas indépendant de la capitalisation d'une partie des classes dominantes à partir de la conscience des femmes de leur oppression. Quelques groupes autonomes réagiront à l'opération et participeront d'un point de vue féministe au débat dans le cadre de la campagne du « oui critique » intervenant par le fait dans le champ politique national.

Le développement du féminisme ailleurs (Italie, France, États-Unis...) donnera des éléments d'analyse et de problématique aux femmes. Avec le journal Les Têtes de pioche (LTP) un nouveau courant devient important : le féminisme radical *qui est en rupture avec le féminisme dominant dans les périodes précédentes.

Le Comité de lutte (C.L.A.C.L.G.) poursuit la lutte pour l'avortement et permet la jonction de nombreux groupes, c'est la création de la Coordination nationale (en 78). La lutte contre la violence faite aux femmes se développe et prend de plus en plus d'importance. Avec des subventions du gouvernement, de nombreux groupes offrant des services aux femmes voient le jour. On assiste également, à partir de 75 à la création de nombreux comités-femmes dans les Cégeps et les universités. C'est enfin aussi une période de dispersion où certains groupes meurent d'épuisement.

Le dogmatisme de la gauche politique aura comme conséquence d'accentuer la démarcation des groupes de femmes face à une conception orthodoxe du marxisme. Les groupes issus plus ou moins directement du Centre des femmes, C.L.A.C.L.G., Théâtre des cuisines, Centre de santé des femmes du quartier plateau Mont-Royal), Les Éditions du remue-ménage, Centre de documentation féministe continueront de travailler dans une perspective de classe mais de façon autonome, sans lien avec les organisations politiques de gauche.

Progressivement au cours de cette période, l'ensemble des mouvements sociaux, des institutions et des couches sociales seront traversés par les idées et les problématiques du mouvement des femmes. En retour le mouvement sera de plus en plus interrogé et confronté de l'extérieur.

7.4 Les comités de condition féminine des centrales syndicales

À la F.T.Q.

Lors du congrès de 75, un document : Le Combat syndical et les femmes était présenté par la direction de la F.T.Q. ; l'assemblée des militantes avait été associée à la rédaction de ce document. Par la suite le fonctionnement du comité, qui comprenait environ dix militantes, sera officialisé.

Le comité présentera une rapport de « fonctionnement » au Bureau de la F.T.Q. (exécutif) à la veille du congrès de 77. Compte tenu des discussions que le contenu du rapport a entraînées, le Bureau a conclu qu'il était prématuré de soumettre au congrès l'ensemble du rapport ; il résolut plutôt d'intégrer une partie du rapport à celui du secrétaire-général. Le rapport portait principalement sur la difficulté pour le Comité de jouer son rôle, à savoir encadrer les activités de la centrale et des syndicats affiliés sur la condition féminine, compte tenu du peu d'activités concrètes menées à la F.T.Q. et dans les syndicats et conseils du travail sur les droits des femmes. Ce rapport faisait ressortir le fossé entre les positions officielles de l'organisme et la réalité du fonctionnement quotidien. Pour faire face à ce problème, une série de mesures visant à une plus grande interaction entre les instances de direction de la F.T.Q. (Bureau et Conseil général) et le Comité furent prises.

Cela devait permettre au Comité de sortir de son isolement et de sa marginalité relative. C'est aussi lors de ce congrès que se fit véritablement le débat sur le droit à l'avortement libre et gratuit : une majorité de délégués se prononcèrent en faveur de cette revendication.

Notons que le Comité de condition féminine ne comptait sur aucune permanence ni personnel salarié, situation qui prévaut encore, bien que des permanents et permanentes soient de temps à autres affectés à la condition féminine. Durant l'année 78, le Comité composé alors d'une quinzaine de militantes, mit l'accent sur l'intégration de la question des femmes à la formation syndicale. L'on initia à la F.T.Q. un cours sur le congé de maternité.

L'année 78-79 fut occupée à la préparation d'un colloque pour les membres de la F.T.Q. portant sur différents aspects qui touchent les femmes travailleuses et syndiquées de la F.T.Q. et à la célébration du 8 mars. Un dossier très complet fut préparé par le personnel de la F.T.Q., ce dernier encadré par les membres du comité. Le colloque tenu à Montréal le 30 septembre, 1 et 2 octobre 79 sous le thème « Une double exploitation...une seule lutte » a témoigné de l'immense intérêt que présente la question de la lutte des femmes auprès des femmes de la F.T.Q. et de la préoccupation accrue des syndicats pour cette question. 500 personnes dont 25 % d'hommes étaient présents comme délégués officiels des syndicats et des conseils du travail. Suite au travail en commissions plusieurs recommandations ont été adoptées comme autant de balises pour l'élaboration d'une politique générale de la centrale sur la condition féminine. Toutefois, ces recommandations ne pouvaient être considérées comme représentatives des opinions et des volontés des affiliés, étant donné que les 2/3 des participants au colloque provenaient du secteur public contre le 1/3 des syndicats du privé (principalement des industries et du commerce) ; soit la proportion inversée par rapport à celle du mem-bership de la centrale. De plus, les caractères analytiques et techniques du document de travail n'ont pas permis une appropriation réelle pour plusieurs des participants (et principalement pour les moins scolarisés). C'est malgré tout sur les positions antérieures officielles de la centrale, telles que revues, discutées et enrichies par les délégués officiels du colloque que sont fondés les énoncés de la Déclaration de principe de la F. T.Q. votée lors du 16e congrès en novembre 79. Celle-ci présente l'orientation de la centrale, ses revendications et ses objectifs : 1) le droit des femmes au travail social * ; 2) la maternité et les droits parentaux ; 3) les garderies ; 4) la lutte contre les discriminations au niveau du travail et au niveau légal ; 5) la participation des femmes à la vie syndicale.

Cette politique générale est à la fois un reflet de l'énorme chemin parcouru depuis 73, mais aussi de l'ampleur du travail à abattre. Dans les syndicats locaux « il commence à se passer quelque chose » au niveau de la négociation collective (sur la clause de maternité principalement).

Fin 80, des Comités se forment dans les syndicats (les Unions) et les sections locales, mentionnons l'existence d'un comité au SCFP (Syndicat canadien de la fonction publique), au TUA (Travailleurs unis de l'automobile) et à l'Union des employés de commerce. Trois conseils du travail (Montréal, Québec, Estrie) ont un comité, d'autres sont en voie de formation.

Le Comité s'est donné un programme de travail pour 80-81 qui se veut concret et collé aux besoins et aux réalités des syndicats et des syndiquées. Cela est rendu possible entre autres, parce qu'il est plus représentatif; il est composé de 20 militantes représentant à peu près tous les secteurs de la F.T.Q. Ses axes de travail sont : 1) la santé et la sécurité au travail : il s'agit d'élaborer un programme de sensibilisation et éventuellement de formation sur cette question, avec l'éventualité d'un colloque ; 2) la formation syndicale : trouver les moyens de faire participer les femmes à la vie syndicale ; 3) la syndicalisation des secteurs féminins d'emploi : élaborer, conjointement avec la F.T.Q. un programme ; 4) la constitution et consolidation de comités de condition féminine : produire un guide pour le fonctionnement des comités; 5) la célébration du « 8 mars » : préparation d'activités sur les lieux de travail.

De plus mentionnons que de 1974 à 1979, le Comité de condition féminine a préparé activement le 8 mars avec les deux autres centrales. Malgré l'adhésion officielle de la centrale au Comité inter-centrales de la Condition féminine (CIC) en 1977 et la recommandation du colloque de 79 à l'effet de maintenir la participation de la F.T.Q. à ce comité, la F.T.Q. n'a participé ni au travail de préparation du « 8 mars » 80, ni aux « États Géné raux ». Officiellement, la participation de la F.T.Q. au CIC n'est par remise en cause mais des divergences provenant principalement du maraudage entre les centrales F.T.Q. et C.S.N. expliquent ce « retrait temporaire ».

Le Comité de condition féminine de la F. T.Q. a des perspectives claires et ses capacités de rejoindre les syndicats sont meilleures. De plus l'intérêt et la préoccupation ont grandi à la F.T.Q. durant ces sept ans de travail.

A la C.E.Q.

L'année 75, année de la négociation, le Comité Laure-Gaudreault et l'équipe-conseil des femmes à la négociation ne cessèrent de réclamer que la C.E.Q. fasse des revendications spécifiques aux femmes une véritable priorité. Leur participation à la négociation permit une plus grande intégration aux structures de la centrale et de connaître les alliés et les résistances pour la lutte des femmes à la C.E.Q.

De 1976 à 1978, deux documents sont produits : l'un sur les stéréotypes sexistes : Les Stéréotypes sexistes dans l'éducation (CEQ, A76C04) provoque des débats au sein de la centrale sur l'orientation du comité et le spécifique de la lutte des femmes ; l'autre, sur la participation des femmes au syndicalisme : Les absentes n'ont pas tous les torts... (CEQ, D7283). Le congrès de 76 élargit les mandats du comité dans le sens de la préoccupation pour l'éducation sexuelle, la contraception et l'avor-tement, l'éducation syndicale et politique.

La période de 78-80 en fut une d'intervention dans la négociation, de poursuite du travail d'analyse, d'organisation d'un réseau de militantes à la condition féminine et d'ouverture à de nouvelles solidarités à l'extérieur de la centrale (ex. : États Généraux). Au Congrès de 80, le Comité proposait une articulation de l'ensemble des mandats et des luttes à mener autour du thème : « Droit réel des femmes au travail social » qui devait devenir le centre, le noyau organisateur de l'ensemble du travail à faire et exigeait que le thème de la lutte des femmes fasse partie intégrante des débats du congrès d'orientation.

Le Comité Laure-Gaudreault a vécu de 1973 à 76 des problèmes aigus, de reconnaissance réelle, de participation et d'intégration à la structure de la C.E.Q. et aux préoccupations et plans "d'action des affiliés. Avec son introduction dans la négociation, la situation a changé et le caractère marginal du comité et de la lutte des femmes s'est beaucoup atténué. Il demeure que l'intégration, dans la centrale et surtout auprès des affiliés, de la lutte des femmes et du comité est encore un enjeu important.

Si, bon an mal an, une soixantaine de militantes ont participé aux activités nationales de la centrale et qu'une cinquantaine de comités locaux existaient, il demeure que l'ensemble des syndicats et des syndiqués n'ont pas encore intégré cette préoccupation de façon satisfaisante. Aussi, l'implantation d'un réseau de comités est-il la priorité constante du Comité. Le bilan des comités locaux révèle les problèmes suivants : - difficulté de recrute-ment ; - reconnaissance par les structures ; - difficulté de définir des priorités et d'articuler réflexion et action ; - assurer une relève (roulement important).

D'où, pour le Comité, priorité sur la consolidation interne dans la C.E.Q. (autant organisationnelle qu'idéologique), ce qui passe en outre par une meilleure formation syndicale et politique des membres et la mise sur pied de comités dans les regroupements sectoriels de la centrale (soutien, professionnels...).

Le Comité continuera d'élargir le champ de ses interventions et de ses solidarités en privilégiant le Comité Inter-Centrales et en donnant suite aux États Généraux. Il est intéressé à développer des liens avec des groupes de femmes syndiquées ou non au Québec et ailleurs. Le Comité est conscient de la nécessité d'articuler les revendications, de les « massifier » dans la société québécoise et de lutter contre la récupération des luttes des femmes. Afin de mieux signifier ce qu'il veut être, il a changé de nom: Comité C.E.Q. de la condition des femmes.

À la CSN

L'analyse et les recommandations du Comité ont été adoptées par le congrès de 76 qui précise le mandat du comité. Celui-ci comprend principalement la diffusion du document, la mise sur pied de comités de condition féminine dans les syndicats, les fédérations et conseils centraux et la mise sur pied d'activités de formation.

Lors du 49e congrès, en juin 78, un 2e rapport portant le titre La Lutte des femmes : pour le droit au travail social étudie plus particulièrement les aspects concrets de la lutte des femmes dans le mouvement syndical et les acquis du comité de la condition féminine de la C.S.N. soit : 1) la sensibilisation à l'oppression des femmes à partir du document du congrès de 76 (diffusé en 15 000 exemplaires) ; 2) la mise sur pied de comités de condition féminine dans huit conseils centraux et des célébrations du 8 mars (C'est à l'automne 77 que se constituait officiellement le Comité Inter- Centrales de la condition féminine (CIC), suite aux efforts des militantes des comités de condition féminine des trois centrales, ce qui amplifiera la célébration du 8 mars).

Le congrès de 78 entérinait les recommandations du Comité qui aura une permanente et une secrétaire à plein temps. Depuis, l'action du comité a pris de l'ampleur ; 1) la tenue de sessions de formation au niveau national sur les quatre grandes revendications de la C.S.N. : congé de maternité, salaire égal pour un travail de valeur égale, réseau public et gratuit de garderies contrôlé par les usagers, droit à la contraception et à l'avortement libres et gratuits : 2) la participation au CIC et aux célébrations du 8 mars, l'organisation avec la C.E.Q. des États Généraux des travailleuses salariées, en mars et en novembre 79 ; 3) la préparation avec d'autres groupes d'un document sur la syndicali-sation des femmes ; 4) la participation aux structures du Front commun du secteur public et para-public pour la négociation des clauses de congés parentaux en particulier; 5) l'alimentation et support aux comités de condition féminine existant dans les conseils centraux et les fédérations ; 6) la rédaction de mémoires et étude des projets de loi concernant les femmes.

RAYMONDE LAMOTHE

Fin 80, trois conseils centraux (Montréal, Québec, Joliette) ont des comités de condition fémi nine ainsi que quelques fédérations (Affaires sociales, services publics, enseignants). Des réunions de coordination permettent de faire le point sur la dynamique des différents comités existants dans les conseils centraux. Le Comité compte quinze militantes (10 syndiquées et 5 employées) qui ne représentent cependant pas tout à fait les effectifs de la centrale. Il tente de concrétiser son action en s'attaquant par exemple au travail sur les clauses discriminatoires dans les conventions collectives et au difficile dossier de la syndicalisation des femmes.

Le Comité demeure sensible à la nécessité de soutenir et de participer aux luttes des autres groupes de femmes et cherche à poursuivre la démarche amorcée par les États Généraux. Il est toutefois conscient que les revendications de la C.S.N. doivent s'ancrer davantage parmi les membres et que cela passe par la multiplication de comité locaux de condition féminine. De plus, si sa place n'est plus à conquérir dans la centrale, ses revendications elles, ont encore à se transcrire dans les préoccupations et les débats du mouvement afin qu'elles ne demeurent pas une chasse gardée.

7.5 Les organisations féminines

Malgré des changements importants dans la société québécoise et l'émergence d'un nouveau féminisme, les grandes aspirations nées durant la décennie précédente se maintiennent avec beaucoup de vigueur et s'adaptent aux nouvelles conjonctures.

7.5.1 La F. F. Q.

La Fédération des femmes du Québec a poursuivi son travail de lobbying et de rédaction de mémoire à l'intention des différents paliers et institutions gouvernementales. Cependant à partir de 76, elle ajoute de nouvelles préoccupations soit : l'élimination des stéréotypes sexistes (mémoire, études et colloque 79), les congés de maternité et les garderies, la « femme et l'économie » et « la femme et la politique » (mémoire sur les femmes et la constitution en 1980). Elle a offert des cours de formation au leadership, des cours d'initiation à la vie politique, des cours sur la planification et l'administration du budget familial. Depuis l'Année internationale de la femme, la FFQ accueille des visiteuses étrangères d'organismes féminins et a participé à la Conférence des Nations-Unies à Copenhague en 80. La FFQ comptait en 80 près de 40 associations membres, des membres individuels réunis dans six conseils régionaux soit envi-ron 130 000 membres.

7.5.2 L'AFEAS

L'AFEAS est perméable aux changements de l'ensemble de la société. Son discours se radica-lise, ses revendications aussi. Elle présente plusieurs mémoires au gouvernement. Elle publie un» revue mensuelle et mène une importante recher-che démontrant la nécessité de la reconnaissance" du statut des « femmes collaboratrices » publié en 1976 qui stimulera la naissance d'une organisation En 78, elle publie : « Pendant que les hommes travaillaient, les femmes elles... ». En 80, l'AFEAS comptait 35 000 membres réparties dans 600 cercles et regroupés en 13 régions.

7.6 Du côté des groupes autonomes

7.6.1 Les luttes pour l'avortement 37

Le 25 mars 75, la Cour suprême déclare Mor-gentaler coupable. Celui-ci est incarcéré au printemps. L'Association canadienne pour l'abrogation de la loi contre l'avortement (ACALA) organise à Montréal une manifestation d'environ 500 personnes pour exiger sa libération. En mai, c'est le début du deuxième procès Morgentaler. Une deuxième fois, il est déclaré non-coupable par le jury. La Couronne va en appel, mais l'acquittement est maintenu. Entre temps, Morgentaler est toujours en prison.

Le 25 juin 75, la police de Montréal perquisitionne le local du Comité de lutte et détient illégalement cinq militantes pour les interroger. Encore une fois, le local est vidé. En janvier 76, suite au verdict de la Cour d'appel, le ministre fédéral de la Justice se voit obligé d'ordonner la tenue d'un nouveau procès dans le cas de la première accusation. Morgentaler est remis en liberté provisoire. En septembre 76, on recommence le premier procès. Une fois de plus Morgentaler est acquitté par le jury. Cette fois, il est évident que le gouvernement québécois devra abandonner les poursuites, mais comme on est à la veille des élections provinciales, les libéraux ne font aucune déclaration en ce sens. En décembre, le Parti québécois maintenant au pouvoir laisse tomber les poursuites. Le ministre de la Justice déclare également qu'il n'entend pas poursuivre d'autres médecins dans une situation analogue. Particulièrement dans les grands centres, c'est la reprise immédiate d'un florissant réseau d'avortements « illégaux » mais tolérés par le gouvernement. Les médecins demandent en moyenne 200 $ à 300 $ aux femmes. Évidemment ces profits ne sont pas déclarés à l'impôt (l'avortement par aspiration pratiqué par ces médecins est une intervention qui dure en moyenne 15 minutes).

À nous de décider », 7 mars 1980. LA PRESSE

Répondant à la volonté de resserrement des groupes, de formation et de clarification idéologique, à l'automne 75 se forme l'Intergroupe, constitué du Comité de lutte, des Éditions du Remue- Ménage, du Centre de santé des femmes du quartier et du Théâtre des cuisines. On y échange, on y organise des sessions d'auto-formation, on se solidarise. Le Comité de lutte vit une crise interne due aux interventions des militantes qui participaient à des cercles de lecture « ML ». Elle se solde par l'expulsion en novembre de cinq militantes dont deux se joignent à la Ligue Communiste M-L du Canada. En mars 77, paraît leur riposte : Contre le féminisme ! lions la lutte pour nos droits à la lutte pour le socialisme. L'expérience de l'Intergroupe dure jusqu'à l'automne 77.

Le début de 77 sera une période de réorientation. Du peu de femmes qui restent, jaillit une volonté ferme pour élargir la lutte et lui donner des perspectives. Le 8 mars 77, à l'instigation du Comité de lutte (CLACLG), des représentantes de 25 groupes de femmes tiennent une conférence de presse au Parlement de Québec, à l'ouverture de la session. Elles déposent auprès du gouvernement un manifeste intitulé : Nous aurons les enfants que nous voulons et annoncent une manifestation pour le 2 avril. À cette date, 2000 personnes manifestent malgré le froid et la grêle, pour l'avortement libre et gratuit. Le manifeste qui a précédé la manifestation se veut une plate-forme minimale pour rallier largement. C'est le premier texte, la première manifestation qui rallie les groupes de femmes sur la question précise de l'avortement : c'est un moment historique.

Au printemps 77, au congrès du Parti québécois, des militantes péquistes font adopter au congrès une résolution en faveur de l'avortement mais le Premier ministre et l'exécutif du parti déclarent ne pas se sentir liés par cette résolution. Le 26 septembre suivant, sera formé le Comité de condition féminine du P.Q. qui deviendra membre de la Coordination nationale. Le Comité de condition féminine du P.Q. développera un travail de formation auprès des militantes et défendra les revendications des femmes à l'intérieur du Parti.

Suite à la manifestation, le Comité de lutte s'est régénéré ; il s'élargit. Les militantes développent une proposition de création d'un front de lutte pour élargir et décentraliser les services de référence.

Elle sera présentée de même que les derniers documents produits : C'est à nous de décider, Dossier avortement-référence et aspect technique de l'avortement et de la référence lors des Assises nationales sur l'avortement que le Comité organise le 28 et 29 janvier 78. On y forme la Coordination nationale pour l'avortement libre et gratuit (CNALG) dont le Comité de lutte a été le pivot jusqu'à sa dissolution au printemps 80. L'équipe du Comité de lutte jugeait qu'elle ne donnait plus le service essentiel qu'elle rendait auparavant alors

que l'information sur les services de référence n'était pas diffusée. La question du manque de fond et celle de la fatigue de l'équipe sont aussi intervenues comme des facteurs importants dans la décision de dissoudre le Comité.

La Coordination nationale a organisé : 1) les 30 septembre et 1er octobre 78 : Colloque avec 18 groupes sur la position à prendre face aux cliniques Lazure et adoption de la plateforme ; 2) du 17 au 22 avril 78 : Semaine d'Action nationale avec une manifestation à Québec (1000 personnes) ; 3) le 31 mars 79 : Manifestation de 2500 personnes à Montréal dans le cadre de la 1re journée internationale pour l'avortement fêtée dans 37 pays.

En mai 79, elle publie un bulletin de liaison et amorce un travail d'enquête sur l'implantation des cliniques Lazure. En juin 79, pour dénoncer le meeting organisé par l'Association des médecins pour le respect de la vie, la Coordination nationale fait publier dans les journaux les noms de plus de cent femmes ayant accepté de soutenir publiquement le droit des femmes à disposer d'elles-mêmes.*

Alors que les associations de planning voyaient à ce moment leurs subventions réduites de 65 %, le ministère du Bien-être social et de la Santé avait accordé à l'Association des médecins, membre du Front commun pour le respect de la vie (FCRV/Pro-Vie) une subvention pour organiser la fête du 9 juin. Le ministère lui avait aussi fourni les noms et adresses des enfants nés le 9 juin 74.

La nuit précédant la fête, un groupe autonome, la cellule Bobinette, avait placardé dans différents secteurs de la ville un tract dénonçant Pro-Vie : « Le mépris n'aura qu'un temps... » En 78, la veille d'un rassemblement de Pro-Vie à l'Oratoire Saint-Joseph, la cellule Emma Jobin avait peinturé des inscriptions sur les murs de la basilique.

Un nouveau colloque est organisé en octobre 79. Au printemps 80, se tient une conférence de presse sur les résultats de l'enquête et à l'automne, sont publiés les résultats aux Editions du Remue- Ménage : L'Avortement : la résistance tranquille du pouvoir hospitalier.

Aux revendications menées par le Comité de lutte, la Coordination nationale ajoute les revendications suivantes : la désexualisation des tâches, l'égalité à tous les emplois, et un salaire égal pour un travail d'égale valeur, le droit à une école publique et laïque sans discrimination et la suppression de toute forme de violence oppressive et répressive sous forme verbale ou physique.

7.6.2 Pratiques dans le domaine de la santé

Le Centre de santé des femmes du quartier Plateau Mont-Royal ouvre ses portes en septembre 75 afin d'offrir un service de santé en méde-

cine générale et principalement en gynécologie et contraception pour les femmes du quartier. Au cours de l'année 78, il met sur pied des structures démocratiques dont une Assemblée générale composée des usagères et usagers. À cette période, ses activités principales sont de donner un service médical, d'intervenir dans le quartier et d'appuyer des luttes. À l'Assemblée générale d'avril, il est voté un appui à la lutte pour l'avortement.38 En février 80, lors de la troisième Assemblée générale, le Cen tre adopte les structures et les objectifs qu'il a encore actuellement.**Il organise des soirées d'information ouvertes aux femmes et aux hommes sur « les femmes et la santé mentale » et « la sexualité et la santé ». Il organise de plus des groupes de rencontres réservés aux femmes qui portent sur la dépression, le vécu sexuel et la situation de chefs de famille. Le Centre est membre de la Coordina tion nationale.

Le Collectif d'Auto-Santé des femmes 39(fermé en 77 et maintenant disparu), s'était reconstitué en mars 78. Les femmes du Collectif s'étaient données comme but de faciliter l'autonomie individuelle de toutes les femmes par la réappropriation de leurs corps : « se réapproprier nos corps, tout passe par le corps, c'est dans ces termes qu'on peut parler de l'oppression spécifique des femmes 40». Dans ce sens, elles dénonçaient le contrôle de l'État sur la santé des femmes, de même que le professionnalisme sexiste des médecins. Leurs pratiques se développaient dans le sens de la reprise par les femmes de leur rôle de guérisseuses. Le Collectif offrait des services d'information sur la contraception, la sexualité, l'auto-diagnostic des infections vaginales, l'alimentation naturelle et des références sur les soins médicaux existants. Il organisait des ateliers à partir des thèmes suivants : « femmes et grossesse », « automassage », « corps et émotion », « auto-examen des seins et du col de l'utérus », « relation », « prévention des maladies cardiaques », « santé-maladie-environnement », « remèdes alternatifs ». Le Collectif a participé à la journée des femmes du 11 mars 78 où il anime l'atelier « autosanté ».

Enfin, il ne faudrait pas oublier les Groupes de thérapie féministe ; certains sont nés à partir de pratiques de soutien que le Centre d'aide aux vic times du viol avait développées pour aider les femmes agressées à surmonter les crises et difficultés de tout ordre, provoquées par le viol. Deux psychologues produisent un vidéo : « Va te faire soigner, t'es malade » qui passe au crible le sexisme de la psychologie et des thérapeutes.

Différents groupes se créent aussi pour une reprise en main par les femmes de leur grossesse et de leur maternité. On revendique entre autres, la légalisation des sages-femmes et la démédicalisation de l'accouchement.

7.6.3 Des services

Le Centre d'information et de référence pour femmes (CIRF) poursuit son travail et l'élargit. Il publie un bulletin mensuel à 3000 exemplaires et une fois l'an, il produit un annuaire sur les groupes et les services pour les femmes : Les Pages jaunes. Il développe les différents services du programme d'aide aux immigrantes et à leur famille, un service d'informations juridiques, un service d'orientation professionnelle collectif et individuel et un autre d'aide aux consommatrices. Le CIRF stimulera la mise sur pied du Centre d'aide aux victimes du viol (CAVV).

Le Centre de la femme nouvelle 41 qui n'existe plus aujourd'hui est né en janvier 75, il avait bénéficié, pour une période de trois ans, d'une subvention annuelle du ministère fédéral de la Santé et du Bien-être. Constatant que les femmes qui cherchaient à obtenir de l'information ou des conseils juridiques, à se renseigner sur les moyens contraceptifs et l'avortement, à se recycler ou à se trouver une identité sociale par une thérapie, manquaient de ressources adéquates, les travailleuses du Centre ont mis sur pied différents services destinés à combler les lacunes. Les services déjà offerts l'étaient de façon condescendante et de plus orientés vers le modèle de la femme socialement intégrée, soumise et dépendante. Le travail comportait trois aspects (service, éducation et développement des ressources) qui se retrouvaient, en 77, dans les activités suivantes : Centre Refuge pour les femmes battues, Union des femmes seules chefs de famille, référence et information sur l'avortement et la contraception, clinique légale.

La Coopérative d'auto-divorce a été mise sur pied par les avocates du Collectif d'ani mation et d'information juridique .42 Ce Collectif maintient le service d'auto-divorce collectif autrefois offert par le Centre de la femme nouvelle. D'abord dispensée aux femmes seulement, une session de sept cours donnés à raison d'un soir par semaine, permet à toute personne qui satisfait aux exigences posées par la loi pour l'obtention d'un divorce (adultère ou homosexualité avoués, non-cohabitation ou long emprisonnement du conjoint) d'apprendre à préparer ses propres procédures judiciaires à la condition qu'elle envisage avec son conjoint de conclure par écrit une entente concernant ses droits. « L'aspirante-divorcée » ne risque alors pas d'échec dans la plaidoirie de sa requête. Si on n'échappe pas au processus accusatoire dans la rédaction de la requête, durant les cours on encourage le dépassement du drame conjugal. Un échange de connaissances théoriques et personnelles entraîne une réflexion critique globale au-delà de la réalité individuelle, et la dimension collective de cette démarche critique rompt avec l'isolement dans lequel le mariage maintient les femmes. Comme les « aspirantes-divorcées » assument la totalité de la démarche, depuis la discussion collective jusqu'à la plaidoirie devant le juge, elles assument la rupture. Développant leurs connaissances et leur autonomie, elles se sentent déjà plus à l'aise à l'occasion d'autres démarches légales (à la Cour des petites créances ou à la Régie des loyers, par exemple).

7.6.4 Les luttes contre le viol et la violence

À l'été 74 le Centre d'information et de réfé rence pour femmes (CIRF) organise une rencontre de femmes car il reçoit beaucoup de plaintes de viol. Il reçoit une subvention de Centraide, ce qui permet l'ouverture du Centre d'aide aux vic times du viol (CAVV)43 en janvier 75. Étant donné l'ampleur du travail, les énergies s'épuisent vite. De plus, des tensions se développèrent entre les anglophones et les francophones et des divergences apparurent quant à la conception du travail à faire entre les féministes radicales et les autres féministes du Centre. Malgré ces difficultés auxquelles s'est ajoutée celle du roulement, il y avait en mai et juin 76, de 20 à 30 bénévoles impliquées au Centre.*

En plus d'un service d'écoute téléphonique continu (24 heures par jour, sept jours par semaine) d'information sur le recours et l'accompagnement des femmes agressées dans leurs démarches, le Centre a donné des sessions d'information dans les écoles, les universités et les hôpitaux, visant entre autres à enrayer les nombreux mythes relatifs au viol. Lorsqu'en décembre 75, le Centre médico-légal de Parthenais décida de ne plus s'occuper des examens auxquels étaient contraintes les femmes qui voulaient entreprendre des poursuites judiciaires, le Centre, avec l'appui de la Corporation des médecins du Québec, fit pression sur les hôpitaux de Montréal pour qu'ils accueillent les enfants et les femmes agressés. À la fin de 76, l'hôpital Ste-Justine, le Montréal Children's Hospital, l'Hôtel Dieu et le Montreal General acceptent finalement de mettre en place un certain service. Cependant, une collaboration de plus en plus étroite se développe entre les hôpitaux et les corps policiers dans un sens qui échappe aux possibilités de contrôle du Centre d'aide aux victimes du viol : on enferme la réalité du viol dans la production de statistiques et la recherche de « bons » cas, alors que c'était la qualité dans les soins et un support qui étaient revendiqués.

Le cul-de-sac des démarches judiciaires qui charge la victime du fardeau de la preuve, les minces acquis des luttes et des démarches menées par l'Association canadienne visant la modification du code criminel (Bill C-52 et C-71), les multiples sollicitations auxquelles le Centre de Montréal doit faire face, les dures expériences vécues dans la pratique, la connaissance des luttes que mènent les féministes américaines sur cette question, une analyse de plus en plus poussées des causes de l'agression sexuelle, tout ceci oblige rapidement les femmes du Centre à repenser leur pratique. Si la nécessité d'organiser la riposte collective des femmes ne fait pas de doute, l'identification des moyens pour y parvenir et la re-définition d'une stratégie de lutte pose plus de problèmes. Le Centre d'aide aux victimes du viol n'arrivera pas à surmonter cette difficulté et les tensions qu'elle provoque. À bout de souffle, les femmes décident de fermer le Centre en août 78, pour quatre mois, afin de procéder à une clarification de l'orientation et de la pratique du Centre. Il a fallu beaucoup d'efforts pour mettre sur pied une équipe de bénévoles aptes à assurer le service d'écoute téléphonique, à partir de l'automne. Cependant, la rencontre qu'elles convoquent pour discuter du bilan produit en avril 79 incite de nouvelles militantes à travailler à la mise sur pied d'un nouveau centre, dans la perspective de formuler une pratique alternative.

Toujours au cours de l'été 78, les femmes du Centre avaient tenté de réactiver le projet de constituer un Front commun contre les violences fai tes aux femmes.. Quelques réunions regroupant des représentantes de trois refuges** pour les femmes battues - Assistance aux femmes de Mon tréal, Centre Refuge et Auberge Transition - et d'un centre d'accueil pour les jeunes femmes enceintes, Elisabeth House, auront lieu. Cependant, les difficultés financières et d'organisation matérielle des trois refuges, la conjoncture de démobilisation et certaines divergences quant aux perspectives de la lutte à mener rendront impossible la formation de cette coalition. Un Regroupe ment des maisons d'hébergement pour femmes en difficulté sera tout de même constitué fin 78.

L'objectif d'organiser la lutte contre la violence faite aux femmes est repris à deux occasions au cours de l'été avec la mise sur pied du Comité pour la libération de Dalila Z. Maschino officiellement constitué le 19 juillet et l'organisation, en août, du piquetage devant le magasin « 2000 Plus » pour protester contre l'étalage du disque du groupe « Battered Wives ».

La mise sur pied du Comité pour la libération de Dalila Z. Maschino 44fait suite à une manifestation spontanée le 21 juin au Carré Philips où 200 personnes y ont piqueté. Il a fait circulé des pétitions et des lettres de protestations destinées aux gouvernements et a développé un réseau de solidarité à travers le Québec, le Canada et le monde entier. Dans un deuxième temps, le Comité voulait diffuser l'information au maximum et sensibiliser les gens aux agressions sexistes et à l'opportunisme politique et économique des Etats. Le Comité a organisé la semaine Dalila du 14 au 18 août, certaines de ses membres ont participé à des émissions radiophoniques, d'autres ont mis sur pied la soirée de solidarité du 17 août et le bulletin de liaison Pluri-Elles en a fait sa table-ronde. Consul-Action (CSF) a fourni du support technique pour l'organisation de cette lutte.

À l'été 78 la Coalition des femmes de Mon tréal contre la violence faite aux femmes 45 se forme. Elle a dénoncé le groupe « Battered Wives ». Elle entendait par son action, alerter l'opinion publique en ce qui concerne la publicité sexiste, et lutter contre toutes les formes de violence faite aux femmes. Dans le cadre de cette lutte, les femmes avaient obtenu du Café Campus qu'il annule le spectacle donné par le groupe, de CHOM-FM qu'il refuse de faire tourner le disque et avaient reçu l'appui de nombreux groupes, dont le Syndicat de la Musique. Elles avaient aussi créé des liens avec des femmes de Toronto qui s'étaient solidarisées. Lors de la venue du groupe punk à Montréal, la Coalition organise un piquetage devant le théâtre St-Denis et une intervention à l'intérieur durant le spectacle. 200 personnes manifestaient pacifiquement devant le cinéma St-Denis, lorsque les policiers brutalement dispersèrent les manifestants et arrêtèrent 57 personnes qui furent accusées et trouvées coupables d'avoir troublé la paix. Leur cause fut portée en appel.

Dénonciation du groupe punk rock « Battered Wives » (Femmes Battues) dont le magasin 2000 + faisait la promotion, 14 septembre 1978.LA PRESSE

En juin 79, la collective de Montréal du Mouvement contre le viol(MCV) 46est mise sur pied. Elle s'est constituée à partir de la rencontre-bilan du Centre d'aide aux victimes du viol et d'un Pro jet des femmes contre la violence faite aux fem mes. Ce projet qui avait obtenu, pour sa réalisation, une subvention gouvernementale, comportait trois volets : services, recherches, théâtre. Les femmes du Théâtre expérimental des femmes 47formé en février 79, sont parmi les promotrices du projet ; c'est dans ce contexte qu'elles produiront le spectacle La Peur surtout. Le volet « recherches » sera abandonné ; quant au volet « services », il sera traduit par la mise sur pied du MCV. En plus d'un travail de clarification quant à la définition du viol *et d'une réorganisation du travail, le Mouvement contre le viol mise sur l'animation de groupes de femmes. Il poursuit le travail entrepris avec le Regroupement québécois des maisons d'hébergement pour femmes en difficulté, et avec l' Association canadienne des centres contre le viol. Il organise la manifestation du 2 août 80 sur le thème : « La nuit nous appartient ».

En décembre 79, la collective de Montréal du MCV participe à une conférence de presse pour dénoncer la politique de subventions du ministère des Affaires sociales. Le Regroupement québé cois des maisons d'hébergement avait déjà présenté un mémoire au MAS pour revendiquer des subventions globales et permanentes ainsi que sa reconnaissance en tant que porte-parole des six centres qui en sont membres. Le MAS offrait alors une subvention de dépannage de 65 000 $ seulement. Suite à la présentation du mémoire, le MAS semble favorable aux demandes du Regroupe ment, mais la requête, soumise à l'Assemblée Nationale par la suite, ne fut pas reconnue comme priorité. Cependant dès janvier 80, débute une série de colloques régionaux sur la violence faite aux femmes. Le ministère de la Justice dépense 100 000 $ pour l'organisation de colloques qui seront boycottés, à Montréal au moins, par le MCV et d'autres groupes de femmes.

Les Instructrices de Wen-do 48s'inscrivent aussi dans la lutte contre le viol et la violence faite aux femmes. À l'automne 79,7000 femmes au Québec avaient suivi le cours d'auto-défense. Les instructrices incitent les femmes à cesser de compter sur les hommes pour assurer leur protection, à prendre conscience de leur force et de leur droit de se défendre, et visent à promouvoir la solidarité entre femmes en développant des moyens de s'appuyer collectivement.

Le Regroupement des femmes québécoises lui aussi fait de la lutte contre la violence une de ses priorités. Il a mis sur pied un Tribunal populaire dont la première séance, qui a porté sur le viol a eu lieu le 5 juin 79.

Enfin, mentionnons aussi la lutte contre la pornographie. À Montréal, peu d'actions ont été menées; on ne peut que rappeler celle de la cellule Souris verte, qui au printemps 79 badigeonna de peinture les devantures de quelques clubs et sex-shops et celle de la cellule Laure- Secord qui en mars 80, organisa l'occupation d'un cinéma.

7.6.5 Pratiques et luttes contre la répression et la discrimination sexuelles

Dans les groupes de femmes, le débat sur la nécessité de développer un nouveau rapport à la sexualité est le résultat d'une mise en commun des expériences d'oppression individuelle. Les femmes savent que leur sexualité est piégée, que ses modes d'expression sont déterminés par une organisation sociale qui s'appuie sur des institutions (couple, famille) et sur des mythes (amour avec un grand A) où les hommes, de la séduction à la violence physique, exercent un pouvoir et se garantissent des privilèges. Elles ne sont plus dupes du concept masculin et univoque de « liberté sexuelle ».

Ces expériences de mise en commun et toute la démarche de réappropriation de leur sexualité ont amené les femmes, non seulement à faire des choix individuels mais aussi à mettre en place des conditions matérielles pour que ces choix puissent s'exprimer. Elles veulent manifester le droit aux différences et lutter contre la répression.

C'est dans le milieu anglophone que les féministes lesbiennes ont été les premières à se constituer en groupe. Chez les francophones, c'est avec la mise sur pied de Coop Femmes 49qu'on assiste à un début de regroupement des féministes lesbiennes. La Coop est née suite au festival de musique des femmes du Michigan, tenu à l'été 76, et suite à une rencontre de féministes lesbiennes à Ottawa en octobre de la même année. Des femmes de Montréal sont revenues de ces rencontres avec le projet de former un groupe francophone et de s'impliquer dans la lutte féministe. Le local de la Coop s'est ouvert en février 77. On y a tenu les réunions des membres et on y a organisé des pratiques de Wen-do, des ateliers de musique et d'écriture, des danses, des projections de vidéo, entre autres, ceux du Réseau vidéo-femmes. La Coop a aussi été un lieu de réunion pour les femmes impliquées dans différents projets et dans certaines luttes (par exemple celle menée par le Comité pour la libération de Dalila Z. Maschino). Le groupe a aussi collaboré à l'organisation d'une manifestation appelée par les groupes gais, principalement par l'Association pour la défense de la communauté gaie du Québec (ADGQ) à l'été 79.* Des femmes avaient alors distribué un tract aux portes de certains clubs de Montréal, appelant à la manifestation. La Coop a été fermée au début de l'année 80. Le lieu de rencontre s'est alors déplacé pour quelque temps à Centrelle dont l'existence a duré quelques mois.

Centrelle était une association culturelle et sociale à but non lucratif où se tenaient différentes activités : spectacles, théâtre, expositions, conférences, projections et diapos (notamment sur les femmes détenues de Tanguay). C'est maintenant la Localle qui offre un lieu de rencontre aux femmes lesbiennes.

À l'intérieur de Coop femmes, il y a eu des débats entre les membres qui remettaient en question le fonctionnement en vase clos de la Coop. Selon certaines, cela rendait difficile de rejoindre plus largement les lesbiennes, majoritairement contraintes de se cacher pour vivre contre la répression et pour exprimer leur choix et subissant la répression à tous les niveaux. La venue de la musicienne Linda Shear à Montréal au printemps 79 a aussi soulevé des tensions et des débats au sein de la Coop et parmi les femmes qui fréquentaient le local. Le concert s'adressait exclusivement aux femmes et à leurs filles. Quelques féministes lesbiennes, mères de garçons ont soulevé le débat : peut-on fonder des actions et des luttes contre l'oppression des femmes à partir des déterminismes biologiques ? Des féministes ont produit un tract de dénonciation qu'elles ont distribué à la porte de la salle de spectacle. Par la suite, des lettres sur cette question sont parues dans le bulletin Des luttes et des rires de femmes,50 51 *

7.6.6 Pratiques et luttes dans le champ idéologique et culturel

Depuis 70, les femmes ont développé différents moyens pour diffuser leur féminisme, analyser leurs conditions d'oppression et d'exploitation, rendre compte de l'histoire passée et actuelle des femmes et de leurs luttes, soutenir leurs luttes, constituer un réseau d'information des différentes activités, fournir des lieux et des occasions de rencontres et d'échanges. Par exemple des femmes du service d'animation culturelle ont organisé du 24 février au 5 mars 78 : Dix jours de réflexion sur 10 ans de lutte des femmes52. Dix jours de films, théâtre et trois débats qui ont interpellé une bonne partie des groupes du mouvement des femmes. Un premier débat a réuni pour la première fois plus d'une centaine de femmes travailleuses de l'Université sur leurs conditions de travail et de vie à l'université. Un deuxième débat a porté sur la vie des femmes en Chine et la place des femmes dans une société socialiste. Enfin le débat sur le mouvement des femmes a permis de saisir les différences d'orientations dans le mouvement à partir des interventions de femmes du RFQ, des Têtes de pioche, des Éditions du remue-ménage, de la Librairie des fem mes et du Comité de condition féminine de la C.S.N., mais surtout il a été l'occasion d'un débat et d'une confrontation entre des féministes et des femmes marxistes des groupes politiques « ML ». Ce débat a montré la force du féminisme.

La Presse féministe

Après la disparition de Québécoises debouttes! 53en mars 74, il faudra attendre deux ans pour que paraisse un autre journal féministe : Les Têtes de pioche. Le journal apparaît dans une conjoncture où les groupes de femmes sont fortement secoués par les interventions du « MLisme » et où les féministes de référence marxiste, après la disparition du Centre des femmes, ont multiplié leur champ d'intervention et sont majoritairement occupées à soutenir l'organisation de la lutte pour l'avortement.

L'importance des Têtes de pioche 54a été essentiellement de constituer un collectif de féministes radicales québécoises qui se sont interrogées publiquement sur des sujets qui préoccupent toutes les féministes. L'objectif des Têtes de pio che a toujours été double : constituer un groupe de réflexion féministe radicale et publier un journal pour rendre compte de cette expérience en la partageant avec des femmes qui avaient amorcé une prise de conscience de leur condition.

Le journal Les Têtes de Pioche, porte-parole du féminisme radical au Québec, Des luttes et des rires, vol 3, no 1

Le collectif de Têtes de pioche publiera son premier numéro en mars 76, après six mois de rencontres régulières. 23 numéros seront publiés jusqu'en juin 79. Le collectif a constitué le noyau du courant féministe radical. Sa disparition a été entraînée par des divergences et des différences de trois ordres : idéologiques (féministes radicales vs féministes marxistes), de classes (féministes d'origine ouvrière et féministes d'origine bourgeoise) et sexuelles (féministes lesbiennes face aux féministes hétérosexuelles). Le principal apport de Têtes de pioche a été de dire et de chercher à expliquer en quoi le privé est politique.55

En juin 77, apparaît le premier numéro du bulletin Pluri-Elles. Le groupe s'est formé afin de donner suite au désir de briser l'isolement des militantes et des groupes exprimé lors de la manifestation du 2 avril. Ce sont surtout des féministes anglophones, qui ont lancé l'idée. Des militantes origi-nant d'une dizaine de groupes de femmes, de comités de femmes étudiantes et d'organisations populaires ont participé dès le début à la réalisation du projet de production d'un « bulletin de liaison des groupes autonomes de femmes ». À ce moment, le consensus idéologique est défini par la nécessité de construire un « mouvement autonome de femmes ». L'équipe de production veut 1) faire le lien entre les différents « groupes autonomes de femmes », 2) poursuivre la construction d'une solidarité, 3) approfondir la compréhension des luttes des femmes, 4) travailler à la construction d'un « mouvement autonome de femmes » au Québec.56 En juin 78, l'équipe publie son premier bilan. Il indique la difficulté de réaliser l'objectif de la prise en charge du bulletin par les « groupes autonomes de femmes », d'où la difficulté d'avoir prise sur la réalité du mouvement. Il n'était pas évident pour toutes les femmes de l'équipe que Pluri-Elles puissent être un outil servant adéquatement à la construction du mouvement. Étant donné cette constatation et vu l'urgence de développer collectivement une démarche politique, l'équipe se transforme en collectif, c'est-à-dire en groupe autonome pouvant lui aussi faire publier ses articles dans le bulletin. Le groupe à ce moment est davantage constitué d'individus que de femmes impliquées dans les « groupes autonomes ». Le collectif se constitue autour d'une plate-forme politique minimale qu'il entend défendre.

Au cours de la deuxième année, le Collectif veut dépasser le compte-rendu de l'actualité du mouvement. Il propose des occasions de débats afin que les militantes puissent dégager des points de convergence qui permettront au mouvement autonome de naître et de se développer. La production de chaque bulletin sera alors précédée d'un débat-rencontre sur un sujet particulier à la suite duquel des articles seront rédigés et constitueront le dossier du numéro. Il n'y aura par ailleurs plus d'éditorial, compte-tenu des difficultés que représente cette démarche. Pour tenter de résoudre le

problème du contrôle effectif des groupes de femmes sur le bulletin, l'Assemblée générale (bi-annuelle) à laquelle peuvent participer des groupes répondant à certains critères est maintenue. La question de l'autonomie du mouvement et des groupes est au coeur du débat ; la présence des militantes de comités étudiants et syndicaux de condition féminine pose des problèmes. Pluri-Elles devient Des luttes et des rires de femmes à l'automne 78.

Une assemblée générale se tient en janvier 79 pour discuter de l'ensemble des questions soulevées plus haut (rôle du bulletin, contrôle par les groupes, autonomie des groupes de femmes). La faible participation des femmes des groupes, leurs interventions (où elles signifient qu'elles ne peuvent, ni ne veulent se voir chargées de la responsabilité de définir et de produire un bulletin), liés à l'incapacité du collectif d'animer la discussion, contribuent à mettre au jour et à cristalliser un certain nombre de tensions qui avaient commencé à se développer au sein du collectif.

Il y avait eu le départ progressif de militantes de groupes autonomes et l'arrivée de femmes ayant entrepris une démarche féministe sur une base individuelle. Aussi, la volonté de systématiser la démarche de réflexion et de production, de développer la liaison entre les groupes, de dégager des perspectives des unes était confrontée au désir des autres (les nouvelles) de se constituer en collectif.

Au cours de l'année 79, année de la production du volume deux, une dizaine « d'anciennes » quittent Des luttes et des rires les unes à la suite des autres. Certaines d'entre elles tenteront à partir de mai, de constituer un Regroupement de féminis tes socialistes.. Fin 79, le collectif se retrouve dans une situation de plus grande homogénéité; il a redéfini son orientation et ses objectifs. La revue sera désormais une tribune d'échanges et de liaison des femmes. L'organisation de tables-rondes sera remplacé par la mise sur pied de comités-dossiers.

C'est en mars 80 qu'apparaît le premier numéro de la La Vie en rose inséré dans le Le Temps Fou. Non seulement pour des raisons utilitaires mais aussi parce que le type de journalisme du Temps Fou, coïncidait avec ce qu'elles voulaient entreprendre. Les femmes de l'équipe viennent majoritairement du Comité de lutte. La revue traduit leurs désirs que leurs révoltes ne s'étouffent pas dans la lassitude des « vieilles » militantes fatiguées. Via ce média, elles veulent continuer à parler, à commenter, à analyser en leur nom propre, sans avoir à se justifier, à se légitimer comme « la parole » du mouvement. Elles veulent lever les exclusions de toutes sortes ancrées depuis longtemps ou tissées à même la vie du mouvement de luttes de libération des femmes des dix dernières années, par exemple se réapproprier le domaine politique. Elles veulent rompre avec la marginalité de fait ou comme choix politique, développée à travers les pratiques de la tendance du féminisme radical qui considère le politique comme patriarcal par définition. Conséquemment, le principe de l'autonomie des femmes demeure important pour elles par ce qu'il a donné et donne encore aux femmes une force politique et qu'il a permis de dégager des stratégies qui leur permettent d'intervenir sur tous les terrains.

Enfin, les femmes de La Vie en rose, même si elles représentent une tendance au sein du mouvement, ne veulent justement pas voir s'uniformiser, par la voie des média ou des idéologies de service, le mouvement de libération des femmes qui deviendrait alors une entité, une donnée, une composante enfin stabilisée du jeu politique.

Maisons d'édition

Les Éditions de la pleine lune ont été crées en 75. Les femmes qui l'ont mise sur pied veulent mettre la parole des femmes sur la place publique. La Pleine Lune veut être au service des femmes et des mouvements de femmes.

Les Éditions du remue-ménage 57 existent depuis mai 76. Tout a commencé quand des femmes du Comité de lutte, du Théâtre des cuisines et du Centre de santé des femmes du quartier du plateau Mont-Royal ont senti le besoin d'une maison d'édition pour les femmes afin qu'elles puissent reprendre le discours féministe à leur compte pour ne pas le laisser aux groupes de gauche. Pour les Éditions du remue-ménage, la lutte des femmes, au même titre que celle de tous les travailleurs, est une lutte à partir de leurs propres conditions de travail, contre le capital. La condition de travail des femmes, dans notre société est celle de ménagère, c'est-à-dire de travailleuse chargée de la production et de l'entretien de la force de travail. Les publications dans l'ensemble vont essayer de décrire l'oppression et l'exploitation des femmes, en s'attachant plus particulièrement au travail ménager, base de l'exploitation des femmes. Afin de favoriser toutes les formes d'écriture, les critères de sélection sont assez larges ; la priorité est mise sur des textes accessibles au plus grand nombre de femmes. Pour le 8 mars 76, elles publient un premier livre Moman a travaille pas, a trop d'ouvrage! du Théâtre des cuisines. Depuis une dizaine de parutions sont venues s'ajouter. A partir de 78, elles publient un agenda féministe. C'est

à la fois un moyen de faire connaître la maison d'édition et un outil de conscientisation. Le premier agenda féministe à naître au Québec est un agenda historique, non pas pour le seul plaisir de retourner en arrière, mais pour commencer à refaire le scénario de l'histoire du point de vue des femmes. En plus de l'édition, les huit femmes qui composent l'équipe actuelle ressentent le besoin de se prononcer davantage sur des événements politiques où elles se sentent concernées.

Théâtre

Le Théâtre des cuisines58 affirmait dans un manifeste en 75 faire du théâtre de combat, du théâtre féministe qui traite de l'oppression et de l'exploitation spécifique des femmes dans une perspective de lutte de classe. En mars 75, il présente son second spectacle Moman travaille pas, a trop d'ouvrage!; à ce moment la question du travail ménager comme base matérielle de l'oppression des femmes est à l'ordre du jour des débats dans l'Intergroupe. Les femmes du Théâtre des cuisi nes, comme celles du Comité de lutte font face durant cette période à l'intransigeance des militants et militantes « ML » qui questionnent leurs options politiques, leur effort de développer une théorie qui rendrait compte de façon juste de l'origine et des caractéristiques de l'oppression et de l'exploitation des femmes. De plus, leur dernier spectacle a été pour ainsi dire boycotté à Montréal ; elles ne pouvaient pas présenter leur pièce dans les groupes populaires qu'elles désiraient rejoindre, les militants et militantes « ML » présents dans ces groupes s'y opposant. Leurs pièces ont alors été plus souvent joués dans les cégeps, lors des fêtes du 8 mars et à l'occasion de diverses manifestations. La troupe cesse de jouer en 76.

À l'été 78, trois d'entre elles se rencontrent et commencent à parler de la possibilité de faire un livre sur leur expérience dans le mouvement des femmes, sur le courant politique dont elles étaient issues, sur leurs idées, leurs espoirs et leurs réflexions, tant par rapport au travail ménager que par rapport à leur vie amoureuse. Le projet de livre se transforme, elles décident de reformer le Théâ tre des cuisines. Au cours de l'année 80, elles produisent un nouveau spectacle. As-tu vu ? les maisons s'emportent ! Ce spectacle traite de la récupération de la lutte des femmes devenue un sujet à la mode dans les média ; il traite aussi de la vie privée où il est dénoncé qu'au nom d'une efficacité qui se fait sur le dos des femmes, les hommes ne s'occupent pas de la vie privée, le monde du travail l'ignore, le monde militant le camoufle. 59 Elles visent à rejoindre prioritairement les femmes qui sont sur le marché du travail, déjà regroupées, souvent militantes dans les syndicats, les groupes et les associations et aussi les ménagères puisque la pièce porte justement sur la vie privée.

Ce dernier spectacle n'est pas issu comme tel du mouvement organisé des femmes ; il est plutôt la concrétisation de réflexions personnelles amorcées il y a deux ans à un moment où les femmes du Théâtre des cuisines étaient un peu en retrait du mouvement. Elles se situent actuellement dans un courant qui se rapproche du mouvement d'auto-conscience développé en Italie. Elles ont aussi été marquées par le dernier numéro des Cahiers du Grif (revue féministe belge) portant sur leur bilan du féminisme. À l'étape actuelle, elles visent à développer des liens, à échanger avec d'autres groupes de femmes, à trouver et à développer des appuis dans le mouvement des femmes.

À part le Théâtre des cuisines issu plus directement du militantisme, le théâtre de femmes est issu de près ou de loin du phénomène « jeune théâtre » fondé sur le travail collectif et l'improvisation et où hommes et femmes sont censés collaborer en toute égalité. À l'intérieur du théâtre de femmes le théâtre féministe a ceci de particulier qu'il cherche à concilier une analyse féministe rigoureuse et une volonté de concertation avec une recherche théâtrale et esthétique. Le Théâtre expérimental des femmes s'inscrit dans ce courant. Il veut illustrer et combattre l'oppression féminine, redonner aux femmes une histoire en créant de nouvelles formes et de nouveaux personnages féminins, il fait appel à l'imagination, au mythe, à l'inconnu.

Le Théâtre expérimental des femmes 60de Montréal est né à la suite de conflits au sein du Théâtre expérimental de Montréal (T.E.M.), fondé en mai 75. Déjà à cette époque, dans la perspective de faire des choses nouvelles, on y parlait beaucoup des relations hommes-femmes et de l'oppression des femmes. En septembre 75, la seule femme du trio fondateur anime un atelier de recherche sur le personnage féminin au Théâtre, dans le but de casser les stéréotypes sexuels et d'inventer de nouveaux personnages. À cette époque, dans le milieu théâtral, c'est l'époque de l'impuissance et du défaitisme des femmes ; les femmes, regroupées dans cet atelier ne sont pas intéressées à exploiter les thèmes proposés et l'atelier se termine sans résultats après trois mois.

En septembre 76, c'est le premier spectacle de femmes au T.E.M. ; Essai en trois mouvements pour trois voix de femmes. Une autre création collective, intitulée Finalement qui se refuse à toute analyse et toute prise de position traduit simplement le désir qu'avaient eu les trois comédiennes de travailler ensemble. Puis, c'est À ma mère, à ma mère, à ma mère, à ma voisine, nouvelle création portant sur les relations mère-fille et qui reprend certains thèmes abordés dans l'atelier de recherche mis sur pied en 75. En décembre 78, c'est la production de Trac femmes, distribuée par les Éditions du remue-ménage qui rassemble les réflexions des comédiennes sur toute cette activité. Après la scission, au sein du T.E.M., provenant de conflits concernant le féminisme, c'est la production, par le T.E.F. de La Peur surtout, création collective sur la peur chez les femmes, jouée entre juillet et septembre 79. À cette période, deux des comédiennes formant la direction du T.E.F. sont aussi instructrices de Wen-do.

Depuis le T.E.F. a produit et présenté, un nouveau spectacle à partir du thème de l'adolescence : Parce que c'est la nuit. Du 20 mai au 3 juin 81, il a organisé un festival de créations des femmes, regroupant à l'intérieur de différentes activités, des femmes de différentes tendances, dans le but que les créatrices qui oeuvrent à l'expression d'une identité et d'une culture des femmes d'ici puissent échanger les connaissances qu'elles ont tirées de leurs expériences spécifiques. Depuis novembre 80, le T.E.F. a organisé une série de conférences-rencontres sur le thème « Mon héroïne », dans le but de sortir l'histoire des femmes de l'oubli, de la négation, de la dévalorisation ou de la déformation.

Documentation et recherche

Les femmes qui mirent sur pied le Centre de documentation féministe en juin 75, avaient récupéré les livres, les périodiques et les dossiers accumulés par le Centre des femmes. Le Centre de documentation visait à ce moment à conscientiser les femmes sur leur condition spécifique en offrant un service de consultation sur place et en poursuivant le travail d'accumulation de matériel. Faute de ressources il doit abandonner l'ancien local du Centre des femmes à l'été 77, et il déménage aux Éditions du remue-ménage. Après une période de réorganisation, il réouvre ses portes au début de 78. Il offre alors à nouveau un service de consultation. En rétablissant le contact avec les différents groupes féministes, et en établissant une permanence régulière, il cherche à identifier et à répondre aux besoins les plus importants des groupes autonomes de femmes d'abord, en documentation et en information. Une de ses priorités demeure le soutien au développement des luttes féministes au Québec et l'information quant aux luttes que les femmes mènent ailleurs.

Au début de 78, un groupe de femmes appartenant à divers organismes C.S.F., F.F.Q., U.Q.A.M. et Université de Montréal) se réunissent afin de discuter de la création d'un nouveau Cen tre de Ressources-Informations des femmes (le CRI des femmes). L'idée de mettre sur pied un centre de documentation et de recherche-information pour les femmes est née au moment où quelques femmes des groupes ci-haut mentionnés, recevaient des demandes de recherches et de personnes-ressources de la part des groupes de femmes de la région de Montréal. Afin que le Centre rencontre les besoins réels du milieu, le groupe de départ fait une enquête auprès d'une soixantaine de groupes de la région au moyen d'un questionnaire ; le premier contact écrit s'avérant peu satisfaisant, on s'oriente pour rencontrer directement les permanentes d'une trentaine de groupes. À la suite de ces rencontres, le comité fondateur propose d'offrir quatre types de services : un centre de documentation, des personnes-ressources, de la recherche, de la diffusion et de l'information.

Par la suite, un comité élargi composé de la F.F.Q., du C.S.F., du G.I.E.R.C.F., de femmes de l'Université de Montréal, du Comité de lutte pour l'avortement, de l'A.F.E.A.S., du C.I.R.F. et du groupe Au bas de l'échelle décide d'entreprendre les démarches pour l'incorporation de Relais-Femmes. S'ajouteront par la suite à cette liste les groupes Des luttes et des rires et Centre refuge. Après les démarches pour demander les subventions nécessaires et l'ensemble des discussions concernant la rédaction des statuts et règlements (rôle des universitaires, place réservée aux groupes, etc.), Relais-Femmes prend forme en février 80, et le congrès de fondation a lieu le 24 mai. Les femmes membres des organismes suivants seront élues au C.A. . F.F.Q., Multi-Femmes, A.F.E.A.S., Carrefour des familles monoparentales, Centre de documentation Brien.

Le centre de documentation actuellement installé dans les locaux du C.S.F., doit être repris en septembre 82, par Relais-Femmes, dans la mesure où il peut en assumer le fonctionnement. Depuis l'automne 80, des dossiers et des équipes de personnes-ressources ont été mis sur pied et le premier bulletin d'information du groupe est prévu pour mars 81.

Le Groupe inter-disciplinaire pour l'enseigne ment et la recherche sur la condition féminine (G.I.E.R.C.F.) de l'U.Q.A.M. existe depuis avril 76, et administre des cours depuis janvier de cette année-là. Ses activités se partagent en trois volets : enseignement, recherche et service à la collectivité. En mai 79, il a organisé un colloque sur le thème : « la recherche sur les femmes au Québec ».

À l'Université de Montréal, un groupe de professeurs, chercheurs et cadres féminins s'est formé et se nomme : Multi-F.

Enfin, mentionnons qu'au cours de l'année 78, a été mis sur pied, à l'Université Concordia, L'Institut Simone de Beauvoir.

En mai 79 des femmes chercheuses organisaient un colloque sur « Les Femmes et la recherche au Québec » qui se terminait sur une confrontation entre les chercheuses et les militantes féministes. En juin 80, douze participantes étaient invitées à une journée de réflexion sur l'ambivalence des pratiques culturelles, sociales et politiques des femmes. Les textes de leur intervention ont été regroupés et publiés sous le titre Femmes et Politique.

La Maison des femmes de Montréal ouverte à l'été 77, suite à la semaine d'activités « Québé-coiserient » organisée par la Librairie des femmes d'ici, fut surtout un lieu d'échanges et de rencontres qui évoluaient dans un cadre sans structure selon la volonté même des femmes qui l'avaient mise sur pied. La Maison des femmes, a entre autres, organisé la fête donnée dans le cadre de la journée du 11 mars 78. Sa fermeture intervient en juin 78.

Librairies

Inauguration de la Librairie des femmes, le 29 octobre 1975. LA PRESSE

La Librairie des femmes d'ici a été ouverte en octobre 75, par deux femmes du R.A.I.F., dont une se retrouve à Tête de pioche. Elle se veut aussi un lieu de rencontre et d'information. Dès l'origine, on n'y diffuse que des écrits d'auteurs féminins.

Plus tard, à la suite de débats, on refusera de diffuser ceux qui projettent une image traditionnelle des femmes. En 78, la librairie déménage et ouvre un café dans ses nouveaux locaux. Tout au long des cinq années, la Librairie des femmes a été présente dans le quotidien de plusieurs centaines de femmes. Par exemple, elle a organisé des tables rondes traitant des diverses facettes de la condition féminine : l'écriture, la politique, le corps, les anxiétés.

Musique

Arcanson est le premier groupe musical de femmes. Il a été créé en 77, suite à la « Quinzaine des femmes », organisée en septembre et octobre par le Conventum. Trois des musiciennes venaient d'un autre groupe : « L'enfant fort ». Elles ont participé aux fêtes du 8 mars, à différentes manifestations féministes et à la fête du 1er mai 79. Le groupe s'est dissout en avril 80, suite à des débats. Les divergences portaient sur le fait de jouer seulement pour les femmes ou d'accepter aussi de jouer dans les groupes populaires ; elles portaient aussi sur le type de musique à produire.

Galerie

Powerhouse 61est une galerie parallèle à but non lucratif qui existe depuis 73. Elle fut mise sur pied par neuf femmes qui, suite à une exposition d'artisanat et d'art appelée « The Flamin Apron », se sont regroupées pour organiser leur propre exposition. La galerie a démarré suite à l'élargissement du groupe et l'obtention d'un projet P.I.L. Son objectif est de procurer aux femmes-artistes un espace pour exposer. Powerhouse leur offre la possibilité d'être en contact avec d'autres femmes d'origine, d'antécédents et d'âge différents. Être membre de la coopérative comporte aussi certaines obligations : assister à des réunions où se discutent des problèmes tels que l'organisation générale de la galerie, la recherche de support financier, la mise sur pied d'expositions, les propositions concernant de nouvelles activités, la permanence de la galerie et l'entretien des locaux.

Vidéo

Réseau vidéo de femmes 62a réalisé des vidéogrammes portant sur des événements et des activités de femmes, de même que des aspects de la condition des femmes. Le Réseau a diffusé en

échangeant des copies de vidéogrammes avec des groupes « vidéo » de femmes existant un peu partout à l'échelle internationale, en organisant des visionnements chez des groupes de femmes dans différentes régions du Québec, en présentant des réalisations sur les cables communautaires dans le cadre d'émissions de femmes.

7.6.7 Les femmes s'organisent en prison

Le Comité femmes de Tanguay 63s'est constitué à partir d'un débat sur les femmes en prison qui s'est déroulé dans le cadre de la journée du 11 mars 78. Un vidéo réalisé par quelques résidentes de Tanguay a été présenté et deux ex-détenues avaient été invitées pour parler des conditions de vie des femmes en prison. La majorité des femmes détenues à Tanguay s'y trouvent à cause de besoins économiques, c'est-à-dire, de fraudes de toutes sortes (faux chèques, assurance-chômage, bien-être social, cartes de crédit), vol à l'étalage, prostitution, etc. Par rapport à l'ensemble du milieu carcéral, ces femmes sont les plus dépourvues à tous les niveaux : soins médicaux, programmes de « resocialisation », ressources au moment de leur sortie, etc. Les problèmes liés à l'avortement et à la contraception ou à la mise à terme d'une grossesse sont très aigus, compte tenu du manque d'information et des conditions de détention. Celle qui accouchent en prison sont séparées immédiatement de l'enfant et subissent de fortes pressions pour le donner en adoption. La répression sexuelle s'exerce; le lesbianisme est considéré comme anormal.

Le Comité veut lever le voile sur l'ensemble de ces conditions, les dénoncer et soutenir les détenues. Le 10 août 79, une vigile et une grève de la faim de 24 heures ont eu lieu devant Tanguay et une prison d'hommes, en commémoration des femmes et des hommes, mortes et morts en prison ; cette manifestation était organisée conjointement avec l'Office des droits des détenus. Le 9 mars 80, une manifestation d'appui et de solidarité de 75 personnes s'est déroulée sur le terrain de la prison.

Le Comité appuie les autres luttes des femmes et les membres estiment que leur lutte s'inscrit aussi dans la lutte des classes car ce n'est pas un hasard si les femmes en prison viennent majoritairement de milieu ouvrier.

7.6.8 Écoféminisme 64

L'écoféminisme s'est développé en Europe et aux États-Unis au cours de la dernière décennie, surtout à partir de la lutte contre le nucléaire. Ici, l'écoféminisme a été développé d'abord par des femmes impliquées dans le Regroupement pour la surveillance nucléaire. Le 26 avril 80, avait lieu à Montréal une manifestation anti-nucléaire ; les femmes étaient regroupées sous une bannière dont les symboles étaient des colombes à l'intérieur de 3 signes de femmes. Au cours de l'été 80, une vingtaine de femmes francophones impliquées dans des groupes écologiques mixtes ou dans des groupes de femmes se sont rencontrées pour discuter de la façon de lier l'action dans leur groupe à l'action écoféministe. La lutte est embryonnaire car elles sont encore peu nombreuses et isolées.

7.6.9 Des regroupements féministes

Le Regroupement des femmes québécoises 65 est né de l'initiative de militantes du P.Q. qui, suite à la décision du Premier ministre de ne pas tenir compte de la résolution du P.Q. en faveur de l'avortement, ont soulevé la nécessité d'un mouvement politique de pression de masse centré sur des actions plutôt que sur des revendications ; en 77, 200 femmes participaient à un colloque et en juin 78 se tenait le premier congrès d'orientation.

Le R.F.Q. base son action sur une idéologie féministe révolutionnaire 66qui appuie la transformation des structures politiques, économiques et sociales de notre société pour l'abolition de toutes les exploitations et oppressions, privilégiant l'exploitation spécifique de la femme, comme personne, dans son corps, dans ses fonctions de reproduction, de travailleuse à la maison et à l'extérieur. Il se définit comme mouvement politique de masse, féministe et autonome, solidaire de toutes les luttes visant les mêmes objectifs. Il déplore un « gaspillage d'énergie » en dépit de l'ardeur des luttes antérieures, d'où la nécessité de « se regrouper dans des actions politiques de masse et de favoriser l'avènement d'une véritable solidarité des femmes».

Les priorités du R.F.Q. sont la lutte contre la violence dans l'immédiat, puis l'éducation et parallèlement la culture. Sur la question de la violence, ses moyens d'action visent la création de tribunaux populaires itinérants, doublés de comités de vigilance pour recueillir, fouiller, étudier, dénoncer, exposer au public des cas flagrants d'agressions violentes. En éducation, il a procédé à la formation d'un comité qui vise à conscientiser les femmes et les motiver à agir. Deux comités par rapport à la culture, l'un pour parsemer le Québec de maisons de femmes, lieux de documentation, animation, information, diffusion, recherche de création ; l'autre destiné à publiciser et appuyer toute manifestation culturelle des femmes, conforme aux objectifs du R.F.Q..

La jonction entre le R.F.Q. et certains groupes de femmes s'est opérée entre autres au moment de la mise sur pied du Comité pour la libération de Dalila Z. Maschino. Il y eut par ailleurs certaines tensions entre les militantes du R.F.Q. et celles issues des groupes de femmes.

Un autre regroupement de femmes est né à cette période, L'autre parole. Fondé en 76 par un groupe de théologiennes, L'autre parole regroupe des chrétiennes féministes qui mènent des actions et des réflexions visant à désarticuler le discours dominant de l'Église sur les femmes. Le groupe organisé régionalement a un congrès annuel de réflexion et d'orientation. Il analyse la parole de l'Église qui ne reflète pas la réalité des femmes. Sa première action fut d'appuyer les représentations de l'oeuvre « Les Fées ont soif» joué à l'automne 78 au Théâtre du Nouveau Monde. (TNM). Le groupe publie un bulletin de liaison pour ses membres et des abonnées. Sans aucun lien institutionnel avec l'Église, il est libre de débattre les positions mâles et conservatrices de cette dernière, en particulier sur le sujet du contrôle des femmes de leur corps et sur l'avortement. Un autre regroupement de femmes chrétiennes existe : Le Mouvement des femmes chrétiennes mais il est davantage un mouvement d'action catholique réunissant des femmes plutôt qu'un mouvement de femmes.

Le Regroupement des féministes socialistes est né suite à un appel lancé par des militantes à l'occasion du 1er mai 79. Par la suite, eut lieu une rencontre d'une cinquantaine de femmes militant dans différents secteurs (groupes autonomes, comités étudiants de condition féminine, organisations populaires, Groupe de conscience des femmes, issu de l'ex-comité des femmes du P.T.Q.) ou ayant déjà milité dans les organisations trotskystes. La volonté générale était d'arriver à surmonter la dichotomie « luttes des femmes/luttes de classe » sous-jacente aux analyses et aux pratiques des différents secteurs où les femmes étaient impliquées. Face aux exigences intellectuelles qu'imposaient cette démarche de réflexion, plusieurs femmes manifestèrent leur crainte que le groupe s'enlise dans le travail théorique. D'autres souhaitaient que le groupe en soit aussi un d'intervention. Ces militantes se retirèrent et par la suite, une quinzaine de femmes tentèrent au cours de plusieurs rencontres d'articuler un projet de démarche pour mener la réflexion en partant de l'analyse des luttes quotidiennes. Finalement, il reste moins d'une dizaine de militantes qui, à partir de janvier 80 amorcèrent la réflexion sur les enjeux de la lutte menée par les femmes pour s'assurer le contrôle de leur fonction de reproduction. L'ampleur du travail, les disponibilités qu'il requérait, les difficultés de concilier ces exigences avec l'implication militante, le doute quant à la pertinence d'une telle démarche pour soutenir l'action militante, le manque d'outils, tout ceci rendit la démarche très laborieuse. Le groupe s'est finalement dissout au début de l'été 80. Le réseau d'action et d'information pour les femmes poursuit son action. Sensibilisation des femmes, organisation de noyaux régionaux du RAIF, étude des projets de loi, mémoire sur les législations qui concernent les femmes, lettres aux ministériels et aux média. Le RAIF est très présent sur la scène publique via les média mais il ne constitue pas pour autant une base large de regroupement des féministes.

7.7 Des fronts de lutte diversifiés

Sans être regroupées à l'intérieur de groupes autonomes ou sans se réclamer spécifiquement du féminisme, les femmes mènent des luttes depuis plusieurs années sur plusieurs fronts.

Protestation de clientes d'un studio de santé à Verdun,3 juin 1980. La presse

À certains moments, ces luttes ont été l'occasion de jonction entre groupes de femmes, organisations syndicales et populaires : par exemple le regroupement Femmes solidaires, mis sur pied en octobre 78, pour revendiquer le congé parental. Ce groupe fit partie au cours de la même année, du Front commun pour un congé de maternité. Ce dernier avait été formé suite à la présentation, le 26 juillet, du projet d'ordonnance de la Commission du salaire minimum, visant à faire entrer dans le droit public au Québec des modalités sur les congés de maternité.

Le revendication des femmes ayant un rapport avec la présence des enfants ont été et sont encore portées par les regroupements de garderies populaires (Regroupement des garderies du Québec et SOS-Garderies) à différents titres, par le mouvement syndical sous la pression des comités de condition féminine et par le Carrefour des associations de familles monoparentales du Québec.67

Le Carrefour, dont plus de 87 % des membres sont des femmes et dont plus de la moitié parmi elles tentent de survivre avec un revenu inférieur à 5000 $68 a participé à un Front commun qui demandait la révision du projet de loi 83, sur les pensions alimentaires.

Quant aux luttes que les femmes mènent face au marché du travail, elles s'organisent aussi en dehors du mouvement syndical. Ac- tion travail des femmes,69 projet communautaire créé en novembre 76, par un groupe de femmes de Montréal, s'adresse aux femmes qui veulent intégrer le marché du travail mais auxquelles il manque formation et qualification parce qu'elles sont désavantagées socio-économique-ment. Action travail des femmes lutte aussi contre les ghettos d'emploi mal rémunérés dans lesquels les femmes sont limitées. Le groupe a eu à mener une lutte en 78 contre la fermeture dont le menaçait le bureau régional du ministère de la main-d'oeuvre et de l'Immigration. Puis il a aussi lutté pour l'accès aux métiers non traditionnels pour les femmes, par exemple la poursuite du Canadien national pour discrimination. Elles ont produit un vidéo sur les travailleuses qui occupent des emplois non traditionnels. Enfin, il a stimulé la mise sur pied du Comité femmes de Tanguay.

Au bas de l'échelle 70 est né en 75 de l'initiative de trois animatrices communautaires. Ce groupe réunissait au départ trois associations : une association de personnel domestique, une association d'employées de bureau et une association de salariés au salaire minimum.

La première a développé ses propres structures et est une association autonome connue sous le nom de l'Association du personnel domestique.71 En plus d'un travail de formation qu'il effectue, de la lutte pour l'obtention d'un contrat-type, le groupe projette la création d'une coopérative de placement gérée par et pour les membres. Quant au groupe Au bas de l'échelle, il vise à promouvoir les droits des non-syndiqués au Québec, dont 70% sont des femmes. Dès ses débuts, le groupe se préoccupe des problèmes vécus par les travailleuses en tant que femmes et de ceux qu'elles partagent avec tous les non-syndiqués. Dans ce sens, le groupe lutte en vue de promouvoir de meilleures conditions de travail, un congé de maternité accessible à toutes les travailleuses sans perte de revenu, l'accès réel à la syndicalisation et une politique bien appliquée du salaire égal pour un travail de valeur égale.

Enfin, il faut mentionner qu'un très grand nombre de femmes constituent les bases militantes de plusieurs organisations populaires qui luttent sur le terrain des conditions de vie. Ceci n'est pas sans rapport avec le fait que c'est aussi dans ce qu'on appelle le cadre de vie que se structurent et se développent les conditions d'oppression et d'exploitation spécifiques des femmes.

7.8 Des tentatives pour briser la barrière des ethnies et développer la solidarité internationale des femmes

Des manifestantes contre l'enlèvement de Dalila Z. Mas-chino, Montréal, 28 juin 1978. LA PRESSE


Conférence de presse des femmes autochtones du Québec, à Montréal. La presse

Du côté des groupes de femmes, la solidarité internationale a été principalement développée par le Comité de lutte et la Coordination nationale dans le cadre d'appuis à des luttes ou de participation à des campagnes internationales sur la question de l'avortement, de la contraception et de la stérilisation forcée. Il y a eu cependant d'autres tentatives de développer des liens entre les Québécoises et les Immigrantes.

Le 26 mai 78, sous l'instigation de militantes chiliennes du Bureau des prisonniers politiques du Chili (BPPC), avec la collaboration de l'équipe de Pluri-Elles est émis un message d'appui à la grève de la faim faite par une centaine de parents de disparus politiques. Les grévistes, majoritairement des femmes, s'étaient rassemblées dans les bureaux de l'UNICEF et dans cinq églises à Santiago.72 Le message de solidarité avait été signé par plus d'une dizaine de groupes de femmes. Dans la foulée de cet appui, quelques femmes québécoises et chiliennes projettent de mettre sur pied un groupe de femmes québécoises et latino-américaines.

Le projet demeure sans suite à cette période mais est repris plus tard, en novembre 79, toujours sous l'instigation de militantes du BPPC. Une rencontre d'information portant sur l'histoire du mouvement des femmes en Amérique latine réunit une quinzaine de femmes. Mais le peu de disponibilité des militantes québécoises présentes, lié à la quasi absence de préoccupation internationaliste à l'intérieur des groupes dont elles font partie, fait encore une fois abandonner le projet d'une liaison plus étroite entre militantes québécoises et latino-américaines.

Par ailleurs, mentionnons l'existence du Groupe de femmes latino-américaines de Montréal qui depuis trois ans travaillent à développer des liens entre des groupes de femmes d'Amérique latine et du Québec. D'abord groupe d'étude, il commence à s'organiser pour concrétiser son objectif. À l'automne 79, le groupe a organisé la campagne de dénonciation de l'élection de Miss Amérique Latine au Québec.

En novembre 78, la mise sur pied du Comité pour la libération de Dalila Z. Maschino incite l'équipe de Pluri-Elles à convoquer sa première table-ronde sur la situation des femmes immigrantes.73 Des femmes algériennes, américaines, chiliennes, égyptiennes, grecques, haïtiennes et italiennes, pour la plupart militantes ont participé à la rencontre et ont parlé de leurs problèmes spécifiques. Finalement, si toutes les participantes espéraient réellement que d'autres rencontres semblables se reproduisent pour permettre aux unes et aux autres de saisir différences et similitudes, des difficultés se sont dessinées : risques subtils du racisme et du paternalisme déguisés, de la récupération, de l'éparpillement. On formula alors simplement le voeu de poursuivre la communication, ne serait-ce que par des échanges d'information, mais cela demeura sans suite réelle.

7.9 Les 8 mars et les États généraux des travailleuses salariées québécoises

7.9.1 Les 8 mars

Le 8 mars 1975 rend manifeste la rupture de l'unanimité sur les objectifs de la lutte des femmes et sur les liens que cette lutte doit entretenir avec les autres mouvements sociaux. En effet, cette année-là, nous assistons à trois manifestations pour célébrer la Journée internationale des femmes.

L'une le 7 mars, organisée officiellement par l'ADDS et des garderies fut une fête très réussie où l'on faisait le lien entre différentes luttes (garderies, taxe d'eau, etc.) et la libération des femmes. Cette initiative était celle du noyau de Mobilisation, soucieux d'opérer des jonctions entre la lutte des femmes et les luttes des groupes populaires.

Revendications du 8 mars 1975. La presse

Une soirée a été organisée conjointement par la C.E.Q. et la C.S.N. et les groupes de femmes. Le thème de cette journée était : « 1975 : lutte collective pour une maternité librement choisie, pour des garderies populaires ». Ce thème avait été choisi pour souligner l'importance de la lutte pour l'avortement en cette année où le Dr Morgentaler était devant la Cour suprême du Canada, qui confirmait le 25 mars, le verdict de culpabilité retenu contre lui. De plus, cette année-là, le gouvernement obligeait plusieurs garderies populaires à fermer leurs portes à cause de coupures dans les subventions. Le Théâtre des cuisines présenta sa pièce : Moman travaille pas, a trop d'ouvrage et le Comité de lutte publiait son Dossier spécial sur l'avortement. Cette soirée fut critiquée de tous bords, tous côtés ; on lui reprochait son style peu chaleureux et peu mobilisateur, mais l'expérience d'une journée de discussions en ateliers s'avéra assez intéressante.

Enfin le groupe En Lutte ! organisa, quoique officieusement, une autre soirée avec des femmes des groupes populaires, des travailleuses, des immigrées. Le contenu était très différent, l'accent étant mis sur l'apport des luttes de femmes à la lutte des classes. Soulignons que durant cette période on ne faisait plus jamais mention de la question nationale, et de ses liens avec la libération des femmes.

Le 8 mars 1976 montre encore la même division. En Lutte ! organise sa soirée avec des militantes de groupes populaires et culturels et les centrales C.S.N. et C.E.Q. organisent leur soirée où elles invitent le Comité de lutte à donner un message. L'Intergroupe prononce un discours qui explique le sens de la lutte des femmes contre l'exploitation capitaliste, à partir du rapport des femmes au Capital, à savoir le travail ménager. Ce texte constitue en quelque sorte un manifeste pour le courant féministe autonome d'inspiration marxiste.74 Le thème de la manifestation et de la soirée était les revendications spécifiques aux femmes du mouvement syndical.

Le 8mars 1977les syndicats C.S.N., F.T.Q. et C.E.Q. avaient invité leurs membres au Centre Paul-Sauvé à Montréal. Le thème de la fête était « Solidarité et action ». Les femmes des groupes autonomes n'y participeront pas et organiseront leur propre soirée.

Le 8 mars 1978 une soirée de solidarité sera organisée par le Comité inter-centrales des comités de condition féminine et sera particulièrement mobilisatrice. L'impossibilité pour les militantes des groupes autonomes de femmes de s'impliquer à part entière dans l'organisation de la fête les feront opter pour l'organisation d'une journée d'ateliers le 11 mars. 300 femmes ont participé aux différentes activités de cette journée dont le thème était : « Femmes autonomes, Femmes solidaires ».

Le 8 mars 1979 sera organisé par les comités des centrales syndicales, les militantes féministes se repliant sur le 31 mars : journée internationale pour l'avortement. La manifestation du 3.1 mars à Montréal connaît un succès éclatant et démontre les capacités de mobilisation des féministes « autonomes ». Même si officiellement, les centrales syndicales appuyaient la manifestation, on pouvait presque compter sur le bout des doigts les militantes syndicales présentes à la manifestation, l'avortement n'étant pas une de leurs priorités. À l'occasion du 8 mars, des féministes présenteront au TNM, un spectacle théâtral : « Célébrations de femmes ».

Le 8 mars 1980 permettra que se renouent des liens entre les militantes des Comités de condition féminine, celles des groupes de femmes et celles qui travaillent principalement avec des femmes. En effet, elles ont organisé ensemble une journée d'activités à l'UQAM : kiosques d'information, débats, théâtre, films, lancements. Ce midi-minuit révéla l'ampleur du travail réalisé par rapport à la condition des femmes, et permit de sensibiliser plusieurs femmes et hommes à la nécessité de lutter. On estime que quelque 10 000 personnes participèrent à cette journée. Sans rechercher de consensus ni d'unité à tout prix, les féministes purent réaliser « Toutes ensemble » cette journée qui manifestait assez bien la diversité du mouvement des femmes en 80.

Le 8 mars 1981 a permis de montrer que la condition féminine préoccupait de plus en plus de monde. À Montréal, les manifestations ont été extrêmement variées, plus de 30 groupes ont célébré à leur façon le 8 mars. Des dizaines de syndicats de chacune des centrales l'ont souligné. Les événements d'envergure ont été la manifestation gaie, animée et regroupant de 3000 personnes, samedi le 7 mars et la journée du 8 mars, organisés principalement par des organisations syndicales à l'UQAM en collaboration avec des groupes autonomes de femmes. Kiosques, films, vidéos, théâtre sur le harcèlement sexuel (Théâtre Parminou) et sur les multiples facettes de l'oppression des femmes (Théâtre des cuisines) et débats sur le thème « S'organiser de plus en plus » pour faire le point sur les revendications et le mouvement des femmes en 81.

7.9.2. Les États généraux des travailleuses salariées québécoises

La tenue des États généraux a marqué une étape importante dans la vie des comités syndicaux de condition féminine et dans la tentative de rassembler toutes les forces qui luttent pour les droits des femmes.

Le Comité de condition féminine de la C.S.N. a proposé au Comité inter-centrales d'organiser ce type de rencontre. Le Comité CEQ a adhéré au projet et celui de la F.T.Q. s'en est dissocié. Aussi, les Comités de condition féminine C.S.N. et C.E.Q. décidèrent de préparer un manifeste dans lequel seraient contenus une plateforme de revendications minimales et un plan d'action. Cette initiative syndicale voulait répondre à deux besoins. D'abord enclencher un processus d'articulation et d'harmonisation de toutes celles et ceux pour qui la lutte des femmes est fondamentale. Ensuite, faire face à la politique du Parti québécois de récupérer par tous les moyens les luttes et les revendications sur la condition féminine portées par le mouvement syndical.

Pour les comités syndicaux, la réalisation des États généraux le 3 mars 79, fut un succès inespéré. Plus de 600 personnes ont répondu à la convocation. On y a débattu du manifeste et du plan d'action proposés pour finalement les amender. Les participantes et les participants ont demandé que soit convoquée une 2e journée d'États généraux afin de poursuivre de façon plus approfondie la discussion et d'adopter un programme d'action.

Bien que, acceptée et appréciée par la plupart des militantes des groupes de femmes, cette initiative souleva des questions et des critiques de la part des féministes (quels rapports sont faits entre les travailleuses salariées et les ménagères ? que peut-on attendre des hommes ? quelle place leur accorder dans une telle rencontre? le mode de fonctionnement, la procédure employée permettent-ils l'expression démocratique ?) 75 Plusieurs d'entre elles étaient confrontées pour la première fois à la réalité politique et idéologique des militants du mouvement syndical et des organisations politiques et cela leur indiqua les jonctions possibles comme les différences entre les composantes du mouvement des femmes.

Les États généraux II ont eu lieu le 3 novembre 79. Demi-succès ou demi-échec, plusieurs en sont sorties frustrées et insatisfaites. Si la participation nombreuse (800 personnes) et l'entente sur un plan d'action sont des éléments positifs, par ailleurs des problèmes de fonctionnement liés aux exigences des différentes composantes présentes à la rencontre ont augmenté les tensions entre les groupes de femmes et les comités syndicaux.

Réunion des États généraux II, 3 novembre 1979. CSN

VIII - 1981 : Le mouvement des femmes s'affirme comme un mouvement social... fragile.

Un exemple concret de l'autonomie des femmes : le Centre de santé des femmes du quartier Mont-Royal. LOUISE BOUCHARD

L'année 1981 ne marque pas une nouvelle étape pour le mouvement des femmes. Nous l'avons déjà souligné, il est difficile, avec si peu de recul, de dégager une ou des périodes depuis 1975 pour l'ensemble du mouvement. Nous nous limiterons donc à ajouter dans ce chapitre les principaux événements qui l'ont marqué en 81. D'abord nous relevons les principaux traits de la situation économique, politique et sociale au Québec.

8.1 La conjoncture économique, politique et sociale

Quoi de neuf en 81 ? Rien de très spectaculaire, si ce n'est les sommets atteints par les taux d'intérêts, vous diront les économistes. En effet la crise économique se poursuit avec ses effets de plus en plus dramatiques pour certaines couches de la population. Pour les femmes travailleuses, cela signifie, moins d'emplois disponibles, précarité et bas salaires, augmentation du travail à temps partiel, à domicile, au noir. Pour les ménagères, ça veut dire, faire toujours plus, avec moins (cuisine, ménage, entretien des vêtements, gardiennage, loisirs, etc), y compris plus de fatigue, de tension, de soucis et moins de... Ajoutons à cela les coupures dans les services sociaux, les garderies et l'éducation des adultes. Sur la scène politique, le Parti québécois a été réélu en avril 81, sa gestion et ses budgets se font de plus en plus conservateurs voir rétrogrades. Deux femmes entrent au cabinet et huit sont élues à l'Assemblée nationale ! Le débat sur le rapatriement unilatéral de la Constitution occupe les trois-quarts de la scène politique. On parle de moins en moins de souveraineté, de plus en plus de fédéralisme et de répartition des pouvoirs. Les législations visant particulièrement les femmes ont fait presque l'unanimité de ces dernières et de leurs organisations pour affirmer qu'elles étaient en deçà du minimum. On espère cependant beaucoup d'une réforme de la Charte des droits de la personne qui viserait à y inclure la possibilité de programmes d'action positive.

Cependant la rengaine de plus en plus diffusée dans les grands médias c'est que les femmes en ont eu assez. « II ne faut tout de même pas qu'elles deviennent trop égales... » Elles aussi doivent se serrer la ceinture. Madame Lise Payette est renvoyée de CJMS, son émission n'est pas populaire, elle se plaint trop et s'apitoie sur le sort des femmes qui ne sont pourtant pas tant à plaindre.

Quelque chose a tout de même attiré l'attention de plus d'une, en cette année 81, c'est la présence plus visible, plus sociale de l'Église catholique, de ses hauts-parleurs et de ses filiales par exemple de l'Association des parents catholiques du Québec, dans le débat sur l'éducation sexuelle. Plus discrète dans les années 70, l'Église déciderait-elle qu'elle intervient davantage en 80 pour préserver les valeurs que les féministes tentent de saper : autorité, famille ...?

Dans cette atmosphère on ne s'étonnera pas de voir que le mouvement ouvrier et populaire, lui, a du mal à se faire entendre, à trouver des alternatives crédibles. La période en est davantage à la recherche, à renouer des solidarités, patiemment. Certaines initiatives s'affirment tout de même : le Sommet populaire II à Montréal, un nouveau journal progressiste Presse-Libre et la naissance d'un Mouvement socialiste. Dans la gauche, les luttes des femmes, leurs revendications ont bonne presse ; le féminisme, on ne peut plus l'ignorer. Le mouvement des femmes influence toutes les couches et classes sociales, toutes les institutions aussi.

8.2 Le mouvement des femmes en 81

La dispersion et la fragmentation des groupes et des luttes ne sont pas disparues. Une partie du mouvement est en phase de recherche, de bilan et aussi de remise en question. Une autre commence à entrevoir les limites à ses revendications concernant l'égalité des femmes et des hommes dans le contexte d'une société capitaliste et patriarcale. C'est dans le domaine culturel et idéologique que les femmes s'affirment le plus, bouleversent les valeurs établies et en proposent d'autres.

8.2.1 Les luttes pour l'avortement et dans le domaine de la santé des femmes

La Coordination nationale pour l'avortement libre et gratuit (CNALG) tente, suite à la dissolution du Comité de lutte, de se réorganiser et de donner des suites à l'enquête sur la situation de l'avortement au Québec. Lors de son assemblée générale du printemps, la participation des femmes du milieu syndical et institutionnel est faible. Deux tendances se font jour. L'une privilégie de poursuivre la lutte pour l'avortement par la mise sur pied de centres de santé autonomes de femmes. L'autre suggère de poursuivre aussi la lutte pour des services d'avortement dans le réseau institutionnel, des affaires sociales. Aucune option claire ne sera prise mais beaucoup de militantes concentreront leurs énergies à mettre sur pied et à opérer des centres de santé autonomes. Actuellement on fait le bilan des actions passées et tente de préciser une stratégie d'intervention.

Sans personnel permanent, sans financement, son fonctionnement « national » est lent et difficile ; les énergies sont peu nombreuses. La CNALG sera tout de même partie prenante avec le Centre de santé des femmes du quartier, le collectif n° 1 de Montréal de L'autre parole, la revue La Vie en rose et la Fédération du Québec pour le planning des naissances, d'une déclaration sur l'avortement rendue publique immédiatement après celle des évê-ques du Québec, le 9 décembre.76 Leur position exprimée dans un communiqué : La Vie des femmes n'est pas un principe, endossé par 20 groupes de femmes en est une en « total désaccord » avec le discours des évêques et manifeste leur solidarité avec les femmes qui donnent en entretiennent la vie depuis des siècles et des siècles.

Cette déclaration a été largement diffusée et a permis que le débat sur l'avortement ne soit pas monopolisé publiquement par la droite. Un communiqué du RAIF lors de l'attentat contre le pape en mai avait aussi suscité beaucoup de commentaires dans la presse.77 Des articles d'une féministe de longue date, parus dans Le Temps Fou 78 ont lancé, par ailleurs, le débat sur les analyses et les pratiques des féministes sur la contraception. Ils remettaient en cause la surmédicalisation de la contraception et en général de la santé des femmes. L'ouverture de la clinique d'avortement du Centre de santé des femmes du quartier, centre autogéré par des femmes, a été un événement important qui soulignait la nécessité pour les femmes de contrôler des lieux offrant des services de santé pour les femmes. Deux études sur la santé des femmes ont été produites, l'une par le CSF : Essai sur la santé des femmes, l'autre par le CIRF : La Santé des femmes et leurs besoins.

L'Association pour la santé publique avec une subvention du ministère des Affaires sociales (MAS) a tenu des colloques : « Accoucher ou se faire accoucher ». Les discussions des femmes présentes convergeaient vers la nécessité de l'humanisation et de la démédicalisation des soins en périnatalité. La Corporation des médecins s'est sentie obligée de riposter, espérant tuer dans l'oeuf cette contestation et a publié à grands renforts de publicité la brochure : « Mieux accoucher, mieux naître ».79

8.2.2 Les luttes contre la violence et le viol.

Le Regroupement des maisons d'hébergement en difficulté réunissant 20 centres au Québec dont 6 à Montréal * prend position. Les maisons membres refusent leur intégration au réseau des affaires sociales, entendent garder leur entière autonomie de gestion et d'orientation mais exigent un financement statutaire adéquat.

Le colloque du YWCA en juin a permis à différents groupes de faire le point sur la harcèlement sexuel en milieu de travail et de lancer un questionnaire. Ce sujet est par ailleurs devenu une préoccupation importante des comités de condition féminine du mouvement syndical.

Le Mouvement contre le viol a poursuivi son travail d'animation dans une optique de sensibilisation et de prévention, dans le milieu scolaire (écoles secondaires, cégeps). Sans personnel permanent La Collective de Montréal a tout de même réussi à maintenir ses services de support téléphonique et de référence, les femmes sont invitées à venir discuter de la violence et du viol dans des groupes informels de support. La principale action du MCVfut l'organisation de la manifestation le 18 septembre sous le thème : La Rue, la nuit, des femmes sans peur et la tenue d'un bazar la lendemain afin d'augmenter l'autofinancement du groupe. Des projets plus permanents sont en chantier pour l'année 82.

8.2.3 Des services pour les femmes

Le CIRF continue d'offrir des services aux femmes, en particulier, il a mis sur pied un atelier de recherche de travail, il poursuit la publication de Communiqu'elles et des Pages jaunes et vient d'initier un projet pilote à l'adresse des adolescentes du quartier. Il a reçu au cours de l'année 80, 25 000 appels de femmes. Son orientation se résume ainsi : « Les femmes d'abord ».

Le groupe Relais-Femmes a produit un guide d'animation sur le projet de loi 89 et poursuit son travail de recherche et d'animation. Il possède un important centre de documentation.

Le service Consult-Action du CSF de l'île de Montréal via ses deux animatrices a soutenu la préparation et la réalisation de différentes activités. Mentionnons le colloque sur la santé mentale tenu sous le thème : « Quand les femmes se prennent en main », le colloque « Accoucher ou se faire accoucher » et enfin celui sur « Les Femmes et leur intégration au marché du travail » qui a réuni une centaine de femmes en 81. Consult-Action n'initie pas d'action mais prête un support à des activités conçues par des femmes. De plus, il produit des outils d'information et d'animation pour les groupes.

Enfin plusieurs projets de lieux de rencontres et d'information pour les femmes ont vu le jour dans différents quartiers de Montréal dont Verdun, Ville Émard, Pointe St-Charles, St-Michel.

8.2.4 Les regroupements féministes et féminins

Le RAIF est peu présent dans la région montréalaise, le Regroupement des féministes socialistes a disparu et le Regroupement des femmes québécoises n'a réuni que 25 femmes à son assemblée générale et il cherche encore comment mobiliser les femmes largement. La Fédération des femmes maintient son orientation et son type d'intervention ; elle a tenu un colloque sur la pornographie, son congrès annuel et a présenté des mémoires au gouvernement.

8.2.5 Dans les centrales syndicales,les comités des condition féminine

L'année 81 a été extrêmement active au chapitre de la condition féminine dans les trois centrales FTQ, CEQ, CSN. Célébration du 8 mars, colloques, sessions de formation, création de comités dans les syndicats, débats sur l'action positive, la syndicalisation des femmes, énoncés de politique.

À la FTQ

L'année 81 a été marquée par une plus grande prise en charge syndicale de la condition féminine. Le 8 mars a été célébré dans plusieurs lieux de travail, 25 000 macarons ont été vendus. Le printemps et l'été ont été consacrés à poursuivre le travail d'implantation de comités dans les sections locales ; plus de 5 nouveaux syndicats se sont dotés de comités, par exemple : syndicat des Métallos, Alliance de la fonction publique, syndicat des travailleurs des communications. C'est le nerf de la guerre, le pilier de l'action syndicale, la condition « sine qua non » de l'application des politiques votées par la centrale. Lors du 17e congrès, en novembre, un énoncé de politique de la FTQ sur la condition féminine a été débattu pendant près de 2 h 30 par des congressistes actifs et attentifs.80 L'action positive dans la centrale et la formation syndicale demeurent des priorités pour permettre aux femmes de faire des avancées significatives tant au niveau syndical qu'au niveau de leurs conditions de travail.

À la CSN

Le Comité de condition féminine de la CSN

a poursuivi son action sur ses quatre revendications

prioritaires auxquelles s'est ajoutée la réflexion sur des politiques de syndicalisation de la main-d'oeuvre féminine et sur les mesures d'action positive.81 Le comité a travaillé à coordonner et à soutenir davantage les comités de condition féminine des différentes instances de la CSN. Celui du Conseil central de Montréal a commencé cette année à produire pour les militantes à la condition féminine le bulletin de liaison et d'information : plus d'une. Le comité a amorcé une réflexion sur les conséquences de la crise pour les femmes et plus particulièrement sur les effets des changements technologiques dans le secteur tertiaire. Il est très préoccupé des mesures visant le temps partiel et a organisé en décembre une session de formation sur le temps partiel.

Le 8 décembre, une coalition regroupant dix organismes représentant 200 000 femmes dénonçait le piège du temps partiel. Le travail à temps partiel est un moyen de plus pour garder les femmes dans les ghettos d'emplois où elles sont mal rémunérées, peu syndiquées et soumises à des conditions de travail indécentes. Nous refusons que l'avenir des travailleuses se résume au travail à temps partiel et nous en dénonçons l'exploitation. La population (surtout les femmes) doit être sensibilisée aux menaces que représente l'institutionnalisation du temps partiel. Telles sont les raisons qui expliquent qu'une coalition ait été-formée pour organiser la riposte au temps partiel... La Coalition juge que le travail à temps partiel compromet le progrès des mentalités, l'évolution des rôles traditionnels des femmes et des hommes et le droit au plein emploi pour toutes et tous... Elle réclame que les travailleuses et travailleurs occupant actuellement des postes à temps partiel puissent bénéficier des mêmes droits et avantages que celles et ceux qui travaillent à temps plein. Elle exige que cesse la création de postes à temps partiel et que d'autres formes d'aménagement du temps de travail soient exploitées afin de répondre aux besoins de certaines catégories de travailleuses et travailleurs.82

Le Comité de condition féminine de la CSN a aussi mené plusieurs autres actions conjointes avec celui de la CEQ, du Syndicat des professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ) et de différents groupes populaires et de femmes ; mentionnons outre la préparation du 8 mars, la préparation d'une conférence de presse sur le budget Parizeau et les femmes, la présentation d'un dossier lors des élections de mai : Les femmes et les élections : notre cahier de revendications, sans oublier le travail de mise sur pied d'une table permanente de concertation sur les garderies (SOS Garderies, RGQ, AEP, CSN, CEQ, etc.) et la participation au comité sur l'implantation des garderies en milieu de travail. Le comité a mis sur pied une session de formation sur la reproduction biologique et le milieu de travail et participe à la préparation de la négociation du secteur public.

À la CEQ

Les militantes du comité ont été très actives. En plus des nombreuses actions ponctuelles déjà évoquées, menées avec d'autres groupes, deux opérations d'envergure ont été lancées. D'abord, une semaine d'intervention pédagogique sous le thème : Pour créer de nouveaux rapports femmes-hommes 83a été réalisé dans plusieurs écoles par des enseignantes et enseignants. Il est difficile de cerner complètement les effets de cette initiative au niveau des travailleuses de l'enseignement, des jeunes et du milieu. Néanmoins, personne n'est resté indifférent. Les interventions pédagogiques ont suscité beaucoup de discussions et d'échanges chez les membres, une prise de conscience chez plusieurs, tant les jeunes que les moins jeunes, une occasion pour les comités locaux de condition des femmes pour briser l'isolement. La seconde activité d'envergure fut le « Forum sur les femmes ». Dans son ensemble, le Forum a été un événement très apprécié. Il a permis à un grand nombre de personnes qui se trouvaient à différents niveaux de conscientisa-tion d'échanger et de faire des pas dans leur propre cheminement. Certains thèmes n'étant pas nouveaux, celles qui en étaient à leur première participation à une activité portant essentiellement sur la condition des femmes, se sont senties plus à l'aise ; pour celles qui militaient depuis longtemps dans le réseau des comités locaux ou qui étaient déjà sensibilisées à la cause des femmes, le fait que l'on aborde enfin des thèmes jusqu'ici négligés, la famille par exemple, a représenté un souffle nouveau.84

Depuis l'automne le comité a entrepris une réflexion sur l'action positive et des débats ont été faits dans toutes les instances de la centrale sur ce sujet. Une sensibilisation des membres sur les effets de la crise, économique sur la condition des femmes a été entreprise et l'on a commencé à travailler autour des axes de revendications pour la prochaine négociation dans le secteur public. Enfin le comité tente de renforcer son réseau d'action à l'intérieur de la centrale et pour cela mène une enquête auprès de tous les affiliés sur l'organisation de comités locaux de condition féminine.

8.2.6 Des interventions sur les conditions des femmes travailleuses

Des groupes extérieurs au mouvement syndical mènent des études, des actions et font un travail d'organisation des travailleuses. Le groupe Au bas de l'échelle poursuit son action auprès des travailleuses non-syndiquées et a fortement dénoncé la loi sur les conditions minimales de travail, loi 126, et surtout sur sa non-application. Il a publié une brochure d'information : Quand on n'est pas syndiqué sur la loi 126 et les droits des non-syndiqués. Au bas de l'échelle a aussi participé à plusieurs coalitions dont celle sur le temps partiel et celle pour une réforme du Code du Travail. Le groupe Action- travail des femmes intervient quant à lui dans le domaine de la lutte pour l'accès des femmes aux métiers non traditionnels et pour des réformes aux chartes canadienne et québécoise des droits de la personne afin d'y intégrer des programmes d'action positive. L'Association du personnel domestique poursuit son travail d'information et d'organisation des travailleuses domestiques entre autres en déposant des plaintes à la Commission des droits de la personne. La Ligue des femmes a mené une enquête sur les conditions des travailleuses dans l'industrie du vêtement à Montréal, publiée sous le titre : De fil en aiguille.

8.2.7 Pratiques dans le champ idéologique et culturel.

Notons qu'une certaine littérature féministe, celle de Marilyn French, de Marie Cardinal, d'Erica Jong par exemple, s'est diffusée très largement au Québec dans les dernières années et a suscité un grand intérêt pour les écrits des femmes. Au Québec, un certain nombre de livres de femmes, témoignages, romans, théâtre ont figuré parmi les best-sellers de l'année. Les deux maisons d'éditions féministes poursuivent leur pari de survivre et de se développer avec une infrastructure minimale. Les Éditions de la pleine lune ont lancé, entre autre un disque : La Folle du logis et des textes littéraires. Les Éditions du remue-ménage ont de nouveau publié leur calendrier, leur agenda sur le thème de l'autonomie et trois autres productions. Deux nouvelles productions d'envergure sont à paraître ; il s'agit de la collection complète de Québécoises Debouttes ! une anthologie des textes du FLF et du Centre des femmes de 1969 à 1976, et d'un ouvrage d'analyse historique sur les origines du 8 mars. Cela reflète la prise de conscience de certaines militantes féministes de la nécessité et même l'urgence d'écrire elles-mêmes l'histoire du féminisme québécois et du mouvement. L'édition de la collection des Têtes de pioche puis du livre Mon héroïne signifiait cette volonté des militantes de retrouver et d'écrire leur histoire. Le Théâtre expérimental des femmes a produit trois spectacles et a considérablement élargi son auditoire. Le Théâtre des cuisines, pour sa part a joué plusieurs fois sa pièce : As-tu vu ? les maisons s'emportent ! avant de disparaître de nouveau. Des groupes autogérés de femmes produisent films et vidéos. La galerie Powerhouse a, maintenant ses activités de même que La Librairie des femmes qui a fêté son 5e anniversaire. Une première a eu lieu en cette année 81 : le Colloque sur les femmes et l'information organisé par des femmes de la Fédération des journalistes professionnels du Québec. 800 femmes de différents secteurs, de toutes les régions du Québec ont décrit, analysé, débattu, confronté les silences et les discours sur les femmes et des femmes dans l'information.

La diffusion d'analyses, de points de vue, de réflexions et de témoignages féministes a été rendue possible par deux revues qui durant l'année 81 ont fait une percée importante dans les milieux progressistes et auprès des femmes. Des luttes et des rires a produit quatre numéros comprenant chaque fois un dossier d'envergure sur l'autonomie des femmes et du mouvement, sur la famille, sur les menstruations et sur l'argent. La revue a tenu en juin une rencontre-bilan avec ses lectrices puis le collectif a décidé d'approfondir le bilan et la recherche d'alternatives. La publication est donc temporairement en suspens, le collectif, lui, poursuit sa démarche.

La Vie en rose publie à plus de 10 000 exemplaires ; les quatre dossiers ont porté sur le salaire au travail ménager, l'éducation sexuelle, les femmes et l'information, sur la famille et la loi 89. L'équipe a bien l'intention de poursuivre son aventure. Elles expliquent ainsi leur parti-pris : « Si nous publions cette revue, c'est d'abord pour rendre visibles les révoltes, les luttes, les gestes isolés ou collectifs de femmes, ici ou ailleurs ; toutes ces démarches et ces ripostes qui alimentent ce que nous appelons le mouvement et qui appartiennent aussi, veut veut pas, à la sacro-sainte actualité... Nous voulons plutôt décoder l'information officielle - qu'il s'agisse de décisions politiques, économiques ou autres, bref de ce que le pouvoir veut bien nous dire, ou encore du spectacle décousu et lointain qui tient lieu d'actualité internationale - nous voulons la resituer sous notre angle de vision, en fonction de nos intérêts, de notre réalité».85

Conclusion

Entreprise téméraire ! Que pouvons-nous conclure de cette masse considérable de données sur les femmes, leur vie, leurs travaux, leurs luttes? Les réflexions qui surgissent de ce panorama du mouvement des femmes sont irrémédiablement placées sous le signe de l'ambivalence. Peu de constats clairs, nets, indéniables apparaissent. Combien de nuances, de questions et de modestie nous semblent nécessaire.

Suite à presque cent ans de lutte, quels progrès ? Les femmes ont commencé à revendiquer la parité salariale, au début du siècle, or en 1975, le salaire des travailleuses du Québec correspond à peu près à la moitié de celui des travailleurs. La lutte contre le harcèlement sexuel au travail a été entreprise aussi, il y a 75 ans ; aujourd'hui, des groupes de femmes et une partie du mouvement syndical s'en préoccupent activement considérant l'ampleur du fléau ! Les revendications du premier groupe de femmes en 1893 pour l'établissement de garderies, pour la pleine participation des femmes aux institutions sociales et politiques font encore partie des plateformes du mouvement des femmes et malgré des avancées, le chemin à parcourir est encore immense. Enfin, si globalement on peut noter une amélioration des conditions de travail des ouvrières et employées de bureau au chapitre de la santé et de la sécurité, les employées du vêtement et des abattoirs par exemple travaillent encore dans des conditions révoltantes, mais cela ne fait pas partie des priorités du gouvernement. En 1978, dans son rapport, le Conseil du statut de la femme expliquait qu'il ne traiterait pas de la santé des femmes au travail puisque le gouvernement québécois préparait une loi sur la santé et sécurité au travail. Or dans le Le Livre blanc du gouvernement (à l'origine de la loi 17) sept lignes sont consacrées aux femmes ; elles sont discriminatoires et remettent en cause le droit réel des femmes au marché du travail.

Cependant les luttes des femmes ont tout de même permis que la condition féminine soit moins oppressante, plus vivable ; mentionnons l'accès à l'éducation, a différents services sociaux et surtout à la contraception qui a substantiellement changé la vie quotidienne de milliers de femmes, les rendant partiellement plus autonomes sans pour autant éliminer certaines pièges. L'actuelle crise économique, on le sait, remet en cause la plupart des acquis des femmes quant à leurs droits et pouvoirs. Elle exige des femmes une vigilance, une ruse et une force considérable. Par exemple, qu'adviendra-t-il de la sacro-sainte institution familiale en cette période de crise? La crise de la famille se poursuivra-t-elle ou, comme l'ont noté les féministes italiennes, la famille se reconsolidera-t-elle, constituant le seul lieu encore possible de solidarité émotive dans la société.

Les constatations qui précèdent sur l'évolution de la condition féminine se vérifient sans doute dans les pays occidentaux industrialisés, c'est plutôt les formes et les étapes des luttes des femmes qui renvoient à des spécificités nationales. En effet le mouvement des femmes au Québec a une histoire particulière où « la question nationale » intervient fortement. Nous l'avons vu, ce sont des anglophones qui ont été à l'avant-garde des revendications concernant les femmes au siècle dernier et ce sont des femmes anglophones de Montréal qui ont impulsé un nouveau féminisme donnant naissance au FLF, où francophones et anglophones militaient ensemble dans un rapport contradictoire et où émancipation des unes et domination des autres ne se départagent pas facilement. Par contre, ce qui est clair au cours de toute l'histoire du mouvement des femmes d'ici, c'est le frein qu'a constitué le nationalisme conservateur, catholique et chauvin qui a été celui des élites canadiennes-françaises jusqu'à maintenant. Nous n'élaborerons pas ici sur les ambiguïtés du nationalisme québécois. Rappelons plutôt sa capacité de mobilisation à différentes occasions dans des luttes pour des changements sociaux en profondeur, au profit de la majorité des hommes et des femmes du peuple. Le FLF est aussi issu du mouvement national, cela en fit sa force et peut-être aussi une partie de sa faiblesse. Depuis, le mouvement des femmes dans toutes ses composantes est traversé par l'ensemble des contradictions d'un mouvement ancré résolument dans la réalité de la nation québécoise dominée et opprimée, ayant comme réfèrent la société québécoise et son État tronqué.

Ce dernier, au nom de son statut de dominé dans la Confédération canadienne, a exigé et exige encore des femmes des concessions ; nous pensons au moment du référendum ou au récent débat constitutionnel. Cette question nationale pour un temps mise au rang des « contradictions secondaires » par le mouvement des femmes et par les féministes, n'en constitue pas moins une partie essentielle de la réalité sociale qui, même mise entre parenthèses formellement, intervient et conditionne les capacités de lutte du mouvement.

Mais enfin, ce ne sont pas d'abord les contradictions et les limites du mouvement qui captent l'attention à la lecture du document mais plutôt sa formidable vitalité et sa résonance dans toutes les dimensions de nos vies. Le mouvement des femmes est un mouvement social qui a touché l'ensemble des couches et des classes de la société, de façon irréversible pour les femmes dont il a modifié les mentalités et les comportements. Jusqu'où et dans quels sens? Avec quelles conséquences sur la remise en cause de l'ordre établi, avec quelle force de subversion ? Ici, les féministes feraient entendre leur refus de prétendre à une synthèse des acquis et des perspectives d'un mouvement vivant et qui précisément récuse cette volonté cartésienne et masculine de dominer la réalité en la synthétisant avec un langage sécurisant mais combien réducteur. Toutefois, nous affirmerons que le mouvement des femmes au Québec dans ces dernières années a constitué l'une des principales forces de contestation du pouvoir et de changements, permettant même l'éclosion d'autres mouvements de luttes, par exemple le mouvement pour les droits des homosexuels, hommes et femmes.

En effet le féminisme a levé le voile sur ce que la religion, l'école, la famille, la médecine et l'État avaient tenté de cacher, à savoir le corps et plus encore sa formidable capacité de jouissance et de plaisir. Revendiquer la connaissance de nos corps pour pouvoir en disposer librement, c'est non seulement s'attaquer à la division entre le privé et le public mais encore ajouter au principe de la réalité : celui du plaisir.

Cela, on en conviendra, sied peu aux rapports marchands du capitalisme, de même qu'à la logique profondément productiviste des marxistes (avec, ou contre Marx?). Le marxisme opère une division fondamentale entre producteurs et non producteurs, ayant une vision étroite de la production, renvoyant la production et la reproduction de l'espèce à la sphère non marchande, donc privée. Il a été incapable d'intégrer le travail des femmes qu'on appelle domestique ou ménager et les femmes elles-mêmes à sa problématique révolutionnaire. C'est au prix de combien d'énergie et de courage que des féministes québécoises parlent depuis 1972 de la production domestique, au risque d'exclusion de la gauche ou d'une tolérance agacée qui commence à peine à devenir une préoccupation et à susciter des débats importants. La gauche du mouvement ouvrier et populaire et la gauche politique organisée n'ont-elles pas été plus lentes à se saisir de cet apport du féminisme que des milliers de ménagères défendant leur pouvoir, celui de leur travail, tout en revendiquant qu'il soit reconnu et non obligatoire?

Enfin, soulignons un troisième apport du féminisme, c'est la critique du pouvoir, de la hiérarchie et de la politique. Par rapport aux revendications historiques du mouvement des femmes pour des droits politiques égaux et pour l'accès aux différents appareils de pouvoir, les féministes ont soulevé d'une part les limites de la stratégie de l'intégration au pouvoir mâle comme stratégie de changement et de l'autre ont développé des lieux autonomes de pouvoir et des formes d'organisations moins hiérarchiques et plus collectives. Par ailleurs ces formes alternatives de pouvoir et cette marginalité par rapport au pouvoir mâle garantissent-elles que le féminisme émerge aussi comme une force politique capable de mobiliser largement, de déranger, de gagner? N'est-il pas nécessaire d'en arriver à une théorisation de la place des femmes dans la société et à des stratégies de luttes contre notre oppression ?

Le débat commence à peine. Plusieurs autres sont en cours sur les revendications à développer, sur les pièges de la récupération, sur les conditions à mettre en place pour une plus grande solidarité et concertation entre l'ensemble des composantes du mouvement.

Faut-il conclure ?

Annexe : Chronologie des principaux événements du mouvement des femmes de 1968 à 1981

1968 :

octobre

- production de la brochure : The Birth Control Handbook

- fondation du Montreal Women's Liberation Movement (M.W.L.M.)

1969 :

octobre

- manifestation de 200 femmes contre le règlement antimanifestation de l'administration Drapeau-Saulnier ; suite à cette manifestation : création du F.L.F. ; Morgentaler débute sa pratique d'avortement

1970 :

- création d'un service de référence des femmes du F.L.F, et du M.W.L.M.

février

- parution de la 1re édition française du Birth Control Handbook sous le titre Pour un contrôle des naissances

6 mai

- Caravane nationale pour l'avortement à Ottawa

1971 :

juin

- le F.L.F, diffuse le Manifeste des femmes québécoises et le 1er numéro de Québécoises Debouttes! (nov. 71) - 1re arrestation de Morgentaler pour pratique d'avortement illégal

décembre

- disparition du F.L.F.

1972:

janvier

- création du Centre des femmes reparution de Québécoises Debouttes! (9 numéros en 15 mois)

septembre

- parution du Manifeste pour une politique de planification des naissances - le Centre de Planning familial du Québec publie : 100 femmes devant l'avortement

1975:

25 mars printemps

- la Cour suprême déclare Morgentaler coupable - l'A.C.A.L.A. organise une manifestation (500 personnes) pour exiger la libération de Morgentaler

25 juin

- perquisition au local du Comité de lutte, et détention illégale de cinq militantes pour fin d'interrogatoire

juin

- formation du Centre de documentation féministe

août

- création par le Théâtre des cuisines, Moman travaille pas, a trop d'ouvrage

septembre

- mise sur pied du Centre de santé des femmes du quartier Plateau Mont-Royal

automne 15 octobre

- formation de l'Intergroupe - ouverture de la Librairie des femmes d'ici ; mise sur pied des Éditions de la pleine lune ; à la F.T.Q. : présentation du document Le Combat syndical et les femmes; mise sur pied d'Au bas de l'échelle

1976:

mars

- sortie du 1er numéro de Têtes de pioche; à l'Université de Montréal : dix jours pour 10 ans de lutte des femmes.

avril

- création du groupe inter-disciplinaire pour l'enseignement et la recherche sur la condition féminine (G.I.E.R.C.F.)

mai

- création des Editions du Remue-Ménage


août

- document du comité de condition féminine de la C.E.Q. : Stéréotypes sexistes dans l'éducation

septembre

- 1er spectacle des femmes du T.E.M. : Essai en trois mouvements pour trois voix de femmes

novembre

- expulsion de cinq femmes du Comité de lutte - création d'Action Travail des femmes

1977:

février

- ouverture du local de Coop-femmes

mars

- parution du document de la Ligue communiste : Contre le féminisme ! Lions la lutte pour nos droits à la lutte pour le socialisme

2 avril

- manifestation de 2000 personnes suite au manifeste Nous aurons les enfants que nous voulons signé par 25 groupes de femmes

1977:

juin

- 1er numéro de Pluri-Elles qui deviendra Des Luttes et des rires de femmes en 78 ; autre pièce de la Maison des femmesFinalement

été

- ouverture de la Maison des femmes

sept-oct

- création du groupe musical Arcanson

automne

- fin de l'Intergroupe ; ouverture d'Assistance aux femmes

1978:

28-29 janvier

- Assises nationales sur l'avortement et fondation de la Coordination nationale (26 groupes et organismes) :

mars

- constitution du Collectif d'Auto-Santé des femmes ; document du comité Laure-Gaudreault : Les Absentes n'ont pas tous les torts...

17 au 22 avril

- semaine d'Action nationale sur l'avortement et la contraception et publication du dossier C'est à nous de décider, ainsi qu'une manifestation à Québec (1000 personnes)

mars

- création du Comité-Femmes de Tanguay

mai

- pièce À ma mère, à ma mère, à ma mère, à ma voisine créée par les femmes du T.E.M. ; Création d'un Centre de Ressources-Informations des femmes

juin

- rapport du comité de condition féminine à la C.S.N. : La Lutte des femmes : pour le droit au travail social; fermeture de la Maison des femmes; 1er congrès d'orientation du Regroupement des femmes québécoises (R.F.Q.)

juin

- manifestation au carré Philips contre l'enlèvement de Dalila Z. Maschino

19 juillet

- création du Comité pour la libération de Dalila Z. Maschino

août

- fermeture du C.A.V.V.

30 sept, et 1er oct.

- colloque visant à prendre position face aux cliniques Lazure, et adoption d'une plateforme; mise sur pied du Regroupement des centres d'hébergement pour femmes en difficulté.

automne

- publication de Pour les Québécoises : égalité et indépendance, C.S.F.

7 novembre

- piquetage de 200 personnes devant lie théâtre St-Denis contre le groupe « Battered Wives », arrestations. ; mise sur pied de l'Institut Simone de Beauvoir à l'université Concordia.

décembre

- Tract femmes, réflexions des comédiennes de T.E.M. publiées aux Éditions du Remue-Ménage

1979:

février

- naissance du Théâtre expérimental des femmes (T.E.F.)

3 mars:

- États Généraux I des travailleuses salariées québécoises convoqués par la C.S.N, et la C.E.Q.

31 mars

- manifestation de 2500 personnes à Montréal dans le cadre de la 1re journée internationale pour l'avortement

mai

- publication d'un bulletin de la C.N.A.L.G. et amorce d'un travail d'enquête sur l'implantation des cliniques Lazure

juin

- action de la C.N.A.L.G. contre Pro-Vie; création de la Collective de Montréal du mouvement contre le viol ; dernier numéro de Têtes de pioche

juillet

- création du T.E.F. : La peur surtout

30 sept., 1er et 2 oct.

- colloque à la F.T.Q, sous le thème « Une double exploitation... une seule lutte »

octobre

- colloque de la Coordination nationale sur les enquêtes faites sur les cliniques Lazure

1980:

3 novembre

- États Généraux II - disparition du Comité de lutte

février

- formation de Relais-Femmes

février-mars

- pièce du T.E.F. : Parce que c'est la nuit; le Théâtre des cuisines renaît et présente As-tu vu ? les maisons s'emportent !

printemps

- conférence de presse lors de la publication des résultats de l'en­quête sur les cliniques Lazure : L'Avortement : la résistance tran­quille du pouvoir hospitalier

mars

- 1er numéro de La Vie en Rosé

9 mars

- discours référendaire de Lise Payette où elle associe l'épouse de C. Ryan à l'Yvette des manuels scolaires.

7 avril

- Assemblée des « Yvettes » au Forum de Montréal, 14 à 15 000 femmes

25 avril

- Rassemblement pour le 40e anniversaire de l'obtention du droit de vote pour les femmes ; 15 000 personnes rassemblées Place Desjar­dins par le Comité des Québécoises pour le OUI ; 1000 personnes sur invitation au Cégep du Vieux Montréal invitées par le comité des amies de Thérèse Casgrain.

2 août

- manifestation sur le thème : « La nuit nous appartient »

8 déc.

- le Théâtre expérimental des femmes commence sa série de confé­rences du lundi sur « Mon héroïne ».

1981 :

janvier

- manifestation conjointe contre le concours Miss Laval ; le CIRF fête son 8e anniversaire.

7 mars

- manifestation pour célébrer la journée internationale des Femmes - L'Escouade de la couleur sera de la partie avec la chevauchée rosé.

mars

- Journée à l'UQAM; semaine d'activités pédagogiques de la CEQ dans les écoles ; La Vie en Rosé fête son 1er anniversaire et paraît seule, avec un dossier sur « Le Salaire au travail ménager ». ; débat sur le rapport du comité de la condition féminine de la C.S.N. ; Assemblée générale du RFQ ; colloque sur la pornographie organisé par la FFQ. ; congrès de la FFQ.

avril

- le TEF présente La Lumière blanche ; congrès de la Ligue des fem­mes ; Forum des femmes organisé par la CEQ.

mai

- suite à l'attentat contre la pape télégramme du RAIF dénonçant ses positions sur l'avortement - « l'affaire » fait les manchettes

16 mai

- Journée internationale pour l'Avortement - Ouverture de la clinique d'avortement au Centre de Santé des femmes du quartier : fête du Centre.

juin

- Conférence publique et séminaire sur le harcèlement sexuel au tra­vail - lancement d'un questionnaire par le YWCA

18 septembre.

- manifestatioan contre la violence faite aux femmes.

oct.

- suspension de la revue féministe : Des Luttes et des rires; célébra­tion du 5e anniversaire de la Librairie des femmes ; (première appari­tion du groupe Wondeur Brass).

oct.

- colloque de la FPJQ sur « l'information et les femmes » ; parution du périodique Féminin Pluriel

nov.

- forum des femmes de l'ANEQ; déclaration du Regroupement des maisons d'hébergement pour femmes en difficulté au sujet des politi­ques du MAS.

9 déc.

- Conférence de presse des évêques catholiques à propos de l'avorte­ment - Réaction de 4 groupes de femmes et de la Fédération du Québec pour le planning des naissances par une contre-conférence de presse ; Audience du tribunal de la commission canadienne des droits de la personne pour statuer sur l'imposition d'un programme d'action positive au Canadien national - lutte menée par Action Tra­vail des femmes.

Sigles

A.C.A.L.A. : Association canadienne pour l'abrogation de la loi surl'avortement.

A.D.D.S. : Association de défense des droits sociaux.

A.D.G.Q. : Association pour la défense de la communauté gaie du Québec.

A.F.E.A.S. : Association féminine d'éducation et d'action sociale.

C.A.V.V. : Centre d'aide aux victimes du viol.

C.I.C. : Comité inter-centrales de la condition féminine.

C.I.R.F. : Centre d'information et de références pour femmes.

C.L.A.C.L.G. : Comité de lutte pour l'avortement et la contraception libres etgratuits.

C.N.A.L.G. : Coordination nationale pour l'avortement libre et gratuit.

C.R.I. : Centre de ressources-informations (des femmes)

C.S.F. : Conseil du statut de la femme.

F.C.A.L.A. : Fédération canadienne pour l'abrogation de la loi surl'avortement.

F.F.Q. : Fédération des femmes du Québec.

F.L.F. : Front de libération des femmes du Québec.

G.I.E.R.C.F. : Groupe inter-disciplinaire pour l'enseignement et la recherche surla condition féminine

L.F.Q. : Ligue des femmes du Québec.

M.C.F. : Mouvement contre le viol.

M.L.C.W. : Montreal Local Council of Women.

M.L.F. : Mouvement de libération des femmes.

M.W.L.M. : Montreal Women Liberation Movement.

N.C.W.C. : National Council of Women of Canada.

R.A.I.F. : Réseau d'action et d'information pour les femmes.

R.F.Q. : Regroupement des femmes québécoises.

T.E.F. : Théâtre expérimental des femmes.

Index

AFEAS : 25, 32, 44, 55,

CAVV : 47, 48, 49

CEQ : 33, 34, 35, 42, 43, 60, 61, 62, 65, 66

Centre des femmes : 8, 34, 35, 36, 41, 51, 54, 68

Centre de santé des femmes du quartier : 41, 45, 46, 53, 64 '

CIC : 43, 61

CIRF : 33, 47, 55, 65

CLACLG : 36, 41, 45, 46, 52, 53, 55, 59, 60, 61, 64

CNALG : 9, 41, 45, 46, 59, 64

CSF : 9, 24, 32, 39, 40, 55, 65

ÇSN : 21, 23, 33, 34, 35, 43, 44, 51, 60, 61, 65, 66

Éditions du remue ménage : 41, 45, 46, 51, 53, 54, 67

F.F.Q. : 25, 32, 44, 55, 66

F.L.F. : 8, 27, 29, 30, 34, 68

FTQ, Comité de condition féminine : 33, 35, 41, 42, 61, 62, 66

LF.Q. : 21, 32, 67

L.T.P. : 8, 40, 51, 52, 68

L.V.R. : 52, 53, 65, 68

M.C.V. : 49, 50, 65

Pluri-Elles/Des luttes et des rires de femmes : 52, 53, 55, 59, 60, 68

RAIF : 33, 48, 65, 66

RFQ : 50, 51, 57, 66

Théâtre des cuisines : 35, 36, 41, 45, 53, 54, 60, 68

Théâtre expérimental des femmes : 49, 54

N.B. : Pour la liste exhaustive des groupes de femmes de la région montréalaise, consulter le Répertoire régional des groupes de femmes, 1981, C.S.F., 1981, 30 p.

Bibliographie

Geneviève Auger et Raymonde Lamothe, De la poêle à frire à la ligne de feu, Boréal Express, éd. 1981, 235 p.

Francine, Barry, Le Travail de la femme au Québec, L'évolution de 1940 à 1970, Les Presses de l'université du Québec, 1977, 80 p.

Claire Brassard, « Le Référendum de mai et les groupes féministes » dans L'Impasse, Éd. Nouvelle Optique, 1980, 14 p.

Yolande Cohen, sous la direction de - Femmes et politique, Le Jour, Éditeur, 1981, 227 p. Collectif - L'analyse socio-économique de la ménagère québécoise, 1972, ronéotypé, 287 p. C.S.F., Pour les Québécoises, égalité et indépendance, Gouvernement du Québec, Éd. officiel du Québec, 1978, 335 p. et appendices.

C.S.N. et C.E.Q., Histoire du mouvement ouvrier au Québec (1825-1976), Coédition C.S.N., C.E.Q., 1979, 230 p.

Francine Descarries-Bélanger, L'École rose...et les cols roses, Éd. Coop Albert St-Martin et C.E.Q., 1980, 128 p.

M. Désy, M. Ferland, B. Lévesque, Y. Vaillancourt, La Conjoncture au Québec au début des années 80, Éd. La Librairie socialiste de l'Est du Québec, 1980, 200 p.

Mona-Josée Gagnon, Les Femmes vues par le Québec des hommes, Éd. du Jour, Montréal, 1974.

Martine Lanctôt, La Genèse et l'évolution du mouvement de libération des femmes à Montréal, 1969-1979, Mémoire présenté à l'UQAM, déc. 1980, 207 p.

Les Têtes de pioche, collection-complète, Éd. du Remue-Ménage, 1980, 207 p.

Collectif, Mont héroïne - les lundi de l'histoire des femmes an 1, Les Éditions du remue-ménage, 1981, 24 p.

Collectif, « Le mouvement des femmes au Québec », in Politique aujourd'hui, mai 1978, 13 p.

Yolande Pinard, Le Féminisme à Montréal au début du XXe siècle, thèse de maîtrise, U.Q.A.M., 1977.

Hermine Cordeau, Notes historiques sur la femme au Québec, Montréal, 1972. Michèle Jean, Québécoises du XXe siècle, Éditions du jour, 1974.

PUBLICATIONS DISPONIBLES

Le mouvement des femmes au Québec fait de plus en plus parler de lui. On en parle beaucoup, mais de quoi parle-t- on ? Si on constate facilement un foisonnement de groupes de luttes et de revendications concernant les femmes, par ailleurs on a du mal à en saisir les acquis et les perspecti ves, de même que l'ensemble des contradictions qui le traversent.

Ce document réunit les principales informations sur le mou-vement des femmes, sur ses organisations et sur ses activi tés. C'est un instrument indispensable d'informations et de références à l'intention des personnes préoccupées par les enjeux et l'évolution du mouvement des femmes.

Afin de ne pas oublier que l'histoire des luttes des femmes québécoises ne date par d'hier, nous sommes remontéesjusqu'en 1893, date de la fondation du premier groupe de femmes.

NOTES

1 Micheline Dumont-Johnson : « Histoire de la condition de la femme dans la province de Québec » dans : Tradition culturelle et histoire politique de la femme au Canada, Information Canada, 1972, 57 p.

2 Marie Lavigne, et Yolande Pinard, Les Femmes dans la société québécoise Étude d'histoire du Québec, Éditions du Boréal Express, 1977, 214 p., chapitre «Ouvrières et travailleuses montréalaises - 1900-1940 » par Marie Lavigne et Jennifer Stoddart.

3 op. cit., « La Fédération nationale St-Jean Baptiste etles revendications féministes au début du 20e siècle,par Marie Lavigne, Yolande Pinard et Jennifer Stoddart.

4 op. cit., « Les Femmes et la vie politique au Québec »par Francine Fournier.

5 Cette première partie est inspirée de l'article : « Dela poêle à frire jusqu'à la ligne de feu » in : La Vie enRose, n°2, 1980.

6 Le reste de cette partie sur le travail féminin est inspiré du livre de Francine Barry, Le Travail de la femmeau Québec, L'Évolution de 1940 à 1970, Les Pressesde l'université du Québec, 1977, 80 p.

7Francine Barry, op. cit.

8 L'Histoire des grèves est tirée de Histoire du syndicalisme au Canada et au Québec 1827-1959 par Charles Lipton, Parti-Pris, 1976, 500 p.

9 Marie Lavigne... op. cit. « Les Femmes dans le mouvement syndical québécois » par Mona-Josée Gagnon.

10 Francine Barry, op. cit.

11 Jean Marchand, « Rapport du président général dela C.S.N. », Procès-verbal de la C.S.N., 1964, p. 7.

12 Voir CFP. : Le Mouvement ouvrier québécois et ses revendications à propos de la question nationale, avril 1979, 22 p.

13 A.P.N.M., historique, 18 janvier 81, ronéotypé.

14 « Le Mouvement des femmes au Québec », in : Politique aujourd'hui, n° 7-8, 1978.

15 C.E.Q., Le Droit au travail social pour toutes les femmes, A80-C02 1980, 43 p.

16 Francine Descarries-Bélanger, L'École rose...et lescols roses, Éd. coop Albert St-Martin et C.E.Q., 1980,128 p.

17 Le Travail à temps partiel, Colette Bernier et HélèneDavid, I.R.A.T., bulletin n°12, avril 78.

18 Pour les Québécoises, égalité et indépendance,C.S.F., Gouvernement du Québec , Éd. officiel duQuébec, 1978, 335 p. et appendices.

19 Agenda 78, Éd. Remue-Ménage.

20 Pour les Québécoises, égalité et indépendance,C.S.F., Gouvernement du Québec, Éd. officiel duQuébec, 1978, 335 p. et appendices.

21 Agenda 79, Éd. Remue-Ménage.

22 Ibid.

23 Fédération pour le planning des naissances duCanada, dépliant « Avoir des enfants c'est vieuxcomme le monde, planifier leurs naissances, c'est nouveau ».

* Mentionnons que de 51 à 71, la population canadienne passe de 14 millions à 21,5 millions environ.

24 Voir note 19.

25 Claire Brassard, Le Référendum de mai et les groupes féministes, in L'Impasse, Éd. Nouvelle Optique,1980, 14 p.

26 Pour une étude du FLF, voir le chapitre II du mémoirede M. Lanctôt.

27 Voir note 19.

28 Voir note 19.

29 Marie Savard, « Le Raif et le changement social », inPossibles, vol. 4 n°1, automne 79.

30 Mona-Josée Gagnon, Le Comité sur la condition féminine de la F.T.Q. : le passé et l'avenir, juin 76.

31 C.E.Q., Le Droit au travail social pour toutes les femmes, A80-C02 1980, 43 p.

32 F.Q.P.N., Présentation historique de la F.Q.P.N., ronéotypé, 4 novembre 76.

* La Fédération québécoise a été mise sur pied par la Fédération canadienne (FCPN) suite à la démission de Serge Mongeau et à la désaffiliation du Centre de planning en décembre 71 de la FCPN ; pour des motifs politiques rattachés à la question nationale. La FCPN a décidé de former une fédération pour le Québec et d'y consacrer 52 500 $. Elle avait obtenu, au cours de cette année-là, un budget de

400 000 $ du gouvernement fédéral afin de mettre sur pied un programme en planning. La FQPN participe dès sa fondation à la Fédération canadienne mais deux obstacles majeurs rendront cette participation difficile : le bilinguisme et les conceptions différentes relatives aux notions de planning des naissances et de contrôle de la population.

33 CSF, Syndicalisation : droit à acquérir, outil à conquérir, 1981, 275 p.

34 M. Désy, M. Ferland, B. Lévesque, Y. Vaillancourt, LaConjoncture au Québec au début des années 80, Éd.La Librairie socialiste de l'est du Québec, 1980, 200 p.

35 Le Devoir, 28 juin 78.

36 36 Le Devoir, 2 octobre 79.

* Ce courant identifie le système patriarcal comme le fondement de l'oppression des femmes et considère que cette oppression est antérieure à toutes les autres, par exemple à l'oppression de classe. L'oppression des femmes est l'oppression fondamentale et elle est rattachée à leurs fonctions reproductrices. Les rapports hommes/femmes inspirés par la culture patriarcale sont universels et existent dans tous les systèmes économiques et politiques depuis des siècles.

* Par travail social, on désignait le travail reconnu comme tel par la société, c'est-à-dire rémunéré. Cette notion visait à montrer la particularité du travail salarié (celui qui est reconnu socialement) alors que le travail ménager n'est pas reconnu socialement, il est gratuit.

37 Carole Vallières, « Le Comité de lutte et ses prédécesseurs : presque 10 ans d'histoire », in : Des luttes et des rires de femmes, vol. 2 n°2, déc. 78 et janv. 79.

* Ce meeting, tenu à Montréal dans le cadre de l'Année internationale de l'enfant, avait pour thème :« la fête... Laissez venir l'enfant...fêtons-le !»

38 Texte de présentation du Centre de santé des femmes du quartier, été 78.

** II vise 1) la prise en charge par les femmes de leur santé, 2) à offrir un service de médecine générale le plus diversifié possible selon les besoins des usagères et les possibilités du Centre, 3) à développer un travail d'information sur la santé et de conscientisation sur les conditions de vie et de travail des femmes. Il lutte pour le droit des femmes à une maternité librement choisie, particulièrement pour la contraception et l'avortement libres et gratuits. Le Centre appuie tous ceux et celles qui luttent pour leurs droits démocratiques et contre la détérioration de leurs conditions de vie et de travail.

39 Pluri-Elles, vol. 1 n°4 (fév.-mars 78) et Des luttes etdes rires de femmes, vol. 2 n°2 (déc. 78)

40 Têtes de pioche, vol. 3 n°3.

41 Pluri-Elles, vol. 1 n°1 (juin 77).

42 Des luttes et des rires de femmes, vol. 3 n°4, avril-mai 80.

43 Bilan du Centre d'aide aux victimes de viol de Montréal, avril 79, texte ronéotypé.

* Assez rapidement, suite à sa mise sur pied, le Cen tre de Montréal sera en contact avec d'autres cen tres au Canada. Lors d'une conférence pan-canadienne, en 77, les Centres décident de formaliser la mise en place de l'Association canadienne des Centres d'aide aux victimes du viol. Entre 76 et 78, le nombre des centres qui se développent et adhèrent à l'Association canadienne quintuple ; au printemps 78 il en existe 30 répartis à travers le Canada. Par ailleurs, les Centres sont aussi regroupés en association ou en coalition sur une base provinciale et sur une base régionale (les Maritimes, le Québec, l'Outaouais, les Prairies, la Colombie britannique). À la fin avril 78, l'Association nationale organise une autre conférence pan-canadienne sur le viol, l'objectif étant de préciser le consensus sur les buts à poursuivre et les actions à mener.

** Assistance aux femmes et Centre Refuge sont nés au cours de l'année 77 et Auberge Transition a été mise sur pied à peu près à cette même période. Assistance aux femmes est né de l'initiative de deux féministes anglophones et d'une francophone. Centre Refuge a été mis sur pied par des femmes de l'ancien Centre de la femme nouvelle et Auberge Transition par des femmes proches du YWCA.

44 Pluri-Elles, vol. 2 n°1, oct-nov 78.

45 Pluri-Elles, vol. 2 n°2, déc. 78 janv. 79.

46 Pluri-Elles, vol 4 n°2, déc. 80 janv. 81.

47 Possibles, vol. 4 n°1, automne 79.

* « Le viol est un acte de violence, de domination et de haine. C'est une prise de possession, une intrusion et une atteinte à la liberté. Le viol n'est pas un acte sexuel bien qu'il en prenne la forme. Par la menace, nous les femmes apprenons toutes que nous avons une place et un rôle déterminés par la société patriarcale et capitaliste. Le viol est un révélateur du rapport de force inégalitaire qui existe entre les femmes et les hommes dans notre société. Ce type de société est basé sur l'inégalité des sexes et des classes. Le viol est donc quotidien. Partout les femmes se font rappeler qu'elles sont la propriété des hommes. Le viol, c'est un « reste à ta place » qui maintient et révèle l'état de dépendance, de soumission de peur et d'impuissance des femmes. » (Texte interne, Anne Michaud pour le MCV). tiré de la revue Des Luttes et des Rires, vol IV, n°2.

48 Pluri-Elles, vol. 3 n°5, juin, juillet et août 80.

49 fêtes de pioche, vol. 2 n°9, vol. 3 n°1.

* L'ADGQ est le seul groupe militant qui lutte contre la répression faite aux homosexuels ; on y retrouve toutefois peu de femmes. Les féministes lesbiennes de Montréal s'insèrent plutôt dans les groupes de femmes.

50 Des luttes et des rires de femmes, vol. III n°4.

51 Des luttes et des rires de femmes, vol. 2 n°4 et vol2 n°5.

* Mentionnons enfin le Comité de soutien aux Accusés du truxxx composé de gais et lesbiennes, formé pour appuyer les personnes arrêtés pendant la descente de police, en octobre 78, dans ce bar gai. Le 18 mars 79, une fête de solidarité a été organisée pour ramasser des fonds pour la défense des accusés, pour soutenir leur lutte, pour fêter l'insertion d'un article concernant la liberté d'orientation sexuelle dans la Charte des droits de la personne et pour fournir une occasion de rencontre.

52 Pluri-Elles, vol. n°4.

53 Des luttes et des rires de femmes, vol. 3 n°5.

54 Les Têtes de pioche, Éditions du Remue-Ménage,1980, 207 p.

55 Chronique, n°6, février 77.

56 Pluri-Elles, vol. 1 n°4.

57 Des luttes et des rires de femmes, vol. 3 n°5, Têtesde pioche, n°5, sept. 76.

58 Offensives communautaires et culturelles, vol. n°2.

59 Ibid, voir note 58.

60 Possibles, vol. 4 n°1, automne 79.

61 Possibles, vol. 4 n°1, automne 79.

62 Têtes de pioche, numéro double vol. 2 n°9 et vol. 3n°1, février/mars 78.

63 Des luttes et des rires de femmes, vol. 2, n°5.

64 Des luttes et des rires de femmes, vol. 4 n°2, décembre 80-janvier 81.

65 Possibles, vol. 4 n°1.

66 Têtes de pioche, vol. 2 n°9, vol. 3 n°1.

67 La Gazette des femmes, vol. 2 n°6.

68 Le Devoir, 3 décembre 80.

69 Pluri-Elles, vol. 1 n°5, printemps 78.

70 Possibles, vol. 4 n°1, automne 79.

71 Pluri-Elles, vol. 1 n°4.

72 Pluri-Elles, vol. 1 n°6.

73 Pluri-Elles, vol. 2 n°1, oct/nov. 78.

74 Discours du 8 mars 1976, ronéotypé.

75 Des luttes et des rires de femmes, vol. 2 n°4, mai-juin 79.

76 Le Devoir, 10 et 11 décembre 81 ; Presse-Libre, n°9,15 déc. 81.

77 La Presse, 16 mai 81.

78 Le Temps fou, n° 13-14-15.

79 La Vie en rose, mars, avril, mai 81.

* Les centres de Montréal sont Assistance aux femmes, Auberge transition, Centre refuge, L'Escale pour elles, Le Réconfort et Refuge de l'île West.

80 F.T.Q, Déclaration de politique de la FTQ sur la condition féminine, 17e congrès de la FTQ, nov. 81, Montréal, 14 p.

81 CSN, La Lutte des femmes, une lutte pemanente,une lutte collective, rapport du comité de la conditionféminine 81, 67 p.

82 Communiqué de presse, 8 décembre, CSN/CEQ.

83 CEQ, Pour créer de nouveaux rapports femmes-hommes, Semaine d'intervention pédagogique du 1erau 8 mars 81, D7926, fév. 81, 222 p.

84 Rapport du comité de la condition des femmes, CEQ,A8081, CG110.

85 La Vie en rose, sept, oct., nov. 81.

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