RECOMMANDATIONS DE L'ASSOCIATION FEMININE D'EDUCATION

ET D'ACTION SOCIALE

PRESENTEES LORS DE LA

CONSULTATION PREBUDGETAIRE 1989

Rédigé par:

Michelle Houle-Ouellet

Chargée du plan d'action


Siège social: 5999 rue De Marseille Montréal,  H1N 1K6. Tél.: 514 251-1636


Février 1989


PRESENTATION   DE   L'AFEAS

L'Association Féminine d'Education et d'Action Sociale (AFEAS) regroupe 30 000 femmes dans 600 cercles locaux à travers le Qué­bec. L'AFEAS poursuit deux buts principaux: l'éducation et l'ac­tion sociale. L'association propose chaque année un programme d'études mensuelles à ses membres. C'est ainsi que, par une prise de conscience à la fois individuelle et collective, elle contribue à améliorer les conditions de vie des femmes et celles de la société. L'AFEAS incite par ailleurs ses membres à engager des actions concrètes dans leur milieu en vue d'un réel changement social.

Les positions de l'AFEAS sont toujours prises par ses membres. Les résolutions doivent d'abord être adoptées au cercle local avant d'être acheminées au niveau régional pour étude et vote à l'occa­sion des treize congrès régionaux. Ce processus se répète au palier provincial; l'assemblée générale annuelle d'août en consti­tue l'étape décisionnelle. C'est ainsi, forte de la volonté de ses membres, que l'AFEAS détermine ses positions, les revendique et 1s défend auprès des autorités concernées.

La fiscalité n'est pas un sujet facile. Pourtant, les enjeux de ce dossier sont déterminants. Les membres l'ont compris et ont régu­lièrement pris position en cette matière au fil des ans. Plus récemment, la réforme fiscale a ravivé l'intérêt de nos membres et permis la revision de l'ensemble de nos résolutions. C'est ainsi, qu'en 1988, notre association publiait un document regrou­pant toutes les résolutions adoptées concernant la fiscalité.

Nous nous en inspirons pour présenter aujourd'hui les propositions que nous désirons mettre de l'avant au nom des 30 000 membres de notre association à l'occasion de cette consultation prébudgétaire 1989.


INTRODUCTION

La fiscalité permet au gouvernement de poursuivre des objectifs et de promouvoir certaines valeurs sociales. Le prochain budget révé­lera les priorités retenues par le Ministre des Finances pour le bénéfice de la population canadienne pendant le prochain exercice financier.

Nous savons que la réduction du déficit constitue un objectif primordial du gouvernement. Nous ne pouvons que louer le Ministre de démontrer une volonté réelle d'atteindre des résultats en ce sens. Nous nous devons cependant, au nom des 30 000 membres de notre association, de rappeler au Ministre que nous nous objec­tons à ce que cette réduction du déficit se fasse au détriment des personnes les plus démunies de notre société, non plus qu'en réduisant les programmes sociaux, créés au bénéfice de la popula­tion.

Nous souhaiterions que ce rappel soit superflu. Cependant l'expérience nous a appris qu'il est nécessaire d'être vigilantes. Aussi, nous profitons de cette consultation prébudgétaire pour transmettre les prises de positions des membres de l'AFEAS.

Nous demandons l'abolition de l'impôt pour les personnes à bas revenus et réclamons le maintien des programmes sociaux les plus importants: le régime de pension et les programmes de soutien aux enfants.

Nous rappelons au gouvernement conservateur sa promesse d'intégrer les travailleuses au foyer au Régime de pensions du Canada.

De plus, nous profitons de l'occasion pour transmettre notre satisfaction quant à la transformation des exemptions en crédits d'impôts, demande que nous mettons de l'avant depuis quelques années. Nous désirons cependant qu'un autre pas soit fait et que ces crédits deviennent remboursables.

En résumé, l'AFEAS recommande:

  • L' abolition de l'impôt pour les personnes à bas revenus
  • Le maintien des programmes sociaux
  • L'intégration des travailleuses au foyer aux régime de pensions public
  • La transformation des exemptions d'impôt en crédits remboursables

I- ABOLITION DE L'IMPOT POUR LES BAS REVENUS

La pauvreté au Canada

"L'accroissement du taux de pauvreté engendré par la récession pendant la première moitié de la présente décennie semble avoir pris fin. Les données de 1985 de Statistiques Canada indiquent une baisse du taux de pauvreté dans la population en général. Il y avait en 1985, 263 000 Canadiens à faible revenu de moins qu'en 1984.

Si on peut se réjouir des nouvelles données statistiques sur la pauvreté, on ne peut s'en satisfaire. Le nombre et le pourcentage de canadiens sous le seuil de la pauvreté sont toujours, en 1985, supérieurs à ce qu'ils étaient au début des années 1980. Certains groupes - les familles monoparentales, les jeunes, et les person­nes âgées seules (des veuves dans la plupart des cas ) - sont très vulnérables à la pauvreté. De 1984 à 1985, le taux de pauvreté a régressé davantage chez les hommes, qui risquent déjà moins que les femmes d'être pauvres." (1)

Les statistiques démontrent que 60.4% des familles monoparentales sont dirigées par des femmes et que 6 sur 10 d'entre elles sont pauvres. Malgré la tendance à une amélioration de la situation, le taux de pauvreté n'a pas diminué pour ce groupe.

Les besoins essentiels

"C'est le rôle de l'Etat d'assurer une redistribution des revenus et de faire en sorte que personne dans la société ne voit sa santé et sa dignité menacées en raison d'un manque de moyens de subsis­tance", déclarait en 1984, le Ministre des Finances du Québec, dans son "Livre blanc sur la. fiscalité des particuliers". Il poursuivait en ajoutant: "différentes façons peuvent permettre d'arriver à ce résultat. La première est de compléter par trans­ferts (ex: l'aide sociale) ce qui manque au revenu de tous ceux qui, par leurs propres moyens, n'atteignent pas ce revenu minimum de base. La seconde consiste à éviter qu'une personne ait à payer des impôts ou des taxes sur ce revenu minimal affecté à la satis­faction des besoins essentiels. On y parvient en fixant des exemp­tions personnelles égales aux besoins essentiels et en remboursant les taxes foncières, les taxes à la consommation payées sur les besoins essentiels, par le biais du crédit de taxes foncières et d'un crédit de taxe de vente approprié."

(1) "Progrès de la lutte contre la pauvreté", Conseil National du bien-être social, avril 1987.


Les   difficultés   actuelles

Malgré les exemptions, déductions et crédits d'impôt accordés, le Directeur du Conseil National du Bien-être social démontre dans un mémoire du Conseil, que beaucoup de familles canadiennes dont le revenu ne dépasse pas le seuil de pauvreté, doivent actuellement payer des impôts, jusqu'à 2 000$ dans certains cas.

Le document d'orientation "Pour une politique de sécurité du revenu" publié par le ministère de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu (1987), fait état de cette situation dans le cas des assistés sociaux: "Il existait un manque évident d'inté­gration entre le régime de transferts et le régime de taxation, qui sont deux avenues que le gouvernement peut prendre pour soute­nir le revenu des citoyens. On constatait que des personnes qui recevaient de l'aide sociale parce que leurs revenus étaient insuffisants devaient également payer des impôts. En d'autres termes, ces personnes payaient elles-mêmes une partie des transferts qu'elles recevaient".

Le système fiscal actuel ne favorise guère les contribuables à bas revenus. De plus, il est d'une complexité folle. Pour profiter des exemptions, déductions et crédits offerts, il faut savoir s'y retrouver à travers des pages d'explications et le vocabulaire des formulaires d'impôt. "Plus le revenu du contribuable est modeste, plus les étapes sont complexes et plus les <grilles de calcul> sont nombreuses. On se demande presque si ce n'est pas exprès, pour que les citoyens soient incapables de réclamer ce qui leur est dû." (1) Ce commentaire émis par Alain Dubuc de la Presse est partagé par plusieurs.

Afin   d'assurer   un    minimum    vital   aux   citoyens et   citoyennes   cana­diennes,    l'AFEAS   recommande:

- Qu'il n'y ait pas d'impôt à payer, aux deux paliers de gouvernement, pour les personnes dont les revenus se situent en deçà et au niveau du seuil de pauvreté.

(1)   "Fisc:  après   les   vieux,   les   mamans?", Alain   Dubuc,   La   Presse, avril   1987.


2- LE MAINTIEN DES PROGRAMMES SOCIAUX

A- Le Régime de pensions du Canada

La dernière tentative faite pour refuser l'indexation des pensions a soulevé de nombreuses objections et forcé le gouvernement à battre en retraite.

La situation économique et sociale d'un grand nombre de retraités est un problème urgent, auquel il faut remédier. Le niveau de vie baisse brusquement à la retraite et pour de nombreux canadiens et canadiennes, le Régime de pensions sera la seule source de revenu.

Bien que les prestations à titre de pension de sécurité de la vieillesse et du supplément de revenu garanti sont indexés, selon l'indice des prix à la consommation, ça ne suffit pas. Le niveau des prestations se dégrade progressivement par rapport à l'évolu­tion des salaires. L'inflation et les hausses de prix qui frappent les biens et services essentiels font en sorte qu'un grand nombre de personnes vivent sous le seuil de la pauvreté.

Cette situation est inacceptable. Les personnes qui ont travaillé à bâtir la société dans laquelle nous vivons, devraient avoir des conditions de vie qui tiennent compte de leurs besoins.

La pension de sécurité de la vieillesse a un caractère universel. C'est le seul régime qui attribue un montant mensuel fixe à cha­cun, indépendamment du niveau de son revenu avant et pendant la retraite. L'AFEAS estime très important le maintien de l'universa­lité de la pension de sécurité de la vieillesse.

Les 30 000 membres de notre association recommandent:

  • Que la pension de sécurité de la vieillesse demeure universelle
  • Que la pension de sécurité de la vieillesse et le supplément de revenu garanti soient majorés pour attein­ dre 15% au-dessus du seuil de pauvreté.

Que lors de toute hausse de revenu minimum garanti, l'augmentation soit répartie également entre la pension de sécurité de la vieillesse et le supplément de revenu garanti.


B- Les mesures de soutien aux enfants

Les enfants constituent un apport vital pour la société. Ils représentent pour les parents, une charge additionnelle réelle et importante. La forte chute du taux de natalité est significative: des perspectives d'avenir incertaines, des valeurs en mutation font hésiter les hommes et les femmes à élever une famille.

Crédit d'impôt remboursable

Les parents ont besoin de soutien financier car, élever un enfant cote cher: 100 000$, estimait Michel Girard de La Presse, en septembre dernier. Les mesures choisies doivent être visibles, concrètes, faciles à enligner dans les colonnes du budget fami­lial. C'est pourquoi nous demandons la transformation des exemp­tions pour enfants en crédits remboursables.

Le gouvernement accorde actuellement un crédit non remboursable: montant pour enfant à charge. Cependant, si les crédits sont plus élevés que l'impôt à payer, la différence est perdue pour le con­tribuable.

Pour constituer une aide réaliste et reconnaître l'apport réel des enfants pour la société ainsi que le rôle des parents, l'AFEAS demande :

- Que le gouvernement remplace les exemptions pour en­fant à charge par des crédits d'impôt uniformisés et remboursables s'il y a lieu, à la personne concernée.

Allocations familiales

Les allocations familiales représentent le plus ancien programme d'aide directe aux parents. Ce programme est universel. Ces allo­cations constituent une mesure de reconnaissance de la contribution sociale des parents. Elles reconnaissent de plus l'apport des femmes pour les soins accordés aux enfants.

Les allocations familiales sont plus que modestes. Pour soulager la fardeau financier des parents, la contribution gouvernementale doit cesser de n'être qu'un symbole pour devenir un soutien mieux adapté aux coûts réels reliés aux enfants.


Cette aide n'a pas été conçu dans l'objectif d'assurer une distri­bution plus équitable des revenus des riches et de pauvres. En conséquence, afin d'apporter une aide significative pour les en­fants, l'AFEAS recommande:

  • Que le gouvernement fédéral hausse les allocations familiales afin de couvrir une plus grande proportion des frais reliés aux enfants.
  • Que le gouvernement exempte d'impôt les allocations familiales.

3- L'INTEGRATION DES TRAVAILLEUSES AU FOYER AU RPC

Les membres de l'AFEAS réclament depuis 1977 la participation des travailleuses au foyer au Régime de pensions du Canada, Régime de rentes du Québec, en guide de reconnaissance sociale du travail au foyer.

Il n'est pas sans intérêt de rappeler qu'en 1984, au cours de la campagne électorale, le parti conservateur, actuellement au pou­voir, a reconnu le bien-fondé du principe de la pension des femmes au foyer et que Monsieur Mulroney prenait l'engagement suivant:

"Nous sommes favorables à l'introduction d'une pension de femmes au foyer dans le Régime de pensions du Canada; nous estimons qu'il s'agit là d'une proposition finan­cièrement saine et nous incitons les provinces à l'adop­ter. Il est tout-à-fait normal que les femmes bénéfi­cient d'une certaine sécurité dans leurs vieux jours".

Le deuxième rapport "Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes", publié en janvier 1988 mentionne à cet égard: "Des discussions fédérales-provin­ciales sont en cours relativement à la question de l'octroi d'un revenu de retraite aux ménagères".

Il est urgent que le gouvernement fédéral agisse et obtienne des provinces qu'elles adoptent cette mesure. La population canadienne est d'ailleurs favorable à ce que les femmes au foyer bénéficient du RPC/RRQ. Un sondage Gallup, réalisé en 1986, est clair à ce sujet: 82% des personnes consultées se sont dites favorables, alors que seulement 15% s'y opposent.


Les 30 000 membres de l'AFEAS réclament:

  • Que la participation des travailleuses au foyer au RPC/RRQ soit obligatoire par une contribution basée sur la moitié du salaire industriel moyen canadien.
  • Que soit incluse dans le RPC/RRQ toute personne qui reste à la maison pour prendre soin des enfants de moins de douze ans, ou de personnes âgées, malades, invalides ou handicapées. L'Etat assurerait leurs cotisations à un niveau égal à la moitié du salaire industriel moyen canadien.
  • Que l'Etat assure les contributions sur la différence entre le salaire reçu et la moitié du salaire industriel moyen canadien pour les personnes qui sont sur la marché du travail à temps partiel et qui ont des enfants de moins de douze ans.
  • Qu'une période de transition maximale de 5 ans soit prévue pour l'intégration des travailleuses au foyer au RPC/RRQ.

4- CREDIT D'IMPOT REMBOURSABLE

A l'occasion de la réforme fiscale, le gouvernement fédéral procé­dait à la transformation de nombreuses exemptions en crédits d'impôt.

L'AFEAS se réjouissait de ce changement apporté à notre système fiscal. Au lieu de continuer à favoriser les personnes à revenus élevés, le gouvernement instaurait un crédit de même valeur pour les contribuables et de ce fait, plus équitable.

Cependant, ces crédits sont toujours accordés au contribuable et ne sont pas remboursables. Nous rappelions, que l'AFEAS réclame:

- Que le gouvernement fédéral revise son système fiscal de façon à remplacer le principe des exemptions d'impôt (personnelle, pour personne mariée, pour enfant à char­ge, pour frais de garde, etc...) par un principe de crédits d'impôt uniformisés et remboursables s'il y a lieu, à la personne concernée.


CONCLUSION

La présente consultation pré-budgétaire permet à l'AFEAS de pré­senter les recommandations qu'elle juge à propos de rappeler, dans le contexte actuel.

Au nom des 30 000 membres qu'elle représente, l'AFEAS souhaite vivement que les principes d'équité et de justice sociale qui prévalent lors de l'adoption de nos résolutions, demeurent pré­sents à l'esprit des législateurs au moment d'adopter des mesures à l'intention de la population canadienne.