
MEMOIRE PRESENTE A
LA COMMISSION D'ENQUETE SUR LES SERVICES DE
SANTE ET LES SERVICES SOCIAUX PAR LA FEDERATION DU QUEBEC POUR LE PLANNING DES
NAISSANCES
avril 1986
La Fédération du Québec pour le planning des
naissances est un regroupement qui a vu le jour, il y a l4 ans,
et dont l'objectif général est de favoriser
l'autonomie des femmes dans le domaine de la sexualité et de
la reproduction.
La FQPN rassemble des groupes de femmes autonomes de
différentes régions et elle s'inscrit dans le mouvement
féministe québécois. Le regroupement
cherche à identifier et à comprendre les facteurs
de tout ordre qui limitent la liberté des femmes et qui ont
une incidence sur leur santé et sur leur vie
entière.
Le premier principe qui oriente l'action de la FQPN est le
suivant: toute femme a le droit de choisir d'être mère
ou de ne pas l'être, au moment qui lui semble
approprié; quels que soient ses choix, l'Etat doit lui
procurer tous les services de qualité nécessaires, et
gratuitement. En pratique, cela signifieque la FQPN
préconise le libre choix en matière de sexualité,
de contraception et d'avortement.
La Fédération du Québec pour le planning des
naissances ne dispose pas des ressources humaines et
financières qui luipermettraient de présenter à la
Commission Rochon un long mémoire étayé de
données statistiques. Néanmoins, la FQPN estime
important de lui soumettre un exposé des principes qu'elle
défend et des améliorations qu'elle suggère dans
les domaines de la santé et des services sociaux, plus
particulièrement en ce qui a trait à la
reproduction et à l'éducation sexuelle.
Les principes...
Dans les années '60, un large consensus social s'est
établi autour de grands objectifs qui demeurent, à nos
yeux, inaliénables: un réseau de services de santé
et de services sociaux public, universel et gratuit, accessible
et de qualité. L'adoption de ces principes marque un
progrès social réel qui suscite l'admiration de
plusieurs pays étrangers et dont le Québec a raison
d'être fier.
Certes, l'application de ces principes entraîne des
coûts importants et, en période de difficultés
économiques, certains pourraient être tentés de
sacrifier ces principes.
La FQPN croit, au contraire, que c'est en période de
crise que l'application concrète des principes
d'accessibilité et de gratuité prend toute son
importance parce qu'une crise a toujours de graves effets
sur la santé et la vie quotidienne des moins bien nantis.
La population paie pour des services qui ne sont ni un luxe, ni
un cadeau de 1'Etat-Providence, mais un droit. Services de
santé et services sociaux sont incompatibles avec
l'obsession de la rentabilité qui prévaut dans nos
sociétés.
Toutefois, la FQPN reconnaît à l'Etat la
responsabilité de contrôler les dépenses
dans ce domaine comme dans tous les autres. Peut-être
faudrait-il d'abord chercher à faire des économies du
côté de la rémunération à l'acte des
médecins, de la médication abusive et des
priorités établies par les administrations
régionales des services sociaux et des services de
santé. De l'avis même de la RAMQ, ce ne sont pas les
consommateurs, mais les médecins qui déterminent
la demande, dans notre système de santé (Les
consommateurs et les coûts de santé au
Québec 1971-1975, RAMQ).
M est donc faux de prétendre que le caractère public
du réseau québécois fait augmenter les coûts,
parce que les gens consulteraient "pour rien", et que la solution
consiste à privatiser les services. La privatisation,
même partielle, du système de santé et de services
sociaux demandée par certains organismes et par des milieux
d'affaires équivaudrait à instaurer, à plus ou
moins long terme, une médecine de riche et une médecine
de pauvre.
Remettre en question l'universalité et la gratuité
du réseau de services de santé et de services sociaux
aurait, en outre, deux conséquences sérieuses. Si la
gratuité était réservée à la population
vivant sous le seuil de la pauvreté - où les femmes
sont majoritaires - les contribuables protesteraient contre des
programmes sociaux auxquels ils n'auraient pas accès, ce qui
accroîtrait les préjugés et l'animosité dont
les plus démunis font déjà les frais. Autre
conséquence: un réseau de services qui ne serait plus
universel et gratuit ferait porter à l'ensemble des
femmes du Québec le poids de tous les services non rendus,
comme, par exemple, le soin des personnes â-gées ou
handicapées.
L'accessibilité et la qualité des services doivent
être reconnues, non seulement en principe, mais en
pratique, sans disparités régionales comme celles
que l'on retrouve présentement dans le réseau,
disparités que les administrations locales justifient
trop souvent par des priorités budgétaires
contestables. La privatisation, que certains envisagent
sérieusement, aggraverait ces situations.*
... et les femmes
Du fait qu'elles se retrouvent majoritaires parmi la
population la plus pauvre, les femmes souffrent davantage
de l'obsession des déficits et des seuls critères
économiques qui semblent, ces temps-ci, obnubiler l'analyse
des médias et des gouvernants. Les femmes souffrent
de cette psychose des déficits (qu'on songe d'abord à
faire porter aux moins bien nantis) en tant que
bénéficiaires - majoritaires - des services; en
tant que travailleuses - majoritaires - du secteur public;
en tant que ménagères - plus que majoritaires
-auxquelles incombent les services non dispensés par le
réseau; enfin, en tant qu'héritières -
majoritaires - d'une conception de plus en plus étroite du
travail rémunéré qui fait d'elles des
bénévoles "formées", enrégimentées,
souvent même conscrites en ce qui concerne les
bénéficiaires de prestations sociales. Ce que certains
qualifient de revalorisation du bénévolat est, en
réalité, une exploitation, une volonté de retour
à l'époque où les femmes assuraient massivement,
sans salaire et sans équipement, le gros des tâches des
services publics actuels.
* : Cette partie de notre mémoire a
bénéficié de la collaboration de Relais-Femmes
L'abandon des principes de gratuité, d'accessibilité
et d'universalité constituerait un recul de 20 ans que le
Québec ne peut se permettre sans renoncer du même coup
à un minimum de justice sociale, source de cohésion et
de paix au sein des sociétés où s'entrechoquent
des intérêts multiples.
Quant à l'application de ces principes dans le domaine
qui la concerne plus particulièrement, à savoir la
sexualité et la reproduction, la Fédération du
Québec pour le planning des naissances soumet à la
Commission les commentaires et les demandes qui
suivent.
La contraception
La FQPN estime que toute personne doit pouvoir choisir les
moyens de contraception les plus efficaces, les moins
coûteux et les plus sûrs, c'est-à-dire ceux qui
comportent le moins de risques pour la santé. Or,
après 14 ans de travail, nous en arrivons à la
conclusion que le librechoix en cette matière est un leurre,
et cela est dû principalement au fait que l'Etat
québécois n'inclut pas la contraception dans le
concept de santé et n'en assure pas les services. Par
conséquent, les principes d'universalité,
d'accessibilité et de gratuité ne s'appliquent
pas dans le domaine du planning où l'arbitraire et
l'appât du gain de plusieurs médecins tiennent lieu de
politique de services.
On en a pour exemple récent la décision des
médecins de facturer, au prix qu'ils entendent,
l'opération de la vasectomie. On en avait déjà
d'autres exemples, notamment les quelques 750,000,00$ de profit
annuel sur la seule vente des stérilets, que réalise
l'ensemble des médecins du Québec, sans compter les
sommes qu'ils reçoivent de la RAMQ pour la pose de ces
dispositifs*; Ces pratiques mercantiles sont contraires
aux lois québécoises et au code de déontologie des
médecins, et la RAMQ ferme les yeux sur ces
dérogations. Dans quel autre domaine le gouvernement
du Québec autorise-t-il
*: Voir en annexe le document intitulé Le choix du
stérilet. Les femmes ont des droits, FQPN, mars
1985.
des gens à faire leur propre loi et à passer outre
à l'esprit et à la lettre des directives
émises?
Une véritable liberté de choix suppose
l'accessibilité réelle, matérielle et
financière à toutes les méthodes de contraception,
et cela, tant à Blanc-Sablon qu'aux Iles-de-la-Madeleine ou
à St-Félicien. Pour que la clientèle puisse
exercer sa liberté de choix, les professionnels de la
santé et des services sociaux doivent considérer la
diffusion de toutes les informations pertinentes comme faisant
partie intégrante des services à offrir à la
population. C'est loin d'être le cas. Un grand
nombre de femmes ne reçoivent aucun renseignement sur les
avantages, les dangers et les contre-indications des
méthodes contraceptives que, parfois, des médecins
choisissent à leur place.
Dans certaines régions, aucune femme n'est en mesure
d'obtenir des moyens de contraception autres que la pilule. Dans
d'autres régions, des médecins se concertent afin de
fixer un prix unique pour tous les stérilets vendus à
leurs bureaux ou à leurs cliniques privées. Dans
certains endroits, tous les gynécologues décident
d'exclure la possibilité pour les femmes de choisir le
diaphragme parce que donner l'information sur la façon de
l'utiliser demande beaucoup de temps. C'est plus facile de faire
avaler des anovulants à la tonne à toutes les
adolescentes et à toutes les femmes qui consultent que de
les aider à faire des choix éclairés en fonction
de leurs besoins personnels et de leur santé.
Le fait que l'Etat n'inclut pas les services de contraception
dans les services "médicalement requis", qui devraient
plutôt s'appeler "services requis pour la santé", ce
fait aboutit à des non-sens et à des injustices.
Situation lourde de conséquences pour les adolescentes
et les femmes qui continuent, encore en 1986 et après
une soi-disant "révolution sexuelle", d'assumer
presque seules la responsabilité de la contraception et des
activités sexuelles, tant les leurs que celles de leurs
partenaires masculins.
Non-sens que l'Etat reconnaisse la grossesse comme admissible
à tous les services assurables, mais qu'il ne reconnaisse
pas les services requis pour empêcher la grossesse non
désirée. La FQPN estime que l'Etat nie, de la sorte,
le droit des femmes de contrôler leur fécondité et
de choisir le moment opportun d'être mère ou de choisir
de ne pas l'être. Non-sens, également, que le
gouvernement ne rembourse aux bénéficiaires d'aide
sociale - et dans certains cas, pour un montant nettement
inférieur à celui déboursés - le coût de
seulement deux sortes de contraceptifs, à savoir la
pilule et le stérilet. Quel pouvoir s'arroge alors l'Etat
de décider que ces deux moyens de contraception sont les
plus appropriés pour toutes les bénéficiaires?
Cela revient à dire que l'Etat choisit les moyens de
contraception, en lieu et place de ces femmes. On verrait
pareillesituation dans d'autres pays, et on crierait à la
dictature et au totalitarisme. L'Etat se croit-il tuteur des
femmes? Plutôt de parler de libre choix, dans un tel
contexte, on devrait parler d'abus de pouvoir. C'est un exemple
flagrant de la façon dont la pauvreté limite les choix
et les conditions de la santé.
Si des services de contraception complets et gratuits
étaient inclus dans les services sociaux et les services de
santé assurables, l'Etat ne ferait pas que contrôler la
petite industrie parallèle que certains médecins se
sont taillée en ce domaine. Il pourrait aussi s'assurer que
tous les Centres hospitaliers et tous les CLSC offrent des
services de contraception complets et sûrs.
Présentement, le choix d'en offrir ou non est laissé
à la discrétion des administrations locales qui ne
disposent pas d'un budget spécifique à ces fins. Ce
sont encore les plus pauvres qui écopent, parce qu'elles
n'ont pas les moyens de fréquenter les cliniques
privées ou de faire des kilomètres de route pour
obtenir un service inexistant dans leur ville ou dans leur
région. En incluant la contraception dans les services
gratuits "requis pour la santé", l'Etat pourrait donc en
contrôler l'accessibilité et les coûts.
Enfin, lacune majeure: le désintéressement ou
l'indifférence de l'Etat québécois pour la
prévention et la recherche dans le domaine de la
contraception.
L'Etat n'est-il pas concerné par l'augmentation
considérable de cas de stérilité
involontaire dus, notamment, à l'usage du stérilet et
aux maladies transmises sexuellement? N'a-t-il pas des
responsabilités dans la prévention des
problèmes cardio-vasculaires, des troubles du foie, des
cancers et d'autres maux dont sont atteintes de nombreuses
consommatrices d'anovu-lants? Qu'a fait l'Etat
québécois, quelles sommes a-t-il investies pour
encourager la recherche de moyens contraceptifs comportant moins
de risques? Qu'a fait l'Etat québécois pour inciter les
spécialistes à accroître leurs recherches pour des
moyens de contraception masculine, et encourager les hommes
à assumer leurs responsabilités dans ce domaine? A cet
égard, certains pays dits "en voie de développement"
devancent le Québec: leurs campagnes d'information sur la
contraception font appel à la responsabilité des hommes
et aux avantages de la contraception masculine (en particulier,
l'usage du condom qui réduit également les risques de
contracter des maladies transmises sexuellement).
La FQPN estime que la population québécoise y
gagnerait si l'Etat adoptait une politique de prévention et
de services en ce domaine. Moins investir pour guérir que
pour prévenir les maux entraînés par une
évidente absence de sens critique et, parfois, de
compétence chez plusieurs professionnels travaillant
dans le domaine de la contraception. Voilàune proposition
qui devrait intéresser ceux qui s'inquiètent des
coûts des services de santé et des services sociaux au
Québec.
Un peu plus d'investissement dans des services de
contraception, dans la recherche et dans la
prévention, un peu plus de considération pour les
personnes et pour leur droit à des choix libres,
aurait une influence certaine, également, dans un
domaine qui fait l'objet de maintes revendications de la part des
femmes, à savoir l'avortement.
L'avortement
Partant du principe selon lequel toute femme a le droit de
choisir librement d'être mère ou de ne pas l'être,
au moment qui lui semble approprié, la FQPN considère
comme un volet essentiel au plein exercice de ce droit
l'accès pour les femmes à des services complets, de
qualité et gratuits en matière d'avortement. Une
véritable accessibilité suppose, par ailleurs,un
respect intégral des choix personnels des femmes qui
décident, quel que soit leur motif, de mettre fin à une
grossesse.
Or, malgré la relative tolérance du gouvernement
québécois en matière d'avortement,
l'accessibilité à des services gratuits n'existe pas au
Québec. En effet, la situation réelle n'est pas
reluisante.
Les services demeurent principalement concentrés dans la
région montréalaise. Certaines régions, comme
celle de Lanaudière, en sont complètement
dépourvues ou encore n'ont qu'un seul Centre hospitalier qui
offre des services incomplets .
Rares sont les établissements du réseau qui
dispensent la gamme complète de services d'avortement,
c'est-à-dire jusqu'à 20 semaines de grossesse.
L'arbitraire demeure la règle dans le réseau
public de santé, chaque établissement ayant toute
la latitude d'offrir ou non ces services, d'établir ses
normes plus ou moins strictes, de dispenser des services complets
ou partiels, sans égard aux besoins réels des femmes.
Dans le cas des CH, les critères établis par les
comités d'avortements thérapeutiques pour admettre ou
refuser une demande d'avortement varient considérablement
d'un établissement à l'autre. Ilsreposent souvent
sur les valeurs personnelles, morales et religieuses des
individues qui composent les comités. Ces Centres
hospitaliers décident unilatéralement de mettre
fin à des services, sans avoir à justifier leur
décision. Il devient de plus en plus difficile pour les
femmes qui en ont besoin de trouver une ressource en avortement
lorsque la grossesse dépasse 12 semaines.
Le réseau public de santé ne répond pas aux
demandes et aux besoins des femmes. Cette situation a
engendré le développement d'uncommerce lucratif
et privé. Des médecins offrent des services
d'avortement au coût de 200,00$ à 800,00$, et ce, en
sus de ce qu'ils reçoivent de la RAMQ. Ces médecins
monnaient la santé et la détresse des femmes. Ils vont
à l'encontre des principes mis de l'avant dans le
système de santé et ils contreviennent à la
loi de la RAMQ sous l'oeil tolérant du gouvernement
québécois. Ainsi,certains s'enrichissent au
détriment des femmes et cette situation existe parce que les
services publics sont inadéquats à répondre aux
besoins de ces dernières.
Par ailleurs, certains CLSC et Centres de santé, à
force d'engagement et de bénévolat, ont
développé des services de qualité en planning des
naissances incluant les services d'avortement et ce, sans
soutien suffisant de l'Etat. Le mandat des CLSC permet tout
à fait d'intégrer ces services. L'insuffisance des
services offerts par le réseau public de santé a des
impacts importants et parfois dramatiques pour les femmes.
Les délaisbeaucoup trop longs augmentent de façon
importante les risques reliés à l'intervention.
Plusieurs femmes sont dans l'obligation de s'exiler vers les
grands centres urbains alors qu'ellesvivent un moment
particulièrement difficile, sans compter les coûts de
transport, de gardiennage et la perte de salaire. Enfin,
certains doivent payer des prix exorbitants pour obtenir le
service médical qu'elle requiert.
La FQPN croit qu'il est du devoir du gouvernement
québécois, premier responsable du secteur de la
santé, d'assurer à toutes un accès réel et
égal à de bons services en matière d'avortement.
Elle considère également que, s'il en a la
volonté, le gouvernement peut mettre fin aux problèmes
actuels en ce domaine en considérant ces services comme
essentiels à la santé des femmes.
De nombreux groupes et organismes appuyés par une
majorité populaire (cf. sondage) reconnaissent aux femmes le
droit de décider si elles poursuivront
leur grossesse ou non. La FQPN demande l'abrogation de la loi
canadienne et elle s'oppose à l'existence des comités
d'avortements thérapeutiques, comités qui constituent
de mini-tribunaux décidant à la place des
premières concernées. Ceci dit, la FQPN croit que
l'Etatquébécois serait très mal venu de justifier
son immobilisme en cette matière en invoquant l'existence de
la loi canadienne. En effet, compte tenu de la jurisprudence et
des déclarations du ministre de la Justice en 1977,
compte tenu de la pratique actuelle, il est clair et net
que la loi canadienne est inapplicable au Québec. La
décision gouvernementale de ne plus poursuivre les
médecins pratiquant des avortements, décision qui nous
semble bonne, constitue dans les faits la reconnaissance du droit
des médecins de pratiquer ce type d'intervention. La FQPN
pense que le gouvernement doit aller plus loin et qu'il doit se
montrer cohérent avec sa propre philosophie de la
santé, en reconnaissant aux femmes le droit à des
services d'avortement adéquats complets et gratuits, partout
au Québec.
L'avortement est un service d'urgence pour la santé
physique et mentale des femmes, et il est inacceptable que
l'arbitraire règne en ce domaine. C'est pourquoi la FQPN
recommande au gouvernement de définir l'avortement comme un
service obligatoire, dispensé dans les meilleures conditions
possibles et dans les milieux les plus appropriés et
accessibles aux femmes. En l'occurrence, le CLSC et les
Centres de santé de femmes sont des lieux à
privilégier pour les avortements ne demandant pas une
technologie lourde.
Enfin, pour éviter toute ambiguïté, un
changement s'impose à l'article 3 de la loi de la RAMQ afin
que les services d'avortement soient, de façon explicite,
assurables par le régime d'assurance santé du
Québec.
La rémunération à l'acte doit aussi être
revisée. Comme les médecins ont tendance à
pratiquer davantage les interventions les mieux
rémunérées, la FQPN conclut que, tant et aussi
longtemps que ce système de rémunération sera
maintenu, on monnaiera la santé des femmes, ce que ni notre
organisme, ni un gouvernement responsable ne saurait
tolérer. En attendant, la FQPN estime qu'une décision comme celle prise dernièrement par
la RAMQ de diminuer la rémunération dans les interventions d'avortement,
aura de toute évidence des conséquences immédiates sur l'accessibilité
et le coût de ces services.
L'Etat québécois mettrait fin à l'arbitraire
qui prévaut actuellement et au commerce lucratif fait sur le
dos des femmes, s'ilreconnaissait que les services d'avortement
sont essentiels, permettait la pratique d'avortement libre et
gratuit dans les CLSC et les Centres de santé de femmes, et
mettait à la disposition des établissements
publics les moyens d'offrir ces services, en les obligeant à
répondre aux besoins réels des femmes. Il
assumerait, alors, la responsabilité qui lui incombe,
à savoir répondre adéquatement aux besoins
des 20,000 femmes du Québec qui se font avorter chaque
année.
Le libre choix d'être mère ou de ne pas l'être,
au moment que les principales intéressées jugent
opportun, rencontre des obstacles divers, dont
l'infertilité permanente. Les sciences modernes
essaient de vaincre cet obstacle, mais les moyens employés
apportent parfois de nouveaux problèmes. Ce semble le cas
dans le domaine de la paraconception.
Les nouvelles techniques de la reproduction
Les nouvelles technologies de la reproduction passeront
probablement à l'histoire comme l'une des principales
révolutions scientifiques du vingtième
siècle. La contraception avait permis de séparer
reproduction et sexualité. Mais son caractère
révolutionnaire est déjà dépassé par
l'insémination artificielle et la fécondation
in-vitro qui rendent possible la reproduction sans
sexualité. Ces temps-ci, on parle davantage des façons
de fabriquer des bébés in-vitro que des moyens
d'éviter d'en avoir in-utéro!
Par bio-techniques de reproduction, on entend
l'insémination par donneur, technique utilisée
couramment depuis plusieurs années, l'implantation
d'embryons, la fécondation in-vitro, la maternité
de substitution (mère porteuse) et d'autres expériences, comme, par exemple, le
clonage.
La FQPN n'a pas terminé la recherche et la réflexion
qui luipermettraient de prendre une position complète sur ce
sujet. Toutefois, il est de sa responsabilité d'indiquer
ses interrogations et ses inquiétudes vis-à-vis des
expériences qui comportent de nombreuses implications pour
l'humanité et pour les femmes en particulier.
Quels sont les enjeux politiques, économiques, sociaux,
génétiques, légaux et éthiques
éclipsés par les succès scientifiques
spectaculaires et les carrières médicales qui
s'érigent sur ces promesses sans précédent?
Comment ces technologies peuvent-elles accroître ou limiter
l'autonomie des femmes qui sont, depuis quelques années,
dans une démarche responsable de prise en charge de leur
corps, de leur sexualité, de leur fécondité, de
leur maternité, de leur santé physique et morale?
Le premier problème qui se pose en ce domaine, c'est le
peu d'information scientifique disponible aux personnes et aux
groupes intéressés à évaluer ces nouvelles
techniques de reproduction. Cette information demeure entre les
mains d'une poignée de spécialistes. Serons-nous
placé-e-s devant des faits accomplis, et incapables, en tant
que société, de faire des choix véritables
et de corriger des erreurs d'expérimentation contestables?
L'Etat deviendra-t-il gestionnaire d'embryons, d'ovocytes et de
sperme congelés, et en viendra-t-il à les
utiliserà des fins démographiques,
génétiques, économiques et politiques? Les
êtres humains seront-ils, un jour, dépossédés
complètement de leur pouvoir de reproduction et ce pouvoir
deviendra-t-il propriété des Etats au service desquels
se placeront une armée de chercheurs "partis pour la
gloire"?
La FQPN ne nie pas que ces techniques de paraconception
puissent être éminemment utiles à certaines
femmes et à certains partenaires stériles qui
désirent un enfant. Elle craint, toutefois, que faute
d'avoir accès à des informations exhaustives sur les conséquences de ces
techniques, des femmes et des hommes servent de cobayes à
des chercheurs enivrés par leurs propres réussites et
qu'ils ne soient en mesure de faire des choix
éclairés. Certains chercheurs se sont
déjà baptisés "magiciens de la vie". D'autres
parlent des enfants qu'ils créent ou fabriquent avec Dieu...
et sans les femmes.
Ce langage traduit une conception des femmes comme
réceptacles d'expériences dont le contrôle leur
échappe complètement. On est bien près, dans
l'euphorie collective des milieux scientifiques, de
présenter la reproduction artificielle comme la plus
grande merveille de l'humanité en oubliant qu'elle doit son
existence à des lacunes dans le processus de la reproduction
naturel le. Même si la gloire n'en
revient pas aux chercheurs, il sera toujours préférable
que femmes et hommes créent les enfants sans l'intervention
des spécialistes.
La FQPN émet des réserves vis-à-vis les
discours trop optimistes, qui se veulent rassurants et
minimisent les conséquences possibles, sur la santé, de
doses excessives d'hormones, de la surmédicalisation et des
contrôles multiples nécessités par ces
bio-techniques de reproduction. Le rapport de pouvoir qui
s'établit entre un médecin préoccupé de
réussite et des femmes et des hommes qui souffrent de ne pas
avoir d'enfant comporte un certain potentiel de manipulation
émotive qui incite à la prudence et à la
réflexion.
Dans le même ordre d'idées, la FQPN s'inquiète
de la banalisation de ce que les médias appellent "le
phénomène des mères porteuses", lors même que
les législations ne protègent aucunement ces
dernières. Il faut craindre que cette pratique devienne une
nouvelle forme d'exploitation pour les jeunes femmes dans des
situations économiques difficiles, comme l'est la
prostitution pour d'autres. Nous ne sommes pas dupes d'un
certain discours altruiste qui vante la générosité
de ces femmes disposées à aider des couples
stériles. Ce discours fait oublier que la société
n'offre pas de solutions, d'une part, aux problèmes économiques de ces personnes
"généreuses", et d'autre part, aux problèmes
d'infertilité des autres. En outre, ce discours
empêche d'évaluer les conséquences biologiques,
sociales, psychologiques et éthiques de la maternité de
substitution. Transformer un problème en bienfait, une
forme d'exploitation en générosité, en altruisme
ou en service social, voilà un stratagème familier aux
femmes, elles dont on a fait du service domestique
bénévole une vocation universelle et une vertu
féminine.
Enfin, les problèmes éthiques et
génétiques qu'entraînent les banques de
sperme, d'ovocytes et d'embryons, de même que les
droits des enfants à connaître leurs origines sont
importants. L'anonymat qui entoure les donneurs et les
donneuses, les prêteuses d'utérus et les mères
porteuses n'a-t-il pas pour motif véritable la protection de
ceux qui ont le pouvoir de payer et de décider au
détriment des personnes qu'ils emploient à des fins de
fécondité, au détriment aussi du droit des enfants
à connaître leurs origines et leur histoire
génétique, et, au détriment de la liberté des
femmes?
Il faut s'inquiéter des échos qui nous parviennent
déjà d'enfants nés par insémination
artificielle qui poursuivent leur mère (seule exposée
aux poursuites puisque le père biologique, donneur de
sperme, se protège sous l'anonymat), à cause de
problèmes de santé ou de handicaps. Les ligues des
droits de la personne devraient s'intéresser aux manchettes
concernant des mères porteuses auxquelles on nie le droit de
changer d'avis et de garder leur enfant à sa naissance, sous
prétexte que cet enfant est d'abord celui du père et
est soumis à une entente contractuelle. Les
renseignements disponibles sur les critères choisis
par des spécialistes afin de déterminer qui peut et qui
ne peut pas avoir un enfant au moyen de ces bio-techniques
invitent à s'interroger sur les valeurs qu'une poignée
de gens peut imposer à toute une société. Il faut
songer également à l'ostracisme auquel peuvent
être sujettes des clientèles marginalisées comme
les hommes gais, les femmes lesbiennes, les couples vivant en
union de fait, les femmes célibataires, et toute autre
clientèle qui ne répondent pas exactement aux
canons d'une société patriarcale.
Les nouvelles technologies de la reproduction
s'avèreront-elles la revanche d'un patriarcat quelque peu
ébranlé, au cours du présent siècle, par les
remises en question des femmes? Derrière le prétexte
d'aider les mères stériles n'y aurait-il pas des hommes
qui craignent par-dessus tout que les femmes parviennent à
contrôler leur fécondité et à refuser les
enfants dont elles ne veulent pas? On voit déjà des
experts élaborer de très sérieuses recherches sur
la possibilité de faire porter des enfants par les hommes au
moyen d'implantation d'embryons. Les femmes se contenteraient
bien que les hommes partagent la responsabilité des soins et
du bien-être matériel et affectif des enfants
après leur naissance... Quant au reste,
ellescontinueront de s'en charger.
L'ensemble de la littérature accessible sur le sujet tend
à faire oublier une vérité première:
l'infertilité chez des femmes et des hommes, sans quoi la
paraconception n'aurait peut-être pas de raison
d'être. Bien que la prévention et les recherches
pour éliminer les causes d'infertilité soient moins
prestigieuses que les expériences spectaculaires de
fécondation in-vitro et de transferts d'embryons, c'est
pourtant dans la prévention et la recherche que le
gouvernement du Québec devrait investir en priorité,
nous semble-t-il. On s'attaquerait alors aux causes plutôt
qu'aux conséquences de l'infertilité et, à long
terme, on réduirait les coûts engendrés par
l'infertilité. De plus, ces investissements serviraient une
plus grande partie de la population car, est-il besoin de le
souligner, les bio-techniques de reproduction sont très
coûteuses et, de ce fait, ne peuvent aider qu'un nombre
restreint de personnes. Bien sûr, réduire les
cas d'infertilité, les prévenir même,
compromettrait la "brillante carrière" que d'aucuns
entrevoient pour la paraconcep-tion. Peut-être est-il
urgent de revenir à un souci prépondérant des
personnes .
Chercheurs et médecins fascinés par la création
de la vie en laboratoire sont presque exclusivement des hommes.
Peut-être cela explique-t-il qu'émané des milieux
scientifiques et médicaux peu de préoccupation à
l'égard des conséquences multiples de ces nouvelles techniques de reproduction
sur la vie des femmes et des enfants. Un moratoire sur
l'ensemble des expériences dans le domaine des nouvelles
bio-techniques de reproduction permettrait de faire le point sur
l'état des recherches, de diffuser une information
exhaustive essentielle à une évaluation des enjeux par
les personnes et les groupes intéressés. Si les
milieux médicaux et scientifiques recherchent avant tout le
mieux-être de la population concernée, ils diffuseront
volontiers toute l'information dont ilsdisposent et ne
s'objecteront pas à un débat public sur le sujet.
D'ailleurs, ce débat devrait s'inscrire dans une large
perspective d'éducation sexuelle, objectif que la FQPN
estime prioritaire et qui oriente aussi sa position sur le libre
choix en matière de contraception et d'avortement.
L'éducation sexuelle permanente
Depuis sa création, la FQPN travaille à faire
reconnaître l'éducation sexuelle comme un choix social
prioritaire et demande qu'elle soit accessible à la
population de tous les groupes d'âge, tant dans les milieux
socio-populaires que dans les milieux scolaires. Pour la FQPN,
la santé sexuelle des femmes, des hommes, des jeunes, bref
de toute la collectivité, est importante.
L'absence d'éducation sexuelle s'avère une forme
d'éducation par la négative qui sous-tend le rejet
d'une sexualité libre et épanoui, et qui engendre
souvent les effets habituels de la répression.
En 1986, nous vivons dans une société qui
développe une image tronquée et dénaturée de
la sexualité et fait de cette dernière un produit de
consommation comme un autre. Cette société banalise et
valorise l'exploitation du corps des femmes et des enfants comme
objet sexuel, le sexisme, les rapports inégaux entre hommes
et femmes. Elle nie une sexualité propre aux enfants, aux
adolescents, aux personnes âgées, aux personnes
handicapées parce qu'elle ne reconnaît qu'une seule forme de sexualité valable, à
savoir l'hétérosexualité centrée sur la
relation phallo-vaginale. Cette société rejette aussi
l'ho-sexualité, mais elle encourage la promotion de rapports
de domination et la violence véhiculés par la
pornographie. Elle se montre "compréhensive" et de plus en
plus tolérante envers les crimes de viol, d'inceste, d'abus
sexuels de maintes natures contre les enfants, crimes commis par
des hommes dans une proportion de 99% (voir rapport Badgley, juin
1984).
La FQPN déplore que la sexualité soit encore
vécue dans l'anxiété et la culpabilité,
de même que dans un contexte où les
stéréotypes masculins et féminins sont
maintenus comme une tradition sacro-sainte. Si la
collectivité désire instaurer de nouveaux rapports
entre les personnes et éliminerl'exploitation,
l'oppression, la compétition et la violence sexuelle, l'Etat
doit reconnaître le droit à l'éducation sexuelle
pour tous et toutes et investir à cette fin l'argent
nécessaire dans les institutions sous sa
respon-sabi1ité.
Actuellement, les professionnel-le-s des milieux de la
santé et des services sociaux et des organismes
communautaires sont confrontés quotidiennement aux
conséquences d'une éducation sexuelle inexistante dans
plusieurs milieux. Ils n'ont guère d'autres moyens que les
thérapies, pour intervenir, et les thérapies ne sont
pas généralement des moyens d'intervention
appropriés. Leur volonté de faire de la prévention
est contrariée par l'absence de programmes de
formation d'appoint et de ressources matérielles et
financières.
Pour la FQPN, l'éducation sexuelle, comme toute autre
éducation, devrait être reconnue comme un droit
social. Le ministère de l'Education manifeste la
volonté d'assumer ses responsabilités, en ce domaine,
et implantera sous peu un programme de formation personnelle et
sociale qui comprendra des notions de base en éducation
sexuelle. C'est un début. D'autres services
gouvernementaux doivent faire davantage pour soutenir cette
volonté d'améliorer la situation.
Différents organismes communautaires et
paragouvernementaux assument déjà un rôle
d'éducation sexuelle auprès de la population. Ils
rejoignent les enfants en bas âge, les adolescents et les
adolescentes dans leurs milieux de vie, les jeunes
décrocheurs, les jeunes travailleurs et travailleuses, les
personnes handicapées et certains groupes d'adultes. Le
gouvernement pourrait soutenir financièrement et
matériellement ces initiatives, à moindres
coûts que s'il instaurait de A à Z de nouveaux
programmes.
La FQPN croit qu'une éducation sexuelle accessible à
toutes et à tous, quels que soient l'âge, le sexe,
l'orientation sexuelle, les croyances religieuses, la
classe sociale et l'origine ethnique, contribuerait, à moyen
terme, à réduire les coûts humains, sociaux et
financiers engendrés par l'absence d'éducation. Un
programme d'éducation sexuelle accessible à toute la
population aurait également une influence dans les domaines
de la contraception, de l'avortement et de la
paraconception.
Nos recommandations
En conclusion, nous aimerions rappeler des demandes et des
attentes qui découlent tout naturellement de la
philosophie et des principes mêmes de notre système de
santé, à savoir l'universalité,
l'accessibilité et la gratuité.
Afin que ces principes se concrétisent, la FQPN
demande:
- que l'Etat québécois reconnaisse
nommément et officiellement le droit
des femmes à choisir d'être mère, au moment
qu'elles le jugent opportun, ou encore, de ne pas l'être;
- que l'article 3 de la loi de la Régie de l'assurance-maladie du Québec
soit modifié et que l'expression "services médicalement requis" soit changée
pour "services requis pour la santé";
- que l'éducation sexuelle, la contraception et l'avortement
soient reconnus comme des "services requis pour la santé", donc des
services assurables et également accessibles à toutes dans toutes les
régions du Québec;
- que le ministère de la Santé et des Services
Sociaux oblige tous les CLSC, les Centres hospitaliers et autres
organismes de santé et de services sociaux sous son
autorité à offrir la gamme complète des services
d'éducation sexuelle, de contraception et d'avortement;
- que le ministère fournisse les ressources
financières et humaines à cette fin spécifique
pour tout le réseau;
- que les services offerts en éducation sexuelle,
contraception et avortement incluent une information
non-sexiste et exhaustive et respectent rigoureusement le libre
choix des personnes qui en sont bénéficiaires;
- que le MSSS investisse davantage dans la prévention et
la recherche que dans la médicalisation des soins de
santé;
- que le MSSS impose un moratoire sur les expériences
dans le domaine des bio-techniques de reproduction et qu'il
favorise la diffusion de toute l'information disponible sur le
sujet;
- que le MSSS prenne le leadership d'un débat public sur
les enjeux de la paraconception dans les aspects
génétique, social, éthique, politique et
économique;
- que le MSSS incite les médecins et les chercheurs,
engagés dans le domaine de la paraconception,à
s'intéresser prioritairement à la prévention et
aux solutions des causes d'infertilité (notamment les
infections dues à certains moyens de contraception,
les maladies transmises sexuellement et d'autres causes qu'il est
possible d'éliminer) plutôt que d'investirdans de
coûteuses technologies destinées à corriger les
effets de l'infertilité chez une proportion infime de la
population.
Nous ne saurions conclure ce document sans rappeler que la
FQPN s'inscrit dans le mouvement favorisant l'humanisation des
soins de santé et des services sociaux, mouvement
animé par des groupes de femmes qui ont créé des
réseaux parallèles afin de pallier aux lacunes du
réseau public. Ces réseaux parallèles ne forment
pas et ne peuvent former une "alternative" au réseau public,
au sens propre du terme, puisqu'ils ne peuvent ni ne veulent le
remplacer sur tous les fronts. Leur rôle est d'abord
et avant tout l'action, la réflexion et l'exploration de
voies nouvelles pour promouvoir les droits des femmes en matière de santé et ce, sur une base
autonome. Ce réseau ne pourra continuer à
suppléer aux lacunes des services publics ni leur
fournir fréquemment, comme c'est le cas depuis
plusieurs années, une expertise sûre, gratuite, non
reconnue, résultat de sacrifices pécuniaires
considérables de la part de celles qui y ont
travaillé. Pour parler net et clair, le réseau des
services publics exploite et récupère ce réseau
parallèle sans que ce dernier soit pour autant reconnu par
l'Etat.
Les groupes de femmes qui luttent dans les domaines de
l'avortement et de la contraception, de la violence faite aux
femmes et aux enfants, de l'accouchement
réapproprié par les femmes et pour la reconnaissance
des sages-femmes, les Centres de santé, les Collectifs sur
l'auto-santé, sur les nouvelles technologies de
reproduction, tous ces groupes forment un réseau
parallèle dont l'apport et la complémentarité au
réseau public doivent être reconnus, sans toutefois
faire l'objet d'une exploitation éhontée. Tout comme
dans les services publics, le bénévolat a ses
limites dont la principale, outre l'épuisement des
intéressées, est de briser la continuité du
travail. Or, c'est cette continuité qui permet de
dépasser symptômes et effets pour cerner les causes des
problèmes et identifier les possibilités de
prévention. Dans une conjoncture où on commence
à reconnaître qu'investir dans la prévention
serait moins coûteux, à moyen terme, que d'encourager
le curatif à outrance,le réseau des groupes de femmes
s'avère indispensable, pourvu qu'on lui fournisse des
ressources .
pièce jointe. Avril 1986.
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