Conférence mondiale des Nations Unies sur les femmes Beijing 1995 : rapport et recommandations préparé sous la direction du Comité québécois préparatoire à Beijing

Le 8 mars 1995

Signataires:

  • Fédération des femmes du Québec (FFQ)
  • Groupe des 13
  • Congrès des femmes noires
  • Centre des femmes du Sud-Est asiatique
  • Comité de condition féminine CSN
  • Centrale de l'enseignement du Québec et le Comité de condition des femmes de la CEQ
  • Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail (CIAFT)
  • Association féminine d'éducation et d'action sociale (AFEAS)
  • Cinquième Monde
  • Comité québécois femmes et développement de l'AQOCI
  • Association des collaboratrices et partenaires en affaires (ACPA)
  • Relais-femmes
  • Comité Canada-Tibet
  • Réseau québécois des chercheures féministes
  • Conseil des femmes de Montréal
  • L'R des centres de femmes du Québec
  • Médi-Action
  • Regroupement québécois des CALACS

Note:   les groupes désirant joindre leur nom à la liste des signataires, rejoindre: Relais-femmes au (514) 844-4509

Table des matières

  • Présentation
  • Pouvoir et prise de décision
  • Mécanismes pour promouvoir l'avancement des femmes
  • Femmes et droits humains
  • Femmes, économie, travail et pauvreté
  • Accès à l'éducation, à la formation qualifiante et à la santé
  • Femmes et médias
  • Femmes et environnement
  • Conclusion
  • Annexe 1: Recommandations et stratégies
  • Présentation

    Le présent document constitue le rapport des groupes de femmes du Québec en vue de la Conférence mondiale de l'ONU pour la femme (1995) à Beijing. Il a été élaboré par le Comité préparatoire québécois à Beijing et plus de vingt groupes de femmes du Québec l'ont cosigné. Malgré les attaques subies par les tenants du néo-libéralismes, et les acquis menacés, le mouvement des femmes au Québec, avec ses diverses composantes, se solidarise et se mobilise. Le mouvement des femmes au Québec s'internationalise et ce rapport en est la preuve.

    La Conférence mondiale de l'ONU pour la femme (1995) a pour thème la lutte pour l'égalité, le développement et la paix. Des déléguées de plus de 180 pays, ainsi que des représentantes des organisations non gouvernementales (ONG) au forum parallèle, y étudieront les progrès réalisés depuis la conférence de Nairobi, en 1985, et adopteront un plan d'action. La conférence se tiendra du 4 au 15 septembre 1995, alors que le forum parallèle aura lieu du 30 août au 8 septembre 1995.

    Notre rapport est divisé en neuf thèmes : pouvoir et prise de décision; mécanismes pour promouvoir l'avancement des femmes; femmes et droits humains; femmes, économie, travail et pauvreté; accès à l'éducation, à la formation qualifiante et à la santé; violence faite aux femmes; conflits armés; femmes et médias; femmes et environnement. Chacun de ces thèmes a été sous-divisé en quatre volets : acquis, obstacles, recommandations et stratégies.

    Des groupes de femmes de partout à travers le monde ont aussi fait un bilan sur ces mêmes thèmes provenant des Stratégies prospectives d'action pour la promotion de la femme adoptées à la conférence de Nairobi. Ces rapports seront présentés à la conférence préparatoire de New York qui aura lieu en mars 1995.

    POUVOIR ET PRISE DE DECISION

    Acquis

    Les acquis des femmes en vue du partage équitable du pouvoir et de la prise de décision sont multiples. Nous constatons leur progression dans les sphères du pouvoir politique, administratif et économique. Ainsi, plus de femmes se retrouvent sur la scène politique à titre de conseillères municipales, mairesses, députées ou ministres, mais aussi à des postes de décision dans la fonction publique, les syndicats, et autres lieux de pouvoir, culturels, sociaux, religieux et économiques.

    Il faut signaler les efforts entrepris par des regroupements de femmes comme l'Association féminine d'éducation et d'action sociale (AFEAS) et la Fédération des femmes du Québec (FFQ) pour démystifier la politique et inciter les femmes à se porter candidates, par la création de clubs politiques, la tenue de colloques sur le thème «femmes et politique» et la création d'outils spécifiques, pour favoriser l'apprentissage de la politique municipale par exemple.

    Les groupes de femmes, les chaires féministes dans les universités, les comités de condition féminine des syndicats, des Églises et des partis politiques, le Conseil du statut de la femme (CSF), le Conseil consultatif canadien sur la situation de la femme (CCCSF) ainsi que les ministres à la condition féminine exercent maintenant plus d'influence.

    Aux élections provinciales de septembre 1994, au Québec, 23 femmes ont été élues (18,4 % des députés). Le quart des députées sont devenues ministres et elles forment près du tiers du Conseil des ministres et la moitié du Comité des priorités au gouvernement du Québec.

    Nous constatons l'éveil de certains partis politiques aux programmes d'action positive, avec objectifs numériques et mécanismes formels pour atteindre le nombre de candidatures fixé, et la création de fonds de solidarité pour financer les candidatures de femmes. Certains partis ont adopté des politiques dans ce sens.

    A la base, les femmes s'impliquent en plus grand nombre dans les organisations politiques et les syndicats. Elles jouent un rôle de cheffes de file au niveau communautaire local et sont de plus en plus intéressées par les affaires municipales. Pour l'ensemble des municipalités du Québec, en 1994, 126 femmes étaient mairesses (9 %), alors qu'en 1980, elles étaient seulement 21 (1,5 %). Quant aux conseillères municipales, elles étaient 1 731 en 1994 (19 %) comparativement à 339 en 1980 (3,6 %).

    Mais, ce qui est encore plus significatif, c'est l'électoral qui se dit prêt à voter aussi bien pour une femme que pour un homme.

    Obstacles

    Plusieurs obstacles contribuent cependant à rendre cette progression encore trop peu significative. Plusieurs femmes adoptent une conception différente du pouvoir et revendiquent le «pouvoir de», une forme créatrice qui rend apte à accomplir des choses, et le «pouvoir qui s'exerce avec», basé sur la solidarité. Or, cette conception est radicalement différente de celle véhiculée par la classe politique au Canada et au Québec qui, de façon générale, exerce le pouvoir en se fondant sur des rapports de domination («pouvoir qui s'exerce sur quelqu'un»).

    Malgré une nette augmentation de la représentation politique des femmes au Québec, nous assistons, depuis 1992 à un plafonnement qui semble se situer à près de 20 %, tant sur la scène provinciale que municipale. Aux élections de septembre 1994, au Québec, 51 femmes étaient candidates : 23 représentaient le Parti Libéral et 28 le Parti Québécois; en 1989,  53 femmes étaient candidates, 21 pour le Parti Libéral et 32 pour le Parti Québécois.

    De nombreux obstacles, reliés aux rôles sociaux qui évoluent très lentement, entravent la participation des femmes à la vie politique : pénurie de services de garde, mobilité moindre des femmes, réseaux différents de ceux des hommes et moins ancrés dans les secteurs du droit, de la finance et de la politique, milieu encore réfractaire à la présence des femmes en politique, au niveau municipal surtout.

    Les principaux partis au Québec, le Parti Libéral et le Parti Québécois, ont moins tendance à favoriser des candidatures féminines quand les résultats anticipés des élections leur sont favorables. L'exemple du Parti Québécois, aux élections de 1994, qui n'a présenté que 22,4 % de femmes contre 25,6 % aux élections de 1989, est significatif à cet égard.

    Le conformisme des partis traditionnels se remarque également dans le recrutement des candidates, fondé sur des stéréotypes de succès social (femmes d'affaires et professionnelles) et sur des intérêts de classe (femmes favorisées économiquement).

    Les partis exercent des formes de sexisme en attribuant aux candidates des comtés où les chances de succès sont limitées, où des candidates sont parfois concurrentes, ou en ne se préoccupant pas ou peu des questions féministes pendant les campagnes électorales. L'appui des bailleurs de fonds s'avère plus difficile quand il s'agit de candidatures féminines. Dans ces partis, de fait, les femmes sont absentes des véritables lieux de décision. Les candidates ressentent la faiblesse de leurs réseaux personnels d'appartenance et de support.

    De façon générale, les femmes occupent encore trop peu de postes influents dans la haute fonction publique, les entreprises, les institutions financières et les médias, et sont exclues des réseaux officieux du pouvoir. Si des programmes d'accès à l'égalité ont été instaurés, il ne semble pas exister une volonté réelle de les mettre en oeuvre. Le Conseil du statut de la femme signale, par exemple, une stagnation, voire une régression des femmes dans la haute fonction publique et ce, depuis le début des années 1990.

    Recommandations

    Les recommandations visent à favoriser la participation et l'intégration de toutes les femmes, sans discrimination envers les femmes de couleur, les femmes autochtones, handicapées, jeunes, âgées, lesbiennes, ou en provenance de diverses communautés culturelles et religieuses.

    • -      Nous recommandons en tout premier lieu la décentralisation des processus décisionnels.
    • -      Plus spécifiquement, l'adoption des amendements qui suivent, aux lois régissant les

    élections et le travail, répondrait à certains besoins des femmes :

    • un remboursement proportionnel supplémentaire des dépenses électorales aux partis qui ont fait élire 25 % et plus de députées;
    • la limitation des dépenses lors des campagnes à l'investiture dans les partis politiques;
    • des congés sans traitement, à temps partiel ou complet, avec préservation de l'emploi, lors de la tenue de ces investitures;
    • des congés sans traitement, avec préservation de l'emploi, pour la période des élections aux postes de représentantes et de représentants de la population dans le réseau de la santé et des services sociaux ainsi que pour la période des élections scolaires.

    3 -      Des amendements aux lois de l'impôt devraient permettre d'accorder un crédit d'impôt

    correspondant à 20 % des frais assumés et non remboursés, aux candidates à l'investiture et aux élections, pour les frais de garde d'enfants, vu l'état actuel du partage des responsabilités familiales.

    4 -      Devraient également être mis en oeuvre des programmes d'accès à l'égalité s'appliquant aux nominations dans les emplois de niveau supérieur (administration publique, commissions, etc.), au Sénat, comme ambassadrices et dans les autres postes de représentation.

    5 -      En matière d'enseignement, au niveau secondaire, la participation aux affaires publiques devrait être valorisée chez les filles. Aux niveaux collégial et universitaire, des ateliers sur la situation des femmes dans les organisations politiques, les causes de leur absence et les valeurs à promouvoir, devraient être organisés. Des programmes universitaires sur le leadership et les différentes façons d'exercer le pouvoir et le travail politiques pourraient également être développés.

    6 -      Les groupes de femmes et autres organismes concernés devraient recevoir un financement spécifique pour développer des activités de formation visant la participation à l'action politique et aux instances démocratiques, notamment au moyen de clubs politiques qui semblent favoriser l'entrée des femmes en politique.

    7 -      Dans la magistrature fédérale, provinciale et municipale, des programmes d'accès à l'égalité devraient être élaborés et les femmes, représentées équitablement aux comités de sélection des personnes aptes à être nommées juges. Les critères de sélection de ces comités devraient être non discriminatoires.

    8 -      Des programmes d'accès à l'égalité dans d'autres secteurs d'influence, dans les structures des Églises par exemple, devraient être instaurés.

    9- Quant aux entreprises privées, des mesures incitatives pourraient consister en l'établissement d'une politique d'attribution prioritaire de contrats aux entreprises qui nomment des femmes aux postes de direction et à leur conseil d'administration.

    Stratégies

    Nous croyons en l'importance du «marrainage» pour assurer la relève, quel que soit le lieu de pouvoir, ainsi qu'en l'existence de réseaux pour supporter les femmes dans leurs démarches et dans l'exercice de leurs fonctions. Des réseaux de solidarité pourraient s'organiser en vue, par exemple, du renouvellement de mandats ou de nominations, du repérage et de la sollicitation de candidates impliquées dans leur milieu.

    Des stratégies de sensibilisation comprenant, notamment, la diffusion d'informations sur les étapes de mise en candidature ou sur le fonctionnement d'un conseil d'administration, devraient être développées pour inciter les femmes à prendre leur place.

    Des interventions spécifiques pour favoriser la participation des femmes aux niveaux municipal et régional devraient être menées, vu l'intérêt plus grand des femmes pour ces niveaux. Elles pourraient prendre la forme d'activités de sensibilisation et de concertation des groupes préoccupés par la question.

    Nous préconisons enfin le développement de moyens pour sensibiliser la population au partage des responsabilités familiales et des tâches domestiques, et l'adoption de mesures de conciliation travail-famille dans les différents secteurs d'emploi et sphères de pouvoir. Ces mesures viseraient l'égalité effective des travailleuses et des travailleurs à l'égard des responsabilités à assumer, autant dans la vie privée que dans le domaine public.

    À cet effet, le Canada devrais ratifier la convention no 156 de l'Organisation internationale du travail (OU) sur l'égalité des chances et de traitement pour les travailleurs des deux sexes ayant des responsabilités familiales.

    MÉCANISMES POUR PROMOUVOIR L'AVANCEMENT DES FEMMES

    Acquis

    De nombreux groupes de femmes travaillent dans le domaine des services, de la défense et de la promotion de leurs droits. Plusieurs de leurs luttes ont mené à des acquis significatifs pour les femmes du Québec, dont un meilleur accès à l'éducation et des possibilités d'emplois plus diversifiées.

    Quelques mesures favorisent maintenant l'autonomie économique des femmes, par exemple les dispositions sur le patrimoine familial et les programmes d'accès à l'égalité. Nous avons vu qu'un peu plus de femmes occupent des postes de décision, surtout au niveau local. Des services de garde sont instaurés en milieu scolaire.

    Nous assistons également à une lente progression du partage des tâches domestiques, dans certains groupes sociaux, pour les femmes qui ont un emploi rémunéré. Des chercheuses ont constaté une diminution de l'écart du temps consacré au travail domestique entre les hommes et les femmes, mais cet écart provient aussi du fait que les femmes font moins de travail domestique sans que les hommes en fassent plus. Il faut aussi distinguer travail domestique et soins donnés aux enfants. Si nous remarquons une lente progression, elle se concrétise surtout par l'implication des conjoints dans les soins donnés aux enfants.

    En matière de développement international, l'Agence canadienne de développement international (ACDI) soumet tous ses projets à l'approche «genre et développement», entre autres par sa politique Intégration des femmes au développement (IFD).

    Obstacles

    Cependant, les groupes, surtout ceux de défense et de promotion des droits des femmes, sont de plus en plus victimes de coupures dans le financement qu'ils reçoivent du gouvernement fédéral. Les gouvernements tentent aussi de transformer plusieurs groupes de femmes en sous-contractants de l'Etat. Les organismes reliés à la condition des femmes et les organismes communautaires subissent un contrôle social et bureaucratique accru.

    Nous constatons aussi la pauvreté chez les femmes cheffes de famille. Le nombre de places dans les garderies est insuffisant et leur coût, trop élevé. Les tâches domestiques sont encore trop souvent peu ou pas partagées, empêchant les femmes de travailler à temps plein et d'accéder à des postes décisionnels. De plus, les structures et le fonctionnement des lieux de pouvoir sont trop souvent éloignés des préoccupations et des modes de vie des femmes.

    De façon générale, la conjoncture économique sert de prétexte, non seulement pour freiner l'avancement des femmes, mais pour leur retirer des acquis, par exemple les coupures majeures dans les programmes sociaux, qui portent atteinte au droit à l'autonomie économique des Canadiennes et des Québécoises.

    Recommandations

    10- Un programme québécois, adéquat, durable et concerté de financement des groupes de femmes agissant en matière de défense et de promotion des droits, devrait être créé.

    11-    Nous croyons important de recommander le renforcement du rôle de la ministre québécoise responsable de la condition féminine. Le rôle du Conseil du statut de la femme (CSF) devrait être consolidé par l'augmentation de son budget et par une représentation plus large des groupes de femmes à son conseil d'administration. Au niveau régional, le CSF devrait accorder davantage de place à la consultation des groupes en vue d'établir ses priorités de recherche et d'action.

    12-    Au gouvernement fédéral, nous recommandons l'augmentation des budgets du Programme de promotion de la femme, surtout ceux relatifs au soutien des groupes, de même que le renforcement du Conseil consultatif canadien sur la situation de la femme (CCCSF) et du Secrétariat d'État à la condition féminine.

    13- Aux deux paliers de gouvernement, fédéral et provincial, nous recommandons le développement, ou à tout le moins le maintien, des bureaux de condition féminine dans chacun des ministères.

    14 - Sur la scène internationale, les programmes de développement devraient être axés sur les besoins et les initiatives des femmes, notamment par le renforcement de l'autonomie des femmes et de leur pouvoir, et par l'éducation des filles. Un programme favorisant la concertation, au moyen du réseautage, et non le saupoudrage de projets ponctuels, devrait être créé avec comme objectif l'avancement des femmes.

    15 - Une véritable politique concernant les femmes et le développement Nord- Sud, Est-Ouest et Nord-Nord devrait être instaurée par le gouvernement fédéral et le gouvernement du Québec, et un processus de suivi institutionnalisé devrait être réalisé en collaboration avec les groupes de femmes.

    Stratégies

    Au Québec, les groupes devraient se donner un comité de travail permanent visant la promotion des femmes. Sa première priorité consisterait à faire des pressions pour un financement adéquat des groupes de femmes.

    Des mesures générales devraient aussi être prises, telles l'augmentation des subventions et du nombre de places en garderie, une sensibilisation plus grande dans les écoles au sexisme et au partage des tâches, l'augmentation du salaire minimum et des prestations d'aide sociale, et l'instauration d'un service de perception automatique des pensions alimentaires avec retenue à la source par le gouvernement du Québec.

    FEMMES ET DROITS HUMAINS

    Acquis

    Les Nations Unies ont consacré les droits des femmes d'une façon spécifique. Mentionnons notamment la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, ratifiée par le Canada le 10 décembre 1981, les résolutions de la Commission des droits de l'Homme adoptées en 1993 et en 1994, sur l'intégration des droits des femmes dans les mécanismes des Nations Unies s'occupant des droits humains et sur l'élimination des violences à l'encontre des femmes, ses causes et ses conséquences, la déclaration et le programme d'action de Vienne suite à la Conférence mondiale sur les droits humains de 1993, et la Déclaration de l'Assemblée générale sur l'élimination de la violence faite aux femmes adoptée en 1993.

    Au Canada, la Charte canadienne des droits et libertés et, au Québec, la Charte des droits et libertés de la personne reconnaissent certains droits des femmes tels les droits à l'égalité, à la liberté, à la vie et à la sécurité.

    Obstacles

    Cependant, les pays signent et ratifient des conventions internationales à l'égard desquelles n'existe, en droit international, aucune obligation de mise en oeuvre dans leur droit interne.

    De plus, le droit de réserve leur permet de signer et de ratifier une convention tout en émettant des réserves sur certains aspects pour lesquels ils ne veulent pas s'engager ou qui sont contraires à leur droit interne.

    Même si les droits fondamentaux des femmes sont reconnus formellement dans la Constitution du Canada et dans les lois provinciales dites quasi constitutionnelles, beaucoup de femmes vivent encore aujourd'hui des atteintes à leurs droits.

    Au Canada et au Québec, les lesbiennes subissent de la discrimination, notamment sous la forme spécifique de l'hétérosexisme. A cause de leur orientation sexuelle, elles sont marginalisées et peu supportées.

    Les femmes des diverses communautés culturelles vivent un double handicap lorsqu'elles sont membres de minorités visibles. De plus, les femmes musulmanes du Québec ne sont pas à l'abri de la montée du fondamentalisme. Ici aussi, certaines sont obligées de porter le voile islamique.

    Recommandations

    16-    Nous recommandons au gouvernement canadien de dénoncer la répression exercée par la Chine à l'endroit des femmes tibétaines, la stérilisation forcée des femmes tibétaines et chinoises et les violations répétées des droits humains par le gouvernement chinois.

    17-    Nous recommandons que la Déclaration universelle des droits de l'Homme porte désormais le titre de Déclaration universelle des droits humains.

    18-    Nous recommandons également que soit reconnu le caractère universel des droits humains,

    indépendamment des motifs culturels et religieux, au moyen de la Déclaration universelle des droits de l'Homme.

    19-    La Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes devrait être ratifiée par tous les États.

    20       -    Les réserves formulées par les États, qui vont à l'encontre de l'esprit de la Convention, devraient être levées. Par exemple, plusieurs pays arabes, dont l'Egypte, le Maroc, l'Iraq et la Tunisie, ont formulé des réserves sur l'article 16 de la Convention, à l'effet que les droits y étant prévus ne devraient pas aller à l'encontre des dispositions de la charia islamique.

    21-    Un protocole facultatif à cette convention visant à offrir des recours individuels et étatiques, en cas de violation de ses dispositions, devrait être adopté.

    22       -    Nous recommandons que des pressions soient exercées auprès des gouvernements pour

    qu'ils fournissent, dans tous leurs rapports présentés à l'ONU, des données spécifiques sur les violations des droits des femmes et les moyens pris pour les contrer.

    23       -    Nous recommandons également que le gouvernement canadien fournisse des ressources pour l'exécution du mandat de la Rapporteure spéciale sur la violence faite aux femmes.

    24       -    Le gouvernement canadien devra systématiquement faire connaître ses réactions face aux atteintes aux droits des femmes à travers le monde et sa politique étrangère devrait lier indissociablement le respect des droits humains aux intérêts économiques et aux échanges commerciaux.

    25-    Les gouvernements canadien et québécois devraient renforcer les droits des femmes handicapées et leur garantir le plein accès à l'éducation, à l'emploi, aux soins de santé et aux services sociaux, au logement, au transport et à tout autre service dont bénéficient les autres Canadiens et Canadiennes, Québécois et Québécoises.

    26-    Les lesbiennes doivent pouvoir bénéficier de tous les services sans subir de discrimination et sans avoir à faire face à des préjugés ou attitudes hétérosexistes et homophobes. L'ensemble de leurs droits doit être protégé.

    27-    De façon générale, nous recommandons que les politiques sociales et économiques des gouvernements canadien et québécois se fondent sur le respect des droits humains et des droits spécifiques des femmes.

    28-    Le ministère de l'Éducation et toutes les instances concernées devraient mettre en place un programme d'éducation aux droits humains et spécifiquement aux droits des femmes.

    Stratégies

    Les Canadiennes et les Québécoises devraient être sensibilisées aux divers recours internationaux en cas de violation de leurs droits fondamentaux, notamment les plaintes au Comité des droits de l'Homme de l'ONU. De même, les groupes de femmes et les organisations non gouvernementales s'occupant de droits humains devraient être sensibilisés au travail de la Rapporteure spéciale, dans le but de lui fournir des renseignements sur la situation faite aux femmes au Canada.

    Les gouvernements canadien et québécois doivent agir en vue d'éliminer toutes les formes de discrimination basées sur la race, la couleur, le sexe, la grossesse, l'orientation sexuelle, l'état civil, l'âge, la religion, les convictions politiques, la langue, l'origine ethnique, la condition sociale, le handicap, l'emplacement géographique, ainsi que toute autre autre forme de discrimination. Ces actions seront menées afin d'en arriver le plus rapidement possible à des rapports égalitaires.

    Les femmes et les filles doivent être informées de leurs droits spécifiques et la communauté, sensibilisée à ces derniers.

    Le mouvement des femmes doit refléter l'importance d'une participation équitable, dans ses différentes composantes, des femmes handicapées, des femmes âgées, des jeunes, des lesbiennes, des femmes de couleur, autochtones et immigrantes.

    Sur le plan international, nous soutenons la reconnaissance universelle des droits des femmes comme droits humains et l'intégration des droits des femmes dans tous les mécanismes de l'ONU s'occupant de droits humains.

    FEMMES, ÉCONOMIE, TRAVAIL ET PAUVRETÉ

    Acquis

    Nous constatons :

    • une percée dans le secteur public, percée qui a permis la syndicalisation, l'accès à des emplois salariés décents et la naissance de quelques programmes volontaires d'accès à l'égalité;
    • une reconnaissance de certains droits, tels le droit à l'autonomie économique des femmes, entre autres par l'adoption des dispositions sur le partage du patrimoine familial;
    • l'accès plus grand des filles et des femmes à l'éducation postsecondaire;
    • l'accès à des garderies à but non lucratif;
    • l'acquisition ou le recouvrement de leur statut indien par les femmes autochtones;
    • la structuration des organisations de femmes, lieux collectifs où elles peuvent se retrouver;
    • l'importance de l'apport des femmes dans les mouvements sociaux;
    • le développement de liens de solidarité avec des groupes de femmes de pays du Sud.

    Plus spécifiquement, en matière de droit du travail, citons notamment l'accès à des congés de maternité, à des congés parentaux de même qu'au retrait préventif pour les femmes enceintes et qui allaitent, fondé sur la Loi québécoise sur la santé et la sécurité au travail. Depuis 1990, le salaire des femmes collaboratrices dans l'entreprise de leur conjoint peut être déduit pour fins d'impôts, et elles sont autorisées à cotiser au Régime des rentes du Québec.

    Encore là, les groupes de femmes ont grandement contribué à l'obtention de ces acquis sociaux. A cela, il faut ajouter le rôle primordial que jouent dans les syndicats les comité de condition féminine dont la lutte a permis des gains en faveur des travailleuses salariées.

    Le mouvement des femmes contribue aussi au développement d'alternatives. Par exemple, sur le problème de l'emploi, des centres de femmes sont devenus de véritables agents de développement socio-économique et s'inscrivent dans la tendance faisant la promotion du développement durable.

    Obstacles

    Par contre, la présumée lutte au déficit a entraîné une perte significative d'autres acquis sociaux. Par exemple, les gouvernements incitent les personnes à faible revenu, en majorité des jeunes et des femmes, dont les femmes cheffes de familles monoparentales, à accepter à tout prix des emplois précaires et à participer à divers programmes d'employabilité. Le programme d'assurance-chômage a aussi subi une réforme dans ce sens. Le gouvernement canadien s'intéresse maintenant prioritairement et presqueexclusivement à modeler l'employabilité des personnes sans emploi au marché du travail par des mesures dites de développement de l'emploi, et n'élabore aucune politique réelle de création d'emplois.

    D'autres mesures, encore plus attentatoires, ont été annoncées dans le cadre de la réforme des programmes sociaux proposée par le gouvernement fédéral. En fait, cette réforme vise entre autres le démantèlement des programmes sociaux, la disparition des «irritants sociaux», le retrait de l'État et, en contrepartie, une «surresponsabilisation» des individus, du noyau familial et des femmes cheffes de familles monoparentales, ainsi que la remise en question du droit à l'autonomie économique des femmes. Nous constatons également un transfert de responsabilités de l'État vers le travail non rémunéré ou bénévole effectué par des groupes communautaires ou des individus, en majorité des femmes.

    Les soins de santé et les services sociaux sont menacés sous plusieurs aspects : leur accès, leur gratuité, leur universalité, leur qualité, la précarisation des emplois, le recours au bénévolat pour les soins aux personnes âgées. L'éducation est aussi visée par la lutte au déficit, dans sa gratuité, son accessibilité et dans la diminution des programmes de formation dans des secteurs non traditionnels.

    Le budget fédéral pour l'année 1995 a malheureusement confirmé plusieurs des appréhensions mentionnées dans notre rapport. Ce budget a aussi démontré que le gouvernement canadien applique volontairement les mesures des programmes d'ajustement structurel imposées par le Fonds monétaire international (FMI) aux pays du Sud.

    Sur le marché de l'emploi, nous constatons une hausse sans précédent du chômage. Des secteurs de l'industrie primaire, la pétrochimie et la construction navale par exemple, se sont effondrés, causant des impacts très dommageables sur la vie des femmes, même si ces secteurs d'emploi étaient réservés aux hommes. Des secteurs où l'on retrouve plus de femmes, comme le textile, ont aussi été durement touchés. Les petits commerces sont menacés de disparition, avalés notamment par les grandes chaînes américaines.

    Les femmes subissent encore de la discrimination sur le marché de l'emploi : elles sont moins payées que les hommes pour un travail équivalent (73,9 % du salaire des hommes). Si, en 1975, le Québec était la première province à adopter une loi reconnaissant le droit à un salaire égal pour un travail équivalent, il est aujourd'hui l'une des provinces les plus en retard en matière d'équité salariale.

    Les femmes sont plus durement touchées par la précarisation des emplois et elles sont concentrées à l'intérieur d'un petit nombre de secteurs qui sont, en général, moins rémunérés (les dix emplois les moins rémunérés au Canada sont occupés à 75 % par des femmes). Les immigrantes demeurent exploitées comme travailleuses domestiques et dans des emplois précaires.

    Au niveau mondial, nous assistons à une crise du coût de la main-d'oeuvre. Les conditions de travail offertes dans les pays du Sud exercent des pressions à la baisse sur les salaires dans les pays du Nord. A la lutte contre le déficit qui préside au démantèlement des programmes sociaux dans les pays du Nord, correspondent, dans les pays du Sud, les programmes d'ajustement structurel imposés par le Fonds monétaire international (FMI). Au Nord comme au Sud, le secteur formel de l'emploi pour les femmes est de plus en plus limité avec les programmes d'ajustement structurel. Elles sont forcées de travailler dans le secteur informel, moins productif et à des salaires beaucoup plus bas.

    Le marché de l'emploi subit également les effets de l'Accord de libre échange Canada-USA-Mexique (ALENA), et de la compétition entre les États-Unis, le Japon et l'Europe pour conserver et acquérir des marchés, alors que les conséquences des récents accords de l'Uruguay Round, en matière agricole, demeurent pour l'heure encore inconnus.

    Recommandations

    29 - Au niveau québécois, des lois devraient être adoptées en matière d'équité en emploi (accès à l'égalité et équité salariale) dans les secteurs public et parapublic, dans les organismes non gouvernementaux ainsi que dans les entreprises privées. Des programmes d'accès à l'égalité en emploi pour les femmes devraient être obligatoires dans l'ensemble du secteur public, ainsi que dans le secteur privé pour toutes les entreprises de plus de 50 employés. Devrait également être adoptée une loi proactive en équité salariale, qui oblige tous les employeurs, peu importe le secteur d'emploi et le nombre d'employées, à effectuer les rajustements nécessaires pour que les travailleuses dans les emplois dits féminins reçoivent une rémunération égale à celle des travailleurs dans les emplois dits masculins.

    Au niveau canadien, la Loi sur l'équité en emploi devrait être harmonisée avec la législation québécoise.

    30        -    Considérant que les femmes effectuent souvent un travail non rémunéré et bénévole, l'État devrait reconnaître la valeur sociale et économique de ce travail, établir des mesures et procéder à une évaluation de façon à l'inclure dans le produit intérieur brut (PIB) ou le produit national brut (PNB). Ces femmes devraient également bénéficier d'un support financier et de l'accès à des services. Les travailleuses non salariées, qui oeuvrent auprès des personnes dépendantes et dans les entreprises familiales, devraient pouvoir accéder au régime public de pension.

    31-    Les gouvernements devront adopter des lois de telle sorte que les travailleuses domestiques et immigrantes soient traitées de façon équivalente aux autres catégories de travailleurs. Leurs salaires et leurs conditions de travail devraient être régis par le droit du travail applicable à l'ensemble des travailleuses et des travailleurs. Les travailleuses domestiques immigrantes devraient avoir le libre choix d'habiter chez leur employeur.

    32-    Le salaire minimum devrait être haussé, le régime d'assurance-chômage consolidé, les programmes sociaux maintenus et le régime fiscal réformé pour viser l'équité. Ainsi, des modifications devraient être apportées pour soustraire de l'impôt les pensions alimentaires.

    33        -    Les programmes qui favorisent la structuration d'un marché de l'emploi parallèle et précaire, et qui échappent aux normes minimales du travail, devraient être remplacés par une véritable politique de création d'emplois.

    34        -    Le gouvernement canadien devrait procéder à la révision de ses politiques relatives au remboursement de la dette des pays du Sud. Il devrait également refuser de lier l'aide au développement à l'application des programmes d'ajustement structurel par les pays du Sud. Il devrait réaliser son engagement à consacrer 0.7% de son PNB à l'aide au développement.

    Stratégies

    Devraient être dénoncées les réformes de l'État visant à faire la lutte au déficit sur le dos des femmes et des jeunes.

    Une campagne d'information devrait être menée auprès de la population sur la défense des programmes sociaux et la réforme de la fiscalité.

    Des clauses sociales qui tiennent compte des droits socio-économiques des femmes devraient être intégrées à l'Accord de libre échange nord-américain (ALENA) et dans un futur accord avec d'autres pays d'Amérique latine.

    ACCES A L'ÉDUCATION, A LA FORMATION QUALIFIANTE ET A LA SANTÉ

    ACCES A L'ÉDUCATION ET A LA FORMATION QUALIFIANTE

    Acquis

    Depuis les années soixante, le Québec a fait tomber les principales barrières à l'accès des femmes à l'éducation. Les femmes représentent aujourd'hui la majorité des diplômés aux niveaux secondaire et collégial, et au premier cycle universitaire. Au cours des dix dernières années, le pourcentage des jeunes femmes qui accèdent aux études collégiales avant 30 ans est passé de 41 à 65 %. Les besoins en formation des femmes se traduisent aussi par une participation importante à l'éducation des adultes.

    Des efforts ont été faits, à différents niveaux, pour éliminer le sexisme dans les manuels scolaires ainsi que dans les différents contenus d'enseignement

    Des alternatives développées par le mouvement des femmes et le mouvement communautaire en général ont favorisé la reconnaissance des acquis provenant du travail bénévole et domestique non rémunéré. L'éducation populaire autonome contribue à la formation des femmes. Le mouvement des femmes s'est aussi donné des outils de formation.

    Les universités québécoises et certains cégeps ont élaboré des programmes d'accès à l'égalité visant à augmenter la proportion de femmes dans le corps professoral, avec parfois des mesures spécifiques (à compétence égale ou équivalente) en faveur des femmes. De même, certaines universités ont développé des programmes d'études féministes, soit sous l'angle des Women's studies, soit à l'intérieur même des champs disciplinaires. Ainsi, le Québec a une chaire d'études féministes à l'Université Laval et divers instituts d'études et de recherches féministes (Concordia, McGill et l'UQAM).

    Finalement, plusieurs cégeps et même des écoles secondaires ont leur propre comité de condition féminine.

    Obstacles

    Par contre, les progrès se vérifient encore difficilement sur le marché du travail, où l'insertion des femmes reste différente de celle des hommes. Pour les filles et les femmes qui choisissent des secteurs non traditionnels, les ressources et l'encadrement sont insuffisants, et elles doivent faire face aux préjugés et au harcèlement. Quant aux programmes d'accès à l'égalité dans certains cégeps et universités, nous mettons en doute leur efficacité parce qu'ils n'ont pas permis une augmentation du pourcentage de femmes dans le corps professoral.

    Aux niveaux secondaire et collégial, les choix des filles demeurent encore stéréotypés et sectorisés. Une conception traditionnelle du rôle des femmes, une orientation scolaire et professionnelle conservatrice, des résistances, tant dans les milieux de travail que dans l'enseignement, freinent l'intégration des femmes dans des secteurs qui ne leur sont pas traditionnellement réservés.

    A l'éducation des adultes, les formations que les femmes choisissent et celles qui leur sont proposées offrent peu d'opportunités d'emploi et ne les dirigent pas vers des secteurs d'avenir. Tout comme au système d'enseignement régulier, la diversification des choix est au coeur même du problème. De plus, le sous- financement des organismes d'éducation populaire autonome est chronique.

    Notamment dans le secteur de l'éducation, le dernier budget fédéral prévoit des coupures importantes dans les paiements de transfert aux provinces, ce qui entraînera sans doute une hausse significative des frais de scolarité et un endettement accru des étudiantes et des étudiants.

    Au niveau mondial, les femmes demeurent encore les personnes les moins scolarisées et les plus analphabètes.

    Recommandations

    35 - Une politique d'équité pour les femmes devrait être développée en s'appuyant sur la reconnaissance des acquis scolaires et de l'expérience, sur les principes d'accès à une formation qualifiante et sur la nécessité de diversifier les choix professionnels. Cette politique devra permettre d'augmenter la participation des femmes aux programmes de développement de la main-d'oeuvre et de formation en entreprise.

    36-    Nous recommandons également que les gouvernements développent des stratégies pour augmenter la participation des filles et des femmes dans les secteurs d'avenir, pour les préparer aux défis de l'an 2000 et les encourager à s'orienter vers de nouvelles disciplines, particulièrement scientifiques et techniques. Il faut, pour ce faire, renforcer les services d'orientation et d'information professionnelle aux niveaux secondaire et collégial, et faire en sorte que les personnes chargées de l'information et de l'orientation amènent les filles et les femmes à élargir leurs choix professionnels.

    37-    Le ministère de l'Education doit développer des manuels et des contenus d'enseignement qui sont non seulement féminisés, comme moyen de contrer la discrimination basée sur le sexe, mais également qui présentent de nouveaux modèles et qui tiennent compte de l'apport des femmes dans différents domaines. Les stéréotypes seraient ainsi éliminés et la réalité des femmes, devenue visible.

    38-    Des programmes d'études féministes devraient être proposés dans toutes les universités québécoises et l'enseignement universitaire, de façon générale, devrait être soucieux de présenter de nouveaux modèles et de tenir compte de l'apport des femmes, dans tous ses programmes.

    39- Les bourses d'études supérieures devraient être augmentées. Nous recommandons également que les programmes d'aide financière soient revus sous l'angle de la discrimination systémique.

    40       -    Pour les femmes immigrantes, les programmes d'apprentissage du français comme langue seconde et de reconnaissance des acquis et des équivalences devraient être améliorés.

    41-    Finalement, des services de garde ou des subventions pour la garde des enfants devraient être offerts dans le cadre des programmes d'alphabétisation et de formation, afin de rendre ces programmes accessibles aux mères. Les femmes qui désirent retourner aux études devrait bénéficier d'une aide financière à cet effet, basée sur le revenu individuel.

    Stratégies

    Nous croyons qu'il sera nécessaire de :

    • favoriser la diversification professionnelle;
    • promouvoir  auprès  des  personnes  chargées  de l'information  et  de  l'orientation professionnelles, des attitudes d'ouverture face aux choix de carrières des filles;
    • valoriser les tâches exercées traditionnellement par les femmes;
    • reconnaître les acquis et les compétences que les femmes qui travaillent à la maison peuvent faire valoir auprès d'éventuels employeurs, compétences dites génériques;
    • développer chez les enseignants et les enseignantes des comportements axés sur des rapports égalitaires, et poursuivre l'élimination du sexisme et de la violence;
    • reconnaître l'apport du secteur communautaire dans la formation qualifiante;
    • développer des mécanismes de soutien pour les filles qui font des choix axés sur les carrières technologiques et scientifiques;
    • favoriser la participation des femmes à des programmes susceptibles de les initier à des métiers et professions non traditionnels, et faciliter leur intégration dans ces milieux de travail;
    • reconnaître que l'éducation est l'instrument privilégié pour combattre la pauvreté, la violence, le racisme, le sexisme et l'homophobie;
    • viser, par l'éducation, à intégrer les valeurs relatives à l'égalité des sexes et revendiquer l'enseignement du droit à l'égalité pour les femmes comme étant un droit fondamental.

    ACCESÀ LA SANTÉ

    Acquis

    Depuis 1982, les femmes ont accès à des services d'avortement, que ce soit dans les centres hospitaliers, les CLSC, les cliniques privées ou les centres de santé des femmes. Aujourd'hui, moins de femmes meurent des suites d'un avortement. L'accès aux moyens de contraception ainsi qu'aux services offerts par les sages- femmes s'est aussi amélioré.

    En matière de santé mentale, grâce aux pressions notamment de femmes psychologues et psychiatres, les femmes sont maintenant traitées d'une manière spécifique et cela, afin d'appuyer une démarche favorisant leur réelle autonomie.

    Des mesures visant l'humanisation des naissances ont été appliquées, telles les chambres de naissance dans les hôpitaux. Grâce à la création et au développement de centres de santé, les femmes du Québec ont ainsi pu réaliser une réappropriation de leur santé pour certains aspects. Les médecins sont maintenant en majorité des femmes.

    Obstacles

    L'accès aux services d'avortement n'est cependant pas le même pour toutes les femmes sur le territoire du Québec et dans les autres provinces canadiennes. Par ailleurs, certaines formes de terrorisme exercées par les mouvements radicaux contre le libre choix et l'avortement tentent aussi de réduire l'accès aux services d'avortement. De plus, en 1990 et 1991, les groupes anti­avortement ont tenté de faire adopter une loi qui aurait criminalisé à nouveau l'avortement. Cette loi avait été acceptée par la Chambre des communes, mais n'a pas été ratifiée par le Sénat. Les acquis dans ce domaine demeurent extrêmement fragiles et dépendent largement de rapports de force politiques.

    Les moyens de contraception sont disponibles, mais l'information sur ces moyens est presque exclusivement fournie par les compagnies pharmaceutiques. Seuls des contraceptifs dangereux pour la santé sont offerts à certaines catégories de femmes. Par exemple, l'aide sociale ne rembourse automatiquement que la pilule. Des adolescentes, des femmes autochtones et des handicapées se voient systématiquement proposer des contraceptifs dangereux pour la santé des femmes, le Depo- Provera par exemple.

    Les gouvernements ont beaucoup investi dans la recherche sur des aspects techniques, notamment sur les nouvelles technologies de reproduction (NTR), au détriment de la prévention et de la recherche dans d'autres secteurs de la santé. Nous constatons, notamment, une hausse des maladies transmises sexuellement (MTS).

    De plus, les NTR échappent pratiquement à tout contrôle et leur développement, par les médecins et les scientifiques, se fait de façon anarchique. Dans les cliniques d'infertilité, les femmes peuvent obtenir ce qu'elles veulent si elles ont l'argent pour payer. Le taux d'efficacité de ces cliniques est gonflé, et l'accès à l'information limité. Alors que l'Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande le recours aux NTR après deux ans d'infertilité, au Canada, ce recours est possible après un an d'infertilité.

    Quant au recours à l'échographie, alors que l'OMS recommande de ne pas en faire un examen de routine et qu'il n'existe pas d'étude sur ses impacts, c'est ici une moyenne de 1 1/2 échographie qui est pratiquée sur les femmes enceintes. La grossesse est présentée par certains professionnels de la santé, entre autres par la corporation des médecins, comme une maladie; dans cette optique, toutes les grossesses seraient à risque et la corporation préconise deux échographies par grossesse. Il faut signaler, de plus, le fort taux de césariennes pratiquées au Québec (un des taux les plus élevés au monde) ainsi que d'hystérectomies.

    L'éducation à la sexualité, qui constitue un des cinq volets du programme de formation personnelle et sociale au niveau secondaire, est souvent amputée, passant généralement de 25 heures à 8 heures. La grossesse y est aussi présentée comme une maladie, la sexualité vue sous l'angle de la prévention seulement et non du plaisir, et l'homosexualité considérée quelquefois comme une déviance.

    La nouvelle politique de la santé et des services sociaux ne contient pratiquement plus rien de spécifique aux femmes. Entre autres, elle ne contient plus d'orientation gouvernementale en matière de planification des naissances. Les services ont par conséquent diminué pour les femmes de 18 ans et plus, les budgets étant affectés aux groupes dits à risques ou vulnérables, les adolescentes. Elle ne prévoit plus de budget protégé pour ces services dans les CLSC et les centres hospitaliers, chacune des régies régionales réagissant selon les pressions exercées par les femmes.

    Enfin, nous tenons à réitérer que la pauvreté et toutes les formes de violence constituent des obstacles considérables à la santé des femmes et de leurs enfants.

    Recommandations

    • -    Les services de santé devraient être axés prioritairement vers la prévention.
    • -    Toutes les femmes, sans égard à leur race, leur âge, leur orientation sexuelle ou leur lieu de résidence, doivent avoir accès aux services tant préventifs que curatifs et les services de santé doivent être maintenus ou développés dans toutes les communautés.

    44 -    L'universalité des programmes de soins de santé doit être préservée.

    45- Nous recommandons également que toutes les femmes aient accès aux services de planification des naissances, incluant les moyens contraceptifs autres que la pilule, et à l'avortement. La planification des naissances doit être partie intégrante des programmes de santé.

    46       -    Le nombre d'heures d'enseignement consacré à l'éducation sexuelle devrait être haussé et des distributrices à condoms installées dans les écoles.

    • -    Le métier de sage-femme et le développement de tels services devraient être reconnus.
    • -    Le personnel de la santé doit recevoir une formation spécifique et significative sur tous les aspects concernant et favorisant la santé des femmes.

    49       -    Les ressources alternatives en matière de santé des femmes devraient être consolidées par un financement adéquat. De plus, une campagne d'information devrait avoir lieu pour sensibiliser les femmes à l'existence de ces ressources.

    50       -    Les recherches réalisées par des femmes sur la santé et les besoins spécifiques des femmes devraient être encouragées. Les femmes doivent être consultées et impliquées dans le choix des orientations de recherche sur leur santé et avoir accès aux résultats de ces recherches.

    51-    Le Canada et ses institutions, tel le Centre de recherches pour le développement international (CRDI), devraient investir dans le développement de contraceptifs ne comportant pas de danger pour la santé des femmes, qui répondent à leurs besoins et qu'elles puissent contrôler.

    52-    Le gouvernement canadien devrait intervenir pour mettre fin à l'utilisation du Depo-Provera comme contraceptif au Canada et dans les pays du Sud. Il devrait aussi restreindre l'usage de contraceptifs de longue durée tel Norplant

    53-    Le gouvernement canadien devrait immédiatement intervenir dans le développement des nouvelles technologies de reproduction (NTR) et poursuivre des recherches sur l'impact des NTR sur la santé des femmes et de leurs enfants.

    54        -    Les politiques de l'Agence canadienne de développement international (ACDI) devraient être axées sur le développement des services de santé, incluant l'information et l'accès aux services de planification des naissances, plutôt que sur des programmes de contrôle des populations.

    55        -    Au niveau international, des pressions devraient être exercées auprès d'institutions, comme le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale, pour qu'elles assistent les gouvernements dans le développement de services de santé relatifs aux besoins des femmes et des enfants.

    Stratégies

    Le fait que toutes les formes de discrimination ont des impacts sur la santé des femmes doit être réaffirmé.

    Le système de santé devrait être modifié peu à peu de façon à transférer une partie des ressources allouées à la santé curative vers la prévention, en touchant à la fois la nutrition, les conditions environnementales et les déterminants socio- économiques.

    Acquis

    La violence faite aux femmes est devenue une préoccupation de la population suite au travail de base et à la confirmation de la gravité de la situation dans les statistiques nationales. Le gouvernement du Québec a aussi contribué à briser le mur du silence sur les abus sexuels, notamment par de la prévention auprès des enfants en milieu scolaire.

    Un réseau communautaire de services offerts aux femmes victimes de violence a été créé, avec une approche d'intervention féministe : maisons d'hébergement, centres de femmes et centres de santé des femmes. Pour les victimes d'agression sexuelle, il y a un réseau provincial de services aux victimes, les centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (CALACS). Les femmes victimes d'agressions peuvent bénéficier d'interventions individuelles et de groupe, et d'accompagnement.

    Le ministre fédéral de la Justice prépare un projet de loi qui créerait une infraction d'intoxication volontaire si elle était accompagnée d'un crime. Cet ajout au Code criminel permettrait de contrer les effets d'un arrêt de la Cour suprême du Canada, rendu en septembre 1994, qui avait accueilli une défense d'intoxication extrême et acquitté l'inculpé accusé d'agression sexuelle.

    L'engagement gouvernemental pour contrer la violence faite aux femmes s'est concrétisé dans des plans triennaux de support aux groupes de femmes. Des politiques pour contrer le harcèlement sexuel ont été instaurées dans bon nombre de secteurs, notamment dans des entreprises privées, la fonction publique et les syndicats.

    Le statut de réfugiées pour les femmes victimes de violence relève du gouvernement fédéral. Les directives de la présidente de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (CISR) demandent de considérer les cas des femmes réfugiées victimes de violence et d'accepter le motif de persécution fondée sur le sexe, même si ce motif n'est pas reconnu par la convention de Genève sur le statut de réfugié.

    Le système judiciaire a fait des progrès pour protéger les femmes et les enfants. Des modifications ont été apportées au Code criminel relativement aux agressions à caractère sexuel, permettant de rapprocher la conception légale de ces crimes de la conception sociale. Une infraction de harcèlement, qui trouve application en matière de violence conjugale, a été introduite, en 1993, dans le Code criminel. Celui-ci interdit également toute atteinte à l'intégrité physique des personnes. Ainsi, les mutilations génitales y sont interdites. En 1983, le viol entre conjoints était reconnu comme un acte criminel.

    Dans certains palais de justice, des salles plus accueillantes sont maintenant réservées aux victimes, dans lesquelles celles-ci sont désormais assurées de ne plus rencontrer leur agresseur. De façon générale, nous pouvons considérer que les victimes se retrouvent en meilleure position qu'auparavant dans le système judiciaire. Notons qu'un peu plus de femmes pratiquent à titre d'avocates et de juges. Nous soulignons également la pertinence du rapport Wilson, déposé en 1993, qui a fait état de discrimination marquée, fondée sur le sexe, dans la profession juridique.

    Au terme d'une importante campagne de formation et de sensibilisation entreprise en 1990, l'Assemblée des évêques du Québec tient, au printemps 1995, un colloque provincial sous le thème Violence en héritage. L'engagement de l'Église catholique canadienne s'est manifesté par la dénonciation de la violence conjugale et par une prise de conscience de ses responsabilités face à ce problème.

    Au niveau mondial, en 1993, les femmes qui participaient à la Conférence mondiale de Vienne sur les droits humains ont réussi à faire modifier le texte de la Déclaration de la conférence. En effet, la déclaration finale de la conférence reconnaît les droits des femmes en tant que droits humains, et la violence faite aux femmes comme une violation fondamentale des droits humains.

    Obstacles

    La problématique de la violence faite aux femmes a suscité des controverses. Deux approches d'intervention se confrontent : l'approche féministe et les thérapies familiales.

    Dans les groupes pour hommes violents, les thérapies utilisées sont loin d'être concluantes et la tendance de certains groupes est d'aller vers la médiation familiale. Leur financement provient de l'enveloppe globale du ministère de la Santé et des Services sociaux plutôt que du ministère de la Justice. Également, les Cercles de guérison autochtones causent de graves problèmes aux femmes autochtones victimes de violence. La mixité de ces groupes constitue un de ces problèmes, puisque les femmes doivent se confronter à leur agresseur et invalider leur sentiment d'outrage pour entrer dans le processus de guérison.

    Le financement gouvernemental a amené un contrôle accru des maisons d'hébergement, des centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (CALACS) et des centres de femmes. La production de rapports d'activités, de rapports statistiques et financiers cause une lourdeur administrative très difficile à vivre pour les groupes. Les ressources s'avèrent insuffisantes pour contrer la violence faite aux femmes de même que pour les victimes d'agression sexuelle, et de façon plus aiguë encore pour les jeunes filles. Les centres éprouvent des difficultés à répondre à la demande. Il y des listes d'attente. Quelques hôpitaux offrent cependant des services d'urgence aux victimes.

    Les services de police ont des protocoles d'entente avec les CLSC pour référer les femmes victimes de violence, même si elles sont en maison d'hébergement ou qu'elles bénéficient de services de la part d'un groupe de femmes. Ils pourront même ignorer les ressources existantes dans le secteur communautaire en ne les considérant pas comme des services d'appoint ni comme des gîtes. Il se produit alors un dédoublement de services.

    Les centres doivent recruter bon nombre de bénévoles et de militantes pour répondre à la demande de services et faire des campagnes de financement qui drainent du temps de travail normalement destiné aux femmes. Chaque dollar amassé coûte deux dollars en temps pour la levée de fonds.

    Quant à la Loi sur l'immigration, elle rend vulnérables les femmes victimes de violence parce que leur dossier est étudié en tant que membre d'une famille et qu'elles dépendent en général du conjoint chef de famille. Les femmes qui parrainent leur conjoint se voient imposer des pensions alimentaires lors de la séparation d'avec le conjoint violent et sont par la suite harcelées. Ces femmes restent donc, elles aussi, très vulnérables.

    Les gouvernements ont entretenu dans la population un sentiment de peur à l'endroit des femmes victimes de violence qui demandaient le statut de réfugiées, prétendant qu'elles risquaient d'envahir le Canada si le motif de la persécution fondée sur le sexe était accepté.

    Dans le système judiciaire, le droit de visite du père reste encore une décision quasi automatique qui donne aux pères la possibilité d'utiliser les enfants contre leur mère, pour contrôler leur ex-conjointe. Ce même système n'offre pas d'alternatives dans le cas des pères qui refusent d'assumer leurs responsabilités et ne considère pas le droit des enfants à leurs deux parents.

    Dans les cas de meurtres survenus dans un contexte de violence conjugale, les condamnations sont dérisoires; l'individu est jugé comme ne représentant pas un danger pour la société. De plus, faire la preuve de la préméditation du meurtre est très difficile puisque le témoin principal n'est plus.

    Le système actuel de libérations conditionnelles, que nous jugeons trop permissif et défaillant, a permis la libération d'accusés qui avaient commis des actes violents contre des femmes et qui ont récidivé.

    Enfin, malgré les dispositions actuelles du Code criminel, des mutilations sexuelles se pratiquement clandestinement au Canada, dans certaines institutions et dans des lieux privés.

    Recommandations

    56-    L'intervention avec une approche féministe via le réseau communautaire a fait la preuve de

    sa pertinence. Les réseaux des maisons d'hébergement, des CALACS et des centres de femmes devraient être consolidés et 80 % de leurs services devraient être financés au Québec. Ce financement permettrait de rejoindre les niveaux déjà atteints par les centres de l'Ontario, de l'Alberta et de la Colombie- Britannique.

    57-    La notion d'acte criminel dans la violence faite aux femmes doit être maintenue, et le traitement des contrevenants doit se faire par le biais du ministère de la Justice. La prévention, elle, doit passer par le ministère de la Santé et des Services sociaux.

    58-    Dans le système judiciaire, les cas de meurtres dans un contexte de violence conjugale doivent être considérés en tenant compte de la crainte des menaces et des risques que «l'impunité» constitue pour les victimes potentielles.

    59-    Plus spécifiquement, les juges devraient recevoir une formation aux nouvelles réalités et aux situations de violence que vivent les femmes.

    60        -    Le gouvernement canadien devrait promouvoir l'ajout du motif de persécution liée au sexe à la définition de réfugié de la convention de Genève. Pour viser à solutionner les problèmes des réfugiés dans le monde, les États doivent s'engager à protéger les femmes victimes de violence.

    61-    Le gouvernement canadien devrait également éliminer toutes les dispositions de la Loi canadienne sur l'immigration qui peuvent rendre les femmes vulnérables et empêcher que le système de parrainage puisse être utilisé contre les intérêts des femmes.

    62        -    Il faut également que soient menées des études qui permettront de cerner les multiples effets des mutilations génitales sur la santé des femmes et que soient entreprises des campagnes d'éducation sanitaire et d'information auprès des enfants qui risquent d'être victimes de mutilations.

    63        -    Des mesures doivent être prises pour faire cesser les pratiques de mutilations génitales, car elles constituent une violation flagrante de l'intégrité physique des femmes. Des services devraient être mis sur pied pour soutenir les femmes qui les ont subies.

    Stratégies

    Les groupes de femmes doivent être vigilants face aux risques d'être récupérés, travailler en concertation et viser à consolider le réseau des services offerts aux femmes victimes de violence. Ce travail de concertation peut se faire aux niveaux local, national, international, interculturel et entre les générations.

    Au Canada, tous les groupes communautaires devraient bénéficier des mêmes conditions de financement.

    Face au système judiciaire, les groupes de femmes doivent continuer d'être vigilants et en dénoncer toutes les lacunes jusqu'à ce que des changements soient apportés. Le système judiciaire lui-même doit être vigilant.

    Finalement, la prévention en milieu scolaire et l'éducation des enfants afin de modifier les comportements violents devraient être accentuées.

    Acquis

    Nous constatons une sensibilité accrue aux problèmes générés par les conflits armés à travers le monde. Ces problèmes ne sont plus perçus comme ceux d'ailleurs, mais concernent réellement beaucoup d'hommes et de femmes au Québec et au Canada.

    Obstacles

    Les conflits armés incluent toutes les invasions, les guerres, les actions ou les occupations militaires. Dans ces circonstances, les atteintes aux droits des femmes et des enfants deviennent systématiques.

    L'occupation militaire est aussi un obstacle à l'avancement des femmes, même si cette forme de conflit donne parfois l'impression d'être moins sérieuse qu'une guerre. Il suffit de mentionner l'occupation que vivent le Tibet et la Mongolie pour s'en convaincre.

    Nous constatons un nombre croissant de conflits armés à travers le monde. Ces conflits ravagent la vie des personnes, hommes, femmes et enfants. Les femmes ont à supporter un fardeau qui limite incontestablement leur développement et celui de leurs enfants.

    Les femmes sont violées, torturées, assassinées. Elles sont démolies psychologiquement par des traumatismes liés à des crimes sexuels commis sur elles ou sur leurs proches, à la perte d'êtres chers, par l'assistance à leur exécution ou par la torture physique ou psychologique. Le viol est le crime le plus souvent commis contre les femmes lors des conflits armés, mais il y a également beaucoup d'avortements et de stérilisation forcés. Les conflits armés les placent dans un état de dénuement matériel extrême.

    80 % des personnes déplacées sont des femmes; beaucoup en sont réduites à devoir quitter leur pays.

    Nous prenons l'exemple du Rwanda pour souligner qu'avant le conflit qui a marqué l'année 1994, les femmes participaient activement au développement économique, notamment dans les secteurs de l'économie informelle. Cette participation se traduisait par une implication dans les activités de base, de la production à la consommation en passant par la transformation et la commercialisation, et dans les organismes d'appui à ces initiatives. Les femmes étaient aussi actives dans le processus politique (plusieurs femmes étaient députées) et dans des organisations, entre autres les groupes de pression, les syndicats et les groupes de défense des droits de la personne. Après le conflit, le processus de reconstruction repose sur elles.

    Lors de certaines de leurs interventions, des Casques bleus exercent de la discrimination sexuelle et raciale.

    Recommandations

    64       -    Nous recommandons, en premier lieu, de mettre fin aux conflits armés généralisés et d'initier, promouvoir et soutenir les interventions visant à atteindre cet objectif.

    65       -    Les tortures à caractère sexuel, les viols systématiques, les agressions sexuelles lors des conflits armés doivent être reconnus comme des crimes de guerre et jugés en tant que tels.

    66       -    La formation des Casques bleus devrait comprendre un volet de sensibilisation aux droits des femmes et leur reconnaissance à titre de droits humains. Plus généralement, lorsque les États délèguent des Casques bleus, leur volonté de respecter les droits humains dans les missions de paix et leur capacité à contrôler leurs propres soldats, devraient être exigées par l'ONU. Des contingents constitués de femmes devraient être formés.

    67-    Les pays se doivent de respecter les instruments internationaux qu'ils ont ratifiés et d'adopter des lois pour favoriser l'application dans leur droit interne. Tous les pays siégeant au Conseil de sécurité de l'ONU devraient avoir ratifié les principales déclarations et conventions internationales tels la Déclaration universelle des droits de l'Homme, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels inhumains ou dégradants et les conventions de Genève.

    68-    Les États et les organisations qui commettent des actes de violence contre les femmes lors de conflits armés doivent être identifiés et tenus responsables en vertu du droit international. Leurs actes ne doivent pas être considérés comme relevant des tribunaux nationaux.

    69-    Le Canada devrait faire pression auprès du FMI et de la Banque mondiale pour que ces organismes ne considèrent plus l'infrastructure militaire d'un pays comme un actif, mais plutôt comme une dette.

    70- Les gouvernements devraient contribuer à la conversion de l'industrie militaire en production civile, et à celle des infrastructures militaires. À titre illustratif, les collèges militaires pourraient être transformés en «collèges de paix» et les bases militaires, en logements à prix modiques.

    71 - Le Canada devrait cesser complètement la vente internationale d'armes et d'équipements militaires, l'exportation d'uranium qui sert directement ou indirectement à la fabrication d'armes nucléaires et interdire les vols à basse altitude au-dessus de son territoire. Il ne devrait plus donner son accord pour la réalisation d'essais militaires sur le territoire canadien, tels ceux des missiles Cruise, ni pour les patrouilles de sous-marins américains dans l'Arctique.

    Stratégies

    II importe de soutenir activement les femmes victimes des conflits armés, de façon matérielle en contribuant aux efforts qui visent à amasser de l'aide d'urgence, et de façon morale par des messages de toutes sortes, lettres et communiqués par exemple.

    Les Québécoises et les Canadiennes devront reconnaître que l'avancement des femmes est impossible sans la résolution des conflits armés et sans l'obtention de la paix à travers le monde.

    Des programmes de prévention dans les écoles et des campagnes de sensibilisation dans les médias devraient être développés et les pressions politiques intensifiées, pour mettre fin aux conflits armés.

    FEMMES ET MEDIAS

    Acquis

    Ces dernières années, quelques femmes ont accédé à des postes de direction dans les médias québécois : une vice-présidente à Radio-Canada, deux femmes directrices de quotidiens montréalais et une femme cheffe de pupitre.

    Plus de femmes journalistes sont affectées à l'information et aux affaires publiques. Il y a désormais des femmes journalistes dans les zones de conflits. Plus de femmes occupent la fonction de réalisatrices à la radio et à la télévision, ou d'annonceures à la télévision. On les retrouve en plus grand nombre dans les cours de journalisme et de communications. 44 % des journalistes à la Gazette sont des femmes. L'une est commentatrice sportive à Radio-Canada. Et dans le milieu de la vidéo, trois groupes de vidéastes femmes réussissent à survivre. Nous soulignons également la naissance de la chaîne de télévision Women Télévision Network, dont le siège social est en Alberta. Ses émissions sont entièrement réalisées par des femmes.

    Signalons un réel effort de féminisation du langage, la féminisation étant une forme de reconnaissance de la légitimité des femmes d'occuper des postes traditionnellement réservés aux hommes.

    La lutte contre les stéréotypes trouve également application dans les prix Éméritas et Déméritas, remis annuellement par le Conseil du statut de la femme (CSF) depuis 1980.

    Obstacles

    En contrepartie, les femmes éprouvent encore de réelles difficultés à accéder aux postes décisionnels. Trop souvent encore, elles servent d'alibis. Leur âge et leur style posent problème à la télévision. Elles se concentrent dans certains postes: par exemple, 90 % des recherchistes sont des femmes. Beaucoup moins de femmes sont engagées dans les quotidiens. Seulement 22 % des journalistes à Radio- Canada sont des femmes. Les syndicats ne supportent pas toujours les revendications des femmes journalistes, les horaires n'accommodent pas les mères, des salaires plus bas leur sont versés. De façon générale, les médias sont encore gérés par des hommes aux idées stéréotypées.

    Quant au contenu de l'information, les médias ignorent encore trop souvent les nouvelles concernant les femmes et ne présentent pas leur point de vue. Le féminisme a toujours mauvaise presse. Les groupes de femmes éprouvent par conséquent de réelles difficultés à faire diffuser leurs informations.

    Recommandations

    72-    Une plus grande solidarité des femmes entre elles devrait être promue. Des comités regroupant des femmes pourraient être mis sur pied dans les syndicats du secteur des communications.

    73-    Des mesures d'accès à l'égalité devraient être développées. Ainsi, des postes pourraient être offerts à des jeunes femmes journalistes et le passage du poste de script-assistante à celui de réalisatrice à la radio ou à la télévision pourrait être encouragé. Les femmes journalistes devraient être encore davantage affectées à des sujets autres que ceux qui leur sont traditionnellement réservés.

    74-    Une plus grande place devrait être faite aux nouvelles concernant les femmes dans l'information, sans confiner ces nouvelles à des ghettos.

    75 -    Les médias devraient jouer un rôle actif dans la diffusion de publicité sociétale contre le sexisme et la violence.

    Stratégies

    Le CRTC devrait être plus vigilant quant au respect des lignes directrices imposées aux médias sous sa juridiction.

    Il s'avérera important de sensibiliser les directeurs des stations de radio et de télévision au style différent des reportages faits par les femmes journalistes.

    Dans le contexte mondial, il est indispensable que les femmes participent activement aux productions culturelles et à la prise de décision dans les médias, et qu'elles y soient représentées à égalité avec les hommes.

    Il faudra également élaborer des mécanismes de soutien aux femmes qui désirent accéder à des postes décisionnels.

    FEMMES ET ENVIRONNEMENT

    Acquis

    Les femmes sont activement engagées dans la mobilisation qui vise à offrir des projets alternatifs de solidarité entre les peuples et qui propose un développement durable.

    Obstacles

    La surpopulation est encore considérée comme la cause centrale de la dégradation de l'environnement. Par exemple, le Fonds des Nations Unies pour les activités en matière de population (FNUAP), dans son rapport L'état des populations 1992, soutenait que le taux de fécondité des femmes est à blâmer. Cette orientation masque les causes profondes du mal­développement et de la dégradation de l'environnement

    26 % de la population vit dans les pays industrialisés et dispose de 78 % de la production, de 81 % de la consommation d'énergie et de 70 % des engrais chimiques.

    Les femmes et les enfants sont particulièrement vulnérables aux nombreux produits chimiques, toxiques et cancérigènes, de même qu'aux radiations et aux déchets nucléaires mutagènes.

    Les programmes d'ajustement structurel accélèrent la détérioration de l'environnement naturel dans lequel les gens vivent et trouvent les ressources nécessaires pour leur survie, parce qu'ils ne sont orientés qu'en fonction de la croissance économique et du remboursement de la dette nationale.

    Recommandations

    76-    Nous recommandons que les ressources humaines, financières et matérielles de la planète soient consacrées aux besoins humains fondamentaux, plutôt qu'à la croissance économique basée sur le profit

    77-    Le Canada devrait cesser d'appuyer les programmes d'ajustement structurel et exercer des pressions auprès de la communauté internationale (Nations Unies, Banque mondiale, FMI, etc.) pour que soient priorisés le développement durable et le respect des droits humains à travers le monde. Le Canada doit restructurer son budget d'aide au développement de façon que:

    a)        60% de l'aide publique au développement (APD) soit consacré au développement humain viable;

    b)        5% de l'APD soit consacré à l'éducation du public canadien aux questions relatives au développement international.

    78-    Des recherches doivent être entreprises sur la sensibilité particulière des femmes et des enfants à certains agents causant le cancer, et des actions doivent être prises pour éliminer ces agents de tout environnement.

    79-    L'Organisation mondiale de la santé (OMS), l'Organisation internationale du travail (OIT), l'organisation pour l'agriculture et l'alimentation (PAO), les gouvernements et les groupes travaillant en santé publique doivent augmenter leurs efforts en vue d'éliminer les risques environnementaux liés au travail. Tout producteur pollueur doit être tenu responsable des torts qu'il cause à l'environnement et à la santé.

    Stratégies

    Le mouvement des femmes doit s'intéresser davantage aux problèmes relatifs à l'environnement et participer à l'élaboration de programmes de sensibilisation.

    CONCLUSION     

    Après avoir préparé ce rapport, nous constatons qu'il ne s'agit pas en général de problèmes de normes. Nous avons, au Québec et au Canada, des lois et des programmes qui devraient nous permettre d'avancer. Il s'agit plutôt de problèmes de mise en oeuvre. Non seulement la cohérence mais aussi plus fondamentalement, la volonté politique d'appliquer les normes ne sont pas au rendez-vous.

    Pire encore, quant à certains aspects, celui des politiques sociales par exemple, nous devons contrer une volonté de faire disparaître des acquis, ce qui pénaliserait particulièrement les femmes et les enfants. Nous faisons référence ici au projet de réforme des programmes sociaux, qui porterait atteinte à l'autonomie économique des femmes par ses restrictions à l'assurance-chômage, sa remise en question de l'universalité des programmes et par l'éventuelle disparition du Programme de promotion de la femme, principal bailleur de fonds de plusieurs groupes de femmes.

    Mais nous avançons, inexorablement, même si les résistances s'avèrent extrêmement fortes. Des événements importants ont eu lieu dans la dernière décennie, Femmes en tête, le Forum Pour un Québec féminin pluriel, les manifestations spontanées d'appui à Chantal Daigle pour son droit à l'avortement. D'autres auront lieu dans un avenir rapproché, comme la Marche des femmes contre la pauvreté.

    Le rapport des groupes de femmes du Québec a été réalisé en vue de la conférence des Nations Unies sur les femmes qui aura lieu en 1995, à Beijing. Il fait état d'acquis, d'obstacles (ou de résistances), propose des recommandations et des stratégies. Mais surtout, il annonce que nous ne baisserons pas les bras.

    Annexe 1: Recommandations et stratégies

    Si nous n'avions pu nommer qu'un événement dans ce rapport, un seul, ancré profondément dans notre mémoire collective, ce serait, sans hésitation aucune, l'assassinat des 14 étudiantes de l'École Polytechnique de l'Université de Montréal, en 1989. A l'heure de réaliser ce bilan, cinq ans après, nous pouvons affirmer que cette tragédie a servi de tremplin et que nous avons franchi l'étape de la colère et de la culpabilité collective pour travailler coude-à-coude et briser le silence qui entoure la violence.

    L'élimination de la violence dans notre société, dont les femmes et les enfants sont les principales victimes, est certes un des enjeux les plus importants pour les groupes de femmes. Rappelons-nous les chiffres révélés par Statistique Canada, en 1993, qui confirmaient que la moitié des Canadiennes avaient été victimes d'au moins un acte de violence depuis l'âge de 16 ans, et que la moitié de ces actes avaient été perpétrés par des hommes qu'elles connaissaient. Le degré de tolérance zéro a été fixé comme objectif, mais il nous reste, en tant que société, à l'atteindre.

    L'autonomie économique des femmes est un autre enjeu particulièrement névralgique. La pauvreté des femmes et des enfants se perpétue. L'accès au marché du travail est de plus en plus difficile; seuls des emplois précaires sont disponibles et les programmes sociaux sont menacés. Ultimement, notre société en viendra-t-elle à stériliser les femmes pauvres pour avoir ainsi moins d'enfants à sa charge, comme le vivent déjà des femmes des pays du Sud ?

    Un troisième enjeu majeur concerne le débat sur le projet de société et la question nationale, que les Québécoises et les Québécois poursuivront en 1995. Si nous avons pris conscience des différences au sein du mouvement des femmes, quant aux femmes autochtones et immigrantes notamment, et si nous voulons de tout coeur faire ressortir et respecter ces différences, il est très clair, pour nous, que le débat ne doit pas être fondé sur une logique de division. Les valeurs culturelles de la majorité et celles de groupes spécifiques risquent de s'y confronter. Les femmes seront inévitablement au coeur de ces discussions, pour faire avancer leur cause et, plus généralement, pour élaborer le projet de société dans laquelle elles souhaitent vivre. Sept principes constituent le fondement du projet de société que nous proposons, tel qu'il a été défini au Forum Pour un Québec féminin pluriel en 1992: équité, égalité, démocratie, responsabilité, pacifisme, pluralisme et développement.