Le planning des naissances au Québec :
portrait des services et paroles de femmes


aperçu

Quels sont les impacts des multiples transfor­mations du réseau de la santé publique sur les services de planning des naissances au Québec?

Est-ce que les femmes sont satisfaites des services offerts?

Quels sont les besoins des femmes et les principaux obstacles rencontrés?

Quelles sont les stratégies d'action collective à envisager pour améliorer la situation?

préoccupée par l'augmentation marquée des demandes d'information et par plusieurs témoignages concernant La diminution ou la disparition des services de planning dans le réseau de la santé, la Fédération du Québec pour le planning des naissances (FQPN) décide d'entrepren­dre en 1999 une recherche-action afin de tenter de répondre à ces questions.

Cette brochure présente un bref aperçu des résultats de cette recherche-action.

Des services de planning accessibles, universels et gratuits...

« Pourquoi est-ce si compliqué d'avoir accès à la pilule du lendemain? Faut-il absolument qu'on rencontre un médecin? J'espère que la prochaine fois que le condom pète, ce sera durant la semaine. »

L'exercice du libre choix face à la maternité nécessite un accès universel et gratuit à des services de planning des naissances. Ce principe, défendu depuis 1972 par la FQPN, est également reconnu dans les Orientations ministérielles de 1996.

Or, l'enquête menée par la FQPN auprès de 150 établissements, CLSC et centres hos­pitaliers (CH), révèle à cet égard des faits troublants. En voici quelques-uns :

  • Dans 90 % des cas, les CLSC réservent leurs services de planning des naissances à des clientèles ciblées : les jeunes et les femmes pré­ sentant une problématique particulière.
  • Dans 71 % des CLSC et 40 % des CH, les femmes ou les adolescen­ tes peuvent attendre jusqu'à trois ou quatre semaines pour un avor­ tement. Cette situation les incite à trouver des ressources financiè­ res pour aller en clinique privée, où le délai est de quelques jours.
  • Uniquement 7 % des CLSC et 54 % des CH offrent la vasectomie, ce qui encourage aussi les hommes à se déplacer vers les cliniques privées.
  • Les coupures budgétaires dans les établissements ont eu pour conséquences la fermeture de certains services ou la diminution du temps alloué aux services de planning.

Cinq années après l'adoption des Orientations, il est plus que temps que le minis­tère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) et les régies régionales réalisent leurs engagements.

Actions possibles

  • Exiger des rencontres avec les responsables du MSSS et des régies régionales pour présenter les résultats de cette recherche;
  • demander une évaluation de la mise en œuvre des Orientations;
  • identifier des solutions possibles pour améliorer l'accessibilité des services.

« Le médecin du CLSC était pressé, je n'ai pas senti qu'on avait le temps de répondre à mes questions... »

L'accès à une information critique, diversifiée et fiable est de première importance si on désire favoriser Le Libre choix.

Les commentaires de 50 participantes à desfocus groups et de 42 répondantes à un questionnaire ont été recueillis dans le but d'évaluer leur satisfaction et de connaî­tre leurs besoins quant aux services de planning.

  • Plusieurs femmes expriment Leurs insatisfactions relativement au manque d'information et d'accès à certaines méthodes contracep­ tives, surtout quand elles désirent un moyen contraceptif autre que la pilule.
  • Elles sont souvent en butte aux jugements moraux du personnel, particulièrement lorsqu'elles ont recours aux méthodes d'urgence.
  • D'une manière générale, elles s'inquiètent du fait que le médecin ait le pouvoir de refuser un service si ce dernier va à l'encontre de sa morale.
  • En définitive, elles se considèrent « chanceuses » quand elles sont écoutées et soutenues.

Par ailleurs, voici ce que nous apprend le portrait des services :

  • Seulement 43 % des CLSC et 61 % des CH acceptent que les femmes soient accompagnées lors d'un avortement alors que la majorité d'entre elles le souhaiteraient.
  • L'intégration des services de planning au sein des services courants augmente les risques pour les femmes d'être confrontées à du person­ nel qui n'est pas à l'aise avec la sexualité et la notion de libre choix.

Actions possibles

  • Diffuser auprès des femmes les documents de vulgarisation de la Loi sur les services de santé et les services sociaux.
  • Faire connaître aux femmes leurs droits à l'information et aux servi­ ces, et de choisir un professionnel de la santé, de donner ou de refu­ ser leur consentement, de participer aux décisions, d'être accompa­ gnées et assistées, et d'exercer un recours.

... réalisés dans une approche de prévention et de promotion de la santé et du bien-être...

« La contraception orale étant devenue presque une norme, les médecins ont tendance à banaliser les effets qu'elle peut avoir sur la santé des femmes. Les effets secondaires tels les maux de tête ou la prise de poids peuvent avoir un impact important sur mon bien-être. »

La santé reproductive, comme la santé en général, ne se limite pas à une absence de maladie. Elle s'inscrit dans une recherche d'équilibre et d'harmonie et requiert des services qui contribuent au bien-être entourant la capacité de reproduction.

À ce sujet, les témoignages des participantes et les résultats de la recherche font état de plusieurs lacunes persistantes dans le réseau de la santé publique.

  • En plus de médicaliser la maternité, c'est l'ensemble du cycle de reproduction des femmes qui est défini et traité comme un problème médical. Des médicaments, comme le Prozac, sont large­ ment commercialisés pour atténuer les symptômes prémenstruels tandis que seulement 5 à 10 % des femmes souffrent sévèrement de ces symptômes.
  • La méthode de contraception Depo-Provera est proposée dans 97 % des cas par les établissements alors que des questions demeurent quant aux conséquences de ce contraceptif sur la santé.
  • Près du tiers des CLSC ne distribuent que des documents d'informa­ tion produits par des compagnies pharmaceutiques.

D'autre part, les intervenantes en planning se disent préoccupées du fait que la composante clinique risque de prendre de plus en plus de place par rapport à la composante éducative.

Actions possibles

- Faire pression auprès du MSSS et des régies régionales pour que :

• les CLSC disposent des moyens essentiels à l'exécution de leurs mandats de promotion, d'éducation et de prévention dans tous les volets du planning;

• un financement adéquat soit dévolu au développement de ressources additionnelles, alternatives et novatrices en milieu communautaire.


... visant à favoriser fa protection de la santé, la sexualité et la fertilité...

« Je me suis fait prescrire [a pilule sans que le médecin m'examine et sansinformation sur les effets possibles sur ma santé. Deux mois plus tard,je me suis retrouvée à l'urgence pour rupture d'un kyste à l'ovaire. »

Le premier outil pour des services de qualité, adaptés aux besoins des femmes et respectueux de leur santé et de leurs choix est la formation du personnel dans tous les milieux de pratique. Toutefois, de nombreuses insuffisances subsistent dans ce domaine.

  • Les programmes de mise à la retraite offerts au personnel de la santé ont eu pour effet de déstabiliser les équipes par le départ de personnel expérimenté.
  • Les établissements manquent d'argent pour la formation continue.
  • La formation professionnelle est davantage orientée vers l'acquisition de connaissances biomédicales et laisse peu de place aux autres aspects qui tiennent compte des déterminants de la santé et de la réalité des femmes dans ses multiples dimensions.
  • La formation gratuite, offerte par les compagnies pharmaceutiques, devient la principale, sinon la seule source de mise à jour des connaissances.

Actions possibles

- Réclamer par l'envoi de lettres et un suivi approprié que :

• le MSSS soutienne financièrement la production d'outils pédagogiques et la réalisation de formations;

• les établissements prévoient la formation continue du personnel ainsi que la diffusion d'outils pédagogiques et d'information indépendants.

... caractérisés par une approche intégrée et multidisciplinaire...

« Je vivais bien mon avortement au niveau intellectuel, mais sur le plan émotif, il m'a fallu un an pour me remonter. Le suivi devrait être global, pas seulement médical, »

Le portrait des services permet d'établir que très peu d'établissements offrent d'une manière intégrée tous les volets des services prévus dans les Orientations. Ces der­nières prévoient pourtant que les interventions devraient faire appel à une équipe multidisciplinaire pour donner une attention égale aux aspects psychosociaux et médicaux.

  • À peine un tiers des CLSC et un cinquième des CH ont des équi­ pes multidisciplinaires en planning des naissances.
  • Ce sont principalement les infirmières et les médecins qui dispensent les services de planning. Une travailleuse sociale s'ajoute à l'équipe dans un tiers des CLSC seulement.
  • Les CLSC maintiennent leur collaboration avec le milieu scolaire, mais uniquement 22 % des CH et 27 % des CLSC entretiennent des liens avec les organismes communautaires.
  • Les CLSC offrent des services de préavortement médical et psy­ chosocial et de postavortement alors que l'intervention a lieu généralement dans un autre établissement.

Cependant, lors des focus groups, les discussions ont fait clairement ressortir que les femmes abordent leur santé de façon globale et désirent des services dont l'ap­proche l'est aussi, sans morcellement de la personne.

Actions possibles

  • Obtenir des responsables du MSSS et des régies régionales l'élimina­ tion du morcellement des services et de la multiplicité des rencontres.
  • Sensibiliser les professionnels de la santé aux aspects psychoso­ ciaux du planning et à la relation d'aide.

... et reconnaissant l'expertise des femmes comme principales actrices de leur santé.

« Je me souviens d'avoir travaillé dur pour convaincre l'infirmière... J'ai finalement gagné ma cause, mais j'ai eu chaud! »

Si le principal objectif des services de planning est de soutenir les femmes dans leurs choix, les personnes qui interviennent dans ce domaine doivent être prêtes à respecter l'expérience unique de chaque femme et à reconnaître son expertise.

Des ateliers de réflexion réunissant des militantes et des intervenantes actives dans le domaine de la santé des femmes ont permis d'identifier des obstacles importants à l'exercice du libre choix en matière de planning.

  • La médicalisation des services a pour conséquence de nier le sa­ voir et les compétences des femmes.
  • Les femmes subissent diverses pressions face à la maternité, al­ lant de considérations morales ou religieuses à des préoccupa­ tions démographiques.
  • La difficulté de négocier sur une base égalitaire avec les hommes, tant au sein du couple que dans la société, représente un frein à l'autonomie des femmes en matière de santé reproductive.
  • La faible présence des femmes aux postes de décisions est un obs­ tacle à une représentation équitable de leurs intérêts et à la re­ connaissance de leur spécificité.

Enfin, toutes les femmes rencontrées refusent que leur santé, leur corps et leur sexualité soient médicalisés. Dans les différents domaines du planning, elles souhaitent pouvoir sortir de l'approche curative et refusent des services qui les infantilisent et où les décisions sont prises à leur place.

Action possible

- Former un réseau de vigilance régional pour nous assurer de la parti­cipation des représentantes des groupes de femmes ou des utilisatri­ces à l'évaluation des services et à l'identification des solutions.

CINQ ANNÉES APRÈS LA PUBLICATION DES ORIENTATIONS MINISTÉRIELLES

en matière de planification des naissances, les résultats de cette recherche-action démontrent que l'action collective est toujours nécessaire pour que les services de planning des naissances soient réellement accessibles, gratuits, de qualité, respectueux du libre choix et offerts à toutes les femmes sans discrimina­tion.

L'absence de données et de travaux de recherche dans le do­maine des services de planning au Québec est préoccupante. La recherche-action Le planning des naissances au Québec : portrait des services et paroles de femmes, brièvement présen­tée dans cette brochure, représente une contribution pour remédier à cette lacune.

La Fédération du Québec pour le planning des naissances conti­nuera à mettre en place différentes stratégies d'action pour améliorer les services de planning des naissances. Elle espère que cette recherche et les pistes d'action proposées sauront susciter l'action collective.

POUR SE PROCURER LA RECHERCHE-ACTION
FQPN
110, rue Ste-Thérèse, bureau 405
Montréal (Québec)
H2Y 1E6
Téléphone:(514) 866-3721 Télécopieur: (514) 866-1100 courriel : info@fqpn.qc.ca