.Cadre de Référence.
La Santé des femmes
au Québec



Sommaire

Introduction

Le Mouvement des femmes et la santé

Un peu d’histoire

La création du Réseau québécois d’action pour la santé des femmes

La santé des femmes

Définir la santé pour agir

La spécificité des femmes

L’approche féministe

Les engagements gouvernementaux

Les défis en santé des femmes

Une information juste et complète pour des choix éclairés

Les revendications des femmes

Les femmes demandent aux instances décisionnelles de faire de leurs revendications des priorités

Les femmes demandent aux instances décisionnelles d’adapter le système de santé à leurs besoins

Les femmes demandent aux instances décisionnelles d’agir sur les déterminants pour une santé globale

Conclusion

Bibliographie

Annexe 1 - Déclaration

Annexe 2 - Tableaux



Le document Cadre de référence: La santé des femmes au Québec
est une publication du Réseau québécois d’action pour la santé des femmes.
ISBN 2-9806433-0-0
Dépôt légal - Bibliothèque nationale du Québec, 1999


Comité de rédaction:
Hélène Cornellier, Lise Lamontagne, Chantal Lapointe,
Danielle Routhier, Carole Tatlock, Lucie Thibodeau

Nous tenons à remercier nos bailleurs de fonds grâce auxquels nous avons pu réaliser le projet
Cadre de référence pour la santé des femmes dont le présent document représente la dernière partie:
Santé Canada, Condition féminine Canada, Ministère de la santé et des services sociaux ainsi que les ministres de la Santé et des Services sociaux, de la Condition féminine et de l’Éducation.

Vous pouvez nous rejoindre par téléphone au (514) 877-3189 ou par courriel: rqasf@rqasf.qc.ca.



La santé des femmes au Québec : cadre de référence
Introduction

Le Mouvement pour la santé des femmes a suscité des modifications majeures dans les orientations gouvernementales concernant la santé des femmes et dans les pratiques thérapeutiques et sociales touchant les femmes.

Pourtant, il reste encore beaucoup à faire. Nos acquis sont fragiles et nos revendications d’aujourd’hui sont parfois inspirées de celles d’hier. Plus que jamais, nous devons demeurer vigilantes si nous voulons que la santé des Québécoises soit inscrite à l’ordre du jour.

En produisant ce Cadre de référence, le Réseau québécois d’action pour la santé des femmes pose un jalon vers la réalisation de sa mission et de ses objectifs. Pour assumer pleinement son rôle, le Réseau a voulu connaître et diffuser les préoccupations essentielles des femmes en matière de santé afin d’orienter la réflexion et l’action des femmes, des groupes de femmes et des instances décisionnelles. Dès sa création, le Réseau prend le relais des séminaires ´Santé, femmes et régionalisationª, pilotés par l’R des centres de femmes du Québec (1997). Afin de poursuivre la discussion, il s’engage à élaborer et adopter un Cadre de référence en santé des femmes. Conséquemment,

  • à l’automne 1997, il met sur pied un comité de coordination multidisciplinaire assumant la supervision et la bonne marche du projet, la rédaction et la diffusion du présent document;
  • en janvier 1998, il réalise un document synthèse sur les actions des gouvernements en matière de santé des femmes pour permettre d’évaluer leur adéquation aux besoins des femmes;
  • au printemps 1998, il tient des consultations à travers le Québec auprès de femmes de divers milieux et diverses disciplines pour faire un bilan de leurs besoins et de leurs attentes en matière de santé;
  • en novembre 1998, il organise un Forum national pour dégager des objectifs communs, définir des stratégies et identifier des moyens d’interventions afin de soutenir une action concertée en faveur de services de santé répondant aux besoins spécifiques et diversifiés des femmes;
  • à l’aube de l’an 2000, il produit ce Cadre de référence, véritable levier politique en faveur du changement et de l’action.

Au total, plus de 120 femmes ont participé aux consultations régionales et plus de 100 femmes ont répondu à l’appel du Forum national. Plusieurs organismes féministes et syndicaux (à caractère national ou régional), mais aussi des femmes des milieux de la santé (infirmières, médecins, praticiennes de médecines alternatives), universitaire et gouvernemental ont contribué à cette démarche. En leur nom personnel ou au nom de leur organisme respectif, elles représentaient la voix des Québécoises.

Ce Cadre de référence est construit de façon à permettre à chacune d’entre nous d’embrasser rapidement l’ensemble de la situation en santé des femmes pour mener de l’avant les revendications des femmes et choisir les actions à notre niveau.

Ainsi, nous débutons par un bref historique du Mouvement en santé des femmes et des préoccupations qui l’ont nourri. Par la suite, nous mettons de l’avant une définition de la santé qui tient compte à la fois de la spécificité féminine, des rôles joués par les femmes, de l’approche féministe de la santé et des défis auxquels les femmes sont confrontées. Suivent une analyse des revendications des femmes et quelques perspectives issues de la démarche menée par le Réseau québécois d’action pour la santé des femmes. Vous trouverez en annexe, sous forme de tableaux, une récapitulation des travaux issus des consultations et du Forum national.

La santé des femmes au Québec : cadre de référence
Le Mouvement des
femmes et la santé

À travers les âges et les sociétés, des femmes soignent et guérissent. De tout temps, elles se préoccupent de santé et de bien-être, prodiguent soins et conseils, s’occupent de leurs proches, sont responsables de l’alimentation, de l’hygiène et de l’organisation domestique. Proches des manifestations de la vie et de la mort, elles ont acquis un savoir empirique et un esprit critique basés sur leur expérience concernant la grossesse, l’accouchement, la contraception, l’avortement, les soins du corps, etc. Elles se forment au contact des unes des autres et se transmettent leurs connaissances oralement, de mère en fille, de voisine à voisine. D’autres femmes, qui exerçaient le métier d’apothicaire, ont laissé des écrits à l’aube du Moyen-Age.

Au cours des dernières décennies, des femmes de tous les milieux ont contribué au développement des connaissances et des soins. Elles exercent une vigilance continuelle et une action constante sur les orientations, les pratiques et les approches en santé cautionnées par les gouvernements, fédéral et provincial, les institutions et les professionnelles et professionnels. De plus en plus, elles se mobilisent pour contester chaque fois qu’elles le jugent nécessaire. Déjà, à la fin du siècle dernier, les femmes se sont mobilisées pour contester la vaccination obligatoire contre la variole.

Un peu d’histoire

Dans plusieurs pays, le Mouvement des femmes s’est développé à partir des années soixante. À l’origine, les femmes se sont préoccupées de la pauvreté, de l’égalité des droits et des chances, de la sexualité et de la maternité, de dignité et de liberté.

Au Québec, ces questionnements ont amené de profonds bouleversements sociaux et ont contribué à l’avancement des femmes et de la société. Les Québécoises luttent pour leur reconnaissance à part entière à titre de travailleuse, de militante syndicale et pour que leurs droits soient respectés. On fait face à des obstacles multiples mais les femmes savent s’organiser. Les travailleuses et travailleurs d’hôpitaux se syndiquent massivement. À l’époque, en 1960, les femmes constituent près du 2/3 des effectifs des syndicats. Les luttes menées et les gains obtenus permettent de jouer un rôle moteur dans l’avancement des conditions de travail des autres secteurs, là encore ce sont des gains qui profitent à toutes les femmes.

Après une première vague de revendications, les Québécoises ont rapidement élargi leur action à la mise sur pied de ressources autonomes. Celles-ci ont non seulement comblé certaines lacunes des services mais sont également devenues des lieux de développement de connaissances et de pratiques, basées sur la réalité et les besoins des femmes. Ainsi, elles ont créé et maintenu, durant de nombreuses années, un réseau des garderies et ont fait émerger sur la place publique les problèmes de violence conjugale et d’agressions sexuelles envers les femmes et les enfants en mettant sur pied des refuges pour elles.

Concernant la santé, les femmes font le bilan d’une pratique médicale publique qui intervient sur tout, même sur les processus normaux de leur vie comme les menstruations, la grossesse et l’accouchement, la ménopause… une pratique médicale peu soucieuse de leur intégrité physique et mentale. Elles dénoncent les attitudes discriminatoires, particulièrement en gynécologie, en obstétrique et en psychiatrie.

Au Québec, le Mouvement pour la santé des femmes s’est surtout développé autour de la question du contrôle des naissances englobant l’accès à la contraception et aux services d’avortement et le libre choix en matière de reproduction et sexualité. Il s’est insurgé peu à peu

  • contre les pratiques et les orientations qui provoquent l’infantilisation, la dépendance et la discrimination;
  • contre l’hyperspécialisation et la surmédicalisation des processus de leur vie, l’institutionnalisation des problèmes de santé mentale, la bureaucratisation et ses effets de déshumanisation de même que la hiérarchisation des rapports dans le domaine de la santé;
  • contre le sexisme des approches et des structures institutionnelles et contre l’intransigeance de certaines corporations professionnelles face aux pratiques alternatives.

Les militantes du Mouvement pour la santé des femmes sont unanimes: premières concernées par leur corps, les femmes ont, par conséquent, une volonté d’agir sur les difficultés qui les affectent. Si cela semble recevable, encore faut-il avoir le pouvoir de connaître, de comprendre et de choisir librement les moyens de résoudre ses problèmes de santé et de rétablir sa confiance dans ses propres capacités et compétences.

Les militantes ont fait connaître l’existence de dimensions spécifiques de la santé des femmes et elles ont contribué de façon importante à améliorer les connaissances qui nous sont accessibles actuellement. Elles cherchent aussi à diffuser les pratiques alternatives et à promouvoir l’analyse féministe de la santé à partir des pratiques collectives et des acquis qu’elles offrent aux femmes.

Le bilan qui suit témoigne de la pertinence et de la vigueur du Mouvement des femmes et, en particulier, du Mouvement pour la santé des femmes et de son impact marquant sur les mentalités, sur les orientations gouvernementales de même que sur les pratiques thérapeutiques et sociales.

Les années 60 - les débuts
 Avant 1960, la santé n’est pas considérée comme un droit individuel et collectif. Sans assurance privée, les gens n’ont pas accès à l’ensemble des services de santé.

En parallèle, le Mouvement des femmes s’organise autour de revendications touchant l’éducation, la contraception, l’égalité…

Des femmes mettent sur pied des groupes pour porter leurs messages et développer des services. Entre autres, on assiste à la création de la Fédération des femmes du Québec (1965) et de l’Association féminine d’éducation et d’action sociale (1966). Un pas est franchi dans le sens de la prise en charge par les femmes de leur vie et de leur autonomie, de leur santé, incluant leur sexualité.

Après 1960, la Révolution tranquille définit la santé et l’éducation comme des droits collectifs sous la responsabilité de l’État.

Cette décennie voit la création de l’assurance-hospitalisation, d’une Commission royale (canadienne) d’enquête sur la situation de la femme et de la Commission (québécoise) Castonguay-Nepveu. Cette dernière propose un système de santé public, gratuit, accessible et universel, la création des CLSC et une carte d’assurance-maladie délivrée à chaque citoyenne et citoyen.

Les années 70 - la création de groupes de femmes en santé

De son côté, le Mouvement des femmes est en plein essor. L’insatisfaction face aux services offerts l’amène à mettre sur pied des groupes pour développer des services, réfléchir et agir ensemble, analyser et dénoncer les failles du système de santé et des orientations gouvernementales. Chaque groupe prend en charge un objectif particulier, l’auto-santé, la violence sexuelle et conjugale, la contraception, l’avortement et la maternité. Ces groupes sont entre autres: Centres de santé des femmes, Centres d’aide et de luttes contre les agressions à caractère sexuel, Centres de femmes et Maisons d’hébergement pour les femmes victimes de violence conjugale. La Fédération du Québec pour le planning des naissances (1972), le Comité de lutte pour l’avortement libre et gratuit (1975) et Naissance-Renaissance (1977) voient le jour.

Les travailleuses, de leur côté, luttent afin de mettre en place des conditions de travail et une capacité à offrir des services de qualité qui répondent, entre autres, aux besoins spécifiques des femmes. Les comité de condition féminine s’organisent. On vote dans les Congrès syndicaux et dans les assemblées générales des propositions qui concernent la santé des femmes, dont: un congé de maternité complet, des services d’information et de soins cliniques sur la planification des naissances et la contraception et le droit libre et entier à l’avortement gratuit.

Les établissements de santé et de services sociaux se structurent. Des Conseils régionaux de la santé et des services sociaux prennent forme dans chaque région.

L’ensemble des services et des soins touchant presque tous les domaines de la vie est pris en charge par la médecine et la pharmacologie: la maladie, la maternité, la santé mentale, la sexualité et la mort.

Plusieurs politiques gouvernementales sont adoptées: planification des naissances (1972), périnatalité (1973), Pour les Québécoises: égalité et indépendance du Conseil du statut de la femme (1978).

Les années 80 - la formation de regroupements provinciaux
Les femmes continuent la mise sur pied de groupes autonomes pour défendre les droits des femmes en matière de santé et offrir des ressources alternatives. Ces groupes se constituent en regroupements provinciaux pour organiser une action concertée, partager l’expertise et augmenter leur impact sur la transformation des politiques et des services. On retrouve bientôt le Regroupement des centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuelles du Québec, le Regroupement provincial des maisons d’hébergement et de transition pour femmes victimes de violence conjugale, R des centres de femmes du Québec, le Regroupement des centres de santé des femmes du Québec, la Fédération des ressources d’hébergement pour femmes violentées et en difficulté du Québec, le regroupement Naissance-Renaissance, etc. La Commission Rochon (1985) fait une sévère évaluation des vingt ans de régime du système de santé et de services sociaux. Elle trace les grandes lignes de la réforme des années 90 axée sur les citoyennes et citoyens. Elle vise à accroître la qualité et l’équité dans la prestation des services, à rechercher des solutions pour garder les personnes dans leur milieu de vie et à consolider le partenariat entre les différents acteurs du réseau de la santé et des services sociaux et du mouvement communautaire. En décloisonnant les établissements, la réforme accentue ainsi le fonctionnement en réseau.

Les années 90 - la mise en place de tables de concertation

Dans ce nouveau contexte, les groupes de femmes participent à la mise sur pied, au plan national, de la Table des regroupements provinciaux d’organismes communautaires et bénévoles en santé et services sociaux et, au plan régional, des Tables régionales d’organismes communautaires en santé et services sociaux (à partir de 1991).

En regard de la restructuration du système de santé, la Coalition féministe pour une transformation du réseau de la santé et des services sociaux voit le jour en 1995. Réunissant des regroupements de groupes de femmes, d’organismes communautaires ou bénévoles et des comités de condition féminine de syndicats, elle analyse la réforme des services de santé et ses impacts sur les femmes.

L’R des centres de femmes du Québec réalise quatre séminaires interrégionaux ´Femmes, santé et régionalisation: partenaires et visionnairesª (1997) auxquels participe le Regroupement des centres de santé des femmes du Québec. Ces rencontres offrent un aperçu de nos préoccupations qui permet de mesurer notre besoin de nous revoir et de nous concerter afin d’établir des consensus et des stratégies d’action.

En 1991, la Loi 120 cautionne la réforme Rochon. Suivent de près la Politique de la santé et du bien-être (1992), la nouvelle Politique de périnatalité (1993), la Politique d’intervention en matière de violence conjugale (1995) et la Politique en matière de condition féminine (1997).

Le Sommet sur l’économie et l’emploi (1996) fixe le déficit zéro comme ligne directrice de tous les choix gouvernementaux pour les années à venir. S’ensuit une restructuration majeure de tout l’appareil gouvernemental, incluant le réseau de la santé et des services sociaux. Les mots clés des politiciennes et des politiciens et des gestionnaires sont: réforme, fusion, restructuration, compressions, rationalisation, privatisation, efficience.

Les utilisatrices et utilisateurs des services de santé subissent des pertes importantes de leurs acquis, les urgences débordent, les listes d’attentes s’allongent, les hôpitaux accusent des déficits majeurs, les travailleuses et travailleurs doivent combler des besoins et des tâches toujours croissants; il s’agit en fait de produire davantage avec moins, moins de personnel, moins d’équipements et moins de budgets. Et c’est le virage ambulatoire qui s’impose malgré le manque des ressources financières nécessaires à sa mise en place.

L’assurance-médicaments (1997), tout en visant l’accessibilité aux médicaments pour toutes et tous, n’atteint pas les objectifs de justice et d’équité. Les personnes âgées et les prestataires de la sécurité du revenu subissent des pertes importantes.

La création du Réseau québécois d’action pour la santé des femmes

Au cours de la dernière décennie, un besoin de concertation et de mobilisation chez les femmes de tous les milieux socioprofessionnels a resurgi. Elles veulent se donner un lieu pour aborder ensemble la situation de la santé des femmes et pour analyser et développer des stratégies d’action concertées. À la suite d’une vaste étude de besoins pour identifier le meilleur moyen de porter l’analyse féministe en santé des femmes, le Regroupement des centres de santé des femmes du Québec (1985) cède la place au Réseau québécois d’action pour la santé des femmes (1997).

Ce nouvel organisme, multidisciplinaire, est un des rares dont la santé constitue l’unique dossier. Sa mission est de travailler solidairement dans une perspective féministe à l’amélioration de la santé et du bien-être des femmes. Bien qu’il soit préoccupé par les intérêts de toutes les femmes, il tient compte des situations particulières vécues par les femmes peu scolarisées, handicapées, présentant des problèmes de santé mentale, en perte d’autonomie, autochtones, lesbiennes et à celles qui rencontrent des barrières linguistiques ou culturelles.

Les objectifs du Réseau québécois d’action pour la santé des femmes sont de:

  • promouvoir et défendre par l’action collective et l’action politique les droits et intérêts des femmes en matière de santé, sur les plans sociétal, politique, législatif et gouvernemental;
  • adopter et faire valoir une approche globale de la santé des femmes;
  • regrouper et mobiliser les femmes et les organisations préoccupées par la santé des femmes;
  • agir pour et avec les femmes, dans la reconnaissance de leur savoir et la prise en charge de leur santé.
La santé des femmes au Québec : cadre de référence
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La santé
des femmes

À ce moment-ci de son histoire, le Mouvement des femmes se devait, pour remplir son mandat relativement à la santé des femmes, se pencher sur une définition de la santé qui rejoigne toutes les femmes, dans leurs similitudes comme dans leurs différences.

Définir la santé pour agir

La santé est un objectif, une valeur sociale ainsi qu’un droit reconnu internationalement. Elle concerne nos vies individuelles et notre équilibre collectif. La définir devient important pour comprendre, évaluer, choisir et intervenir: une tâche complexe face à un concept chargé de valeurs, de traditions et de représentations.

Déjà en 1948, la définition de l’Organisation mondiale de la santé présente la santé non seulement comme une absence de maladie et d’infirmité mais surtout un état de bien-être physique, mental et social. En 1995, pour le Regroupement des centres de santé des femmes du Québec, l’analyse féministe «redéfinit la notion même de santé comme étant l’harmonie entre l’état intérieur (psychologique, intellectuel et émotif), l’état physique et l’environnement (social, économique et politique)»1. Beaucoup de chemin a été parcouru entre ces deux définitions. Pourtant encore aujourd’hui, la Fédération des médecins spécialistes du Québec, une corporation d’influence dans l’élaboration des politiques de santé, définit la santé comme «un répit temporaire de la maladie»2. Ceci illustre bien deux définitions opposées: la santé comme faculté d’adaptation d’un individu à son milieu de vie et la maladie à cause unique ayant une existence en soi, indépendante de l’individu. Par ailleurs, plusieurs organisations médicales ou autres véhiculent des définitions qui peuvent coexister et traduire une image plus dynamique de la santé.

Et si ces deux tendances étaient parties d’un tout? Si la maladie n’était pas toujours une ennemie mais parfois un mode d’expression de l’être? Si nous définissions la santé comme une faculté d’adaptation de la personne à son milieu? Si nous voyions la maladie comme «une forme de communication, un langage des organes, à travers laquelle s’exprime la nature, la société et la culture.»3? Si la maladie était partie intégrante de la santé?

Des balises pour une définition

Conscientes que la façon de définir la santé a un impact direct et indirect sur l’interprétation faite de l’état de santé des personnes et sur l’organisation et le choix des priorités de services offerts aux femmes, il est important de jeter des balises pour une définition de la santé. Voici quelques pistes proposées par Maria DeKoninck, conférencière invitée au Forum national, susceptibles d’alimenter notre réflexion et nos discussions:

  • La santé est une expérience de complet bien-être aux plans physique, mental et social et ne consiste pas seulement en l’absence de maladie. Elle correspond à un objectif d’équilibre à la fois personnel et avec son environnement. Un tel équilibre devient possible lorsque se conjuguent les conditions favorables à l’adaptation requise par les situations rencontrées aux différents moments de la vie.

Nous sommes convaincues que la santé doit être envisagée d’un point de vue global. L’élargissement de cette définition doit tenir compte de toute la personne au plan biologique, mental, social, intellectuel et spirituel. L’équilibre entre ces différents aspects reconnaît leur interrelation et la dimension dynamique de la personne.

Toutefois, la définition de la santé que nous désirons promouvoir doit rester assez générale et globale pour ne pas encourir le risque que toute solution relève des professionnelles et professionnels de la santé et de la médicalisation. L’important est de reconnaître la personne comme experte de son expérience, comme première et principale actrice de sa santé.

La spécificité des femmes

Une définition de la santé des femmes présente ce qui nous est spécifique et justifie par conséquent d’accorder de l’importance à notre santé et nos besoins particuliers.

La situation des Québécoises

Nous vivons plus longtemps que les hommes, 81.4 ans contre 75.8 ans. Même si nous avons de meilleures habitudes de vie, nous sommes plus longtemps en perte d’autonomie, 12.3 ans contre 8.3 ans.4 Par ailleurs, nous sommes plus souvent malades ou avons plus souvent recours aux services de santé entre autres parce que les étapes de notre vie liées à la reproduction sont grandement médicalisées.

Le développement de la recherche sur la santé des femmes a permis de reconnaître l’importance d’une analyse différenciée. Nous sommes différentes des hommes: constatation simple s’il en est une mais complexe lorsqu’il s’agit de l’appliquer dans les recherches et les programmes en santé. En plus de la fonction reproductive et du métabolisme hormonal, nous nous distinguons par la morphologie, la taille, le volume des organes, la répartition du volume adipeux, le pourcentage d’eau... De plus, nous réagissons autrement aux médications, aux psychotropes et aux traitements.

Conséquemment, il importe d’analyser dans une perspective féministe les problèmes de santé que nous vivons. En effet, les questions de santé au travail, les sources de stress et les traumatismes vécus dans des contextes de violence de même que certaines maladies et états psychologiques ne nous affectent pas de la même façon que les hommes. Certaines maladies nous sont propres ou sont plus répandues parmi nous, par exemple le cancer du sein, l’anorexie, l’ostéoporose et la détresse psychologique.

Les déterminants sociaux

Des liens ont été établis entre le statut socio-économique et l’état de santé. Nous sommes généralement plus pauvres que les hommes à cause d’un ensemble de facteurs,notamment: emplois traditionnellement féminins moins bien rémunérés, perte de revenu liée aux grossesses, monoparentalité et responsabilité des enfants assumée par les femmes, appauvrissement lié à la séparation du couple, accès difficile aux promotions à cause des responsabilités familiales, etc.

Pour améliorer notre état de santé, notre défi est d’obtenir l’augmentation de nos revenus. Pour ce, des changements structurels s’imposent. Une volonté politique est nécessaire pour mettre en place des mesures qui garantissent une augmentation de revenus et de crédits disponibles, quel que soit le rôle que nous assumons dans la société, de nouveaux congés sociaux et des congés parentaux pour tous les milieux de travail.

Avec la Charte des droits et libertés de la personne et le nouveau Code civil du Québec, les Québécoises ont acquis une égalité de droit dans tous les domaines, tant dans la sphère publique que privée. Dans les faits, la réalité est tout autre. La division sociale des rôles et des tâches entre les hommes et les femmes, tant au travail que dans la famille, est un lieu de tensions considérables et ne reflète pas l’égalité.

L’ampleur des inégalités socioéconomiques est directement et intimement liée aux conditions de vie particulières des femmes et des hommes. Pour nous permettre d’atteindre l’égalité dans le monde du travail, de la famille ou de la politique, il faut que des changements de valeurs s’effectuent et que les institutions, publiques ou privées, se modifient considérablement.

Par ailleurs, la place occupée par les femmes dans les structures du pouvoir, tant politiques, économiques qu’administratives est minoritaire. Les politiques et les décisions ayant un impact sur la santé sont prises par des hommes de façon générale; dans les sphères du pouvoir, les hommes sont les décideurs et les femmes, les artisanes.

Puisqu’elles sont majoritaires au sein des services de santé, les femmes devraient se retrouver en plus grand nombre aux postes de décision, prenant ainsi en main les services et les soins qu’elles donnent tous les jours. Pourtant, nous sommes bien loin du compte même si la situation change lentement.

Pour investir les milieux de décisions, notre défi repose sur des changements de mentalité face au pouvoir perçu par les femmes souvent de façon négative et sur des structures adaptées. Les femmes occupant des postes de décision peuvent en aider d’autres en agissant comme mentors. Il est impératif que les instances décisionnelles de ces institutions représentent équitablement les intérêts des hommes et des femmes.

Le sexisme et la discrimination encore présents aujourd’hui maintiennent chez plusieurs d’entre nous des sentiments d’impuissance, de dépression et de culpabilité. Ils entraînent des exigences comme la minceur et l’éternelle jeunesse qui vont à l’encontre de la santé des femmes ou excluent un grand nombre de certains milieux. La violence faite aux femmes dans tous ses aspects, conjugale — familiale — médicale — psychiatrique — sexuelle, créent un sentiment d’angoisse et de peur qui paralysent et augmentent le stress.

Notre défi est donc le renouvellement et la promotion des valeurs d’égalité, de dignité et de sécurité pour tous, femmes et hommes, qui sont à la base des changements nécessaires pour une vie en santé. Les villes, les écoles et les milieux de travail demeurent des lieux privilégiés pour amener des modifications dans les comportements et les attitudes.

Les rôles des femmes

Nous sommes présentes sur tous les plans: utilisatrices, travailleuses, bénévoles, aidantes et professionnelles tant au sein du réseau de la santé et des services sociaux, en médecines alternatives que dans le secteur communautaire ou même le domaine privé.

Nous utilisons plus que les hommes les services de santé et les services sociaux. Toute réduction de l’accessibilité des services nous prive des soins qui nous sont nécessaires. Avec le désengagement de l’État et les listes d’attentes qui s’allongent, la privatisation nous touche davantage car nous avons moins de revenus que les hommes pour payer des services privés.

Au sein du système de santé, dans les groupes communautaires ou dans le milieu des médecines alternatives, toutes professions confondues, les femmes constituent 80% des travailleuses. À ce titre, nous sommes plus concernées par la réorganisation des services de santé, le virage ambulatoire, les réductions budgétaires, le statut précaire des emplois, le dumping de clientèles lourdes vers les organismes communautaires et la non-reconnaissance des pratiques alternatives.

La désinstitutionnalisation et la réduction des séjours hospitaliers responsabilisent la famille. Or, de nombreuses données indiquent que le travail, les tâches et les respon-sabilités au sein des familles sont l’apanages des femmes. Nous avons historiquement pris soin des enfants, des malades de la famille et des personnes à charge comme les parents ou les personnes handicapées. Ce virage, dont on parle tant, impose inévitablement des changements dans la réalité quotidienne des femmes. En clair, on attend des femmes qu’elles prennent la relève en agissant comme aidantes et bénévoles. Nous devons assumer de plus en plus de responsabilités en regard de nos proches. Pour cela, nous épuisons souvent nos épargnes, les avantages sociaux liés à nos emplois (lorsque nous en avons) de même que nos réserves de santé et d’énergie.

Ainsi, l’expérience de la santé et de la maladie est différente selon que l’on soit une femme ou un homme et les conditions sociales et économiques des femmes touchent de façon plus marquée leur santé. Ceci implique que les recherches, programmes, services et approches doivent tenir compte de leur impact sur les femmes en tant qu’utilisatrices et travailleuses et ce, avant même leur mise en œuvre.

L’approche féministe

L’approche féministe en santé des femmes diffère du discours dominant sur plusieurs plans: l’analyse des problèmes de santé, l’information produite et partagée, l’approche thérapeutique, l’importance accordée à la prévention, la relation thérapeutique, le processus décisionnel et les solutions envisagées face aux problèmes de santé. Le lien entre la santé, les rapports sociaux et les conditions de vie permet d’évaluer avec justesse les problèmes de santé des femmes. L’analyse féministe considère la marginalisation des femmes comme un des déterminants majeurs de leur santé.

Le discours dominant

  • entretient une vision stéréotypée des femmes qui ne laisse pas de place à la différence, qu’elle soit reliée à l’identité sexuelle ou à la culture;
    .
  • évalue les problèmes à partir d’une grille sexiste où le normal est masculin;
  • traite la maladie par une approche curative souvent déshumanisante, discriminatoire, sexiste et infantilisante;
    .
  • s’occupe des maladies au lieu de prévention ou de promotion de la santé, sauf pour les clientèles dites à risque;
    .
  • fait de la personne un ou une bénéficiaire pris en charge par un système qui crée et encourage la dépendance;
    .
  • apporte surtout des solutions pharmacologiques et biotechnologiques plutôt que de changer les modes de vie ou d’agir sur les déterminants de la santé;
    .
  • se sert de l’objectif de la santé pour contrôler les comportements;
    .
  • supporte des choix de services qui ont des impacts sur la société et qui n’ont pas fait l’objet de débats publics.

L’approche féministe

  • dénonce les mythes, les stéréotypes qu’ils soient fondés sur le sexe, l’appartenance culturelle, l’orientation sexuelle ou le statut social;
    .
  • évalue les problèmes en considérant la spécificité du genre;
    .
  • affirme comme à priori que la femme est experte de son corps, de ses sensations, de ses émotions et de son histoire de vie;
    .
  • propose des services spécifiques pour les femmes et réclame des soins adaptés à leurs besoins et à leur réalité;
    .
  • mise sur la prévention et la qualité de vie pour assurer et restaurer la santé des femmes;
    .
  • tient compte de toute la personne et non seulement du problème exposé;
    .
  • informe pour aider au choix thérapeutique plutôt que de l’imposer;
    .
  • se base sur la promotion et la préservation de la santé, sur l’auto-santé et sur une attitude ouverte et accueillante des processus normaux de la vie des femmes;
    .
  • affirme l’importance d’échapper aux modèles pour trouver sa propre identité et ses propres solutions;
    .
  • invite les femmes à regagner leur dignité et leur confiance en soi, à reconquérir leur pouvoir personnel et à favoriser la quête de l’autonomie;
    .
  • réclame que les femmes soient associées aux décisions qui concernent leur vie;
    .
  • promouvoit la compréhension plutôt que la peur, le soutien plutôt que l’isolement, l’expression des besoins plutôt que la dépendance.

Les engagements gouvernementaux

À partir du document synthèse sur l’action gouvernementale, produit par le Réseau québécois d’action pour la santé des femmes, les femmes ont mis en perspective trois aspects:

  • La majorité des politiques en santé des femmes nous sont peu ou pas connues. Elles sont mal publicisées, peu vulgarisées ou non appliquées localement. De plus, la concrétisation de ces politiques par des services est souvent absente ou invisible.
    .
  • Les politiques analysées ne répondent pas à nos attentes parce qu’elles reposent sur le morcellement du corps des femmes.
    .
  • Les politiques en santé des femmes ne couvrent pas l’ensemble de nos préoccupations.

Parmi les différentes politiques en matière de santé, certaines présentent des aspects positifs, comme l’intégration de la vision féministe en terme d’approche globale de services et de soins et la démythification de certaines problématiques par la reconnaissance de leur impact social. Par contre, on relève chez d’autres un certain nombre d’écueils importants à souligner, soit la méconnaissance de la spécificité des femmes en matière de santé, l’approche clientèle excluant les personnes n’entrant pas dans les critères de sélection, la priorité du curatif sur le préventif et la responsabilisation et culpabilisation des femmes.

Rappelons en terminant, les engagements pris par les gouvernements participants à la quatrième conférence mondiale des Nations Unies sur les femmes, à Beijing en 1995, en regard de la santé des femmes. Ces engagements rejoignent les demandes des femmes à travers le monde et celles du Québec plus particulièrement. Ils peuvent nous servir de point d’appui pour nos propres revendications. Ce sont:

  • créer des mécanismes pour appuyer les organisations non gouvernementales, surtout les organisations féminines qui œuvrent en faveur de la santé des petites filles et des femmes, et les associer à tous les niveaux d’élaboration de politiques et de programmes dans le secteur de la santé et des secteurs connexes;
    .
  • promouvoir la recherche, les techniques et les traitements sanitaires axés sur les femmes, tout en intégrant les connaissances traditionnelles et autochtones à la médecine moderne, et donner aux femmes les informations dont elles ont besoin pour prendre des décisions éclairées et responsables;
    .
  • accorder une plus grande priorité à la santé des femmes et mettre au point des mécanismes pour coordonner et exécuter les activités inspirées par les objectifs de santé définis dans le programme d’action et les accords internationaux pertinents, afin de stimuler les progrès en ce sens;
  • reconnaître les besoins spécifiques des adolescentes et mettre en œuvre des programmes appropriés d’éducation et d’information, par exemple, sur les questions de santé liées à la sexualité, à la procréation et sur les maladies transmissibles sexuellement.


    1 Regroupement des centres de santé du Québec, Petite histoire d'un grand mouvement, 1995, p.2
    2 Fédération des médecins spécialistes du Québec, mémoire déposé aux audiences publiques de la Régie régionale de la santé et des services sociaux de la Montérégie, 1998
    3
    Scheger, Hughes et Lock, Culture et santé publique : les contributions de l'anthropologie à la prévention, éditions Gaétan Morin, 1995, p.172
La santé des femmes au Québec : cadre de référence
Les défis en
santé des femmes

Le contexte politique, social et économique a beaucoup changé depuis les années soixante. La révolution tranquille d’alors nous semble bien timide devant les bouleversements de l’ère de la mondialisation. La montée actuelle de la droite néolibérale et des intégrismes religieux ou autres s’inscrivent souvent comme des menaces directes ou à peine voilées contre les droits des femmes, et ce, partout dans le monde.

L’évolution de la société et la multiplication des réformes affectent, elles aussi, les femmes et depuis quelques années le Mouvement des femmes a tant à faire avec la pauvreté, la violence, la conciliation travail, famille et vie privée que les dossiers liés à la santé ne bénéficient pas de la place qu’ils méritent. Pourtant il s’agit bien d’une préoccupation majeure de beaucoup de femmes. De celles d’hier et de celles d’aujourd’hui, de celles d’ailleurs et de celles d’ici, puisque de tout temps et en tous lieux, ce sont en grande majorité les femmes qui ont été les garantes de la santé. Il est donc urgent de remettre la santé des femmes à nos agendas.

Même si dans une certaine mesure, les féministes sont reconnues comme actrices politiques permettant des changements majeurs dans la reconnaissance de la spécificité des sexes en santé, même si les représentantes des groupes de femmes et des syndicats sont impliqués dans la formulation et l’application des politiques de santé et ont davantage la possibilité d’influencer les programmes gouvernementaux, il reste beaucoup à faire pour améliorer la santé des femmes. Des injustices et des inégalités sont encore présentes. Économiques et sociales, elles affectent toute la population mais plus particulièrement les femmes.

La similitude des politiques économiques mises en place dans différents pays a les mêmes conséquences d’appauvrissement et d’érosion des liens sociaux. Il devient donc difficile de préserver un bon état de santé et de jouir de bien-être. Dans ce contexte, plusieurs défis d’ordre organisationnel, structurel et politique s’imposent pour améliorer la qualité de vie des femmes.

Malgré la mobilisation du Mouvement pour la santé des femmes, les acquis sont souvent trop minces ou trop fragiles pour crier victoire. Le contexte évolutif de la société et de ses institutions nous incite à en préciser les orientations. Collectivement, nous avons dégagé des constats bien collés à la réalité et nous nous sommes entendues sur des objectifs à travailler. Nous envisageons maintenant des stratégies et des moyens d’action pour les atteindre.

Une information juste et complète pour des choix éclairés

L’information est ce qui permet l’exercice de la démocratie et de la liberté de choix. Elle est essentielle à la participation aux décisions et à la prise en charge de sa propre santé et de celle de sa famille. Bien qu’elle soit omniprésente, multiple, envahissante même, jamais sans doute n’avons-nous eu plus qu’aujourd’hui le sentiment d’être dépossédées de nos moyens et de nous-mêmes.

Tous les jours, des spécialistes établissent de nouveaux diagnostics dont les remèdes ne figurent pas dans les carnets secrets de nos grands-mères. Ils nous somment d’utiliser de nouveaux médicaments, plus révolutionnaires les uns que les autres. Les femmes, jadis brûlées pour leur pouvoir et leur savoir de guérison, sont aujourd’hui perçues par nos sociétés comme des ´docteur mamanª et investies de la mission d’administrer des pilules et des sirops. Non pas qu’il s’agisse de rejeter l’approche biomédicale et ses nouvelles découvertes mais, quelque part dans l’histoire, notre savoir s’est perdu. Ce savoir élémentaire nous permettait d’intervenir dans la vie de tous les jours, de ne pas se sentir dépassée par un simple rhume ou une maladie bénigne. Nous avions une bonne idée de ce qui était bon pour nous et pour nos enfants, alors qu’aujourd’hui, nous sommes nombreuses à ne plus savoir quelle éducation sanitaire de base transmettre à nos enfants. Même une saine alimentation est devenue une bataille de spécialistes. Que dire alors de ce qui relève de problèmes moins courants?

Dans une approche féministe, où les femmes sont à la fois sujets et premières intervenantes de leur santé, nous revendiquons d’avoir accès à:

  • une information juste, impartiale, objective et vulgarisée;
  • une information qui nous redonne du pouvoir au quotidien;
  • une information qui nous permette de comprendre le sens des interventions et traitements proposés et de prendre les décisions qui nous concernent;
  • une information plus large que la lorgnette des approches scientifiques et biomédicales, pour comprendre de façon globale la situation en jeu;
  • une information tenant compte des déterminants de la santé même si cela doit mener à réviser certains choix de société;
  • une information facilement accessible, nous rejoignant, adaptée à nos réalités.

Mais cette information existe-t-elle? Est-elle de nature à permettre une vue d’ensemble de la santé des femmes? Les femmes ont-elles les outils nécessaires pour évaluer la qua-lité de l’information? Est-elle utile lorsqu’elle ne procède pas d’une recherche sexuée ni d’une analyse différenciée, c’est-à-dire faite en tenant compte de notre spécificité?

En fait, la majorité de l’information scientifique concerne les femmes uniquement en vertu de leur appartenance au genre humain, donc issue de recherches faites à partir des hommes. Est-ce parce que les sujets de recherche nous regardant ne sont pas jugés suffisamment sérieux? Le Conseil de recherches médicales estime en effet qu’on ne consacre spécifiquement aux problèmes de santé des femmes que 5% environ des fonds affectés à la recherche sur la santé au Canada. L’état de santé des femmes pourrait ainsi s’en trouver compromis.

Actuellement, l’information la plus accessible et la plus organisée provient des compagnies pharmaceutiques. C’est aussi la moins critique car le but poursuivi par les compagnies pharmaceutiques est avant tout la recherche du profit et non de la santé. De leur côté, les groupes de femmes produisent une information critique pour nous permettre de faire un choix réel en accord avec notre réalité. Cependant, faute de financement adéquat, cette information est peu accessible à travers le réseau de la santé officiel et auprès des professionnelles et professionnels de la santé. Il ne s’agit pas seulement d’accessibilité à l’information mais surtout de développement de recherches qui portent sur les vrais problèmes, les causes des maladies ou les impacts des déterminants sur la santé.

Ce manque d’information différenciée, obtenue à partir de recherches pour et avec les femmes est un fossé que les femmes veulent combler. Par conséquent, nous revendiquons une présence paritaire au sein des instances décisionnelles des centres de recherche et un droit de regard sur leurs orientations. De la sorte, nous nous assurerons que les priorités ne soient pas établies en fonction des intérêts des chercheures et chercheurs ou des compagnies pharmaceutiques mais bien dans l’esprit de répondre aux besoins de la population.

Nous réclamons aussi que cesse l’extrapolation des résultats de recherches menées sur des hommes pour déterminer des traitements qui nous sont destinés. Nous demandons l’investissement de ressources financières pour des recherches visant à obtenir des données sexuées et à procéder à une analyse différenciée. Nous réclamons que les milieux de recherche se penchent davantage sur des questions de santé propres aux femmes, notamment sur la santé en milieu de travail, et sur les déterminants environnementaux des maladies qui nous sont propres.

Les revendications des femmes

Nos revendications adressées aux instances décisionnelles se présentent sous les trois sections suivantes: faire de nos préoccupations des priorités; adapter le système de santé à nos besoins; agir sur les déterminants pour une santé globale. Le tout n’est certes pas nouveau ni exhaustif mais représente une mise à jour de notre calendrier de travail pouvant nous servir à créer une société meilleure pour la santé des femmes. Et du pain sur la planche pour nombres d’années à venir!

Les femmes demandent aux instances décisionnelles
de faire de leurs préoccupations des priorités

Ces constats traduisent à nos yeux un manque de reconnaissance de la situation particulière des femmes et de nos besoins spécifiques. Il ne s’agit plus simplement de reconnaître les inégalités hommes et femmes, riches et pauvres, et leurs impacts, mais bien que l’action prenne le pas sur les discours. C’est pourquoi nous revendiquons que:

  • L’amélioration de la santé des femmes soit une priorité au programme de nos gouvernements.

S’inspirant de l’expérience de d’autres pays, tel l’Australie qui a adopté une Politique en santé des femmes, nous en faisons une revendication officielle et majeure. Ceci suppose qu’en faisant de la santé des femmes l’objet d’une politique, on lui donne un caractère prioritaire. À partir d’une telle politique, nous pourrons influencer les différentes législations, les décisions et les orientations gouvernementales. Nous revendiquons:

  • L’adoption par nos gouvernements d’une politique pour la santé des femmes qui tient compte des dimensions physique, psychologique, sociale, économique, environnementale et spirituelle.

Pour que cette politique réponde à nos attentes et à l’ensemble de nos revendications, elle devra s’inspirer d’une approche globale liée à une définition de la santé à laquelle nous pourrons adhérer. Elle devra, en outre, reconnaître notre spécificité en matière de santé. Afin d’assurer une correspondance entre les politiques, les programmes et les services, nous devrons être consultées et impliquées dans le processus, de l’élaboration à l’évaluation. À cet égard, le Mouvement pour la santé des femmes revendique:

  • La reconnaissance de l’expertise des organismes communautaires en santé des femmes et celle du Réseau québécois d’action pour la santé des femmes comme interlocuteur incontournable, représentant les intérêts des Québécoises en matière de santé.

Si l’adoption d’une politique peut être un objectif, il ne s’agit pas d’une fin en soi, c’est pourquoi, dans un premier temps, nous revendiquons:

  • La mise en œuvre des engagements et des orientations en santé des femmes déjà adoptés par le gouvernement et ce, dans toutes les régions du Québec.

C’est la volonté politique et non le manque de ressources qui est le véritable moteur de l’action gouvernementale. Pour assurer la mise en application des engagements de l’État, nous revendiquons:

  • La répartition des enveloppes budgétaires respectant les besoins des femmes en matière de santé, garantissant la mise en œuvre des engagements de l’État et le financement des groupes travaillant en santé des femmes qui répondent aux besoins auxquels le réseau de la santé ne peut répondre.

Les femmes demandent aux instances décisionnelles
d’adapter le système de santé à leurs besoins

Le grand cri unanime des femmes lorsqu’on aborde la question du système de santé se résume ainsi: ´Nous n’avons pas à payer la note du désengagement de l’Étatª. La transformation du réseau de la santé et des services sociaux nous affecte à tous les niveaux, comme travailleuses, usagères et aidantes. S’inscrivant en faux contre ces tendances qui remettent en cause les principes d’universalité et d’accessibilité qui sont à la base du régime d’assurance-maladie du Québec, nous revendiquons:

  • Le maintien, le rétablissement et le développement de services de santé et de services sociaux adaptés à nos besoins, accessibles, gratuits et de qualité, et ce dans toutes les régions du Québec.

Au fil des ans, certaines initiatives gouvernementales ont intégré la vision féministe et proposent des services adaptés aux femmes, mais la majorité omettent de considérer le sexe comme un déterminant majeur tout en adoptant une approche curative plutôt qu’une approche de promotion de la santé. Convaincues qu’un véritable programme de santé ne peut être efficace s’il investit essentiellement dans les soins curatifs, nous revendiquons:

  • Une réorientation des ressources dans le sens d’un véritable travail de prévention et de promotion.

Soucieuses également que les services de santé répondent à nos besoins, nous revendiquons l’intégration d’une approche féministe dans le système de santé. En effet, lorsque les professionnelles et professionnels du milieu de la santé et des services sociaux seront sensibilisés à cette analyse, il en résultera une amélioration notoire de la qualité des services qui nous sont offerts. Par ailleurs, si ces intervenantes et intervenants prennent conscience de l’impact de la marginalisation des femmes, il en résultera aussi une meilleure attention à la condition de chacune. À cet égard, parce que les lesbiennes souffrent quotidiennement des préjugés envers elles, que ces préjugés sont à la source d’une réticence à consulter et qu’ils mènent fréquemment à de faux diagnostics, nous soulignons l’importance de développer des services adaptés à leurs réalités. Nous revendiquons:

  • La formation des professionnelles et professionnels de la santé et des services sociaux à l’approche féministe en santé des femmes.

Le système de santé québécois ne répond pas adéquatement à nos besoins. Par ailleurs, les groupes de femmes en tant qu’instigateurs de pratiques novatrices contribuent non seulement à répondre aux besoins spécifiques des femmes mais aussi à un renouvellement des pratiques dont peuvent profiter les institutions du réseau de la santé. Par conséquent, le Mouvement des femmes en santé revendique:

  • La reconnaissance, le développement et le financement de pratiques et de ressources alternatives qui privilégient une approche féministe, tel que les centres de santé des femmes, les volets santé dans les groupes de femmes, les maisons de naissance, les services des sages-femmes…

De plus, les femmes sont de grandes utilisatrices et dispensatrices de soins relevant des médecines alternatives. Or, il existe peu de législation permettant de reconnaître et d’encadrer certaines de ces pratiques et ainsi d’en garantir la qualité. En outre lorsqu’il s’agit de pratiques reconnues, telle l’acupuncture, leur non-intégration au système public contribue à en réduire l’accessibilité. Par conséquent, nous revendiquons:

  • La reconnaissance et l’intégration des médecines alternatives au système de santé.

Conséquemment, toute intervention, tout traitement et toute nouvelle recherche relative aux femmes doivent être soumis à l’impératif ultime de respecter et de répondre à nos besoins. À titre d’exemple, la recherche en contraception ne pourrait avoir comme objectif voilé le contrôle des populations par le biais du contrôle de la fertilité des femmes. Ainsi, nous revendiquons:

  • Une redéfinition de l’éthique de la recherche, médicale et sociale, en santé des femmes en fonction de l’approche féministe.


Les femmes demandent aux instances décisionnelles
d’agir sur les déterminants pour une santé globale

Historiquement les revendications des femmes ont pointé du doigt les rapports inégalitaires entre les sexes comme un des déterminants majeurs de leur santé. Loin d’avoir disparus, en dépit d’une certaine évolution de la situation, ils ont été décortiqués en diverses composantes ayant chacune des effets connus sur la santé des femmes.

Ainsi, on parle maintenant, à titre de déterminants, non seulement des rapports sociaux inégalitaires structurant les conditions de vie des femmes mais aussi:

  • de la pauvreté et de l’appauvrissement des femmes,
  • ®de la violence sous toutes ses formes,
  • des conditions de travail, de la précarité de l’emploi et des inégalités salariales,
  • de la maternité et de la monoparentalité,
  • du rôle social des femmes, de la difficulté de concilier travail – responsabilités familiales – vie privée - relations sociales,
  • des préjugés face aux minorités (lesbiennes, communautés culturelles, peuples autochtones, etc.)
  • des stéréotypes sexistes liés à l’image corporelle…

Autant de déterminants de plus en plus reconnus comme tels par nos gouvernements mais sur lesquels ils tardent à agir, préférant inviter les femmes à se ´responsabiliserª. Autant de fronts sur lesquels les femmes doivent combattre solidairement pour améliorer leur santé. En nous réseautant et en réaffirmant nos droits, nous construirons un rapport de force suffisamment puissant pour travailler à démanteler les rapports sociaux inégalitaires et antagonistes entre hommes et femmes. C’est en revendiquant la parité dans la représentation des femmes, dans toutes les instances décisionnelles du secteur public par exemple, et en travaillant à informer les représentantes des femmes que pourra émerger une nouvelle façon d’envisager la société et la citoyenneté. À cet égard, nous revendiquons:

  • La parité dans la représentation des femmes dans toutes les instances décisionnelles du secteur public.

Nous voulons agir en faveur de l’égalité et de l’équité sociale pour améliorer la santé des femmes. Considérant que l’obsession du déficit zéro et le virage ambulatoire favorisent l’appauvrissement des femmes et augmentent la responsabilité des familles, entendons par là particulièrement celle des femmes, il faut reconnaître le travail invisible des aidantes, les outiller et les soutenir et leur offrir des ressources. Mais il faut aussi revendiquer:

  • L’adoption par les gouvernements du principe de pauvreté et de violence zéro.

Les choix politiques et économiques de nos gouvernements et de nos sociétés ont aussi des effets à plus ou moins long terme sur l’environnement et, par ricochet, sur la santé des femmes, que ce soit, le relâchement des normes environnementales, l’exploitation et la privatisation à outrance des ressources naturelles. À certains égards, nous interpellons les gouvernements pour leur rappeler les engagements déjà pris. Par conséquent, nous revendiquons:

  • Des moyens d’évaluer, de participer et d’influencer les choix politiques afin d’éviter de mettre en péril leur capital santé.

Finalement, ces revendications sont un premier pas des femmes dans leur positionnement quant à la détermination des choix sociaux et collectifs ayant des effets sur la santé.

La santé des femmes au Québec : cadre de référence
Conclusion

Notre Cadre de référence: La santé des femmes au Québec est le fruit d’une démarche à laquelle nombre de femmes ont participé. Il est né d’un désir de concertation et d’un sentiment d’urgence à agir pour préserver nos acquis, pour faire respecter nos droits, pour faire reconnaître notre spécificité et pour améliorer notre santé. Les actions du Mouvement pour la santé des femmes témoignent de notre souci de poser des balises pour protéger nos droits en terme de santé. Cette démarche continue de réflexion a été menée par des femmes pour le bien de toutes les femmes et de la société dans son ensemble.

Le Forum national, organisé par le Réseau québécois d’action pour la santé des femmes, a permis de développer le contenu du Cadre de référence et de le discuter. Cette véritable plate-forme politique en santé des femmes constitue un point de repère, un point d’ancrage. Il est construit à partir de nos revendications et des actions nécessaires pour remplir les mandats que nous nous sommes donnés collectivement. À preuve, aux lendemains du Forum national, nos revendications ont fait l’objet d’une déclaration adressée aux chefs des deux principaux partis politiques alors en campagne électorale.

Ce Cadre de référence nous appartient en premier lieu comme femmes préoccupées de notre santé. Nous sommes invitées à nous l’approprier, à l’utiliser, à le faire connaître, à le bonifier et à partager nos idées et nos initiatives à travers le Réseau. Cet ambitieux projet ne doit cependant pas laisser croire que seules les grandes actions nous feront avancer. Ce Cadre de référence appartient aux femmes et aux représentantes au sein des groupes, des regroupements, des tables de concertation et des comités de condition féminine afin qu’elles puissent orienter leurs actions et agir en concertation afin d’augmenter l’impact de leur travail. Il appartient aussi aux instances décisionnelles de tous les paliers, national — provincial — régional — local afin d’être en mesure de mieux comprendre la santé des femmes et d’agir pour l’améliorer.

Ce Cadre de référence ne saurait être à l’agenda d’un seul groupe. Pour sa part, le Réseau québécois d’action pour la santé des femmes a déjà retenu certains objectifs pour les intégrer à son plan d’action des prochaines années. Son plus grand souhait est que les femmes soient encore plus nombreuses à utiliser le Cadre de référence: La santé des femmes au Québec qu’elles l’ont été à le bâtir; qu’il inspire et stimule l’action de chacune, individuellement ou en groupe; que le Réseau soit inondé de nouveaux exemples de stratégies et d’actions mises en œuvre, pour nous les faire partager.

Enfin, nous sommes convaincues que la meilleure stratégie pour promouvoir notre vision de la santé repose sur les liens étroits que nous développons entre actrices de différents milieux. Ce nouveau jalon posé, nous espérons vivement qu’à l’instar de pays progressistes en la matière, notre Cadre de référence inspire nos gouvernements et les encourage à définir une politique en santé des femmes.

La santé des femmes au Québec : cadre de référence
Bibliographie

Coalition féministe pour une transformation du système de santé et des services sociaux:

Pour des services sociaux et de santé adaptés aux attentes des femmes — Cahier de revendications, 1998

Conseil du statut de la femme:

État de situation sur le mandat de condition de vie des femmes au sein des Régies régionales de la santé et des services de contraception et d’avortement, 1995

L’accessibilité aux services de contraception et d’avortement, 1992

Les groupes de femmes y gagnent-ils au change?

Virage ambulatoire: notes exploratoires, 1996

L’R des centres de femmes du Québec:

Femmes, santé et régionalisation: visionnaires et partenaires — Cahier synthèse des séminaires, 1997

Ministère de la santé et des services sociaux:

L’adaptation des services sociaux et de santé aux réalités homosexuelles: Orientations ministérielles, 1997

La pauvreté au Québec: Situation par région sociosanitaire et district de CLSC, 1996

La santé des femmes démunies: mieux comprendre pour mieux intervenir, 1992

Les rapports hommes — femmes et les inégalités socio-économiques qu’ils produisent: implication pour la santé, 1992

Plan d’action 1997-2000: santé, bien-être et conditions de vie des femmes, 1996

Politique de santé et de bien-être, Québec, 1992

Pour améliorer la santé et le bien-être au Québec — Orientations, 1989

Regroupement des centres de santé des femmes du Québec / Réseau québécois d’action pour la santé des femmes:

Actes du Forum pour la santé des femmes, 1999

Actions gouvernementales en matière de santé des femmes — Document synthèse des politiques gouvernementales, 1998

Forum pour la santé des femmes — Cahier de la participante, 1998

Petite histoire d’un grand Mouvement: vers l’analyse féministe en santé des femmes, 1996

Rapport d’activités, 1997/1998

Sans préjudice…. pour la santé des femmes, 1992- 1999

Santé Canada:

Stratégies pour la santé des femmes, 1999

La santé des femmes au Québec : cadre de référence
Annexe 1 - Déclaration

Les Québécoises représentent trois millions cinq cent milles femmes: citoyennes et utilisatrices des services de santé, travailleuses de la santé et aidantes soi-disant naturelles. Nous avons des revendications à vous transmettre. Nous attendons de vous des engagements clairs.

  • Considérant que les femmes constituent 52% de la population québécoise et que cette proportion augmentera au cours des trente prochaines années;
  • Considérant que les rapports sociaux entre les hommes et les femmes continuent d’être globalement porteurs d’inégalités;
  • Considérant que les Québécoises s’appauvrissent, ce qui a un impact négatif et direct sur leur santé;
  • Considérant que la réforme accélérée du système de santé et la poursuite obsessive du déficit zéro, ont réduit l’accessibilité aux services de santé;
  • Considérant que les politiques actuelles en matière de santé des femmes ne sont pas toutes appliquées;
  • Considérant le peu de services de santé spécifiques offerts aux femmes, et ce, malgré des besoins spécifiques clairement définis;
  • Considérant que les femmes ont leur mot à dire sur les pratiques médicales actuelles et à venir;
  • Considérant le développement accéléré et anarchique des technologies biomédicales;
  • Considérant que l’enjeu de la santé des femmes a été occulté pendant la campagne électorale;
  • Considérant toutes ces données, généreusement appuyées par l’expérience des utilisatrices, des chercheuses, des travailleuses et des intervenantes en santé des femmes.

Nous exigeons des partis politiques qui formeront le prochain gouvernement du Québec de:

  • Faire de la santé des femmes une priorité;
  • Garantir la mise en œuvre des engagements et orientations en santé des femmes, déjà adoptés par le gouvernement du Québec, et ce, dans toutes les régions du Québec;
  • Réaffirmer la nécessité d’un système public consolidé;
  • Revenir à la mission originale des CLSC;
  • Réserver aux femmes 50% des sièges à toutes les instances décisionnelles du système de santé (Conseils d’administration des Régies régionales de la santé et des services sociaux ainsi que des divers établissements);
  • Reconnaître la nécessité et l’expertise des organismes communautaires en santé des femmes et les financer en conséquence;
  • Reconnaître et intégrer au système de santé, les approches alternatives et complémentaires de santé afin d’en garantir l’accessibilité;
  • Garantir la tenue d’un sommet autour des enjeux éthiques et collectifs des nouvelles technologies et pratiques médicales;
  • Reconnaître le Réseau québécois d’action pour la santé des femmes comme interlocuteur incontournable, représentant les intérêts des Québécoises en matière de santé des femmes.
La santé des femmes au Québec : cadre de référence
Annexe 2 - Tableaux

Les tableaux qui suivent sont un résumé des objectifs, stratégies et moyens d’actions retenus par les femmes lors des consultations et dans le cadre du Forum. Loin de présenter la totalité des objectifs identifiés par les femmes, ils dévoilent ceux qu’elles se sont entendues pour prioriser au cours des ateliers.

Prioriser nos préoccupations auprès des instances décisionnelles

 OBJECTIFS RETENUS

STRATÉGIES

  MOYENS

Redéfinir l’éthique médicale et scientifique en fonction de l’approche féministe

Exiger la mise en œuvre des engagements et orientations en santé des femmes déjà adoptées par le gouvernement

Viser l’adoption d’une politique pour la santé des femmes qui inclurait les dimensions physique, psychologique, sociale, économique, environnementale et spirituelle

En définissant notre vision de la santé à partir des faits

En formant les professionnelles et professionnels à la santé des femmes

En informant les médias, les intervenantes et intervenants de la santé et les femmes sur les nouvelles découvertes et sur les nouveautés en santé des femmes

En informant les femmes de sorte que la majorité des politiques en santé des femmes leur soit connues; en faisant en sorte que ces politiques soient publicisées et appliquées localement ou encore que la concrétisation des actions par des services soit visible

En développant une plate-forme de revendications

Compilation et regroupement des données sur l’approche féministe dans un document, identification des nouvelles données et des nouvelles tendances, puis diffusion d’informations

Entente sur une définition commune de la santé

Obligation aux médecins de suivre un cours sur l’approche féministe en santé des femmes à l’intérieur de leur cursus et mise sur pied de cours dans le cadre de la formation continue

Définition d’une stratégie de communication systémique pour les médias afin de faire connaître la nouvelle

Information à toutes les femmes sur les pour et les contres de telle ou telle approche en mettant à leur disposition des guides pratiques

Implication des femmes dans les processus de sélection et d’évaluation des politiques, des programmes et des services qui les concernent.

Engagement des ressources financières nécessaires pour assurer les services énoncés dans les politiques et respect de l’équité dans la distribution des budgets en région

Création d’espaces permettant l’échange et les débats sur les pratiques et dossiers en santé des femmes

Soutien, appui et participation au Réseau québécois d’action pour la santé des femmes afin qu’il serve de lien entre les femmes et les groupes de femmes de tous milieux et de toutes disciplines, qu’il représente les intérêts des femmes et qu’il leur serve de porte-parole auprès des instances décisionnelles

Adapter le système de santé aux besoins des femmes

 OBJECTIFS RETENUS

STRATÉGIES

  MOYENS

Mobiliser et impliquer toutes les femmes autour de la mission première des CLSC pour:

  • contrer la privatisation
  • garantir que la transformation du réseau ne se fait pas au détriment des femmes
  • redonner la priorité à la prévention
  • favoriser l’innovation dans les pratiques

Maintenir, rétablir et développer l’accessibilité, la qualité, la gratuité des services de santé pour les femmes dans toutes les régions du Québec

En faisant connaître et partager l’objectif via des alliances avec les organismes locaux, les syndicats, et les groupes de femmes

En mobilisant les femmes

En réalisant des activités pour définir les services locaux des CLSC et les faire connaître

En investissant les structures décisionnelles et en obtenant la parité au niveau des CA

En faisant du lobby auprès des travailleurs et travailleuses des CLSC et de leurs CA (Arrimage local et national)

En garantissant l’apport des femmes pour influencer les choix du système de santé par exemple: En impliquant les femmes de la base dans la définition de leurs besoins et dans la définition des programmes de santé et des services sociaux

En contrant la privatisation de la santé pour assurer et maintenir la disponibilité, la continuité, la gratuité et la complémentarité des services

En orientant les ressources financières dans le sens d’un véritable travail de prévention

En obtenant un moratoire sur la transfor-mation du réseau: s’arrêter, réfléchir puis s’évaluer

En outillant et en supportant les aidantes naturelles, en leur offrant des ressources, de la reconnaissance et de l’aide pour agir sur l’impact de leur rôle sur leur santé, à court terme et à long terme

En sensibilisant les professionnelles et professionnels aux conditions de santé des travailleuses qui donnent les services et des aidantes naturelles

En influençant les décisions ayant un impact sur la répartition des enveloppes budgétaires

En se positionnant sur la détermination des choix sociaux et collectifs, en prenant une position critique par rapport aux coûts sociaux et économiques des choix en matière de santé des femmes

Connaissance des besoins des femmes en santé (études et recherches)

Développement des outils et des ressources pour comprendre le système de santé (ressources disponibles, mécanismes d’aide, accessibilité, bottin de référence entre autres pour les aidantes naturelles)

Multiplication de la représentation des femmes au sein des instances décisionnelles incluant: un soutien financier et psychologique, un comité de réflexion de type Réginettes: par exemple modifier la composition des CA (sans oublier qu’un siège occupé par une femme ne signifie pas obligatoirement que l’occupante est féministe et qu’elle défend les intérêts des femmes)

Formation spécifique des femmes qui se retrouvent dans ces instances décisionnelles afin de leur éviter la solitude dans leur mandat

Création d’un comité de vigilance sur l’accessibilité des services en région (avec des actions pour contester le manque ou la réduction de l’accessibilité mais aussi la qualité des services)

Développement d’un discours commun sur l’accessibilité (par exemple définir collectivement ce que l’on considère comme essentiel dans l’accessibilité)

Multiplication des lieux de consultation, d’échange et de débat aux niveaux national et régional et discussions sur des débats de fond, par exemple, sur l’importance de prendre un temps d’arrêt commun entre les femmes et les femmes travailleuses

Développement d’une plate-forme de revendications percutantes du type: on veut des garderies pas des garde-robes

Maintien d’un réseau de diffusion qui doit résonner dans le mouvement des femmes

Information de la population: conférences de presse, lobby auprès des médias, café-rencontres

Considération de la diversité culturelle (regards multiples)

Obtenir des services spécifiques en santé des femmes

 OBJECTIFS RETENUS

STRATÉGIES

  MOYENS

Offrir des ressources préventives et curatives, pour les femmes et les lesbiennes, qui privilégient une approche féministe et globale

Développer des services basés sur l’approche féministe. Reconnaître l’expérience des femmes et reconnaître les pratiques alternatives

En favorisant la reconnaissance des femmes comme des sujets expertes et non comme des objets incultes, en les reconnaissant comme des personnes responsables et autonomes, en les croyant, en les écoutant et en les respectant

En introduisant une approche féministe dans les milieux de formation ainsi qu’un initiation aux différentes réalités des femmes reliées notamment à l’âge, à l’orientation sexuelle, à l’origine culturelle, etc.

En développant une stratégie commune de mobilisation et d’action des femmes

En établissant des alliances avec tous les regroupements et organisations de femmes

En mettant sur pied un centre de santé des femmes dans chaque région du Québec, de même que des maisons de naissances

En exerçant des pressions auprès des instances décisionnelles

Formation des intervenantes et intervenants

Sensibilisation des femmes, des professionnelles et des professionnels dans le réseau de la santé et des services sociaux

Interpellation des groupes de femmes au niveau local et régional

Développement des outils éducatifs et d’un comité éducatif pour diffuser ces outils

Mise en place d’un comité de vigilance qui doit faire pression sur les instances décisionnelles.

Agir sur les déterminants de la santé afin
que la santé soit envisagée d’un point de vue global

 OBJECTIFS RETENUS

STRATÉGIES

  MOYENS

Défaire les rapports sociaux inégalitaires et antagonistes entre hommes et femmes

Agir sur l’impact de l’appauvrissement pour en réduire les effets

Modifier les conditions de vie et de travail des femmes, lutter contre la violence faite aux femmes et travailler à modifier les impacts de l’environnement sur leur santé

En construisant notre rapport de force, en réaffirmant quotidiennement le féminisme de nos pratiques et en nous réseautant

En sensibilisant la population sur les impacts de l’appauvrissement des femmes sur leur santé

En adoptant le principe de pauvreté et de violence zéro

En faisant de la recherche et de la sensibilisation sur la santé des femmes au travail

En exigeant le respect des normes environnementales

Participation à la marche des femmes de l’an 2000

Entretien et développement de liens avec des femmes des milieux ethno-culturels et marginalisés

Développement et diffusion de l’information pour se réapproprier notre corps et notre santé

Poursuite de la création de réseaux d’entraide de soutien aux réseaux déjà existants

Reconnaissance et appui à nos actions et à nos pratiques à tous les niveaux

Assurance que le Réseau québécois d’action pour la santé des femmes sert d’interface, de lien entre les différentes intervenantes

Documentation sur l’appauvrissement par des recherches en action participative: documentation puis diffusion des résultats, mise en place d’actions mobilisatrices

Pro-action vis-à-vis de la recherche

Mise sur pied d’un comité d’évaluation des effets de chaque loi sur la santé des femmes (health impact assessment)

Obtention de données sexuées sur la santé