ASSOCIATION DES AIDES FAMILIALES DU QUÉBEC

MÉMOIRE PRÉSENTÉ À LA MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION, MADAME LUCIENNE ROBILLARD

DANS LE CADRE DES CONSULTATIONS PUBLIQUES ENTOURANT LE RAPPORT INTITULÉ "AU-DELÀ DES CHIFFRES : L'IMMIGRATION DE DEMAIN AU CANADA"

Montréal, le 7 mars 1998

 

Table des matières

  1. Introduction
  2. Programme d'immigration concernant les aides familiaux résidants et droits fondamentaux des travailleuses
  3. Recommandation #75 du Groupe consultatif sur la révision de la législation
  4. Portrait de la situation des aides familiales ayant un statut temporaire en vertu du Programme concernant les aides familiaux résidants
  5. Situation de la catégorie des travailleuses à statut temporaire à la lumière de la recommandation #75
    1. le critère de l'offre d'emploi permanente
    2. l'harmonisation des critères
    3. le permis de travail nominatif
  6. Éléments de préoccupation
    1. la question de la résidence sur les lieux du travail
    2. la nécessité d'informer et d'assurer un suivi
  7. Conclusion
  8. Résumé des recommandations
  9. Annexe I - Statistiques
    Annexe II - Offre d'emploi publiée dans La Presse

 

1. Introduction

Nous remercions la Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration de nous avoir convoquées aujourd'hui pour nous consulter au sujet du rapport intitulé "Au-delà des chiffres: l'immigration de demain au Canada".

Notre association est un organisme sans but lucratif fondé en 1975, afin de promouvoir l'amélioration des conditions de travail des femmes qui travaillent en maisons privées et pour sensibiliser la société à leur situation particulière.

L'AAFQ cherche à faire reconnaître, respecter et valoriser le travail de l'aide familiale. Elle vise à promouvoir la défense des droits de cette catégorie de travailleuses. Elle offre également aux aides familiales la possibilité de sortir de leur isolement et de développer leur solidarité.

Sa clientèle est composée en grande partie d'aides familiales d'origine étrangère venues pour travailler en vertu des programmes d'immigration spécifiques à ces travailleuses , incluant l'actuel programme intitulé "Programme concernant les aides familiaux résidants". Elle est également composée de plusieurs aides familiales qui ne sont plus régies par ces programmes et qui continuent d'exercer ce métier tout en ayant acquis le statut d'immigrante ou leur citoyenneté ainsi que de citoyennes de souche.

Depuis sa fondation, l'association offre à ses membres des services d'information et d'accompagnement relativement aux procédures prescrites au niveau de l'immigration ainsi que des normes du travail, des ateliers de formation et d'orientation ainsi que des cours de français. L'association gère également un service de placement, lequel lui permet de connaître les besoins et préoccupations des employeurs d'aides familiales.

L'association a été invitée à présenter ses recommandations au Ministère de l'Immigration fédéral à plusieurs reprises par le passé. Elle a présenté ses mémoires à la ministre Barbara McDougall en 1989 puis, au comité permanent du travail, de l'emploi et de l'immigration en 1992.

L'association désire de nouveau se faire entendre en 1998, espérant que des changements importants seront apportés à la politique actuelle touchant les aides familiales de façon à ce que ces travailleuses soient assurées d'être traitées comme des sujets de droit à part entière au 21e siècle.

Nous tenons à préciser que nous nous en remettons à l'analyse présentée par la Fédération des femmes du Québec en ce qui a trait aux éléments qui ne sont pas couverts par cette présentation.

 

2. Le Programme concernant les aides familiaux résidants et les droits fondamentaux des travailleuses.

À notre connaissance, le Programme concernant les aides familiaux résidants contribue à maintenir les travailleuses migrantes dans des conditions d'exploitation et de subordination inacceptables et il est source d'abus systématiques à leur égard. Il représente le seul programme d'immigration qui oblige les travailleuses à statut temporaire à résider chez l'employeur et à cumuler 24 mois de travail, et ce, à des conditions que les travailleuses présentes sur le territoire n'acceptent pas.

Ces travailleuses "forment un sous groupe traditionnellement exploité et marginalisé dans notre société" de l'aveu d'un Juge de la Cour Suprême *.

En maintenant ce programme en vigueur, le Canada viole les droits fondamentaux des travailleuses aides familiales d'origine étrangère, et plus particulièrement leur droit à l'égalité sans discrimination fondée sur le sexe, l'origine nationale, leur liberté de mouvement, leur droit à la sécurité de leur personne, leur droit à des conditions justes et favorables de travail. Ces droits sont protégés notamment par la Charte canadienne des droits et liberté (articles 6 et 15), le Pacte international des droits économiques, sociaux et culturels (articles 2 et 7), la Déclaration Universelle des droits de l'Homme (articles 7 et 23(2)) ainsi que la Convention internationale sur l'élimination de toutes formes de discrimination à l'égard des femmes (articles 2 et 1 1 ).

L'importance de ces violations exige l'abolition du Programme concernant les aides familiaux résidants.

En 1992, tous les groupes consultés, incluant l'association, avaient présentés au Ministère des propositions de modification qui auraient permis d'assurer le respect des droits de ces travailleuses. On proposait notamment d'accorder aux travailleuses le statut de résidente permanente dès l'admission et d'éliminer l'obligation de résider chez l'employeur. Ces deux éléments ont été ignorés par le Ministère de l'Immigration**. Or, ils demeurent incontournables. Ils sont au coeur de notre lutte pour mettre fin à la servitude des travailleuses.

* Décision du Juge L'Heureux-Dubé dans la cause Egan c. Canada [1995] 2 R.C.S. p.513. 563
** Document  émanant du Cabinet du  Ministre de  l'Immigration et des Affaires publiques intitulé "Valcourt annonce la mise en oeuvre du nouveau programme  concernant les aides  familiaux   résidants daté du 27 avril   1992, #92-16

 

3. La proposition du Groupe consultatif sur la révision de la législation

La proposition du Groupe consultatif sur la révision de la législation est précédée d'une prise de position claire en faveur du respect du droit à l'égalité des aides familiales. Il affirme en introduction que " la loi ne doit tolérer aucune forme de discrimination dans la conception et l'exécution des programmes d'immigration" (page 1). Il soutient plus spécifiquement que les aides domestiques "[...] ne devraient être l'objet d'aucune discrimination" (p.73).

La recommandation qu'il a élaborée à l'égard des aides familiales, telle que nous la comprenons, ne serait toutefois pas apte à assurer l'égalité effective de ces travailleuses.

Nous accueillons positivement la proposition d'abolir le Programme d'immigration spécifique aux aides familiales. Nous constatons toutefois qu'il est proposé de maintenir la venue de travailleuses avec statut temporaire dans le cadre du programme des travailleurs étrangers et qu'il existe un risque sérieux d'aggraver la situation des travailleuses en perpétuant indéfiniment leur statut de travailleuse temporaire sans qu'elles n'aient aucun pouvoir de modifier leur situation.

Recommandation #75
Voici comment nous traduisons cette proposition. Elle consiste essentiellement:

  1. en l'abolition du Programme d'immigration concernant les aides familiales
  2. au maintien d'une politique d'immigration temporaire à leur endroit dans le cadre général du Programme des travailleurs étrangers

Ce qui sous-entend la création 2 catégories de travailleuses :

  • 1ère catégorie: qui obtient sa résidence permanente dés l'arrivée au Canada (car elle dispose d'une "offre d'emploi permanente")
  • 2e catégorie: qui pourra être indéfiniment à statut temporaire faute d'avoir une possibilité réelle de se qualifier pour la résidence permanente.
    Exemple: alors que l'aide familiale est déjà en fonction sur une base temporaire, l'employeur décède . L'aide familiale ne peut présenter d'offre d'emploi permanent...

 

4. Portrait de la situation des aides familiales ayant un statut temporaire dans le cadre du Programme concernant les aides familiaux résidants

Le programme prévoit que les aides familiales doivent cumuler 24 mois de travail, en résidant chez l'employeur avant de se qualifiera la résidence permanente.

A.  Voici un bref aperçu de  ce dont  les  aides familiales sur le  programme, témoignent  quand  elles  nous  décrivent leurs situation au  travail*:

  • elles font une semaine de travail de 50, 60 ou 70 heures sans que le temps supplémentaire ne soit compté et payé,
  • elles ne reçoivent pas de bulletin de paye,
  • elles doivent souvent être disponibles "24 heures sur 24" lorsqu'elles veillent au bien-être de personnes âgées, handicapées,ou bien d'enfants dans certains cas,
  • elles n'ont aucune vie privée, leur appels téléphoniques sont parfois écoutés par l'employeur,
  • elles n'ont pas de serrure sur la porte de leur chambre. Leur chambre peut être utilisée à d'autre fins, par exemple: servir de salle pour le chien...
  • elles vivent dans l'isolement le plus complet, souvent dans des régions où il n'y a pas de transport en commun disponible,
  • certaines sont l'objet de harcèlement physique, de violences psychologique et morale ou encore de menaces d'expulsion ou de déportation,
  • la majorité sera séparée au minimum 4 ans de sa famille immédiate: mari  et enfants
  • Quelques statistiques sont présentées à l'annexe I

B. Le Programme favorise le trafic lucratif de femmes

Nous avons reçu en consultation plusieurs travailleuses victimes d'abus par certains consultants et certaines agences. Elles nous ont révélé que :

  • Des agences pouvaient demander entre 1000$ et 5000$ pour l'obtention d'un permis de travail
  • Que certaines agences les ont obligées à se trouver un nouvel employeur par le
  • biais de leur entremise.
  • Elles ne sont pas informées de leurs droits par ces agences/consultants et se font dire notamment qu'elles doivent accepter de travailler sans  être payées pour leur temps supplémentaire.

Fait à noter, les agences et consultants qui agissent ainsi s'en tirent sans aucune sanction.

Les éléments qui suivent démontrent que l'actuel programme favorise le maintien de conditions de servitude au Canada et qu'il nuit directement à la main d'oeuvre présente et disposée à accomplir ce travail dans des conditions acceptables.

But du Programme de 1992 :"remédier à une pénurie de main d'oeuvre canadienne prête à résider chez l'employeur. On précise "c'est un programme qui a pour but d'amener des travailleurs au Canada pour occuper des emplois d'aide familial résidant lorsqu'il n'y a pas suffisamment de Canadiens pour combler les postes disponibles".

Or, nous savons:

  • Que la main d'oeuvre canadienne est qualifiée et en nombre suffisant pour combler les besoins des employeurs (comptant sur la venue de dizaine de milliers de femmes à titre d'aide familiale depuis plus de 30 ans)
  • Que c'est en raison des conditions de travail qu'on refuse d'occuper les postes tels qu'offerts. Nous connaissons des aides familiales professionnelles qui sont prêtes à travailler et à être "résidante", mais elles ne le feront pas si elles doivent être gardées dans l'isolement, être disponible 24 heures sur 24 et incapables de contrôler leurs heures de travail parce que le lieu de travail, c'est également leur demeure.

Illustration (Voir Annexe II)
L'offre d'emploi publiée dans le journal La Presse les 06-01-1998 et 08-01-1998 illustre parfaitement bien cette réalité.

*De telles conditions mettent en danger la santé physique et psychologique de la travailleuse en plus de constituer une menace sérieuse aux droits fondamentaux de l'aide familiale à la liberté.

Le faux besoin d'avoir une travailleuse qui réside :

  • des employeurs qui n'ont pas de chambre à offrir ou qui ne veulent pas loger l'employée chez eux sont prêts donner de fausses informations afin de pouvoir embaucher une aide familiale sur le Programme.
  • nous connaissons des cas de femmes engagées par le biais du Programme que l'employeur n'héberge pas mais qu'il continue de payer à un taux inférieur, spécifique aux résidantes.
  • On nous dit: "on veut une immigrante parce que ça coûte moins cher"

Fait à noter, au Québec, les normes du travail font en sorte qu'il est plus avantageux pour l'employeur d'avoir une travailleuse résidante: un salaire minimum hebdomadaire inférieur au standard s'applique et la semaine normale de travail est plus longue (49 heures au lieu de 43 heures). On sait également qu'en Alberta, au Nouveau Brunswick ainsi que dans les territoires du Nord d'ouest et le Yukon, les travailleuses domestiques n'ont pas droit aux mêmes conditions de travail "dites minimales" qui sont reconnues à l'ensemble des salariés.

Recommandation de l'AAFQ

  • Nous recommandons que la proposition #75 du Groupe consultatif soit modifiée afin qu'on assure le statut de résidente permanente à toute aide familiale et ce, dès son admission au Canada.
  • Nous sommes convaincues que cela limiterait du même coup les possibilités de marchandage et d'abus au Canada de la part de certaines agences.

 

5. Situation de la catégorie des travailleuses à statut temporaire à la lumière de la recommandation #75 et compte tenu des éléments suivants :

  1. le critère de l'offre d'emploi permanente
  2. l'harmonisation des critères
  3. le permis de travail nominatif

    1. le critère de l'offre d'emploi permanente
    Selon notre compréhension, l'obligation de cumuler 24 mois pour se qualifier au niveau de la résidence permanente serait éliminée. L'aide familiale devrait désormais y accéder sur présentation d'offre d'emploi validée permanente. Nous tenons à souligner le caractère dangereux de cette proposition du comité pour la catégorie de travailleuses qui pourrait toujours être acceptée sur une base temporaire au Canada.
    La  notion  d'offre   permanente   soulève des   questions  d'interprétation.
    Une offre permanente, cela signifie quoi? Nous jugeons ce concept problématique dans la mesure où il n'existe pas au niveau des lois du travail du Québec ou de l'Ontario, mais seulement dans les conventions collectives. Cette matière est, à notre connaissance, de juridiction provinciale, ce qui risque de créer un vide juridique.
    L'utilisation d'un tel concept donnerait donc ouverture à une interprétation discrétionnaire de nature à mettre en péril l'accès à la résidence permanente. Ceci est d'autant plus vrai dans la mesure où la notion d'emploi permanent pris dans son sens commun nous semble étranger au domaine du travail en maison privée.
    Il s'agit d'un domaine où les conditions changent fréquemment et de façon imprévisible...
    • les employeurs âgés meurent en cours de contrat
    • l'aide familiale apprend à son arrivée que l'employeur a embauché une autre travailleuse pour effectuer le travail,
    • les employeurs déménagent dans un autre pays ou se divorcent,
    Nos  préoccupations
    L'obligation de présenter une "offre d'emploi permanente", élément sur lequel les aides familiales n'ont aucun contrôle, qui au surplus est vague et sujet à évaluation discrétionnaire, pourrait représenter un net recul face aux conditions de l'actuel programme selon lequel après 2 ans de travail, (sans égard à la durée du contrat) l'aide familiale peut présenter sa demande de résidence permanente. Ce faisant elle exposerait davantage les travailleuses au marchandage des agences et des employeurs.
    Nous tenons à rappeler de nouveau l'importance d'accorder immédiatement la résidence permanente aux aides familiales puisqu'elle seule confère à la travailleuse un statut qui ne peut être modifié advenant un changement à sa situation d'emploi après son arrivée au Canada.

    2. L'uniformisation des critères
    Nous nous préoccupons du fait qu'en vertu de la recommandation #75 on permette la venue de travailleuses sur une base temporaire tout en sachant qu'elles n'ont pas les qualifications requises pour demander la résidence permanente à leur arrivée.
    À titre d'exemple:
    Qu'on décide d'accepter, dans le cadre du Programme des travailleurs étrangers, des aides familiales qui n'ont que l'équivalent de 6 mois d'études post-secondaire alors qu'on exige l'équivalent de 2 ans d'étude post-secondaire comme critère pour la résidence permanente. Cet exemple pourrait être également vrai en ce qui a trait au critère de la langue.
    Dans la mesure où le Gouvernement n'assurerait pas automatiquement le statut de résidente permanente aux aides familiale, il faudrait qu'il y ait obligatoirement harmonisation et uniformisation des exigences de façon à éviter que de telles situations ne se produisent. Nous tenons ainsi à être assurées qu'on ne créera pas de façon détournée une catégorie de travailleuses de deuxième zone (C.I.E. travailleuse temporaire avec toutes les possibilités d'abus, d'exploitation que cela comporte).
    Nous considérons toute admission d'aide familiale devrait être réalisée sur la base de critères uniformes et transparents de façon à assurer l'accès à la résidence permanente sans condition à toutes les travailleuses acceptées.

    3. Le permis de travail au nom de l'employeur
    On peut supposer qu'en permettant la venue de travailleuses avec un statut temporaire, on continuerait de leur attribuer un permis au nom de leur employeur.
    Selon Miriam Elvir, ex-participante du programme d'immigration spécifique aux aides familiales, le fait que le permis soit émis au nom de l'employeur donne le sentiment d'être la propriété de l'employeur "sa domestique". Il a une connotation particulièrement dénigrante dans le monde du travail en maison privée parce qu'il consacre aux yeux des travailleuses et de ceux qui les engagent une image ou un construit social qu'elles rejettent: "celui de la servante", qui les prive du statut de "personne à part entière" *.
    Par ailleurs, notre expérience du programme actuel démontre que ce type de permis implique souvent de très longues démarches en cas de changement d'employeur et que cela favorise les abus.
    Nous demandons donc que toute aide familiale ait un permis de travail non nominatif mentionnant sa profession durant toute la période qui précède l'obtention de la résidence permanente.

 

6. Autres éléments de préoccupation :

1. la question de la résidence sur les lieux du travail
Le Groupe consultatif propose d'éliminer l'obligation de résider chez l'employeur en vigueur dans le cadre du Programme concernant les aides familiaux résidants. Il précise que "le fait qu'ils habitent leur lieu de travail ou non devrait être matière à entente avec leur employeur" (p. 73).
Nos préoccupations

Le Programme concernant les aides familiaux résidants est le seul programme d'immigration qui impose la résidence sur les lieux du travail et il contrevient de ce fait directement au droit des travailleuses à l'égalité sans discrimination garantit par l'article 1 5 de la Charte canadienne des droits et libertés.

*Audrey Macklin souligne que l'aide familiale entrée sur le programme concernant les aides familiaux résidants: "[...] is neither a substitue mother nor a substitue wife. She is modem incarnation of the pre-industrial servant. A servant is not merely a specie of employee. The peremptory control of employers exercise over domestic worker's time and labour, the personalization of relations between parties, the negation of the domestic worker's autonomous identity, the casual disregard of contractual and or statutory obligations in favour of informais arrangements dictated by the employer's will- these are the indicia of a reversion from employee to servant status".
Extrait  de Foreign Domestic Worker: surrogate housewife or mail order servant'' (1992) 37 McGill Law Journal   p. 749

L'expérience des aides familiales révèle que le fait de résider est source d'abus systématiques à leur égard. Vivre sur les lieux de travail cause souvent l'isolement total de la travailleuse. Cela implique une disponibilité permanente et beaucoup de difficultés à négocier même un seul moment de repos à l'extérieur de la maison.

La recommandation #75 ne tient pas compte de la réalité
II est certain que cet élément ne pourra être "négocié"...En effet, il nous est permis de croire que les employeurs vont continuer à exiger la résidence sur les lieux du travail sachant qu'ils jouiront ainsi d'une disponibilité exclusive de la travailleuse et que les travailleuses n'auront aucun pouvoir de négociation, particulièrement si elles ont un statut temporaire et ne sont pas adéquatement informées de leurs droits comme c'est actuellement le cas.
Du fait de la menace que le fait de résider représente au niveau du respect des droits des travailleuses, que ce soit leur droit à l'égalité, à la liberté et la sécurité de leur personne ou à leur liberté de mouvements prévus par la Charte canadienne* et de la responsabilité du Canada de garantir et d'assurer la protection de ces droits;
• Nous recommandons que l'obligation de résider soit non seulement abolie, mais également que toute offre d'emploi comportant cet élément soit systématiquement refusée considérant les abus systématiques que cela implique.

2. la  nécessité d'informer et d'assurer un suivi des dossiers
Les témoignages d'aides familiales démontrent qu'il y a un manque flagrant d'information sur le droit applicable et de suivi des dossiers qui favorisent des comportements abusifs et discriminatoires de la part des employeurs d'aides familiales. Ceci met en péril tout effort pour améliorer réellement leurs conditions.

Aussi, nous demandons qu'Immigration Canada, en collaboration avec tous les ministères provinciaux concernés, informe systématiquement tous les employeurs des normes du travail applicables et qu'il informe également systématiquement les travailleurs et travailleuses de leurs droits. Nous lui suggérons fortement d'utiliser te comité interministériel permanent sur le travail afin de renforcer la concertation et la coordination avec ses vis-à-vis provinciaux sur ce sujet.

 

7. Conclusion

Nous souhaitons que la politique d'immigration canadienne qui sera adoptée pour le 21e siècle fasse du droit à l'égalité, du respect de l'intégrité et de la dignité des personnes ses véritables fondements. Nous croyons qu'il est plus que temps que le Canada s'engage à assurer le respect des droits fondamentaux de tous les travailleurs et travailleuses qui oeuvrent sur son territoire.

*Ces droits sont protégés par la Charte canadienne des droits et liberté (articles 6, 7, et 15) ainsi que par plusieurs conventions internationales, dont le Pacte international des droits économiques, sociaux et culturels (articles 2 et 7).

 

8. RÉSUMÉ DES RECOMMANDATIONS DE L'AAFQ

  1. Nous  recommandons  que  la  recommandation #75 du Groupe consultatif soit modifiée afin qu'on assure le statut de résidente permanente à toute aide familiale et ce, dès son admission au Canada.

  2. Nous recommandons que toute admission d'aide familiale soit réalisée sur la base de critères uniformes et transparents de façon à assurer l'accès à la résidence permanente sans condition à toutes les travailleuses acceptées au Canada.

  3. Dans la mesure où certaines travailleuses continueraient de venir au Canada sur une base temporaire, nous proposons également qu'elles aient un  permis de travail non nominatif mentionnant la profession durant toute la période qui précède l'obtention de la résidence permanente.

  4. Nous recommandons que l'obligation de résider soit non seulement abolie, mais également que toute offre d'emploi comportant cet élément soit systématiquement refusée considérant les abus systématiques que cela implique.

  5. Nous recommandons qu'Immigration Canada, en collaboration avec les ministères provinciaux concernés, informe systématiquement tous les employeurs des normes du   travail   applicables   et   qu'il informe   également   systématiquement tous   les travailleurs et travailleuses de leurs droits  et des recours  possibles  en cas de violation.

 

Annexe I - Statistiques

Résultats d'un sondage effectué par l'AAFQ en août 1994 auprès de 73 répondantes aides familiales "sur le programme d'immigration" à l'occasion de leur inscription à des cours de français.

Sur les 73 répondantes:

  • 51 n'ont pas de bulletin de paye
  • 30 ne peuvent fermer la porte de leur chambre à clé
  • 48  travaillent plus que les 53 heures dites "normales" mais 31 ne sont pas payées pour ces heures.

Résultats d'un sondage effectué par l'AAFQ entre septembre 1994 et fin décembre 1995 auprès de 34 aides familiales sur le programme d'immigration que nous avons reçues en consultation.

Sur les 34 répondantes:

  • 22 gardent les enfants de l'employeur après 19hOO
  • 11 répondantes gardent ainsi 2 fois par semaine en plus de leur semaine de travail
  • 18 n'ont pas de porte avec serrure
  • 16 des 26 répondantes qui déclarent faire du temps supplémentaire ne sont pas payées pour ces heures de travail
  • 7 répondantes font entre 11 et 15 heures de temps supplémentaire par semaine
  • 28 ne reçoivent pas de bulletin de paye

 

Annexe II

Offre d'emploi publiée dans le journal La Presse les 6 et 8  janvier 1998