En écrivant ce livre sur les vingt-cinq ans de CLÉ, les auteurEs ont décidé que CLÉ serait comme une personne vivante qui parle d'elle-même. C'est pour ça que dans les prochaines pages, CLÉ parle au «je». C'est elle (CLÉ) qui raconte sa propre histoire.
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Bonjour à toi, je m'appelle CLÉ et je voudrais te conter l'histoire de ma vie. Les participantEs vont m'aider à me raconter. CLÉ, c'est avant tout une grande famille.
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D'ailleurs, j'aimerais remercier toutes celles et tous ceux qui ont participé à ce livre. J'aimerais remercier en particulier le comité des participantEs pour avoir mis en œuvre le projet de faire un livre sur mon histoire.
Le comité s'est réuni tous les jeudis soirs durant l'automne 2007 et l'hiver 2008 pour mettre ce livre au monde. En plus de ça, en dehors du comité, des personnes ont travaillé plusieurs heures pour faire des recherches dans mes archives de textes et de photos.
J'espère que tu vas apprécier la lecture de ma vie.
Salut à toi et bonne lecture!
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Je suis un groupe d'alphabétisation populaire. J'aide «aux gens» à améliorer leur lecture et leur écriture, mais pas comme dans les écoles conventionnelles. Dans mes ateliers, on respecte le rythme, le savoir et les besoins des personnes.
Pour que les participantEs se sentent le mieux possible, dans mes ateliers, ce sont de petits groupes. Ça donne une bonne ambiance, c'est plus familial, les gens ne se sentent pas jugés. Je laisse les gens s'exprimer quand ils en ont envie. Je les écoute et je respecte leurs opinions. Je donne la chance aux personnes de mieux connaître leurs droits. Je les encourage à lutter pour améliorer leurs conditions de vie.
Quand j'en ai la chance, j'informe la population des difficultés qu'ont les gens qui ont de la misère à lire et à écrire dans leur vie de tous les jours. Je fais tout ce que je peux pour que les personnes analphabètes ne se sentent pas à part des autres.
Mais il y a autre chose. Parce que la joie de vivre c'est important et que c'est bon pour le moral, j'organise des fêtes, des activités et des sorties. Au bout du compte, ce que j'espère, c'est que les participantEs arrivent à bien se débrouiller dans leur vie, à se sentir bien et à être le plus heureux/ses possible.
La première fois qu'on a parlé de me mettre au monde, c'est en 1982. À l'époque Pierre Bergeron et Nicole Gladu travaillaient à l'Association pour la défense des droits sociaux du Montréal métropolitain (ADDS-MM). Ils se sont connus là et Pierre a proposé à Nicole de mettre un groupe populaire d'alphabétisation sur pied.
Leur inspiration venait du Tour de lire à Hochelaga-Maisonneuve et du Carrefour d'éducation populaire de Pointe-Saint-Charles, de l'éducation populaire, de l'approche de Paolo Freire et de la défense des droits des personnes comme le droit à l'éducation.
Ils et elles avaient remarqué que beaucoup de personnes avaient de la misère à remplir des formulaires. Elles faisaient, entre autres, semblant d'avoir oublié leurs lunettes ou d'avoir une main blessée.
Les 4 personnes qui ont décidé de me donner vie sont : Pierre Bergeron, Andrée Boucher, Nicole Gladu et Raymond Robitaille.
Grâce à elles, j'ai vu le jour le 6 mai 1983. J'ai été créée pour aider les personnes qui ont des difficultés à lire et à écrire.
Dès les premières heures de ma vie, mon objectif a été de donner la chance aux gens d'être plus autonomes.
Mes premiers membres m'ont soutenue à bout de bras parce qu'il n'y avait pas beaucoup de sous pour me faire survivre. Mais avec une bonne dose de vouloir et de volonté, je suis toujours là, 25 ans plus tard. Ça m'a permis de rencontrer des centaines de personnes.
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Au début, je n'avais pas beaucoup d'argent.1 J'y allais avec les moyens que j'avais. Pour mon premier local, j'ai loué un petit logis de trois pièces. Il y avait un tout petit bureau miniature. Il y avait aussi un salon et une pièce pour mes ateliers.
Mon local était situé sur la rue de l'Hôtel de Ville. C'était au 2ème étage. Je suis restée là deux ans. Le local était petit et mal situé, ça coûtait cher pour ce que j'avais.
J'ai décidé de déménager sur la rue Cherrier. Mon nouveau local était petit, mais au moins la rue était plus passante. Les gens pouvaient voir la publicité sur la porte. Le métro Sherbrooke était à 5 minutes. C'est là que j'ai monté ma 1ère bibliothèque avec des livres que j'avais reçus.
Tranquillement pas vite, il s'est mis à y avoir plus de personnes dans mes ateliers. J'ai fini par manquer d'espace. Après deux ans, j'ai déménagé sur la rue Mentana.
C'était un grand 71/2 tout croche mais efficace. Les animatrices et les participantEs n'en revenaient pas. Comme on dit : «On était gras dur!». Il y avait une cour de toute beauté, c'était du grand luxe.
Il y avait deux toilettes, une cuisine, une salle pour recevoir le monde et des grands ateliers. Il y avait des gens qui venaient matin, midi et soir. L'architecture du bâtiment était très belle. Le problème c'est que le local était trop dispendieux pour mes finances. C'était cher en bibitte!
J'avais de la misère à arriver. Après plusieurs années, j'ai quitté la rue Mentana pour la rue Drolet.
Les animatrices avaient choisi des couleurs pastel pour repeindre le local de la rue de Mentana.
Guy était un travailleur sur un projet et était chargé de la peinture. Il avait de la difficulté à lire et avait placé ses pots de peintures dans un ordre spécial.
Un matin, Guy travaillait avec ardeur et bonne humeur. Il achevait de repeindre le plafond. Mais en arrivant, les animatrices ont vu avec étonnement qu'un bout du plafond était vert et un bout était rose!
Quelqu'un avait déplacé ses pots de peinture!
C'est à ce moment qu'on a découvert que Guy était daltonien!
Je suis devenue la colocataire des Ateliers d'éducation populaire. Le local avait bien du bon sens. C'était assez grand et très propre mais le gros problème, c'était que j'étais au 4ème étage et qu'il n'y avait pas d'ascenseur; pour plusieurs, c'était épuisant de monter les marches.
J'ai commencé à perdre du monde, c'était tellement haut que ça coupait la motivation à bien des gens. L'accès était trop difficile. Ça n'avait pas d'allure. J'ai encore été obligée de déménager.
Je suis partie pour le monastère. Le local est beau; c'est un lieu historique; c'est un ancien collège de frères. Il est bien entretenu.
Il héberge maintenant plusieurs groupes communautaires. Je ne sais pas où mon histoire va m'amener mais je suis bien ici et j'espère ne pas déménager avant un grand «boutte»!
J'ai rencontré toutes sortes de personnes qui avaient de la difficulté avec la lecture et l'écriture. Dans le temps, c'était plus pressant de survivre que d'aller à l'école. Il fallait aider sa famille et c'était moins compliqué de se trouver un emploi sans instruction.
Aujourd'hui, c'est très difficile d'avoir un emploi quand on a de la misère à lire et à écrire. J'ai vu des gens qui travaillaient et d'autres pas. Mais, je peux dire que la grande majorité n'avait pas de gros revenus.
J'ai rencontré plusieurs personnes qui n'avaient pas été à l'école longtemps.
Dans le temps, l'école était moins importante. Beaucoup de gens lâchaient leurs études très tôt pour s'occuper de la famille et de la maison. Il y en avait plusieurs autres qui allaient travailler dans les manufactures.
Il faut dire que beaucoup de gens étaient pauvres. Il fallait que tous les membres de la famille fassent leur part, «juste» pour pouvoir manger trois repas par jour.
Ceux qui avaient de la difficulté étaient mis à part. L'école ne faisait pas grand-chose pour les aider. Le gouvernement n'a jamais fait ce qu'il fallait pour que tout le monde sache lire et écrire comme il faut. Au fil des ans, j'ai rencontré des femmes et des hommes de tous âges.
J'ai rencontré des gens qui sont nés dans différents pays. À une époque, j'ai même enseigné le français à des personnes qui ne le parlaient pas.
Mais ce que je veux dire, c'est que toutes ces personnes avaient quelque chose en commun : le courage, le courage de s'inscrire dans un groupe pour apprendre à lire et à écrire ou pour s'améliorer. Et la persévérance pour continuer!
Pendant les 25 premières années de ma vie, j'ai travaillé très fort pour faire connaître la cause de l'alpha et pour défendre les droits des participantEs.
J'ai participé à des dizaines de manifestations et à des dizaines de pétitions pour toutes sortes de causes. J'ai lutté pour le droit des gens à apprendre, pour faciliter l'accès aux logements sociaux et pour éliminer la pauvreté.
Je me suis battue pour que les droits des participantEs soient respectés. J'ai fait tout ce qui était en mon pouvoir pour que celles et ceux qui ont de la misère à lire et à écrire soient traitéEs comme des personnes à part entière.
Depuis quelques années, je revendique que la passe d'autobus coûte moins cher pour les étudiantEs en alpha. Au prix actuel, c'est difficile de se rendre dans les groupes.
Pour informer la population qu'il y a des gens qui ont de la difficulté à lire et à écrire, j'ai fait plusieurs campagnes de sensibilisation. J'ai écrit dans tous les journaux et j'ai rencontré tous les paliers de gouvernement pour leur faire comprendre l'importance des problèmes que vivent les personnes qui ont de la misère à lire et à écrire.
À tous les ans, pour souligner le bon travail que les participantEs ont fait dans leurs ateliers et pour avoir un moment de détente ensemble, j'ai organisé de nombreuses sorties. Voici des photos :
L'informatique à CLÉ, de sa quête à sa conquête
De l'introduction en 1988 d'une antique et imposante machine à dactylographier dotée d'un hublot, où défilaient des codes de mise en page, à l'actuel laboratoire informatique dans nos rutilants locaux jaune et vert, des générations successives de passionnéEs ont soutenu les participantEs de CLÉ dans leur accès à l'informatique et à Internet.
Je tiens à remercier d'abord celle qui en fut la pionnière, Francine Pelletier, et ses amiEs qui sont devenuEs nos partenaires et amiEs, les gens de la Puce communautaire 3 et de Communautique 4, ainsi que toutes les animatrices/teurs et participantEs de CLÉ qui ont fait de nombreux projets expérimentaux pour contribuer à rendre l'Internet accessible aux personnes analphabètes et peu scolarisées.
Je veux aussi dire un grand merci aux très sympathiques et dévouées animatrices/stagiaires de la Puce et de Communautique qui m'ont permis d'offrir, pendant plusieurs années, un centre d'accès Internet à mes participantEs et à la population du quartier. Elles ont grandement contribué à nos efforts de démocratisation de l'Internet.
Je veux remercier également tous mes membres, généralement masculins, qui y sont allés de leurs parfois rudimentaires et souvent expertes touches pour tenter de résoudre nos nombreux problèmes techniques.
J'ai encore de la passion et des rêves en friche : demandez à Christian de vous parler de l'Ordinothèque!
Je suis heureuse de fêter avec vous mes 25 ans en alphabétisation populaire ainsi que mes 20 ans de praTIC!
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Et ne manquez pas d'aller voir mon site :
http://www.communautique.qc.ca/cle/
où vous trouverez aussi mon répertoire d'activités notionnelles et d'alphabétisation fonctionnelle sur lequel mon équipe a travaillé avec acharnement, patience et détermination pour la mise en ligne. Quant à son financement, ce sont deux projets IFPCA5!!!, et plusieurs IFPCSA (Initiatives forcées pour CLÉ sans argent).
Plus précisément, j'ai en ligne 153 activités de conjugaison, 217 de français de base, 73 de grammaire et 258 d'alphabétisation fonctionnelle, soit 701 activités. Chacune d'entre elles a été classée par niveau de difficulté et répertoriée dans les catégories précitées ainsi que dans 100 sous-catégories. Enfin, chaque activité est enrichie par une note technique et pédagogique qui peut aider à en préparer l'animation.
Deux participantEs, Nycole Trudeau et Alain Mireault ont été interviewer le député de Mercier, Daniel Turp.
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Nycole Trudeau : «Trouvez-vous qu'il y a une différence entre les commissions scolaires et les groupes communautaires».
Daniel Turp : «J'ai toujours pensé que les groupes communautaires étaient plus près des gens, qu'ils les «connaissent» mieux et qu'ils «ont» des rapports plus étroits avec les personnes qui les fréquentent. Je ne dis pas que les commissions scolaires ne devraient pas avoir de responsabilités en matière de soutien à l'alphabétisation, mais il est certain que ce sont des institutions plus bureaucratiques et plus lourdes dans leur fonctionnement. Je crois que les groupes communautaires jouent un rôle très important et qu'ils devraient obtenir une meilleure reconnaissance auprès des gouvernements».
Alain Mireault : «Selon vous, comment vous pourriez vous sentir si vous étiez analphabète?»
Daniel : «C'est une question un peu difficile. Comment se sentir dans la peau d'un analphabète quand on ne l'est pas, quand on a eu le privilège et surtout la chance d'apprendre à lire et à écrire sans que cela cause problème. J'imagine quand même que j'aurais un sentiment de grande frustration. Je serais frustré de ne pas pouvoir faire certaines choses et de ne pas être capable de bien fonctionner dans la société. Je vivrais aussi une grande frustration de ne pas être autonome, de devoir faire confiance très régulièrement à des gens, avec le sentiment que, parfois, peut-être pas toujours, on va abuser de cette confiance. Bref, je crois que ce serait extrêmement pénible d'être dans une condition d'analphabète».
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Alain : «On a le droit à l'éducation, le droit d'apprendre. On a même la responsabilité d'apprendre. Sauf que, pour quelqu'un comme moi, même si vous me tapez dessus pendant un an de temps et que vous me donnez 50 piastres de BS de plus par mois, j'apprendrai pas plus. Il faudrait que l'école adapte ses cours selon les capacités et les gens. Je dirais qu'il faut adapter les cours aux besoins des gens et non aux besoins des enseignants. Vous en pensez quoi?»
Daniel : «Je pense que ce qu'il faut, c'est que les programmes d'éducation soient adaptés. Les groupes communautaires sont efficaces dans ce rôle là. Mais, dans la situation actuelle, il est certain que le nombre de personnes qui peuvent être accueillies par les groupes communautaires est moins grand que par les commissions scolaires. J'ai lu plusieurs études et documents sur la situation de l'analphabétisme au Québec. J'ai toujours été de ceux qui pensaient qu'il faudrait donner plus de moyens aux groupes communautaires. C'est une grande bataille et ce n'est pas simple. Mais sachez que vous avez quelqu'un qui va continuer de vous appuyer!»
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Pour l'instant, j'ai assez parlé!
Dans les prochaines pages, je vais laisser mes participantEs dire ce qu'ils—elles pensent de moi. Un dernier petit mot pour vous dire que certains textes ont été composés de façon verbale et notés par les animatrices et animateurs et que tous les textes ont reçu un petit coup de main de ma part pour la correction.
Parfois lorsque je me présentais pour un emploi et qu'on me demandait de remplir un formulaire, je ne pouvais pas le remplir. J'avais trop de stress. Je ne pouvais même pas écrire mon nom. Pourquoi on se sent coupable de ne pas savoir lire et écrire? Je suis devenu agressif envers moi. J'ai développé des craintes chroniques. Aux Petits frères des Pauvres, quand quelqu'un parle d'un livre, j'ai peur qu'on me demande mon avis.
Avec l'état mental du monde, les autres pensent : «Tu es paresseux», «T'as pas été à l'école». On se sent coupable. Il faut attendre longtemps pour être respecté dans nos droits. Nos droits ne sont quasiment pas défendus, malgré la quantité d'analphabètes. Il faut faire des manifs et marcher dans la rue. Je n'aime pas être seul. J'ai besoin de participer.
Être analphabète! Avant on disait : «Les vieux c'est normal.» parce qu'on travaillait très tôt. Mais maintenant pour les jeunes, ce n'est pas normal. Pour eux ils font un gros gâteau, mais finalement tout le monde n'a pas le même goût. Mon neveu Mathieu est intelligent mais très paresseux, parfois il me demande de l'aider mais je ne peux pas lui répondre.
Je suis un ancien enfant de Duplessis, mais je ne me suis jamais plaint. J'ai essayé d'apprendre à lire, mais il y avait trop de combats pour moi. J'étais niaiseux d'essayer de lire et ça me rendait agressif, maintenant je suis plus calme.
«À à peine» 10 ans, je faisais déjà de la cuisine dans une compagnie et comme je n'avais pas de scolarité, il y avait continuellement du harcèlement. Je l'ai payé toute ma vie.
J'ai donné des cours de réparation de matériel («toaster», rasoir, etc.) à un groupe de 10 personnes pendant 4 heures et les gens repartaient avec leur matériel réparé. Je suis très habile avec mes mains. J'ai besoin de fabriquer pour pouvoir profiter. Voir les faiblesses des autres, c'est enrichissant.
Quand je suis arrivé pour la première fois à CLÉ, j'avais 28 ans. J'y suis venu car je touchais un supplément de revenu donné par Emploi-Québec et j'en avais besoin pour avoir le droit de manger. Je suis parti parce que je n'y avais plus droit.
Maintenant, je reviens à CLÉ, à 50 ans, pour le plaisir. J'ai le pouvoir d'apprendre et je peux aider les gens comme moi à défendre leurs droits. Je le fais sans avoir de supplément de revenu.
La lecture et l'écriture dans la vie de tous les jours
Moi, je fais jamais venir (du restaurant).
Je sais pas commander. Les dépliants, les chiffres, c'est difficile.
Les grosses épiceries, y en a plus partout.
«J'va» sur Mont-Royal, y en a du stock, près de Papineau, y en une bonne là. Mais c'est difficile à lire sur les boîtes et pour savoir comment ça coûte. Je regarde pas la date, je suis pas capable.
Pour faire des chèques pour payer le loyer, c'est «ben» dur, mais ma femme sait compter. Des fois, on a envie de pleurer, on a de la misère à apprendre à lire et à compter. Je fais mon possible.
À CLÉ
On va à CLÉ pour apprendre à lire et écrire, on va pour étudier. On va dans des assemblées pour étudier. On va à la partie de sucre au Mont St Grégoire. Dans l'autobus, on chante n'importe laquelle chanson. Moi j'aimerais ça aller à Miami et pis dans Charlevoix.
Un sourire ça vaut un million. Comme dans l'atelier, c'est pareil comme Yvonne, (une autre participante) «a» fait toujours des grands sourires.
Histoire passée à l'Interval
Michel notre intervenant nous dit : «Moi je ne couche pas au camp car j'ai ma tente. Il y a trois places. Si vous voulez venir coucher dans la tente ça me fera plaisir et demain matin nous prendrons un bon café dehors en regardant le beau soleil se lever.» Thérèse est allée se coucher dans la tente. Moi j'aimais mieux coucher au camp parce que la tente est très petite, Thérèse est très grande et ses pieds dépassaient. Le lendemain matin, elle s'est levée les deux pieds mangés par les maringouins. Moi j'ai dormi au camp et j'ai très bien dormi mais je riais de Thérèse et de ses pieds mangés par les maringouins.
Le printemps est enfin arrivé le 21 mars. Mais pas comme toutes les années précédentes, ça a été long avant que le soleil apparaisse. Il se cachait entre les nuages, sortait de temps à autre. On a eu beaucoup de neige durant l'hiver, ça a pris du temps avant que le beau temps arrive.
Au printemps nous sommes chanceux, nous, les êtres humains. Les arbres et les feuilles, les bourgeons recommencent à pousser, à prendre la couleur verte. Les jardins fleurissent. Les fruits et les légumes s'annoncent meilleurs que les autres années.
Quand la femme est nerveuse, elle ne sourit pas. Elle parle toute seule, elle réfléchit. Elle réfléchit : «Qu'est-ce que je vais faire?» Elle pense à beaucoup de choses dans sa tête parce qu'elle est toute seule.
Je viens à CLÉ pour parler le français et écrire. J'aime tout le monde à CLÉ. À l'école CLÉ, tout le monde sourit ensemble. Ils sont tranquilles. La tête est tranquille. C'est toujours comme ça ici à l'école. C'est une bonne place, il y a beaucoup de choses, c'est meilleur, c'est tout.
Il faut dire que les animatrices, c'est meilleur ici, il faut le dire à tout le monde. Tout le monde va venir à l'école ici.
Les femmes vont à l'école pour apprendre à lire et pour l'écriture aussi. On a besoin de comprendre des choses et de bien, bien apprendre à écrire. On aurait besoin d'une école de couture aussi.
On est tous ensemble. Il y a des réunions. Tout le monde parle ensemble et écrit. D'autres fois, le professeur c'est le modèle, c'est lui qui parle, qui écrit. Des fois, tout le monde écoute. Il parle tout seul, tout le monde reste assis et écoute.
Il y a aussi les sorties en autobus. Toutes les «madames» regardent les fleurs, les jardins. Tout le monde parle ensemble, regarde beaucoup de choses. Ils mangent ensemble et parlent. C'est bien. Il y a des caméras et beaucoup de choses.
Je suis rentré chez CLÉ-Montréal quand le bureau était sur la rue Mentana en 1995. Un an après, Diane Lambert m'a offert un travail, sachant que je dessine bien. Diane avait un projet, elle voulait que je fasse une série de dessins pour les allophones et les analphabètes. Je me suis bien amusé à faire ça. Le travail était long et ardu, mais je ne m'en faisais pas pour autant. Je dessinais tous les mouvements des lèvres quant on prononçait les consonnes et les voyelles.
Le dessin était là pour faire comprendre plus facilement aux analphabètes et aux allophones.
Les cours qui se donnaient n'étaient pas à mon niveau, un des professeurs me disait que j'étais très fort en français, mais je voulais apprendre et même améliorer mon français écrit. Voyant que je n'ai pas trouvé un atelier de français à mon niveau, j'ai décidé de suivre quand même le cours. Peu de temps après, les ordinateurs ont fait leur entrée à CLÉ. Ça a été un méchant bon coup de pouce à l'évolution des ateliers de CLÉ.
En passant, je veux rendre un grand hommage à l'une des équipes de CLÉ-Montréal, à Diane, Christian et Alice, les trois piliers de l'atelier, les trois Mousquetaires de l'analphabète. Sans eux, l'atelier n'existerait pas. Je souhaite longue vie à CLÉ-Montréal.
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Je voudrais remercier chaleureusement une prof qui m'a supporté dans mes ateliers de français écrit qui n'est pas dans le groupe de CLÉ-Montréal mais qui fait partie de Collège frontière. À ma très chère Marie-Andrée, une personne qui a une patience d'ange, je te dis mille fois merci.
À bientôt.
En 2008, c'est le 25ième anniversaire du CLE.
Bon anniversaire à cette école! J'étudie une fois par semaine, ce n'est pas beaucoup. Mais j'ai un sentiment très spécial, je me sens comme chez moi, parce que les animateurs et animatrices sont toujours très gentils-Iles, et toujours prêtEs à nous aider. Quand j'ai des difficultés, je peux avoir de l'aide; quand j'ai des questions, ils-elles peuvent toujours y répondre. J'aime bien cette école. J'aime bien apprendre le français.
Pour la fête de l'école, j'ai un bon souhait : je souhaite que l'école continue à avoir des subventions du gouvernement du Québec pour nous aider à apprendre le français.
Je m'appelle Ling-Shu, j'apprends le français. Je suis très contente parce que je dois parler avec mes amis québécois et le gouvernement. J'habite à Montréal.
Le temps a passé très vite. Maintenant, l'automne arrive. Il fait un peu froid et il pleut. J'ai regardé les arbres et les feuilles tombées. Il y a beaucoup de couleurs jaune, orange, rouge et un petit vert très beau
On a commencé des cours à l'école de français. Mes camarades m'ont demandé :
Aujourd'hui, c'est la fête du 25ième anniversaire du Centre de Lecture et d'Écriture. Tous les étudiants sont revenus à CLÉ avec une joie immense. Je retrouve mes anciens camarades.
Les professeurs avec les étudiants parlent beaucoup. La fête anniversaire, on a de la joie plein le cœur. Nos amis partagent notre joie parce que les professeurs ont des élèves partout dans le monde.
Deux fois par semaine avec le professeur nous apprenons le français pour nous faire comprendre à Montréal. Je remercie tous les professeurs. Le français est une langue magnifique!!!!!
On est dans une assemblée, on regarde comment on va faire pour les gens qui vont pas à l'école pour apprendre à lire. Tout le monde vient avec son idée. Quand c'est une bonne idée, on va la prendre pour aider. Des idées pour aider le monde qui apprend à lire.
Une dame qui est enseignante, commence à enseigner à l'autre dame. Elle n'a pas été à l'école. Elle veut faire comprendre les choses; lui montrer pour comprendre bien. Elle lui demande : «Tu comprends?»
On est des amis. On parle de quelque chose de bon. On rigole. Quand ça va bien, les gens rigolent. Quand on n'a pas de problèmes, c'est pourquoi on rigole. Je pense que ça, pour le cœur, c'est bon. Quand les gens ont des problèmes, ils rigolent pas.
C'est la fête. Les personnes travaillent dans l'organisme. Elles ont un petit carton avec le nom de l'organisme. Tout le monde parle. Il y a des bonnes nouvelles. Il se passe quelque chose qui les fait rigoler.
À la maison Je suis à la maison, je prépare une lettre. Il faut réfléchir doucement comme je vais écrire. Je prépare la lettre. J'écoute des CD, de la musique pour pas m'ennuyer. Je suis seule.
À l'église Je vais à l'église, on entend dans les haut-parleurs, un monsieur parle dans le micro. Il parle de la bonne nouvelle, du message pour le Dieu. C'est bon pour les gens, frères et sœurs dans l'Église.
Dans la vie de tous les jours, parfois on a des problèmes, de grands problèmes. On pense : «Qu'est-ce qui va se passer après? Peut-être que ce sera correct, peut-être que ça va aller mieux?»
Parfois on regarde des photos. On pense à avant et à après. Ce n'est pas la même chose. On a changé. Parfois on travaille, ce n'est pas un bon travail, on pense, qu'est-ce qui se passe pour moi?
Des fois, on peut être malade, très malade et on pense beaucoup, on a beaucoup de problèmes. Quand on a des problèmes, on va dans les bureaux et là, il y a des «monsieur s» qui expliquent ce qui se passe. Quand on n'a pas beaucoup d'argent comme quand on va au restaurant, on doit calculer comment ça coûte.
Parfois on se trouve pas bonne, on a des problèmes, on pense beaucoup. À CLÉ, on fait des réunions et des discussions. Il y a des personnes qui parlent.
Nous sommes des étudiants. On apprend l'ordinateur. Les gens parlent ensemble, racontent des farces. On est heureux. Quand on fait des sorties en autobus, on est comme des touristes, on va visiter des villes. Beaucoup de villes, j'aimerais ça.
On travaille à l'ordinateur. Il y a des personnes qui font des manifestations, qui marchent dans la rue comme pour les grèves.
Parfois on a des moments où on est triste et on se dit : «Qu'est-ce que je fais là?» Dans la vie de tous les jours, appeler le docteur c'est pas facile, on doit choisir dans un menu téléphonique.
Pour commander à manger pour la visite, avant j'appelais St-Hubert, je donnais mon numéro, je donnais ma commande. Il n'y a plus de St-Hubert près de chez-moi. Je ne peux pas chercher sur Internet, moi. Je ne peux plus commander. J'avais un menu avec des dessins, je pouvais choisir, c'était facile.
Ma fille s'inquiétait pour moi, elle se demandait comment je me débrouillais pour l'épicerie. Je n'achète pas des choses en boîte, sauf les tomates, je n'ai pas besoin de lire. Je regarde la date, surtout pour le lait, le pain et la viande. J'ai appris jeune à faire les commissions pour la famille.
Les mamans donnent des conseils à leurs enfants. Elles les encouragent pour aller à l'école et leur disent de rester gentils et de ne pas se battre.
Pour la déclaration d'impôt, je vais aller voir si le CLSC peut faire ma déclaration. Je paye $35 et c'est cher pour rien.
À CLÉ, parfois on devient fatiguée en atelier, on doit se reposer les yeux. Les animatrices aident à apprendre, elles font de beaux sourires.
Je suis une analphabète fonctionnelle car je savais faire sans. J'étais incapable d'écrire. Sans doute un problème dans mon enfance... En première année, j'étais avec ma sœur et j'avais des difficultés alors les coups de règle pleuvaient. Mais de cette difficulté on n'en parlait pas dans notre famille. Pourquoi ce réveil? Pourquoi ce besoin à 40 ans? Parce que ma mère était malade et je sentais le besoin d'être autonome, d'être comme les autres... ne plus avoir honte.
Comme j'avais développé pleins de petits trucs, j'ai réussi à camoufler ce problème longtemps. L'élément déclencheur a vraiment été la maladie de ma mère. Je ne l'avais plus pour combler mes manques. J'ai donc découpé l'annonce dans le journal Le Plateau.
J'ai téléphoné, on m'a donné rendez-vous le lundi à lh00. Cette journée, j'ai fait le tour du bloc plusieurs fois même si je connaissais l'endroit. Je suis arrivée à mon rendez-vous avec une heure de retard.
J'ai été bien accueillie, mais après une bonne jasette où l'on a parlé de tout et de rien avec les intervenants Pierre, Josée et Andrée, on m'a présenté une feuille blanche.
L'angoisse, la tristesse se sont mises en moi de pas pouvoir écrire sur cette feuille blanche. Comment leur dire... c'est à ce moment que j'ai avoué mon problème : «Je suis incapable d'écrire.»
Après beaucoup d'efforts, j'ai réalisé mon rêve : être autonome et avoir davantage confiance en moi. Quelle liberté de pouvoir fonctionner sans avoir à demander l'aide des autres!
Merci de m'avoir lue!
Une fois, lors d'un atelier, Muriel nous avait donné comme devoir de pratiquer le verbe «aimer». La fois suivante, notre animatrice nous demande si nous avions fait notre travail. Mon amie Irène répond : «J'ai beaucoup travaillé ma béchamel».
Tout le monde s'est mis à rire. Muriel lui a donc expliqué la différence entre Bescherelle et béchamel.
Les femmes de cœur
Nous avons bien aimé le souper des femmes de la CLÉ. C'est bien important pour nous, la joie, le bonheur de rencontrer des femmes qui vivent les mêmes choses que nous. Par exemple, nous les femmes, on se fait faire des remarques désobligeantes sur notre personne : «T'es bien grosse!» «T'es bien niaiseuse!». Et ça va jusqu'à des regards qui nous déshabillent. Ces rencontres nous permettent de faire un bout de chemin ensemble. Pour reprendre contact avec nos valeurs, nos qualités; de retrouver la confiance en nous, nos besoins comme personnes dans notre société. Il faut pas lâcher, il y a de l'espoir pour nous les femmes!
Lors d'un séminaire à Jouvence pour une fin de semaine, j'ai rencontré Marie-Rose une dame de 70 ans qui avait été émue par un des textes que j'avais écrit dans le journal du regroupement populaire (RGPAQ).
À la mort de son conjoint, cette dame ayant perdu sa source, elle avait senti le même besoin que moi : apprendre à lire et à écrire. Pour ses 70 ans, elle avait préparé un souper, marqué les places pour chacun de ses enfants avec un petit mot. Elle écrivait tous les jours dans son journal intime.
Ce fut son plus beau cadeau d'anniversaire, elle était très contente de me rencontrer car sans le savoir la lecture de mon texte par une amie avait été l'élément déclencheur de sa quête d'autonomie. Son message était qu'il n'y a pas d'âge pour apprendre.
J'oublierai jamais cette rencontre avec Marie-Rose.
Bonjour! Je m'appelle Siu Mu Ly.
Dans la vie de tous les jours, je suis une maman.
La journée, je vais acheter des choses pour faire à manger et ensuite je fais la cuisine. Avant, j'allais reconduire ma fille à l'école. Maintenant, elle y va toute seule. Elle a treize ans.
Des fois, les mamans ont personne pour aller à l'école. Elles ont pas le temps, elles doivent aller travailler. Des fois, les enfants sont fatigués, ils pleurent, ils ne veulent pas aller à l'école.
Quand on travaille dans une manufacture, on est fatiguée. Le boss demande aux employés de faire du meilleur travail. Le travail est difficile. Le travail est pas bon. On n'a pas d'expérience.
Des fois, on est fatiguée et on se sent triste. Des fois on se sent toute seule. Des fois, on comprend pas, on sait pas comment écrire.
Je n'ai pas peur, je ne suis pas gênée, je commande de la pizza. J'appelle pour la grosse pizza. Je mélange des mots de français et d'anglais. Le chèque pour l'Hydro, c'est mon mari qui le fait. Je fais pas beaucoup de chèques. Quelques fois pour payer des choses...
Quand je magasine, quand il me manque quelque chose et quand je dois le demander aux femmes qui travaillent, c'est difficile. C'est difficile aussi chez le docteur de donner des informations pour notre dossier.
Je vais à CLÉ, une à deux fois par semaine. J'aime parler, écouter. J'aime l'ordinateur.
Les étudiants en alpha qui étudient le français font des assemblées. On fait des assemblées pour l'autobus et pour le transport.
On fait une manifestation. Il y a beaucoup de personnes qui ont besoin de leur passe d'autobus pas trop chère.
Des fois, le professeur donne des devoirs pour l'étudiant à la maison. On a des ordinateurs. Il y a des classes d'ordinateurs pour les étudiants. On apprend l'ordinateur. On commence à apprendre le français.
J'écris des exercices de français un peu. On nous explique comment remplir un formulaire. J'écris des recettes de biscuits. J'écris en français et en anglais. Je n'écris plus en chinois.
Les étudiants en alpha ont été à la cabane à sucre. Christian a pris des photos de tout le monde. Quand c'est la fête, tout le monde est heureux.
Je vais à CLÉ parce que je veux comprendre le français et parler le français aussi. Ça fait 10 ans que je suis à Montréal et parce que Montréal fait partie du Québec, je dois savoir parler le français et comprendre le français beaucoup! Sinon, on peut pas survivre ici. C'est ma vie maintenant.
C'est pourquoi je suis venue étudier le français. Avant, je ne comprenais pas le français. Maintenant, je suis venue à CLÉ Montréal. Maintenant, je comprends le français un peu. À l'école de CLÉ, ils m'ont beaucoup aidée.
Cette école, c'est une partie de ma vie. Merci au gouvernement du Québec qui aide les personnes comme moi pour étudier le français. Les professeurs sont le destin du monde. Parce que les professeurs aident les étudiants à devenir les personnes les plus intelligentes du monde.
Merci de lire mon texte!
Je m'appelle Ying Yi. Je suis arrivée au Québec depuis 2 ans. J'étudie au CLÉ depuis 2 mois. Je suis vraiment contente d'avoir trouvé une école comme ça. Les professeurs sont très gentils et les gens qui étudient ici sont très gentils aussi. CLÉ, c'est comme une grande famille. Les cours plus fun. Je peux apprendre plus par les cours.
La semaine passée, on est alléEs au Biosphère. J'ai plus de connaissances. Quand j'étudie ici, je ne sens pas que je suis immigrante. Tous les étudiants viennent de différents pays. On va à l'école pour étudier le français, pour connaître mieux la vie à Montréal. Je viens d'un autre pays, mais j'aime la vie ici.
J'espère qu'un jour, je pourrai parler bien et écrire bien en français. J'espère qu'un jour, je pourrai travailler au CLÉ, pour aider les gens à connaître mieux le français, trouver une nouvelle vie à Montréal.
Je m'appelle Yvonne. Je viens à CLÉ pour lire. J'aime ça lire et apprendre à parler. Je parlais pas avant. Je suis tombée malade pendant la guerre en 1940, j'avais 14-15 ans. Je suis restée 2 ans à l'hôpital. J'ai eu la polio.
Je suis devenue sourde et je ne parlais pas. Je ne marchais pas non plus. Ça fait 2-3 ans que je viens à CLÉ. Je parle avec les autres, les «madames», les «monsieurs». J'apprends «ben» des choses. J'aime l'ordinateur. J'ai de la misère à dire ce mot-là par exemple.
Les animatrices aident le monde. On a besoin d'aide pour lire les livres et les lettres du gouvernement.
Des fois, l'animatrice est découragée, elle part travailler, elle sait pas ce qu'elle va faire. Elle veut parler pour aider. Le monde y comprend pas. Elle a mal à la tête. Elle est découragée. Le monde comprend pas, y veut pas comprendre.
Dans les assemblées, dans une grande salle, un monsieur est en train de parler, tout le monde parle, on est tous ensemble, on parle des loyers trop chers. Quand on a trois enfants, par exemple, c'est cher.
Des fois, on a des problèmes : se chercher de l'ouvrage, pas avoir d'argent et aller au bureau de l'aide sociale en attendant parce qu'on n'a pas de job.
Pour faire l'épicerie, je regarde sur les boîtes à la maison. Quand les boîtes changent, si c'est pas pareil, j'achète pas. Des fois, j'essaie de parler, j'ai de la misère. Des fois, je suis découragée, je parle pas.
Des fois, on s'assit sur le sofa, découragée, on veut travailler et on pense à toutes sortes de choses. Les femmes, il faut qu'elles achètent du linge pour amener les enfants à l'école.
Elles vont au magasin pour acheter quelque chose. C'est pas achetable! C'est toujours en train de monter, monter. Ça monte tout le temps!
Quelqu'un qui me ressemble : Il a perdu sa femme. Il est tout seul. Il écrit une lettre à sa fille. Sa fille reste loin. Il peut pas appeler au téléphone, il est sourd.
J'écris des lettres, personne ne répond. J'envoie des cartes de Noël, personne ne répond. À cause que j'ai de la misère à lire, je sais pas écrire grand chose. Des fois, je suis découragée. Il n'y a personne pour aller avec moi quelque part. Je suis toujours toute seule. Je parle au téléphone des fois. Mais on me téléphone pas souvent. J'attends, j'attends.
On prend des cours pour travailler, pour écrire, on aime «ben» ça! On a des choses à comprendre, on apprend «ben» des choses. On doit pas écouter quand son mari conte des menteries et qu'il est gêné, qu'il fait accroire toutes sortes de choses. La femme est capable d'apprendre, «a» trouve toutes sortes de choses dans l'ordinateur.
On fait des manifestations, on veut avoir plus d'argent. Les autobus, ça monte tout le temps pour la carte. Les chauffeurs y mettent plus leur habit, je sais pas pourquoi ils en veulent plus, tout le monde peut pas en donner plus.
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J'ai eu un grand plaisir à vous raconter mon histoire. Je veux remercier ceux et celles qui m'ont lue. Je veux aussi dire merci à ceux et celles qui ont participé aux 25 premières années de ma vie.
Vous pouvez compter sur moi pour les années qui suivent. Je vais continuer à me battre pour améliorer la qualité de vie des personnes qui ont de la misère à lire et à écrire. Tout le monde a le droit de se sentir bien.
Mon plus grand rêve, ce n'est pas d'avoir la chance d'écrire le livre de mon cinquantième dans vingt-cinq ans. Mon plus grand rêve, c'est que dans vingt-cinq ans, les problèmes de lecture et d'écriture chez les adultes du Québec et du monde entier n'existent plus.
Au nom des membres de CLE, merci...
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Les auteurEs
Alain Mireault, Claude Malo, Claudette Delage, Danielle Dumont, Fatima Kazer, Guy Dubé, Kim Luu, Ling-Shu Wang, Marguerite Manirakiza, Maria Grutanska, Mina Mazzer, Nycole Trudeau, Siu Mu Ly, Ying Yi Li, Yvonne Pelletier; Un peu l'équipe de travail et Nicole Gladu pour des ajustements historiques