Table des matières

Introduction

L'Équipe de travail en alphabétisation de la Fédération acadienne de la Nouvelle-Écosse (FANE) est heureuse de vous présenter ce recueil comprenant des textes rédigés par des apprenantes et des apprenants adultes de 7 régions de la Nouvelle-Écosse.

Ce recueil a été conçu dans le cadre d'un projet d'éducation des adultes basé sur la tradition orale. Le projet avait comme but la création de matériel de lecture pour débutants à partir du vécu personnel et de l'héritage des Acadiennes et des Acadiens.

La communauté acadienne de la Nouvelle-Écosse, bien qu'elle ne dispose pas d'une longue histoire littéraire, jouit toutefois d'une merveilleuse tradition orale. Elle est composée de contes, de mœurs, de recettes, de légendes et de chansons. C'est grâce à cette tradition orale que la communauté a réussi à transmettre sa culture, sa langue et son héritage de bouche à oreille à travers les générations.

Le recueil est le résultat d'ateliers de lecture et d'écriture donnés dans les régions de Clare, Argyle, Chéticamp, Sydney, Pomquet, Petit de Grat et Halifax-Dartmouth. Des apprenantes et apprenants ont travaillé en petits groupes sous la direction de coordonnatrices et coordonnateur de projet.

L'équipe de rédaction du projet de tradition orale comprend:
Claire Aucoin
Jean-René Bourgeois
Bernice d'Entremont
Jacqueline Kenny
Stella LeBlanc
Kim MacDonald
Julie Oliver
Marie-Louise Samson
tous les apprenantes et apprenants

Sous la direction de:
Carmelle d'Entremont, animatrice en alphabétisation au ministère de l'Éducation et de la Culture et Joëlle Désy, directrice des communications à la FANE.

Chéticamp

Les histoires de Chéticamp

Je trouve que c'est un privilège de pouvoir apprendre et m'améliorer. Je ne veux pas avoir besoin de retourner travailler à l'usine, alors je vais prendre avantage de ce programme et m'instruire.

Priscille Bourgeois

À l'école du Cap-Rouge / par Marie-Thérèse LeLièvre-LeBlanc

Le Cap-Rouge était un petit village à dix milles de Chéticamp. Luce Antoinette Boudreau a enseigné à l'école du Cap-Rouge entre 1937 et 1939.

C'était tout un défi que d'enseigner aussi loin de chez elle. Cependant, plusieurs raisons l'ont incitée à prendre cette décision.

Puisqu'il y avait moins d'élèves à cette école et que plusieurs membres de sa famille y avaient déjà enseigné, elle avait accepté ce poste d'enseignement.

Les classes commençaient au mois de juillet et allaient jusqu'à Noël. Les élèves prenaient deux mois de congé en janvier et février à cause des tempêtes de neige et du froid.

Les étudiants se trouvaient ainsi en classe pendant l'été. Comme l'école se situait sur la route principale et que pendant l'été plusieurs touristes étaient de passage dans la région, ils étaient surpris de voir les élèves en classe.

Parmi ces visiteurs, il y en avait un qu'on aimait un peu moins que les touristes: c'était, monsieur l'inspecteur.

Un beau jour d'été, il est arrivé juste après le dîner et a dit à mademoiselle Boudreau de ne pas changer sa routine. Puisque c'était la période d'exercice physique, Joseph-Luc était assis devant l'école sur une grosse roche et jouait de la musique à bouche. Les élèves marchaient au son de cette musique. Ceci avait bien impressionné monsieur l'inspecteur.

En 1939, l'école a été fermée pour de bon. Pour une dernière rencontre et avant la fermeture de l'école, on a décidé d'avoir un pique-nique à la Pointe-à-Cochon avec les élèves et les amis. Ils ont passé une très belle journée en compagnie de Simon-

Pierre Boudreau et son violon, Rose à Baptiste avec sa trompe et Léo à Placide avec son accordéon.

Malgré tout, Luce Antoinette et ses élèves garderont toujours de beaux souvenirs des années scolaires au Cap-Rouge.

Malheureusement, le gouvernement fédéral a exproprié les familles du Cap-Rouge de leurs terres pour en faire une partie du parc national. Pourquoi seulement les Acadiens ont été expropriés? Les Anglais de Pleasant Bay n'ont pas été touchés eux.

Lexique

Trompe - bombarde

Notre affectation en Europe / par Gemma Bourgeois

Je m'appelle Gemma Bourgeois. Je suis mariée à Charlie Bourgeois. Comme mon mari était dans les forces armées, j'ai dû le suivre tout au long de sa carrière. Notre première affectation était à Greenwood en Nouvelle-Écosse. Nous y sommes restés pendant sept ans. C'est là que mes deux enfants, Éric et Gizelle, sont nés.

Par une belle journée, mon mari m'apprend qu'on est affecté en Europe. Pour moi, c'était le rêve de ma vie. Nous avons déménagé au début du mois d'août 1966. Ça été toute une aventure pour les enfants et moi. Nous n'avions jamais voyagé en train ou en avion.

Nous avons passé quelques jours à Chéticamp pour visiter la famille et leur faire nos adieux. Puis, nous sommes allés à Sydney pour prendre le train qui nous a amenés à Trenton en Ontario. Nous avons pris l'avion vers huit heures le soir puis nous sommes arrivés un peu fatigués à Marville en France le lendemain matin. Une surprise nous y attendait. Qui était là pour nous accueillir? Un gars de Chéticamp! Séverin Romard. Nous étions si contents de le voir. Un autre homme des forces armées est venu nous rencontrer pour nous mettre plus à l'aise et pour nous aider à trouver un logement.

À la base de Marville, tout près de la frontière belge, nous nous sommes trouvés un logement dans un petit village appelé Lamarteau. Le propriétaire était bien gentil. Si nous voulions sortir, ses filles étaient toujours prêtes à garder Éric et Gizelle.

En 1967, vers le mois de mars, Charlie nous a annoncé que nous étions transférés à Lahr en Allemagne. Il a dû s'y rendre seul parce que la base n'était pas prête pour accueillir les familles. Il a fallu encore déménager... Nous nous sommes installés dans une maison mobile sur la base de Marville en France. C'était plus pratique pour les enfants et moi. C'est là que se trouvait l'école, l'épicerie et l'église. Charlie venait nous retrouver toutes les fins de semaine.

Au mois de juillet, comme les maisons n'étaient pas encore prêtes sur la base de Lahr, Charlie nous a proposé d'aller faire du camping. Nous avons acheté une tente et toute la famille campait près d'une plage. Les enfants et moi avons passé un agréable été à nous baigner et à nous faire bronzer.

Au mois de septembre, nous avons reçu une maison sur la base de Lahr. Je vous dis que nous étions contents. Éric et Gizelle allaient à l'école et ils semblaient être heureux dans leur nouvel environnement. Éric avait un ami allemand. C'était beau de les voir. Éric ne parlait pas allemand et son ami ne parlait pas anglais. Ils semblaient se comprendre et s'amusaient bien ensemble.

À l'été 1968, nous sommes partis en vacances. Nous avons visité quelques pays dont la Hollande et la Suède. Les Hollandais sont très chaleureux envers les Canadiens. Nous y avons rencontré une famille qui nous a invités chez elle. Il fallait absolument prendre un repas avec eux.

Un peu plus tard, nous sommes allés en Autriche. C'était tellement beau! De très beaux paysages, ça ressemblait presqu'au Sentier Cabot. Aussi, nous avons visité la maison d'Hitler qui se trouvait très haut dans les montagnes. Une fois rendu là, la vue était formidable! Il paraît qu'Hitler y passait beaucoup de temps pendant la guerre.

Notre affectation s'est terminée et nous sommes revenus au Canada en 1969. Même si nous avons gardé de très beaux souvenirs de notre séjour en Europe, c'est donc beau de toucher l'herbe verte de chez nous.

Mon grand-père / par Marie-Thérèse LeLièvre-LeBlanc

Mon grand-père est né sur l'île Jersey en Europe. Il est venu à Chéticamp travailler pour la compagnie Robin Limitée qui achetait le poisson à La Pointe dans les années 1800.

Les gens qui travaillaient pour la compagnie Robin étaient des protestants puisqu'ils venaient de l'Ile Jersey. Mais, mon grand-père fréquentait une jeune fille de religion catholique. Et un protestant épouser une femme catholique, ça ne se faisait pas! Il fallait changer de religion.

Quand il a annoncé ses intentions à son patron, une grosse querelle a éclaté. Mon grand-père a fini par perdre son emploi et être renié par la compagnie Robin.

Jean LeLièvre n'était pas un homme qui se décourageait facilement, il avait beaucoup de force. Il a décidé de bâtir à la Pointe-à-Cochon le premier magasin indépendant à Chéticamp pour faire compétition aux Robin.

Il s'est converti au catholicisme et a marié mademoiselle Deveau. Ensuite, il s'est bâti une maison et une grange de l'autre côté de son magasin, où se trouve maintenant la bâtisse de Pêches et Océans.

Je n'ai jamais connu mon grand-père, mais selon les histoires de mes ancêtres, c'était un homme peu instruit formellement qui faisait beaucoup de bien dans son village. Il aidait les pauvres et les malades. Il était bien respecté à Chéticamp.

La mi-carême / par Dorothy Boudreau

Le mot mi-carême veut dire le milieu du carême. Dans le temps de nos ancêtres, le carême était un temps de pénitence et de prières. Il y avait beaucoup de choses que les gens ne pouvaient pas faire. Le carême dure six semaines. Alors, au milieu du carême, qui se trouve le jeudi de la troisième semaine, nos ancêtres se fabriquaient des masques et des costumes avec du vieux linge. Puis, ils s'en allaient chez les voisins où ils s'amusaient bien à danser et à faire beaucoup de gestes sans qu'ils soient reconnus.

Maintenant, la mi-carême est encore populaire à Chéticamp chez les gens de tous les âges. C'est un peu différent parce qu'il y a beaucoup plus d'activités. Aujourd'hui, au lieu de se fabriquer des habits, les gens les achètent au magasin ou les louent pour la soirée. Aussi, dans le temps de nos ancêtres, il y avait seulement une soirée de mi-carême. Maintenant, on fête l'événement pendant toute une semaine!

Les gens se déplacent en auto pour visiter les amis et la parenté. Certaines personnes adorent tellement la mi-carême qu'ils organisent des soirées de musique dans leur maison. Il y a même des gens qui prennent leurs vacances pour l'occasion.

Pour beaucoup de gens, la mi-carême, c'est le plus beau temps de l'année.

Maman / par Elizabeth Aucoin

Ma mère est née le 22 septembre 1902. Elle était la benjamine d'une famille de dix enfants, comprenant cinq garçons et cinq filles.

Elle est allée à l'école à l'âge de cinq ans, mais elle a dû laisser à l'âge de douze ans parce que ses parents étaient devenus trop âgés. Elle a aidé ses parents jusqu'à l'âge de dix-neuf ans.

Elle était en amour avec mon père alors âgé de vingt-et-un ans. Ils ont décidé de se marier pour rester avec mes grands-parents. De cet amour, mes parents ont été bénis de quinze beaux enfants qui ont fait leur bonheur sur terre. Elle a toujours travaillé très fort pour nous élever chrétiennement. Mon père était pêcheur et était absent du lundi au samedi.

Maman s'occupait des animaux à la grange avec l'aide de mes frères les plus âgés. Elle avait un grand jardin pour aider notre grande famille à survivre. Elle ne se plaignait jamais. Elle était toujours heureuse. Elle était très habile pour tricoter, bonne cuisinière et très organisée. Elle pouvait être sévère en nous élevant, mais elle avait le cœur très tendre.

Vers l'âge de quatre-vingts ans, elle est entrée au Foyer Père Fiset à Chéticamp. Elle était très heureuse de se retrouver avec ses anciennes amies pour enfin y finir sa vie.

Maman est morte le lundi 3 février 1992. De ce jour, je regrette encore ma mère. Elle occupait une très grande place dans ma vie.

Les histoires de Clare

On a pas eu l'occasion d'apprendre la grammaire quand on a fait nos études plusieurs années passées. Avec les ateliers de tradition orale, j'ai aimé connaître les coutumes acadiennes et l'histoire de l'Acadie.

Helen Comeau
Clare

Nos médecins d'autrefois / par Mariette Comeau

Dans le temps passé, les médecins de famille vivaient de dures expériences. Durant les mois d'hiver spécialement, le médecin de notre village devait souvent demander les services de mon père qui avait dans sa grange un cheval et un traîneau. Les tempêtes de neige ravageaient souvent les villages et bloquaient les chemins, au point où les voitures ne pouvaient plus passer. Alors, mon père partait dans la tempête avec le médecin, assit sur le traîneau avec sa petite valise. Ma mère nous disait: «Votre père est parti au loin avec le médecin qui porte un bébé dans sa valise.»

Le médecin et mon père étaient parfois absents de la maison pendant deux jours. Ils prenaient une journée pour se rendre au domicile de la future mère et une autre journée pour revenir à la maison.

J'ai entendu dire qu'une fois, le médecin est arrivé à une de ces maisons, très tard et très fatigué. Comme l'accouchement allait prendre du temps, le médecin s'est couché dans le lit avec la future mère et il s'est endormi.

La tuberculose en Acadie / par Joan Corporon

Quand nous lisons les histoires de nos ancêtres, les Acadiens, nous apprenons qu'ils connaissaient bien les médicaments naturels. Mais, comme il n'y avait pas les drogues miraculeuses d'aujourd'hui, les maladies graves devenaient souvent désastreuses. La maladie la plus dangereuse de mon époque était la tuberculose, surnommée «la bête noire» par les gens.

La tuberculose est une maladie grave causée par une bactérie qui attaque les poumons ainsi que d'autres parties du corps. Le capitaine Hilaire V. Pothier de Wedgeport disait en 1884: «Je crains plus la consomption (autre mot pour la tuberculose pulmonaire) pour ma famille que mille autres maladies.» Wedgeport n'a pas été le seul village à souffrir de la contagion à cette époque, mais il a été le plus durement touché.

Ma grand-mère Comeau, née à Wedgeport, a perdu ses parents quand elle avait seulement douze ans. Elle est allée demeurer avec sa tante et son oncle à Meteghan River (La Butte). Elle a épousé mon grand-père, Urie Comeau. Ils ont eu sept enfants, tous en bonne santé. Cependant, une de leur fille, Nellie, ma mère, n'a pas été si chanceuse. Elle aussi a eu sept enfants, mais trois d'entre eux ont été victimes de la tuberculose. J'étais une d'elles.

Ma sœur, Cécile est morte de cette maladie à l'âge de dix-neuf ans. Tandis qu'elle était mourante, une autre sœur, Delphine, était au lit atteinte elle aussi de la consomption. Deux ans plus tard, c'était mon tour. Quelle misère pour une pauvre mère! Mais, Delphine et moi, nous avons été chanceuses. Nous nous sommes remises. Dans ce temps-là, il n'y avait pas de médicaments comme aujourd'hui. Quelques pilules, de la bonne nourriture, et surtout le repos étaient les seules choses qu'on avait pour guérir. La vie était précaire.

Les voisins avaient une peur bleue de cette maladie. Peu de gens venaient nous visiter à la maison. Seulement les plus braves s'y aventuraient. Ma grand-mère et mes tantes avaient peur elles aussi, mais elles venaient nous visiter presque tous les jours.

Bien des années plus tard, une camarade de classe me dit: «Chaque fois que je passais devant votre maison, je me serrais les lèvres fort, fort. J'essayais de ne pas souffler tellement je craignais d'attraper cette maladie contagieuse.»

Aujourd'hui, la bête noire du passé se faufile de nouveau et attaque les gens. Et le pire, c'est qu'il n'y a toujours pas de médicaments efficaces pour lutter contre cette nouvelle menace.

Lexique

Souffler - respirer

Luc et son bœuf / par Joan Corporon

Luc était un vieux garçon qui demeurait avec mes grands-parents. Il avait le visage assez doux et une moustache grise, un homme plutôt silencieux. Il avait des bras et des mains de fermier, une taille solide mais pas très grand. Il aimait la terre de toute son âme. Je me souviens des beaux jardins de légumes et de patates que cultivaient Luc et grand-père. Dans le verger, Luc avait un grand jardin de fleurs. Des roses, des œillets et des jacinthes poussaient en abondance. Les gens de partout venaient voir ce jardin aux fleurs éblouissantes.

Luc était très gentil avec mes tantes. Quand elles étaient jeunes, la veille du Jour de l'an, elles lavaient les escaliers du guernier. C'était là que Luc avait sa chambre à coucher. Ce soir-là, Luc passait par un autre escalier pour se rendre à sa chambre. Le matin suivant, les enfants ouvraient la porte du guernier en huchant: «Bonne et heureuse année, Luc!» Aussitôt, une cascade de bonbons tombait dans l'escalier et les enfants se précipitaient pour les ramasser.

Luc avait un beau gros bœuf avec des pattes fortes et solides. Deux grandes cornes entouraient sa tête. Ses beaux yeux bruns et son museau blanc lui donnaient un air calme et docile. Mais c'était faux! Luc avait nommé son bœuf Brown. Pour nous, les enfants, Brown était le diable incarné.

Il y avait des jours où Luc faisait grincer des dents à ma mère. La maison dans laquelle nous demeurions appartenait à Luc. Il nous interdisait de grimper dans les grands érables qui entouraient la maison, déjouer sur la bouchure de bois ou déjouer sur les meules de foin dans son champ.

La chose qui agaçait le plus Luc était de trouver des ordures dans les fossés autour de sa maison. Il accostait maman et lui disait: «On dirait que vous vendez des crapauds de nez à voir tous les petits papiers dans les fossés.» Là, Maman nous sautait sur la tête. Nous allions vite ramasser nos petits papiers, les papiers des voisins et les papiers que le vent avait semés. Sacordjé!

Une autre chose qui agaçait beaucoup Maman était que Luc ne voulait pas que l'on coupe l'herbe autour de la maison. Il attendait que l'herbe soit assez haute pour la couper pour du foin. Maman était obligée de mettre ses caoutchoucs le matin pour attacher son lavage sur la ligne à hordes. Moi, j'aimais cette herbe couverte de rosée dans laquelle je marchais nus-pieds.

Mais, revenons à Brown. Il était têtu et parfois il pensait qu'il était un cheval. Tout à coup, il levait ses pattes de devant et partait au galop. L'été, nous aimions empiler le foin dans la charette. Quand Brown en avait assez d'être tranquille, il bondissait en l'air puis Luc et grand-père avaient beaucoup de difficulté à le retenir. Il avait le diable au corps. Dans la charette, on ricanait.

Une belle journée de printemps, tante Marguerite et tante Céleste décidèrent d'aller à la grange avec une paillasse pour changer la paille. Dans ce temps-là, nous avions des matelas de paille ou de plume. Elles étaient occupées à remplir la paillasse derrière la grange quand, tout à coup, elles virent Brown qui fonçait sur elles au galop. Les jeunes filles effrayées coururent se réfugier dans la grange. Luc arriva et donna plusieurs coups de fouet à Brown.

L'été, quand Luc n'avait pas besoin de Brown, il le lâchait dans le champ de bleuets. Nous les jeunes, nous cueillions des bleuets pour les vendre. Le vendeur nous donnait cinq sous la pinte, parfois moins. L'argent de la vente des bleuets, à la fin de l'été, allait à l'achat des cahiers d'école.

En ramassant des bleuets, il fallait toujours avoir l'œil sur Brown. S'il était en haut du champ, nous ramassions en bas, et vice-versa. Au milieu du champ, se trouvait un gros pommier avec de grosses branches à notre portée. Aussitôt que nous voyions Brown venir au galop, nous courions et nous montions dans le pommier. Parfois, Brown décidait de se coucher à l'ombre de l'arbre. Alors, il fallait attendre qu'il se soit endormi et là nous descendions tout doucement pour ramasser les bleuets que ce diable de Brown nous avait fait renverser.

Une journée froide du mois de mars, Luc se rendit à la grange. Il sortit Brown pour l'atteler au traîneau quand le bœuf s'affola. Il partit dans le chemin à toute allure, la neige volait de tous les côtés. Mon oncle et mes cousins partirent après lui. Ils coururent jusqu'au centre de Meteghan avant de l'attraper. Quelques mois plus tard, Brown n'était plus aux alentours. Luc avait un nouveau bœuf, beau et docile. Personne ne s'est ennuyé de Brown.

Lexique

Guernier – grenier
Hucher- hurler
Bouchure – clôture
Ligne à hordes - corde à linge

Willie / par René Belliveau

Depuis ma petite enfance, rien ne m'a plus fasciné que les milles manifestations de la nature. C'est pendant mon adolescence que j'ai trouvé un bon ami pour partager le monde du plein-air, c'était Willie Belliveau, ancien professeur, grand naturaliste et maître raconteur.

Que de souvenirs ce petit homme me ramène. Je le revois sortir de derrière une bouillée de vernes, une perche à truite dans ses grosses mains ou encore sur le platin sonder avec sa fourche à palourdes.

Âgé de plus de 80 ans, il possédait un visage sérieux, aimable et intelligent. Son visage souriant encadrait ses yeux profonds et perçants tandis que sa voix lançait un solide «Bonjour!». Willie était plus grand que nature.

Pendant mes vacances, je prenais grand plaisir à amener mes amis découvrir le merveilleux monde à Willie. Dans le confort de ses fauteuils, nous vivions l'aventure des grands bois. Vers la fin de la veillée, quand la conversation devenait plus philosophique, Willie nous dévoilait ses trésors dans un recoin au troisième étage. Il sortait des objets comme des champignons peints, des poèmes écrits sur des écorces de bouleau, et des photos du bon vieux temps passé avec ses amis, les Stehlin. Des paroles hypnotiques nous transportaient dans son empire d'aventure au fond des bois.

Il y a déjà trente ans de cela. Mais, je vois toujours la silhouette de cet homme aimable projetée dans la nuit brumeuse.

J'entends sa riche voix nous rouler un chaleureux bonsoir. C'est ma dernière image de lui.

Mais, l'esprit de Willie vit toujours.

En 1993, deux amis et moi sommes allés dans la forêt pendant trois jours pour goûter aux couleurs de l'automne. Notre destination: le 5e lac en haut de la rivière Sissiboo. L'été 1993 avait été sec à l'extrême de sorte que le 5e lac, normalement inondé par une chaussée, était retourné dans son bassin original. Le paysage ressemblait à un cimetière.

Les chemins forestiers nous ont menés vers le grand lac de Touschiette. L'eau claire lavait la boue du 5e lac sur la quille de nos canots. Sur les eaux jaillissaient les éclats multicolores d'un arbre qui se penchait comme pour toucher l'eau. Tout à coup, des frissons du vent du nord sont passés sur le lac et il a fallu trouver un abri pour la nuit.

Avec surprise, nous avons aperçu au fond d'une anse un chalet rustique revêtu de vieux bardeaux gris. De la fumée sortait de la cheminée. Un homme est sorti, nous a fait signe d'approcher et nous a invités à arrêter. L'offre ne pouvait être acceptée car il était temps de trouver un campement. «Mais, il va faire froid ce soir. Venez donc prendre un café avec moi et mon amie demain matin», dit-il.

Peu après, nous nous sommes installés sur une belle petite plage. Les grands pins respiraient le vent du nord, le feu dansait sur le camp et les trois petits gars avalaient de la bonne médecine. Le repas était un festin et l'arôme d'un nouveau lit de feuilles apportait l'endormitoire.

Le matin voyait les vapeurs glacées du lac. Les feuilles, figées par la gelée blanche, tombaient comme de la pluie dès qu'elles étaient touchées par la chaleur du soleil. L'air froid nous a rappelé le café promis.

Nous nous sommes retrouvés à la table du vieux chalet et le café était prêt. C'était un camp de chasse du début du siècle.

Nous étions à l'aise dans une cuisine assez spacieuse. En arrière, il y avait une chambre à coucher. Autrefois, le cuisinier du camp habitait cette petite bâtisse tandis que les propriétaires et leurs invités vivaient dans le grand bord, sous le même toit.

Les habitants du chalet s'appelaient Paul et Hélène. Paul s'est montré intéressé à en connaître plus sur moi quand il a appris que j'étais natif de l'Anse des Belliveau. Il m'a montré une ancienne photo encadrée de branches de bouleau sur laquelle deux jeunes hommes souriaient à côté d'un canot. «Celui qui tient la flèche, c'est mon grand-père», dit-il «et connais-tu l'autre? C'est son grand ami et mon parrain, le feu professeur, Willie Belliveau».

«Il a passé beaucoup de temps ici avec mon père qui s'est procuré ce camp d'Américains, suite au départ des Stehlin. Je suis Paul Stehlin junior, le dernier de la bande.»

Sous les bras des grands pins, j'ai passé une glorieuse heure, entouré d'anciens murs qui portaient un bon nombre de trophées du monde à Willie. Sculptures, dessins, photos et poèmes écrits par ses mains qui proclamaient toujours sa passion pour la tranquillité des grands bois.

Aujourd'hui, je reste fidèle à mon amour enfantin des lieux sauvages. Je suis chanceux d'avoir connu le vénérable Willie Belliveau et d'avoir marché dans quelques-unes de ses pistes.

Lexique

Bouillée de vernes - un bosquet d'arbustes
Platin - batture
L'endormitoire - le sommeil

Les médicaments d'autrefois / par Helen Comeau

Contre la fièvre
On faisait sécher du chiendent et ensuite on le faisait bouillir pour boire le jus.

Contre les maux d'oreilles
On allumait une pipe de tabac et on soufflait la fumée dans les oreilles du malade.

Contre une infection
On plaçait des feuilles sur l'infection ou on trempait du pain dans de l'eau chaude et on le plaçait sur l'infection.

Contre la toux
On donnait une cuillerée de graisse de poule mêlée à de la mélasse.

Pour enlever une écharde
On stérilisait une aiguille dans l'eau bouillante et ensuite on enlevait l'écharde avec l'aiguille.

Les récits de vie de la région d'Halifax-Dartmouth

J'ai embarqué dans le projet de tradition orale pour être capable de lire une histoire à mes enfants. Je serai plus indépendant dans la vie lorsque je pourrai lire. J'ai toujours voulu lire le journal.

Valéri LeBlanc
Halifax-Dartmouth

Les jours de mon enfance / par Judy Gilhen

Les plus joyeux souvenirs de mon enfance sont les étés où je visitais mes grands-parents. C'était toujours un temps de liberté parce qu'ils vivaient dans un petit village du Cap-Breton avec tout le reste de ma parenté.

Tous mes cousins et mes cousines étaient à peu près du même âge que moi. Je me rappelle les longues journées passées à nager dans le havre avec eux sur un radeau fait avec du vieux bois. Nous nous promenions à l'aviron dans le bateau de mon grand-père qu'on appelait le «Mette». Nous faisions des excursions sur l'île où nous faisions cuire des «hot-dogs» et nous sautions dans le foin dans la grange. Chaque jour apportait une nouvelle aventure.

Les souvenirs les plus proches de mon cœur sont ceux passés autour de la table avec mes grands-parents. Pépé avait toujours des histoires intéressantes de sa jeunesse. Il s'intéressait beaucoup à la boxe et il était bien connu aux alentours pour sa force. Il a passé plusieurs années à faire la pêche et il a aussi travaillé comme ingénieur sur les grands bateaux avant et pendant la guerre.

L'histoire que j'aimais le plus était celle de sa première rencontre avec ma grand-mère. Il pouvait raconter cette histoire comme si c'était hier. À chaque fois, ma grand-mère rougissait en écoutant cette histoire parce qu'il en parlait toujours comme de «sa belle petite femme». C'était vraiment touchant pour nous de voir qu'ils s'aimaient autant que lorsqu'ils étaient jeunes.

Dominique Pothier et moi / par Rayeanne Zunic

Dominique Pothier est né à Sainte-Anne-du-Ruisseau en 1731. En 1755, au moment de l'expulsion des Acadiens, il est capturé par les Anglais et emprisonné au Fort Beauséjour. Il s'en échappe avec trois de ses camarades et ils se cachent près d'un grand lac. Le même soir, 80 autres prisonniers creusent un trou sous le fort et se retrouvent aussi près d'un grand lac. Après cet événement, le lac est nommé «Lac à Pothier».

Moi, je suis née à Pubnico en 1964, plus de 230 années plus tard, à environ 20 km de Sainte-Anne-du-Ruisseau. Il y a plusieurs années, ma mère a fait l'arbre généalogique de notre famille. Elle s'est aperçue que Dominique Pothier était son ancêtre et que nous étions de la 8e génération.

En 1990, mon mari et moi sommes déménagés à Porter's Lake près d'Halifax. À la même époque, ma mère découvre que Porter's Lake est en fait le Lac à Pothier, nommé d'après Dominique Pothier. Au cours des années, le nom Pothier s'est transformé en Porters.

Vous pouvez imaginer ma grande surprise et mon sentiment de fierté quand j'ai su que j'étais revenue à mes racines.

Une expérience inoubliable / par Irene (d'Entremont) Manser

Dans le village de Pubnico-Ouest, on aime jouer des tours. Et ça dure depuis des années. Mais, ça ne veut pas dire qu'on en aime toujours les conséquences. Je vais vous raconter une petite histoire.

En bas de chez nous, il y avait une usine à poisson salé. C'est là que ma cousine Susan et moi passions beaucoup de temps à taquiner Etta à Barou, une dame du village qui travaillait à l'usine.

Une pièce de la maison chez Susan servait de petit magasin. Sa grand-mère Fannie vendait des sandwiches et du café aux travailleurs de l'usine. Nous, on suivait toujours l'homme de l'usine qui venait chercher les collations pour la pause-café.

Etta était toujours contente de notre visite. Un jour que je la taquinais avec «Etta, Etta avec les grosses fesses», elle m'a répondu: «Irène, si tu n'arrêtes pas de dire ça, je vais t'attraper et te mettre dans mon sac de peaux de poisson salé». Bien sûr, je ne la croyais pas et je continuais à la taquiner. Mais, elle était déterminée. Elle m'a poursuivie autour de l'usine et m'a finalement attrapée. Elle m'a mise dans son sac avec les vieilles peaux puantes de poisson salé. Vous pouvez imaginer à quoi je ressemblais!

Depuis ce jour, je vous assure que je ne suis jamais retournée à l'usine à poisson.

Vingt-quatre ans plus tard, pendant une visite chez mes parents, j'ai rencontré Etta à Barou de nouveau. Elle m'a regardée et elle m'a dit: «C'est-y toi Irène que j'ai mise dans mon sac de peaux de poisson salé?»

Elle avait toujours de grosses fesses, mais je n'ai rien dit cette fois-là...

Les vieilles familles de Pomquet

J'ai appris que des fois, il y a beaucoup de petits trucs pour écrire le français plus simple. J'ai aimé les histoires parce que c'était du vieux temps.

Apprenante
Pomquet

Le danseur / par Jean Delorey

Louis Broussard est né à Monk's Head, Pomquet, le 22 mars 1917. Le fils de Michael et Millie Ann (Leloup) Broussard, il venait d'une famille de sept enfants, deux sœurs et quatre frères.

Il y avait toujours de la musique dans leur maison. Son grand-père maternel, le vieux Johnny Leloup, était un bon joueur de violon. Ses deux frères, Éloi et Francis, ont appris à jouer de leur grand-père.

Louis a commencé à danser à l'âge de quatre ans. Son premier spectacle était à l'âge de cinq ans à un mariage à la salle paroissiale de Pomquet. C'était les noces de Willie John à Padé et Anna Boyd. Ils ont tellement aimé sa danse qu'ils lui ont demandé de revenir danser à leur 50e anniversaire de mariage.

À l'âge de 12 ans, Louis a déménagé à Taylor's Road avec ses parents parce que son père travaillait au chemin de fer.

Pendant son adolescence, il a continué la danse à claquettes. À 25 ans, en 1942, le jeune homme a quitté le port d'Halifax pour l'Europe et la deuxième guerre mondiale. Il est parti servir son pays avec les Cape Breton Highlanders. Il est arrivé en Angleterre et a commencé le combat en Hollande et en Belgique. Il est revenu à Pomquet de la guerre en 1945.

En juillet 1942, avant d'aller à la guerre, il avait épousé Marie Stella Doiron, fille d'Ephraim et Sara Jane Melong Doiron.

A son retour d'Europe, Louis a acheté la ferme d'Angus MacDonald à Taylor's Road. Louis travaillait fort pour mettre cette ferme sur pied, mais il avait toujours le temps de «stepper» aux danses, aux noces ou aux times dans les maisons.

Pendant les années suivant la guerre, Louis a commencé à danser aux compétitions à Antigonish aux Highland Games. Il a gagné une médaille pour le premier prix de danse à claquettes. En 1989, une plaque de reconnaissance lui était présentée pour toutes ses années de «step dancing» aux concerts du Carnaval d'hiver de Pomquet.

Pendant sa vie, cet homme extraordinaire a gagné plusieurs prix, mais sa plus grande joie était de danser par pur plaisir.

Ma mère Mary / par Joseph W. Benoit

Ma mère Mary est née le 22 novembre 1888. Elle était la fille de Nicholas et Élizabeth Deon. Elle habitait sur une ferme. La ferme Deon était petite. Les hommes devaient couper le bois de chauffage et brûler les branches chaque automne. Quand le printemps arrivait, les hommes devaient biner entre les chicots afin de préparer la terre pour le jardin.

Pendant sa jeunesse, ma mère Mary a travaillé aux États-Unis. À l'hiver 1916, ma mère a marié William Benoit. Elle a eu six enfants: quatre garçons et deux filles.

Ma mère Mary était une jardinière très habile. Il y avait toujours des légumes et de la soupe délicieuse qu'elle faisait elle-même. De plus, ma mère filait la laine et l'utilisait pour tricoter. Aussi, elle avait un métier à tisser sur lequel elle tissait les couvertures et tous les vêtements dont nous avions besoin.

Quand j'étais jeune, mes frères et moi, nous devions corder le bois de chauffage après que les hommes l'avaient fendu. Comme récompense, ma mère Mary nous faisait des bonbons de mélasse.

Chaque jour, après l'école, ma mère Mary nous saluait avec le même message: «Si vous avez faim, mangez du pain et de la mélasse. Quand vous aurez fini votre casse-croûte, allez faire le ménage. Je dois préparer le souper. Allez, le souper sera prêt dans une heure!»

Ma mère Mary était une femme très religieuse. Elle priait toujours Saint-Antoine, surtout quand elle voulait trouver une chose perdue.

Je me rappelle bien le jour où le prêtre est venu nous visiter. Il avait perdu un document très important et il voulait demander à ma mère de prier Saint-Antoine. Après avoir récité la prière spéciale, ma mère Mary déclare au prêtre: «Va chez toi, et je te promets que tu trouveras le document que tu cherches.» Le prêtre obéit.

Une fois arrivé à la maison, il remarque que son comptoir est très désorganisé. Il y a des papiers partout. Tout de suite, il commence à organiser les feuilles de papier. Soudainement, il voit le coin d'un morceau de papier très officiel et de fait, c'était le document qu'il cherchait!

Ma mère Mary et Saint-Antoine l'ont trouvé.

Lexique

Chicots - reste d'une branche ou d'un tronc brisé

Mon grand-père / par Thérèse Doiron

Mon grand-père Ephraim Doiron est né en 1869 et il est mort en 1953. Il était le fils de Raphaël et Marion Rodgers.

Grand-père était forgeron, un des meilleurs dans le pays. Il n'y avait pas de tâche trop difficile pour lui.

Mon grand-père a eu une grande famille de 18 enfants, six sont morts très jeunes et 12 ont vécu. Grand-père était un homme qui aimait beaucoup sa famille. Je me rappelle bien les dimanches de mon enfance. Après la messe, la famille était invitée à aller chez mon grand-père pour dîner. Quel festin! Il aimait voir sa famille s'amuser.

Pendant le dîner, il y avait tant de monde à la table de la cuisine que nous devions manger en groupe, chacun son tour. Pour les parents, il y avait toujours un petit coup à boire; «quelque chose de spécial» que mon grand-père faisait lui-même. Cette boisson était bien forte et plusieurs fois les parents sont repartis soûls. Grand-père fabriquait cette boisson comme médicament et beaucoup de gens venaient le voir pour en acheter. La plupart du temps, les gens achetaient cette boisson spéciale - pas pour l'utiliser comme médicament - mais pour la boire! Je pense que mon grand-père le savait!

Quand ses filles se mariaient, les noces se tenaient toujours au mois d'août parce que c'était le temps de la pomme d'août. À huit heures le soir, à la salle, les femmes servaient les tartes aux pommes avec du thé et du café. À minuit, elles servaient des pâtés. Mon grand-père et sa famille ont célébré les plus grosses noces de Pomquet.

De plus, mon grand-père pouvait apprivoiser les chevaux les plus sauvages. Quand le monde venait chez lui avec leurs chevaux afin de mettre les fers pour la première fois, il y avait toujours des problèmes parce que les chevaux étaient nerveux. Mais mon grand-père était un homme très fort. Il tenait le cheval jusqu'à ce qu'il se calme. Ensuite, il couvrait la tête du cheval et lui mettait les fers.

Mary Ida Doiron / par May Bouchard

Moi, Mary Ida (Doiron) Landry, suis née le 3 décembre 1906. J'étais la seule fille d'une famille de neuf enfants. À ma naissance, mon père, François Xavier Doiron et ma mère, Élizabeth (Melong) Doiron, pensaient que j'étais la plus belle chose au monde.

Mes cinq plus vieux frères, Joseph, Gus, Dave, Louis et Munroe, ont constaté que leur petite sœur ressemblait à une petite grenouille ratatinée, laide et maigre. Ils ont comploté d'aller me jeter dans le mamchais derrière la grange.

Comme toute mauvaise herbe, j'ai grandi très vite et bientôt je pouvais marcher et courir. Je ne jouais pas avec des poupées de guenille remplies de bran de scie comme plusieurs petites filles de mon âge. Je jouais à la cachette avec mes frères. Je grimpais aussi aux arbres, ce que je faisais très bien car Dieu m'avait donné de grandes jambes et de grands pieds.

Le temps est passé très vite et en 1913, je suis allée à l'école. Nus pieds, un livre de première année, une ardoise, un crayon pour l'ardoise, une petite bouteille d'eau et une petite guenille pour laver mon ardoise (la maîtresse n'aimait pas qu'on la lèche). Me voilà en chemin pour aller à la petite école de Monk's Head avec mes frères Louis et Munroe qui m'ont bien surveillée.

Pendant l'été 1919, j'ai été l'heureuse gagnante d'une bourse de la Société de l'Assomption. C'est avec regret que j'ai dit au revoir à ma famille et à mon cher village pour aller étudier au couvent Notre-Dame-de-l'Assomption à Arichat.

J'avais ma petite valise qui contenait deux robes noires et deux paires de sous-vêtements fabriqués de sacs de sucre blanchi. Je portais mes souliers et ils m'ont duré jusqu'au printemps suivant.

Je n'avais jamais vu de religieuses et quand mon père et moi sommes arrivés à la porte du couvent, je me suis demandée ce qu'était cette apparition. C'était mère Saint-Aubrey. Elle m'a dit qu'elle allait prendre bien soin de moi. Ce qu'elle fit, que Dieu ait son âme.

Après avoir pleuré toutes les larmes de mon corps, je me suis vite adaptée à la routine du couvent. Mon comportement de bouffon m'a causé quelques petits problèmes, mais en tout et partout le temps a passé très vite.

En 1925, je suis revenue chez moi afin d'enseigner à l'école de Monk's Head. J'ai signé un contrat pour enseigner à raison de 300$ par année. Après 20 années d'enseignement, j'ai rencontré l'homme de ma vie. Je l'ai pris au collet, je l'ai conduit devant le curé et depuis ce jour-là, je demeure avec lui, mon fils et mon petit-fils sur la pointe de Pomquet.

Malgré certaines journées bien pénibles de ma vie, je vois toujours la vie avec humour et je prie Dieu de me donner la santé pour prendre bien soin des miens.

Lexique

Mamchais – marais

Les histoires d'autrefois de Pubnico-Ouest

J'espère qu'après ce cours, j'aurai assez de confiance pour au moins écrire des notes en français pour l'école, remplir des formulaires sur le côté français au lieu du côté anglais et parler un peu plus de français correctement.

Katherine Murphy
Pubnico

L'usage des toiles / par Marguerite d'Entremont

La toile est une étoffe de fil de coton tissée par des moulins. Dans le passé, on allait au moulin à Shelburne pour acheter des toiles parce qu'il n'y en avait pas d'autres aux alentours.

Les pêcheurs achetaient des toiles du moulin pour faire des voiles de bateau. La toile était coupée avec des ciseaux. Les côtés étaient pliés et cousus avec du fil.

Après plusieurs années d'usage sur les bateaux, les voiles se déchiraient et elles étaient jetées. Mon père, qui était plein de bonnes idées, apportait des voiles chez nous pour s'en servir. Pendant la Dépression, l'argent était rare. Nous n'étions pas riches et nous ne pouvions pas acheter tout ce dont nous avions besoin.

Dans notre maison, le plancher de la cuisine n'était pas d'aplomb. Les planches étaient larges, pleines de nœuds et galfetter avec du fil de coton pour empêcher l'air de la cave de monter. Même si le plancher était peint, c'était difficile de le tenir propre.

Mon père prenait les toiles et les plaçait sur le plancher pour les tailler et les transformer en tapis. Nous coupions deux longueurs de toile pour couvrir la largeur de la cuisine. Nous les apportions au grenier pour les peindre.

La première couche de gris-bleu, peinte avec une brosse, consistait en un mélange de peinture et d'huile. La première couche passait bien vite à travers la toile. Entre les couches de peinture, beaucoup de séchage était nécessaire. Il fallait mettre plusieurs couches et ça prenait beaucoup de temps et de patience. C'était bien difficile avec la chaleur de l'été, le grenier trop bas pour se mettre

debout et une seule petite vitre ouverte pour de l'air frais. Pas moins de quatre couches étaient nécessaires. Un dessin rouge était peint juste en avant du poêle ou ça se voyait très bien. Certains individus mettaient aussi des bordures.

Puis, le jour arrivait où nous pouvions descendre les toiles peintes. Nous les roulions comme on roule des tapis. La première partie était déroulée d'un mur à l'autre, puis ensuite la deuxième partie.

Enfin, le plancher était couvert.

Si les côtés de la toile levaient, il fallait mettre du poids pour les tenir en place. Le travail n'était pas encore tout à fait fini. Ma mère se mettait à genoux pour appliquer un produit pour empêcher la toile de se salir rapidement et pour qu'elle se lave mieux. Elle mettait du vernis avec un pinceau pour lui donner une surface éclatante. Tout ce travail était fait avec beaucoup de patience après une grosse journée de travail à laver à la main, à prendre soin des animaux, à jardiner, à faire à manger et à prendre soin des plus petits. C'était fait le soir, après le souper, quand les soirées d'été étaient assez longues et claires.

Mon père était charpentier et il faisait la charpente à Deep Brook, à Yarmouth et à Shelburne. Tout le travail retombait sur notre mère et elle travaillait fort.

Lexique

Galfetter - calfeutrer

Grand-père a vu un feu follet / par Isabelle d'Entremont

Mon grand-père Théophile, lui a vu un feu follet. Voici l'histoire de grand-père Théophile comme il me l'a racontée:

«M'en revenant déjouer aux cartes un soir qu'il faisait bien noir, et sans aucun souci, je suis arrivé au pont du marais, quand tout à coup, une grosse lueur s'est élevée du marais.

Quoi, le diable? La peur me grimpait. Je me suis mis à courir aussi vite que je pouvais en regardant en arrière de temps à autre. Arrivé à la bouchure à Clément, je l'ai sautée sans y toucher. Je me suis approché de chez-moi tout essoufflé et en pouffant. J'ai ouvert la porte et j'ai couru à mon père qui était couché.

«Père, père, viens vite voir la grosse lueur qui s'élève du marais et qui me suit.»

Mon père s'est levé, est venu à la porte et a dit: «Théophile, ça, c'est un feu follet. Oui, un feu follet!"»

Lexique

Bouchure – clôture
Feu follet - petite flamme due à un gaz (phosphore d'hydrogène) qui brûle au contact de l'air.

Les pegs / par Marcia Spinney

Je me souviens quand j'étais petite fille que mon père faisait des pegs. Il les vendait aux pêcheurs de homard. Les pêcheurs mettaient les pegs sur les deux pinces des homards pour les empêcher de se pincer les uns les autres.

J'ai observé mon père plusieurs fois lorsqu'il faisait des pegs dans le salon. Les pegs étaient fabriqués en pin en se servant d'un couteau très bien aiguisé. Quand il taillait un peg, mon père se servait d'un doigtan pour se protéger le pouce. Il coupait chaque côté du bois pour en faire une pointe. Il installait sur le plancher entre ses jambes une boîte pour attraper les petits copeaux qui tombaient par terre.

Les pegs étaient d'une longueur d'à peu près un pouce. Ces petits bois étaient regroupés dans des paquets de mille et placés dans un sac brun attaché avec une ficelle. Maintenant les pegs ne sont plus utilisés. Les pêcheurs de homard utilisent des bandes élastiques sur les pinces de homard.

Lexique

Peg- petite pièce en bois de pin taillée en pointe et utilisée sur les pinces de homard
Doigtan - doigtier

Les bleuets / par Eileen Amirault

Comme c'est bon des bleuets servis avec de la crème ou un pudding aux bleuets. Mais ramasser les bleuets, c'est dur pour le dos. Quand j'étais jeune, dans mon village natal, nous partions tôt le matin pour seulement revenir tard le soir. Quand nous arrivions au parc de bleuets, il y avait des piquets avec de l'amarre pour nous indiquer où nous pouvions aller.

Chaque boîte contenait une pinte et il ne fallait pas mettre de feuilles ou de bleuets verts dans la boîte. Nous étions payés dix sous la boîte. Les personnes qui arrangeaient les boîtes de bleuets dans la tente principale mettaient de beaux gros bleuets sur le dessus des boîtes. Ensuite, ils inséraient dans chaque boîte un bout papier où c'était écrit Nova Scotia Blues. Ils les recouvraient d'un cellophane entouré d'une bande élastique. Notre voisin avait inventé un appareil pour rendre l'emballage plus facile. Ensuite, il fallait mettre trente-deux boîtes de bleuets dans une caisse.

Un camion venait chercher ces caisses pour les transporter à Yarmouth pour les mettre sur le bateau de Boston. Une fois, j'ai mis mon nom et mon adresse dans une des boîtes de bleuets. Quelques semaines plus tard, j'ai reçu une lettre d'une femme qui demeurait à Roslindale au Massachussets! Nous nous sommes écrit jusqu'à son décès. Je n'ai jamais eu le bonheur de rencontrer cette femme, mais une de ses amies est venue me visiter.

Mon mari se souvient qu'il allait aux bleuets avec une cabouse hâlée par un bœuf. Moi, j'étais payée dix sous pour une boîte, mais mon mari recevait seulement trois sous.

Ces beaux jours du passé sont disparus, mais nous en gardons de très beaux souvenirs.

Lexique

Amarre – corde
Cabouse - charette couverte tirée par un bœuf.
Hâlée - tirée

La tempête / par Katherine Murphy

Je me souviens encore de la grosse tempête du 2 février 1976! J'étais à l'école Sainte-Anne-du-Ruisseau quand, tout à coup, le temps a tourné à la tempête. Le vent soufflait très fort. Le directeur avait même laissé des élèves fumer dans la cafétéria de l'école. Pouvez-vous le croire? C'était vraiment drôle! Je me souviens que les élèves mettaient leurs cendres dans des bols. Que ça puait!

Après le dîner, le directeur a annoncé que l'école allait fermer. Il faisait très mauvais, alors les autobus ont commencé à transporter les élèves chez eux. Les chemins étaient remplis d'eau et de temps en temps on voyait des arbres tombés par terre sur le chemin. C'était vraiment dangereux.

Quand je suis arrivée chez moi, il y avait une panne d'électricité. Il faisait très froid. Ma petite soeur de huit ans avait la rougeole. Oh, qu'elle était malade! Elle avait une haute fièvre. Puisqu'il n'y avait pas de chaleur dans la maison, c'était très difficile de la soigner. Je me souviens que nous nous sommes couchés tous ensemble avec des habits de neige pour nous réchauffer, mais ce n'était pas assez pour la pauvre Caria qui était si malade.

Tout à coup, mon père a réalisé que son oncle Henri avait un poêle à bois, alors il pouvait fournir de la chaleur. Nous y sommes allés tout de suite. Oh, qu'il faisait beau et chaud chez oncle Henri. Nous avions aussi de la nourriture chaude. Nous sommes restés là jusqu'à ce que la tempête soit terminée, à peu près quatre jours. La santé de Caria s'améliorait un peu tous les jours.

Après ces quelques jours, nous sommes retournés chez nous. Nous avions de l'électricité. Les classes ont recommencé. Je me rappelle que tous les pêcheurs se sont rendus aux quais, examiner les bateaux pour estimer les dommages causés par la tempête.

Je ne voudrais vraiment pas vivre une autre tempête comme celle-là.

Le hâlage du bois du temps passé / par Elizabeth d'Entremont

Dans le temps passé, il n'y avait pas d'huile ni de poêle à gaz. Il fallait aller chercher du bois à Greenwood ou au Chemin du Lac, une distance d'environ 10 milles de chez moi. L'hiver commençait tôt et il faisait très froid. Il y avait beaucoup de neige. On devait se lever tôt et c'était difficile d'affronter le vent du nord.

Je me souviens que mon père faisait cuire du jambon pour l'apporter avec lui pour son dîner. Tous les travailleurs apportaient de la nourriture.

Les hommes qui allaient chercher du bois avaient besoin d'habits chauds pour se protéger contre le froid. Ils devaient aussi apporter du foin pour nourrir les bœufs. Ils voyageaient en charettes quand il n'y avait pas de neige. Quand il y avait de la glace et de la neige, ils prenaient des traîneaux.

Une fois le bois coupé, ils le mettaient dans les charettes. Ils revenaient toujours à la maison avant la noirceur. Le hâvre gelait souvent et parfois, il restait gelé pendant plusieurs semaines. Quand les coupeurs de bois arrivaient à Pubnico Head, ils traversaient le hâvre pour se rendre sur la côte et ils continuaient leur route en traîneaux jusqu'à leur demeure.

Que c'était bon les dîners dans les bois. Les hommes se trouvaient des endroits à l'abri du vent et ils faisaient un feu. Pour faire du thé, ils se servaient d'une chaudière toute noircie à l'extérieur. Il y avait toujours un ruisseau aux alentours où ils pouvaient puiser de l'eau.

À la fin de l'hiver, chacun comptait derrière sa maison une grosse pile de bois qui devait être sciée et coupée pour chauffer la maison pendant toute l'année.

Pour ceux qui ont vécu le hâlage du bois, c'est un souvenir qu'on ne peut oublier.

Le bon vieux temps / par Dorothy Newell

Que c'était différent de vivre dans le bon vieux temps. Les pêcheurs allaient à la pêche pendant tout l'été. L'hiver, ils coupaient du bois.

Ils se rendaient à Halifax et à d'autres endroits pour vendre leurs poissons. Ils échangeaient les poissons pour du sucre, des biscuits soda, de la farine, du tissu pour faire des vêtements pour les enfants, du fil, de la mélasse et probablement d'autres choses. Aussi, au temps de la moisson, les gens échangeaient les produits du jardin contre du sucre, de la farine et d'autres produits.

Il n'y avait pas de réfrigérateur pour préserver la nourriture donc, les produits étaient placés dans la cave où il faisait froid pendant tout l'hiver. Les gens mettaient dans la cave des barils de mélasse, des croques remplis d'œufs entourés de papier, du cochon salé, du poisson salé et du beurre.

Dans ce temps-là, il n'y avait pas de dentiste. C'était le médecin qui venait à la maison. Une femme du village m'a raconté l'histoire d'un médecin qui lui avait arraché une de ses dents. Elle avait dû se coucher sur la table, pas dans une chaise comme maintenant.

Quand les enfants avaient de la fièvre, les parents utilisaient du vinaigre et de l'eau pour les guérir. Ils trempaient un linge dans ce mélange et le plaçaient sur le visage de l'enfant pour guérir la fièvre. Que c'était différent!

Lexique

Croque - contenant en terre cuite

Le réveil de la culture acadienne à Petit de Grat

Ces rencontres vont me donner de l'information sur mes ancêtres et d'où nous venons. Cela va nous donner de la fierté d'être Acadiens. Nous pourrons passer nos souvenirs à nos enfants pour continuer notre culture.

Vivian David Hynes
Petit de Grat

La vie d'un pêcheur / par Stella David Brushett

La vie d'un pêcheur est parfois très difficile. Il passe beaucoup de temps sur la mer. Mon mari, qui est pêcheur depuis vingt-six ans, apprécie tellement les petites choses de la terre.

Pour se détendre, Max aime bien passer du temps avec sa famille, marcher dans la tranquillité des bois et faire la pêche à la truite. Il se divertit en faisant la chasse au chevreuil et au lièvre.

Mais, il y a bien des événements importants où il est absent. Des instants mémorables comme la naissance d'un enfant, un premier pas, un premier mot, des fêtes, etc. C'est très ardu pour moi aussi, spécialement quand les enfants sont malades. J'ai passé bien des nuits inquiète par la maladie d'un enfant, tourmentée par les tempêtes et bouleversée par les nouvelles de tragédies sur l'océan. Nous sommes souvent séparés et c'est parfois dur.

À travers nos prières, nous trouvons toujours de la beauté dans la vie. Je remercie le bon Dieu constamment pour nos chers enfants, pour de l'emploi et pour notre santé si précieuse.

Souvenir d'une chanson de ma mère / par Vivian David Hynes

Dors, dors, ferme tes beaux yeux
Dors, dors, ferme-les tous les deux
Pour grandir, il faut dormir, il faut m'obéir
Mais si tu ne m'obéis pas, tu seras puni.
Dors, dors, ferme tes beaux yeux
Dors, dors, ferme-les tous les deux.

La jardinière / par Colette Marchand

J'aimerais vous dire comment je passe mon temps pendant l'été.

Quand arrive le printemps, je prépare la terre pour planter des fleurs et des légumes. Chaque année, j'ajoute du fumier pour rendre la terre plus riche. Quand ceci est fait, je plante différentes fleurs comme des roses et des tulipes.

Après, je prépare ma serre et je plante des tomates, du céleri, de la laitue, des concombres, des poivrons verts et d'autres légumes. Quand je donne de l'eau et de la nourriture à mes plantes, ça me fait plaisir de voir comment les plantes poussent bien.

J'ai commencé ce passe-temps lorsque mon père est mort. J'ai toujours dit que je n'oublierai jamais mon père parce qu'à chaque année, je plante des fleurs comme il le faisait. Je n'ai jamais pensé que je pouvais faire quelque chose comme ça. Quand tu te mets quelque chose dans la tête, tu peux le faire.

La caisse populaire / par Valérie Landry

Je suis fière d'être membre de la Caisse populaire de Petit de Grat. Les membres de la caisse connaissent très bien l'importance de la famille.

Notre gérant est toujours prêt à nous parler si on a des questions sur nos finances.

Tous les membres de notre caisse sont traités également. Les employés sont toujours prêts à nous servir avec plaisir. Je les félicite pour leur beau travail.

Be-O-Bye / par Colette Marchand

Fais dors, dors, ma petite catoune
Be-o-bye, ma petite catoune
Fais dors, dors, la catoune à mom

Lexique

Catoune - poupée, fillette
Be-o-bye - dors, dors
Mom - maman

Le jour du Souvenir / par Vivian David Hynes

Le Jour du Souvenir est le 11 novembre.
Nous allons tous à l'église pour prier ensemble,
Pour remercier tous nos braves amis.
Ils sont partis à la guerre et ont donné leur vie.
Beaucoup sont morts, D'autres vivent encore. La beauté qu'ils nous ont laissée, C'est la liberté.

Combien de fois! / par Stella David Brushett

Combien de fois on ne voit pas
la fleur qui fleurit, l'oiseau qui chante
en fabriquant son nid.

La splendeur du soleil dans les nuages bleus.
Le foin vert et le buisson qui semble être en feu.

Combien de fois nous allons nous rencontrer
mais nous sommes éloignés et tout à coup une vie est expirée.
On ne pourra jamais retrouver ce temps gaspillé.

Combien de temps pour que l'on voit ces merveilleux cadeaux
que Dieu envoie de là-haut.

Combien de temps, il te semble?

Cher grand-père / par Stella David Brushett

Quand il était en bonne santé, mon grand-père venait souvent me visiter et il me racontait des histoires du bon vieux temps. Il y a presque huit ans qu'il est mort... Je pense souvent à lui et sa compagnie me manque beaucoup ainsi que ses histoires. Je n'oublierai jamais le beau sourire qui illuminait son visage. Il me faisait sentir très importante. Ses petites visites me donnaient bien du plaisir et me laissaient toujours avec le cœur plus chaud.

Voici une de ses petites histoires, un de ses souvenirs touchants. C'est une histoire vraie qu'un homme lui a racontée lors d'un séjour à l'hôpital.

«Il y était une fois un pêcheur habillé avec de vieux vêtements crasseux, sales, couverts d'écaillés, qui entre dans un restaurant. Les serveuses, en le voyant, l'ignorent. Elles passent et repassent sans le servir... L'homme attend un bon bout de temps. Tout à coup, une des serveuses le prend en pitié et va le servir. Il lui dit qu'il a très faim, mais qu'il n'a pas d'argent pour payer son repas. La serveuse ne le chasse pas. Au contraire, elle lui donne son repas avec l'intention de le payer elle-même. Elle lui dit de ne pas s'inquiéter. Le geste de cette serveuse généreuse remplit son cœur de joie et touche profondément le pêcheur. Après le repas, il remercie encore la serveuse et lui demande son nom et son adresse.

Le temps passe et l'événement est oublié.

Mais, par une belle journée, un messager arrive chez la serveuse. La lettre vient d'un endroit lointain qu'elle ne connaît pas... Le message explique que le pêcheur est décédé et qu'il lui a laissé tous ses biens. C'était un homme très riche. Dans son testament, il remercie encore la serveuse pour l'avoir si bien accueilli et pour lui avoir ouvert son cœur.»

Un jeune soldat / Récit collectif rédigé à partir d'une vieille photographie

C'était un jeune soldat plein de vie
Vêtu de son habit distingué
Il partait en guerre, aveugle face à l'avenir
Pour représenter son pays avec fierté.
Nous nous souviendrons toujours de la beauté
de son visage et son sourire très courageux.

Le cristal du bon Dieu / Récit collectif rédigé à partir d'une photographie de verglas

L'hiver est une saison imprévisible, remplie de surprises quand la pluie verglaçante qui tombe du ciel prend diverses formes. Le soleil fait ressortir les couleurs brillantes et cela devient très joli, unique et très artistique. Cette création merveilleuse qui nous fait apprécier les mystères de la nature. Le verglas ressemble beaucoup au cristal du bon Dieu.

La vieillesse / Récit collectif composé à partir d'une photographie

En examinant le visage des vieillards, nous voyons qu'ils vivaient dans la pauvreté et que leur visage démontre la souffrance. Nous voyons aussi une abondance de patience. Ils avaient toujours le courage de continuer malgré leurs difficultés.

Avec le cœur rempli de charité, leur bonté était remarquable. Ils étaient comblés d'amitié pour les autres. Leurs expériences nous enseignent que rien n'est impossible dans la vie et que leurs avis étaient toujours précieux. Leurs mots d'encouragement nous donnent de la force.

Pour nous, la vieillesse est le portrait de l'avenir pour chacun de nous.

Les souvenirs d'enfance des gens de Sydney

Merci beaucoup pour cette chance de parler et écrire le français avec d'autres personnes. J'ai assisté à d'autres cours de français mais celui-ci est le meilleur.

Anna-Marie Cormier
Sydney

Mes beaux gros yeux bruns / par Annette LeBlanc-Timmons

Quand j'étais jeune, ma famille et moi allions visiter mes grands-parents à Cap Le Moine. Mémère LeBlanc préparait toujours de grands repas pour nous car nous ne venions pas la visiter souvent. Nous habitions aux États-Unis dans ce temps-là et c'était un grand voyage de chez nous jusqu'au Cap-Breton.

Je me souviens d'une visite en particulier car, cette fois, je me suis fâchée contre ma grand-mère. Ce n'était pas sa faute, je le sais maintenant, mais elle m'avait dit quelque chose que j'avais mal compris et cela m'avait fait mal. L'histoire se passe comme ceci.

Mémère LeBlanc nous avait préparé un de ses célèbres repas comme toujours et tout allait bien. Les adultes parlaient ensemble et nous, les enfants, nous mangions. Les enfants ne parlaient pas beaucoup chez mémère et pépère parce que même si nous comprenions le français, nous ne le parlions pas. Mes parents nous parlaient toujours en français à la maison et nous, les enfants répondions en anglais.

Nous avions presque fini de manger et mémère commençait à enlever quelques assiettes de la table. Elle allait prendre la mienne mais je n'avais pas encore fini. En prenant une autre assiette, elle me dit: «Mange toutes tes carottes, ça te donnera de beaux yeux.» Mais, j'ai compris «Ça te donnera de gros yeux.» Si elle savait comment cela m'avait blessée!

Chaque fois que je rencontrais une nouvelle personne, elle disait: «Oh, les gros yeux bruns!» Si j'allais au magasin tous les gens disaient la même chose en me voyant: «Oh , les gros yeux bruns! » Même à l'école, les institutrices faisaient des remarques. Que faire??? J'aimais beaucoup les carottes, mais je ne voulais pas des yeux «plus gros»; donc, mon seul choix était de ne pas manger mes carottes...

Quelques jours plus tard, ma mère m'a demandé pourquoi j'étais si malheureuse. Je lui ai raconté l'histoire et à ce moment ma mère a compris pourquoi je ne mangeais plus mes carottes. Elle m'a expliqué mon erreur et m'a assurée que j'avais des «beaux gros yeux bruns» - mais pas trop gros.

Aujourd'hui, je ris encore quand je pense à ma grand-mère et à ses carottes.

Je t'aime mémère.

Anna-Marie Cormier / par Anna-Marie Cormier

Née à New Waterford, le 26 mai 1947
Père: Hubert Muise, né à Chéticamp, le 10 mars 1900
Mère: Béatrice Boudreau, née à Chéticamp, le 5 mars 1903

Ma famille est très grande. Nous sommes treize dans notre famille, cinq garçons et huit filles. Nous avons été élevés en français. Quand ma grand-mère habitait avec nous, elle insistait pour que nous parlions seulement français à la maison. Quand j'avais cinq ans, elle est morte et nous avons commencé à parler en anglais à la maison.

Je suis allée à l'école en français à New Waterford jusqu'en 6e année. De la maternelle à la 3e année dans une classe et de la 4e année à la 6e année dans une autre classe. Après cela, l'école était uniquement en anglais. Mes parents parlaient toujours le français et nous leur répondions en anglais.

Mon premier mari était anglophone et dans ce temps-là, j'habitais à Toronto. Mon deuxième mari est d'origine française mais il ne parle pas la langue. C'est dommage. Maintenant, je travaille à la Forteresse de Louisbourg et mon français est très important. Je parle beaucoup de français à mon travail, mais c'est juste pendant trois mois de l'année.

Nos visites à Arichat / par Karen Noonan

Quand je pense à nos visites à Arichat pour visiter de la parenté et des amis, je pense toujours à nos visites à l'église le dimanche. Ce que j'aimais le plus, c'était après la messe, quand on se rencontrait devant l'église pour parler et discuter avec tout le monde. Même si j'avais appris quelques mots de français, j'avais beaucoup de difficulté à comprendre les conversations parce que tout le monde parlait très vite.

La meilleure partie de la messe était le prêtre, le Père Poirier qui racontait toujours des histoires intéressantes. Quand nous avons cessé d'aller à Arichat, le Père Poirier a continué à nous rendre visite à Sydney. Ma grand-mère, qui avait plus de quatre-vingts ans, habitait avec nous et chaque fois que le Père Poirier nous visitait, il la taquinait gentillement. Il lui disait qu'elle était plus belle que la dernière fois ou d'autres mots doux. Elle s'amusait à donner l'impression qu'elle était fâchée contre lui pendant qu'elle rougissait, mais il lui restait toujours un petit sourire sur le visage. Ils avaient tous les deux plus de quatre-vingt-cinq ans quand ils sont morts et ils ont toujours gardé un bon sens de l'humour.

Le parler acadien

(Le texte suivant est inspiré du Glossaire du vieux parler acadien d'Éphrem Boudreau, 1988 et Être Acadien aujourd'hui. fascicule 2 du Centre provincial de ressources pédagogiques, 1985).

C'est d'même qu'on parle chu-nous!

Plus de 350 ans se sont écoulés depuis l'arrivée des premiers colons Français en Acadie au XVIIe siècle. Isolés pendant longtemps de la France, du Québec ou d'autres pays français, les Acadiens ont conservé fidèlement, à peu près intact, le parler apporté par les ancêtres. Du point de vue linguistique, le parler acadien est un trésor historique avec ses archaïsmes, ses tournures anciennes et ses prononciations particulières.

Ainsi vous entendrez chez nous parler de hordes au lieu de vêtements, vous entendrez dire abrier un enfant au lieu de couvrir un enfant, bailler au lieu de donner, flatter au lieu de caresser, quérir au lieu de chercher et tant d'autres jolies choses que disaient certainement Rabelais et La Fontaine.

Des néologismes

Lorsque les Français quittèrent leur pays pour le nouveau monde, ils découvrirent ici bien des choses, des animaux, des plantes et des paysages qu'ils ne connaissaient pas. Ils adoptèrent quelques mots des langues amérindiennes et fabriquèrent d'autres mots pour désigner de nouvelles réalités.

Un nihaghan (sorte de filet de pêche), un madouèce (porc épie), un atoka (canneberges) et d'autres, sont des mots venant des langues amérindiennes tandis qu'aboiteau, concession, suisse et bois franc sont des mots français forgés en Acadie.

[Voir l'image pleine grandeur] Bateau sur l'eau.

Des expressions nautiques

Nos ancêtres étaient des pêcheurs qui vivaient en étroite communion avec la mer. Par conséquent, nous trouvons dans notre parler beaucoup de mots parfaitement français mais habituellement réservés aux choses de la mer. C'est ainsi que chez nous on amarre une vache dans la prairie ou les lacets de ses bottines. Voici d'autres termes nautiques que l'on entend fréquemment dans nos régions:

se gréyer - s'habiller
virer - tourner
hâvrer - arriver
hâler - tirer
embarquer – monter
se carguer - se mettre à l'aise
larguer
– lâcher

Les traits phonétiques

En général, chez les Acadiens la prononciation de la lettre «q» devient «tch»: le tchai (le quai) ou tcheuque (quelque). Pour ce qui est du son «di», on y ajoute un «j» ce qui donne le djiable, djieu et acadjun. Les hommes et les pommes sont des hoummes et des poummes et un peu partout, on a un grou tyme.

Les verbes

La liste des traits phonétiques, des mots et des expressions acadiennes est sans fin puisque chaque région possède ses particularités. Mais, il faut souligner une conjugaison de verbes toute particulière. Le pronom je sert à désigner la première personne du singulier et du pluriel c'est-à-dire, je et nous. Le verbe être au passé se conjugue ainsi:

j'étais
t'étais
y l'était
a l'était
j'étions
vous étiez
y étiont.

(Tiré de la rencontre provinciale des apprenantes et apprenants tenue à l'automne 1994).

Quelques mots acadiens et leur équivalent

la ligne à hardes = la corde à linge
brêmer = faire du bruit
friper = lécher
l'échine = le dos
la butte = la colline
hucher= crier
djeter- attendre
du chafraille = du bruit et du désordre
subler- siffler
gorziller = frisonner
le suète = le vent du sud-est
fourbir = polir
septante, huiptante, nonante = soixante-dix, quatre-vingts, quatre-vingt-dix
du pain doux = du gâteau
bardotter ou bardoser = couvrir un toit de bardeaux
les eusses - les sourcils
la bourne = la cage à homard
la bourrique ou l'embouri = le nombril
bâsir = disparaître
être grichepoil = être de mauvais poil, de mauvaise humeur
gadeller= lancer des jurons
le papivole= le papillon
le riganeau - le fossé
le cervier = le chat
le chalin - l'éclair de chaleur sans tonnerre

Quelques expressions

j'sais point =je ne sais pas
espère-moi – attends-moi
s'abriquer avec des couvertes percées = essayer de se cacher de ses malhonnêtetés
longi comme d'la mélasse frette = quelqu'un qui est très lent
t'es bénaise = tu es heureux, content
un homme plein = un ivrogne
chavirer son gobelet d'eau = renverser son verre d'eau
profiter de la queue d'une vache = un enfant qui grandit très vite
parler dans le tuyau de l'oreille = parler en privé - souvent un parent à un enfant
savoir le tchu de la mouche - vouloir connaître les affaires de tout le monde
ça fait zire = c'est dégoûtant

Remerciements

L'Équipe de travail en alphabétisation tient à remercier le Secrétariat national à l'alphabétisation et la Section d'alphabétisation du ministère de l'Éducation et de la Culture de la Nouvelle-Écosse pour leur appui financier, sans lequel ce projet n'aurait pu être réalisé.

Nous désirons également remercier les apprenantes et les apprenants qui ont bien voulu partager avec nous leurs souvenirs d'enfance ainsi que la «petite» histoire de leur communauté. Nous les félicitons chaudement pour leurs efforts et nous les encourageons à continuer leur démarche d'écrivaine et d'écrivain.

Crédits

Coordination du recueil
Joëlle Désy .

Graphisme et mise en pages
Julien LeBlanc
Cardinal Communications

Photographie
François Gaudet

1995

Équipe de travail en alphabétisation Fédération acadienne de la Nouvelle-Écosse
1106, rue South Park
Halifax, (N.-É.) B3H 2W7
Téléphone: (902) 421-1772
Télécopieur: (902) 422-3942