Il sera question dans les pages qui suivent de la récente expérience d'alphabétisation-conscientisation de la Coopérative de Services Multiples de Lanaudière. Nous l'abordons d'une façon directe et simple. Nous voulons éviter la prétention du style littéraire académique qui traduit bien les intentions, mais risque toujours de masquer les faits.
La référence à certains concepts s'avère toujours nécessaire. Nous croyons malgré tout qu'un véritable processus de connaissance doit résider dans un perpétuel mouvement entre «théorie» et «pratique».
Le présent document fait suite à un premier écrit d'importance1 qui relevait à notre avis plus d'un «programme» que d'une analyse des faits. Nous voulons précisément ici mettre l'accent sur le deuxième volet.
L'alphabétisation à la Coopérative a profité de contributions multiples et a vécu plusieurs changements. Et elle devra toujours en vivre. Ce n'est qu'en ces termes qu'une véritable pédagogie de conscientisation se forgera et restera toujours à parfaire.
Permettre l'expression des participants-es, l'acquisition d'habiletés reliées au code écrit, l'intégration des apprenants-es au réseau de solidarité de la Coopérative et la compréhension de l'environnement économique, politique et culturel resteront les préoccupations profondes de cette pratique.
Pour le bénéfice de notre exposé, nous incluons trois descriptions principales. Une première s'attarde à décrire l'expérience réalisée; une deuxième s'attarde à l'analyse de l'apprentissage du code écrit, du matériel pédagogique dans sa capacité à faire émerger une expression critique et aux actions entreprises par les participants-es; une troisième réfléchit sur un élément central dans l'alphabétisation, l'alphabétiseur lui-même.
Nous situons tout d'abord ces réflexions dans la région de Lanaudière et par rapport à l'association, la Coopérative de Services Multiples de Lanaudière.
Lanaudière, région rurale, pittoresque pour les touristes et les vacanciers. Mais derrière cette image rustique, il y a le chômage chronique, l'absence de transport, l'analphabétisme, les chalets convertis en maison et les vieilles habitations qui élèvent le coût annuel de chauffage, dont les conditions sanitaires (manque de toilette, d'eau chaude et aération inadéquate) semblent avoir une incidence sur des problèmes de santé2.
Elle est sise au nord-est de la région de Montréal, entre la grande région des Laurentides et de Trois-Rivières.
En terme économique, elle est une région périphérique par rapport au centre qu'est Montréal. L'absence d'industrie importante, sauf à Juliette même (Domtar, Firestone,...); un secteur primaire important, dont l'agriculture, principalement dans les terres basses (l'exploitation en est très concentrée et mécanisée); et une croissance modérée du secteur tertiaire comparativement à la moyenne québécoise, provenant surtout de l'importance accrue du tourisme, caractérisent grossièrement les secteurs économiques.
C'est dans cette vaste région, agricole et sans grande possibilité d'emplois, que se situe le territoire de la Coopérative de Services Multiples où s'est déroulée l'expérience d'alphabétisation-conscientisation dont il sera question dans les pages qui suivent. Ce territoire comprend le nord-ouest de la région de Lanaudière.
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Le territoire de la Coopérative comprend le nord-ouest de la région Lanaudière.
Il est essentiellement rural. La population moyenne des villages n'est guère plus élevée que 1,000 habitants-es, sauf à Ste-Julienne et Rawdon, deux municipalités importantes.
L'agriculture se pratique surtout à partir de la ligne de St-Esprit, St-Alexis et St-Ligouri, vers le fleuve. Le tourisme est important au Nord de cette ligne où on compte des lieux de villégiature (camping, chalets).
La structure sociale est donc typique des milieux ruraux. Dans une municipalité, la population est plutôt sédentaire et les résidents-es se connaissent: nous sommes loin de l'anonymat des grandes villes. L'élite locale est composée des commerçants et de quelques petits bourgeois (curé, médecin et professionnel). La classe ouvrière est surtout représentée par les travailleurs sans emploi (assistés sociaux, chômeurs, rentiers) et saisonniers (travailleurs forestiers). Il existe aussi une couche de travailleurs du secteur de la grande industrie de Montréal. Ils paient leur tranquillité d'un long temps de transport de leur village à Montréal.
Les relations entre la classe ouvrière et l'élite locale sont loin d'être antagoniques. Les rapports sont cordiaux, en apparence du moins. Il s'agit toujours de gens que l'on côtoie, que l'on voit tous les jours.
Dans la classe ouvrière, un trait spécifique est important: l'isolement. Les distances sont grandes, les services éloignés: bref, le manque de transport est évident et alarmant. On compte davantage sur soi, les «moyens du bord» ou sur sa famille pour se débrouiller.
Les quelques autobus des compagnies privées qui font la navette
entre les localités importantes ont un aller le matin et un retour le soir. Une visite à Joliette hypothèque toute une journée3.
Cette situation a motivé une action du Groupe Solidarité Sociale de Rawdon4 afin d'utiliser les autobus scolaires pour les adultes. Le Ministre des Transports a d'ailleurs produit un livre blanc sur la vocation des autobus scolaires et prévoit faire un projet-pilote dans la région. Le député du Comté de Rousseau, René Blouin, et la Chambre de Commerce de Rawdon s'attribuent le crédit des résultats.
Nous pouvons donc dès maintenant relever trois situations de contexte qui vont avoir une influence déterminante sur notre pratique:
À l'automne de 1974, un premier regroupement de la base sociale eut lieu à Ste-Julienne, suite à l'intervention de travailleuses sociales du C.S.S. de Joliette et d'animateurs de Multi-Média de la région. Peu à peu, à partir de 1975, brisant l'isolement et la peur, les personnes regroupées établissent un réseau de communication avec les municipalités environnantes permettant la mise sur pied de nouvelles associations. En 1976, les diverses associations locales mettent sur pied le Comité Régional des Assistés Sociaux de Lanaudière (C.R.A.S.L.).
Enfin, mars 1977, la C.S.M.L. est mise sur pied, regroupant la base sociale des municipalités rurales du territoire.
Tel que stipulé dans sa Déclaration d'Association (1977), la C.S.M.L. veut:
Le membership (200 membres) de la Coopérative est composé à 60% d'assistés sociaux, 30% de retraités-es et 10% de travailleurs saisonniers. Toutes les tâches sont assumées bénévolement, sauf dans le cadre de projets précis (alphabétisation, coop d'habitation,...). Les salariés-es sont toujours encadré-es par une équipe de bénévoles. Enfin, notons la présence importante d'une personne-ressource du C.L.S.C. Joli-Mont.
Les locaux de la Coopérative sont très révélateurs de la présence véritable de la base populaire. Dans un coin, des étagères bondées de livres situant la bibliothèque populaire; au fond, sans doute ce qui semble le plus imposant, le comptoir vestimentaire et ses innombrables vêtements, autour desquels quelques personnes s'affairent à sélectionner «les plus beaux morceaux». (À lui seul, le comptoir vestimentaire permet par ses ventes à prix modique, d'assurer le loyer et les dépenses minimales de fonctionnement.) Au centre de cette pièce unique d'un sous-sol, deux grandes tables jointes forment le centre de multiples rencontres. Immédiatement à droite de l'entrée, se trouve un modeste bureau ou logent téléphone, dépliants et papiers de toutes sortes. Ici et là, des crucifix sont accrochés.
En hiver, lorsque l'on jase des lieux, c'est pour en déplorer la froide température. Bien souvent, les réunions ont dû se tenir en haut de «Chez Fernand», restaurant de l'autre côté de la rue. Fernand laisse sa salle gratuitement aux associations de Ste-Julienne, histoire de vendre quelques cafés.
Il y a donc la Coopérative et quelques-uns de ses services à son siège social, rue Ste-Julienne au sous-sol, «dans la cave» comme disent les résidents-es de Ste-Julienne. À Place Rivest, on trouve le Comptoir de Meubles. On y recueille les vieux meubles qu'une équipe bénévole rénove, à l'aide de quelques outils, pour les revendre à prix modique.
Il existe, dans le réseau de solidarité de la base sociale, des groupes locaux indépendants, incorporés. Ils constituent en quelque sorte des «groupes associés». Ils sont axés sur l'information et l'action collective. Nous y trouvons:
Pour être membre de la Coopérative, il faut être à faible revenu (moins de 9000$par année en 1981) et avoir assisté à trois rencontres du groupe local; on compte une rencontre par mois qui a lieu, le plus souvent, dans une salle de l'Hôtel de Ville de la municipalité du groupe local. Cette formule d'entrée à la Coopérative permet d'avoir une certaine qualité de membership.
La C.S.M.L. existe donc depuis 1977. Le service d'alphabétisation est apparu plus tard. En fait, cette préoccupation a surgi chez les membres lorsque l'assemblée générale a élu un analphabète au poste de secrétaire. Au premier conseil d'administration, lorsqu'il fut fait état de la difficulté pour un analphabète d'occuper ce poste, les membres insistèrent pour que le secrétaire soit maintenu dans ses fonctions. Ce dernier utilisa un magnétophone grâce auquel sa famille pouvait reproduire par écrit les débats.
L'alphabétisation commence en 1979-80 avec Lise Noël et Louise Dénommée, dans le cadre du projet «Une place dans notre soleil». Elle se poursuit en 1980-81 avec Claude Lavallée et moi, et en 1981-82 avec Louise Dénommée et moi.
La Coopérative veut inscrire les ateliers d'alphabétisation dans une perspective d'éducation populaire, liée à l'ensemble de ses activités, et permanente. Il faut souligner ici l'importance de l'Équipe d'Éducation Populaire, où se trouvent les alphabétiseurs, une personne-ressource du C.L.S.C. Joli-Mont, la responsable à l'éducation populaire et les délégués des groupes locaux. Elle veut consolider le pouvoir populaire au niveau de la Coopérative.
Le fait même que la Coopérative institue le projet, par ses structures démocratiques et les préoccupations de ses 200 membres, influe directement sur la pratique d'alphabétisation.
Par ailleurs, cette influence est médiatisée par la manière dont les alphabétiseurs utilisent les «espaces libres», plus larges qu'en institution gouvernementale. Nous pensons ici à la manière dont ils assument la contradiction suivante: d'une part, le contrôle qu'ils ont à court terme sur l'alphabétisation (dans la préparation des ateliers, dans l'animation, etc.) et d'autre part leur désir qu'à long terme la base sociale en arrive à «l'autogestion d'un processus en développement historique qui vise la libération individuelle et collective maximale contre toutes les formes de domination, d'exploitation et d'oppression»5, soit la conscientisation.
Bref, nous faisons allusion ici à une pratique d'alliance véritable avec la base sociale. Nous y reviendrons dans la troisième partie.
Cette première partie veut dégager un modèle de la pratique d'alphabétisation à la Coopérative, à la lumière des récentes expériences.
Nous proposons d'y arriver en traitant du recrutement, de la préparation du programme, des ateliers et du déroulement concret d'un atelier d'alphabétisation.
Le recrutement s'avère l'étape première du contact avec les futurs-es participants-es, donc de la constitution du groupe.
Il permet de toucher trois objectifs:
On y puise donc beaucoup d'éléments pour composer le programme des apprentissages, des thèmes et des attitudes, en vue de faciliter l'intégration des personnes au groupe.
La stratégie de recrutement est relativement simple. Nous multiplions les contacts par:
Nous réalisons un petit «test» (voir plus haut) à partir duquel s'amorce une réflexion sur les problèmes relatifs à la maîtrise du code écrit.
Coopérative de services multiples de Lanaudière - alphabétisation
Nom:________
Tel.:_________
Lecture | Sons difficiles: |
Je lis déjà une phrase. | |
Je veux aller aux cours de lecture et d'écriture. | |
Je vais pouvoir rencontrer des personnes comme moi. Les animateurs sont là pour m'aider. Ça va m'aider à me souvenir de ce que j'ai oublié. En même temps, l'alphabétisation va me faire une sortie. C'est pas cher, c'est gratuit. | Débit: |
Écriture
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Calcul
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Après avoir rencontré trente-cinq personnes, quinze se diront intéressées et dix participeront effectivement aux ateliers.
Le groupe constitué est composé majoritairement de femmes (7 pour 3 hommes), dont huit personnes sont assistées sociales et deux rentières. L'âge varie de trente à soixante-cinq ans; parfois, un-e participant-e de moins de vingt ans participe aux ateliers6.
Le groupe est forcément hétérogène, c'est-à-dire avec des connaissances très inégales du code écrit. En effet, étant en milieu rural, constituant des groupes dans une municipalité qui offre un bassin relativement restreint de population, nous n'avons pas tellement le choix. L'hétérogénéité n'est pas sans poser quelques problèmes au niveau de la pédagogie, comme nous le verrons plus loin.
Face à leur abandon de l'école, les participants-es verbalisent de nombreuses raisons. À St-Alphonse7, pour une bonne partie des participants-es, des changements importants, souvent relatifs à des aberrations administratives, ont perturbé l'apprentissage scolaire qui débutait8. Le contenu des verbalisations à ce sujet est étonnant mais nous n'avons pas poussé plus loin la vérification des faits relatifs à ces problèmes.
J'les ai pas appris les verbes. J'avais commencé les verbes en anglais...
On était rendu à 2 ou 3, mettons 4e année, pis quand y changeait d'maîtresse, y fallait r'commencer en première année...
Là, quand chuis partie de St-Paul pour aller à Cabtree,... J'étais en 6e à St-Paul... parce que j'étais trop p'tite pour les grandes, y m'ont garroché dans première année à Cabtree...
Pour d'autres, l'école n'avait tout simplement pas d'attrait, sans que l'on mentionne les raisons de ce désintéressement.
...la maîtresse m'a dit si t'as l'goût de r'tourner école après deux ans de couture... Ah! ben, j'ai dit j'ai fini mes cours, je r'tourne pas école.
Plus jeune, non, l'école, j'aimais pas ça. J'ai commencé à travailler9.
Parfois, quelqu'un identifie une cause de son désintéressement: l'enseignant-e, la personne incarnant alors le plus l'institution.
C'était les sœurs... J'n'ai fait plier une, une fois, pis ça l'a fini là... Quand t'es une dernière d'la classe là, essaye pas qu'un professeur t'aide. T'as d'la misère, dans ton coin, ça finit là. Mais ses p'tits chouchous à les aidait: c'est la fille du maire, la fille du boucher, la fille du ci, la fille de monsieur l'curé...
Par ailleurs, il existe un sentiment de culpabilité face à l'échec de l'expérience scolaire.
Ben, c'est not'faute certain, c'est nous autres qui a voulu lâcher...
Ben non c'est pas d'ma faute... C'est un peu d'ma faute aussi parce que j'avais une maudite tête de cochon, en bon canadien-français... (...) si les sœurs avaient eu la patience... on était pauvre, pis ceux qui avaient plus d'argent étaient plus appréciés, pis en tout cas y étaient mieux habillés que nous autres... Mais si y étaient ben habillés, c'était nous autres les plus nets dans l'coin en tout cas.
Les motivations à participer aux ateliers sont multiples. Plusieurs personnes10 verbalisent leur motivation par un besoin fonctionnel.
Quand y nous envoie... des formules,... comme l'aide sociale nous envoie des formules... là savoir c 'que signifie la phrase, pour savoir quoi marquer à côté, ou ben ça fonctionne pas ces choses là...
Si j'veux trouver une job... Là j'travaille à shop-là, mais j'aimerais ça travailler dans un restaurant pour gagner plus cher (...) Si j'veux avoir des enfants, pis j 'sais pas lire, ni compter, si y faut tu y donnes des pilules, t'es mal pris...
... veux lire quèkchose, peux pas lire (...) pis les lettres...
D'autres ont ce désir d'améliorer leur écrit pour se sentir moins gênés-es et humiliés-es d'écrire.
Ben, c'est parce que j'trouve que quand j'écris une lettre e..., j'écris au professeur, au directeur, ou que j'ai affaire à écrire à quelqu'un, j'trouve que... quand y lisent ma lettre, y risent de moé parce que je... Y m'renvoyé ma lettre pis y m'corrige les fautes que j'ai faites dans ma lettre...
C'est gênant, ouan...
Ben, c'est par rapport quand tu t'fais dire qu't'as ben des fautes...
Chez quelques-uns-es, on note ce souhait d'écrire avec plus de facilité, d'être plus à l'aise dans l'écrit.
...t'arrives, t'écris, voyons, ty y penses, ty jongles, tu sais pas comment l'placer, c'est mêlant...
...pour compter, ou ben même pour écrire des fois, j'ai ben d'la misère...
des fois, quand j'lis, j'laisse passer ces mots-là, pis c'est des mots ben importants,... de comprendre les mots.
Parfois, on veut briser le lien de dépendance face aux proches.
Pas besoin d'aller chez l'voisin pour dire e... apporte-moé c'formule-là... malgré que, j'les fais moi-même, mais... j'veux pas être obligée d'aller chercher quelqu'un pour faire mes affaires, mais aujourd'hui y a tellement de nouvelles choses qui sortent, qu'on a d'la misère à comprendre...
Nous essayons d'avoir une démarche d'une trentaine de semaines avec chaque groupe en deux périodes: une première de septembre à décembre, et une deuxième de janvier à avril. Chaque période est une occasion d'autocritique et d'évaluation de la progression des participants-es. Généralement, un-e parti cipant-e bénéficie d'une démarche; parfois, selon le niveau d'analphabétisme, un-e participant-e est invité-e à poursuivre dans une deuxième démarche.
L'objectif général est d'apprendre à lire, écrire, compter, réfléchir et agir.
Cet objectif est raffiné par des objectifs plus spécifiques:
Il importe de créer une relation confiante et émotive entre les personnes composant le groupe, les personnes-ressources incluses. Parmi les activités nécessaires à l'atteinte de cet objectif, notons:
Nous voulons nous assurer d'une entente mutuelle avec le groupe sur une proposition générale de travail qui est de «travailler ensemble pour mieux lire, écrire, compter, réfléchir sur soi et sur la société, et agir pour améliorer nos conditions de vie».
Certes, les participants-es ont peu de commentaires à formuler au début, sauf pour spécifier certains apprentissages particuliers qu'ils-elles aimeraient réaliser (faire des chèques, connaître le système métrique,...) et que nous prenons soin de noter. C'est davantage en cours de route que nous aurons l'occasion de revenir sur le contrat, pour en démontrer les implications concrètes.
Nous pouvons aussi parler d'autonomisation du processus d'apprentissage par divers moyens, tels:
La réflexion sur des thèmes est le contenu même de l'alphabétisation-conscientisation. Car, qu'on le veuille ou non, toute éducation véhicule dans ses messages (le contenu) et son contenant (la pédagogie et les attitudes des responsables) des valeurs qui vont soit camoufler et perpétuer les mécanismes d'oppression et d'aliénation, soit les mettre au grand jour et chercher à les combattre. Dans le premier cas, il conviendrait de parler «d'alphabétisation-domestication».
Il existe à notre avis un faux problème, à savoir si ce doit être les participants-es ou nous-mêmes qui devons choisir les thèmes. En fait, il faut davantage s'assurer que les thèmes, et les représentations qu'ont les personnes de ceux-ci, soient de discours quotidiens. Il n'est pas dit que les participants-es, dans le cadre d'un atelier, à plus forte raison au début d'une démarche, auront la même spontanéité que dans leur milieu de tous les jours.
Nous aurons l'occasion d'y revenir dans les chapitres subséquents.
Connaître les associations, le groupe local en particulier et la Coopérative
Par ce faire, nous voulons situer le groupe local parmi les associations locales de la municipalité, et faire connaître la Coopérative.
Nous prenons soin de réfléchir ensemble sur les objectifs de ces associations et des personnes qui les composent. C'est aussi une occasion pour les membres du groupe local et de la Coopérative d'apporter leur témoignage12.
Évaluer collectivement chacun des ateliers, les apprentissages et l'ensemble de la démarche
Tout groupe qui réfléchit sur sa pratique s'engage par le fait même dans une démarche d'évaluation. Évaluer, c'est en plus créer une occasion pour les participants-es de s'impliquer activement dans le contrôle du procès de travail, entre autres en les amenant peu à peu à animer les évaluations des ateliers (nous verrons le déroulement concret de ce type d'évaluation dans une prochaine partie).
Nous souhaitons qu'au terme de ce processus les participants-es:
Ayant à l'esprit les difficultés reliées au code écrit que nous avons relevées lors du recrutement, les thèmes qui nous semblent importants et pertinents, et le souci d'étaler dans le temps les activités qui concrétisent les différents objectifs, nous élaborons un programme incluant dates, thèmes à discuter et apprentissages à réaliser.
Le programme et le processus se veulent souples et adaptables. Certains thèmes pourront s'ajouter ou être retranchés; ainsi en est-il des apprentissages. De nouvelles personnes pourront se joindre au groupe en cours de route. Il conviendrait de parler de programme «brouillon».
Voici la liste des apprentissages et des thèmes sur lesquels nous nous sommes attardés pour la période de septembre 3 décembre 1981.
Apprentissages de septembre à décembre 1981
Rawdon et St-Alphonse
Date | Thème | Apprentissage |
29/9/81 | éducation | les syllabes; la phrase; le tableau des additions |
1/10/81 | éducation | addition de 6 à 9 |
6/10/81 | inflation | les syllabes; verbes en «er» au présent et au passé composé; addition à 2 chiffres |
8/10/81 | inflation | verbes en «oir» au présent et au passé composé |
13/10/81 | habitation | révision; futur des verbes être, avoir et finir |
15/10/81 | habitation | être à l'imparfait; les soustractions |
20/10/81 | habitation | articles et adjectifs possessifs; les soustractions |
22/10/81 | habitation et C.S.M.L | les soustractions |
27/10/81 | les associations locales | être, avoir et aimer à l'imparfait |
29/10/81 | les associations locales | les soustractions |
3/11/81 | les associations locales | les soustractions; les multiplications (introduction); les verbes à l'imparfait |
5/11/81 | la santé et le Groupe d'Information Sociale de St-Alphonse ou Solidarité Sociale de Rawdon | les multiplications avec 0, 1, 2 et 3 |
10/11/81 | la santé | le féminin |
12/11/81 | les taux d'intérêt | le masculin et le féminin; le singulier et le pluriel |
17/11/81 | le transport | les multiplications avec 4 et 5 |
19/11/81 | les seuils de pauvreté | faire des chèques et des reçus; les multiplications avec 6 et 7 |
24/11/81 | le travail | le masculin et le féminin; le singulier et le pluriel; se familiariser avec le dictionnaire; les multiplications avec 8 et 9 |
26/11/81 | l'aide sociale | verbes en «er»; les multiplications de 0 à 9 |
1/12/81 | la pauvreté chez les personnes âgées | l'impératif |
3/12/81 | les loisirs et la C.S.M.L | adjectifs avec être |
8/12/81 | le travail et le profit | verbes en «ir», «oir» et irréguliers; révision |
10/12/81 | le travail et le profit | révision; évaluation |
15/12/81 | examen |
Cette préparation de programme n'avait pas tenu suffisamment compte de l'hétérogénéité des groupes. Nous avons dû ajouter des exercices syllabiques, pour certains-es participants-es. Cette pratique avait le grand désavantage de détacher des apprentissages du contenu des ateliers et d'isoler ces participants-es d'une certaine production commune du groupe (ainsi lors d'une composition à la maison sur un thème, il existe une appartenance au produit collectif: nous mettons en commun les compositions, créant ainsi une occasion de débat). Bien que les participants-es d'un niveau moins avancé progressaient, il demeure que des efforts devaient être faits pour adopter une façon de procéder commune à tous.
Nous avons alors choisi d'opérer une démarche à double niveau qui devait rejoindre tout le groupe: un apprentissage syllabique et un apprentissage plus grammatical, liés davantage à l'étude de thèmes.
Après avoir fait concorder la liste des sons (des plus simples au plus complexes), des difficultés grammaticales et des thèmes, en traitant avec souplesse cette préparation, nous avons parcouru les apprentissages suivants de janvier à avril 1982.
Apprentissages de janvier à avril 1982 Rawdon et St-Alphonse
Date | Calcul | Syllabe | Thème | Grammaire | |
Rawdon | St-Alphonse | ||||
18/1 | 14/1 | Pi bl, c, t avec a,e,i,o, u, é | la publicité | il y a | |
20/1 | 19/1 | gr, pr, gl, pl avec a, e, i, o, u | les gros prix | la fin des mots à l'aide du féminin | |
25/1 | 21/1 | soustraction | c et ç | la coopération | c'est, ces et ça, sa |
27/1 | 26/1 | soustraction | ch et voyelles | le chômage | ce, se et à, a |
3/2 | 2/2 | multiplicat. | on, ion et tion | la pollution | ont, on et sont, son |
8/2 | 4/2 | multiplicat. | h; s qui devient z; syllabes inversées | votre horoscope | l' |
10/2 | 9/2 | multiplicat. | eu; oeu; ou | à l'heure du souper | revision |
15/2 | 11/2 | multiplicat. | ai; et | cette pilule me donne mal à la tête (le groupe local) | revision |
17/2 | 16/2 | multiplicat. | y (ii et i); -ll-(fille) | Qui a les moyens de payer la crise? | -ent (ils aiment ou lentement) |
22/2 | 18/2 | division | y (ii et i) | (sur la crise) | -ent |
24/2 | 23/2 | division | g; ge; gu | Danger: le travail peut être dommageable | er; é |
1/3 | 25/2 | division | (les accidents de travail) | er; é | |
3/3 | 2/3 | division | qu- | quand quelqu'un nous dit qu'il fait de la politique parce qu'il aime le peuple! | . et? |
8/3 | 9/3 | division | gn- | gagner ensemble | |
10/3 | 11/3 | division | oi; oin | Dans tous les cantons... | |
15/3 | in; im; ain; ein | les vacances | ' (apostrophe) | ||
16/3 | division | in; im; ain; ein | Petites boîtes | ' (apostrophe) | |
17/3 | division | ail; eil | Petites boîtes | verbes «er» et «ir» au présent | |
22/3 | division | euil; ouil | la crise économique | ||
23/3 | division | ail; eil | lettre au pharmacien | ||
24/3 | 25/3 | division | ui; ph | Quel est notre avenir? | verbes «er» et «ir» au présent (St-Alphonse) |
29/3 | 30/3 | division et métrique | ien; ieu; iel | Le métrique ou la porte | |
31/3 | 1/4 | revision | revision | (grammaire) | revision |
5/4 | 6/4 | revision | revision | (grammaire) | revision |
7/4 | 8/4 | EXAMEN |
L'alphabétisation à la Coopérative est préparée et animée quotidiennement par deux personnes. Deux raisons principales vont justifier cette nécessité: l'hétérogénéité des groupes et le soutien individuel aux participants-es.
Le fonctionnement du programme à double niveau offre un minimum de cheminement commun à l'ensemble du groupe. Toutefois, concrètement, la réalisation de certaines activités nécessite la présence d'une personne auprès des participants-es les moins avancés-es.
De plus, nous sommes soucieux-euses de développer et maintenir la motivation des gens en assurant un soutien minimal dans les difficultés personnelles, susceptibles d'être jugées défavorables au maintien de la participation.
Cette condition est indispensable pour qu'une personne amorce un processus d'apprentissage. Nous pouvons citer l'exemple d'une participante qui était «dominée» par son mari: «Il me donne pas mal de misère» Nous avons noté des difficultés de concentration, d'expression verbale et écrite et une réserve à livrer ses émotions et idées au groupe.
Nous allons donc:
Enfin, bien que ce ne soit pas tranché au couteau, l'animateur-trice se préoccupe davantage de conscientisation et du support, et l'éducateur-tri ce d'alphabétisation. Le lecteur voudra bien noter que cette complémentarité ne peut être manifeste sans un recours à des principes communs minimaux.
Ajoutons que ce pairage permet des échanges très fructueux sur nos comportements respectifs, sur les observations qui échappent à l'un ou l'autre et sur le matériel utilisé.
Les ateliers sont préparés au jour le jour, par l'animateur-trice et l'éducateur-trice, en lien avec le programme «brouillon».
Nous voulons ici insister sur un outil, une grille de préparation des ateliers déjà utilisée dans d'autres groupes d'éducation populaire13.
Cette grille (voir l'exemple complété à la page suivante) possède de nombreux avantages. Elle permet:
Voyons maintenant les détails du déroulement d'un atelier.
29/9/81
Objectif(s) spécifique(s):
Objectif | Contenu | Méthode pédagogique | Partage des tâches | Perspective |
se connaître comme groupe | noms des participants | Jeu: tour de table de noms qui s'accumulent | Yvan | pour les intéressés-es nous communiquer leurs besoins d'apprentissage |
Depuis quand je demeure à Rawdon? Qu'est-ce que je fais dans une journée? Qu'est-ce qui m'intéresse le plus? | 2 par 2; chacun-e interview l'autre; chacun-e présente son interlocuteur au groupe | Présentation: Louise mise en commun Yvan | ||
réfléchir sur son apprentissage du français | Pourquoi j'ai arrêté d'aller à l'école? Pourquoi je veux apprendre ou améliorer ma lecture et mon écriture? | photolangage: les participants-es choisissent un ou deux photos parmi 30 à partir desquelles ils-elles s'expriment | présentation: Yvan animation: Louise | |
situer l'atelier dans l'ensemble | -au sujet du contenu de l'atelier | discussion | Yvan | |
évaluer l'atelier | discussion | Louise |
Nous allons illustrer le déroulement concret d'un atelier-type. Pour les besoins de la cause, puisque chaque atelier implique des variantes au niveau des objectifs, du contenu ou des méthodes pédagogiques, nous effectuerons quelques disgressions pour compléter la présentation.
Chaque groupe suit deux ateliers par semaine de trois heures chacun, avec un décalage d'un ou deux jours entre chaque atelier. Les lieux et l'horaire sont décidés par le groupe et sont fixes, à moins que le groupe préfère effectuer des changements.
Obligés-es de nous déplacer d'une municipalité à l'autre, nous utilisons un tableau pliant et transportable, et avons des locaux plus ou moins adéquants (locaux de l'Hôtel de ville ou de l'église). De septembre 3 septembre 1981, les ateliers de Rawdon ont dû se dérouler dans la cuisine d'une participante (ce qui fut très agréable).
À l'arrivée dans le local, avant de débuter l'atelier, nous échangeons de façon informelle avec les participants-es sur des sujets qui deviennent des lieux communs: visite d'un-e participant-e chez le médecin, actualités (vol de Claude Charron,...), l'absence d'un-e participant-e dont ils-elles connaissent généralement la raison, échange de quelques blagues, etc.
Les participants-es ont comme matériel des feuilles mobiles que nous fournissons. (Une réserve de crayons est utile parfois.)
Il signifie le début formel de l'atelier. Il permet de «situer le groupe par rapport au contenu de l'atelier» et vise à introduire les personnes au fonctionnement d'un groupe de tâches.
Tout le monde est invité à écrire la date et l'ordre du jour sur sa feuille. Au début, il est écrit par une personne-ressource au tableau. Peu à peu ce sont les participants-es qui l'écrivent au tableau, à tour de rôle, à partir de notre grille de préparation, avec laquelle ils-elles se familiarisent rapidement.
L'ordre du jour du 20 mars 1982 reflète bien ce qu'on trouve généralement dans sa présentation.
C'est le moment de l'entente collective sur l'atelier. Ce peut être l'occasion de demander à un-e participant-e moins avancé-e de faire la lecture de l'ordre du jour.
Nous détaillons chaque point. Généralement, les participants-es remettent peu en question la préparation de l'atelier. Ce sera en fait au moment de «l'évaluation» que des commentaires seront formulés.
C'est le retour sur le travail effectué à la maison. Ce dernier peut avoir été une composition ou un exercice. En général, il s'est agi d'un exercice sur cinq ou six problèmes mathématiques. Il est toujours suggéré, mais non «obligatoire».
Nous essayons le plus possible que ce soit les participants-es qui se rendent au tableau pour effectuer les opérations, et que ce soit eux-elles qui se corrigent entre eux-elles: ils-elles le font d'ailleurs spontanément. Notre rôle est alors plutôt effacé et l'atmosphère s'anime.
Quant au calcul, il est approché de façon progressive et somme toute traditionnelle. C'est un élément d'apprentissage important, on comprendra facilement pourquoi. Nous insistons, dans le cas des multiplications par exemple, non pas pour qu'on les retienne «par cœur», mais pour qu'on apprenne à se servir d'une table. Aussi, compter sur les doigts n'est pas seulement «permis», mais encouragé. L'important est de savoir se servir de ses outils.
Dans les autres cas (composition individuelle ou exercice), la correction sera toujours collective. On lira chacun-e les phrases que l'on a composées (nous ne reprenons pas en groupe toutes les phrases, mais plutôt quelques mots dont on a déjà fait l'étude phonologique ou les cas de ponctuation qui concernent tout le monde) ou les phrases de l'exercice à tour de rôle.
La mise en commun des compositions est aussi une excellente occasion de connaître des opinions et idées qui différent. Nous en reparlons plus loin.
Enfin, les compositions sont toujours «ramassées» par les personnes-ressources pour un traitement plus individuel dans la «correction», qui n'est pas une comptabilisation des fautes. Nous notons les difficultés principales selon le niveau de chacun. Nous ne massacrons pas la composition d'un-e participant-e moins avancé-e: nous allons nous arrêter à des mots ou des syllabes déjà étudiés en groupe. Il y a donc un quota (environ six) des difficultés notées pour chacun-e.
Il s'agit bien sûr d'un ajout important de la deuxième période pour répondre aux besoins de tous les participants-es d'un groupe hétérogène.
Il faut prendre un ou deux sons à la fois (du plus simple au plus complexe dans le programme), idéalement relié(s) au libellé du thème (exemple: le son [z] , correspondant à la lettre «G»; thème: «Danger: le travail peut être dommageable»).
À chaque son correspond une liste de mots (reliés dans la mesure du possible au thème et à l'univers vocabulaire des personnes) qui sont lus souvent par les participants-es les moins avancés-es. Le même son est donc répété dans des mots différents (voir exemple en annexe II, III et IV).
Après cette lecture, il est bon d'en écrire quelques-uns pour intégrer lecture et écriture.
Comme nous le mentionnions en renvoi, ce n'est pas le libellé de ce point à l'ordre du jour, mais le concept. En effet, il s'agit ici d'une mise en situation sur un thème. Elle est le moment privilégié de réflexion.
Cette mise en situation peut être une lecture. Elle a différentes sources. Elle peut provenir du bulletin d'information L'Écho de la Coopérative (afin de contribuer au rapprochement de l'association); de coupures de presse; de textes que nous nous chargeons d'adapter. Idéalement, elle provient des compositions des participants-es.
On doit toujours être soucieux d'avoir un texte clair, accessible, pas trop long. La typographie doit dégagée et variée.
Mentionnons qu'il existe un outil très intéressant, développé par le Regroupement des Groupes Populaires en Alphabétisation, Écrire pour la première fois. C'est un recueil de textes écrits par des participants-es d'un peu partout au Québec.
Idéalement, la mise en situation est une illustration, une image15.
Une discussion de dix à douze minutes s'engage sur l'image, à partir de quelques questions préparées à l'avance et écrites au bas du dessin (voir exemples en annexe II et III). Lorsque les idées sont émises, l'illustration et les questions devant en elles-mêmes être suffisamment éloquentes pour permettre l'expression critique, nous invitons les participants-es à répondre aux questions par écrit. Puis nous mettons en commun les compositions, chaque participant-e faisant la lecture de son texte à voix haute. Enfin, nous recueillons les écrits que nous corrigeons selon les modalités établies précédemment.
Pour le contenu même des débats, nous misons davantage sur l'illustration et les questions écrites que sur un questionnement improvisé, un dialogue spontané où l'intervenant-e verrait au fur et à mesure où il-elle s'en va. Nous voulons aussi éviter d'adopter le rôle d'inquisiteur qui a la «ligne juste». Bien sûr, cela n'empêche pas des questions de précision sur les idées émises.
Nous comptons aussi sur la présence de certains-es participants-es qui émettent des prises de position critiques. Déjà membres de la Coopérative, ils-elles jouent un rôle de premier plan dans le cheminement de la conscience du groupe, comme nous le verrons plus loin dans la deuxième partie.
Si les mises en situation en sont pas suffisamment éloquentes en elles-mêmes16, il faut repenser son matériel.
Composer des phrases est un exercice difficile, surtout au début. La difficulté semble être de passer de la pensée au langage écrit. Le «pont» que nous proposons est le langage oral. Voici un échange souvent répété que nous rédigeons de mémoire.
Il faut dès lors prendre conscience collectivement de la différence entre le langage parlé, qui nous sert de «pont», et le langage écrit, et que cette différence risque de poser parfois des problèmes. Il sera discuté de ces problèmes tout au long de la démarche lorsque les occasions se présenteront.
Nous pensons que le langage normatif, respectueux des règles d'orthographe et de syntaxe, défini par les dominants, doit être un outil à maîtriser, et ce d'une façon progressive, dans l'esprit même des modalités de correction des textes. C'est là d'ailleurs le souhait profond des participants-es (sous-entendu dans les discours rapportés dans la partie «Le recrutement»).
Il importe que les participants-es s'assurent d'avoir café, thé, biscuits,... Ils-elles en sont responsables.
Il concerne des difficultés précises que nous rencontrons à la lumière des écrits des personnes. Les phrases sont reliées au thème et proviennent le plus possible d'eux-elles (voir exemples en annexe II, III et IV).
Ce point peut être celui d'une dictée, qui est une occasion de vérifier les acquis. Ainsi, pour vérifier les acquisitions autour de «y» et «ent»:
Nous payons notre loyer. Les prix augmentent trop vite. Les dollars s'accumulent sur notre dos. Les travailleurs doivent changer les choses pour donner de meilleurs moyens à leurs enfants.
Comme nous l'avons mentionné, il concerne généralement le calcul. Il sera l'objet d'un retour au prochain atelier.
Dix à quinze minutes avant la fin de l'atelier, l'évaluation de l'atelier débute. Peu à peu, elle est animée par les participants-es à tour de rôle.
Sur les mises en situation, les commentaires typiques recensés sont les suivants:
Sur l'apprentissage du code écrit, nous retrouvons le type de commentaires suivants:
Ajoutons que les participants-es les moins avancés-es nous diront à quelques reprises que «c'est difficile». La réalité d'un groupe hétérogène est bien là. Le climat du groupe est un facteur important du maintien de la motivation de ces personnes.
Ce n'est pas un point à l'ordre du jour, bien sûr. D'autres activités peuvent prendre la place de celles précédemment mentionnées. Ainsi en est-il de la revision lors des fins de période (voir la grammaire à l'annexe I), l'utilisation du dictionnaire, l'écriture des chiffres (que nous avons vus lors d'une activité sur les chèques doublée d'une réflexion sur les seuils de pauvreté), l'étude du système métrique (précédée de la lecture d'un article sur la mise à pied temporaire d'un fonctionnaire qui en avait questionné la pertinence, critique que tous partagent)...
En somme, nous pouvons résumer le cheminement d'apprentissage-réflexion par le tableau suivant.
son | (en choisir un ou deux) |
mise en situation | (illustration ou lecture) |
discussion (10 à 12 min.) | (à partir des questions préparées à l'avance) |
composition | (autour des mêmes questions) |
mise en commun | (ré-émission des idées) |
exercice | (ou dictée quelquefois) |
Nous voulons faire porter notre analyse sur trois aspects principaux:
Nous livrons ici un portrait de l'évolution des apprentissages des participants-es. Il s'agit d'extraits de dictées écrites lors du recrutement, en décembre 1981 et en avril 1982. Plusieurs phrases sont identiques dans un but de comparaison.
Ces extraits ont été remis aux participants-es afin de leur illustrer concrètement leur progrès.
Nous avons placé les extraits suivant quatre niveaux. On notera dans chaque cas une amélioration sensible dans l'écriture. Ce relevé fait bien sûr abstraction de l'évolution de la facilité à composer un texte et à s'exprimer de façon critique.
Le lecteur notera que les participants-es les moins avancés-es ont acquis une notion syllabique qui leur permet de se faire comprendre davantage. Chez les plus avancés-es, on voit une amélioration très nette de 1'orthographe.
Recrutement | Décembre 1981 | Avril 1982 | |
1er niveau | je live dea une phalse | je lire degate une frases, je veux aile au cour de l'éture et édceture. je ves pourvoir rencontrer des personne comme moi. les amitar son la pour médire. | je liet degu un frase, je veu aile au cour de lietur e aile e decrietu. je ves pouvies reconte des preson comemoi. va meidie a souveine de se ca oubeille |
2e niveau | Je vais pour ren des peronne corne moi. les animateur son pour medi | Je lis dêga une frasse. Je veux allé au cour de léctur décritur. Je ves pouvoire rancontrê des personnes comme moi. Les animateur son là. pour médè. | |
3e niveau | Je lis déjà une phrase. Je vait Pouvoir rencontrer des personnes comme moi. sans ca va maider a me souvenir de se que jai oublier | Je li déjà une phase. Je veut aller au cours de lecture et écriture. Je vais pouvoir rencontrer des personnes comme moi. Les animateurs sont là pour m'aider. | Je lis dègâ une phrase. Je veux aller aux cour de lecture et d'écriture. Je vais pouvoir rencontrer des personnes comme moi. Ca va m'aider à me souvenir de ce que j'ai oublier. |
4e niveau | Les animateurs sont là pour m'aider. Ca va m'aider à me souvenir de ce que j'ai oubliai. | Je li déjà une phrase. Je veux aller au cour de lecture et d'écriture. Je vais pouvoir rencontrer des personnes comme moi, Les animateurs sont là pour m'aider. | Je lis déjà une phrase. Je veux aller aux cours de lecture et d'écriture. Je vais pouvoir rencontrer des personnes comme moi. Ca va m'aider à me souvenir de ce que j'ai oublié. |
Pour en arriver à qualifier le matériel pédagogique dans sa capacité à faire émerger une expression critique optimale, nous suggérons d'exposer successivement une technique d'analyse du discours, les résultats bruts de cet exercice et enfin, dégager les conclusions pertinentes sur notre matériel.
Nous voulons préciser notre technique d'analyse de discours en discutant d'abord d'une position théorique sur la définition de la conscience critique.
Essentiellement, le but de cette position du problème est d'en arriver à une définition de la conscience critique. Nous proposons d'y arriver en nous donnant d'abord un cadre d'analyse; d'ajouter les caractéristiques principales de l'idéologie; d'échanger sur les principales caractéristiques de 1'alphabétisation-conscientisation; et enfin, définir la conscience critique.
1.1.1 Un cadre d'analyse
Nous pouvons situer notre analyse dans l'un ou l'autre des deux grands courants sociologiques, soit le matérialisme historique dialectique, soit le fonctionnalisme systémique dont Talcott Parsons est à notre avis le plus fidèle représentant17. Nous voulons parvenir à adopter de façon explicite un cadre d'analyse explicatif et critique du processus par lequel l'individu acquiert des normes, valeurs et conduites, tenant compte de la condition sociale des analphabètes.
Le fonctionnalisme systémique
La société pour le fonctionnalisme systémique
[Voir l'image pleine grandeur]
Sans entrer dans les détails de l'analyse parsonnienne, c'est par le sous-système de la socialisation que se produisent
... les engagements («commitments») à l'endroit des valeurs et des normes. C'est par des engagements que les éléments de la culture se transposent en réalité sociale et qu'ils entrent dans le circuit des rapports d'échange. On peut en effet théoriquement considérer que chaque acteur prend des «engagements» de conformer sa conduite à certaines normes et valeurs d'une culture particulière. (...) Ayant pris ces engagements qui l'intègrent à une société, l'acteur peut d'une certaine manière, Tes porter en garantie pour acquérir l'influence, le pouvoir et la monnaie en circulation dans la société et dont il a besoin ou qu'il peut désirer.18
Nous retenons principalement trois points:
Nous désirons porter plusieurs réserves à l'endroit des assertions de Parsons, bien que les quelques phrases qui précèdent ne rendent pas toute la complexité de son œuvre.
Tout d'abord, Parsons laisse dans l'ombre des facteurs importants de conditionnement. Les recherches en sciences sociales montrent bien l'influence du milieu familial, du niveau socio-économique, et de façon plus générale, l'origine de la classe sociale dans la décision pour l'acteur social de se conformer à certaines conduites, normes et valeurs.
Aussi, le modèle parsonnien donne une image de la société dominée par le consensus général, l'ordre, l'harmonie et la stabilité. Parsons parle d'un système en équilibre, qui bien qu'ouvert aux changements, retrouvera pour fonctionner cet état d'harmonie entre les sous-systèmes.
Enfin, nous ne retrouvons pas d'interrogations sur l'origine, le procès de création et d'évolution des valeurs.
Le matérialisme historique dialectique
Le niveau idéologique est donc une réalité objective indispensable à l'existence de toute société... Le contenu de ce niveau est formé de deux types de systèmes: les systèmes d'idées-représentations sociales (les idéologies au sens restreint) et les systèmes d'attitudes-comportements sociaux (les mœurs).19
Mais qu'est-ce qui détermine le niveau idéologique?
Le développement politique, juridique, philosophique, religieux, littéraire, artistique, etc., repose sur' le développement économique. Mais, ils réagissent tous également les uns sur les autres, ainsi que sur la base économique... Il y a action réciproque sur la base de la nécessité économique qui l'emporte toujours en dernière instance.20
Ce dernier passage d'Engels veut souligner qu'il «n'y a pas de détermination directe, mécanique, de l'économie, mais une détermination complexe, structurelle»21.
Mais, qu'est-ce qui dans l'économie détermine «en dernière instance» le niveau idéologique? Ce sont
Les rapports sociaux de production... rapports qui s'établissent entre les propriétaires des moyens de production et les producteurs directs dans un procès de production déterminé, rapports qui dépendent du type de rapport (propriété, possession ou usufruit) qu'ils ont avec les moyens de production.22
La notion de classe sociale entre alors en jeu, et par conséquence celle d'inégalité sociale. L'idéologie devient ce
... système de représentations (idées, images), comportements, pratiques, etc., imposés par le groupe social dominant dans une société, ayant pour effet de justifier l'ordre établi et d'assigner à chacun sa place dans cette société, au profit de la classe dominante.23
Il ne s'agit point pour nous d'un procès d'intention. Si l'idéologie camoufle aux producteurs directs leur propre réalité, elle «s'exerce aussi sur la conscience de la classe dominante pour leur permettre d'exercer leur exploitation et leur domination»24.
1.1.1.3 Synthèse
Nous voulions un cadre d'analyse explicatif et critique du processus par lequel l'individu acquiert des normes, valeurs et conduites, qui tienne compte de la condition sociale des analphabètes. Ceux-ci vivent une situation de chômage, de sous-scolarisation et d'insécurité matérielle et psychologique.
Ils perçoivent généralement leur situation comme étant une faute personnelle. Pourtant, une analyse sociologique portant sur plusieurs analphabètes montre bien la détermination qu'exerce un facteur comme l'origine de la classe sociale25.
Nous convenons donc d'aborder les caractéristiques de l'idéologie sous l'angle du matérialisme historique dialectique.
1.1.2 Les caractéristiques de l'idéologie
Le niveau idéologique «a un contenu propre et des lois propres de fonctionnement et de développement»26. Il possède une autonomie relative, mais s'explique dans ses caractéristiques et sa détermination par les rapports sociaux de production. Il «assure la cohésion des individus dans leurs rôles, leurs fonctions et leurs rapports sociaux»27
À l'intérieur du niveau idéologique, on observe l'existence de tendances idéologiques différentes qui expriment les «représentations» des différentes classes sociales. Toutefois, dans une société capitaliste avancée, ce sont les idées de la classe dominante qui l'emportent. Il convient donc de parler de l'idéologie (dominante) et des idéologies (secondaires).
Une sorte de division du travail s'opérerait alors: ceux qui sont assez puissants pour parler, définissent avec un luxe de détails, mais ne conforment leurs activités à leur discours que juste ce qu'il faut pour garder les apparences...28
À ce moment entre en jeu le concept d'aliénation.
Processus par lequel un peuple, un groupe, un individu sont rendus «étrangers» à eux-mêmes aux niveaux économique, politique, culturel, idéologique.29
L'idéologie (dominante) est donc fondamentalement aliénante, parce que déterminée par des rapports sociaux de production basés sur l'inégalité et l'exploitation.30
Les classes dominantes «définissent, racontent, expliquent, démontrent, c'est-à-dire qu'ils renseignent sur un certain nombre d'objets de nature sociale ou non, à l'égard desquels ils pensent avoir le privilège de la connaissance».31
L'adhésion idéologique procède des conditionnements sociaux. Ils sont possibles grâce aux nombreux appareils d'État que sont les médias, la famille, l'école, la justice.32
Enfin, l'idéologie est divisible en régions particulières, centrées sur des thèmes différents, comme l'idéologie morale, religieuse, juridique, politique, etc.: telle région sera plus importante dans telle formation sociale.
L'idéologie existe dans les régions sous deux formes:
1.1.3 L'alphabétisation-conscientisation
L'alphabétisation-conscientisation veut promouvoir une approche critique de la réalité.
Opposant l'éducation libératrice à l'éducation domesticatrice, misant sur la capacité de tout homme et de tout groupe d'être créateur de culture et sujet de l'histoire, elle a pour visée non seulement d'apprendre la maîtrise de la lecture et de l'écriture «des mots», mais encore la lecture (décryptage) et l'écriture (transformation) du milieu d'insertion ou de la société concernée.34
La conscientisation au sens large est dialectique car elle se base sur une ré-insertion critique dans la réalité par ceux qui se conscientisent, pour une transformation de cette réalité. Ceci rejoint la pensée de Paulo Freire sur l'unité dialectique action-réflexion-action.35
Elle doit donc permettre la progression du contrôle par les classes dominées de leurs moyens de production et d'échange, en se désaliénant de l'idéologie dominante pour y substituer leur créativité.
Cette pédagogie se met pas à pas, tout au long d'une évaluation permanente.
1.1.4 La conscience critique
Le processus de conscientisation n'est jamais achevé. Toutefois, la période particulière d'alphabétisation-conscientisation s'étale sur un certain temps.
Une dissociation s'opère alors entre le sens apparent et le sens réel d'une idéologie: le premier reste attaché à la matérialité du discours, le second est à chercher dans des réalités d'un autre ordre que celles que le discours exprime et à qui il sert de révélateur.36
La déformation de la réalité qu'entraîne l'idéologie (dominante) est due «à l'opacité inévitable des réalités sociales, structures complexes qu'on ne peut réussir à connaître que moyennant une analyse scientifique»37. C'est pourquoi elle est mystificatrice pour les dominés et les dominants.
Le propre de cette analyse scientifique est la conscience critique, lorsque nous parlons de l'idéologie. La conscience critique devient «la perception des choses, des faits, tels qu'ils existent concrètement dans leurs relations logiques et circonstancielles»38.
Le discours est le «texte produit par quelqu'un en situation de communication interpersonnelle»39. Son analyse permet d'en déterminer le sens réel et de le relativiser à partir d'une catégorisation.
«...tout langage social est un langage idéologique», le terme social désignant «tout élément de l'activité individuelle qui, directement ou indirectement, vise un rapport à autrui»40.
Le discours (idéologique) masque et révèle. «Sans doute, il faut pénétrer dans des profondeurs que l'idéologie ne dit pas; mais on ne peut le faire que grâce à ce que l'idéologie confesse.»41 Pris à la lettre, le discours est faux mais détient en même temps le code à partir duquel on peut en découvrir le sens réel. Aussi, le discours empreint de l'idéologie dominante est pénétré par des contradictions et des conflits internes qu'il tente de surmonter et d'effacer.
La présence d'un discours dominant n'exclut pas bien entendu la possibilité d'un discours dominé, issu du décalage entre l'idéologie dominante et les conditions réelles d'existence des dominés. C'est de ce discours dominé dont il sera question dans les pages qui suivent.42
Nous suggérons au lecteur de parcourir notre technique d'analyse S partir de la définition du corpus, de l'établissement des catégories, de l'interprétation, de la comparaison et de la validation.
1.2.1 Le corpus
Le corpus de l'analyse est constitué du discours de tous les participants-es aux ateliers d.'alphabétisation-conscientisation. Il peut être oral, donc enregistré et rédigé sous forme de verbatime, ou écrit par les participants-es lors d'une activité pédagogique.
Le corpus ne contiendra pas le discours des participants-es à tous les ateliers. Il ne nous a pas été possible de recueillir tout ce matériel. Le recueil de discours que nous possédons a été amassé de façon aléatoire. Il doit donc être envisagé sous forme d'échantillon.
Mentionnons que nous ne considérons pas les propos des participants-es lorsqu'ils-elle reprennent les paroles prononcées par 1'animateur-trice ou l'éducateur-trice. Cela s'est produit à deux occasions.
1.2.2 Établissement des catégories
«... le discours - envisagé... comme processus d'énonciation -forme un ensemble cohérent; il comporte une trame qui échappe à la simple lecture»43. Ces assertions originent de ce que l'on nomme «l'école de Genève»44.
1.2.2.1 Sur le discours
Lorsqu'une parole s'élabore à partir de ces données (attitudes à l'égard des objets qui l'entourent), des conflits se produisent. Il n'existe pas, en effet, de position parfaitement cohérente (que ce soit au niveau de l'idéologie personnelle ou de l'idéologie d'une société globale); la parole adressée à un tiers se doit d'être logique. Face aux contradictions, le locuteur entreprend une action pour les neutraliser.45
Le discours relevant d'une conscience critique cherche à isoler les contradictions, à les cerner et à les expliquer. Le discours doit alors chercher les relations causales entre les éléments contradictoires de la réalité. C'est dans cette optique que doit être envisagée toute notre analyse du discours.
L'établissement de catégories est cette opération de classement des éléments obtenus. Ce classement se fera selon des critères sémantiques et thématiques.
1.2.2.2 Le critère sémantique
Le critère sémantique réfère à la classe d'équivalence46.
Après avoir découpé le texte en unités de sens, il s'agit de transformer les énoncés multiples en quelques formules-clés ou constantes (unités larges de contexte). On en arrive à des «propositions de base» (classes d'équivalences) qui sont les matrices des phrases prononcées.
Une deuxième opération consiste à prouver la valeur des «classes d'équivalences» en y référant les énoncés multiples (opération inverse).
On arrive enfin à« des »comportements non-linguistiques«, soit aux idées et prises de position sur le problème considéré. Il faut bien voir que notre analyse n'entre pas dans l'herméneutique47.
Voici un exemple extrait de notre analyse.
a) les unités de sens: l'Âge d'or m'apporte beaucoup (1) / on faisait des voyages (2) / des parties de cartes (3) / se dire que le cœur ne vieillit pas (4) / être heureux (5) / quelqu'un te parle (6) / ne pas critiquer les autres (7) / s'aimer (8) / s'aider (9) / les sports (10) / ne pas s'ennuyer (11).
b) les classes d'équivalences et leur preuve:
-sortir de sa solitude:
(+) 11, 6, 8, 9, 5 (-)
-ne pas se sentir vieillir:
(+) 4, 5 (-)
-avoir des activités culturelles:
(+) 2, 3, 10, 1, 5 (-)
c) 1'idée: Je participe S l'association pour sortir de ma solitude, ne pas me sentir vieillir et avoir des activités culturelles (cartes, voyages,...).
1.2.2.3 Le critère thématique
Quand nous avons réussi à formuler une idée à l'aide des «classes d'équivalences», nous relativisons celle-ci à l'aide du schéma de repérage des niveaux de conscience, tel que formulé par Colette Humbert dans son livre Conscientisation. De façon plus particulière, nous nous attardons aux attitudes de la population.
Ainsi, nous nous référons aux attitudes suivantes pour déterminer le niveau de conscience atteint par l'idée formulée. Nous précisons alors 1e(s) critère(s) (attitudes) principal(aux) qui nous a(ont) servi à préciser ce niveau de conscience. Nous recherchons le(s) critère(s) atteint(s) le(s) plus élevé(s).
0. sans correspondance précise
1. fatalisme, résignation, sentiment de culpabilité
2. soumission au jeu de forces perçues comme irrationnelles ou magiques
3. intégration dans l'ordre social établi plutôt que participation active
4. sauvegarde de la tradition
5. population-objet immergée dans la «culture du silence» et subissant les déterminismes
6. non perception du rapport dialectique entre la nature et l'homme, la culture et l'homme, l'histoire et l'homme
Conscience pré-critique:
7. émergence comme «sujet»
8. insatisfaction du statu quo
9. ressentiment confus et global contre les privilégiés
10. passage d'une solidarité de «clan» à une solidarité plus large
11. remise de ses intérêts à de nouveaux notables, à de nouvelles autorités
Conscience critique intégratrice:
12. passage du «perçu» à l'analyse
13. volonté de se poser en partenaire des pouvoirs dominants mais acceptation de structures hiérarchiques autoritaires
14. volonté de déterminer son propre devenir
15. volonté de compter sur ses propres forces et ses potentialités
16. passage à une solidarité socio-professionnelles d'intérêts
Conscience critique libératrice:
17. clarification de sa propre position socio-politique
18. recherche de nouvelles relations interpersonnelles et de nouveaux rapports sociaux
19. dialectique action/réflexion/action permanente dans une perspective de créativité
1.2.3 L'interprétation
L'interprétation se fait en lien avec la définition de la conscience critique. Les représentations que nous avons formulées doivent, si les objectifs de notre action se confirment, traduire le fait que les participants-es ont exprimé et acquis une «perception des choses, des faits, tels qu'ils existent concrètement dans leurs relations logiques et circonstancielles».
La définition de ces relations existent bien sûr dans l'esprit du chercheur. Pour nous, cette définition se construit à partir d'une analyse basée sur les rapports sociaux de production, où des intérêts contradictoires s'affrontent. Le chercheur doit donc tenir compte de son propre réfèrent.
L'interprétation se veut assez souple pour tenir compte de l'évolution de chaque personne, de représentations particulières, et du cheminement de l'ensemble du groupe. Aussi, en plus de considérer cette analyse du discours, il faut tenir compte des actions entreprises par les participants-es pour apprécier l'ensemble de la démarche.
1.2.4 La comparaison et la validation
Nous avons noté qu'il est accordé un «fardeau de la preuve» aux classes d'équivalences en inversant le procédé de leur création: les classes d'équivalences sont créées à partir des énoncés multiples, et ces derniers mis en relation avec les premières. Des classes d'équivalences, le chercheur formule le sens «réel» du discours, les représentations.
La validation est assurée par la vérification par une autre personne des classes d'équivalences, des représentations que le chercheur a formulées et des déterminations des niveaux de conscience. Madame Lise Noël, ayant œuvré à la première expérience d'alphabétisation de la Coopérative a bien voulu collaborer à cet exercice.
Nous rapportons les représentations des participants-es et leur classement suite à notre analyse du discours.
Nous les livrons en vrac, intuitionnant l'intérêt qu'elles peuvent susciter pour le lecteur.
Notons que le corpus analysé provient surtout du matériel écrit des participants-es. Il doit donc être envisagé sous forme d'échantillon; on ne peut pas lire les tableaux en tentant d'y découvrir une trame logique des niveaux de conscience atteints.
Tableau récapitulatif par participante JEANNETTE sept.-déc. 1981
Note: Le(s) chiffre(s) au haut de la représentation identifie(ent) le critère thématique de la technique d'analyse de discours qui a été utilisé pour classer l'idée à ce niveau (p. 59).
Le haut de l'encadré situe le niveau de conscience.
[Voir l'image pleine grandeur]
Tableau récapitulatif par participant-e JEANNETTE jan.-avril 1982
[Voir l'image pleine grandeur]
Tableau récapitulatif par participant-e HELENE sept.-déc. 1981
[Voir l'image pleine grandeur]
Tableau récapitulatif par participant-e HÉLÈNE jan.-avril 1982
[Voir l'image pleine grandeur]
Tableau récapitulatif par participant-e FRANCE sept.-déc. 1981
[Voir l'image pleine grandeur]
Tableau récapitulatif par participant-e FRANCE jan.-avril 1982
[Voir l'image pleine grandeur]
Tableau récapitulatif par participant-e ROLLANDE sept.-déc. 1981
[Voir l'image pleine grandeur]
Tableau récapitulatif par participant e ROLLANDE jan.-avril 1982
[Voir l'image pleine grandeur]
Tableau récapitulatif par participant' YVON sept.-déc. 1981
[Voir l'image pleine grandeur]
Tableau récapitulatif par participant-e YVON jan.-avril 1982
[Voir l'image pleine grandeur]
Tableau récapitulatif par participant-e FRANÇOIS sept.-déc. 1981
[Voir l'image pleine grandeur]
Tableau récapitulatif par participant-e THERESE jan.-avril 1982
[Voir l'image pleine grandeur]
Tableau récapitulatif par participant-e ANNIE sept.-déc. 1981
[Voir l'image pleine grandeur]
Tableau récapitulatif par participant-e ANNIE jan.-avril 1982
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Tableau récapitulatif par participant-e CLAUDE sept.-déc. 1981
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Tableau récapitulatif par participant-e CLAUDE jan.-avril 1982
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Tableau récapitulatif par participant-e ELIZABETH sept.-déc. 1981
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Tableau récapitulatif par participant-e ELIZABETH janv.-avril 1982
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Tableau récapitulatif par participant-e SYLVIE janv.-avril 1982
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Tableau récapitulatif par participant-e FABIOLA sept.-déc. 1981
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Tableau récapitulatif par participant-e FABIOLA janv. -avril 1982
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Tableau récapitulatif par participant-e DIANE sept.-déc. 1981
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Tableau récapitulatif par participant-e DIANE janv.-avril 1982
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Tableau récapitulatif par participant-e LILLY sept.-déc. 1981
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Tableau récapitulatif par participant-e LILLY janv.-avril 1982
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Tableau récapitulatif par participant-e LISE sept.-déc. 1981
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Tableau récapitulatif par participant-e LISE janv.-avril 1982
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Tableau récapitulatif par participant-e ROLLANDE sept.-déc. 1981
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Tableau récapitulatif par participant-e ROLLANDE janv.-avril 1982
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Tableau récapitulatif par participant-e ELSIE sept.-déc. 1981
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Tableau récapitulatif par participant-e ELSIE janv.-avril 1982
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Tableau récapitulatif par participant-e LUC janv.-avril 1982
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Tableau récapitulatif par participant-e SUZANNE sept.-déc. 1981
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Tableau récapitulatif par participant-e GABRIELLE sept.-déc. 1981
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Nous faisons une synthèse des tableaux précédents, ces derniers exprimant à des dates précises, le niveau de conscience atteint par les représentations de tous-tes les participants-es. Donc le tableau suivant donne en pourcentage la proportion des représentations situées S tel niveau, pour telle activité.
Notre intérêt est de qualifier le matériel pédagogique dans sa capacité de permettre une expression critique. Il ne faut donc pas tenter de voir une trame évolutive de l'expression de la conscience dans le tableau suivant.
Synthèse des niveaux de conscience atteints selon les activités Rawdon et St-Alphonse-septembre 1981 à avril 1982
Note: En x: la proportion des représentations si tuées à ce niveau.
5x7: signifie que le critère 7, tel que défini dans le critère thématique de l'analyse de discours (p. 59) est utilisé à 5 reprises pour situer l'ensemble des représentations a ce ni veau.
Nous nous attardons à un niveau auquel correspond au moins 50% et plus des représentations.
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Il existe donc trois types d'activités: celles qui ne permettent qu'une expression soumise; celles qui permettent une expression pré-critique et enfin celle permettant une expression critique (intégratrice).
Avant de parler en détail de ces activités, notons qu'il existe dans le tableau précédent trois activités qui permettent d'avoir un indice du niveau de conscience des participants-es dans un discours spontané, sans mise en situation. Il s'agit des activités des 27 et 28 octobre 1981, 9 et 10 décembre 1981, et 24 et 25 mars 1982.
L'activité des 27 et 28 octobre 1981 demandait simplement aux participants: «Qu'est-ce que ça donne d'être membre d'une association?». L'activité des 9 et 1 0 décembre 1981 demandait aux personnes d'écrire, suite à un retour sur les thèmes, la(les) réponse(s) aux questions suivantes: «Est-ce que les choses peuvent changer? Si non pourquoi? Si oui pourquoi?». Enfin, l'activité des 24 et 25 mars 1982 demandait aux participants-es: «À Rawdon, à St-Alphonse, au Québec, au Canada, sur la Terre, où on s'en va? Que devrait-il se passer pour que ça change?».
Nous pouvons, à la lumière de ces trois résultats, noter une diminution sensible des représentations de conscience soumise au profit de la conscience pré-critique, si on tient à parler d'un portrait de l'évolution de la conscience des participants-es51.
Ces activités ont peu ou pas d'illustration, ni de mise en situation permettant aux participants-es de faire clairement des liens entre des faits.
Ainsi, après avoir pris connaissance des diverses associations de la municipalité, nous avons demandé «Écris le nom de ta principale association et ce qu'elle te rapporte». Cette mise en situation et le questionnement ne mettent pas en évidence des faits contradictoires.
Ou encore, nous avons amené la mise en situation suivante:
On compte 50 fois plus de coqueluches, 3 fois plus de pneumonies et d'amygdalites, 7 fois plus d'infections d'oreilles chez les enfants des quartiers pauvres que des quartiers riches.
Il semble que les constats statistiques, bien que parlant pour 1'alphabétiseur, le soit très peu pour les participants-es.
Ces activités n'ont pas été précédées d'une discussion collective sur le thème. Lorsqu'une discussion a eu lieu, il y avait un écart entre le constat («tout a augmenté») et le questionnement («pourquoi il y a de 1'inflation?»). Une bonne démarche de réflexion aurait nécessité des étapes intermédiaires successives.
Aussi, le questionnement peut ne pas s'être attardé aux deux pôles d'une contradiction. Voyons la mise ne situation et le questionnement suivants.
Les vacances
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C'est quoi mes vacances?
Est-ce que j'aimerais avoir d'autres sortes de vacances? Pourquoi je ne peux pas les avoir?
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L'image met en évidence les deux termes d'une contradiction. Toutefois, les questions: «C'est quoi mes vacances?», «Est-ce que j'aimerais avoir d'autres sortes de vacances?» et «Pourquoi je ne peux pas les avoir?» ne sont pas de nature à reprendre le problème que des classes différentes ont des vacances différentes.
C'est pourquoi le critère 5 («population-objet immergée dans la culture du silence et en subissant les déterminismes») servira 41 fois à confirmer une série de représentations au niveau de la conscience soumise.
Ces activités incluent généralement une illustration ou un texte qui réfère à une situation vécue ou en rapport à une situation vécue par les participants-es. Ainsi:
Les mises en situation (illustrations ou textes) n'offrent toutefois pas la possibilité de faire des liens clairs entre les faits (pour exemples, voir annexe III). D'ailleurs les questions préparées tournent autour de «Pourquoi Ti-No a volé?», «Comment était ton travail?»... Elles sont essentiellement descriptives. Dans un cas, les questions n'avaient pas été préparées à l'avance.
Enfin, dans un cas, l'illustration n'était pas suffisamment claire: on ne connaissait pas Reagan, ni le signe que les empereurs romains utilisaient au cirque Maxime pour condamner à mort les perdants des combats.
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Le critère 8 («insatisfaction du statu quo») semble être celui qui a été le plus facilement atteint, puisqu'il a servi à 30 reprises pour identifier les représentations de ce niveau de conscience.
Tout d'abord, elles ont toutes été précédées d'une discussion, autour d'une illustration qui permet de faire facilement des liens logiques entre certains faits. Ainsi:
Aussi, le questionnement est plus clair: «À qui profite la publicité?», «Qui est responsable de la situation?», «Pensez-vous que le camion permet au patron d'avoir plus de profit?»52.
Les thèmes sont tous de nature économique, alors qu'ils étaient un peu plus de nature culturelle ou politique dans les cas précédents. Enfin, curieusement d'ailleurs, les compositions ont toutes été réalisées en équipe de deux personnes (cela s'est produit à une reprise au niveau de la conscience pré-critique et une fois au niveau de la conscience soumise).
Pour ce niveau de conscience, le critère 12 («passage du perçu à l'analyse») s'est manifesté à 24 reprises.
Lire, écrire, compter et réfléchir.
Un cinquième objectif s'ajoute aux autres: agir. Il constitue une deuxième étape du processus de conscientisation, celui-ci étant un processus perpétuel de réflexion-action-réflexion, dans lequel la base sociale doit jouer un rôle de premier plan.
Nous entendons par actions «individuelles» le fait que des personnes se soient jointes au groupe local, puis à la Coopérative. Quand tel est le cas, les personnes peuvent continuer le processus amorcé lors des ateliers d'alphabétisation.
Voyons maintenant la participation des personnes au groupe local qui permet, après trois réunions, de devenir membre de la Coopérative. Nous avons recensé la participation à partir de juin 1981 dans le cas du Groupe d'Information Sociale de St-Alphonse et d'avril 1981 pour le Groupe de Solidarité Sociale de Rawdon, afin de bien saisir la contribution des ateliers a cette intégration.
Participation au Groupe de Solidarité Sociale de Rawdon avril 1981 À avril 1982
Note:
Participation au Groupe d'Information Sociale de St-Alphonse juin 1981 À mars 1982
Note:
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Comme le montrent les tableaux, les ateliers d'alphabétisation influent de façon modeste, fragile, mais réelle sur l'ajout de nouvelles participations au groupe local.
Il existe des différences entre la participation au Groupe de Solidarité Sociale de Rawdon et celle au Groupe d'Information Sociale de St-Alphonse. Elles ont trait à un facteur qualitatif important, soit la présence de personnes actives dans le groupe local au sein des ateliers d'alphabétisation.
Ainsi, dans le cas du Groupe de St-Alphonse, les personnes susceptibles de véhiculer la présence et les préoccupations du Groupe, ont eu une participation très inégale. De fait, il existait des conflits internes importants au sein du Groupe.
Dans le cas du Groupe de Rawdon, les personnes ont eu une participation plus assidue. Elles pouvaient, grâce à leur présence et leur contact, amener des membres de l'atelier au Groupe. Elles avaient aussi un discours beaucoup plus critique et percutant. Voici des extraits (corrigés) des écrits de Roi lande et Hélène.
Oui, il y a des travaux pour homme et femme. C'est comme ça parce que dans le passé les femmes n'avaient pas le droit de se servir de sa tête, ni le droit de parole. Sa place était à la maison et avoir des enfants et servir son homme.
Oui les choses ont changé avec le temps parce que les femmes se sont réunies et elles ont défendu leurs droits, et elles ont réussi à prouver qu'elles avaient une tête sur les épaules et une intelligence autant qu'un homme.
Pourquoi c'est important de se regrouper? Parce que ça nous fait rencontrer plusieurs personnes, avec qui on peut échanger nos idées. Ça nous permet aussi de prendre des décisions ensemble, sur des sujets qui peuvent nous aider à mieux vivre. En groupe, nous apprenons à mieux connaître nos droits et pouvoir s'unir ensemble pour régler nos problèmes.
Nous n'avons pas pu faire une analyse détaillée des motivations des personnes à se joindre au groupe local. Toutefois, on nous a souvent dit que les rencontres du groupe local sont un bon moyen «de se tenir au courant». On mentionnait aussi les avantages et les services reliés au fait de devenir membre de la Coopérative.
Enfin, nous ne voudrions pas passer sous silence le fait qu'outre les ateliers d'alphabétisation, les activités culturelles delà Coopérative (soirées dansantes, cabane à sucre,...) ont contribué à cimenter la solidarité interne du groupe local de chaque municipalité. Ces activités n'ont toutefois pas été la porte d'entrée au groupe local.
Elles ont été réalisées à la lumière des actions menées par les groupes locaux.
À Rawdon, suite à une suggestion d'une participante aux ateliers et au groupe local, nous avons collectivement rédigé une lettre au député Blouin pour avoir une copie en anglais du livre blanc sur l'utilisation des autobus scolaires dans le but de rejoindre les anglophones du milieu (atelier du 16 novembre 1981).
À St-Alphonse, toujours suite à une proposition d'une participante aux ateliers et au groupe local, les personnes ont rédigé une lettre au pharmacien de St-Alphonse l'invitant à donner davantage d'information sur les effets des médicaments prescrits (atelier du 23 mars 1982).
Nous pensons que les actions menées par les ateliers sont à la mesure des actions collectives menées dans le milieu par les groupes locaux et la Coopérative, du moins dans le contexte rural où nous nous situons: ce sont les seules forces collectives organisées et les plus accessibles pour les participants-es.
En ce sens, les alternatives qui se dessineront dans le milieu face au fatalisme et à la résignation offriront un débouché concret au travail réalisé dans les ateliers d'alphabétisation, au niveau de l'action tout au moins. Nous croyons alors qu'une combativité locale reste à développer, en comptant sur une période de temps réaliste, en lien avec l'organisation de la base populaire au niveau régional (Comité Régional des Assistés Sociaux de Lanaudière) et national (Front Commun des Assistés Sociaux du Québec).
À notre avis, à la lumière de notre expérience, les ateliers d'alphabétisation n'ont pas été un moteur de changement, mais une entrée dans un réseau de solidarité, où se retrouve et se regroupe véritablement une base populaire. Nous croyons à l'utilité de lier l'évolution des participants-es à un processus collectif et populaire de changement qu'incarnent la Coopérative et les groupes locaux.
Nous ne pouvons passer sous silence un élément central de la pratique d'alphabétisation: l'alphabétiseur. En fait, nous voulons «lancer» le débat sur les conditions d'une pratique d'alliance véritable avec les classes populaires, dont les analphabètes.
Rarement les chercheurs et les alphabétiseurs mettent leur statut, leur fonction et leurs intérêts à l'analyse, qu'il réservent d'ordinaire aux autres catégories sociales. Nous vous proposons donc de nous objectiver et de nous subjectiver. Cet exercice est d'autant plus difficile qu'il est autocritique et se fait ici d'une façon individuelle, donc limité comparativement aux possibilités d'une réflexion collective.
Pour limiter un nécessaire exposé scolastique, nous proposons le sommaire suivant d'une analyse sociologique de la réalité sociale. Deux critères vont déterminer la catégorisation des acteurs sociaux dans notre société, soit: le contrôle des moyens de production (usines, commerces,...) et la fonction politique et/ou idéologique. Ces dimensions de classification nous apparaissent plus rigoureuses qu'un critère comme le revenu par exemple, qui est plutôt à notre point de vue un effet facultatif de la réalité des classes sociales et de ses couches. Ces deux éléments de classification accompagnent une analyse critique de la société qui tient compte des inégalités socio-économiques.
L'écart de revenus entre les plus riches et les plus pauvres des Canadiens n'a cessé de grandir depuis 25 ans au point qu'en 1976, cet écart était deux fois et demie plus important qu'en 1951.54
Classes | Dimensions | |
Contrôle des moyens de production | Fonction politique et/ou idéologique | |
Bourgeoisie (propriétaires des usines, commerces,...) | + | + |
Nouvelle petite bourgeoisie (travailleurs-euses sociaux-ales, cadres intermédiaires, professionnels-elles,...) | 0 | + |
Prolétariat (travailleurs de la production, des services,...) | 0 | 0 |
Petite bourgeoisie traditionnelle (artisans, producteurs indépendants,...) | + | 0 |
Ainsi, la bourgeoisie contrôle les usines, exerce une fonction d'organisation et accapare le profit généré par le travail des ouvriers. Elle bénéficie de l'accroissement des inégalités socio-économiques. La petite bourgeoisie salariée, ou nouvelle petite bourgeoisie n'a pas de lien direct avec la production, mais joue un rôle politique et idéologique important. Structurellement, elle doit contribuer à la perpétuation des rapports de domination et d'exploitation. Les travailleurs avec ou sans emploi, où nous retrouvons les analphabètes, produisent la richesse ou en permettent la réalisation (travailleurs des commerces et des banques).55
Chaque classe sociale se subdivise en couches, et ne représente pas nécessairement un tout homogène au plan des intérêts, sauf sur le long terme où toute classe sociale tend à subsister. À titre d'exemple, un directeur d'un Service d'Éducation aux Adultes et un alphabétiseur, quoique tous deux membres de la nouvelle petite bourgeoisie, n'ont pas toujours les mêmes intérêts; cependant, en considérant strictement leur appartenance de classe, ils souhaitent tous deux maintenir leurs rôles, fonctions et statuts au sein du développement général de l'éducation des adultes.
À partir de ce sommaire bien insuffisamment, nous l'admettons, nous situons l'alphabétiseur au sein de la nouvelle petite bourgeoisie. L'appartenance de classe est différente de l'origine de classe, et du fait que l'on partage les intérêts d'une autre classe.
L'alphabétiseur a une fonction idéologique indéniable qu'il exerce dans sa pratique même d'alphabétisation. Conscient ou non, il véhicule des attitudes et des valeurs qui traduisent des options et des représentations de la réalité. Cette fonction idéologique est d'autant plus évidente que langage (écrit ou parlé), partie intégrante de la culture au sens large, est l'outil de travail de l'alphabétiseur.
Dans les faits, les deux classes fondamentales sont la bourgeoisie et le prolétariat. L'alphabétiseur (nouvelle petite bourgeoisie) fait partie d'une classe intermédiaire, mais pas neutre. Au sens fort des idéologies, il n'existe qu' «en tant qu'ensembles à cohérence propre et systématisée relative, l'idéologie bourgeoisie dominante et l'idéologie liée à la classe ouvrière»56.
L'alphabétiseur (nouvelle petite bourgeoisie) a un espace idéologique qui est un terrain de lutte entre l'idéologie bourgeoisie et l'idéologie ouvrière; il peut quelquefois y ajouter des éléments propres à son appartenance de classe.
L'alphabétiseur ne peut être neutre. Par exemple, face à l'analphabétisme, nous ne pouvons considérer notre analyse comme étanche de tout parti pris. Affirmer une neutralité, une objectivité ou un désintéressement apparents consiste en fait à dissimuler aux autres notre propre option. Au comble de l'aliénation, nous nous camouflerions notre position et nos propres intérêts.
De plus, tout ce que nous faisons en affirmant cette neutralité, c'est d'opter en faveur de la domestication que nous nous mettons simplement à déguiser.57
Faire de l'alphabétisation n'est pas un acte gratuit, désintéressé, «pour aider» ou «pour conscientiser». L'alphabétiseur a des intérêts et des bénéfices de court terme à faire de l'alphabétisation. Parmi ces derniers, outre les intérêts de long terme, mentionnons le fait d'avoir un travail rémunéré (c'est important en temps de crise), un contrôle relativement grand sur son travail et une certaine capacité d'influence par l'information, conduisant parfois au narcissisme. Aussi, le fait d'être stagiaire par exemple, comporte des intérêts de court terme bien évidents.
Généralités sur l'alphabétiseur d'un point de vue strict d'appartenance de classe
D'un point de vue strict d'appartenance de classe, l'alphabétiseur aurait peu conscience de la conformité de sa perception des choses avec la structure d'exploitation de l'ordre établi, et serait très loin d'une implication active au sein des associations revendiquant la reconnaissance et la promotion des droits des travailleurs avec ou sans emploi, dont les analphabètes.
De ce point de vue l'alphabétiseur qui se conformerait à ses intérêts stricts de classe irait parfois formuler des revendications liées à la question des revenus, se concentrant sur leur redistribution par le biais d'une justice sociale et d'une politique égalitaire de la fiscalité. Bien qu'hostile à la «grosse richesse», il serait attaché au maintien de hiérarchies salariales, insistant sur la nécessité d'une «rationalisation» plus juste. Il se préoccuperait peu du changement en profondeur des rapports sociaux de production.
Ses contestations des rapports politiques pencheraient fortement non pas vers la subversion des rapports, mais vers leur réaménagement par la «participation».
Ayant peur de la prolétarisation par le bas, attiré vers la bourgeoisie par le haut, il aspirerait souvent à la «promotion», à la «carrière», à l'«ascension sociale», à s'approcher de la bourgeoisie par le passage individuel vers le haut.
Enfin, polarisé entre la bourgeoisie et la classe ouvrière, isolé, il aurait une forte tendance à considérer l'État comme étant une force neutre en soi, opérant un arbitrage parmi les classes sociales en présence. L'État deviendrait un lieu de prédilection pour opérer cette mission «salvatrice» où la rationalité devrait venir à bout des intérêts contradictoires.
Naïveté qui n'aurait d'égal que l'ignorance des longues luttes de la classe ouvrière pour améliorer son sort.
Nous n'avons toujours pas de lien direct ou indirect (secteur commercial et banquier) avec la production et avons un rôle idéologique bien évident. Toutefois, au lieu de promulguer nos intérêts stricts de classe, nous voulons de façon consciente et délibérée promouvoir les intérêts de la classe ouvrière. Toutefois, notre appartenance de classe est toujours la nouvelle petite bourgeoisie.
Nous militons dans une association autonome, où il existe un «vide populaire» peu important. D'autres renégats de classe œuvrent au sein d'institutions gouvernementales et publiques où les espaces libres sont plutôt minces et le «vide populaire» plutôt grand.
«Nous ne croyons pas, pour notre part, à l'existence, sur un plan général, d'un militantisme volontaire totalement gratuit»58 de la part de ces personnes, bien qu'elles en tirent beaucoup de «légitimité et de signification par rapport à leur propre existence sociale»59. Elles bénéficient de considérations sociales proportionnelles à l'opacité apparente de leurs intérêts et bénéfices de court terme.
Qu'on ne s'y méprenne pas. Nous doutons moins de la légitimité idéologique, discursive et de la pratique des alphabétiseurs renégats de classe que des nouveaux-elles petits-es bourgeois-es respectant strictement leurs intérêts de classe. Nous voulons simplement mettre en lumière le fait que souvent, les inadéquacités pédagogiques sont à relier à notre appartenance de classe et aux habitus qui y sont greffés.
Prenons notre cas. Nous avons commencé cette réflexion par un exposé théorique (sur les classes sociales) et terminerons (très probablement!) par l'analyse de quelques faits. Nous avons procédé de façon déductive. Les analphabètes fonctionnent de façon inductive: ils partent des faits qu'ils observent pour en faire des généralisations; c'est toute l'importance à accorder au «vécu» des gens, duquel ils sont partie prenante.
La distanciation nécessaire à établir face à ce «vécu» pour qu'il devienne objet de connaissance, doit se réaliser dans trois opérations (non-successives nécessairement) selon nous: une connaissance pratique de la réalité populaire, une capacité de faire émerger ce «vécu» et une habileté à le représenter de façon simple et organisée. Pour l'alphabétiseur, ces exercices ne sont pas sans poser certains problèmes. Habitué qu'il est de discourir sur des nuances, sensible à l'intellectualisme cartésien qui doit lui donner les réponses qu'il cherche, et craintif lui-même de parler de son propre vécu, il fait face à un défi culturel qui est susceptible de remettre en question ce qui précisément justifie sa fonction.
L'alphabétiseur (nouvelle petite bourgeoisie) a généralement en tête le plan d'une démarche, un programme, des objectifs plus ou moins opérationnelles, des activités pédagogiques, etc. Tenus par le rationnel de son intervention, l'alphabétiseur en oublie l'importance d'explorer la dimension culturelle des analphabètes avec eux. (Nous rapportons ici un court échange que nous avons eu au tout début des ateliers.)
L'exemple est peut-être caricatural. Tenus par l'importance de réaliser l'activité, nous avons «oublié» d'échanger un peu plus avec la participante sur ses propos. Connaissant maintenant cette personne, nous savons l'importance qu'aurait eu sa contribution si un échange plus approfondi sur les raisons pour lesquelles «ça allait lui faire du bien» avait eu lieu.
Il nous a été donné l'occasion de participer à une session du Regroupement des Organisateurs Communautaires du Québec. Lors de cette session, il se trouvait des assistés sociaux qui ont livré, au terme d'une activité pédagogique, leurs perceptions (appuyés d'exemples) d'eux-mêmes et des intervenants au sein des groupes populaires.
Perception de la classe ouvrière
d'elle-même | de la nouvelle petite bourgeoisie (intervenants-es au sein des groupes populaires) |
croyants-es | lit beaucoup |
lit peu | sont professeurs |
aime le concret | ont des grands mots |
fait confiance | froids, distants |
n'a pas confiance en soi | sont au-dessus du monde, pas avec |
travailleur | font des voyages, ont des vacances |
échange des services | peuvent payer des garderies privées |
croit en la religion, l'horoscope, la loto, les cartes | ne sait pas fêter |
aime jouer, fêter, conter des histoires | beaucoup de biens matériels (autos, maisons, lave-vaisselle) |
chaleureux, accueillants | veulent bien paraître |
habileté manuelle | pour aller chez eux, ça prend un rendez-vous |
pas compliqués-es, simples | ont-ils-elles des amis-es? on ne le sait pas |
disponible, vrai, généreux | écoute du classique |
ont peur de déranger | ne sont pas à l'écoute |
on sent plus que ce qu'on dit | sont compliqués |
créateur | donne l'image d'être supérieur |
se sent coupable | |
fierté | |
a une image négative de soi |
Aussi, lors d'un récent colloque régional sur l'action communautaire tenu à Joliette, des assistés sociaux ont servi de ressource à des intervenants. Alors que ces derniers mentionnaient leurs valeurs fondées sur l'autogestion, la coopération et la prise en charge, les personnes-ressources ont mentionné que parfois (elles ne veulent pas être méchantes ont-elles souligné) les intervenants parlent à leur place, décident pour elles, reprennent ce qu'elles disent en d'autres mots et se font confier trop de tâches...
Nous avons entendu le témoignage d'une personne assistée sociale qui parlait d'intervenants au «linge déchiré», aux «cheveux sales», qui «sentaient fort». L'apparence de «contre-culture» de ces intervenants, qui voulaient en fait signifier leur dégagement à l'égard des jugements portés sur l'image vestimentaire, avait un effet non souhaité: «c'est nous manquer de respect».
Tenter d'enlever du vocabulaire des analphabètes le mot «professeur» à l'«intérieur» d'un atelier est une chose; empêcher le phénomène de se répéter lorsqu'un-e participant-e aux ateliers parle à l'«extérieur» de son «professeur» ou de sa «maîtresse» qui est bien gentille en est une autre. La pratique en alphabétisation peut tendre à s'établir sur la base d'un rapport d'échange inégal, et faire des alphabétiseurs des petits gestionnaires locaux. Le plus alarmant est que cette relation reproduit des rapports de domination et d'aliénation dont les analphabètes sont déjà la cible au sein de la société.
On peut nier son appartenance de classe par toutes sortes de rationalisations (origine de classe, revenu ou défense des intérêts d'une autre classe). Pourtant, en se disant de la classe ouvrière ou «hors classe», plus rien n'empêche un-e petit-e bourgeois-e de prendre le contrôle de l'association qui continue alors à échapper au véritable contrôle populaire. Le défi est d'établir une «démocratie du pouvoir» et non un «pouvoir du savoir».
Les nouveaux petits bourgeois qui œuvrent de près ou de loin en alphabétisation et qui s'alignent plus ou moins consciemment sur la bourgeoisie, ont une cohérence quasi parfaite: ils haïssent les groupes populaires par méconnaissance, négligent la culture populaire par leur isolement de privilégiés économiques, et «paternalisent» les analphabètes qui justifient leur emploi. Ils ont des intérêts carriéristes face à 1'alphabétisation.
L'alphabétiseur renégat de classe a ce désir de s'allier aux analphabètes et à la classe ouvrière en général, pour promouvoir le droit véritable à l'éducation populaire, dont l'alphabétisation. Mais, dans sa tâche, sa détermination structurelle de classe le situe en pleine contradiction: il existe une certaine incompatibilité culturelle entre ses moyens et les caractères propres qui marquent l'identité des classes populaires.
L'apparente apathie de ces dernières comporte dès lors un fondement objectif bien réel soit, une différence très profonde qui, au niveau de l'univers sociologique global, les sépare de la petite bourgeoisie intellectuelle, en outre.60
Rien n'indique qu'un formateur non-professionnel puisse échapper à cette contradiction. Le bénévole peut aussi être identifié à l'autorité. Car faut-il le rappeler, l'appartenance de classe ne réfère pas à la formation, au revenu ou à la bonne volonté, mais bien au rôle politique et-ou idéologique et au lien qu'a un individu avec la production dans le procès même du travail d'alphabétisation. Sans un changement profond des rapports sociaux actuels, nos propos ne doivent donc pas servir à justifier l'utilisation d'alphabétiseurs sous-payés, plus ou moins obligés de faire les frais de priorités budgétaires allant dans le sens d'une inégalité accrue des ressources publiques entre la bourgeoisie et la classe ouvrière.
Une véritable alliance présuppose selon nous la reconnaissance chez la nouvelle petite bourgeoisie et la classe ouvrière d'un intérêt commun à long terme, et un égal bénéfice à dépasser les contradictions actuelles pour en arriver à des rapports sociaux égalitaires et démocratiques larges, que nous désignons sous le vocable «socialisme» (non-dégénéré). Utopie, collective certes, bien différente des utopies nombrilistes (matérielles, psychologiques,...).
À cet égard, une cohérence entre le discours et la pratique de l'alphabétiseur doit se manifester: un véritable parti pris pour les analphabètes doit nécessairement conduire à des implications sociales plus profondes et critiques.
Nous avons fait état au début de cette partie des problèmes que peut poser notre appartenance de classe. Loin de nous la prétention de pouvoir formuler tout ce qui doit être envisagé pour aménager ces contradictions et ces tensions dans le sens d'une véritable prise en charge des analphabètes par eux-mêmes, nous voulons illustrer, avec nos capacités et nos limites, l'alphabétiseur idéal.
Nous pensons tout d'abord que cette personne doit avoir une vision de la réalité en terme de lutte de classes. Elle est donc en mesure de comprendre les rouages de l'exploitation dont sont victimes les analphabètes et la classe ouvrière en général, et les possibilités de transformation de ces mécanismes. Cette vision de la réalité nourrit un projet de société et une critique des implications politiques de sa pratique.
On comprend aisément qu'un ressourcement permanent est de première nécessité.
Il faut aussi se solidariser avec le groupe, de façon inconditionnelle, de prendre soin de créer une solide relation de confiance. C'est, à notre avis, une condition essentielle de la bonne marche d'une pédagogie de prise en charge. Il faut donc être à l'écoute, ouvert-e, simple et ne pas se censurer.
Dans ce qui marque les différences culturelles, le langage est sans doute ce qui est le plus évident. Le langage couvre bien sûr des réalités multiples: la pensée, l'expression, le vocabulaire, etc. Étant limité pour en traiter tous les aspects, nous allons insister sur quelques éléments.
Ainsi, dans le choix des thèmes, le problème n'est pas tellement de les choisir sous un vocable large (exemple: le travail, l'inflation,...) mais beaucoup plus dans ce qu'ils ont de particulier à la population avec laquelle on intervient. C'est toute l'importance du libellé du thème. Ainsi, au lieu d'intituler le thème «La publicité», il aurait mieux valu écrire «Celle qui se prend en douceur».
Aussi, dans l'utilisation des figures de style, il nous semble que nous devons réaliser l'apprentissage des métaphores et des comparaisons. Elles sont extrêmement abondantes et semblent un trait culturel particulier des Québécois-es61. Les exemples abondent:
Enfin, un effort de connaissance de la réalité populaire doit être fait pour non plus référer à des concepts, mais à des réalités vécues. Souvent, ces faits sont merveilleusement parlants. Par exemple, personnifier la richesse en parlant de X..., qui fait partie de l'élite locale.
Parmi les représentations et attitudes des analphabètes, il en existe qui sont plutôt teintées de l'idéologie dominante, d'autres de l'idéologie populaire. Dans le premier cas, il conviendra de les questionner; dans le second, de les soutenir et de les valoriser (on peut appeler ça une déculpabilisation face à l'écart de la norme sociale).
C'est un nouveau matériel qui s'ajoute au contenu plus formel des ateliers et qui est davantage spontané. Il est produit sous nos yeux, au cours des ateliers. Voici une typologie (incomplète) de «lieux communs» et interventions possibles.
Culture dominante | Culture populaire |
«faut pas se plaindre» (oui il faut se plaindre); | rires et farces (posséder un bon sens de l'humour et un bon répertoire); |
«Yvan, j'peux-tu méprendre un autre café?» (ce n'est pas moi le boss); | habileté manuelle: «J'ai fait ça avec...» (souligner l'originalité et la créativité); |
«il ne faut pas se mêler des affaires des autres» (c'est important de s'entraider); | aime les fêtes (assister aux soirées dansantes); |
«ça prend quelqu'un qui connaît ça» (vous avez des idées, une expérience de vie); | on ne dit pas qu'on n'a pas 25$pour le café (être conscient-e; que les assistés sociaux n'ont plus d'argent à la fin du mois et offrir le café); |
«Yvan, tu t'es trompé là» (ben oui, tout le monde se trompe, moi plus souvent qu'à mon tour). | ma mère faisait ça pour soigner la grippe (je ne savais pas ce truc: je vais l'essayer). |
Il faut rendre les participants-es responsables, éviter de «faire à la place de». Dans les discussions autour des thèmes, ce n'est pas à nous de soutenir des contre-arguments dans un débat, d'autant plus si les positions sont très différenciées. On pourrait alors faire renaître le réflexe de s'en remettre de nouveau à des experts et de jouer le-la paternaliste-maternaliste. En fait, la mise en situation doit être suffisamment adéquate pour permettre l'expression critique. Sinon, il faut repenser son matériel.
Aussi, nous ne pouvons passer sous silence l'aspect religieux qui est une dimension importante de la culture populaire. Il convient, nous croyons, d'en souligner les valeurs fondamentales, au-delà de ses aspects traditionnels, institutionnels et mythiques: la justice, l'égalité et la solidarité. La religion, si on veut bien y voir autre chose qu'un piège fataliste, peut devenir un élément de réflexion et de sensibilisation aux valeurs collectives. Nous rejoignons ici la nécessité d'un cheminement de conscience par niveaux successifs.
Enfin, il ne faut pas se culpabiliser de son appartenance de classe. Il faut plutôt s'interroger sur les modalités de partage de ses connaissances et leurs implications sur la prise en charge par les gens de leurs propres conditions de vie.
Un indice précieux de satisfaction est la présence des participants-es aux ateliers. Comme l'indiquait l'une d'elles dans son évaluation écrite:
Si j'aurais pas aimer mes cours de l'alphabétisation, j'aurais rester chez nous. Comme j'ai aimer cela j'ai retourner.
À ce titre, nous comptons en moyenne deux abandons par atelier.
Nous livrons maintenant les faits saillants des évaluations d'étape (décembre 1981) et finale (avril 1982) rédigées par les participants-es. Étant donné la similitude des propos des deux évaluations, nous allons les considérer conjointement. Les propos des participants-es sont livrés sans correction des textes.
De façon unanime, les participants-es considèrent qu'ils-elles ont appris beaucoup.
On a apris beaucoup. Maintenant on peut écrire sans trop de faute, et compter sans trop de défficulté.
Et maintenant Je suis capabe de faire des lettres sans fote Je suis capable de faire des composition.
Quand je suis contente de me voir que écrie des mots seul parce que j'aivais de la dêfuqueté à écrire. Je suis bien contente.
J'ai bien apris a écrire a compté à lire et on a aprix a faire des chèques une lettre et non verbe et nos arethmétiques des compositions faire de la recherche dans le dictionnaire.
Les participants-es ont aussi formulé des commentaires sur les discussions autour des thèmes, bien que ceux-ci soient moins nombreux que les premiers.
C'est de se rencontrer deux soirts par semaine et partager ensembles nos idées et de pouvoir s'aider.
La rencontre du groupe tout en apprenent. on discutais de différant sujets, entre nous et les professeurs.
Comme je me trouve heureuse d'avoir appris et aussi nous avons appris beaucoup de choses nouvelles qui a été pour nous enrichisent.
Maintenant: jai l air moins idiote quant Le monde me pose des question à certain sujet parce que avec vous l autre je n 'ai appris pas mal sur les loi etc etc
Aussi, plusieurs commentaires ont trait à différentes caractéristiques des ateliers.
J'ai aimé travailler en équipe. Les professeurs qui savaient rire au bon moment pour nous détendre.
J'étai perdu je ne savais pas à qui parler et qui répondrais à mes question sans faire rire de moi
...et faire notre évaluation chacun notre tour ça nous aide beaucoup à exprime devant les autres sa nous dégel
Mon mauvais souvenir des cour Quand nous donne un composition que je ne puis pas écrie parce que ces des choses qui se par dans bien des chose comme le gouvernement logement et la publicité et le chômage, etc.
Enfin, à quelques reprises, on mentionne ce désir d'apprendre davantage.
Si c'était possible d'avoir des cours comment une personnes s 'implique dans un group et ses tâches pour mieux connaitre et aider à comprendre (...) un peut comme vous faites dans ce moment mes avec plus de gens qui aide à la C.S.M.L. et les groupes
Félicitation à tous les deux animateur j'espère vous revoir un jour, et qu'il reviennes nous montré l'alphabétisation, à L'enprochain Si Dieu le veut.
À ces derniers propos, nous avons souligné que c'était plutôt à l'Équipe d'Éducation populaire de la Coopérative de décider de l'an prochain. ..
Nous pensons que la pratique actuelle d'alphabétisation doit être soutenue dans ses forces et stimulée dans de nouvelles pistes de recherche.
Parmi les points forts, nous pensons que la poursuite de deux niveaux d'apprentissage (syllabique et grammatical) est valable dans le cadre des groupes hétérogènes. Il faut aussi retenir, à notre avis, la démarche d'apprentissage et de réflexion sur les thèmes, et la parfaire à la lumière des commentaires d'autres alphabétiseurs.
Également, nous souhaitons que la réflexion critique sur les rapports inégalitaires entre alphabétiseur et participants-es se poursuive.
En ce sens, il y aurait lieu de pousser la connaissance de la réalité populaire, et ce dans l'optique d'un choix judicieux des thèmes et de leur libellé. Dans cette perspective, les mises en situation devraient être claires, de sorte qu'il soit possible de faire des liens logiques entre les faits contradictoires, accompagnées d'un questionnement adéquat.
Avec l'amélioration du matériel, une démarche de réflexion avec les participants-es pourrait être plus délibérément progressive, en favorisant dans un premier temps l'expression pré-critique, puis l'expression critique.
Aussi, vouloir intégrer le plus de participants-es possibles aux groupes locaux et à la Coopérative, en étant conscient-e du rôle fondamental des membres de la Coopérative présents-es aux ateliers, est souhaitable.
Dans cette optique, nous souhaitons ardemment le développement de la vivacité et de la combativité des membres de la Coopérative et des groupes locaux. L'impact des ateliers d'alphabétisation n'en serait que plus grand.
COMEAU, Yvan et LAVALLEE, Claude. Alphabétisation populaire en milieu rural: un cas type, Coopérative de Services Multiples de Lanaudière, Ste-Julienne, juin 1981, 81 p.
DORE, Gérald. Pour faire le bilan de nos luttes: étude de l'impact, G.R.A.P., cahier 3, Québec, 1981, 29 p.
DORE, Gérald. Luttes populaires sur des enjeux de politiques sociales: éléments d'une grille d'évaluation, G.R.A.P., Université Laval, 1977, 26 p.
DORE, Gérald et MAYER, Robert. L'idéologie du réaménagement urbain à Québec. Une ville à vendre, EZOP-Québec, cahier 4, Québec, 1972, 378 p.
DUMONT, Fernand. Les idéologies, P.U.F., Paris, 1974, 181 p.
D'UNRUG, Marie-Christine. Analyse de contenu et acte de parole, Ed. Jean-Pierre Delage, Paris, 1974, 270 p.
FORTIN, Denis. Le métier d'intellectuel militant... de gauche, Ed. Autogestionnaires, Québec, 1980, 18 p.
FORTIN, Denis et ROLAND, Marc. Mobilisation, conscientisation et direction politique, G.R.A.P., Ed. Autogestionnaires, Québec, 1980, 23 p.
FORTIN, Denis et ROLAND, Marc. Conditions... d'une stratégie de développement et de lutte, G.R.A.P., Éd. Autogestionnaires, Québec, 1980, 19 p.
FREIRE, Paulo. L'éducation: pratique de la liberté, Ed. du Cerf, 1978, 154 p.
FREIRE, Paulo. Pédagogie des opprimés, Maspero, 1974, 200 p.
FREIRE, Paulo. L'éducation: domestication ou libération, in Perspectives, Revue internationale de l'éducation, UNESCO, vol. II no. 2, été 1972, 10 p.
HARNECKER, Martha. Les concepts élémentaires du matérialisme historique, Éd. Contradictions, Bruxelles, 1974, 258 p.
HARNOIS, Luce, LANGLOIS, Lucie, BOLDUC, Colette, MARCOTTE, Ginette et COMTOIS, Lucien. L'habitation en milieu rural: derrière le pittoresque, Coopérative de Services Multiples de Lanaudière, (en voie d'impression).
HAUTECOEUR, Jean-Paul. Analphabétisme et alphabétisation au Québec, D.G.E.A., Québec, 1978, 166 p.
HUMBERT, Colette. Conscientisation, INODEP, Paris, 1976, 166 p.
ICEA. Pour une démocratisation de l'éducation des adultes, Éd. Coop. Albert St-Martin, Laval, 1981, 60 p.
LAPERRIERE, Micheline et WAGNER, Serge. L'alphabétisation à repenser, Carrefour d'Éducation Populaire de Pointe St-Charles, Montréal, 1 980, 322 p.
MOREUX, Colette. La conviction idéologique, Les Presses de l'Université du Québec, Montréal, 1978, 126 p.
MUCCHIELLI, Roger. L'analyse de contenu des documents et des communications , Séminaires de Roger Mucchielli, Ed. E.S.F., Paris, 1979, 133 p.
POULANTZAS, Nicos. Les classes sociales dans le capitalisme aujourd'hui, Seuil, 1974, 315 p.
REGROUPEMENT DES GROUPES POPULAIRES EN ALPHABETISATION. L'alphabétisation au Québec: situations et recommandations, Mémoire présenté à la C.E.F.A., Montréal, juin 1981 , 90 p.
ROCHER, Guy. Talcott Parsons et la sociologie américaine, Paris, 1972, 238 p.
À l'usage des participants et participantes des ateliers d'alphabétisation 1981-82. Ce sont eux et elles qui en ont composé les textes.
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Coopérative de services multiples de Lanaudière
1462, rue Ste-Julienne,
Ste-Julienne, Que
J0K 2T0
(514) 831-3333
La publicité profite surtout aux compagnies. C'est nous qui payons la publicité. Ça nous incite à acheter plus, La télévision fait de la publicité pour vendre davantage.
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Ces personnes sont les propriétaires, des gros producteurs comme les gens de la bourse. Ils ont fait une entente pour monter les prix dans tous leurs commerces et magasins. Ils ont mis le prix de $2.59 en changeant le nom de la marchandise. Non, les prix ne sont pas toujours justes.
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La différence avec la coopérative c'est que ce n'est pas un patron qui mène et ce n'est pas pour faire des profits. C'est aussi s'entraider et essayer de trouver des solutions ensemble et ça nous appartient à nous les membres. Tandis qu'une entreprise privée ça appartient à des actionnaires ou bien à une seule personne. Ce sont eux qui font de l'argent et ils en profitent à nos dépends, malheureusement.
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Oui, il y a des travaux pour homme et femme.
C'est comme ça parce que dans le passé les femmes n'avaient pas le droit de se servir de sa tête, ni le droit de parole. Sa place était à la maison et avoir des enfants et servir son homme.
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Oui les choses ont changé avec le temps parce que les femmes se sont réunies et elles ont défendu leurs droits, et elles ont réussi à prouver qu'elles avaient une tête sur les épaules et une intelligence autant qu'un homme.
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Moi, je connais un homme dans la quarantaine. Son métier était couvreur sur des toits de maison. Une journée en travaillant il a tombé en bas du toit et il s'est cassé la colonne. Depuis cet accident, il ne peut plus travailler. Il a été hospitalisé plusieurs mois. Aujourd'hui , il vit avec l'assurance du travail et aussi un peu d'aide sociale.
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Ca: MÉDI_ _MENT
ça: RIN_ _G E
ui: ENS_ _TE
ph: _ _RASE
Au Québec, je trouve que l'avenir est bien sombre. Si ça continue nous allons avoir beaucoup de misère. Je me demande bien qu'est-ce qui va arriver. Je suis sûre que nous allons avoir beaucoup de misère à nous en sortir si ça continue. Les gouvernements ne font pas grand chose pour venir en aide aux personnes qui en ont vraiment besoin.
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Moi je pense que les gouvernements devraient faire leur possible pour donner de l'ouvrage à tout le monde et faire baisser les prix sur la nourriture, les vêtement et l'électricité. Au lieu d'ouvrir des casinos le gouvernement devrait faire bâtir des usines pour faire travailler les jeunes.
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Pour avoir des vacances il faut que je travaille régulièrement. J'aimerais faire d'autres vacances selon le moyen de vivre. Je ne peux y aller en vacances cette année parce que je n'ai aucun sou à ma disposition.
Voici le tableau du barème d'aide sociale pour l'année 1982 (augmentation 8%): inflation 12%
Adultes | enfants à charge | Prestations d'aide sociale |
1 | 0 | 357.$ |
1 | 1 | 488.$ |
1 | 2 | 526.$ |
1 | 3 | 526.$ |
1 | 4 | 526.$ |
2 | 0 | 568.$ |
2 | 1 | 615.$ |
2 | 2 | 651.$ |
2 | 3 | 651.$ |
2 | 4 | 651.$ |
Comment est-ce possible d'avoir des vacances? |
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Pourquoi c'est important de se regrouper? C'est important pour connaître les lois et les pouvoirs que nous avons en étant en groupe, car plus de monde plus d'idées sur le travail, les services sociaux, les médicaments, les choses que l'on connaît pas. Ça nous donne le moyen de communiquer et connaître davantage.
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Coopérative de services multiples de Lanaudière
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C'est important de se regroupée pour mieux s'aider à connaître nos droits et se défendre contre les usines auprès du Ministère du Travail. La majorité fait la force. Plus que les gens comprennent et se réunissent, il y aura une plus grande chance de gagner notre but envers la justice. Les droits des travailleurs seront reconnus avec le syndicat et le contrat collectif.
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ÇA SA
On écrit «sa» quand on peut mettre «ma» ou «ta» à la place. Si on ne peut pas le mettre on écrit «ça».
Exemple: La Coopérative, ça nous appartient à nous les membres.
On ne peut dire «ta» nous appartient. Alors on l'écrit avec un Ç.
Elle a seulement sa (ma-ta) pension pour vivre.
Ici on peut mettre «ma» ou «ta» pension, alors on l'écrit avec un S.
C'EST SES
C'est = cela est
Si on ne peut pas mettre cela est on écrit ses.
Exemple: C'est (cela est) important de se regrouper pour faire reconnaître ses droits.
Ici on ne peut pas dire «cela est» droits, alors on écrit ses.
Choses que l'on peut compter:
pas de S (singulier)
avec un S (pluriel)
Singulier (pas de S)
au... au Gouvernement
un, une... une participante
le, la, 1'... le texte, l'enfant
mon, ton, son.... mon patron
ma, ta, sa... sa famille
leur... leur logement
pas de... pas de trouble
aucun,.. aucune personne
Pluriel (avec un S)
les... les participants
des... des profits
de, d'... coop de services, douzaine d'œufs
aux...aux dépends de nous
mes, tes, ses... tes travaux
nos, vos, leurs... leurs droits
plusieurs... plusieurs questions
CE / C' | SE / S' |
ce qui ce que ce qu'il | |
Devant le verbe être: CE / C' | Devant les autres verbes: SE / S' |
c'est ce sont c'était ce sera ce n'est pas ce fut | se décourager se faire entendre se respecter se retrouver etc. |
Exemple: La différence avec la coopérative c'est que ce n'est pas un patron qui mène. | II faut se regrouper |
ON | ONT |
On le voit souvent au début d'une phrase. Ça veut dire«le monde». | : verbe «avoir» au pluriel |
On peut remplacer par a | |
Exemple: On (le monde) ne veut pas de nucléaire | Ils ont appris beaucoup. Les banques ont (a) fait beaucoup de profits. |
SON | SONT |
veut dire que ça appartient à quelqu'un. | verbe «être» au pluriel. |
Exemple: Son usine pollue l'air. | Exemple: Les industries sont (est) les grands pollueurs. |
L'
Quand le mot commence par une voyelle (a-e-i-o-u-y) ou un h, le ou la devient l'.
Exemple: un autobus: l'autobus
un horoscope: l'horoscope
une épaule: l'épaule
La finition des mots: | ||
grand grande | gros | produit |
rond ronde | gris | lourd |
petit | long |
En trouvant le féminin, on trouve en même temps la dernière lettre du mot au masculin.
É ou ER à la fin des verbes.
On utilise bâti et bâtir pour s'aider à les choisir.
Si on peut mettre bâti, on laisse le verbe avec É. Si on peut mettre bâtir, on écrit ER.
Exemple: J'ai arrêté (bâti) de travailler (bâtir) .
À
Exemple: Je m'en vais à la manufacture, à quatre heures, à pied à cause que le gaz coûte trop cher.
Je m'en vais
OÙ? à la manufacture
QUAND? à quatre heures
COMMENT? à pied
POURQUOI? à cause du gaz qui coûte trop cher.
Autre exemple: J'exige de l'emploi au gouvernement parce que j'ai droit à du travail.
J'exige À QUI? au gouvernement.
j'ai droit À QUOI? à du travail.
A
Pour les autres cas. C'est le verbe avoir.
Exemple: Il y a une crise économique.
L'usine a fermé ses portes.
Finitions des verbes:
en ER: chômer, payer, se regroupe, demander, mener, penser, manger, avancer, etc.
(au présent) Je pense
Tu penses
Lucie, II, elle, on, ça pense
Nous pensons
Vous pensez
Les femmes, ils, elles, pensent
en IR: finir, agir, aboutir, se réunir, choisir, réfléchir, saisir, etc.
(au présent) Je finis
Tu finis
Paul, il, elle, on, ça finit
Nous finissons
Vous finissez
Les hommes, ils, elles, finissent
(imparfait) Je prenais
Tu prenais
On, il, elle prenait
Nous prenions
Vous preniez
Ils, elles prenaient
(Quelques exemples)
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Pu | -pa- | -pe- | -pi- | -po- | -pu- | -pé- |
patron | soupe | piastre | poche | publicité | pédale | |
bli | -bla- | -ble- | -bli- | -blo- | -blê- | -blé- |
blague | bible | Bibliothèque | bloc | blême | blé | |
ci | -ci- | -ce- | -cé- | -cè- | ||
ici raccourci | ce ciseau | céréale | cèdre | |||
té | -ta- | -te- | -ti- | -to- | -tu- | -té- |
taverne | pâte | utile petite | tôle | tube | côté |
Un et plusieurs.
Il y a une bouteille. Il y a des bouteilles.
Il y a une caisse. Il y a plusieurs caisses.
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Choisir la somme syllabe pour compléter le mot
PA - PE - PI - PO - PU - PÉ
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BLA - BLE- BLI- BLO - BLÊ - Blé
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CI -CE - CÉ - CÈ
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TA - TE - TI - TO - TU - TÉ
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Yvan Comeau
Coopérative de services multiples de Lanaudière
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1462, rue Ste-Julienne,
Ste-Julienne (Québec) JOK 2T0
(514) 831-3332
juin 1983