Table des matières

Avant-propos

Dans la campagne québécoise d'antan, le mois de janvier avait la réputation de ne pas être comme les autres. Les festivités familiales s'y succédaient d'une façon presque ininterrompue.

Au cours des veillées qui s'organisaient alors, un événement en particulier avait l'art de captiver l'assistance: c'était la participation du «conteur d'histoires».

Lorsque celui-ci toussait bruyamment et avançait sa chaise vers le milieu de la cuisine, l'auditoire comprenait que le spectacle allait commencer. Un silence peu commun s'installait dans la maison.

Après avoir bourré sa pipe d'un tabac odoriférant, le conteur commençait sa première histoire.

Pour tenir ses auditeurs en haleine, le conteur avait plusieurs tours dans son sac. Lorsque son récit s'y prêtait, il appuyait ses dires par la mimique de son visage et par des gestes appropriés. Il avait recours aux différentes intonations de voix pour souligner tantôt les passages sinistres d'un conte, tantôt les drôleries de l'un de ses personnages. Le spectacle ne manquait pas de couleur, ni les histoires de piquant.

Chaque conteur possédait son propre répertoire d'histoires. Elles étaient transmises de bouche à oreille sans être écrites.

Ces histoires s'inspiraient souvent de très vieux contes d'origine française. On y évoquait des royaumes lointains où régnaient des rois et des princesses et où de malicieux personnages comme les sorciers venaient semer la zizanie. Comme dans les films, les choses finissaient par s'arranger et l'histoire se terminait sur une note de gaîté.

À l'occasion, le conteur se servait de contes plus cauchemardesques qu'il gardait pour la fin de la soirée, au moment où les enfants étaient couchés.

Avec les années, les conteurs déformèrent ces légendes européennes et y introduisirent des éléments typiquement québécois. Certains y prirent goût et inventèrent leurs propres histoires basées sur des faits survenus au pays. C'est ainsi que sont nés des contes tels «La chasse-galerie» et «La Corriveau» qui sont encore sur les lèvres des vieux conteurs québécois.

Les contes variaient en longueur. En moyenne, ils pouvaient durer entre une demi-heure et une heure.

Lorsque l'histoire s'achevait, le groupe manifestait son contentement en applaudissant à tout rompre. Le maître de la maison s'empressait de verser un grand verre de «remontant» à l'artiste qui l'acceptait avec un sourire.

La légende du Petit Lac de Roxton

[Voir l'image pleine grandeur] Personnages qui dansent près d'un lac bordé d'arbres

Je vous mets donc en garde, mes bien chers frères, contre ces pratiques pernicieuses que des étrangers tentent d'implanter parmi nous. La danse, je vous le répète, est toujours une occasion de péché et provoque inévitablement des désordres et des scandales qui ternissent l'honneur des familles et excitent la colère de Dieu.

Vous vous demandez sans doute, vous qui ne connaissez pas les Cantons de l'Est, où peut bien se trouver Sainte-Pudentienne. Roxton Pond! n'est-ce pas que ça vous dit déjà quelque chose? Et quand j'aurai ajouté que le Petit Lac est situé à sept milles au nord de Granby, vous serez tout à fait fixés.

Le samedi soir venu, de larges charrettes à foin, omnibus des campagnes, circulaient dans les «rangs» et racolaient, chemin faisant, danseurs et danseuses. Arrivé à la demeure d'un invité, l'équipage stoppait et l'on faisait l'appel au moyen de porte-voix. Presque aussitôt, l'huis entrebaillé laissait entrevoir la binette délurée de la «fille de la maison». Et lazzis de pleuvoir:

  • Ho donc, tu es assez belle comme tu es. Assez de frisettes, on est déjà en retard!

Plus loin, c'était un garçon d'habitant qui venait de finir son «train» et qui s'attardait à se mettre plus faraud dans son veston des dimanches:

  • Dépêche, Nazaire, lui criait le conducteur habituel de la charrette, Arcadius Francoeur, un ancien tisserand de Fall River, dépêche, mes chevaux ont le frisson.

La maman et le papa ne trouvaient guère ces comportements à leur goût et avaient, maintes fois, manifesté leur sentiment à cet effet, mais Albina avait parlé de les planter là pour s'en aller à Granby travailler à la manufacture si on ne lui laissait ses franches coudées.

Quand à Nazaire, un rude travailleur qui trimait dur toute la semaine, il était convenu, depuis longtemps, qu'il était le maître de ses allées et venues. Le père, avec sa philosophie de laisser-faire, avait haussé les épaules et murmuré: faut bien que jeunesse se passe!

C'était ainsi tout le long des «rangs» jusqu'au Petit Lac où l'on arrivait vers les huit heures, en chantant en chœur: «Tu n'es pas maître dans ta maison quand nous y sommes»! ou bien «Laissez passer les raftmen».

Les promoteurs, recrutés dans chacune des paroisses circonvoisines, avaient fait construire, sur le bord du lac, une longue plate-forme entourée de garde-fous (soit dit sans malice).

De temps à autre, durant la soirée, des couples quittaient l'enceinte de la danse et se dirigeaient vers le bois, pour aller s'y rafraîchir, car vous vous doutez bien que l'institution chorégraphique de Sainte-Pudentienne possédait son indispensable buffet.

Les «rafraîchissements» ne faisaient pas défaut: sandwiches au fromage de porc, gâteaux, roulades au sucre du pays, pets de nonnes, etc. Des paniers dissimulés sous les sapins regorgeaient de flacons et de bouteilles. Il y avait de la bière d'épi-nette et du vin pour les dames, mais le whisky surtout ne manquait pas.

Antoinette Croteau était une jeunesse fort espiègle qui allait avoir ses vingt-deux ans. Jolie, quoique d'une joliesse un peu commune ce qu'on appelle une beauté du diable nature accorte, enjouée, elle n'avait pas, comme on dit, la langue dans sa poche. Antoinette était l'âme d'un des groupes qui s'étaient formé, à l'issue de la messe, et commentaient le sermon du curé Michelin.

Somme toute, les jeunes n'étaient pas persuadés et Toinette, comme on l'appelait tout court, qui en tenait pour Jerry Cunningham, de Granby, le «time-keeper» de Bradford, et ne perdait pas une occasion de se pousser, fut la première à proposer une petite sauterie pour le samedi suivant.

Ce samedi-là, la journée avait été d'une chaleur accablante. On était au commencement d'août et une longue sécheresse sévissait. Aussi, la perspective d'une bonne soirée à rigodonner et rigoler sous la brise fraîche du lac avait réuni un nombreux essaim de danseurs et danseuses et le père Chicoyne, le violoneux, était à son poste.

Parmi les danseurs venus ce soir-là se trouvait un jeune homme qui pouvait avoir vingt-cinq ans. Qui était-il? D'où venait-il? Qui l'avait invité? Belle taille, figure souriante, moustaches relevées en crocs bref, un type de Don Juan fait pour ensorceler des têtes plus solides que celles d'Antoinette Croteau ou de Rose Baillargeon. Notre Adonis, la bouche en cœur, répondait avec bonne grâce au flirt de ces demoiselles qui rêvaient sa conquête.

Après avoir papillonné de tout côté, répondant d'un sourire ou d'un bon mot aux propos flatteurs de jeunes filles comme aux façons plutôt rogues des jeunes gens, notre inconnu sembla jeter son dévolu sur la jolie Antoinette. Il s'approcha d'elle et, après une révérence correcte et les banalités préliminaires, il l'enlaça d'une étreinte galante et la contagion de l'exemple fit que le tourbillon devint bientôt général.

Sur le coup de minuit, une certaine accalmie se produisit et tous se disposaient à se rendre au buffet pour se mettre quelque chose sous la dent lorsque, tout à coup, un bruit formidable ressemblant à un coup de foudre ou à la détonation d'une arme à feu se fit entendre. Un long cri fait de stupeur et de détresse retentit, puis tout tomba dans le silence.

L'enjouement et l'insouciance avaient fait place à la frayeur et à la consternation. Bientôt pourtant, les nerfs se détendirent et cet excès d'émotions se donna libre cours dans les larmes des filles et le verbiage incohérent des gars.

Si c'est quelqu'un qui a besoin d'aide, ça ne serait pas chrétien de le laisser périr tandis qu'on est ici à se poser des devinettes: Viens-tu, Noré?

Petit-Noir ou, de son vrai nom, Xavier Labonté avait la réputation de n'avoir pas froid aux yeux.

Honoré Doucet, autre fort-à-bras, ainsi interpelé, ne pouvait décemment reculer à peine de passer pour un poltron et ce sous les yeux mêmes de sa «blonde».

En débouchant sur le rocher qui donnait un espace découvert d'une vingtaine de pieds carrés, Labonté laissa échapper de surprise le gourdin qu'il tenait à la main. À la lueur du falot, il venait de reconnaître la robe d'indienne à carreaux bleus et blancs d'Antoinette Croteau.

Doucet se rappelait maintenant avoir vu Antoinette et son séduisant partenaire quitter l'enceinte de la danse vers les onze heures. Il n'avait pas alors prêté autrement attention à la chose, qu'ils allaient au buffet. Et qu'était devenu le beau «cavalier» de Toinette?

  • Mais où est-ce qu'il est, le pendard, que je lui torde le cou, rétorquait Doucet que l'absence de l'ennemi enhardissait.

Il ne s'est toujours bien pas évaporé comme un feu follet, à moins d'être le diable en personne!

  • Dans tous les cas, on va aller mener Toinette chez elle au plus tôt et quand elle sera revenue à elle, il n'y a pas de doute qu'elle nous laissera savoir ce qui s'est passé cette nuit.

Au moment de la soulever, Labonté recula d'horreur en se signant. Dans le roc vif, tout près d'Antoinette, il venait d'apercevoir deux pieds parfaitement dessinés comme si le roc s'était fondu sous le poids de quelque monstre aux souliers de feu.

Et saisissant vivement Antoinette, ils la disposèrent sur le brancard et la transportèrent chez le plus proche voisin, le père David Martin. Un bonhomme bien serviable, eut vite fait d'atteler sa jument Café et de conduire Antoinette évanouie chez sa mère, une pauvre veuve du chemin de Sainte-Cécile.

Jerry Cunningham ayant ordre d'avertir le médecin de Granby de se rendre au chevet d'Antoinette. Lorsque le docteur Gravel arriva, Antoinette n'avait pas encore repris connaissance.

Sous les soins du médecin, Antoinette reprit enfin ses sens mais pour retomber peu après dans un état d'hébétude voisin de la folie. Elle passa une semaine dans cet état de quasi-imbécilité.

Ce soir-là, vers huit heures Antoinette se leva soudain et, comme si ses membres engourdis par l'inaction eussent éprouvé un besoin impérieux de détente, elle se livra à une danse frénétique dans les deux pièces qui composaient le logis. Elle dansait et sautait sans relâche, renversant les meubles en esquissant les entrechats les plus fantaisistes. À la fin, épuisée, elle s'affaissait en proie à une crise violente, les yeux révulsés, la bouche tordue en un rictus hideux et lançant des rugissements terribles.

Puis, la crise passée, le sabbat reprenait de plus belle. Incapable de maîtriser la forçonnée, sa mère sortit pour chercher de l'aide et envoyer quérir le curé. Lorqu'on revint, la maison flambait et Antoinette se débattait au milieu du brasier! Hélas! l'incendie avait trop d'avance et les efforts qu'on fit pour sauver la malheureuse furent vains. La pauvre femme s'était affaissée. Elle ne survécut que quelques jours à sa malheureuse fille.

La danse au Petit Lac reçut là son coup de mort.

Les participants eurent garde, comme bien on pense, de se vanter d'avoir ainsi coudoyé le diable sous les dehors séduisants d'un danseur accompli, car, la chose ne faisait pas l'ombre d'un doute, le partenaire d'Antoinette Croteau était bel et bien Sa Majesté Satanique.

  • Et vous, père Picard, demandais-je à mon guide, que pensez-vous de cette affaire-là?
  • Il y en a qui ont prétendu, dans le temps, que c'était Vilbon Gamache qui aurait imaginé cette histoire-là pour effaroucher les gars de Granby et d'Upton qui venaient seiner au lac.

Gamache a eu quasiment comme qui dirait le monopole du poisson.

  • N'empêche pas que la barbotte du petit lac, elle est noire comme l'enfer et puis l'anguille, eh bien! elle frétille comme si qu'elle aurait le diable au corps!

Granby, juillet 1901.

[Voir l'image pleine grandeur] Charrettes tirées par des chevaux circulant dans les rangs de campagne qui emmènent les danseurs au Petit Lac

Le bonhomme dans la lune

[Voir l'image pleine grandeur] Pécheur condamné à scier du bois sur la lune

On a longtemps raconté dans la région qu'il y a très longtemps, un homme s'entêtait à travailler le dimanche plutôt que d'assister à la messe. À plusieurs reprises, les gens du village lui avaient fait connaître leur désapprobation.

Un jour qu'il avait scié du bois durant tout l'office religieux, les paroissiens s'étonnèrent, en sortant de l'église, d'entendre le frottement d'une scie sans toutefois apercevoir l'impénitent. Le soir venu, on dut constater que le bruit venait du ciel et que le pécheur avait été condamné à scier du bois sur la lune pour l'éternité.

Certaines personnes âgées continuent d'affirmer qu'avec de bons yeux et un peu d'imagination, on arrive encore à le voir.

Le reel du pendu

[Voir l'image pleine grandeur] Représentation d'un violon et d'une potence

Depuis plusieurs générations, les violoneux interprètent le «reel du pendu» à la grande joie des fervents de danses anciennes. Le fin observateur aura peut-être remarqué qu'avant de s'exécuter, le musicien prend toujours soin de désaccorder son instrument. Il faut savoir la légende qui entoure cette pièce pour comprendre le geste du musicien.

Autrefois, un homme avait été reconnu coupable d'un crime qu'il n'avait pas commis. Tout au long de son incarcération, il n'avait cessé de clamer son innocence. Quand arriva l'heure de se rendre à la potence, on le laissa un moment avec le confesseur de la prison: «Avant de mourir, confiez-moi vos péchés car le jour de votre jugement est arrivé.» L'homme répéta qu'il était victime de mauvais sort et qu'il n'avait commis aucun crime.

Peu après, on le conduisit auprès du bourreau. Le prêtre avait été ému par les paroles du condamné et chercha une solution qui permettrait de connaître la vérité: «S'il est véritablement innocent, Dieu est sans doute prêt à intervenir afin que justice soit faite.» Sans doute que l'insistance du prêtre avait été inspirée par quelque confession. Aussi, le responsable de la prison lui demanda alors ce qu'il suggérait pour que Dieu se manifeste. Le prêtre réfléchit un instant et questionna l'innocent: « Savez-vous jouer du violon?» L'autre répondit par la négative. «Qu'on aille chercher un violon immédiatement», conclut le confesseur. Sans trop comprendre les intentions du prêtre, on ramena un vieux violon désaccordé. Le religieux le tendit au condamné sans hésiter et lui dit: «Tenez, si vous êtes innocent, Dieu vous guidera et vous saurez jouer de cet instrument». Bien qu'hésitant, l'homme saisit l'archet et exécuta la plus belle mélodie qu'on n'avait jamais entendue. C'était justement «le reel du pendu». Convaincus qu'il s'agissait d'un miracle, les autorités relâchèrent l'innocent.

Légende du tigre de Sainte-Madeleine

[Voir l'image pleine grandeur] Dessin d'un tigre

Nos ancêtres avaient une imagination très fertile. Ils croyaient à des personnages ou animaux extraordinaires qui habitaient dans les parages. Ainsi dans la «Presse» du 21 décembre 1895, on lisait que, à Marieville, une bête étrange de 11 à 12 pieds de long, haute de trois pieds, ayant une queue de renard et une tête ressemblant à celle d'un chien, avait fait son apparition dans le village.

Aussi, Me Rodolphe Fournier, dans son livre: «Plus de 70 ans de souvenirs» raconte que dans son enfance, on parlait d'un tigre à Sainte-Madeleine. Un poète-chansonnier de l'époque, dont il ne connaît pas le nom ni la mélodie a écrit la chanson suivante:

Le tigre de Sainte-Madeleine

J'ai déjà vu des singes vivants,
Des feux follets, des éléphants,
Des poux domptés, des bêtes puantes,
Et d'autres choses bien épatantes.

Je voudrais, avant de mourir,
Voir quelque chose qui me ferait frémir,
Et pour cela, bonguenne de bonguenne,
Faut voir le tigre de Sainte-Madeleine.

Je prends donc les chars du Grand-Tronc,
Décidé sans en avoir l'air,
Avec un gros engin de guerre,
Du poivre rouge et des cordons,
Tout ce qu'il faut pour avoir du fun,
En me disant, bonguenne de bonguenne,
J'veux voir le tigre de Sainte-Madeleine.

Tout de suite, en débarquant du train,
Je comptais qui avait du potin.
J'aperçois des gars de la ville
Qui avaient d'l'air de se faire de la bille

Je leur demande bien poliment
La cause de ce rassemblement.
Ils me répondent, bonguenne de bonguenne,
Il y a un tigre à Sainte-Madeleine.

V'là que nous partons par les champs,
Prenant quelque chose de temps en temps.
Fusils chargés de poudre fière
Avec une allure guerrière.

Tout le monde disait tout là:
Le tueront-ils le tueront-ils pas?
Le lapin, bonguenne de bonguenne,
Le fameux tigre de Sainte-Madeleine.

Soudain, comme un coup de tonnerre,
Quelque chose qui semble sortir de terre,
S'avance d'un petit air câlin,
Me pose la langue dessus la main,
Avec une bravoure sans égale,
Je m'empresse de lui coller une balle
Et je tue froid, bonguenne de bonguenne,
Le fameux tigre de Sainte-Madeleine.

Après qu'on l'eut exterminé,
V'là qu'on commence à l'examiner.
On voit que cette bête sauvage
Était autour du voisinage,
La cause de tout c'pétard
C'était le chien de Bolongne Bouregard
Qui jouait, bonguenne de bonguenne,
Le rôle du tigre de Sainte-Madeleine

Le diable constructeur d'églises

[Voir l'image pleine grandeur] Représentation d'un diable fourche à la main, d'une église et d'un cheval

Le diable fait figure de proue dans le monde des êtres fantastiques du Québec. Cette présence diabolique est pourtant presqu'absente le long du Richelieu.

Quelques informateurs de la région rapportent que l'énergie du démon pouvait parfois être utilisée à bon escient. Plusieurs églises du Québec auraient été construites avec l'aide du diable.

La force spirituelle du prêtre a pu, dit-on, contraindre le démon à se présenter sous la forme d'un cheval (habituellement noir) pourvu d'une force presque sans bornes. Des personnes de la région se souviennent de récits transmis par les vieux où un mystérieux cheval transportait la pierre nécessaire à la construction d'une église.

Cependant, il ne fallait sous aucun prétexte débrider l'animal ou lui donner à boire avant que la corvée ne fut terminée. Et, dans la plupart des récits, un ouvrier ou un habitant au cœur charitable finissait par avoir pitié de l'animal et lui enlevait sa bride pour le faire boire. Le cheval disparaissait alors mystérieusement ou se transformait en reptile.

[Voir l'image pleine grandeur] Représentation du diable sortant des flammes

Le monstre de Saint-Alexandre

[Voir l'image pleine grandeur] Représentation du monstre de Saint-Alexandre très grand et puissant

La légende que je veux vous raconter s'est passée à Saint-Alexandre, région située au sud-est de Saint-Jean-sur-Richelieu.

C'est l'été 1979. Il fait nuit quand un automobiliste heurte un être étrange qui laisse sur l'automobile des traces ressemblant à du sang.

Les conversations vont bon train; on ne parle que du monstre de Saint-Alexandre; il faut dire qu'il a les cheveux rouges, la peau verte, des yeux également rouges et très puissants et qu'il mesure de six à sept pieds et, parfois même huit ou neuf pieds.

On l'a surnommé Alex (aussi nommé Squatch rouge ou big Foot).

L'affaire s'est mise à prendre une ampleur «régionale» alors que les événements qui sortent de l'ordinaire sont prêtés au «monstre». Notre sujet est soudainement devenu plus gros, plus monstrueux et plus méchant. Des analyses de sang ont été inventées: la substance retrouvée sur le véhicule n'est ni du sang humain ni du sang d'animal.

L'armée est alors intervenue, la Sûreté du Québec s'en est mêlée de même que le Canada Français (le journal local de Saint-Jean-sur-Richelieu) qui a donné aussi la chasse au «Squatch rouge».

L'affaire se corse lorsque le 22 août, on déclare que l'armée l'aurait tué lors d'une battue alors que le 27 août, cette manœuvre se serait transformée en véritable bataille rangée. On a même fait intervenir hélicoptères, chars d'assaut ainsi que des bombardements à la roquette pour venir à bout de la «chose».

Pourtant, on continue à dire que la bête aurait des yeux plus puissants et on commence à l'accuser de crimes atroces. Ainsi, elle a tué deux enfants à Sainte-Sabine et un homme à Sabrevois en plus d'égorger des poules à Saint-Alexandre.

Mais notre monstre semble éprouver de la sympathie pour les voitures car il a été de nouveau frappé par l'automobile d'un résident de Sabrevois fracassant ainsi la vitre arrière. Toutefois, l'incident n'a pas été rapporté à la S.Q. D'ailleurs, ce corps policier l'aurait tué, nous dit-on, et d'autres agents auraient hésité à le capturer dans le rang des Dussault.

Après ces accidents et sa mort à deux reprises, on l'aurait aperçu près d'une usine (Tissus Richelieu) à Saint-Jean-sur-Richelieu alors que d'autres personnes affirment qu'il a été capturé vivant et qu'il est incarcéré à l'Hôpital du Haut-Richelieu. Il est coriace, il est coriace, notre Alex.

Au poste de police, on reçoit plein d'appels: de trente à quarante par jour pendant une semaine pour avoir des nouvelles du monstre. La population de Saint-Alexandre est très inquiète et certains dorment avec une arme près d'eux alors que d'autres se réfugient chez un parent hors du village.

Radio-Québec est venu mener une enquête tandis que le Canada-Français et la Presse en ont fait grand état.

Y aurait-il une nouvelle légende en plein 20e siècle?

Mystère... puisque des policiers ont trouvé le 29 août 1979 un mannequin de paille suspendu au viaduc situé à l'intersection des routes 35 et 104. Lorsque cet épouvantail a été découvert, les témoins qui avaient prétendu avoir vu le monstre, ont admis qu'il pouvait s'agir de cette chose.

À la Sûreté du Québec, l'événement a été qualifié de vaste fumisterie. Les rumeurs ont été démesurément amplifiées à la suite d'un fait divers.

S'il n'y avait pas beaucoup d'action dans cette petite agglomération, l'été 1979 a donné des frissons d'épouvante aux habitants de Saint-Alexandre. Ils s'en souviendront longtemps...d'autres s'en souviennent encore...

Les guérets de Rigaud

[Voir l'image pleine grandeur] Paysan labourant son champ de patates

Il existe, dans la ville de Rigaud, un terrain surnommé «Champ des guérets». Il s'agit d'une vaste étendue de terre recouverte de pierres arrondies, usées et polies. Ceci est un phénomène naturel, auquel les géologues ont trouvé une explication relativement simple. Par contre, il existe quelques légendes pour expliquer ce phénomène. C'est pourquoi ce champ porte aussi le nom de «Champ du diable» ou «Champ de patates», selon la légende à laquelle on fait référence. Voici donc la légende du «Champ du diable».

Il y a bien longtemps, à Rigaud, vivait un petit groupe de paysans, travaillants et croyants. Un jour, un étranger est venu s'installer dans cette petite colonie. D'où venait-il? Personne ne le savait. Ce nouveau venu avait l'air un peu méchant et n'avait visiblement pas envie de raconter sa vie en détail. Il n'en fallait pas plus pour éveiller la curiosité des paysans.

Timidement, quelques voisins ont essayé d'engager des conversations avec l'étranger. Les propos qu'ils ont rapportés ont eut vite fait de scandaliser les honnêtes chrétiens du village. Le soir, avec mystère, les paysans parlaient de l'étranger et ajoutaient, pour la centième fois, qu'il n'allait jamais à l'église. Les mères, pour empêcher leurs enfants de sortir le soir, leur faisaient peur avec cet homme, qu'elles appelaient José-le-Diable, et qui était encore plus terrifiant que le fantastique Bonhomme Sept-heures...

Un dimanche matin, en chemin pour l'église, des paysans aperçurent l'étranger qui se dirigeait vers ses guérets (champs en labour). Cela ne s'était jamais vu!

  • Ça te portera malheur, ce que tu fais! Tu ferais mieux de venir à la messe, lui dit un vieux paysan.
  • Aller à la messe! C'est ça! Et qui ensemencera mon champ?

Puis, sans attendre de réponse, José-le-Diable continua son chemin.

  • Aller à la messe, se dit-il. Qu'ils aillent tous à la messe, s'ils veulent! Pensent-ils que le bon Dieu va leur apporter du pain cet hiver? Qu'ils aillent à la messe, si c'est tout ce qu'ils ont à faire! Moi, aujourd'hui, il faut que je travaille...

Lorsque son attelage s'arrêta de lui-même, l'étranger, tout à ses pensées, s'aperçut qu'il était arrivé à son champ.

Juste à ce moment, comme pour lui envoyer un message, les cloches de l'église se sont mises à sonner, sonner...Il commença son travail, mais ne se sentait pas à l'aise. Pour se donner du courage et oublier les paroles du vieux paysan, il se mit à blasphémer et à jurer.

C'est alors que Dieu, en colère, fit tomber sur José-le-Diable et sur son champ des milliers de cailloux. Ces cailloux sont encore là aujourd'hui pour rappeler qu'on ne doit pas travailler le dimanche...

Pendant longtemps, les soirs de tempête, on a entendu des soupirs et des appels plaintifs. Personne n'osait plus s'aventurer dans le champ.

Voilà donc, telle que la racontent les vieillards, la légende des guérets de Rigaud.

Il existe quelques variantes à cette légende, dont celle du «Champ de patates».

Certains disent que l'étranger était en train de planter des pommes de terre lorsque Dieu s'est fâché. Ses pommes de terre furent alors transformées en pierres, ce qui explique la forme arrondie et polie des pierres qu'on retrouve dans le champ.

Cette légende est bien connue dans le Québec d'aujourd'hui. En 1929, lors du défilé de la Saint-Jean-Baptiste, la légende du «Champ du diable» était illustrée par un char allégorique orné de cailloux pris sur place. Il y a même des gens qui vont à Rigaud chercher des cailloux dont ils se servent pour faire des travaux sur leur terrain (rocaille, muret, etc.).

Évidemment, il existe une explication scientifique à ce phénomène naturel. À une certaine époque, les glaciers ont recouvert une bonne partie du Québec, dont la région de Rigaud. Lorsqu'ils se sont retirés, ils ont écrasé, usé et poli les roches qui se trouvaient sur leur passage.

Même s'il est intéressant de connaître la vraie origine de ces petits cailloux, il est fascinant de voir comment les gens inventent des histoires quand ils ne peuvent pas expliquer un phénomène naturel...

La maison hantée de Sainte-Martine

[Voir l'image pleine grandeur] Représentation d'un épouvantail devant une maison hantée avec une citrouille sur le balcon

Tout le monde a, un jour ou l'autre, entendu parler de maisons hantées. On y croit ou on n'y croit pas...On s'imagine que, les maisons hantées, ce sont des histoires ou alors on croit qu'elles existent ailleurs. Pourtant, il n'y a pas si longtemps, il y avait une maison hantée à Sainte-Martine. Voici donc les faits, tels que racontés par la propriétaire de la dite maison.

Le 1er mai 1993, nous (mon copain et moi) avons emménagé dans notre nouvelle maison.

Une nuit, nous nous réveillons en entendant quelque chose qui ressemble à des pas. Nous essayons de nous raisonner en nous disant que c'est le plancher qui craque, des souris dans la garde-robe ou le chien. Ce dernier est pourtant couché à nos pieds...

Nous écoutons donc, proposant parfois une nouvelle hypothèse à voix basse, comme si nous avions peur de déranger! Nous entendons des pas lourds qui font craquer le plancher. Lorsque nous parlons, les pas s'arrêtent, comme pour nous écouter, puis ils repartent de plus belle. Le chien, quant à lui, suit les pas et grogne; il renifle sans cesse le plancher. Tout cela dure environ une demi-heure, puis, n'entendant plus rien, nous nous recouchons. Nous pensons que c'est peut-être un fantôme...

Le lendemain, pas question de raconter cette histoire à qui que ce soit: nous passerions pour des fous! Nous décidons de garder cela secret.

Le soir même, les pas reviennent et le même scénario se reproduit pendant environ une semaine. Nous finissons par en parler à quelques personnes qui ont déjà vécu des expériences semblables. Nous en apprenons beaucoup plus sur les fantômes et sommes de plus en plus convaincus que c'est de cela dont il s'agit chez nous.

Un après-midi de juin, je suis en train de plier du linge dans la chambre du haut quand la porte de ma garde-robe s'ouvre lentement et se referme. Apeurée, je descends l'escalier en courant et téléphone à mon copain pour lui raconter ce qui se passe. Il me croit et me dit de ne pas retourner en haut.

Quelques jours plus tard, un samedi soir, je reviens à la maison seule. Avant de partir, j'avais ouvert la radio pas trop fort et j'avais fermé la porte séparant la cuisine du salon pour ne pas que mon chien aille dans le salon. En ouvrant la porte de la maison, je vois mon chien apeuré assis sur la table, des petites traces d'urine à côté de lui.

Je le descends de là et vais ouvrir la porte du salon. Au moment où je touche la poignée, la radio se met à jouer très fort et mon chien jappe. Je commence à avoir vraiment peur. Je téléphone à mon beau-frère qui, sceptique, arrive chez moi à la hâte. Il ouvre la porte: la musique est telle que je l'avais laissée avant de partir. Il rit un peu de moi... Puis, nous nous apercevons que la porte d'en avant, qui mène dehors et dont nous ne nous servons jamais (elle est d'ailleurs toujours verrouillée) est ouverte... Je tremble comme une feuille. Nous pensons que c'est un voleur et regardons partout pour voir s'il manque quelque chose. Tout est là. Mystère... Je vais coucher chez mon beau-frère et laisse une note à mon copain pour qu'il m'y rejoigne et ne couche pas dans cette maison de fous!

Nous retournons vivre à la maison: pas le choix! À part le téléviseur qui parfois s'ouvre tout seul ou les portes qui font des leurs, tout va bien.

Un jour, nous entendons parler d'une femme qui a des dons car elle est la septième fille de suite dans sa famille. Elle exorcise des maisons, guérit des gens et fait de la clairvoyance. Il semble qu'elle soit directement en contact avec un être suprême. Au point où nous en sommes, nous n'avons pas grand-chose à perdre! Nous décidons de lui demander de venir chez nous. Joan (c'est son nom) a bien hâte de rencontrer notre fantôme, qui s'amuse d'ailleurs à lui jouer des tours. Il cache son chapelet, lui montre un bras, un pied, etc.

Nous allons donc la chercher chez elle. Elle nous explique la façon dont elle va procéder et nous demande si nous avons des questions. J'en ai plusieurs, mais je me tais. Joan me dit: «Toi, tu es très, très nerveuse, tu as peur et il ne faut pas. Les entités se nourrissent de ta peur. Pose-les, tes questions!» Je lui pose quelques questions sur les fantômes et elle me décrit les deux qui habitent chez nous. L'un est très gros et porte un pantalon vert et des bretelles rouges, avec lesquelles il joue constamment. L'autre est jeune, vêtu de cuir et il a les cheveux foncés.

Avant d'entrer dans la maison, Joan nous fait un massage pour nous calmer un peu. À l'intérieur, elle met un produit autour des portes et des fenêtres. Elle a une chandelle à la main et elle laisse tomber des gouttes de cire autour des fenêtres. La flamme de la chandelle monte d'environ cinq centimètres. Joan nous dit que c'est le moyen qu'utilisent les entités pour montrer leur mécontentement. Elle les emprisonne à l'intérieur et elles ne sont pas contentes! À la dernière fenêtre, la flamme monte et descend à vue d'œil. Joan peut maintenant voir les deux entités et elle nous les décrit. Elle nous demande si nous voulons leur parler...oui, nous le voulons. Joan sort sa planche «OUIJA» et nous posons des questions auxquelles les entités répondent. Je prends tout en note: noms, dates de naissance, autres dates, etc. L'une des deux entités est en réalité celui à qui appartenait la maison avant nous. Il ne savait pas qu'il était mort et qu'il errait dans la maison à la recherche de sa femme. Ce gros monsieur ne savait pas qu'il nous empêchait de dormir à se promener ainsi! L'autre avait eu un accident de voiture et croyait me connaître. Au poste de police, à l'aide de son nom et de la date de l'accident, nous avons pu savoir qui il était.

Lorsque nous avons fini de poser toutes nos questions, Joan s'asseoit par terre et elle leur montre la lumière et le chemin qu'ils doivent suivre pour y parvenir. Nous avons tous ressenti un profond soulagement au moment où les entités sont arrivées à destination. Depuis, tout est revenu à la normale dans notre maison...

Et voilà l'histoire de la maison hantée de Sainte-Martine. Toi, y crois-tu aux maisons hantées?

[Voir l'image pleine grandeur] Sorcière vêtue d'une longue cape et tenant une pomme

Louis Cyr un personnage légendaire

[Voir l'image pleine grandeur] Représentation de Louis Cyr levant un poids de 535 livres

Louis Cyr est né en 1863 à Saint-Cyprien de Napierville. La famille Cyr comptait dix-sept enfants et Louis en était l'aîné. Il fut baptisé Noé Cyprien. Plus tard, lors de ses tournées aux États-Unis, son prénom devint Louis pour en faciliter la prononciation à ses amis anglophones.

Les ancêtres des Cyr étaient des Acadiens qui avaient été déportés à un moment triste de l'histoire, mais qui étaient revenus au Québec après de nombreuses aventures. Le père de notre champion se nommait Pierre Cyr. Il était bûcheron et agriculteur. Il était de taille moyenne mais très robuste. Quant au grand-père paternel, lui, mesurait 6 pieds et 1 pouce et avait été l'homme le plus fort de la région jusqu'à un âge assez avancé.

Il fut surtout coureur des bois, trappeur et chasseur. Le père de ce grand-père avait été encore plus grand et plus fort. Ce bisaïeul vécut 102 ans.

La mère du colosse Cyr, nommée Philomène, née Berger-Verronneau, était une femme impressionnante. Toute en muscles, elle pesait plus de 240 livres et mesurait 6 pieds. Le travail et les nombreux enfants ne la dérangeaient pas. Elle utilisait sa force physique pour maîtriser ses petits rebelles. De même, elle était capable de monter par une petite échelle des sacs de 200 livres qu'elle maintenait d'une main en les chargeant sur une épaule. Plus tard, lorsque son mari acheta une taverne à Montréal, elle se chargea de rétablir l'ordre lors des bagarres. Elle expédiait les troubleurs sur le trottoir en les saisissant au collet et par le fond de culotte.

Donc, dès sa plus tendre enfance, Noé Cyprien entendit parler avec admiration de la force physique. Il avait des exemples vivants sous les yeux. Le grand-père Cyr, qui était un joyeux luron, racontait durant les veillées de nombreuses aventures qui lui étaient arrivées. Il était un personnage célèbre au village.

Noé Cyprien et son grand-père étaient inséparables. Ils passaient tous leurs après-midi à la forge du village. Il y avait là un homme nommé Trudeau, le costaud de la région. Quelquefois, pour impressionner l'enfant, il tordait des fers usés, soulevait d'énormes roues, prenait l'enclume dans une de ses grosses mains et la soulevait par le bout avec la seule force de son poignet. Le petit Cyr applaudissait d'admiration.

Aussi, lorsque le grand-père Cyr et son petit-fils faisaient leurs promenades éducatives, chaque grosse roche était une invitation pour le jeune à la soulever, la rouler ou la pousser. On lui apprenait à grimper aux arbres, à sauter et à courir. Le grand-père parlait beaucoup, mais toujours du même sujet: la force. Il vouait un véritable culte à son petit-fils.

À tous points de vue, Louis Cyr a été un phénomène. Au moral, cet homme de force prodigieuse était la bonté, la gentillesse, la serviabilité même. Au physique, il défiait l'imagination. Ses dimensions étaient hors du commun. Vers l'âge de 30 ans, alors qu'il était au sommet de sa force, il pesait un peu moins de 300 livres. Il mesurait 5 pieds 10 pouces 1/2. Il avait des biceps de 24 pouces, un cou de 22 pouces et des avant-bras de presque 19 pouces. Son tour de poitrine phénoménal faisait 60 pouces.

Quant à son tour de ventre, il n'avait rien d'exagéré puisqu'il n'atteignait pas plus de 45 pouces. Mais le plus surprenant était le volume surhumain de ses cuisses et de ses mollets: 36 pouces de cuisse et 28 pouces de mollet. Inutile de dire que la stature de Louis Cyr faisait toujours sensation lors de ses apparitions.

De plus, l'apparence physique de Louis Cyr fut remarquable par sa chevelure à la Samson. Cette idée est venue des rêves et des lectures religieuses de sa mère. Malgré l'opposition de son mari, elle décida de coiffer son fils ainsi. La pensée d'avoir des cheveux comme le grand Samson, le personnage biblique, plaisait à Noé Cyprien. C'est ainsi que l'abondante chevelure devint la marque distinctive de Cyr pendant des années. Ce n'est que lors de son départ pour l'Angleterre que Louis Cyr adopta la coiffure des hommes de son temps, puisqu'il ne pouvait plus compter sur personne pour soigner ses ondulations.

Dès l'âge de quinze ans, les filles commencèrent à s'intéresser à Louis. Il paraissait plus mûr et était plus grand que les gars de dix-huit ou vingt ans.

Lors d'un bal donné en l'honneur de son triomphe, Louis qui avait alors dix-huit ans, rencontra une jeune fille nommée Mélina Comtois. Elle n'avait d'yeux que pour le héros. Louis en tomba amoureux et, peu de temps après, il l'épousa. On dit qu'ils s'étaient aimés dès le premier coup d'œil.

À cette époque, Louis mesurait 5 pieds 10 pouces et pesait 250 livres. Mélina était toute menue, toute gracieuse et ne pesait pas plus de 100 livres. Il était gai, remuant, endiablé. Elle était douce, timide, très réservée. Malgré les apparences, ce petit bout de femme avait une fermeté de caractère peu commune et manœuvra son Louis sans aucune difficulté du premier au dernier jour de leur vie conjugale. Aucune décision n'était prise sans la consultation de Mélina.

De cette union naquit une robuste et ravissante petite fille: Émiliana. Celle-ci, à son tour, épousa le docteur Zénon Aumont. Le couple eut un fils du nom de Gérald. Louis Cyr avait pour le petit Gérald autant d'affection que son grand-père en avait eu pour lui. Il s'en occupait beaucoup, il se promenait avec lui et lui racontait les belles histoires vraies qui lui étaient arrivées.

Louis Cyr a été nommé «L'homme le plus fort de tous les temps». Les tours de force et les levers officiellement constatés par des juges et des témoins sont encore reconnus. Chose étrange, lorsqu'il établissait ses records, Louis Cyr étonnait tout le monde mais sa grande modestie et les exploits des autres hommes forts créèrent une impression d'excellentes performances, mais réalisables. Ce n'est que plus tard qu'on s'aperçut que ses records étaient hors de portée. Ces performances n'ont jamais été ni battues, ni égalées.

Voici une liste des principales performances citées par M. Ben Weider:

  1. Soulever du dos à partir des chevalets de 4 337 livres;
  2. Développé lent, en trois temps, dans le style Louis Cyr; c'est-à-dire sans que le poids touche le corps. À deux mains: 347 livres; d'une main à la fois: 273 livres 1/4;
  3. Lever à bras tendus, à angle droit, en avant: 131 livres 1/4;
  4. Lever en croix de fer, c'est-à-dire à bras tendus, latéralement: 185 livres 1/4, avec 97 livres 1/4 dans la main droite et 88 livres dans la main gauche;
  5. Développé de l'épaule, à bras tendu, à la verticale d'une seule main: 162 livres 1/2, 36 fois de suite;
  6. Développé à partir de l'épaule d'une barre de 350 livres, la barre étant chargée à l'épaule et levée d'une seule main;
  7. Soulever de terre à plusieurs pouces de hauteur. À deux mains: 1797 livres; d'une seule main: 987 livres; d'un seul doigt: 553 livres;
  8. Lever à l'aide du harnais spécial, le Pig Iron Shoulder, par la force des jarrets seuls, de 3539 livres;
  9. Lever d'un baril de ciment d'une seule main jusqu'aux épaules, sans se servir des genoux, de 433 livres.

Malgré son triomphe d'homme fort, Louis Cyr est demeuré simple et d'agréable compagnie. Son courage et sa volonté étaient admirés de tous.

Après un exil à Lowell aux États-Unis, avec sa famille, Louis et sa femme revinrent au Québec. À ce moment, le couple fit la rencontre d'un certain Georges Denis. Celui-ci leur proposa un projet tout simple. D'abord, l'organisateur louait une salle puis, il faisait la publicité et enfin, il montait un spectacle au cours duquel le gros Louis démontrait ses capacités. C'est ainsi que débutèrent les premières tournées au Québec. Ces démonstrations devinrent régulières et de plus en plus populaires. Les gens se battaient presque pour voir le colosse.

D'autres spectacles ont eu lieu dans plusieurs villes aux États-Unis. Notre champion y rencontra des hommes aussi populaires que Richard Pennell et Eugen Sandow. Les défis relevés étaient aussi grands que les défaites des adversaires.

La popularité de Louis Cyr n'étant plus à faire sur le continent nord-américain, il entreprit de conquérir l'Europe. Une première invitation lui est venue d'Angleterre.

Il affronta glorieusement Sebastien Miller et le fameux Richard K. Fox.

De retour au pays, notre Samson canadien rencontra plusieurs hommes forts venus de partout dans le monde, jusqu'à ce que la maladie l'oblige à se retirer des compétitions. Toujours, Louis Cyr est demeuré l'homme le plus fort de tous les temps.

Depuis son enfance, Louis Cyr avait appris à manger énormément. D'abord encouragé par son grand-père croyant que pour être fort, il fallait dévorer beaucoup. La capacité d'absorption de cet homme dépassait l'imagination. Pendant plusieurs années, il engloutit plusieurs livres de viande par repas, à raison de quatre repas par jour. Il pratiquait en toute innocence la gloutonnerie.

Un jour, il se livra à un match digne de Pantagruel avec un autre homme fort. Tous deux ont essayé d'avaler un cochon de lait de 22 livres pour chacun d'eux. L'histoire raconte que Louis l'emporta.

Bien sûr, il ne faut pas s'étonner qu'à ce régime Louis Cyr tomba malade. La maladie débuta à 37 ans; il pesait alors 355 livres lorsqu'il fut atteint d'une néphrite aïgue qui paralysa ses jambes et le cloua au lit. De plus, vinrent s'ajouter une maladie du cœur et d'asthme. On le croyait condamné mais il survécut grâce à son étonnante vitalité et à la science de son médecin. Celui-ci lui imposa de se nourrir que de lait pour le reste de sa vie.

C'est ainsi que s'amorça la retraite du champion. Il ne lui restait plus qu'à s'occuper de sa femme et à raconter ses exploits à ses amis.

D'ailleurs, des gens de partout venaient pour l'entendre. Louis trônait en véritable monarque.

Avant de se retirer complètement, Louis Cyr a été directeur de cirque. Il continuait à voir beaucoup de monde dans les milieux sportifs. Sa maladie semblant stabilisée, il fit l'imprudence d'accepter une compétition avec Hector Décarie. Encore une fois, Louis fut vainqueur non sans efforts. C'est à partir de ce jour qu'il déclara se retirer pour toujours et légua sa couronne d'homme le plus fort du monde à Hector Décarie. Son honneur était sauf et l'assistance applaudit le grand geste du Samson canadien.

Le 10 novembre 1912, Louis Cyr mourut. La maladie l'emporta à l'âge de 49 ans. Sa mort fut un véritable deuil national. Elle toucha un grand nombre de personnes connues au travers les voyages de compétition. Ce héros ne comptait que des amis.

Louis eut droit à des funérailles grandioses. Sa disparition ressembla à un événement international. Des témoignages de sympathie et des condoléances vinrent de tous les coins du monde.

Cette popularité persista longtemps, puisque 50 ans plus tard, Louis Cyr est resté l'homme le plus fort qui n'ait jamais vécu, celui dont les exploits et les records sont restés présents à l'esprit des sportifs haltérophiles.

Crédits

Conception
Marcel Barbier, Carole Bégin, Denise Bégin, Nancy Bilodeau, Gisèle Bricault, Denise Duval, Nicole Ekdom, Marie-Paule Fournier, Ariane Meunier, Lise Paradis, Gilles Poirier, France Tétreault.

Illustrations
Lise Brouillette, Manon Marcoux, Pierre R.

Concertation des organismes populaires en alphabétisation de la Montérégie

La rédaction de ce document a été rendue possible grâce à une subvention obtenue dans le cadre d'un projet d'initiatives fédérales-provinciales conjointes en matière d'alphabétisation pour l'année 1995-1996.

Organisme responsable pour la distribution:

Comité d'entraide populaire de Châteauguay
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Téléphone: (514) 699-9955