Ce document a été produit au service de l'Éducation des adultes de la commission scolaire Lac-Témiscamingue à l'intérieur du projet des commissions scolaires concertées de l'Abitibi-Témiscamingue dans le cadre du programme national d'alphabétisation 1990-1991.
Il a été rédigé par monsieur François Ruph, chargé de cours à l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue. Monsieur Ruph a conçu ce document à la suite de plusieurs entretiens avec deux formatrices en alphabétisation, mesdames Jacqueline De La Chevrotière et Monique Poitras que nous remercions de leur précieuse collaboration.
L'animatrice régionale,
Carole Falardeau
Ce document, très succinct, se veut un canevas de principes essentiels sur lesquels construire des leçons en alphabétisation, quelle que soit la matière à transmettre (français, mathématiques, ou autres). Ce canevas tient compte de l'essentiel des grands principes du guide de formation sur mesure en alphabétisation (cahier no. 1, orientations générales) en y adjoignant certains principes de médiation du programme d'actualisation du potentiel intellectuel (A.P.I.).
Il n'est ni un contenu de cours, ni une série de recettes garanties faciles d'application, dispensant d'une formation plus complète et d'une réflexion en profondeur sur l'art de transmettre des connaissances et des habiletés.
Deux portes d'entrée essentielles pour tout apprentissage complexe durable sont la motivation (la personne a le goût de, est décidée à réaliser certains objectifs d'apprentissage), et la mémorisation (la personne retient ce qu'elle apprend). Sans une participation volontaire de l'apprenant et de l'apprenante à son propre développement, sans le désir d'apprendre, sans une croyance en ses capacités à apprendre, et sans stratégies pour engranger et multiplier ces acquis, il ne peut y avoir de progrès durable dans la construction des savoirs et des habiletés.
Elle est à la base de l'attention soutenue, de la concentration et de la persévérance. Elle est aussi à la base de la mise en application des choses apprises pendant les leçons dans la vie courante de l'apprenant et de l'apprenante (transfert). Ces applications contribuent, à la fois par la répétition consciente des acquis et par la variété des applications possibles, à l'ancrage dans la mémoire à long terme de ces apprentissages et à la récupération de ceux-ci quand besoin en est.
Cet aspect motivationnel de l'apprentissage étant bien décrit dans le guide de formation sur mesure en alphabétisation, nous nous contenterons ici de rappeler certains des grands principes à respecter.
Recommandation 1
Réaffirmer régulièrement, si nécessaire à chaque leçon l'intention que le formateur ou la formatrice a, à savoir: la réalisation des objectifs globaux et spécifiques de la formation en alphabétisation, en accord avec les règles et principes de la formation sur mesure, et vérifier que l'apprenante ou l'apprenant a lui, l'intention réciproque d'atteindre ces mêmes objectifs.
Recommandation 2
Accorder une attention permanente aux vécus émotifs liés aux situations d'apprentissage.
2.1
Vérifier au début de chaque leçon la disponibilité physique et émotive de chaque personne apprenante (la fatigue physique, les ennuis de santé, les soucis d'ordre affectif ou financier réduisent les capacités d'attention et limitent les possibilités d'apprentissage). Prévoir un temps d'accueil au début de chaque séance. Piège à éviter: la dérive vers la psychothérapie.
2.2
Prévenir, enrayer les attitudes négatives «à priori» telles que «je ne suis pas capable, je ne suis pas bonne là dedans, je n'aime pas ce genre d'exercices, etc.» attitudes qui sont le fait d'une estime de soi pauvre, héritage d'échecs scolaires à répétition et/ou de dévalorisations sociales.
2.3
Renforcer, au contraire, les attitudes positives, la persévérance, la confiance dans ses capacités, le sentiment de compétence par une gradation appropriée des défis, le traitement des erreurs et des échecs comme des problèmes à résoudre conjointement.
2.4
Favoriser, créer des situations d'apprentissage procurant du plaisir: privilégier les activités éducatives ayant un caractère ludique et présentant des défis stimulants: jeux, amusements, humour.
Prévoir un temps pour la connaissance réciproque des apprenants et apprenantes et la création de liens de confiance mutuelle. Piège à éviter: la dérive vers le club social.
Recommandation 3
La motivation de la personne en situation d'apprentissage étant liée à l'importance que celle-ci accorde à ce qu'elle va apprendre, ce qu'elle en attend, le formateur ou la formatrice devrait systématiquement donner de la signification à toutes les interventions, justifier toutes ses demandes par rapport aux objectifs, aux tâches proposées, aux concepts, relier les différentes activités d'apprentissage aux «choses de la vie».
Si la mémorisation des événements à forte teneur émotive se fait naturellement, il n'en va pas de même pour la mémorisation délibérée de concepts, de règles, d'informations, et de savoirs nombreux, variés, et complexes.
La motivation à retenir est évidemment primordiale. Parmi les moyens généraux favorisant la mémorisation nous en retenons deux: la répétition des acquis à intervalles réguliers, fréquents au début puis de plus en plus espacés, la mise en application fréquente et dans des contextes aussi variés que possible de ces mêmes acquis (transfert).
Parmi les moyens spécifiques, l'expérience montre que les meilleurs sont ceux que chaque personne s'invente (idiosyncrasie) ou adapte à son fonctionnement propre.
Recommandation 4
4.1
Prévoir dans toute leçon un temps pour mémoriser les nouveaux apports et rappeler ceux déjà (théoriquement) acquis: résumés, rappels, activités retours, promotion du transfert des acquis (voir plus loin, promotion du transfert et plan d'une leçon-type).
4.2
Favoriser chez l'apprenant et l'apprenante la recherche et l'élaboration de ses propres moyens mnémotechniques: comment t'y prendras-tu pour te rappeler?
Comment s'y prendre pour apprendre ou comment développer de bonnes stratégies d'apprentissage et de résolution de problèmes.
La compréhension d'un objet, d'un lieu, d'une phrase, d'une opération chiffrée, d'un événement, d'une situation, est directement liée à la qualité de l'observation faite de cet objet, ce lien, cette phrase, cette opération, cet événement ou cette situation. Une observation pauvre, superficielle, hâtive est une source importante d'inadaptation des comportements.
La taxonomie A.P.I. distingue quarante-neuf (49) stratégies élémentaires d'apprentissage et de résolution de problème et sept (7) processus plus globaux de contrôle des précédentes (métastratégies ou métacomposantes). Les quarante-neuf (49) premières se répartissent en trois (3) catégories: des stratégies d'observation, des stratégies de réflexion en vue de résoudre des problèmes, des stratégies de contrôle des réponses ou comportements consécutives aux précédentes.
Une analyse succincte des comportements des adultes en alphabétisation semble indiquer certains déficits généraux au niveau de certaines de ces stratégies (points à explorer dans des recherches ultérieures). De là, les recommandations suivantes:
Recommandation 5
5.1
Favoriser chez l'apprenant et l'apprenante le développement de bonnes habitudes d'observation: habitude d'être précis et complet dans son observation, habitude de décortiquer dans le détail, d'examiner avec soin les données d'un problème, les énoncés verbaux à comprendre, les situations à analyser, les objets à réparer, etc., habitude d'observer avec méthode, systématiquement afin d'être certain de ne pas passer à côté d'une information capitale, habitude de comparer les données entre elles, habitude d'observer comment les divers éléments d'un objet, d'une situation, d'un problème, sont organisés entre eux, habitude de les répertorier, de les classer, de les ordonner, de les compter si cela est pertinent.
5.2
Favoriser chez l'apprenant et l'apprenante le développement de bonnes habitudes de réflexion (traitement de problème): habitude de bien clarifier dans sa tête le problème que l'on cherche à résoudre, l'apprentissage que l'on cherche à réaliser, habitude de sélectionner les informations dont on a besoin pour traiter son problème, habitude de planifier sa démarche réflexive.
5.3
Favoriser chez l'apprenant et l'apprenante le développement de bonnes habitudes de contrôle de ses réponses et de l'expression de celles-ci. Habitude de s'assurer de l'exactitude de la réponse, de la communiquer de façon adaptée au contexte et aux interlocuteurs réels et potentiels.
5.4
Faire des stratégies sus-mentionnées, l'objet d'un apprentissage explicite (nommé, expliqué, démontré) et systématique: c'est-à-dire faire de ces stratégies des objectifs spécifiques de leçons, parallèlement ou même prioritairement selon le cas aux objectifs de matière (français, mathématiques).
Recommandation 6
Pour répondre à divers principes exposés précédemment, les activités éducatives proposées devraient idéalement être choisies, adaptées ou créées de façon à présenter:
6.1
Un défi intellectuel (résolution de problèmes) gradué et personnalisé (formation sur mesure) mettant en jeu, d'un côté les connaissances et les habiletés que l'on cherche à faire acquérir, de l'autre l'habitude fonctionnelle (stratégie d'apprentissage et de résolution de problème) que l'on cherche à développer.
6.2
Ces défis devraient avoir un caractère très motivant (répondant à des besoins précis chez l'apprenant et l'apprenante), stimulant pour les fonctions intellectuelles, amusant, plaisant, permettre autant que possible de faire l'objet de jeux coopératifs et créatifs favorisant le développement des communications et de l'entraide dans le groupe, et l'expression du soi.
Ils ne devraient pas aboutir à une acquisition de recettes, de trucs, de listes d'instructions, de plans tout faits à retenir par cœur et à appliquer automatiquement et sans discernement.
Un apprentissage théorique ne trouve sa signification que dans ses applications à la vie quotidienne, professionnelle, relationnelle, affective, spirituelle. Et c'est dans cette mesure qu'il sera utilisé et se conservera (mémorisation).
Ces transferts des principes, des habiletés, et des connaissances acquis à l'école auront d'autant plus d'effets sur le développement de l'apprenant et de l'apprenante que ceux-ci seront nombreux (répétition), pratiqués (assimilation active) et appliqués à une grande variété de situations (transposition et généralisation).
Recommandation 7
Pour promouvoir ce transfert des acquis scolaires aux situations de la vie normale:
7.1
II faut aider l'apprenant et l'apprenante à se fixer des défis concrets mettant en application les acquis de chaque leçon, défis qui devront être relevés durant l'intervalle entre les leçons,
7.2
Et vérifier avec l'apprenant et l'apprenante ceux qu'il a effectivement relevés, comment, et avec quel bonheur. Analyser les éventuels échecs et en dégager de nouvelles leçons.
Recommandation 8
Toute leçon quelle que soit sa durée (50 min. ou 3 x 50 min.) devrait comporter trois périodes principales, elles-mêmes subdivisées de la manière suivante:
8.1
Un tiers du temps devrait être accordé à recréer l'atmosphère adéquate dans le groupe, tout en refaisant le lien avec la leçon précédente, et en vérifiant la mise en application par les uns et les autres des acquis de cette leçon (vérification du transfert).
8.2
Un autre tiers du temps devrait être accordé à préciser le ou les objectifs de la leçon du jour et à mener les activités prévues à terme.
8.3
Le troisième et dernier tiers du temps devrait être accordé à dégager les principes à retenir de ces activités, et à définir comment ils pourraient être appliqués dans la vie normale des apprenants et apprenantes, d'ici la prochaine leçon (ou dans un intervalle de temps autre mais toujours précisé) (promotion du transfert).
Le formateur ou la formatrice devraient clore la leçon en résumant ou en aidant l'apprenant et l'apprenante à résumer les principaux points de la leçon à retenir (mémorisation).
L'apprenant ou l'apprenante
Le formateur ou la formatrice