Table des matières

Le Créca inaugure avec ce livre sa collection «À la portée de tous.» Cette collection démontre que tout le monde a des capacités de lecture et d'écriture et ce, peu importe l'âge, l'origine ethnique, le rang social ou le niveau de scolarité.

Préface

Tout commence par une anecdote

Le soleil et la lune se lèvent et se couchent, les travaux et les jours se suivent et se ressemblent, l'eau coule, le vent souffle, les chiens lèvent la patte et les chats qui s'ennuient grimpent au sommet des arbres pour qu'on appelle les pompiers; si on ne prenait pas le temps d'arrêter le temps pour raconter ce qui nous arrive, il ne resterait de notre passage sur terre que le souvenir d'une répétition ininterrompue des mêmes gestes. D'où la nécessité de raconter des histoires.

Dès le début de l'humanité, le besoin de conter a été suscité par la curiosité féminine. Notre ancêtre des cavernes qui était plutôt taciturne rentrait d'une longue journée éprouvante dans la forêt, lorsque sa femme, qui l'attendait pour souper, prit l'initiative de lui poser une question: Pis, comment a été ta journée?

Trop orgueilleux pour admettre qu'elle avait été désastreuse, l'homme a aussitôt senti le besoin de broder allègrement sur le peu qui s'était passé. Et c'est ainsi que, dès l'âge de pierre, on a pu constater que les journées étaient toujours plus riches en événements lorsque les chasseurs rentraient bredouilles. Du moins si on se fiait à ce qu'ils racontaient.

Quelques millénaires plus tard, un chasseur, qui manquait sans doute d'imagination, se surprit un jour à renvoyer la question à sa compagne: Pis toi, ta journée, comment ça été? Depuis le temps qu'elle attendait qu'on l'interroge sur le sujet, la femme ne se fit pas prier pour se lancer dans une description exhaustive et détaillée des moindres gestes, cris, ris, risettes, sourires et rires de la septième merveille du monde, son dernier-né.

Et c'est ainsi qu'Achille, Ulysse, Alexandre, César et Pierre Le Moyne d'Iberville ont tous appris leur métier de héros, en écoutant leurs mères raconter inlassablement leurs exploits d'enfant.

Nous sommes tous moulés dans la cire de notre répertoire d'anecdotes: celles qu'on a vécues, celles qu'on nous a racontées et celles qu'on a inventées pour les conter.

Les bonnes anecdotes - comme c'est le cas de celles qu'on trouve dans ce livre - sont marquées au sceau de l'authenticité et de l'autodérision. Quelle victoire que celle d'être le héros ou l'héroïne, a postériori, d'une situation embarrassante dont on a d'abord été la victime!

Lorsqu'on habite la même ville et la même langue, on a forcément le même quotidien en commun. Lequel d'entre nous peut prétendre qu'il n'a jamais attendu un métro orange de sa vie? Et qui n'aurait pas aimé faire ça d'main, chaque fois que son patron lui répétait de faire ça d'même!

Deux travailleurs qui se parlent en français découvrent qu'ils sont tous deux originaires de l'Amérique centrale, c'est une anecdote qui, mieux que tous les discours, incarne la réalité du Québec contemporain.

Jean-Claude Germain, écrivain

Visite surprise

Peu de temps après que je suis arrivée à Montréal, je suis allée voir ma cousine. Je ne lui ai pas téléphoné avant de partir. Elle restait loin de chez moi. Pour aller chez elle, je devais prendre le métro Côte Vertu puis l'autobus numéro 64. Lorsque je suis arrivée chez elle, elle était déjà partie pour l'hôpital. Pour le retour, j'ai eu beaucoup de difficulté pour aller chez moi. J'ai demandé au chauffeur d'autobus une information. J'ai parlé en créole seulement. Le chauffeur n'a pas compris. J'étais perdue. Je suis descendue de l'autobus pour aller au téléphone et j'ai appelé chez moi pour demander à mon mari de venir me chercher au métro Côte-Vertu.

Aulane Joseph, Haïti

Descendez monsieur!

Un jour, j'ai pris l'autobus pour venir à l'école. J'étais assis «derrière» l'autobus. J'ai demandé l'arrêt de l'autobus en tirant sur une corde au dessus du banc qui a fait sonner une cloche et j'ai avancé à côté de la porte arrière. L'autobus a arrêté mais le chauffeur n'a pas ouvert la porte arrière.

Le chauffeur a dit: «Descendez monsieur.» Parce que la barrière était fermée, je ne savais pas où descendre.

Comme je ne descendais pas, l'autobus a démarré. J'ai dû me rendre jusqu'au métro pour reprendre un autre autobus pour revenir à l'arrêt où je devais descendre.

J'ai appris que pour descendre d'un autobus, il faut pousser la barrière pour permettre aux portes de s'ouvrir.

Yasina Hizeyiniana, Rwanda

Mon premier jour au Québec

4 décembre 1999

À l'aéroport de Dorval, nous sommes arrivés, ma famille et moi, à 9h du soir. Nous avons marché jusqu'au bureau de l'immigration. Il y a eu quatre heures de questions. Cela fait beaucoup de questions. Puis un agent de l'immigration a pris nos empreintes digitales.

Après la personne a donné à mon mari l'adresse du YMCA pour aller nous coucher. Il était 1 heure du matin. Nous pouvions enfin sortir. Nous étions fatigués et nos trois enfants épuisés. Mélissa, la plus jeune, n'avait que 9 mois. Mon mari était très nerveux ; c'est moi qui leur ai donné le courage d'avancer.

Arrivés à la porte de sortie de l'aéroport, une personne de l'immigration courait derrière nous. Je ne savais pas parler le français. La personne parlait beaucoup et on ne comprenait pas. On pensait qu'il voulait qu'on retourne au Mexique. Elle a pris notre valise et elle l'a ouverte. Elle voulait qu'on mette les manteaux aux enfants. Puis elle nous a laissés partir.

Arrivés dehors, il faisait froid. On a embarqué dans le premier taxi. Mon mari a demandé combien ça coûtait. Le chauffeur nous a dit 70$ américains. Mon mari n'avait que 50$ canadiens. C'est là qu'il nous a dit que nous étions dans une limousine. Nous sommes débarqués pour aller prendre un «vrai» taxi. Il nous a coûté 35$. Il y avait du brouillard. Nous ne savions pas où c'était le YMCA. Le taxi avançait lentement vers le centre-ville. Plus il avançait, plus je me disais que l'hôtel allait coûter cher. Arrivés au YMCA, nous avons appris que c'était gratuit. Après, cela a bien été.

Ma Concepcion Rivera, Mexique

Où est le métro?

Quand mon mari est arrivé au Canada, c'était un 15 décembre. Il ne connaissait pas comment prendre le métro. Il n'y a pas de métro au Salvador. Son ami qui habitait à Montréal depuis 15 ans lui a donné le chemin pour aller à l'immigration en métro. Il a dit: «Tu prends le métro orange.» Mon mari est descendu dans le métro Henri-Bourassa. Il a attendu que le métro passe. Il a vu quatre métros bleus passer mais pas d'orange. Il parlait un peu l'anglais. Il avait peur de se tromper. Il a demandé: «Où je peux prendre le métro orange?» Il n'y a pas de métro orange. Il y a une ligne orange!

Alejandrina Yanez, Salvador

Inquiétante disparition

Quand nous sommes arrivés à Montréal, nous avons rencontré un problème! Nous devions aller faire faire nos cartes d'assurance-maladie. Mon mari tenait dans sa main un porte-documents où il y avait tous nos documents: passeports, visas, IMM1000, diplômes, attestations, etc. Il s'est assis dans la voiture avec ma fille. À mi-chemin, mon mari a remarqué que le porte-documents avait disparu. Nous sommes revenus au point de départ mais nous n'avons rien trouvé. Quand nous sommes arrivés à la maison, nous avons trouvé un message au téléphone nous informant qu'une femme avait trouvé tous les documents. C'est alors que mon mari s'est rappelé qu'il avait déposé le porte-documents sur le toit de la voiture.

Sveltana Savenok, Russie

[Voir l'image pleine grandeur] Feuilles de papier qui s'échappent d'une valise ouverte.

Vos papiers, s'il-vous-plaît!

Le 22 septembre 1999, je suis partie de Budapest pour venir à Montréal. C'était un très long voyage. À Paris, il y a eu une heure d'attente. Arrivée à Montréal, j'étais heureuse. J'avais hâte de voir la ville. À l'aéroport, j'ai attendu 6 heures pour passer à la douane. J'ai pleuré; je voulais retourner chez mon papa et ma maman, je voulais retourner à la maison. Je ne parlais ni le français, ni l'anglais. On me demandait mon passeport mais je ne comprenais pas.

Ils ont pris mes empreintes. Je me suis remise à pleurer. J'ai lavé mes mains. Je me suis mise à penser «pas bon Canada». Une heure après, j'ai mis un casque d'écoute pour écouter un traducteur hongrois par téléphone. J'ai enfin compris qu'ils me demandaient mes papiers. Ils étaient restés dans la valise que ma belle-sœur et son mari avait déjà été portée dans leur voiture.

Érika Nemeth, Hongrie

Mon fils et mon mari

J'ai donné une montre à mon fils pour qu'il rentre à l'heure. Un soir, il jouait dehors et il a oublié l'heure. Il a eu peur de rentrer à la maison parce qu'il pensait que j'allais le frapper. Je suis partie à la recherche de mon fils avec mon mari. Nous avons fait tout le tour du quartier Ahuntsic sans le voir. Alors j'ai appelé chez un de ses amis, aucun signe de lui. Vers minuit, mon mari et moi avons appelé les policiers. Ils nous ont questionnés pour avoir un peu d'information sur mon fils. Les policiers ont cherché mon fils. Mon mari et moi nous étions très fatigués et nous avions très peur pour lui. A trois heures du matin, un inconnu a averti un des policiers qu'un enfant âgé de onze ans marchait dans la rue. Ensuite la police est venue chez nous avec mon fils. On était content. Un policier a alors dit à mon mari qu'ils avaient un mandat d'arrestation contre lui et qu'ils étaient désolés. Mon mari n'avait pas payé une contravention pour un stationnement non permis. Ils ont pris mon mari et ils l'ont enfermé en prison. Il a passé toute la nuit en prison. Le lendemain, j'ai payé pour faire sortir mon mari de la prison. Mon mari a dit: «Je n'oublierai jamais cet événement.»

Merancine Barthelemy, Haïti

Les yeux d'un enfant

L'année passée, j'avais une grosse douleur dans la jambe. J'avais de la difficulté à marcher. Un jour, mon petit-fils de quatre ans m'a dit: «Grand-mère, tu marches mal comme un chien.» Nous avons beaucoup ri.

Fernande Horad, Haïti

Mes souliers

Je me rappelle quand j'étais jeune, j'aimais beaucoup mes souliers. Lorsque j'entrais dans le salon, je voulais que personne ne touche à mes souliers. Je me demandais quelle était la meilleure chose à faire. J'ai décidé de cacher mes souliers en m'assoyant dessus. Quand ma famille m'a vue, ils ont ri parce qu'ils étaient surpris de voir que je cachais mes souliers sous moi. Quand on est jeune, on n'aime pas faire rire de soi.

Ghayta Baissa, Maroc

[Voir l'image pleine grandeur] Illustration d'une paire de souliers.

Ma première sortie en métro

Quand je suis venue à Montréal, j'ai voulu aller au Cofi pour faire une inscription au cours de français. Mon mari m'a expliqué comment aller au métro Parc. Mais j'ai oublié de descendre au métro Snowdon pour changer de ligne. Je suis restée jusqu'au métro Henri-Bourassa. Tout le monde est descendu. Moi je suis restée dans le métro. Le chauffeur est venu vers moi et il m'a dit de descendre. «Pourquoi tu restes dans le métro?» M'a-t-il dit. Je n'ai pas répondu parce que je ne connaissais pas le français. C'est pour ça qu'il a appelé la police. Il a pensé que j'étais une terroriste parce que je porte un foulard. Le policier m'a dit de descendre et je suis descendue. J'ai téléphoné à mon mari. Il m'a dit de rester là et il est venu me chercher.

Halimo Nurow, Somalie

L'étrangère

Je venais d'arriver au Canada. Un jour, j'ai pris le métro jusqu'à la station Papineau. Pour mon retour à la maison, j'ai vu un arrêt de bus. J'ai passé une heure là-bas. Chaque fois que je voyais un autobus passer, je me mettais à courir derrière. Finalement un homme m'a vue. Il s'est approché de moi. Il m'a dit: «Madame, ce n'est pas ici que vous devez prendre le bus, c'est de l'autre côté de la rue.»

Didi Keita, Guinée

Les portes tournantes

Peu de temps après que je sois arrivée à Montréal, ma fille et moi avons pris le métro. Quand elle est arrivée à la porte tournante du métro, elle a poussé la porte pour entrer. J'avais peur de la perdre. Je me suis dépêchée à rentrer avec elle. Elle a dit: «Non maman, tu dois passer après moi.» Pourquoi j'ai fait ça? Je n'aime pas les portes qui tournent.

Marie Jean Baptiste, Haïti

Les Jeux du Québec

À l'été 91, aux Jeux du Québec à Laval, j'étais bénévole pour la sécurité. Un jour, parce que le walkie-talkie était trop pesant, j'ai failli perdre mon pantalon.

Daniel Emond, Québec, Canada

Complètement «masqué»

Je suis un sportif. Dans mon pays, Haïti, je suis un joueur de soccer. Au Canada, tout l'hiver on ne peut jouer au soccer. Quand l'hiver arrive et qu'il fait très froid, je m'habille pour avoir chaud. Je mets une tuque que j'enfonce pour couvrir mon front, le capuchon de mon manteau par-dessus un foulard qui couvre le bas de mon visage, on dirait que je suis «masqué». Si je rencontre quelqu'un que je connais, je ne le sais pas car lui aussi est «masqué» et il ne peut pas me reconnaître. L'hiver personne ne se reconnaît. Je suis tanné du froid, tellement tanné que je voudrais retourner dans mon pays. À chaque hiver, je voudrais être en Haïti.

Quand je finis de travailler et que la neige tombe, je dois nettoyer la voiture. Y'a beaucoup de problèmes à cause de l'hiver. C'est pas facile madame votre hiver quand on arrive d'un pays chaud comme Haïti.

Ce n'est pas seulement moi qui est tanné d'être complètement «masqué» mais tout le monde. J'ai trouvé beaucoup de gens «masqués» qui pleurent et qui n'aiment pas l'hiver.

Jean Samuel Vernelus, Haïti

[Voir l'image pleine grandeur] Ballon de soccer vêtu d'une tuque et d'un foulard.

Une enfant curieuse

Je me rappelle, j'avais cinq ans. Un jour, j'ai demandé à ma tante comment on peut avoir un enfant. Elle m'a répondu que lorsque je prie, je pourrais demander à Dieu. Dans la soirée, je me suis mise à genoux et j'ai demandé à Dieu un enfant, une petite fille comme moi. Ma mère a ouvert la porte et elle m'a entendue: «Qu'est-ce que tu fais Marie-Ange?» J'ai répondu: «Je prie.» Elle voulait savoir si j'avais demandé à Dieu la santé. J'ai dit que non, que j'avais demandé à Dieu un enfant. Ma mère m'a regardée et elle a fait un sourire. Elle m'a expliqué que j'étais trop petite pour avoir un enfant: «Quand tu sera grande, tu pourras avoir un enfant.» Elle m'a fait bien comprendre et puis j'ai dit: «Bon! Je vais demander à Dieu un petit frère ou une petite sœur.» Ma mère était d'accord et elle m'a donné un baiser. Après je me suis couchée.

Marie Ange Dierline Lamour, Haïti

Mon expérience de ski à Banff

En 1983, je suis partie avec l'école pour faire du ski, à Banff, en Alberta. J'étais en quatrième année du primaire. C'était la première fois que je faisais du ski. Le professeur de ski nous a demandé si on avait de l'expérience. Moi, j'ai dit «oui» et que j'étais une experte.

On a mis nos skis et on est allé sur la montagne. Je n'avais jamais fait de ski de ma vie. Je suis allée sur la pente de ski avec mes amis. Tous mes amis avaient de l'expérience, sauf moi.

Quand je suis arrivée sur le haut de la montagne en remonte-pente, j'ai regretté d'être venu faire du ski parce que je n'étais pas capable de descendre la pente.

Pendant plus d'une heure, je suis restée en haut sans pouvoir me décider à descendre.

Mes amis m'ont crié de descendre parce que l'autobus allait partir. Je n'avais pas le choix, je devais le faire.

Au lieu de descendre sur mes skis, je me suis couchée pour rouler jusqu'en bas. Ça m'a pris vingt-cinq minutes pour arriver en bas de la pente. Tout le monde riait de moi; j'étais fatiguée et mes vêtements étaient tout mouillés.

Isabelle Parent, Québec, Canada

La poule malade

En Espagne, un beau jour d'été, il faisait très chaud, j'étais dans le jardin et nous avions des poules dans une cage au soleil.

À un moment donné, j'ai remarqué qu'il y avait une poule malade. Je voulais l'aider. Je me suis approchée de la cage. J'ai grimpé pour prendre la poule dans mes bras alors je suis tombée la tête la première dans la cage. J'avais les pieds en l'air.

Quand je repense à cette histoire, je ris en pensant à la façon dont je suis tombée dans la cage.

Mercedes Piniero, Espagne

Les funérailles

Je suis allée aux funérailles d'un parent de mes amis en Haïti, en 1989, j'avais 12 ans.

En sortant de l'église pour aller au cimetière, je suis arrivée au tombeau du parent. Je suis montée sur une tombe pour regarder là où on avait déposé le mort. Au moment où je regardais, une personne est venue s'installer de l'autre côté de la tombe. J'ai senti que le tombeau commençait à bouger. Je suis tombée jusqu'au fond, j'ai crié: «Aidez-moi, aidez-moi.» Ma mère et une amie sont venues m'aider à sortir du trou. Lorsque j'ai regardé là où j'étais, j'ai vu un cercueil. Je paniquais mais heureusement ma mère était là.

D'après moi, j'ai vu une grande différence entre les cimetières d'Haïti et ceux du Canada. En Haïti, les morts sont enterrés sous une plaque surélevée que l'on ferme ensuite avec des blocs de ciment. Pour les tombes plus chères, on bâtit une maison en béton pour déposer les morts avec une porte bien fermée sur laquelle on dépose les fleurs et les couronnes. Au Canada, on dépose le mort dans un trou que l'on referme avec la terre et on installe une plaque commémorative.

Depuis ce temps, j'ai pris toutes les précautions possibles pour que la même chose ne m'arrive pas une autre fois.

Edna Valtrin, Haïti

La tempête de verglas dans un ascenseur

Cette journée-là, j'ai terminé le travail plus tôt à cause du verglas. Par peur de ne pouvoir ressortir avant longtemps, j'ai changé mon chèque de paie et je suis allé au marché où j'ai acheté beaucoup de nourriture. En arrivant chez moi, j'ai pris l'ascenseur avec mes nombreux sacs d'épicerie pour monter chez moi. J'ai appuyé sur le bouton pour le quatrième étage mais l'ascenseur s'est arrêté après le premier. J'étais étonné. Je me demandais ce qui se passait, j'étais bloqué dans l'ascenseur.

J'ai frappé pendant cinq minutes tout à coup, j'ai entendu quelqu'un qui disait: «Il y a quelqu'un là-dedans?» Je me suis mis à frapper plus fort et à appeler. Et j'entendais quelqu'un qui disait «Attends, attends.» Je suis resté 45 minutes à attendre, les pompiers sont arrivés et m'ont fait sortir.

J'ai vraiment eu peur, le verglas avait causé la panne d'électricité. Mes amis, quand je leur ai conté mon histoire, ont ri de moi en me disant qu'avec toute l'épicerie que j'avais, je ne serais pas mort de faim.

Quelle aventure!

Jacques Océ, Haïti

[Voir l'image pleine grandeur] Illustration d'un sac d'épicerie en papier rempli de nourriture.

La carte d'assurance sociale

Mon frère connaissait une personne qui a offert de me prêter sa carte d'assurance sociale afin que je puisse obtenir un emploi. J'ai trouvé un emploi comme responsable dans un restaurant.

Un beau jour, j'arrive au travail et je m'aperçois qu'il y a eu un vol. Le cuisinier qui était là me dit: «On va appeler la police.» J'avais peur car j'avais une carte d'identité qui ne m'appartenait pas. Alors, j'ai insisté pour convaincre le cuisinier de ne pas appeler la police. Je lui ai dit que j'étais le responsable du restaurant et que c'était moi qui savait quoi faire, que j'allais appeler le patron, mais le cuisinier l'a appelé quand même.

Quand les policiers sont arrivés, ils nous ont demandé de nous identifier. J'ai donné ma carte d'assurance sociale. Le policier m'a demandé: «Quel âge as-tu?» J'ai répondu: «J'ai beaucoup d'âge.» Mais il a insisté: «Quel âge?» J'ai répondu 43 ans, ce qui me vieillissait beaucoup, j'avais seulement 22 ans.

Après cette expérience, j'ai remis la carte d'assurance sociale à l'ami de mon frère, je n'en voulais plus.

Reynold Elume, Haïti

Le trottoir électrique

J'ai quitté les Seychelles le 28 mars 1991 pour venir au Canada. J'étais très contente et comme on était à la fin du mois de mars j'ai donné tous mes pantalons avant de partir et j'ai mis dans ma valise mes robes et tous les vêtements d'été. Je ne connaissais pas l'hiver du Canada.

À l'aéroport de Francfort, j'ai dû prendre le trottoir électrique pour me rendre à l'avion, c'était la première fois que je voyais ça. Mon mari me dit «Il faut passer, saute et fais attention de ne pas casser ton pied.» J'avais tellement peur de ce trottoir qui pouvait, selon mon mari, casser mon pied.

Il y avait des gens derrière moi, j'essayais de sauter et je n'y arrivais pas car j'avais peur. Mon mari m'a poussé et j'ai sauté accroupie sur mes deux pieds, je tremblais.

Arrivés à Montréal, il faisait très froid, je n'avais pas de manteau, je gelais.

Comme l'avion avait trois jours de retard, mon frère n'était pas à l'aéroport. J'ai voulu prendre un taxi, j'avais trois sous et le chauffeur m'a dit que ce n'était pas assez. Enfin, j'ai rejoint mon frère qui est venu nous chercher.

Quelle aventure fut mon arrivée au Canada.

Lusianne Lafortune, Seychelles

Les transports en commun

Quand je suis arrivée au Canada, je suis allée à l'immigration avec mon beau-frère. J'ai pris l'autobus et j'ai poussé les gens qui attendaient l'autobus. Ma sœur m'a crié: «Ne pousse pas les gens, ce n'est pas comme chez nous. Ici, on ne pousse pas pour entrer dans l'autobus, on attend.»

Et dans le métro, il fallait prendre l'escalier mobile, je n'avais jamais vu ça. Mon beau-frère et ma sœur étaient déjà rendus en bas de l'escalier et ils me regardaient. Ils me criaient de descendre parce qu'on allait manquer le métro.

J'ai mis ma main sur la rampe «glissante» et j'avais peur. J'ai regardé derrière, il y avait beaucoup de personnes qui attendaient que je me décide à avancer. J'ai laissé les gens passer. Mon beau-frère est remonté me chercher. Malgré que j'avais toujours peur, je suis descendue dans cet escalier.

L'escalier mobile et l'autobus ont été mes deux grands apprentissages à mon arrivée au Canada.

Jeanny Kate, Seychelles

La vague...

C'était le 17 septembre 1998, à l'hôpital du Sacré-Cœur, à Montréal. J'étais en train d'accoucher. Il y avait là ma sœur, ma mère et mon «chum». Il était 11h30 de l'avant-midi et mes contractions étaient commencées. J'étais en train de pousser et ma mère était à côté de moi, pour m'aider à pousser.

À un moment donné, la tête de mon bébé est sortie... Alors, ma sœur et mon «chum» se sont levés les bras en l'air et ont crié: «Wei!» Comme s'ils faisaient la vague au stade olympique...

Annick Godin, Québec, Canada

Mon premier emploi comme vendeuse de revue

Cela se passait à Châteauguay, lorsque j'avais seize ans.

Pendant l'entrevue, qui se passait au restaurant, avec mon patron et son associé, j'avais le cœur en compote... Lorsque je m'adressais à mon patron et à son associé, je me sentais toute intimidée par leur présence impeccable.

Je pris avec eux un «café crème», pour la première fois de ma vie... Je n'avais jamais bu cela. La serveuse me versa un café et, le cœur battant, je pris la crème.., qui éclaboussa les habits impeccables de mes patrons!

J'étais pétrifiée par ce qui m'arrivait! Je tremblais, en essayant de boire mon café.

C'était mon premier emploi. Il consistait à vendre, de porte en porte, des abonnements à la revue Châtelaine.

Le temps venu de travailler, je me présentai aux portes, toute essoufflée, et j'offrais aux gens mes revues à vendre.

Puis, en montant un escalier, je perdis le talon de mon soulier. Je le ramassai et le mis dans ma poche, puis je m'empressai de continuer mon travail, clopin-clopant. La journée se passa ainsi avec toute sa nouveauté et tous les imprévus possibles!

Ce fut là mon premier et mon dernier jour de travail dans cet emploi.

Je restai plusieurs jours avant de me remettre... à la recherche d'un autre emploi.

Lynn Nakashima, Québec, Canada

[Voir l'image pleine grandeur] Illustration d'un magasine près d'une tasse de café.

Mon premier emploi au Canada

Dans mon premier emploi, au Canada, j'ai eu pas mal de difficulté à comprendre mon employeur. Il s'exprimait d'une drôle de façon. Il disait continuellement:

  • Calice!, Tabarnak!, etc.

Il m'a expliqué ce que je devais faire. Il m'a dit:

  • Tu fais ça de même, pis de même, c'est ben simple!..

Quand il disait: «de même», moi, je comprenais qu'il disait: «Tu fais ça demain...» Alors je restais les bras croisés, à côté de la machine...

Il me disait aussi:

  • Va me chercher vingt-cinq cartons de même..., en pointant ceux qui étaient sur la machine.

Et moi, je comprenais: «Va me chercher Vincent...»

C'est alors que j'ai compris que j'aurais besoin d'aller à l'école pour étudier le français...

Daniel Meijia Vasquez, El Salvador

Mon deuxième emploi au Canada

  • Allô, bonjour, comment ça va?
  • Ça va bien.
  • Es-tu nouveau ici?
  • Oui, j'arrive au Canada.

C'était mes premiers échanges avec un collègue de travail, dans mon deuxième emploi. Mon travail consistait à meuler, à aiguiser et à limer des pièces de métal, pour fabriquer des chariots de supermarché.

  • C'est quoi la façon de travailler ici, que je lui ai dit. Les gens sont-ils syndiqués, ici? Vont-ils être fâchés contre moi, si je travaille trop vite?
  • C'est bien facile, qu'il me répondit, tu n'as qu'à suivre le rythme des autres.

À la fin de la journée de travail, mon compagnon de travail me demande:

  • Mais, dis-moi, d'où viens-tu?
  • Moi? Je viens du El Salvador...
  • Et moi, du Guatemala!.. Alors pourquoi est-ce qu'on se parle en français?..
  • Bien moi, je pensais que tu étais chinois, ou bien que tu venais du Vietnam..., à cause de tes yeux bridés.
  • Et moi, je croyais que ton français ressemblait à celui d'un Québécois ou d'un Arabe!..

Maintenant, je reconnais facilement l'accent et la nationalité de quelqu'un.

Daniel Meijia Vasquez, El Salvador

Mon travail pendant le «ramadan»

Un jour, au Maroc, il m'est arrivé une drôle d'histoire...

J'avais 17 ans et je travaillais comme assistante dans un hôtel. C'était pendant le «ramadan». Pendant le «ramadan», la routine de la vie est changée et les horaires de travail aussi. Comme on ne peut pas manger entre le lever et le coucher du soleil, je commençais à travailler à 8 heures du matin et je finissais à 14 heures, au lieu de 17 heures, comme d'habitude.

Un jour, une fois arrivée chez-moi, j'étais très fatiguée. Il était un peu plus de 14 heures. Je me suis couchée.

À mon réveil, le soleil était déjà levé!... - J'avais peur d'être en retard. - Je me suis dépêchée le plus possible et j'ai couru pour prendre l'autobus.

Je me suis assise dans l'autobus et j'ai demandé l'heure à quelqu'un.

Il était 16 heures!... Je n'avais dormi qu'une seule heure ! J'étais donc une journée trop tôt pour retourner au travail.

Habiba Dibourne, Maroc

Influence des dessins animés sur mon enfance

C'était au Maroc, en 1981. J'avais 11 ans. Après l'école, j'ai vu l'émission de dessins animés. C'était monsieur «Gadget» qui faisait du parachute avec son parapluie. Comme j'étais une fille très curieuse, le lendemain j'ai décidé de faire la même chose. J'ai choisi le toit de notre voisin, parce qu'il avait un étage de plus que chez moi. J'ai pris le parapluie de mon père, parce qu'il était plus grand que le mien. J'ai sauté du toit de notre voisin sur notre toit et comme j'étais trop lourde, le parapluie s'est ouvert. J'ai fait une chute libre. Ma canine droite s'est plantée dans mon genou. J'ai encore la cicatrice qui me rappelle cette journée. Heureusement, il n'y a pas eu de conséquence grave. J'ai compris qu'il faut que les parents soient très attentifs à l'influence des dessins animés sur les enfants.

Nadia Soual, Maroc

[Voir l'image pleine grandeur] Illustration d'une télévision où l'on peut voir un parapluie à l'écran.

Coupeur de tête

Dans mon pays, en Côte d'Ivoire, les policiers contrôlent régulièrement les pièces d'identité.

Un jour que je me promenais avec un ami burkinabé, quatre policiers nous ont demandé nos papiers. Je leur ai montré les miens et ils m'ont laissé passer. Mon ami leur a montré son passeport. Les policiers lui ont dit:

  • Monsieur, vous n'êtes pas de ce pays? Quel métier faites-vous?

Il leur a répondu:

  • Moi, je coupe les têtes.

Les policiers l'ont arrêté sur place et lui ont mis les menottes. Ils lui ont dit:

  • Vous êtes venu pour couper la tête des enfants?
  • Non, a répondu mon ami, je suis venu pour couper les têtes.
  • Si tu es venu pour couper les têtes, on t'arrête parce que tu es un criminel.

Mon ami a répondu:

  • Non! Je ne suis pas un criminel. Je suis venu pour couper les têtes.

En disant sa phrase, il a fait le geste de couper ses cheveux. Ils ont dit:

  • Vous êtes un coiffeur.

Ils ont bien ri et ils lui ont enlevé les menottes.

Koffi Adou, Côte d'Ivoire

Crédits

Édition
Centre de ressources éducatives et communautaires pour adultes (Créca)

Gestion du projet
Lucille Hébert et Claude Ampleman

Page couverture, illustrations et mise en page
Marie-France Bélanger

Révision linguistique
Roger Blanchette, Carole Brousseau et Francine Pichette

Créca
10 770, rue Chambord
Montréal (Québec) H2C 2R8
Téléphone: (514) 596-7629
Télécopieur: (514) 596-7681
Courriel: centre.creca@videotron.ca
Site Web: http://pages.infinit.net/lecreca/

La réalisation de ce document a été rendue possible grâce à une contribution financière du Programme des initiatives FÉDÉRALES-PROVINCIALES conjointes en matière d'alphabétisation.