Table des matières

Note : Épicène : adj. (lat. epicoenus, du grec epikoinos, possédé en commun).

  1. Se dit d'un nom qui a la même forme aux deux genres, correspondant aux deux sexes (par ex. un élève/une élève, un enfant/une enfant).
  2. Se dit d'un nom qui peut désigner indifféremment un mâle ou une femelle (par ex. la perdrix, le papillon). (Larousse).

Je remercie les personnes qui me lisent d'accepter que cet adjectif qualifie aussi les noms formateur, étudiant, participant, apprenant et les pronoms nous et vous. Lorsque, d'aventure, ces noms sont employés spécifiquement dans leurs deux genres, il s'agit d'un effet de style. Pour le reste, il s'agit d'alléger la lecture...

Avant-propos

Voici un document que j'avais le goût d'écrire depuis longtemps : depuis le jour où j'ai compris que la plus belle méthode d'enseignement ne sert à rien si on ne tient pas compte du public à qui elle s'adresse et si on n'est pas en accord total avec elle.

Pour le lecteur pressé des EN BREF (encadrés) donnent un condensé de chaque chapitre. Mais pour celui qui désire acquérir du plaisir à enseigner les mathématiques, il est conseillé de s'enquérir du mode d'emploi. En effet, la densité du contenu, malgré son style volontairement... sympathique risque d'occasionner des courts-circuits dans le délicat réseau de vos neurones.

Je n'ai rien inventé. Je ne fais que dire en termes simples ce que d'autres ont dit dans des ailleurs dispersés, divers, autres.

Florence du Crest

Présentation

Cette introduction a pour but de vous donner le goût d'en savoir plus. Il se peut aussi, qu'après l'avoir lue, vous pensiez que vous savez déjà tout ça, ou que tel contenu vous intrigue plus que tel autre. Il est vrai que les introductions ont été inventées pour ça!

Partie I : Les fondements du savoir-faire

Les mathématiques nous ont été enseignées d'une telle façon que cela nous nuit généralement pour les montrer aux adultes analphabètes qui sont nos apprenants. Nous allons donc réfléchir, à propos d'un certain nombre de connaissances que vous possédez déjà en bonne partie, de façon à en faire une somme qui vous donnera tout à coup l'impression que tout est si simple après tout! Ces fondements se regroupent sous six thèmes principaux que voici :

1. L'arithmétique a été inventée pour résoudre des problèmes concrets.

Ceci amène deux postulats :

a) Il est préférable de montrer l'arithmétique en suivant une progression calquée sur le développement de la pensée mathématique qu'a suivie l'humanité;b) Utiliser des problèmes pour faire découvrir l'arithmétique devrait être stimulant et aider au développement de la créativité.

Le premier postulat (a) implique de connaître cette progression. Elle implique aussi de se demander à quelle étape du développement de cette pensée mathématique se trouvent les individus auxquels nous devons enseigner.

Le postulat (b) implique de donner au mot «problème» un sens à la fois plus vaste et plus précis que ceux qui sont habituellement accordés à ce mot. Cela demande aussi d'utiliser des problèmes correspondant aux intérêts des personnes qui devront les résoudre. Si je n'ai pas d'argent à placer à la bourse, quel est mon intérêt d'apprendre à lire les pages du journal qui m'en donnent les cotes?

2. L'arithmétique n'est qu'une branche des maths qui peut intéresser un adulte.

La logique, les mesures, la géométrie, la lecture de plans, de tableaux, de graphiques, la situation dans l'espace et dans le temps sont autant de sujets d'étude qui aideront les adultes à être plus fonctionnels. Mais surtout, cela ouvre un champ très large dans lequel on a plus de chance de trouver de quoi les intéresser.

3. L'acquisition des concepts demande l'acquisition du vocabulaire correspondant.

En ce sens l'apprentissage des mathématiques en relation avec la vie quotidienne favorise les acquisitions langagières et, réciproquement, les acquis langagiers permettent de mieux faire des maths. C'est pourquoi il est important de vérifier où en sont les adultes dans ce domaine et de s'ingénier à leur faire prendre conscience de ces acquis en relation avec les mathématiques, tout en les accroissant. Le mot «avec», par exemple, est un mot en relation avec l'addition.

4. L'intérêt des adultes est variable.

Il dépend des acquis et des besoins (alias des intérêts) de chacun. D'autre part, pour apprendre on fait appel à des connaissances déjà intégrées. Elles sont aussi variables suivant chaque individu.

5. Afin de stimuler l'apprentissage, il est reconnu que savoir comment on apprend est une aide précieuse.

Quelques trucs simples permettent aux adultes de mieux se connaître. Cela leur plaît et peut être réinvesti constamment. De plus, faire des liens entre ce que l'adulte a acquis à sa manière et ce qu'on lui montre lui évitera de s'embrouiller. Il doit savoir ce qu'il sait et accepter d'aller plus loin. Pour cela, il est utile de lui montrer où on l'emmène et de lui faire utiliser ses façons d'apprendre.

6. Chaque notion du programme de mathématiques doit être décortiquée en sous-notions.

C'est la «micrograduation» des apprentissages. Elle permet de constater un progrès, si petit soit-il. Cela est valorisant.

Les apprentissages pratiques (ceux qui visent à rendre les adultes fonctionnels) doivent eux-mêmes être «microgradués» afin de faire faire le plus de liens possibles avec les contenus du programme. Par exemple, si on sait lire une date, c'est qu'on sait lire les nombres jusqu'à 2 000, probablement. Si ce n'est pas vraiment le cas, on pourra utiliser ce savoir lire les dates pour acquérir le savoir lire les nombres!

Partie II : Réfléchir et raisonner

Il s'agit de faire découvrir la matière aux adultes en la leur proposant sous forme de problèmes. Encore faut-il s'entendre, les apprenants et vous, sur le sens à donner au mot problème. Il faut aussi s'entendre sur un certain nombre de mots relatifs aux problèmes : les données utiles, inutiles, chiffrées, non chiffrées... Et il faut découvrir que les vrais problèmes se présentent sous de multiples déguisements.

Outre faire réfléchir, les problèmes font aussi parler, lire, rédiger. Ils peuvent être l'objet de jeux, de dictées, de découvertes multiples. Ils peuvent aussi donner l'envie de s'atteler à des corvées du genre apprendre ses tables de multiplication et s'exercer à faire des opérations pour y devenir habiles. Bien que, de nos jours, l'utilisation de la calculatrice soit nettement à privilégier, il est beaucoup, beaucoup plus important de savoir quand et pourquoi faire une opération que de savoir faire l'opération elle-même.

Partie III : Des outils complémentaires

Il existe de nombreux documents ainsi que du matériel pour nous aider. Il s'agira dans cette troisième partie d'en suggérer avec des explications appropriées sur leurs possibilités et leurs limites.

Finalement

Vous devez savoir que le présent guide n'a pas pour but de vous enfermer dans une pratique. Il a été fait pour vous aider à préciser votre pensée à propos de l'enseignement des mathématiques de base à des adultes plus ou moins analphabètes. Ce n'est pas simple, mais cela peut être passionnant pourvu que l'on sorte des sentiers habituellement battus. Du moins je le crois.

Mode d'emploi

Ce guide à la fois renseigne, conseille et cherche à faire visiter les dédales d'un sujet généralement considéré comme difficile, voire rebutant. L'épaisseur de ce document, je le crains, confirmerait plutôt cette impression. En réalité, cette question n'est pas du tout rébarbative. Seulement un peu complexe. C'est pourquoi il vous est suggéré une façon de procéder qui devrait vous être profitable :

  1. Vous pouvez étudier seul ou en équipe;
  2. Considérez que vous vous êtes inscrit à un cours qui se donnerait à raison de 3 heures par semaine;
  3. Pour chaque chapitre :
    a) vous lisez le texte de base;
    b) vous répondez par écrit (ou en discutant avec les membres de l'équipe) aux «questions pour le lecteur»;
    c) vous lisez les réponses et vous réagissez;
  4. Vous laissez reposer durant quelques jours et vous relisez le même chapitre;
  5. Vous devez savoir qu'il vaut mieux aborder ce guide en lisant les chapitres les uns à la suite des autres. Ils sont l'objet du cheminement à travers les dédales que vous visitez;
  6. Quand vous aurez tout lu, après plusieurs semaines d'une étude patiente, vous pourrez relire les chapitres dans l'ordre qui vous plaira;

Cette façon de procéder devrait vous épargner une indigestion. Non pas parce que la lecture serait difficile mais parce que le contenu est dense. Elle devrait vous permettre de vous l'approprier et surtout d'aller plus loin! Deux possibilités peuvent se présenter :

  • Vous êtes en accord avec ce que vous lisez, vous ne faites qu'aligner des éléments que vous aviez en tête. Ces éléments étaient déjà en ordre ou encore en désordre, qu'importe.
  • Vous n'êtes pas d'accord avec ce que vous lisez. Vous ne voyez pas de rapport entre ça et les maths. Vous trouvez impossible de procéder en tenant compte de tout ce qui est écrit là. Eh bien, ça ne fait rien! Procurez-vous quand même quelques-uns des outils de didactique proposés au chapitre XIV. Regardez-les de près. Essayez ceux qui vous plaisent le plus. Quand ça ne marche pas à votre goût, relisez quelques parties de ce Guide. Vous le comprendrez mieux. Vous pratiquerez ainsi sur vous-même la pédagogie de la découverte!

N'oubliez pas :

  • de canaliser vos émotions négatives vis à vis de cette matière;
  • de prendre le temps d'explorer;
  • de vous accorder celui de chercher à comprendre;
  • de passer à l'action, en douceur, en faisant des essais avec vos groupes.

Je souhaite que vous fassiez au moins une découverte!

Florence du Crest

Note : Certains chapitres sont un peu différents quant à leur présentation. La monotonie est la mère de l'ennui!

Partie I – Les fondements du savoir-faire

La connaissance des mots conduit à la connaissance des choses
PLATON

Chapitre I – L'invention de la numération

L'arithmétique a été inventée pour résoudre des problèmes concrets.

Un peu d'histoire à propos de la découverte des nombres

Nous avons tendance à croire que compter est la chose la plus naturelle du monde. Pourtant l'homme y a mis des milliers d'années. De nos jours encore, des peuplades de «coins perdus» de notre terre ne comptent pas mieux que les hommes d'il y a 10 000 ans. Nous avons dans nos groupes d'alphabétisation des personnes qui comptent sans comprendre, d'autres pour qui un nombre plus grand que 100 ne signifie rien. On peut en dire autant à propos de calculer et de mesurer.

Généralement, aux adultes comme aux enfants, on montre d'abord les quantités et les chiffres en rapport avec elles, puis la numération, puis les signes d'égalité, puis les quatre opérations, puis les fractions, etc. Ceci est un choix logique. Les mathématiques ressemblent à une construction dont il est logique de ne poser le toit que sur des murs construits.

Avec les enfants, la construction se fait bien si on suit leur rythme de compréhension. L'espace à bâtir est vierge.

Avec les adultes on s'aperçoit vite que la tâche n'est pas tout à fait la même. Et on ne sait pas vraiment pourquoi. On parle de mauvaises expériences d'apprentissage, de traumatismes divers. Les formateurs eux-mêmes ne débordent pas d'affection envers les mathématiques. Les apprenants, sûrs d'avance de leur incapacité en cette matière, font de la résistance passive, déclarent qu'ils n'ont pas besoin de ça. Et, de fait, il paraît beaucoup plus urgent de leur montrer à lire. N'est-ce pas?

Or, les hommes ont découvert et pratiqué la numération, ainsi que le calcul, avant de découvrir l'écriture. Et cela se passe encore ainsi de nos jours. C'est que compter est une forme particulière de communication. Au début, cela peut être un simple jeu, comme des comptines du genre de celle-ci (qui ne date pas de 35 000 ans!) :

Ventre de son - Estomac de plomb - Cou de pigeon - Menton fourchu - Bouche d'argent - Nez cancan - Joue bouillie - Joue rôtie - Petit œil - Gros œil – Sourcillons – Sourcillette - Cogne cogne la caboche

[Voir l'image pleine grandeur]Illustration d'un homme de l'Antiquité

La prise de conscience corporelle amène à constater que l'on a des doigts et des orteils. Certains s'en serviront avec plus ou moins de bonheur. D'autres iront même plus loin, utilisant successivement toutes les parties du corps. Si on désire pour sa fille une dote de 24 cochons, pour l'expliquer on peut utiliser plusieurs fois ses doigts, ou ses doigts et ses orteils, ou ses doigts, ses orteils, ses coudes et ses épaules... La façon de penser mathématique n'est pas la même suivant l'une ou l'autre façon. La première façon suppose déjà une certaine idée de la base 10, la deuxième celle de la base 20 et la dernière une simple représentation d'une quantité, sans idée de regroupement.

La base est la façon de dire que l'on regroupe pour compter. Nous comptons en base 10. Ceci signifie qu'avec 10 unités nous formons une dizaine et qu'avec 10 dizaines nous formons une centaine. Celui qui compte en base 20 fait la même chose, mais de 20 en 20. Vous trouverez, à titre d'exemple, des explications à propos de la base 5 dans l'encadré ci-après.

[Voir l'image pleine grandeur]Calcul présenté sous forme de tableau
Compter en base 5
Cela signifie :
faire des groupements de 5,
qu'il n'y a pas d'autre chiffre que 0 1 2 3 4,
5 n'existe pas. Il est appelé «un zéro» (10).

Dans un tableau de numération, chaque chiffre indique :

Le premier nombre se dit : deux trois.
Dans notre système décimal, il représenterait : 2x5 + 3 = 13

Le deuxième nombre se dit : un zéro trois.
Dans notre système décimal, il représenterait : 1x5x5 + 3 = 28

Le troisième nombre se dit : deux trois quatre.
Dans le système décimal, il représenterait : 2x5x5 + 3x5 + 4 = 69

Le total serait : 4 2 0 (quatre deux zéro) car 3 + 3 + 4 =10 donc 2x5 donc 0 dans la colonne des unités. Il s'ajoute un 2 dans la deuxième colonne. Ce qui y fait un total de 7. On en enlève 5 qui donnent 1 dans la troisième colonne ou le total devient 4.

420 c'est 4x5x5+ 2x5 = 100+10 = 110en base10.

Vérifions: 13 + 28 + 69 = 110

Compliqué? non, différent. Mais, comment montrer à compter et calculer en base 10 à quelqu'un qui l'a appris en base 5 (comme dans certains pays africains)?

Si vous vous trouvez dans un pays dans lequel on compte en base 5, les prix affichés ne seront pas ceux que vous pensez! Si vous lisez 10 en fait cela ne fait que 5 et devrait se dire : un – zéro.

Suivant les lieux et les époques, les hommes passèrent, passent et passeront par là. Ceux qui débloquèrent sur la base 10 réussirent à mener les mathématiques à leur état actuel.

Vient ensuite l'idée de compter en faisant des marques sur un objet (os, branche) ou en représentant chaque objet par un coquillage ou un caillou. Des guerriers Massai, de nos jours encore, avant de partir en expédition déposent chacun un caillou à l'entrée du village. Ils en reprennent un au retour. Les cailloux restants indiquent les guerriers disparus... Cette pratique est aussi fort utile pour le commerce. Si on met de côté un caillou ou un coquillage ou une brindille pour chaque unité vendue, on saura combien on en a vendu. On peut aussi faire une marque sur une branche, sur le sol. Ainsi compte-t-on les jours sur les murs de sa prison...

L'intérêt d'en arriver là (à compter ainsi, pas en prison!) est que l'on s'aperçoit vite que regrouper aide à compter plus rapidement. C'est ainsi que l'on en vient à représenter les unités, les dizaines et les centaines par des objets puis des signes spécifiques.

Les objets peuvent être des cailloux de différentes grosseurs. Toutefois, dans des fouilles archéologiques relatives à Sumer et à Elam, antiques civilisations de la Mésopotamie et de la région voisine, on a découvert des petits objets d'argile de tailles et de formes diverses. Ils étaient enfermés dans des boules d'argile creuses. Ces objets datent d'au moins 3 500 ans avant Jésus-Christ. On a donné aux boules d'argile creuses le nom de «bulles» et aux petites pièces qu'elles contiennent celui de «calculi» (mot qui veut dire cailloux en latin et d'où nous vient le mot calcul, car les cailloux servaient à calculer).

Suivant l'époque ou la civilisation, ces calculi ont pris diverses formes. Par exemple, il y avait des bâtonnets représentant une unité de premier ordre (1), une bille pour une unité de deuxième ordre (10), un disque pour une unité de troisième ordre (100), etc. Les animaux confiés à un berger étaient comptés et les calculi représentant leur quantité enfermés dans une bulle scellée et marquée à l'emblème du propriétaire. Pour plus de détails passionnants sur ces questions le lecteur, devrait se plonger dans L'histoire universelle des chiffres, Georges Ifrah, Laffont éditeur, 1994.

Coupe schématique d'une bulle comptable.

[Voir l'image pleine grandeur]Dessin d'une bulle comptable coupée en deux

On y trouve : 2 cent 6 dix 5 un.

Quand les civilisations ne se sont pas fourvoyées dans des culs-de-sac (base 20, ne pas faire de regroupement...), c'est en général qu'elles ont eu besoin d'aller plus loin à cause de l'ampleur de la quantité des choses à compter et de la nécessité de faire des opérations, d'utiliser des fractions, de mesurer, de commercer au loin. Bref, les problèmes à résoudre furent les moteurs des inventions.

C'est ainsi que, les bulles étant de moins en moins pratiques, le besoin de représenter toutes sortes d'objets à compter s'accroissant, on en vint à figurer les calculi par un signe et les objets à compter par des pictogrammes. Par exemple :

[Voir l'image pleine grandeur]2 ovales, 1 petit rond, 2 ovales aplatis et une tête de boeuf

voudrait dire 212 bœufs ... L'écriture est en train de naître...

Bientôt arrive la question de faire les opérations. On peut certes multiplier

[Voir l'image pleine grandeur]2 ovales, 1 petit rond, 2 ovales aplatis par 2 paquets de 3 ovales aplatis

mais ceci oblige à dessiner tous les signes puis à faire les conversions nécessaires. Alors, l'idée vient d'utiliser des abaques, c'est-à-dire des «graphiques permettant de résoudre de nombreux calculs». (Larousse).

Les abaques en question ont eu diverses représentations suivant les cultures. Cela peut être des baguettes le long desquelles on fait coulisser des pierres percées; chaque baguette représentant les unités, les dizaines ou les centaines. Les baguettes peuvent être des ficelles colorées différemment et sur lesquelles on enfile des coquillages ou des perles. Des systèmes plus élaborés ont vu le jour : jetons coulissant dans des rainures ou sur des tiges de métal. Ce fut le boulier, encore si utilisé de nos jours en Orient car toutes sortes de calculs y sont possibles.

Dessiné sur des planches recouvertes de sable ou gravé dans de l'argile, l'abaque permet d'éliminer toutes les sortes de symboles et instaure l'idée de valeur de position. Cet abaque consistait en colonnes dessinées, chacune d'elles représentant un ordre d'unité. Désormais, chaque jeton représente un mais ce un peut être 1, 10 ou 100 suivant la colonne où il se trouve. Ainsi :

[Voir l'image pleine grandeur]2, 3, 4 petits ronds disposés en 3 colonnes

se lit 234. Et s'il n'y a pas d'unité, on ne met rien dans la colonne :

[Voir l'image pleine grandeur]2, 0, 4 petits ronds disposés en 3 colonnes

se lit 204 (il n'y a pas de dizaines).

Mais cela ne s'écrit pas (et ne se dit pas) encore 234 ou 204. On dira d'abord 2, 3, 4 ou 2, rien, 4. Puis 2 cent, 3 dix et 4. Les symboles qui existent peuvent être alors du type chiffres romains (CCXXXIV). Ceux-ci étaient utilisés pour représenter les résultats des calculs faits à l'aide de jetons déplacés sur les abaques, ce qui représentait une gymnastique mentale souvent réservée à des initiés.

Le fait de regrouper, la base 10 et la valeur de position sont donc inventés. Il reste à créer un symbole pour chaque chiffre, un vocable pour la position, puis un symbole pour le «non-chiffre»; celui-ci, du coup, prit de la valeur soit le zéro. Ce sont les Indiens (des Indes) qui firent ces dernières inventions et ce sont les Arabes qui les ont amenées en Occident. Toutefois, elles mirent du temps à s'imposer. Les maîtres en abaque y auraient perdu du pouvoir. Calculer devenait trop facile!

Quel est le rapport entre cette histoire et les adultes analphabètes?

Les adultes ont tous eu un contact avec la numération et le calcul. Le simple fait d'acheter avec de l'argent y oblige. Mais diverses activités comme les jeux, le tricot, la menuiserie ou la cuisine amènent aussi à compter. Les personnes concernées ont été plus ou moins loin dans leur évolution en rapport avec la chose mathématique suivant les besoins ou les intérêts qu'elles ont rencontrés dans leur vie.

De nombreux illettrés sont des as du calcul mental, quel que soit le pays d'origine. Mais, s'ils n'ont pas eu la nécessité de représenter leurs calculs de façon écrite, ils ne savent pas le faire. Et s'ils voulaient le faire, ils devraient inventer leur propre système de représentation.

En général, ces personnes calculent par regroupement. Ces regroupements sont d'abord directement supportés par des objets qui servent de référence. Puis, ces références sont simplement visualisées. Elles sont souvent la représentation mentale des diverses pièces de monnaie ou billets de banque en usage. Mais elles peuvent être n'importe quoi d'autre suivant le lieu, la culture, etc. De plus, dans certaines cultures, la base 10 n'est pas celle utilisée. Les personnes n'ayant pas acquis une vraie représentation écrite des nombres, la valeur de position n'a aucun sens pour elles. Surtout que les calculs se font souvent sur de petites quantités. Mais cela n'empêche pas ces adultes de savoir que 5$ vaut plus que 4$, 100$ plus que 70$ et 1 000$ plus que 400$. Simplement parce qu'elles ont appris qu'il vaut mieux avoir 100 dollars dans ses poches que 70! Mais si on leur demande en montrant seulement les symboles 100 et 70 (par exemple et sans les nommer) «qu'est-ce qui est plus grand?», elles ne sauront pas vraiment. 100 tout seul, 70 tout seul ne sont rien.

Des interférences

De plus, on essaye de montrer aux apprenants les connaissances de base en arithmétique sans tenir compte de leurs savoirs en ce domaine. Ceux-ci créent des interférences impossibles à déceler si l'on ignore les constructions de la pensée mathématique.

Le mot interférence sera plusieurs fois utilisé dans ce document. Il a le sens de : qui se superpose en créant des oppositions. L'interférence se fait au détriment du résultat attendu et non en sa faveur (ce qui pourrait être le cas, mais pas dans ce document). C'est une gêne, un obstacle, une source de confusion. Il est important de s'y attarder : les interférences font qu'enseigner à des adultes ce n'est pas comme enseigner à des enfants.

Il faut réussir à trouver une façon de faire faire la construction désirée en bouchant les trous, en utilisant le matériau présent. Bref, il faut tenir compte de ce que l'adulte sait, lui montrer comment cela s'insère dans le reste et lui faire refaire les découvertes que l'humanité a mis 35 000 ans à imaginer...

Autrement dit, il faut être patient.

Quelques marches de l'invention des nombres en base 10.
Certaines marches se sont montées plus vite que d'autres.
Les marches 6,7,8,9 représentent des périodes de recherche pour améliorer un système en train de s'établir. On monte et on descend.
Il manque toutes sortes d'entre-marches et de chausse-trappes.

  1. Moi, toi, les autres.
  2. Un, deux, beaucoup
  3. Comptines;
  4. Association un à un (parties du corps, objets, marques) qui amène à l'idée de 3 et de la suite des nombres;
  5. Association d'un nom à une quantité. Ce nom est souvent en relation avec le nom d'une partie du corps. Ex. 4 se dit annulaire;
  6. Regroupement par 2, 4, 5,10,20 ou 60. Les noms des nombres se précisent, se singularisent;
  7. Adoption du regroupement par 10 et de la numération en base 10;
  8. Représentation des nombres à l'aide de regroupements. Ex. objets: calculi; signes : chiffres romains;
  9. Utilisation d'abaques pour faire des calculs. Valeur de position;
  10. Symbolisation de 1 à 9;
  11. Invention du 0;
  12. Les nombres sont exprimés par les chiffres de 0 à 9 et la valeur de position;
  13. Opérations à l'aide de ces nombres en chiffres;
  14. Etc.

Questions pour le lecteur

  1. Y a-t-il des marches par-dessus lesquelles on peut sauter sans nuire à l'apprentissage de l'arithmétique? Lesquelles?
  2. Y a-t-il des marches incontournables?
  3. Les adultes de nos groupes se trouvent à quelle marche en général?
  4. Que savent-ils des marches précédentes?
  5. Dans l'enseignement de la numération, quelle importance accordez-vous au zéro?

À la fin des questions pour le lecteur, nous indiquons entre parenthèses la page à laquelle vous trouverez une réponse, sauf si celle-ci est à la page suivante. Avant de vous y précipiter, tentez de répondre soit par écrit (si vous êtes seul) soit verbalement en équipe.

Éléments de réponses

Questions 1 à 4 : Réflexions complémentaires à propos des «marches» de l'invention des nombres

Les marches 1, 2 et 3 font partie de la découverte de soi. Elles se font naturellement chez les enfants. En nommant les parties de leur corps, on induit une sorte de numération qui leur permet en même temps de se connaître, de se nommer.

Le sens du nombre (marche 4) en rapport avec la quantité ne se fait pas tout seul. Quand un enfant dit : «J'ai 4 ans» en montrant 4 doigts, il a réussi à faire un apprentissage important, même s'il ne comprend pas très bien encore.

Cependant, il est clair qu'on va lui faire dire «J'ai 4 ans» et non «J'ai annulaire ans» ou «J'ai une main sans pouce ans». C'est à lui de faire l'association directe entre le nombre de doigts et le nombre cité. En ce sens, on peut dire que les marches 4 et 5 sont grimpées ensemble.

Certains adultes analphabètes ont plus ou moins franchi cette étape. Au delà d'une certaine quantité, variable suivant les individus, ils ont de la difficulté à compter verbalement.

Apprendre à compter par 2, 4, 5, 10 ou 20 permet de mieux calculer mentalement. En général, l'argent a été édité selon des coupures de ces valeurs (sauf pour les livres anglaises). C'est pourquoi de nombreux adultes associent ces regroupements aux billets. Il n'est pas du tout utile d'apprendre à compter dans une autre base que la base 10 (sauf dans les pays où cela se fait). La comprendre est déjà bien assez compliqué!

C'est là qu'interviennent les marches 7, 8, et 9. En refaisant le chemin des découvertes de nos ancêtres, on devrait permettre aux adultes qui se sont rendus plus haut, tout seuls, de consolider leur position en comprenant mieux sur quoi elle s'appuie. Eux s'appuient sur les regroupements des billets de banque imaginés dans leur tête pour faire du calcul mental. Mais n'ayant pas eu une représentation écrite de cette progression sous sa forme symbolique (calculi, abaques), ils ont de la difficulté à accepter la symbolisation. C'est pourquoi il leur est impossible d'écrire 532 en dictée (sans parler de l'écart entre la langue et l'écriture).

De même, il leur est impossible d'assimiler les concepts de dizaine, centaine, etc. et donc de comprendre un algorithme de soustraction. Mais cela n'empêche pas certains d'entre eux d'apprendre à les faire de façon mécanique...

Beaucoup d'adultes ont donc emprunté un escalier différent en utilisant pour leur calcul mental des découvertes et des outils de l'escalier qui ont amené au calcul écrit. La difficulté consiste à les amener d'un escalier à l'autre sans leur faire perdre leur équilibre! On montre en général aux enfants à faire du calcul mental après l'acquisition du calcul écrit. C'est l'inverse qui doit être fait avec beaucoup d'adultes. Cependant, pour eux comme pour les enfants, c'est la compréhension de la numération qui est primordiale. S'ils ne font pas de distinction entre 5430 et 5 4 3 à l'écrit, ils ne peuvent avoir une vraie compréhension des nombres qui les entourent et ils ne pourront pas vérifier si le résultat du calcul d'une opération est cohérent. Lesquels calculs (dès lors que la numération est comprise) peuvent fort bien être faits par une calculatrice. De la même façon qu'on utilise n'importe quel appareil de mesure. À quoi sert de dire que cela mesure 25 cm si on ne sait ni ce que sont les centimètres ni ce que sont 25?

Il faut être prudent avant de faire changer d'escalier. Cela n'est pas forcément nécessaire. Mieux vaut parfois aider à raffiner le procédé utilisé. Cela dépend des objectifs que l'individu désire atteindre. Si les grands nombres le laissent froid et s'il n'a pas l'ambition de devenir comptable agréé...

Question 5 : Étendons-nous sur le zéro, même s'il est nul, ce vaurien!

Cela est très récent que le zéro soit utilisé comme un chiffre parmi les autres. Le plus «vieux» zéro connu date de 876, découvert à Gwalior en Inde. Longtemps, là où nous avons un zéro il n'y eut rien et on n'a pas éprouvé le besoin de l'inventer. Et il ne fut guère utilisé après son invention. C'est à partir du 17e siècle qu'il réussit à prendre son essor. Son absence n'a pas empêché de faire de nombreux calculs. En effet, les abaques en général et les bouliers en particulier montrent à l'évidence le vide quand il y en a un. Par exemple : 3 0 4

[Voir l'image pleine grandeur]3 abaques comportement respectivement 3, 0 et 4 boules

ce qui, en chiffres romains s'écrirait : CCCIV. Ça s'écrit, comme ça se prononce, ou presque. En chiffres égyptiens :

[Voir l'image pleine grandeur]3 ''C'' à l'envers et 4 barres obliques

mais s'écrivait dans l'ordre inversé :

[Voir l'image pleine grandeur]4 barres obliques et 4 ''C'' à l'envers

Les trois changements apportés à ce système sont :

  1. Remplacer les symboles par 9 symboles;
  2. Donner à chaque symbole une valeur différente suivant la place qu'il occupe;
  3. Donner au vide un symbole, le 0.

C'est ainsi que dans 2 2 2 2 le symbole 2 vaut et s'appelle tour à tour :
2 mille
2 cents
vingt (ou 2 dix)
2.

C'est grâce au 0 que 2, 20, 200, 2000 s'écrivent sans abaque, ni boulier, mais surtout que l'on peut faire des calculs sans ces instruments.

La particularité du 0 est d'exprimer à la fois un manque et une multiplication par 10. Il donne aux autres symboles leur valeur due à leur position ainsi que leur nouveau nom.

Les adultes, habitués à l'argent, ne sont pas totalement embarrassés par le zéro. La difficulté commence avec les nombres plus grands que 100 (car le 0 apparaît au milieu et ce qu'il y fait n'est pas très clair) et avec les calculs.

En bref

  1. L'invention est la fille de la nécessité. C'est ce que l'on appelle de nos jours la résolution de problèmes! Nous y reviendrons.
  2. Longtemps les nombres ont été associés à des objets concrets. D'abord les parties du corps, puis des bâtonnets, des coquillages, etc., puis des marques ou encoches...
  3. La représentation mentale des nombres se fait encore en relation avec des objets : 10 c'est 10 doigts ou un billet de 10 (argent) etc.
  4. Compter par regroupement fait partie de l'évolution de la découverte du nombre.
  5. Comprendre la valeur de position découle de la compréhension du regroupement.
  6. Donner un symbole à chaque chiffre suivant la base 10 s'est fait très tardivement. Cela a mis du temps à se répandre.
  7. Ces symboles étant trouvés, on a donné aussi un nom aux positions (dizaine, etc.).
  8. On s'est aussi aperçu qu'il fallait nommer le rien, lui créer un symbole puis constater qu'il avait une valeur en soi. Il signifie qu'il n'y a pas d'unité dans la position considérée. Mais si on l'ajoute à la fin d'un nombre, il multiplie celui-ci par 10!
  9. La numération et sa représentation ont amené l'invention de l'écriture (représentation de ce qui était compté).
  10. Celle-ci, en se raffinant à son tour, a suggéré d'inventer un symbole pour chaque chiffre. Ce qui est devenu l'alphabet des nombres.
  11. La manipulation de petits objets, puis les abaques ont permis de faire des calculs très avancés, avant même l'invention des chiffres.

Chapitre II – Réinventer la numération

Un exemple de mise en application de ce qui est dit dans ce guide.

Voici un chapitre très spécial. On vous y propose une façon de montrer la numération en base 10. Elle tient compte de tout ce qui a été dit au chapitre I, mais aussi de tout ce qui est décrit dans les chapitres subséquents.

Nos ancêtres ont mis un temps considérable à peaufiner ce système. Le bien comprendre, s'y sentir à l'aise, est le gage de la réussite de la compréhension de l'arithmétique. De nombreuses interférences rendent son apprentissage délicat. Pour toutes ces raisons, il est clair que passer du temps sur cette question c'est en gagner pour la suite. C'est pourquoi vous trouverez ici en détail cette façon de procéder.

Il vous est suggéré de lire ce chapitre une première fois puis de le reprendre pas à pas en faisant vous-même (seul ou en équipe) les exercices proposés. Que cela vous affole ou vous enthousiasme, gardez votre sang froid! La lecture de la suite de ce document devrait vous permettre de vous sentir plus à l'aise. Les uns comprendront mieux les précautions prises dans cette façon de procéder, les autres seront encore mieux armés pour l'utiliser auprès de leurs apprenants. Il vous est donc recommandé de revenir à ce chapitre II après avoir terminé les parties un et deux de ce guide. Votre compréhension de ce qui vous est proposé dans cette façon de montrer la numération devrait être plus claire et vos critiques plus efficientes!

Suivant les acquis de vos apprenants vous devrez utiliser des stratégies adaptées. Même ceux qui savent déjà faire leurs opérations devraient avoir la chance de comprendre à fond ce système. Cela aide à comprendre les emprunts, la numération décimale, le fait d'avoir à «aligner» les chiffres dans les opérations, que 1 000 000 plus 345 ce n'est pas 1 345 000, à mieux saisir de quoi un nombre se compose, le sens du mot unité et donc le sens des fractions...

Objectif : S'approprier la numération en base 10

Matériel requis :

  • des objets identiques à compter (sous, blocs, cailloux, perles...); environ 250,
  • des jetons de même forme et de même couleur; au moins 30,
  • des cartons légers rectangulaires divisés en 3 parties égales par deux lignes dans le sens de la largeur : au moins 1 abaque pour deux apprenants,
  • un tableau, de la craie, une brosse pour effacer.

Premier objectif intermédiaire : Associer changement de position et changement de valeur.

ATTENTION : Vous ne devez absolument jamais parler de UNITÉ, DIZAINE, CENTAINE, NI DU ZÉRO. Cela viendra avec le dixième objectif intermédiaire.

Compter est un jeu. Nous allons en apprendre les règles. Voici un carton. Il est divisé en 3 colonnes. Voici un jeton.

Première règle :

Un jeton dans la colonne de droite vaut 1,
un jeton dans la colonne du milieu vaut 10,
un jeton dans la colonne de gauche vaut 100.

Assurez-vous que les mots colonnes, droite, milieu et gauche sont clairs (chapitre IV). Prenez un jeton, déposez-le à droite et dites : ici ça vaut 1. Reprenez-le, posez-le au milieu et dites : ici ça vaut 10. Faites-le se promener à l'intérieur de cette colonne et demandez combien cela vaut. C'est toujours 10. Répétez la même opération pour la colonne de gauche (100).

Deuxième règle :

[Voir l'image pleine grandeur]Un contenant à gauche ''Objets à compter'' et un contenant à droite ''Objets comptés'', reliés par une flèche
On met un jeton dans la colonne de droite à chaque fois qu'on compte un objet.

[Voir l'image pleine grandeur]Contenant de jetons avec une flèche le reliant à la 3e colonne d'un tableau vide
Abaque #1
Chaque fois qu'un objet est compté on pose un jeton dans la colonne de droite.

Troisième règle

Il ne peut pas y avoir plus de 9 jetons à la fois dans une colonne. Quand on arrive à 10 on enlève les 9 jetons et on pose le dixième dans la colonne suivante. Ça marche avec la première règle.

(Une bonne occasion de revoir la première règle).

Il est suggéré, au cours de votre présente lecture, de faire les actions proposées.

Avec les apprenants, tout en manipulant 10 des objets à compter et les 10 premiers jetons, vous énoncez les règles. Vous leur demandez de passer à l'action et de l'expliquer à mesure. Même si ce n'est pas encore très clair, poursuivez. Vous aurez l'occasion d'y revenir.

La suite consiste à compter les 99 premiers objets tout en faisant des échanges avec les jetons. Ceux qui ne comptent pas très bien le sauront un peu mieux. Ceux qui comptent sans difficulté auront de toute façon à se concentrer sur les échanges. Laissez-les se débrouiller. S'ils ont trop de difficulté, faites-le une fois (médiation, chapitre VII) tout en expliquant ce que vous faites, les règles que vous utilisez. Puis laissez-les faire. Travailler en équipes est ici fort important.

Vous voilà avec le 100e objet à compter. Que se passe-t-il? Avec les 9 premiers échanges qui viennent de se produire, vos apprenants devraient facilement faire le dixième, au moins pour la colonne de droite dans celle du milieu.

Puisque vous avez compté tout haut, vous avez dit 100. Que dit la première règle? Que dit la deuxième? Combien y a-t-il de jetons dans la colonne du milieu? Est-ce possible? Alors? Encore une fois, laissez-les chercher. Ça vous paraît simplet, mais c'est loin de l'être quand on ne l'a jamais appris (c'est-à-dire exploré, compris et utilisé). (Voir la deuxième partie de ce document). Le philosophe Alain a dit : La vérité ne peut être versée d'un esprit dans l'autre. Pour celui qui ne l'a pas conquise en partant des apparences, elle n'est rien.

Deuxième objectif intermédiaire : «Lire» une quantité exprimée par des jetons placés sur un abaque à trois colonnes. (< 100)

Pour renforcer cette première partie, il convient maintenant de l'explorer sous forme de synthèse (chapitre VIII). C'est-à-dire que vous allez faire l'opération inverse : vous allez demander à vos apprenants de deviner combien d'objets vous avez comptés. Pour cela, il vous suffit de placer des jetons dans chaque colonne et de lire le nombre figuré par les jetons.

Commencez avec des quantités plus petites que 100. C'est le moment de consolider le comptage de 10 en 10 en ajoutant un jeton dans la colonne du centre. De faire associer chaque dizaine à son nombre de jetons. C'est cette région qui est la plus difficile à comprendre à cause des mots. Si, comme pour les autres colonnes on disait un dix, deux dix, trois dix, etc. ce serait plus simple. Mais, pour des raisons associées à l'Histoire et à celle de la langue, nous disons vingt, trente, quarante... ce qui serait un moindre mal si nous avions adopté la façon des Belges et des Suisses avec septante, octante et nonante. Puisque ce n'est pas le cas, utilisons la méthode «kiné-audio-visuelle»! Cela créera de bonnes évocations (chapitre VII). Associer «sept jetons au centre» à 70 c'est déjà bien. Vous insisterez dans ces endroits sensibles pour faire nommer des 76, 83, 95 et autres. Vous pourrez aussi faire compter de 10 en 10 tout en laissant en place un certain nombre d'unités. Ex. : 13, 23, 33, 43...

Troisième objectif intermédiaire : Exprimer, à l'aide de jetons, sur un abaque à trois colonnes, une quantité donnée (< 100).

La «lecture» étant acquise, il s'agit de mettre en place «l'écriture». C'est-à-dire que vous allez leur demander de représenter à l'aide des jetons et de l'abaque des quantités que vous «dictez». Toujours avec des nombres en bas de 100.

Ce sera une façon pour vous de constater (évaluation formative) où chacun en est dans son apprentissage de ce premier objectif intermédiaire. Est-ce l'état d'exploration, de compréhension, d'utilisation? (voir le guide Stratégies... pour une évaluation efficace en formation de base, Ed. Table d'alphabétisation de Montréal. 1996). Encore une fois, ne croyez pas que cela soit trop simple pour ceux qui savent compter. Ils pigeront plus vite, mais il y a fort à parier que leur lanterne en sera un peu mieux éclairée. Surtout en y ajoutant ce qui vient ensuite. Ce que vous faites faire là a été inventé par nos ancêtres. Nous sommes en train de le redécouvrir ensemble. N'oubliez pas de le dire.

Quatrième objectif intermédiaire : Passer d'une représentation concrète à une représentation figurée de quantités < 100.

La représentation concrète, les manipulations sont d'excellents prologues. Pour passer à l'étape de la représentation écrite et symbolique (les chiffres eux-mêmes), il est important de baliser le chemin (chapitre VI). C'est l'objet de cet objectif intermédiaire.

Il s'agit de représenter au tableau l'abaque et les jetons. Le prétexte peut être : «Comme ça tout le monde verra bien!» Pour cela il vaut mieux prendre quelques précautions (chapitre VII). Il doit être clair, entre vos apprenants et vous, que vous êtes en train d'établir une convention, un code, qui vous permet de vous comprendre. C'est ce que vous avez fait dans les trois premiers objectifs intermédiaires. Vous avez utilisé les règles du jeu. En voici une autre :

Quatrième règle :

Ceci, dessiné, représente le carton qu'on a déjà utilisé.

[Voir l'image pleine grandeur]Tableau vide à 3 colonnes

Pour que ce soit clair, si nécessaire, et pour de meilleures évocations (chapitre VII), dessinez les contours à la craie. Comme le dessin sera petit, vous décidez de l'agrandir pour que «tout le monde voie bien». Il est vraiment important qu'il n'y ait pas de confusion dans la tête des apprenants. Les colonnes doivent leur devenir familières. Mêmes si elles ne portent pas encore d'autre nom que «à droite», «au milieu», «à gauche» (excellent pour consolider l'orientation spatiale).

Vous voici donc avec votre représentation figurée. À l'aide de la craie et de la brosse à effacer, vous dessinez tour à tour les quantités représentant les objets comptés jusqu'à 100. Puis vous donnez à lire des quantités figurées, ensuite vous invitez chacun tour à tour à «représenter» une quantité donnée. Bref, vous recommencez au tableau ce qui a été fait en manipulation. Ceux qui sont en processus d'apprendre à compter jusqu'à 100 s'en trouveront renforcés. Ceux qui savent compter iront naturellement beaucoup plus vite. Ne les ennuyez pas surtout. Demandez-leur plutôt de vous expliquer pourquoi ils pensent que c'est bien 45 qui est représenté là.

Finalement, sur une feuille que vous avez séparée en trois colonnes, demandez de représenter (à l'aide du symbole que vous avez choisi pour figurer le jeton) les quantités que vous dictez. Votre feuille pourrait ressembler à celle-ci (page 36). Auparavant, assurez-vous que cette feuille est bien claire pour eux. Si non, reprenez des exemples au tableau en y découpant l'abaque représenté en 5 parties comme sur la feuille, en écrivant dans chacune d'elles une quantité différente. Il est normal qu'il en soit ainsi si on veut compter divers objets. Disons que, par exemple, on fait un inventaire de ses vêtements :

[Voir l'image pleine grandeur]Tableau de 3X5 cellules dans lequelles des ronds représentent des unités de culottes, jupes, bas et chemises

[Voir l'image pleine grandeur]

Nos ancêtres comptaient ainsi leurs récoltes. En prétextant un comptage de récoltes ou de bêtes ou un inventaire, vous pourrez utiliser des quantités plus grandes.

En consolidant ces représentations «superposées» il vous sera plus facile de les expliquer à nouveau quand vous aborderez les concepts d'addition et de soustraction. Les évocations seront déjà en place (chapitre VII).

Cinquième objectif intermédiaire : Lire des quantités > 100 et < 1000 exprimées à l'aide d'une représentation figurée.

Les apprenants devraient être à l'aise avec la représentation figurée et la lecture des quantités jusqu'à 99. Vous ajoutez donc un à cette dernière représentation, vous effacez tous les «jetons» et vous en dessinez un dans la colonne à gauche. Vous rappelez la première règle du jeu. Vous ajoutez un autre «jeton» dans cette même colonne. Vous demandez comment, d'après eux, ça doit s'appeler. Combien y a-t-il de cent? Il y en a 2. Ça s'appelle 200. La suite devrait s'emboîter facilement. S'il y en a qui amènent déjà la notion de mille (ou de 10 cents I) demandez si on peut mettre 10 jetons dans la colonne. Non. Que fait-on? On crée une autre colonne à gauche. On y met un jeton après avoir effacé les 9 précédents. Et on dit 1000. Yé!

Si tout cela est difficile à comprendre, revenez à la représentation concrète. Soyez patient!

Mais ce devrait être assez aisé à comprendre. Surtout à cause des mots. Dans cette colonne (qui ne s'appelle pas encore centaine!) tout jeton s'appelle et vaut cent et il y en a de 1 à 9. Vous pouvez donc aborder la lecture de n'importe quelle quantité jusqu'à 1000. Faites des nombres sans dizaine, comme 104 ou 206. Cela habitue à lire et comprendre ce qu'on lit. Deux cents, c'est deux jetons à gauche et six, c'est six jetons à droite. Il n'y a rien entre. Ne parlez pas de zéro. Pas déjà. Il n'est pas encore inventé. Il n'y a RIEN ici.

Sixième objectif intermédiaire : Exprimer des quantités entre 100 et 1000 à l'aide d'une représentation figurée.

En vous inspirant des quatrième et cinquième objectifs, vous viendrez à bout de celui-ci!

Septième objectif intermédiaire : Passer d'une représentation figurée des quantités à une représentation symbolique exprimée par les chiffres de 1 à 9 situés dans des colonnes. (< 1000).

Nos ancêtres, ayant découvert l'écriture, se sont dit qu'ils pourraient remplacer les dessins de jetons par des symboles. Ils ont inventé les chiffres. Vous expliquez cela ainsi que la cinquième règle. La page ci-jointe pourrait être photocopiée pour vos élèves.

Cinquième règle

Pour représenter une quantité de jetons, on la remplace par un chiffre. Ainsi pour

[Voir l'image pleine grandeur]Points disposés en échelons de 1 à 9

[Voir l'image pleine grandeur]Ronds dicposés en échelons de 1 à 9

Voici le moment qui va permettre de comprendre la différence entre chiffre et nombre. Encore une fois, votre stratégie sera différente avec ceux qui ne savent pas lire les chiffres et les autres. Le va et vient entre la représentation figurée et la représentation symbolique va aider les premiers. Mais tous pourront voir clairement que le chiffre change de nom quand il change de colonne.

1. Dessinez au tableau la représentation figurée de 5. Dessinez à côté un autre ensemble de trois colonnes. Ne parlez pas déjà d'unité, dizaine, centaine. C'est trop tôt. Écrivez le chiffre 5. Demandez si tout le monde est d'accord. Comment cela s'appelle? Ça s'appelle 5 parce qu'il est placé là.

[Voir l'image pleine grandeur]2 tableaux de 3 colonnes avec, dans l'un, 5 points et dans l'autre, le chiffre 5 dans la 3e colonne

Effacez les points et le 5.

2. Dessinez 5 points dans la colonne du milieu. Combien cela représente? Cinquante.

[Voir l'image pleine grandeur]2 tableaux de 3 colonnes avec, dans l'un, 5 points et dans l'autre, le chiffre 5 dans la 2e colonne

Quel chiffre on va mettre? et où? que dit la cinquième règle? que dit la première règle? Avec ces deux règles je peux dire que placé dans la deuxième colonne, 5 représente cinquante (que l'on a appris à nommer auparavant). Vous écrivez 5 dans la colonne du centre et vous dites c'est cinquante car il est .

Vous n'ajoutez pas le zéro. C'est trop tôt. Et du même souffle vous poursuivez avec 5 «jetons» dans la colonne de gauche. Et ce 5 s'appelle cinq cents parce qu'il est là. Enfin, vous représentez 555 en «jetons» puis en chiffres à côté. Et vous demandez combien cela fait.

3. Ne croyez pas que ce sera facile. Multipliez les exemples. Avec des nombres à deux chiffres puis à trois chiffres. Veillez à ce qu'aucun ne contienne de zéro. Lui, on se le garde pour la fin! Insistez lourdement sur le changement du nom du chiffre du fait de la place qu'il occupe.

Comme vous ne faites pas que cela dans vos ateliers, c'est le moment de faire pratiquer l'écriture des chiffres à ceux qui en ont besoin. Et aussi de jouer à des jeux qui leur permettent d'associer rapidement les quantités de jetons représentées par chaque chiffre (1 à 9).

4. Consolider ces représentations symboliques, toujours sous forme de lecture. Revenez aux représentations figurées si nécessaire.

Huitième objectif intermédiaire : Lire des nombres jusqu'à 1000.

Demandez-vous tout haut ce qui se passerait si vous effaciez les colonnes dans lesquelles sont écrits les chiffres. Est-ce qu'on pourrait encore lire le nombre? Grâce à quoi? Après discussion, effacez les lignes qui marquent les colonnes. Et faites constater que grâce à la position des chiffres les uns par rapport aux autres, on peut dire comment ils s'appellent. Attention! Utilisez toujours des nombres sans zéro! Nous avions :

[Voir l'image pleine grandeur]1  2  3 dans 3 colonnes différentes ; "Voici 1 3 2"

Sixième règle

Pour lire un nombre on peut imaginer (faire comme si, faire semblant) qu'il y a des colonnes. Cela permet de donner son vrai nom à chaque chiffre suivant la place où il est.

Pour la suite, utilisez la résolution de problème. C'est-à-dire, donnez des nombres à lire, sans le support des colonnes. Pour chacun, refaites découvrir à l'aide des règles maintenant connues comment et pourquoi il s'appelle ainsi. Par exemple :

3 4 5

Où est placé le 3? Comment s'appelle-t-il? Trois cent. Où est placé le 4? Comment s'appelle-t-il? quarante. Où est placé le 5? Comment s'appelle-t-il? 5. Comment on lit ce nombre? Trois cent quarante-cinq. Faites ces exercices en parallèle avec le neuvième objectif.

Neuvième objectif intermédiaire : Transcrire en chiffres dans un tableau des quantités figurées dans un autre tableau. (< 1000).

Représentez au tableau des quantités figurées et faites-les transcrire en chiffres par vos apprenants au tableau. Des nombres sans zéro.

Puis, donnez des feuilles avec des quantités figurées et demandez de les transcrire en chiffres. Par exemple :

[Voir l'image pleine grandeur]1 tableau avec des points dans les cellules, "Devient", un autre tableau avec des chiffres dans les cellules égaux au nombre de points dans les cellules  de l'autre tableau

Faites-les travailler en équipe et demandez-leur de lire tout haut les quantités et les nombres.

Dixième objectif intermédiaire : Découvrir le rôle du zéro

Enfin!
Vous l'avez sans doute compris, il vous suffit de reprendre les septième, huitième, neuvième objectifs intermédiaires. Vous ne donnez pas le zéro. Ils doivent «l'inventer». Ayant compris que 5 s'appelle cinquante à cause de sa position, tant qu'il y a des colonnes, le 0 n'est pas nécessaire. C'est seulement quand vous les effacez que tout à coup ça ne va plus.

[Voir l'image pleine grandeur]2, 0, 4 points dans 3 colonnes différentes, "Devient  2  4"

La continuité est rompue. L'espace est trop grand entre 2 et 4. Et, si on voulait les lire ensemble, au mieux cela ferait 24. Alors, comment faire? Il s'agit de garder à 2 son troisième rang et d'indiquer qu'il n'y a rien dans la colonne du centre. Qu'est-ce que nos ancêtres ont inventé? Un autre symbole, le 0 (zéro)! Quel génie... pensez-y, à ces gens qui ont cherché si longtemps. Nous, ça nous paraît bien ordinaire, n'est-ce pas? Et pourtant, sans ce zéro nos calculs ne se seraient pas faits si facilement. Les mathématiques auraient stagné dans le comptage des biens. Elles n'auraient pu prendre cet envol qui leur permet de soutenir les autres découvertes en physique, en chimie, etc. Nous n'aurions pas mis le pied sur la lune...

Même si vos apprenants connaissent l'existence du zéro, il est très important de leur en faire découvrir l'utilité. Le zéro ne nous dit pas seulement qu'il n'y a rien dans cette colonne. Il permet de donner sa vraie valeur au chiffre qui le précède. Ainsi, 5 dans cinq cent s'appelle cinq cent parce qu'il est à la troisième place. Les 0 indiquent cette place. Otez un 0 et 5 change de nom. Il s'appelle cinquante. Ajoutez un 0 et 5 s'appelle cinq mille. Il ne reste plus qu'à trouver les divers noms des chiffres au fur et à mesure que l'on ajoute un zéro. C'est l'objet du prochain objectif.

Onzième objectif intermédiaire : Découvrir et dire les noms donnés aux trois premières colonnes.

Comme pour chacun des objectifs précédents, vous l'annoncez : «Aujourd'hui nous allons découvrir comment s'appellent les colonnes». Au fait, quelle est l'utilité de les nommer? Tant que les nombres sont petits ce n'est pas vraiment nécessaire. Mais, en les agrandissant il a fallu mettre en place un système qui permette de les nommer. Quel nom donner à 5 situé dans la huitième colonne?

On l'a vu au début, le comptage se fait en mettant des jetons dans la première colonne. Ce que l'on compte ce sont des objets : chemises, sous, moutons, sacs de riz, pots de confiture... Le mot imaginé pour reconnaître n'importe quel objet que l'on compte est UNITÉ. Mes unités sont des sacs ou des pots ou des dollars ou... Parce qu'on compte de UN en UN. Compter c'est ajouter UN. Ainsi la première colonne est celle des unités.

Pour avoir le droit de mettre un jeton dans la deuxième colonne, règle #1, il faut en avoir accumulé 10 dans la colonne des unités. Le mot DIX a donné le mot DIZAINE. Dans cette colonne là, il y a des dizaines. Enfin, la troisième colonne, puisqu'elle contient les CENTS, eh bien, appelons-la la colonne des CENTAINES.

Essayez, par vos questions et en refaisant les gestes de comptage avec des objets concrets, de les amener à découvrir comment et pourquoi on devrait donner ces noms (chapitre IV)- Laissez-leur le temps de réfléchir. Dites que s'ils le découvrent eux-mêmes il ne l'oublieront plus. Et que s'ils comprennent cela, alors ils pourront lire facilement les grands nombres.

Douzième objectif intermédiaire : Dire les noms des grands nombres.

La suite est de les aider à «découvrir» encore que les colonnes suivantes ont été mises en groupe de trois. Que dans chaque groupe on trouve d'abord le nom de la première colonne : mille, million, milliard. Puis le nom de la deuxième : dix milles, dix millions ou dix milliards. Et celui de la troisième : cent mille, cent millions, cent milliards. On a fait des groupes de trois pour que ce soit plus facile à lire et plus facile quand on doit faire des opérations.

[Voir l'image pleine grandeur]4 Petits tableaux : Milliard c/d/u ; Million c/d/u ; Mille c/d/u ; c d u

Écrivez des grands nombres sans séparation et faites ranger les chiffres trois par trois, en commençant par la fin, puis trouvez leur nom aussi en commençant par la fin. Voici les unités, les mille, les millions, les
1 56 34 97 8502 ou 15 634 978 502
milliards. Donc, nous avons 15 milliards, etc..

Dites-leur aussi que la plupart des gens doivent faire ainsi pour être capables de lire les grands nombres! Cela est un autre jeu. Les seules choses à retenir sont les mots : mille, million, milliard et dix, cent et le nom des dizaines et des unités. Et il faut retenir aussi que les colonnes sont groupées trois par trois.

Dans les deux objectifs intermédiaires précédents il est de la plus grande importance que les mots soient bien expliqués (chapitre IV) à l'aide de manipulation, de recherche, de réflexion, de rappel de ce qui a été fait précédemment, etc. (chapitre VII). Les mots n'ont un sens que si on les explique, si on leur donne vie. Autrement, ils ne sont rien. La connaissance des mots conduit à la connaissance des choses a dit Platon. C'était avant hier! Tout le temps que vous passerez là est du temps de gagné pour la suite. La suite?

Objectifs supplémentaires:

Écrire des nombres en dictée

[Voir l'image pleine grandeur]<69 <100 <1000

Écrire des nombres en lettres

[Voir l'image pleine grandeur]<60 >70 <100 <1000 et en retrait <100

  • Découvrir que, quand un jeton revient à droite il se retransforme en 10 jetons. Découvrir ainsi le système des emprunts qui est une exception à la troisième règle.
  • Découvrir que si on fait des ajouts de deux quantités de jetons, le total s'exprime par le réajustement du nombre de jetons dans chaque colonne.

[Voir l'image pleine grandeur]tableau représentant le transfert de jetons d'une colonne à l'autre

  • Découvrir le sens de la retenue.
  • Découvrir ce qui se passe quand on désire partager une unité :
    - trois colonnes nouvelles
    - au lieu de multiplier par 10 on a divisé par 10
    - leur nom
    - la virgule pour montrer que ce sont des morceaux d'unité faire le rapport avec le système métrique
    - Etc.

Naturellement, vous veillerez à découper ces derniers objectifs en objectifs intermédiaires. C'est la politique des petits pas (chapitre VI et XII). Et vous ferez en sorte que vos apprenants «découvrent» chacune de ces inventions de nos ancêtres... Pour la plupart d'entre eux, point n'est besoin d'insister sur le groupement par 10 avant. Ils le savent tout naturellement à cause de l'argent. Par contre, il serait utile de le leur faire remarquer après, pour qu'ils fassent les liens entre ce qu'ils savaient de façon implicite et ce qu'ils viennent d'apprendre. Et puis, vous pourrez vous entraîner à compter de 2 en 2, de 3 en 3, etc., ce qui vous mènera aux multiplications...

Chapitre III – Les adultes et les maths

L'arithmétique n'est qu'une branche des mathématiques qui peut intéresser un adulte en formation de base

Des exemples

La découverte des chiffres, des nombres, des calculs s'est faite pour les nécessités du commerce et pour celles des mesures de temps, de capacité, de longueur, de surfaces et de volume. Les constructions ont nécessité l'apprivoisement de la géométrie. L'étude des astres et des saisons a balisé l'orientation et donné au temps des dimensions précises. La décoration a développé le sens de la symétrie. Etc.

Mais depuis ces temps anciens, nos temps modernes ont créé d'autres instruments mathématiques qui font si bien partie de nos vies que nous ne les pensons pas en terme de mathématique.

Lire un plan, par exemple, est une de ces choses dont de nombreux analphabètes n'ont pas le secret. C'est que, là encore, il y a des découvertes à faire à propos de l'orientation et donc de la marche de la terre autour du soleil. Ce qui induit la compréhension du cercle, de l'ellipse, du centre, de la vitesse et quoi encore! Sans s'adonner à de savants calculs, la simple compréhension des causes et des effets permet à l'individu de se sentir plus en harmonie et, à tout le moins, de se créer des points de repère dans l'espace et le temps.

Nous sommes aussi abondamment inondés de tableaux, de graphiques; les documents écrits (de travail ou d'information) ont une présentation organisée suivant une logique déroutante pour qui n'en a pas le secret; trouver une petite annonce dans un journal, sans se fier au hasard ou sans les lire toutes, représente l'acquisition de toutes sortes de prérequis de type mathématique.

Bref, tout ce qui suppose de l'ordre fait appel à la pensée mathématique. Cette pensée qui permet de déduire, de classer, de comparer, de mettre en relation, de mesurer, de situer dans l'espace et dans le temps...

Des interférences là aussi

Chaque adulte, pour survivre, s'est établi son propre système de repérage. Ce système peut être personnel ou utiliser des acquis de la culture d'origine. Comment une Haïtienne analphabète dessine-t-elle sans modèle le patron d'une chemise? Comment un Québécois analphabète réussit-il à opérer des machines de précision sans savoir lire plus que son nom? Comment les paysans illettrés savent-ils que le temps des semailles est venu? Comment cette femme opère-t-elle fructueusement son petit commerce alors qu'elle ne peut pas écrire 536 en dictée? Comment mesure-t-on un champ ou un tissu avec exactitude sans autre ressource que ses bras ou ses pieds?

C'est une question d'habitude, d'apprentissage. Mais les personnes qui le font savent déjà déduire, classer, etc.

Il est donc profondément injuste de penser qu'elles n'ont pas ces capacités sous prétexte qu'elles ne comprennent ni ne distinguent les signes > et < par exemple. Le fait de ne rien entendre à l'organisation des numéros de plaque d'immatriculation, de code téléphonique ou postal n'est pas non plus un indicateur de pauvreté intellectuelle, pas plus que la difficulté à maîtriser l'algorithme de la soustraction.

Même si une réponse paraît incohérente, elle est toujours fondée pour celui qui la donne. Il ne s'agit donc pas de faire trouver la bonne réponse mais de trouver ce qui fonde la réponse erronée, (p. 35), Alain Taurisson, Pensée mathématique et gestion mentale.

Toutefois, il faut se garder de croire que trouver ce qui fonde cette réponse erronée pourra être utilisé tel quel pour neutraliser l'interférence.

En effet :

La généralisation d'un savoir-faire artisanal appris de façon informelle à partir d'une expérience quotidienne est limitée dans de nouvelles situations de solution de problème. BUREAU, René. Citation de GREENFIELD et LAVE dans Apprentissage et Cultures, éd. Karthala, 1988, p. 25.

Voici un exemple :
Cette femme si habile à dessiner, à main levée, le patron d'une chemise aura de la difficulté à se plier à un autre modèle (l'interférence). De plus, si elle n'a jamais appris à dessiner autre chose (une jupe, un pantalon), elle ne saura pas comment s'y prendre pour y arriver (difficulté à généraliser).

Cela ne veut pas dire qu'elle ne pourrait pas l'apprendre. Mais il faudrait d'abord lui montrer à s'y prendre autrement, (mesurer des angles, les proportions, la symétrie...) pour faire ce qu'elle sait déjà faire! Et, pour soutenir son intérêt et sa patience, lui expliquer que ce nécessaire détour lui permettra par la suite de dessiner n'importe quel patron... Encore faut-il qu'elle en voie l'utilité (pour elle) ou en ait envie.

Dans cet ordre d'idée, nous ne devons pas oublier que les calculs avec les grandes quantités ont fondé la nécessité de notre arithmétique. Mais il est rare que l'on ait à faire de tels calculs dans notre vie quotidienne. Aussi, il ne faut pas se surprendre des réticences à apprendre à calculer autrement de la part de ceux qui se sont développé leur propre système. C'est alors que les autres branches des mathématiques se révèlent encore plus précieuses à exploiter. Apprendre à lire une température ou une mesure peut (et devrait) amener directement aussi à comprendre un nombre décimal. Comprendre une carte routière induit de saisir la notion de kilomètre, de distance, de différence, etc. Par contre, dans des milieux où des calculs de grands nombres s'imposent, il ne faut pas hésiter à les montrer dès le début. Les adultes sont aptes à les comprendre.

Prenons un autre exemple. Du côté des paysannes cette fois. Elles sont sept. Elles ont réalisé une activité en commun qui leur a rapporté une certaine somme d'argent. Avec cette somme elles ont procédé à un achat d'intérêt collectif, mais il leur reste 500 unités monétaires qu'elles décident de se partager équitablement. Comment vont-elles procéder? Elles peuvent employer la méthode des «si» : «Si nous étions dix femmes, cela ferait pour chacune 50 unités, mais comme nous sommes sept, il reste à partager 50 + 50 + 50= 150 unités. Si nous étions dix femmes, cela ferait encore 15 pour chacune, mais comme nous sommes sept, il reste encore à partager 15 + 15 + 15 = 45. 45 n'est pas divisible par dix, nous allons donc approximativement répartir ces 45 unités en donnant à chacune 5 unités, soit 5 pour une, 10 pour deux, 15 pour trois et 20 pour quatre, soit pour sept, 15 + 20 = 35. Comme il restait 45 unités, il y a encore à partager en sept 45 - 35 = 10, soit 1 unité pour chacune.»
Résultat de la division mentale de 500 par 7 par la méthode des "si" : 50 + 15 + 5+1 = 71. Reste 3. (p.8).
DALBÉRA, Claude. Calcul, vie quotidienne et alphabétisation, UNESCO, Bureau international d'éducation, 1990.

Question pour le lecteur

  1. D'après vous, quels sont les apprentissages d'ordre mathématique et d'ordre arithmétique que l'on peut faire à travers la compréhension d'un calendrier?

Éléments de réponse : Quoi de plus ordonné qu'un calendrier?

Les apprentissages que l'on peut faire grâce à lui dépendent du point de départ que l'on se donne. On peut en effet affirmer aux apprenants qu'il y a 365 jours dans une année, qu'elle a été divisée en saisons, en mois, en semaines de telle façon. Et voilà.

On peut aussi raconter que, de l'observation de la course de la terre autour du soleil, on a calculé que celle-ci met 365 jours et 1/4 pour le faire. On s'est aperçu aussi que suivant la distance (importance du 01) de la terre au soleil les saisons ne sont pas les mêmes. Cela parce que la terre ne parcourt pas un cercle mais une ellipse. En réfléchissant à cet ordre des choses, nos ancêtres ont éprouvé le besoin de découper chaque élément, de le nommer, bref de le classer. La régularité des jours et des nuits et le retour des saisons ont servi de base à rétablissement du calendrier. De notre calendrier. Car d'autres ancêtres d'autres nations ont basé leur calendrier sur le cycle lunaire. La lune met 28 (27 jours, 7 heures, 43 minutes, 11,5 secondes!) jours à faire le tour de notre planète.

On a donc découpé (divisé) l'année en 4 saisons. Chaque saison dure 3 mois. Ce qui fait 3 x 4 = 12 mois dans une année. Comme 365 ne se divise pas exactement par 12 (cela fait 30, il reste 5 jours) on a décidé de répartir les jours restants à chaque deux mois. Mais à cause des saisons, on a dû faire sept mois de 31 jours et 4 mois de 30 jours et le pauvre février a été amputé de 2 jours. Pour le consoler, tous les 4 ans, on lui en rajoute 1. Parce que, ne l'oublions pas, la terre fait son tour en 365 jours et 1/4. Si on oublie toujours le 1/4 dans quelque temps le mois d'août sera en hiver! Alors, à tous les 4 ans on ajoute 1 jour car 4 fois 1/4 = 1.

Ceci étant établi, on a donné un nom aux mois. Auparavant on avait aussi créé des cycles de 7 jours. Cela vient du cycle lunaire et de la genèse qui nous raconte la création du monde. Et le septième jour, Dieu se reposa... On avait aussi nommé les saisons et les jours.

Il ne restait plus qu'à trouver un moyen commode d'organiser toutes ces données. La représentation en tableau est la plus simple, à condition de comprendre comment un tableau est organisé. Si on ne le sait pas on va en profiter pour l'apprendre. Parce que, «aux jours d'aujourd'hui» on peut dire que des tableaux il y en a partout. Sans compter que de la compréhension d'un tableau découle la compréhension des graphiques qui pullulent eux aussi.

Du fait des semaines de sept jours et des nombres de jours différents chaque mois, on a dû faire un tableau par mois. De plus, à cause de cela aussi, les mois ne commencent pas tous par le même nom de jour. Par contre, ils commencent tous par le nombre 1. Un jour plus un jour cela fait 2 jours. Alors le jour suivant s'appelle 2. Ainsi on a le premier jour du mois suivi du deuxième. Et ainsi de suite. Si bien qu'on sait que le 13 vient avant le 14 et 3 jours avant le 16 car 13 + 3 font 16... Cela se voit bien dans le tableau...

L'arithmétique est au service du calendrier et le calendrier permet de découvrir l'arithmétique sans ennui. Le calendrier berce et rythme nos vies. Encore faut-il lui donner vie et ne pas le réduire à des chiffres et des mots enfermés dans un tableau.

Mais nous n'avons encore parlé ni des siècles, ni de l'an 0, ni des années moins quelque chose, ni des nombres plus grands que 31, des 1000 et bientôt 2000...

En cherchant dans une encyclopédie, vous trouverez d'autres renseignements. Notre calendrier a une histoire ancienne. Pourquoi ne pas en profiter pour approfondir la notion de siècles, des expressions avant Jésus-Christ et après Jésus-Christ, etc.?

En bref

  • L'arithmétique n'est pas une fin mais un moyen. L'invention de la calculatrice en est la démonstration.
  • Tout ce qui permet d'apprendre à déduire, à classer, à comparer, à mesurer, à se situer dans l'espace et dans le temps fait partie des mathématiques de base.
  • Les mathématiques dites fonctionnelles devraient commencer par là et permettre de découvrir que l'arithmétique est à leur service.
  • Cela est possible à condition de tenir compte des savoirs acquis antérieurement et d'aider les apprenants à faire des généralisations.

Chapitre IV – Connaître le sens des mots

L'acquisition des concepts demande l'acquisition du vocabulaire correspondant

Les Inuit ont, paraît-il, plus de 20 mots différents pour décrire la neige ou la glace. Chacun de ces mots représente un état ou une fonction de cette neige. Pour la plupart d'entre nous il y a la neige. Point. À la ligne. Nous n'avons pas éprouvé le besoin d'aller plus loin pour la nommer. Les adjectifs dont nous l'affublons n'ont rien à voir avec son état mais avec les sentiments que nous éprouvons envers elle!

Avant d'aborder le langage grâce auquel nous faisons des mathématiques sans le savoir, voici du vocabulaire rattaché à la notion mathématique du nombre propre aux Inuit. Ceci est tiré de la communication de Lise Paquin et Pasha Oovaut Puttayuk : Inuttitut, mathématiques et femmes* :

En inuttitut, le vocabulaire servant à désigner des ensembles d'objets est très précis et diffère selon la situation dans laquelle ces ensembles se trouvent. On ajoute généralement des suffixes au mot initial pour préciser la position des objets ou nommer le symbole. Prenons à titre d'exemple, les différentes représentations du nombre trois :

[Voir l'image pleine grandeur]3 objets, chiffres 3, 3 ensembles, des ensembles de 3 objets, qui a 3..., qui contient 3...

Alors, si vous dites «trois» à un Inuk ne pensez pas, à son regard interrogateur : «Sait-il seulement compter?» parce que lui pense : «Mais, de quel trois me parle-ton?»

Nous avons le préfixe tri (triade, triangle, trilogie, trinité) mais sa fonction n'est pas comparable aux suffixes et préfixes de l'inuttitut qui donnent au nombre une fonction précise indépendamment de la sorte d'objets comptés. Ces suffixes seraient les mêmes pour n'importe quelle quantité.

Tout cela pour dire que le langage reflète le mode de pensée et le mode de pensée façonne le langage et enrichit la langue.

Notre langage arithmétique

De même que Monsieur Jourdain1 faisait de la prose sans le savoir, nous faisons des mathématiques à longueur de jour et nous nous exprimons en arithmétique à longueur de jour.

Chaque fois que nous faisons notre lessive nous faisons dans notre machine à laver une addition des ingrédients nécessaires à cette opération! Idem pour ceux qui aiment leur café avec sucre et crème.

Et puis, nous soustrayons le plus innocemment du monde le savon de la boîte à savon ou le sucre du sucrier, suivant le cas. En soustrayant de la machine les vêtements un à un, nous pourrions en arriver à parler de la division du tas de vêtements en ses éléments constitutifs. Nous pourrions aussi trouver le nombre de gorgées dans la tasse étant donné leur volume (et celui de la tasse) ou bien leur volume étant donné leur nombre...

Diminution du pouvoir d'achat, augmentation des taxes, rapport qualité-prix, déduction à la source, multiplication des données, partage équitable des ressources... Cela est un peu plus sérieux que la machine à laver, mais ça revient au même. Et si l'on veut comprendre ce qu'est une diminution du pouvoir d'achat, il peut être bon d'aborder le mot diminution avec l'exemple de la diminution du café dans la tasse ou de l'eau dans la machine qui se vide! Ou, pour celles qui tricotent, la diminution des mailles...

Bref, l'arithmétique n'est pas un monde à part. Apprendre à mieux s'exprimer par l'acquisition de mots nouveaux, constater que les mots que l'on emploie normalement ont un contenu insoupçonné, telles sont les choses que les mathématiques peuvent apporter aux adultes analphabètes. Il est donc nécessaire et utile de décloisonner.

Si je dis : «Je suis venue avec mon mari et mon fils aîné», les mots avec et et induisent une addition. L'apprenant à qui on fait découvrir cela aura fait un pas de plus dans la compréhension du mot addition et du concept qui va avec.

Même ceux qui ne comptent pas font la distinction entre un et beaucoup. Les mots mouton et troupeau, arbre et forêt, maison, village et ville, mare, étang, lac, mer et océan ont été inventés pour cela.

Les interférences

Dans ce domaine les interférences viennent de la «mauvaise» interprétation du concept contenu dans le mot. Ici, le mot «mauvaise» est très relatif. Si la personne s'est contentée de l'interprétation en question c'est soit qu'elle lui convenait, soit que dans son milieu de vie l'interprétation est suffisante à défaut d'être correcte. Il s'agit simplement de lui permettre d'accroître le champ d'interprétation du mot. En voici un exemple tout simple. Nous parlons d'ordre croissant. Pour les uns, le sens de ce mot s'arrête à cette agréable chose que l'on mange avec un café ou un chocolat chaud. Pour les autres, le croissant se rattache à la lune. Pour d'autres ce mot n'est rien. Peut-être a-t-il un rapport avec la croix? Qui sait? Ou avec le verbe croire? «Je crois sans toi mon Dieu!» Absurde? Non, quiproquo...

Questions pour le lecteur

  1. Qu'est-ce qui est plus grand : 8 (huit) ou 88 (quatre-vingt-huit)?
  2. Trouvez au moins 10 mots de la vie courante en relation avec :
    a) l'addition
    b) la soustraction
    c) la multiplication
    d) la division
  3. Quelle relation faites-vous entre fracture, fraction, fragment?
  4. Quel(s) sens donnez-vous au mot : UNITÉ?
  5. Qu'est-ce qu'une égalité?
  6. Quelle différence faites-vous entre chiffre et nombre?

Éléments de réponse :

Question 1 : Huit est-il plus grand que quatre-vingt-huit?

Il est bien évident que 8 est plus grand que 88. Non? Sinon, prouvez-le!

Question 2 : À propos de mots relatifs aux quatre opérations (voir aussi les encadrés pages suivantes).

En musardant dans un dictionnaire de synonymes on peut établir une liste ahurissante («capotante») de mots se rapportant à l'idée d'additionner, soustraire, multiplier et diviser. En voici une liste non-exhaustive. Vous pouvez y puiser les mots qui vous paraissent les plus courants et y ajouter ceux qui n'y sont pas. Par pitié, ne les faites pas apprendre par cœur! Ces listes sont pour vous faire réfléchir...

Le mot «copie» est tout à fait réjouissant! Une multiplication n'est-elle pas une reproduction, donc une copie à n exemplaires? Et puis, quel problème : s'il y a tant de mots sur une page et que je la photocopie 5 fois, combien y aura-t-il de mots en tout? Radoter n'est pas mal non plus... Il suffit souvent d'employer des mots qui font image pour aider à faire passer un concept. Cela crée des évocations. Surtout si on s'est amusé un peu avec ces mots-là. Les évocations, nous en parlerons au chapitre V.

* Avertissement : Les mots de ces listes ne sont pas faits pour donner à apprendre par cœur, ni à vous ni à vos apprenants!

Mots relatifs à… (Listes non exhaustives)
L'addition : du latin additio, de addere, ajouter. Ajouter a été remplacé par additionner en arithmétique à la fin du 17e siècle.

ajout – amas – assemblage – assemblée – augmentation – avantage – bénéfice – complément – crédit – cumul – ensemble – gain – groupe – intégralité – majoration – monceau – pile – plus-value – profit – réunion – supplément – surplus – union – somme – total – tout – unanimité – universalité
accumuler – adjoindre – ajouter – amonceler – annexer – assembler – augmenter – collectionner – créditer – croître – cumuler – empiler – entasser – grouper – majorer – rassembler – réunir
aussi – avec – davantage – du même coup – en compagnie – encore – en outre – en plus – en sus – et – et pis – et puis – par surcroît – plus

Mots relatifs à… (Listes non exhaustives)
La soustraction : du latin subtrahere, de sub (sous) et traherer (tirer, traire) d'où soustraire.

Baisse – débit – déclin – déficit – différence – écart – économie – épargne – espace – extraction – inégalité – manque – miette - mise de côté – perte – prélèvement – prise – privation – rabais – raccourci – rebut – réduction – reliquat – résidu – reste – retrait – suppression – vol
au dessous de – au moins – en moins – entre – pour le moins – sans
abréger – amoindrir – baisser – décliner – décompter – décroître – dépouiller – dérober – diminuer – écourter – éliminer – enlever – épargner – extirper – extraire – ôter – prélever – prendre – priver – raccourcir – réduire – retirer – retrancher – subtiliser – supprimer – voler
et de nombreux verbes commençant par «dé» : déboiser – décharger – déclouer – décrotter – dégraisser – démâter – démolir – dénuder – déshabiller...
ou par «é» : ébrancher – écrémer – écumer – épointer – épousseter

Mots relatifs à…(Listes non exhaustives)
La multiplication :du latin multiplicare, de multi (plusieurs) et plicare (plier).

Copie – doublure – fréquence – imitation – multiple – multiplicité – paire – récidive – reproduction – ribambelle
centuple (r) – double (r) – quadruple (r) – quintuple (r) – sextuple (r) – triple (r)
encore – de nouveau – derechef – plusieurs fois
copier – décupler – imiter – radoter – recommencer – redemander – redire – refaire – relire – repasser – répéter – reproduire – ressasser – seriner
produit : article manufacturé bien issu de la production, (donc en série).

Mots relatifs à… (Listes non exhaustives)
La division : du latin divisio (sens militaire)

antipathie – catégorie – classe – coupure – découpure – désunion – fractionner – fragmenter – graduation – groupe – haine – inimitié – morcellement – parcelle – partage – partie – pièce – portion – scission – section – schisme – tranche
classer – couper – découper – défaire – désaccorder – désagréger – désunir – disjoindre – fractionner – fragmenter – graduer – morceler – partager – répartir – scinder – sectionner – séparer – trancher

* Avertissement : Les mots de ces listes ne sont pas faits pour donner à apprendre par cœur, ni à vous ni à vos apprenants!

Question 3 : Relations entre les mots fracture, fragment et fraction :

Ces mots sont de la même famille. Le mot fracture est plus usuel que le mot fragment. On partira donc du mot fracture pour rendre familier le mot fraction. Une fracture ça casse un os n'importe comment. Les morceaux ne sont pas égaux! Une fraction ça découpe une pizza en morceaux égaux.

Un fragment, c'est un morceau, d'un objet brisé. Un fragment d'os. Mais pas un fragment de pizza. À moins qu'elle ne se soit rompue à la suite d'une bataille rangée où elle a servi de munition... On a des miettes!

Quand on fractionne, on divise une unité en parties égales. Attardons-nous à ces trois mots.

Le mot «partie» devrait être utilisé avec précaution. Il a trop de sens. Partie de cartes, partie de sucre, les «parties», elle est partie... les mots part ou portion sont beaucoup plus explicites et sans ambiguïté. Avant d'employer un mot, il est bon de se demander aussi s'il est ambigu. Si c'est le cas, les dictionnaires de synonymes ont été faits aussi pour ça. Mais on ne peut pas toujours esquiver l'ambiguïté en remplaçant un mot par un autre mot. Ou ce n'est pas toujours nécessaire.

C'est le cas des mots croissant et décroissant. On pourrait dire «en augmentation» et «en diminution». Cela amènerait l'idée d'addition et de soustraction. Un nombre est plus grand qu'un autre parce qu'on lui a ajouté une quantité. Et inversement. Mais le mot croissant fait partie de la famille croître. Et l'exemple de la lune qui fait des croissants quand elle croît et décroît est facile à comprendre. Cela fait image, crée une évocation. Quand les croissants sont dans ce sens > la lune croît, elle s'agrandit, elle devient plus grande. > veut dire plus grand. Et vice versa, dans ce sens < la lune décroît, rapetisse, diminue.

Question 4 : Quels sont les sens du mot «unité»?

Unité : n. f. Caractère de ce qui est un, unique, de ce qui forme un tout. Grandeur prise comme terme de comparaison avec des grandeurs de même espèce. Entente entre des personnes (unité de vues). Formation militaire permanente (unité blindée).

Laissons de côté les deux derniers sens. On a déjà bien assez de confusion avec les deux premiers.

La difficulté vient de ce que nous parlons de la même façon de unité dans «unité, dizaine, centaine» que dans unité de mesure. De plus, dans une unité il peut y avoir plusieurs objets.

Voici un sac de pommes. Il vient de l'épicerie. Il a été vendu à 1,19$ le sac. Le sac est une unité pour l'épicier. Sitôt rendu à la maison, le sac se vide de ses pommes. Ce sont elles qui deviennent des unités. A moins qu'on ne continue de considérer le sac comme une unité. Alors, chaque pomme sera une fraction de l'ensemble unité : «les pommes contenues dans le sac». Et le sac, que devient-il? La limite de l'ensemble, peut-être... mais, qui voit la vie comme ça?

Voici des pots de confiture de 250 g. Que doit-on considérer comme unité si on compte les pots? Ici 250 g est un ensemble qui forme une unité pot-de-confiture. Mais chaque gramme est une unité de mesure de masse.

Nous sommes si habitués à saisir toutes les nuances qui affublent le mot unité que nous ne prenons pas de précautions particulières chaque fois qu'il se présente sous un nouveau déguisement. Un est-il une pomme, un sac de pommes, un gramme de confiture, un pot de confiture? C'est une question de convention. Convention de l'épicier, convention de la nature, convention du fabriquant de confiture, convention internationale...

Question 5 : Qu'est-ce qu'une égalité?

Commençons par jouer avec vous le jeu des mots en relation avec les mots égalité et égal :

pareil – semblable – équivalent – comparable - de même valeur – autant – aussi - de même – égaler – valoir – balancer – équilibrer – niveler – égaliser – dédommager – similitude ...

Sous-question : 3 + 4 = 7 qu'est-ce que c'est?

Qui, spontanément, a répondu : «une addition!»?
Bon, alors, 7 = 3 + 4 qu'est-ce que c'est?

Si 7 - 4 = 3 est une soustraction, qu'est-ce que 3 = 7 - 4?

Si l'on a pris la peine de seriner qu'une addition c'est «mettre ensemble» et une soustraction c'est «enlever quelque chose» comment justifier :
7 = 3 + 4
3 = 7 - 4

Et comment justifier ce même signe égal dans les autres opérations? À prendre des raccourcis que l'habitude nous empêche de voir, on risque de semer la confusion. Et peut-être est-ce pour cela aussi (entre autres choses) que bien des participants ont de la difficulté à choisir l'opération convenable pour résoudre un problème et à saisir que la soustraction est l'inverse de l'addition?

Alors, que dire?

Chaque fois qu'on met des choses ensemble (qu'on empile, ajoute, etc., etc.), on met le signe + entre chaque élément pour l'indiquer. Une chemise + une paire de bas + trois culottes vont dans la machine à laver. C'est une «addition». Mais on ne peut pas faire une égalité car on n'a pas le même système d'unité. Comment faire? Eh bien, les catégories ont été créées pour ça! On a affaire ici à des pièces de vêtement. Transposons dans les termes «pièces de vêtement» : 1 pièce de vêtement + 2 pièces de vêtement + 3 pièces de vêtement. C'est une nouvelle addition. On peut maintenant opérer l'addition, c'est-à-dire calculer un total des pièces de vêtement qui constituent la lessive. Et, ce total étant trouvé, on est en droit de dire et d'écrire :

1 pièce de vêtement + 2 pièces de vêtement + 3 pièces de vêtement = 6 pièces de vêtement.

Et, si on compte toutes les pièces, on en trouve 6. Mais on sait que dans ces 6 il y en a 1 comme ceci, 2 comme cela et 3 autres. On peut donc comprendre que :

6 pièces de vêtement = 1 pièce de vêtement + 2 pièces de vêtement + 3 pièces de vêtement.

De chaque côté du signe égal, on a des choses pareilles, identiques, semblables, représentées de façons différentes. Cela est exprimé différemment. D'un côté il y a un total, de l'autre une addition, on a établi une égalité.

Nous venons d'aborder trois concepts : la catégorie, l'addition, l'égalité.

Le premier est habituellement réservé à la classe de français. Et l'on glisse dessus sans réaliser qu'il fait aussi partie de la classe de mathématique. On ne peut pas additionner des pommes et des oranges, disons-nous. Mais cela est faux. On peut.

Ce qu'on ne peut pas faire, c'est calculer un total et dire que cela est égal à quelque chose de précis. Cela constitue une pile de fruits ou une salade de fruits, suivant le cas. Mais, puisque l'on a affaire à des fruits, en nommant chaque unité «fruit», on pourra exprimer mathématiquement le total des fruits et l'égalité pourra alors être exprimée de façon précise. Du même coup les trois concepts sont vus et à l'aide de données que les adultes possèdent, bien souvent. Même s'ils ne savent pas que quand ils parlent de fruits, de légumes, de vêtements (de linge), d'arbres, d'enfants, ils parlent de catégories.

Par contre, si on ne peut mettre des éléments dans une catégorie, on ne peut pas alors faire de calcul. Additionner des mètres et des litres n'a aucun sens. Il paraît donc fort intéressant d'en venir à faire discuter les adultes autour de cette idée de catégories et d'unités.

La règle étant qu'on ne peut additionner ou soustraire que des unités de même nature.

Mais le jeu ne s'arrête pas là. Si, au lieu de prendre des éléments de catégories, on prend des éléments semblables : jetons, cubes ou autre, que peut-on constater? Qu'avec 6 jetons on peut créer plusieurs égalités :

6 jetons = 1 jeton + 2 jetons + 3 jetons
6 jetons = 1 jeton + 1 jeton + 4 jetons
6 jetons = 2 jetons + 4 jetons
6 jetons = 1 jeton + 5 jetons
6 jetons = 1 jeton + 1 jeton + 1 jeton + 1 jeton + 1 jeton + 1 jeton
6 jetons = etc.

On s'apercevra aussi que :

1 jeton + 2 jetons + 3 jetons = 2 jetons + 4 jetons = etc. Car on sait maintenant ce qu'est une égalité (même quantité, pareil, autant). On constate que la répartition est différente. Elle s'exprime à l'aide des signes +. C'est pareil du point de vue du total, mais pas de la répartition.

Et, la fin du jeu, c'est quand on réussit à comprendre que les mathématiciens ont cherché à généraliser. C'est-à-dire à permettre d'additionner n'importe quoi sans avoir à en nommer les unités comptées. Il est facile de se rendre compte que :

6 jetons = 1 jeton + 2 jetons + 3 jetons
6 sous = 1 sou + 2 sous + 3 sous
6 cubes = 1 cube + 2 cubes + 3 cubes
6$ =1$+2$+3$

Ce qui reste identique dans les égalités ce sont les nombres. Ce qui donne la généralisation :

6 = 1 + 2 + 3 = 2 + 4 = 1 + 5 = etc.

Même ceux qui savent faire des additions devraient refaire ce chemin afin de comprendre, enfin, ce qu'ils font. Apprendre à nommer ce que l'on fait. Car, la connaissance des mots conduit à la connaissance des choses. (Platon dixit).

Le jeu peut recommencer avec toutes les opérations. Les concepts d'opération : calcul, résultat, soustraction, multiplication et division se mettront en place en fonction du concept égalité.

Le sens premier du mot opération c'est action. À la suite d'une action on s'attend à des conséquences ou à un résultat.

En mathématiques comme ailleurs, une opération est une action effectuée par la personne qui opère, cette action répondant à une décision, la décision elle-même provenant d'une intention; l'intention d'une opération est, à priori, de vouloir savoir, dans diverses situations, «combien ça fait». p. 797, (BARUK, Stella. Dictionnaire de mathématiques élémentaires, Seuil, 1992).

Pour savoir «combien ça fait» on fait des calculs. Mais avant d'y arriver se pose toujours la question : «Quelle opération vais-je choisir?». La décision à prendre dépend du problème à résoudre. C'est en faisant ces distinctions entre opération et calcul que l'on amène les apprenants à faire des choix judicieux dans la résolution de problème. Choisir une opération ce n'est pas la calculer.

Question 6 : Quelle est la différence entre un chiffre et un nombre?

Un chiffre est un signe qui permet d'écrire des nombres. Un peu de la même façon que les lettres permettent d'écrire des mots. Et, comme certaines lettres font des mots à elle seules (ex. : il y a), les chiffres peuvent aussi constituer un nombre. Le chiffre 3, par exemple, peut aider à former les nombres 1 3 4, ou 3 3 3 mais il peut représenter le nombre 3.

Stella Baruk, dans son Dictionnaire de mathématiques élémentaires fait la distinction entre un nombre de quelque chose (3 pommes, 3 mètres, 3 francs) et un nombre «tout court». Elle appelle les premiers des nombre-de et les seconds des nombres.

Historiquement, nous l'avons vu, la progression s'est faite à partir du désir de compter en nombre-de. Les spéculations de nos savants ancêtres nous ont amenés aux nombres. Mais les adultes auxquels nous avons affaire n'en sont pas rendus là. Et nous, bien souvent, nous sommes passés des uns aux autres sans trop savoir comment!

Ceci nous ramène aux distinctions subtiles que font les Inuit et dont nous parlions au début de ce chapitre... Les nombres-de sont ainsi classés en sous-catégories de nombre-de.

Les nombres-de sont en rapport avec l'identité des unités comptées :$, jetons, sacs de pommes, pots de confiture, cm, kg, etc. Ce sont les nombres du quotidien. Ce sont ceux de la formation de base, de la fonctionnalité. Mais leur bonne compréhension devrait permettre, à un moment ultérieur, de passer à la compréhension des «nombres-tout-court». C'est pourquoi il est sans doute utile de jouer les divers jeux décrits précédemment.

En bref

L'art d'être formateur en alphabétisation suppose l'art d'être à l'affût des mots qui ont un sens ambigu et des mots usuels qui ont un contenu mathématique (qui induisent un concept mathématique). Cela est vrai en mathématique. Cela est vrai tout le temps. L'évidence des uns n'est pas celle des autres.

Chapitre V – Les intérêts des adultes

Les intérêts des adultes sont variables.

Ces intérêts dépendent des acquis, de la culture et des besoins à satisfaire. Ces besoins étant ceux que l'individu désire satisfaire et non ceux que l'on pourrait penser pour lui.

Il se peut fort bien, par exemple, qu'une personne ne sache pas faire des soustractions et n'éprouve aucun besoin de l'apprendre. Dans sa vie de consommatrice, elle a pris l'habitude de faire confiance à ceux qui rendent la monnaie. Elle a depuis longtemps admis qu'elle ne savait et ne pouvait pas le faire. Cela n'est pas pour elle. C'est tout. Elle ne souffre pas de cette situation. Apprendre à soustraire n'est pas une priorité du tout. Et si elle le savait, peut-être agirait-elle comme la plupart de ceux qui savent : elle ferait encore confiance à la caissière!

Il y a fort à parier que ceux qui ne font pas confiance seront beaucoup plus motivés d'apprendre à soustraire! À condition que cela soit utile immédiatement. Apprendre à soustraire prendra alors le titre de : «Apprendre à vérifier la monnaie à recevoir.»

Prenons un autre cas. Marcel travaille dans une entreprise qui vient de se munir d'ordinateurs tous azimuts. Sur les écrans paraissent des données sous forme de tableaux ou de graphiques. Marcel n'y comprend rien. Un graphique ou une peinture abstraite, c'est pareil. Suivant son niveau de confiance en lui, il désirera plus ou moins apprendre. Cela peut aller de la fuite à la demande d'aide. Un employeur intelligent offrira de l'aide tout de suite. Apprendre à lire un tableau ou un graphique n'est pas sorcier. À condition d'y aller par étapes.

Parlons de Roulia. Elle, la monnaie, elle s'y entend. Dans son pays natal elle avait monté un petit commerce de produits alimentaires de base. Quand elle se trompait en rendant la monnaie, c'était de la distraction. Ou bien c'est qu'on n'avait pas été poli envers elle... Roulia aimerait savoir aligner des chiffres. Cela lui conférerait un pouvoir semblable à ceux de son pays qui jouent les matamores parce qu'ils croient tout savoir. Mais elle devra d'abord passer par la numération et la valeur de position. Elle comprendra cela si on utilise sa connaissance de l'argent. Elle fera le lien entre les symboles et les pièces et billets.

Puis, pour les opérations d'addition et de soustraction qu'elle fait si bien dans sa tête, on partira de ce qu'elle fait pour l'amener à utiliser les tours de passe-passe que l'écrit a permis de développer. Tours de passe-passe qui ne valent pas forcément mieux que les siens!

Et voici Madeleine. C'est une jeune grand-mère. Sa petite fille vient de commencer l'école. Madeleine la garde souvent. Elle aimerait aider la petite. C'est pourquoi elle demande à apprendre à faire toutes les opérations. Heureusement, elle sait compter et elle comprend bien la valeur de position. Quel repos pour le formateur! II fera bien de vérifier quelle est la méthode employée à l'école de l'enfant!

Nous voici en Gambie. Abdul avait l'habitude de vendre ses arachides au boisseau. Maintenant elles lui sont payées au poids. Le système de mesure des poids, le calcul et le sens de la multiplication lui permettront de vérifier qu'il ne se fait pas avoir. Il faudra lui construire un programme sur mesure qui lui permette d'être rapidement efficace dans sa nouvelle situation.

On ne peut donc pas dire : ces personnes doivent apprendre à additionner, montrons-leur les additions. On leur demandera d'abord si elles savent déjà additionner et de quelle façon. On vérifiera que le mot additionner a bien pour elles le même sens que pour nous. On cherchera des situations dans lesquelles ce savoir peut leur être utile et, surtout, des situations auxquelles elles sont confrontées et qui les embarrassent (d'après leurs dires). Il faut donc se demander quels types de personnes on a devant soi. Un profil psychosocial, un relevé des connaissances (savoir-faire) et des intérêts sont des préalables à l'enseignement des maths. Sommes-nous dans un centre d'éducation des adultes, dans un groupe communautaire, dans une entreprise, dans un milieu agricole? Les adultes sont-ils motivés, obligés, indifférents? Viennent-ils de pays en voie de développement? Ont-ils déjà un peu étudié dans leur enfance? Etc.

Le désintérêt est la pire de toutes les interférences.

Questions pour le lecteur

  1. François est aide-camionneur. Il rêve de devenir barman. Du point de vue mathématique, que doit-il savoir pour exercer ce métier?
  2. Madeleine a enfin appris à faire des soustractions. Elle vous arrive, catastrophée : sa petite fille ne les fait pas comme elle. Elle commence à gauche au lieu de commencer à droite. Que faites-vous?
  3. Cette fois, c'est bien vrai : il y a des ordinateurs partout dans l'usine où Marcel travaille. De plus, les patrons font toutes sortes de réunions au cours desquelles ils utilisent des graphiques en tous genres pour expliquer leurs attentes. Allez-vous donner un cours d'art abstrait à Marcel?
  4. Lise est perplexe. Chaque fois qu'elle doit acheter de l'aspirine ou l'équivalent elle se demande quelle différence il y a entre l'un ou l'autre des contenants et des marques proposées sur les étagères des pharmacies. (Elle n'ose pas déranger le pharmacien pour ça). Quelle sorte de math y a-t-il là-dedans?
  5. François, Madeleine, Marcel et Lise font partie de votre groupe d'adultes. Comment gérer cette disparité d'intérêts? Les autres membres du groupe n'ont rien manifesté. Tous disent ne pas aimer les maths (sauf Madeleine).

Éléments de réponse

Question 1 : Notions de math nécessaires à un barman

Les proportions, les volumes liquides, lire et additionner des prix, rendre la monnaie, les nombres de 0 à 2000.

Question 2 : Pour calculer une soustraction de gauche à droite

Si vous ne savez pas comment calculer une soustraction de cette façon, vous commencez par aller y voir dans la méthode utilisée dans la classe de l'enfant. (Ex. : Défi mathématique. Livre maître 4, p. 106, «méthode des tirets»). Puis, vous l'expliquez à Madeleine.

Imaginons 4 2 3 - 236

Soustrayons les centaines. Il en reste 2.
Soustrayons les dizaines. Il en manque.
Empruntons-en une aux centaines qui restent.
Cette centaine appartient au nombre de dizaines du haut.
Elle vaut 10 dizaines.
Nous avons donc 12 dizaines - 3 dizaines = 9 dizaines.
Soustrayons les unités. Il en manque.
Empruntons-en une aux dizaines qui restent.
Cette dizaine appartient au nombre d'unités du haut.
Elle vaut 10 unités.
Nous avons donc 13 unités - 6 unités = 7 unités.
Résultat : 187 C'est simple!

[Voir l'image pleine grandeur]Représentation du problème précédent sous forme de tableau

En moins d'espace cela donne de la gauche vers la droite

[Voir l'image pleine grandeur]Représentation du problème précédent sous forme de calcul

Bien sûr, une soustraction sans emprunt est encore plus simple.

Question 3 : À propos des graphiques

Nous prenons rarement le temps d'expliquer comment fonctionne l'organisation des données dans un tableau. Nous distribuons des horaires, des calendriers, des tableaux de conjugaison, des tables d'addition sans nous demander si l'adulte y comprend quelque chose. C'est évident un tableau!

Pas pour tout le monde. Mais la compréhension des tableaux est à la portée de la plupart des gens à partir du moment où ils savent lire des mots et des nombres. À partir du moment où cela est clair, il est aisé de passer à la compréhension d'un graphique.

Dans un tableau, les données cherchées correspondent à la croisée des colonnes. Par exemple : une table d'addition. Elles sont dans un rectangle ou un carré. Dans un diagramme à ligne brisée, les données correspondent à la croisée des lignes. Par exemple, un diagramme des températures d'une semaine d'été (les maximums enregistrés). Ces croisées de lignes forment des points. En joignant les points, on obtient un graphique (courbe ou tracé représentant les variations d'une grandeur mesurable).

Un tableau est statique.

Un graphique permet de voir une évolution. On peut aussi y comparer 2 courbes. Par exemple, on pourrait mettre dans une autre couleur la courbe des températures d'une semaine au même moment l'année d'avant.

Il suffit donc d'expliquer à Marcel les règles de ce jeu en lui montrant différents graphiques, en lui faisant comprendre les différents symboles employés d'habitude et en lui en faisant faire.

[Voir l'image pleine grandeur]Graphique des variations de températures en degrés Celsius, du lundi au vendredi
Graphique des variations des températures maximales durant une semaine d'été.

Question 4: Connaissances mathématiques nécessaires à l'achat «éclairé» d'aspirine

Les proportions, les masses en mg, les nombres de 0 à 2000, les comparaisons, lire des prix, diviser un nombre décimal par un nombre entier (avec calculatrice).

Question 5 : Comment gérer la disparité des intérêts et des savoirs décrits dans les quatre questions précédentes?

Réponse au chapitre suivant...

En bref

  • Le formateur doit avoir des antennes et de l'imagination.
  • Il doit, avant d'agir, se demander dans quel milieu il vient de plonger et tenter de se mettre à la place de ses apprenants afin de faire le tri entre le nécessaire et... l'utile.
  • Il lui faut être à l'écoute des adultes qu'il prétend former et savoir s'appuyer sur ce qui existe, sur les circonstances, sur les us et coutumes.
  • Les mathématiques nécessaires ne sont sûrement pas les mêmes au Sahel, en milieu urbain défavorisé, dans un petit village de pêcheurs, dans une popote communautaire, dans une usine de clous ou dans une usine de produits alimentaires...

Chapitre VI – Nécessité d'établir des objectifs intermédiaires

L'art et l'utilité de décortiquer une habileté en ses divers éléments de connaissances.

Nous allons utiliser la multiplication comme exemple pour illustrer ce chapitre.

Pour en arriver à calculer «à la main» une multiplication il faut avoir acquis un certain nombre de connaissances. Mais, à la limite, quelqu'un qui a sous les yeux les tables d'addition et de Pythagore et qui aurait acquis la technique sans la comprendre pourrait calculer une telle multiplication. Il n'aurait même pas besoin de savoir les noms des chiffres et des nombres. Encore une fois, ce n'est pas pour rien que la calculatrice a été inventée.

Un jeu instructif

Pour vous en convaincre, voici un jeu. En y jouant vous ferez des découvertes surprenantes. Surtout si vous songez que vos apprenants ne sont pas très solides dans la manipulation des tableaux, dans les algorithmes, dans l'écriture des nombres...

Pour vraiment jouer le jeu, faites «comme si». C'est-à-dire, n'écrivez pas le symbole «normal» de chaque chiffre à côté de ceux qui sont là. Faites l'opération «comme si» :

  1. Vous ne connaissiez pas le nom des nombres.
  2. Vous saviez seulement que quand il y a deux symboles côte à côte dans le résultat d'un calcul, celui de gauche doit être retenu puis ajouté ensuite. Ex. : 3 x 6=18 j'écris 8, je retiens 1 que j'ajoute après.
  3. Vous connaissiez l'algorithme de la multiplication.
  4. Vous saviez comment fonctionnent des tables d'addition et de Pythagore.

Vos outils sont une table de Pythagore et une table d'addition. Les chiffres (symboles) qui y sont inscrits ont été inventés de toute pièce pour l'occasion! Sauf le zéro.

Nous vous proposons une multiplication dans laquelle les chiffres ne sont pas trop grands. Mais il y a des retenues.

Observez-vous quand vous la calculez. Êtes-vous verbal? Vous dites-vous : «Bon, je dois multiplier ce bidule par ce machin, ou ce V par ce U»?

Pour trouver le résultat, utilisez-vous votre doigt en suivant la colonne ou la rangée? Ou tout ça à la fois?

Vous amusez-vous? Trouvez-vous cela effrayant? Insupportable? Est-ce que cela vous a rappelé des souvenirs d'enfance? Etc.

À vos marques. Prêts? Voici la multiplication à calculer :

[Voir l'image pleine grandeur]Multiplication avec des symboles à la place des chiffres, sans réponse

Réponse à la fin de ce chapitre.

[Voir l'image pleine grandeur]Tableau de symboles

[Voir l'image pleine grandeur]Tableau de symboles

Les savoir-faire relatifs au calcul de la multiplication suivant l'algorithme «usuel».

  1. Savoir écrire les symboles.
  2. Savoir multiplier un nombre à 1 chiffre par un autre soit
    a) en utilisant des tables écrites;
    b) en utilisant sa mémoire après avoir appris les tables par cœur.
  3. Savoir où et comment écrire le résultat de la multiplication du n° 2. Le cas est différent suivant que
    a) il n'y a pas de retenue;
    b) la retenue est 1;
    c) la retenue est plus grande que 1;
    d) c'est le premier, le second ou chacun des chiffres suivant du multiplicateur qui opère.
  4. Savoir additionner des unités
    a) sans retenue : ce n'est pas souvent le cas;
    b) avec retenue : c'est le cas la plupart du temps en multipliant et en faisant le total à la fin de la multiplication.

Ceci explique pourquoi vous montrez de façon progressive le calcul des multiplications. Mais, est-ce que cela explique ce qui suit.

  1. Pourquoi on calcule (on doit calculer ) comme ça?
  2. À quoi sert une multiplication?

Pourquoi ne pas calculer autrement une multiplication?

Soit : 345 x 26
345 c'est 300 + 40 + 5
26 c'est 20+6

On peut donc écrire :

345 x 26
= (300 + 40 + 5) x (20 + 6)
= 300 x 20 + 40 x 20 + 5 x 20 + 300 x 6 + 40x6 + 5x6

Ce qui s'écrit autrement :

[Voir l'image pleine grandeur]Le calcul précédent décortiqué partie par partie (total 8970)

Après tout, pourquoi ne pas calculer ainsi? Il suffit de ne pas se tromper avec les zéros. Les problèmes de retenue ne se retrouvent plus que dans l'addition finale. «Et les multiplications avec nombres décimaux?» demandez-vous?

C'est facile. On fait comme vous en avez l'habitude. Vous n'en tenez compte qu'à la fin. Si vos nombres sont 3, 45 x 2, 6 vous procédez comme s'il n'y avait pas de virgule. Puis vous comptez les chiffres après les virgules, soit 3 chiffres, et votre résultat est 8,970.

Alors? «Ça va plus vite de l'autre façon et ça prend moins de place». Est-ce si sûr que cela va plus vite? Pour vous, sans doute, car vous avez appris comme cela. Mais pour quelqu'un qui aurait appris l'autre façon?

Ça prend moins de place? Certes, dans votre calcul de multiplication vous aurez écrit 16 chiffres. Dans celui présenté ici : 44. Pas de doute, cela paraît plus efficace. Mais, si c'est le souci d'efficacité qui prime, alors, pourquoi ne pas utiliser une calculatrice?

Réflexe conditionnant-opérant

Vous souvenez-vous de vous être déjà fait dire :

«Tu es un bon petit gars; Tu es une bonne petite fille :
fin fine
intelligent intelligente
sage sage

capable capable
etc. etc.
parce que tu sais calculer une multiplication,
parce que tu sais tes tables par cœur,
parce que tu ne cherches pas à comprendre pourquoi il faut faire comme ça.»

Et l'on vient nous dire maintenant que tout cela n'a plus d'importance? Qu'une calculatrice est aussi fine, intelligente, sage et capable que nous? Notre ego en prend un sale coup.

S'il-vous-plaît, ayez pitié de vous. Placez votre ego ailleurs! Tiens, dans sa capacité à s'adapter aux nouvelles conditions de vie, à créer...

Quand vous avez acheté votre magnétoscope, ou votre four à micro-ondes, vous avez suivi les instructions d'installation et de fonctionnement. Et, zzou, ça marche! Vous êtes-vous demandé comment et pourquoi ça marche? Peut-être, mais ça ne vous empêche pas de dormir de ne pas le savoir. Et quand ces appareils ne fonctionnent plus, vous allez voir un spécialiste.

Par contre, vous savez à quoi ça sert et vous l'utilisez à bon escient.

L'invention du zéro et des chiffres a mis des siècles (oui, 500 ans au moins) à s'implanter tellement les humains, nos ancêtres, s'étaient créé des habitudes dont ils étaient fiers. Le progrès était devenu quasiment une invention du diable. Et il était interdit de déclarer que c'était la terre qui tournait autour du soleil et non l'inverse. Demandez à Galilée!

Il nous faut désormais reconnaître qu'il y a des habitudes utiles, nécessaires et d'autres qui peuvent se transformer en de nouvelles habitudes : ces nouvelles habitudes nous permettent d'être plus fins, plus intelligents, plus sages, plus capables car elles nous libèrent.

Par exemple, en quoi l'utilisation de la calculatrice est-elle libérante? Sans doute pas pour savoir que 8x7 font 56, ni que 8 + 7 font 15. Mais pour calculer 875, 37893 x 0,1267? Quel gain de temps! Combien d'énergie notre cerveau a-t-il économisée? Cette énergie n'est-elle pas beaucoup plus utile pour nous aider à comprendre pourquoi on doit en arriver à faire une telle multiplication?

«Et si, tout d'un coup, il n'y a plus de calculatrice, plus de pile, plus de...» Un instant, s'il-vous-plaît. Vivons au jour d'aujourd'hui. Et, par ailleurs, si nous comprenons ce qu'est un chiffre, un nombre, comment il est composé, ce qu'est une multiplication, alors, quand bien même nous aurions tous oublié comment se calcule une multiplication, nous serions capables de le réinventer. Parce que nous ne sommes plus des automates si nous savons tout cela. La numération bien comprise c'est la base de notre intelligence en notre arithmétique en base 10. Celle qui fait que les uns froncent les sourcils en entendant ou en lisant des nombres soi-disant statistiques, mais que la plupart n'y entendent rien. Celle qui fait qu'un élève saura que si en «pitonnant» 8,363 x 2,4 il obtient 10,763 il a mal «pitonné» et que 1 000 000 + 345 ne peut pas faire 1 345 000.

C'est pourquoi il est utile de savoir ses tables par cœur. C'est pourquoi aussi il faut apprendre à vérifier que l'on n'a pas fait d'erreur (l'approximation).

Mais en formation de base des adultes, nous sommes en situation d'urgence. Ce n'est pas demain que Marcel devra savoir aussi comprendre une règle de trois et faire les calculs qui vont avec. C'est «tussuite». Donc, il doit avant tout savoir à quoi sert une multiplication. Pour apprendre à la calculer sans calculatrice, il lui faut une autre motivation et du temps.

Au fait, en quoi est-il utile de savoir calculer une multiplication?

En a-t-on besoin pour comprendre ce qu'est une fraction?

En a-t-on besoin pour lire un plan?

En a-t-on besoin pour lire l'heure, écrire une date, faire un chèque, tenir ses comptes à jour?

Non. Mais on peut, en faisant plusieurs des apprentissages cités plus haut, découvrir à quoi elle sert justement, ce qu'elle est quand on est en nombre-de. Savoir à quoi sert ce que l'on fait est une autre source de motivation.

Questions pour le lecteur

  1. François, Madeleine, Marcel et Lise font partie de votre groupe d'adultes. Comment gérer la disparité de leurs intérêts?
  2. Citez les pièges qu'il y a quand on veut écrire 95 en lettres,
  3. Quelle(s) opération(s) peut-on découvrir avec les fractions?
  4. Qu'est-ce que ça donne multiplier un mm par 10, 100, 1000?
  5. Qu'est-ce que ça veut dire une échelle où 1cm = 1/20000?

Éléments de réponse

Question 1 : Exemple d'une gestion de disparité d'intérêts

Une façon de rejoindre tout le monde est de passer par la compréhension des tableaux au point d'être capable d'en établir. (Voir le chapitre XI)

Premier avantage : ça ne ressemble pas à des maths.
Deuxième avantage : ça peut aider à consolider l'apprentissage de la lecture et de l'écriture des chiffres, des nombres, des lettres, des mots.
Troisième avantage : c'est utile pour beaucoup de choses.

Ensuite, François pourra apprendre à gérer ses recettes de cocktails à l'aide d'un tableau de ce style :

Recettes
(Quantités en onces)
CognacGinRhumScotch VodkaLiquideAutre

Bloody Mary

1

Tomate

Citron

Rhum Coke

1

Coke

Citron

Tournevis

1

Jus d'orange

Cerise

Gin tonic

1

Tonic

Citron

Etc.

Il pourra l'organiser, et l'agrémenter à son goût. Les autres participants pourront l'y aider. On en profitera, mine de rien, pour vérifier le nombre de Bloody Mary qu'on peut faire avec un 40 onces de vodka, calculer le prix de revient d'un verre étant donné le prix du 40 onces et du jus. Et le profit réalisé étant donné le prix de vente. On pourra «jouer au barman» et vérifier la monnaie rendue, etc. (utilité des opérations et de leur calcul).

Madeleine comprendra mieux la soustraction «à l'envers» si on place les nombres dans un tableau comme celui de la page 72.

Si les explications ne suffisent pas, on en profitera pour consolider sa connaissance (?) de la numération à l'aide d'abaques. «Aujourd'hui, nous aidons Madeleine à comprendre comment les enfants apprennent». Les autres aussi ont peut-être des enfants et petits-enfants à l'école? Tous sûrement apprendront quelque chose.

Grâce à Marcel, on s'avisera de passer aux graphiques. On fera des relevés de température ou de n'importe quoi. On cherchera à comprendre ceux du journal (variations du chômage, des coûts, etc.).

Lise, quant à elle, pourra aussi entrer des données dans un tableau. Par exemple :

Sortes / DoseAdulteEnfant - 2 ansDe 2 à 10 ansDe 10 à 15 ans

Aspirine
enfant xmg

Aspirine
ymg

Anacin
xmg / ymg

ASA
xmg / ymg

Tylenol
ymg

Ce tableau sera utile à tous et pourra donc être établi aussi en commun. Cela aura permis, dans la foulée, de parler des mg. Après on pourra parler des prix, comparer les marques, le nombre des comprimés, calculer le coût de chaque comprimé suivant sa marque, son emballage, etc. Ce qui fera sans doute un autre tableau.

Question 2 : Comment percevoir la relation entre quatre-vingt-quinze et 95?

a) Nous utilisons trois termes (mots) à l'écrit : Quatre-vingt-quinze
et seulement 2 chiffres : 95

b) Nous entendons 4, 20, 15 et aucun de ces nombres n'est vu dans 95.

C'est pourquoi dans une dictée de nombres vous pouvez fort bien trouver 4 20 15 ou 80 15.

Autre exemple :

On entend : trois cent cinquante six
on écrit : 3 5 6

Pourquoi ne dit-on pas alors : trois cent, cinq dix, six
ou bien : trois cinq six?

Écrire «ce que vous entendez quand vous écrivez des nombres en lettres» n'est pas facile pour ceux qui visualisent ou même pire, qui voient, sous leurs yeux, le nombre en question en chiffres. L'apprentissage du nom des nombres et leur transcription en lettres, même avec modèle à l'appui, n'est pas simple du tout.

Il est probable qu'une numération bien comprise (voir chapitre II) aidera à s'y retrouver.

Question 3 : Quelques concepts à acquérir par le biais des fractions

Bien sûr, d'abord et avant tout, les fractions font découvrir la division. Sauf que cette division s'applique à l'unité. Le concept d'unité peut aussi être renforcé à l'aide des fractions.

Il n'est pas difficile d'expliquer à l'aide d'exemples comment on en est venu à inventer les fractions : quand on a divisé des choses entre plusieurs personnes et qu'il ne reste plus qu'une unité à répartir en parts égales. La façon de faire ne sera pas la même suivant qu'il s'agit de pommes, de sacs de pommes (ou d'oranges!), d'argent, de liquide, de choses à mesurer (tissu), etc. Les mesures mènent tout droit au système décimal et aux nombres à virgule qui se représentent aussi bien en fractions sur 10, 100, 1000...

Question 4: L'effet de la multiplication par 10.

Multiplier un mm par 10 cela fait découvrir l'effet de la multiplication par 10, 100, 1000, et les noms des cm, dm, m. Et la même chose pour la division du m par 10, 100, 1000.

Question 5 : Quelle est la signification de 1cm = 1/20000?

Cela veut dire que chaque fois qu'on a 1cm sur le papier on doit le multiplier par 20000 pour avoir la grandeur sur le terrain.
1cm x 20000 = 20000cm = 200m.

C'est donc une autre façon de découvrir la multiplication et la division (on a divisé la vraie longueur par 20000).

L'utilité de la multiplication peut aussi se découvrir dans le calendrier, les salaires horaires, hebdomadaires, etc. Là, il faudra effectuer des calculs... Cependant, bien souvent il est plus important d'avoir d'abord une idée de l'ordre de grandeur du résultat. Cela ne peut se faire que si la numération et les tables sont bien connues. Mais pour avoir envie de l'apprendre il faut en voir l'utilité.

Enfin n'oublions pas que la multiplication se conçoit aussi à l'aide de carrelages et de surfaces à carreler.

Réponse au jeu

[Voir l'image pleine grandeur]Calcul avec des symboles à la place des chiffres

Quand on calcule cette opération, il suffit d'aller vérifier les résultats dans les tableaux . Voici le raisonnement que chacun peut se tenir.

[Voir l'image pleine grandeur]Solution décortiquée du problème précédent

Faisons le total :

[Voir l'image pleine grandeur]Autre façon de solutionner le problème précédent

Résultat :

[Voir l'image pleine grandeur]

C'était : 235 X 23 = 705 X 470 = 5405

Les chiffres sont :

[Voir l'image pleine grandeur]Liste des symboles avec leur équivalent en chiffres

mais il n'est pas nécessaire de pouvoir les nommer ni les comprendre. Il suffit de pouvoir les repérer dans les tableaux, de savoir quand utiliser l'un ou l'autre, de savoir quoi faire avec les retenues, de savoir où disposer les chiffres et de savoir où on commence et où on finit (connaître l'enchaînement des calculs, alias l'algorithme). Il n'y a qu'à...

Amusez-vous à calculer d'autres opérations pour mieux saisir les difficultés de leurs calculs.

En bref

  • Nous avons pris ici l'exemple de l'algorithme de la multiplication. Il en est de même pour les autres opérations.
  • Il est très important de décortiquer chaque objectif, qu'il soit notionnel ou fonctionnel, afin d'y découvrir les préalables nécessaires à leur maîtrise.
  • La connaissance de ces préalables permet avant tout de répondre immédiatement aux désirs des adultes d'être fonctionnels, sans qu'ils aient à «s'empêtrer» dans des apprentissages qui peuvent venir après.
  • De plus, cela permet souvent de répondre à plusieurs besoins en même temps; aussi disparates soient-ils.
  • Enfin, cela permet aussi de montrer clairement à l'apprenant ce qu'il doit maîtriser pour obtenir le résultat qu'il escompte. Excellente source de motivation.

Chapitre VII – Montrer à apprendre

Utiliser et faire découvrir des façons d'apprendre

Nous l'avons dit, les mathématiques sont enseignées aux enfants pour leur apprendre à développer toutes sortes de facultés relatives à la pensée scientifique.

Les mathématiques sont un art du raisonnement et de la structuration de la pensée pour comprendre et modéliser le monde dans lequel je vis.

Ainsi s'exprime Claudie Solar2 , mathématicienne et professeure à la faculté d'éducation de l'Université d'Ottawa. À son niveau de connaissance, elle a le désir et sa façon à elle de modéliser le monde dans lequel elle vit. Bien sûr. Mais nous devons retenir dans cette citation ce que les mathématiques font : elles structurent la pensée et, ce faisant, elles aident à comprendre le monde dans lequel on vit (le monde dit occidental?).

Savoir inférer, c'est-à-dire conclure ou déduire, savoir choisir, mesurer l'espace et le temps, faire des hypothèses et les vérifier, objectiver, classifier, être capable d'objectivité, telles sont les capacités que l'apprentissage des mathématiques sont sensées développer. À vrai dire, si l'on s'en réfère à l'histoire de l'invention du calcul et des chiffres, on peut aisément conclure que nos ancêtres, même s'ils y ont mis le temps, avaient sans doute développé des capacités de raisonnement pour arriver à faire de telles découvertes ou inventions... La vie se charge bien, avec les avatars qu'elle fait subir, de faire acquérir une forme ou une autre de raisonnement. C'est ce qui est aussi arrivé aux adultes, tout analphabètes qu'ils soient. Certes, une image négative de soi et des conditions de vie intolérables peuvent fausser totalement la capacité d'être objectif et de faire des déductions correctes. Mais cela vient aussi de la méconnaissance de certaines données des problèmes à résoudre. Données qu'on ne peut aller chercher puisque le raisonnement n'y a pas conduit, tout ficelé qu'il est par les émotions négatives. Un autre cercle vicieux. Celui de beaucoup d'exclus.

Pourtant, comme nos ancêtres, les adultes savent raisonner et apprendre. Le plus difficile est de les en convaincre! À leurs yeux, trop souvent, ce qu'ils savent n'est pas grand chose. Roger a développé des codes de couleurs pour se faire une routine de l'ordre des gestes à accomplir dans son travail à l'imprimerie. Peut-on dire de lui qu'il ne sait pas raisonner ni structurer sa pensée? Tout ce qu'il voulait apprendre, disait-il par ailleurs, c'était à lire le nom des rues. Donc, à lire et peut-être aussi à s'orienter. Probablement que des codes de couleurs l'aideraient dans cette démarche.

Après tout, apprendre à lire met en jeu tant de fonctions que les mathématiques à côté ne sont qu'un jeu d'enfants! Et en réalité, elles devraient être abordées comme un jeu. Hélas, ceux qui se sont créé du pouvoir (et s'en créent encore) parce qu'ils avaient appris les mathématiques ont détruit cet aspect ludique. Pour avoir du pouvoir, il faut faire croire que c'est compliqué, voire y ajouter un peu de superstition. Les humains sont si crédules.

Heureusement, quelques malins ont inventé des jeux de cartes, de domino, de dés, d'awalé, de marelle, d'échecs, histoire de faire des maths sans en avoir l'air. Sans doute parce qu'ils savaient, au moins intuitivement, que les mathématiques sont bien autre chose que de savoir calculer et que le fait de s'adonner à ces jeux aidait tout aussi bien à apprendre à réfléchir. On peut en dire autant de la logique et de la philosophie. Ne pas savoir compter ni écrire n'empêchent pas de savoir réfléchir.

De quelle façon apprend-on?

Notre propos n'est pas de détailler à fond cette question. De nombreuses personnes se sont penchées sur elle. Toutes sortes de découvertes ont été faites qui ont donné naissance à de nombreuses méthodes susceptibles d'améliorer les capacités d'apprentissage. Chacune a ses mérites.

En alphabétisation la simplicité est de mise. Les mots inconnus, les exercices «bizarres» ne sont pas forcément les bienvenus. Il faut soi-même être très au courant et très convaincu de la méthode que l'on veut utiliser pour réussir à la faire accepter de ses apprenants.

Voici, néanmoins, quelques propos susceptibles de vous aider sans avoir à vous adonner à une gymnastique mentale ou à faire de longs apprentissages. Quelques propos qui vous feront dire : «Je le savais, mais je n'y pensais plus». Vous allez ainsi expérimenter le plaisir de vous savoir plus savant que vous ne le pensiez! Exactement ce qu'il vous est suggéré de faire vivre à vos apprenants...

La médiation

Au premier abord ce mot est très agaçant. Commençons par le dictionnaire (Larousse de poche).

Médiation : n. f. Entremise.
Entremise : n. f. Action de s'entremettre.
Entremettre(s') : v. pr. Intervenir pour mettre en relation des personnes.

Conclusion, la médiation est une intervention pour mettre en relation des personnes? Oui, mais ce n'est pas assez car au mot médiateur nous lisons :

Médiateur, trice : n. qui s'entremettent pour amener un accord.

Et voilà, il semblait bien qu'il y a un conflit quelque part quand on parle de médiation. C'est pourquoi ce mot est agaçant quand on parle d'apprentissage. Où est-il le conflit? Entre l'enseignant et l'enseigné? Il est vrai que si ça en arrive là, il n'y a guère d'enseignement possible!

À vrai dire, il n'y a pas forcément de conflit. Un médiateur peut agir dans un marchandage par exemple. Reste à trouver entre quoi et quoi le formateur fait de la médiation. Nous vous faisons grâce de la signification psychologique de ce mot.

Un formateur est un médiateur entre la chose à apprendre et l'apprenant... Ainsi, tout le monde peut être le médiateur de quelqu'un. Comme parent ou grand-parent, chaque fois que l'on apprend quelque chose à un enfant. Comme voisine en expliquant comment vous faites pour avoir de si belles plantes chez vous. Comme «dépanneur» quand vous expliquez pourquoi la porte du congélateur à crème glacée ne doit pas rester ouverte trop longtemps : «comme la porte du réfrigérateur à la maison». Comme collègue de travail quand vous expliquez vos stratégies. Comme collègue d'étude quand...

Quelle différence cela fait-il avec l'enseignement et l'éducation? Il ne devrait pas y en avoir. Mais l'enseignement et l'éducation ont été monopolisés par l'école. Seules les sociétés traditionnelles ont pleinement gardé ce sens de la médiation (sans le savoir, comme Monsieur Jourdain et la prose...) Le mot éducation est de plus en plus vide de sens. Aussi, ceux qui se préoccupent des phénomènes d'apprentissage ont-ils choisi les mots médiation et médiateur pour rendre compte des actions qu'il y a à accomplir pour que la formation à donner (quelle qu'elle soit) se fasse bien.

Dans ce but, ces chercheurs ont observé les apprenants afin de détecter les sources d'un apprentissage satisfaisant. Comme «alphabétiseurs», nous avons depuis longtemps repéré ceci :

  • nos apprenants sont impulsifs,
  • ils ne prennent pas le temps d'observer,
  • ils plongent dans l'action avant même d'avoir compris...

N'est-ce pas?

Pourtant, les apprenants en question ne voient pas du tout ça ainsi!. Que se passe-t-il dans leur tête? Comment les aider?

Dans la tête des apprenants

Suzanne a expliqué que 10 pièces de 1 cent sont égales à un 10 cents, que 10 pièces de 1 dollar sont égales à 10 dollars. Preuve à l'appui. Tout le monde a dit «oui, oui». C'est bien sûr, ils le savent depuis longtemps! Et puis elle a écrit la chose au tableau, d'abord avec des cercles représentant les pièces de monnaie et un rectangle pour le billet. Puis elle a remplacé les cercles par leur valeur. Ce qui a donné 10 + 1C + 10... = 10C et 1$ + 1$ + 1$... = 10$. Et déjà les «oui, oui» «étaient moins nombreux. Et puis, au tableau toujours, elle a voulu ajouter un autre cent. Et elle a demandé : combien il y en a maintenant? Et personne n'a répondu...

Alors, elle s'est assise sur le bord du bureau, elle s'est penchée en avant et elle a dit : «J'ai 10 cents dans ma main. Julio me donne 1 cent. Combien j'en ai maintenant?» Une partie du groupe a répondu 11. L'autre n'a rien dit. Alors, toujours souriante et patiente, au moins extérieurement, elle a placé sur un pupitre 10 pièces de 1 cent que tout le monde a comptées en chœur, et, après un silence, elle a ajouté le onzième cent et tout le monde a dit : «11!». Et elle a pensé : «ouf!»

L'explication, issue de la lecture des travaux de Antoine de la Garanderie, est simple : «La condition nécessaire à tout apprentissage est l'ÉVOCATION.»

Évocation : n. f. Action d'évoquer
Évoquer : v. t Rappeler à la mémoire.

(...) dans notre analyse pédagogique, l'évocation est la forme d'image visuelle ou auditive, répétitive, transformatrice, élaboratrice... oui suit l'acte de percevoir. Nous avons tout lieu de penser que toute personne prend des habitudes d'évoquer qui caractérisent sa vie mentale et dont les conséquences pédagogiques sont indéniables, (p. 102) (les soulignés sont de l'auteur).
DE LA GARANDERIE, A.. Le dialogue pédagogique avec l'élève. Centurion, 1986

Ceux qui n'ont pas répondu 11 (onze) la première fois ne faisaient aucun lien dans leur tête entre les vraies pièces de monnaie et le petit cercle censé représenter chacune d'elles au tableau. Ils percevaient les dessins, mais cela n'évoquait rien dans leur tête. Le disque mémoire n'avait pas encore imprimé la relation pièce = petit-cercle-dessiné-au-tableau. Et il est probable que s'ils ont raconté le cours à l'un de leurs amis, ils se sont régalés de dire combien Suzanne est gentille et patiente, comment on la comprend bien quand elle parle, comment l'un ou l'autre des apprenants est fin ou pas, etc. Bref, rien sur les petits cercles ni sur les pièces de monnaie. Les premiers parce qu'ils n'ont pas été retenus, les secondes parce qu'on ne veut pas faire rire de soi ni du prof qui nous montre des trucs qu'on sait depuis longtemps!

Quant à ceux qui ont répondu 11, ils ont déjà compris le truc petit-cercle = pièce-de-monnaie pour l'avoir déjà expérimenté. Ce que Suzanne a fait a évoqué quelque chose dans leur mémoire. Une partie de ceux-ci pourront de nouveau évoquer ce qu'elle a fait en le revoyant ou en se le disant dans leur tête. L'autre partie n'en sera pas encore capable.

Les paramètres de l'évocation

D'après Antoine de la Garanderie, ces évocations peuvent s'exercer suivant quatre paramètres. Selon la situation évoquée et les apprentissages faits, l'un ou l'autre ou plusieurs de ces paramètres vont être utilisés dans une évocation.

4. paramètres de l'évocation

Paramètre 1 : Le quotidien
Ce qui est vécu concrètement Ex. : les pièces de monnaie, la voix du prof, ses gestes

Paramètre 2 : Les apprentissages simples

  • Des mots
  • Des chiffres
  • Des symboles
  • Du par cœur

Ex. : Dix et un font 11, un petit cercle = une pièce.

Paramètre 3 : Les apprentissages complexes

  • liens analogiques
  • logique
  • comparaisons
  • déduction
  • induction

Ex. : L'autre jour on a représenté des cure-dents par des traits. Une pièce c'est rond et le dessin aussi donc un rond = 1 pièce.

Paramètre 4 : L'imaginaire

  • invention
  • découverte
  • création

Ex. : Puisqu'un cercle représente une pièce de monnaie, que pourrait-il représenter d'autre? Une assiette? Dans ce cas, comment être sûr de bien représenter une pièce de monnaie?

[Voir l'image pleine grandeur]Les 4 paramètres de l'évocation illustrés

Les apprenants sont capables d'exercer l'évocation dans les quatre paramètres. S'ils ont vu un film qui leur a plu et dans lequel ils ont fait des apprentissages, ils pourront suivant les quatre paramètres, en faire des évocations en autant que cela a trait à des situations qui leur sont parlantes ou qu'ils peuvent revivre facilement dans leur tête.

Mais pour eux, en matière scolaire, les paramètres sont restreints... Le paramètre 1 est très lié aux sensations, aux perceptions concrètes. Nous l'avons déjà dit, quand les illettrés peuvent faire des opérations mentales c'est qu'ils ont en tête des objets concrets associés.

Ceux qui ont déjà été un peu scolarisés ont en plus des paramètres d'évocation de type 2, et même 3 pour les plus avancés.

Toutefois, en alphabétisation, de nombreuses personnes ont une image si négative d'elles-mêmes qu'elles ne prennent même pas la peine de réfléchir, ce dernier mot étant considéré par elle comme un mot qui ne les concerne pas.

Votre rôle

Eh bien, considérez que, comme médiateur vous devez faire en sorte qu'il n'y ait plus la guerre entre la matière à apprendre et les apprenants. Sortez vos casques bleus!

La façon d'y parvenir, ce qui démarque vraiment la médiation, est d'expliquer chaque geste posé, en quoi il est nécessaire ou utile dans l'apprentissage visé. Ce dernier aura été accepté au préalable par les apprenants. Au fur et à mesure qu'on avance, on vérifie que des liens se créent dans la tête de chacun. Ces liens font référencera des choses déjà vues ensemble; ou bien, ils sont sollicités par le formateur : «À quoi cela vous fait penser?»; ceci afin de vérifier que le lien est correct et afin d'habituer les apprenants à comprendre comment ils réfléchissent, à prendre conscience de leurs savoirs, à prendre l'habitude d'analyser les situations.

... Tout nouvel apprentissage est acquis par une restructuration des connaissances (ou des gestes) qui intègre les acquisitions passées. BUREAU, René. Apprentissage et culture, Ed. Karthala, 1988, p. 29.

Ce que l'on sait maintenant, c'est que la personne à qui on montre comment elle apprend, apprend mieux, plus vite, avec plus de satisfaction. Il est nécessaire d'expliquer la structuration et la restructuration des connaissances.

Revenons à l'exemple des pièces de monnaie dessinées au tableau. Avant de s'exécuter, Suzanne aurait dû vérifier auprès des adultes que les cercles dessinés leur représentaient quelque chose et leur expliquer l'importance de comprendre cette représentation, son utilité. Le temps mis à cela est du temps de gagné pour le futur et un acquis de plus dans le système des évocations de chacun. C'est une introduction à la représentation symbolique. Celle-ci a très fortement besoin d'être construite. Si la colombe peut représenter la paix et la croix rouge la Croix Rouge, un petit cercle dessiné au tableau n'est pas forcément une pièce de monnaie.

Il n'est pas besoin pour l'expliquer de faire référence aux symboles. Il suffit, par exemple, de dire : «Pour que tout le monde voit bien, je vais dessiner au tableau». On prend la pièce et on fait tourner la craie autour. «Voilà le premier dollar. Est-ce que tout le monde voit bien? Je vais le grossir un peu... Qu'est-ce que c'est ça? C'est un dollar. Il a la forme d'un cercle. C'est sa forme. Je l'ai fait plus gros pour que vous voyiez bien. Croyez-vous que c'est un dollar? C'est peut-être 10 cents? ou 25 cents? Ah! Comment on fait pour savoir?"

Il est important que les apprenants découvrent eux-mêmes des solutions à ce problème. Cela peut être une entente verbale entre vous : on décide que c'est un dollar. Ou bien, on utilise la craie jaune car le dollar est jaune. Si on prend le temps de regarder la pièce on y trouvera de quoi la différencier. Bien sûr, il est plus facile de dessiner un 1 qu'un canard! Mais... ce 1, il représente aussi 1 cent... Alors, nous allons devoir mettre le mot dollar à côté. Ou peut-être qu'on peut remplacer dollars par$...

Ce sont les apprenants qui doivent faire ces «découvertes». Certains le savent déjà, les autres découvrent plus ou moins vite. L'important est que tout le monde soit d'accord pour représenter un dollar par un petit cercle dans lequel est écrit 1$. Ce n'est qu'à une séance ultérieure qu'on envisagera de supprimer le cercle. C'est une transition visuelle d'un symbolisme à un autre qui est soutenue par des explications-découvertes verbales et kinesthésiques (contour de la pièce avec la craie).

Dans la foulée, on commence à saisir le sens du symbole; «ce qu'on peut mettre à la place pour représenter telle chose». Mais le mot symbole n'a pas à être prononcé. Cela viendra plus tard. Quand on en aura acquis une bonne collection. Par contre, ce qui doit être compris, c'est que pour vous tous, 1$ c'est la représentation écrite des mots «un dollar». Un pictogramme, quoi. Chut!

Ceux qui le savaient déjà apprendront quand même quelque chose de façon implicite : un symbole ça doit pouvoir s'expliquer, ça a une fonction pratique, c'est un élément de communication.

Il y a symbole et symbole

Des symboles nécessaires : + x / = $
Des symboles utiles : > <
Des symboles parlants : (ceux qu'on a compris)
es symboles obscurs : (ceux qu'on ne comprend pas)

Et aussi :
Des symboles nécessaires et parlants
Des symboles nécessaires et obscurs
Des symboles utiles et parlants
Des symboles utiles et obscurs...

Et enfin :
Des symboles locaux
Des symboles universels

Que celui qui a inventé les signes > et < se lève et nous dise si l'idée lui en est venue en regardant les croissants de la lune croissante. Que celui qui a inventé la droite numérique se lève et nous dise s'il l'a inventée en faisant les cents pas en attendant la dame de son cœur (et non de ses pensées). A-t-il marqué chaque pas et s'est-il amusé à sauter par-dessus? Et quand elle est arrivée, l'a-t-il seulement aperçue?

L'auteure de ces lignes n'a jamais eu à apprendre ces... choses avant que ses propres enfants n'aillent à l'école. Pourtant, ça ne l'avait pas empêchée de réussir des calculs de différentielles. Les choses en question sont des symboles utiles, mais pas forcément nécessaires. Surtout pour des adultes débutants pour qui l'idée même du symbole est inexistante. Ces signes > et < et cette droite numérique n'évoquent rien dans leur tête. La seule façon de créer un début d'évocation est de faire en sorte qu'ils les fabriquent eux-mêmes. Une découverte un peu dirigée disons... Cela se passe simplement. Le formateur se pose des questions à haute voix : «Comment on pourrait représenter un dollar au tableau? Vous avez des idées»? Ou bien «Comment on pourrait écrire que 8 est plus grand que 7?»

Mais pour cela, il faut que le vocabulaire pour le dire existe... C'est un préalable puisque les symboles sont des signes de communication.

La communication... parlons-en!

Tout le monde connaît le schéma de la communication, bien sûr : un émetteur, un récepteur, un média, des bruits perturbateurs, un message qui se promène, un code, des codes, des milliards de codes... le vôtre et ceux des autres.

Alphabétiser, c'est faire en sorte d'accroître le système d'encodage de façon à ce que les personnes illettrées participent le plus pleinement possible au système de communication dont elles sont les acteurs, soit comme émetteur, soit comme récepteur. C'est faire en sorte que si on dit «plus» cela évoque chez elles le sens d'augmentation, ajout, croissance, le symbole +, des situations ou des images d'accumulation. Et, à l'inverse, que si on montre des images d'accumulation, que l'on parle d'augmentation, que l'on dessine le symbole +, elles pensent le mot «plus». Et, pour que cela se fasse vite et bien, il est nécessaire de leur expliquer chaque élément du code dans sa forme verbale et, ou bien, symbolique.

À la plupart d'entre nous, on a dit : «Ça c'est +, ça c'est une droite, une soustraction doit se faire comme ça, et un problème de règle de trois ne doit se résoudre qu'avec une règle de trois». Des théorèmes et des lois ne nous ont été expliqués qu'au secondaire. Il y a de quoi être dégoûté des mathématiques. Les enfants d'aujourd'hui qui ont la chance d'avoir des méthodes qui suscitent leur réflexion et leurs remarques, leur font faire des «découvertes», leur font explorer différentes façons de résoudre des problèmes et de faire des opérations, ces enfants ont du plaisir à faire des mathématiques. Ils sentent probablement que leur potentiel intellectuel n'est pas sous-développé. Ils peuvent communiquer leurs découvertes. Et comme en plus on leur laisse poser des questions sans leur faire croire que seuls les enfants stupides en posent, ces mathématiques leur sont vraiment utiles. Ce n'est pas encore le lot de tous les enfants, malheureusement. Les vieilles méthodes ont la vie dure. Plusieurs enseignants doivent vraiment réapprendre les mathématiques autrement pour se défaire de leurs vieilles habitudes.

Devez-vous réapprendre l'arithmétique?

Si ce n'est déjà fait, vous devez plutôt découvrir les mathématiques, telles qu'elles sont : des jeux de l'esprit humain et non des formules cabalistiques. Trop souvent, on nous a montré à appliquer des recettes sans nous donner d'explications. C'est aussi ce qui est arrivé à beaucoup de vos apprenants.

Il s'agit donc de redécouvrir les explications et, pourquoi pas, au moins pour vos débuts, de les redécouvrir avec les adultes de vos groupes. Certes, vous y aurez réfléchi avant, et le présent document est là pour vous y aider, mais ne résistez pas au plaisir d'accepter que vos élèves vous en apprendront aussi... Votre rôle de médiateur s'en trouvera renforcé. Et, quand vous aurez tous compris les explications qui ont amené aux recettes (les applications) celles-ci se feront sans peine. La table de multiplication est un excellent exemple. Dans la troisième partie de ce guide, vous trouverez divers documents commentés (matériel didactique). Vous y découvrirez sûrement ceux qui vous conviendraient pour voir enfin l'aspect ludique des maths. Encore faut-il que vous en ayez envie. Rien de tel qu'un projet pour y arriver.

Le projet

La notion de projet, en gestion mentale est un peu ambiguë. On risque facilement de la confondre avec celle d'objectif. Le projet c'est : «Comment je vais m'y prendre pour comprendre ça? (atteindre cet objectif)». Le projet est fait de stratégies mentales que l'on décide de mettre en place pour atteindre l'objectif. On peut dire qu'elles sont la plupart du temps inconscientes chez les analphabètes. C'est pourquoi ils se précipitent dans l'action ou restent coincés devant elle.

Quand ils restent coincés c'est qu'il y a des obstacles : ce sont des pensées du genre : «Je n'y arriverai jamais, ça ne m'intéresse pas» ou des façons de faire : «Je lis trop vite», «Quand j'écris j'oublie des mots». Quand ils se précipitent dans l'action c'est qu'ils veulent appliquer une recette toute faite (une évocation) qu'ils croient correspondre au but à atteindre.

Nous retrouvons là tous les éléments du processus d'apprentissage fonctionnel tel que proposé par Jean Patry3. À savoir que pour apprendre il faut tenir compte de ses émotions face à l'objectif à atteindre. Ensuite, il faut savoir qu'une période d'observation est nécessaire. Dans cette période on doit faire appel à diverses évocations. Puis, vient la phase de compréhension au cours de laquelle les éléments de l'objet d'apprentissage se mettent en place comme les morceaux d'un puzzle. Finalement, on peut passer à l'action en utilisant ce que l'on vient de comprendre et ce que l'on savait déjà.

Cela ne s'apprend pas en une heure! Et si l'alphabétisation ne servait qu'à montrer cela, ce serait déjà beaucoup. Or, les mathématiques sont un excellent outil pour apprendre à apprendre. À condition de s'en servir comme il faut (comme pour n'importe quel outil).

Pour que le projet d'apprendre soit fonctionnel, l'apprenant doit faire preuve d'attention, doit mémoriser et doit réfléchir. Cela l'amène à comprendre.

L'attention

L'attention est en rapport direct avec le désir (le projet) de pouvoir évoquer plus tard : j'écoute le formateur, je regarde le tableau, Je participe à la discussion, je lis le texte avec le projet de pouvoir y repenser, l'entendre à nouveau ou le revoir dans ma tête à un autre moment.

Le simple fait d'être conscient de cela, de le désirer, d'avoir ce projet-là, aide à être attentif. Afin d'aider les apprenants dans cette démarche, il convient de faire des retours avec eux sur ce qui vient d'être dit, lu, fait. Ce sont des temps d'évocation. Et ils doivent savoir pourquoi on le fait, au point d'en arriver à les réclamer d'eux-mêmes. «On reprend ce que nous avons dit (ou lu ou fait) pour que ça reste dans votre tête, pour vous en souvenir une autre fois». Et, quand l'autre fois se présente : «Qu'est-ce que nous avons dit (ou lu, ou fait) l'autre jour? Vous en souvenez-vous?»

On ne peut pas se forcer à être attentif dit Antoine de la Garanderie. «Soyez attentifs!» est une vaine exhortation. On écoute, on lit, on regarde tout en sachant que cela servira une autre fois et en le désirant (c'est un projet) et tout en essayant de faire des liens, d'évoquer ce que l'on a déjà dans la tête. C'est la période d'exploration, d'observation.

L'attention est la mère de la mémoire

Dans le cas de la mémorisation, on a le projet d'engranger des choses qui seront utiles pour en comprendre d'autres plus tard. Pour réussir à mémoriser, il faut être d'accord avec l'idée d'avoir à le faire. Pour cela, il faut comprendre à quoi va servir ce que l'on mémorise. Cela fait partie du projet de comprendre mieux et plus vite plus tard. Cela renforce le paramètre 2 de l'évocation : les apprentissages simples (chiffres, symboles, par cœur). Cela sert pour l'exploration et la réflexion.

La réflexion

Pour réfléchir, il faut être actif mentalement. Les émotions négatives bloquent la réflexion. Les adultes analphabètes ont souvent besoin d'être apprivoisés à l'idée qu'ils savent et peuvent réfléchir.

[...] «Être attentif, c'est avoir le projet de se donner en images mentales ce qu'on est en train de percevoir. Réfléchir, c'est avoir le projet d'appliquer à un problème posé des lois, des règles qu'on a à évoquer dans sa conscience par le moyen des images visuelles ou auditives. Mémoriser, c'est avoir le projet d'utiliser dans un avenir qu'on esquisse grâce à des images visuelles ou auditives ce qu'on veut acquérir... Imaginer, c'est avoir je. projet soit de modifier, soit de transformer, soit de supposer des réalités qui ne se laissent pas actuellement percevoir, soit d'inventer des objets par des constructions inédites, toujours à l'aide d'images visuelles ou auditives. Il est bien entendu que quand nous disons : c'est avoir le projet de... nous mettons l'accent sur la forme que doit revêtir le geste mental pour atteindre son but, mais nous n'arrêtons pas le geste mental à son projet : nous indiquons le projet pour que l'acte suive.
Être attentif, réfléchir, c'est accomplir le projet.
Normalement, ces définitions devraient être communiquées à tous les élèves et ceux-ci devraient être mis en situation de les appliquer.» [...] (p. 109-110).
DE LA GARANDERIE, Antoine. : Le dialogue pédagogique avec l'élève, Centurion, 1984.

Quand on a pris le temps d'être attentif, (c'est-à-dire d'avoir lu, regardé, participé, tout en essayant de créer des images mentales et d'évoquer dans sa tête celles qui sont en rapport avec l'objet d'étude), il se fait une réflexion, il se crée des liens et, l'imagination aidant, on en arrive à comprendre : comprendre la question posée, ou la loi à utiliser ou l'exercice à faire. (Voir la deuxième partie de ce document pour d'autres façons de les y aider).

Quand on réfléchit, on compare, on observe, on suppute (évaluer indirectement une quantité par le calcul de certaines données : supputer une dépense. Exemple : étant donné que nous avons 95$ à partager et que nous sommes 8, chacun d'entre nous devrait avoir environ... euh...) bref, on évoque encore mais on met les objets évoqués en relation. Cela se fait souvent inconsciemment.

Les adultes, à qui on aura fait apprivoiser l'évocation à propos de l'attention et de la mémorisation, seront amenés à faire leurs réflexions de la même façon. Cela peut se faire à voix haute pour commencer. Le formateur lui-même en fait autant (médiation).

Imaginons une situation. Il s'agit de fractions. Les apprenants ont compris et mémorisé le sens des mots numérateur et dénominateur et que 5 blocs rouges parmi 12 blocs, cela s'écrit 5/12 et se dit cinq douzièmes. Il s'agit maintenant de découvrir ce que font 5/12 + 4/12.

Le formateur : «5/12 ça signifie quoi? Vous souvenez-vous? Moi je vois dans ma tête qu'il y a 12 blocs et que 5 sont rouges. Qui voit ça?Vous, qu'est-ce que vous voyez? Vous qu'est-ce que vous vous dites? Qui veut qu'on ressorte les blocs? Si on fait un dessin au tableau, est-ce que ce sera suffisant? On essaye le dessin... Qui veut dessiner les 12 blocs?... Voilà, c'est plus facile de les avoir au tableau que dans la tête? Vous allez voir, c'est une question d'habitude. Bien, on continue. Voilà nos 12 blocs. Il y a deux façons de les compter. Vous en souvenez-vous? La première de toute, on dit 1, 2, 3... 11,12 blocs. Mais, si on sait déjà qu'il y en a 12, chaque bloc s'appelle 1/12. S'il y a 13 blocs (il dessine un treizième bloc), je me demande bien comment s'appelle chaque bloc maintenant?»

Cet exercice a été fait dans une leçon précédente. Il s'agit de la faire évoquer. Les uns se souviendront mieux des manipulations; les autres des représentations au tableau; d'autres, des paroles dites alors. Il faut laisser le temps aux évocations de se mettre en place. On peut les soutenir en rappelant un moment tout particulier, riche en émotions ou drôle. Le concept que l'on a ici n'est pas évident car il se heurte au vocabulaire utilisé. Encore une fois! Sans compter qu'après tout, un bloc c'est un bloc. Pourquoi change-t-il de nom comme ça? Quand une fraction représente une partie d'un gâteau ou d'une tasse ou d'un mètre, ça va encore. Mais une partie d'un ensemble d'éléments c'est difficile pour certains. Pour soutenir l'évocation et faire accepter que le nom de chaque bloc est différent suivant qu'il fait partie d'un ensemble de 5, de 6, de... de 12 ou de 13, on peut «coller» les blocs les uns aux autres ce qui, dans chaque cas, déterminera une figure différente. Voici les figures cinquième, sixième... douzième que l'on délimite par un trait au crayon ou à la craie. Ceci induit la notion d'ensemble sans qu'on en parle vraiment. (A moins que cela n'ait été vu au préalable...?)

Bref, il s'agit de tout mettre en œuvre pour que les apprenants aient dans leur mémoire le plus de choses possibles à évoquer pour soutenir leur réflexion. C'est pourquoi, en cours de route, il faut prendre le temps de vérifier que grâce à leur attention ils ont bien «engrangé» et ils ont bien le désir de le faire, sachant que cela sera aussi utile plus tard pour comprendre de nouvelles choses.

Laissons ici le formateur à ses explications. Il ne faudrait pas penser qu'il perd son temps. Ce qu'il fait là lui évitera sans doute de se faire dire trois mois après : «Mais, c'est quoi une fraction?»! De plus, il entraîne ses apprenants à réfléchir consciemment avant de sauter aux conclusions.

Pour conclure ce chapitre

Redisons-le, il existe toutes sortes d'approches pour aider des apprenants à mieux gérer leur façon d'apprendre, leur potentiel intellectuel et autres.

Chaque approche est intéressante, donne des résultats, mais nécessite un apprentissage qu'on n'a pas toujours envie ou le temps de faire. De plus, les formateurs savent bien que leurs apprenants se méfient de tout ce qui ressemble, de près ou de loin, à de la psychologie. Ils sont là pour apprendre à lire, à écrire, et à compter. Que cela se fasse en relation avec des outils de la vie de tous les jours, bravo. Mais, s'il-vous-plaît, ne nous faites pas perdre notre temps et ne nous laissez pas croire que nous sommes si démunis que ça.

Par ailleurs, les adultes aiment apprendre à se connaître mieux. Les textes sur la connaissance de soi sont toujours les bienvenus. Découvrir que ce qui se passe dans le cerveau est propre à chaque individu, découvrir ce qui se passe dans le sien et apprendre à réfléchir en conséquence, voilà du positif. Si, par dessus le marché, cela se fait au cours de la classe de mathématique... voilà qui va donner à cette matière un piquant insoupçonné! Sans oublier, nous le verrons dans la deuxième partie, que tout cela est soutenu par de la résolution de problèmes.

Ces outils de base de la gestion mentale, inspirés par les réflexions et recherches d'Antoine de la Garanderie, sont faciles à comprendre et à utiliser par les formateurs. Il n'est pas du tout nécessaire de se demander si untel est auditif, visuel ou demi-demi! Comme formateur, on sait bien qu'il faut utiliser tous les moyens pour faire passer la matière. Tout ce qui est suggéré ici, dans le fond, c'est de prendre le temps de s'y arrêter avec les adultes afin qu'ils deviennent actifs (les acteurs de) dans leurs apprentissages; afin qu'ils ne se prennent plus pour des cruches que le formateur va remplir; afin que leur action les stimule à faire de nouvelles découvertes sur eux-mêmes et sur leur environnement. Il leur serait certes utile de découvrir s'ils sont auditifs, verbaux, visuels, kinesthésiques ou plus ou moins ça et ça. Ce n'est pas le propos de ce document. Cependant, il y a fort à parier que, dans votre groupe, s'il n'est pas trop grand, vous arriverez a le déterminer avec eux. Surtout si vous vous donnez la peine de lire quelques ouvrages sur cette question. Ceci n'est pas compliqué.

Il n'est pas aisé d'être formatrice et formateur en alphabétisation. Tout ce qui se fait pour les enfants de même niveau scolaire ne convient pas et les applications proposées pour les adolescents ou les étudiants ne conviennent pas non plus. Il faut continuellement adapter ce qui existe. J'espère que la présente adaptation est à la fois simple à comprendre, simple à s'approprier, simple à utiliser et vous donnera le goût d'en apprendre davantage sur cette question.

Questions pour le lecteur

  1. Qu'est-ce qu'une table de multiplication?
  2. Qu'est-ce qu'une multiplication?
  3. À quoi sert une multiplication?
  4. Comment est fabriquée une table de multiplication?
  5. Si je suis capable d'en fabriquer une, est-ce nécessaire que je l'apprenne par cœur? ou simplement utile?
  6. Si c'est utile de l'apprendre par cœur, en quoi cela l'est-il?
  7. Est-ce que des évocations peuvent créer des interférences au sens négatif du terme? Que votre réponse soit oui ou non, pouvez-vous l'expliquer un peu?
  8. Voici un mot. Ne le cherchez pas dans le dictionnaire. Regardez-le, écoutez-le et jouez le jeu des évocations avec lui. Que vous «dit»-il? Palimpseste - (Si vous le connaissez déjà, demandez à quelqu'un de vous en choisir un autre)

Éléments de réponse

Question 1 : Qu'est-ce qu'une table?

Le sens premier de ce mot n'a aucun rapport à première vue avec les multiplications. Cela peut causer des interférences dans la compréhension (l'évocation) de l'ensemble «table de multiplication». L'évocation ne se fera pas. Comment mettre des pattes à cette sorte de table? Afin que l'adulte s'approprie le sens du mot, il faut le faire réfléchir là-dessus. C'est le moment de sortir le dictionnaire, voire une encyclopédie. Les anciens Romains faisaient leurs calculs sur des tables réservées à cet effet en faisant coulisser des jetons dans des rainures. Puis ils inventèrent des «tables de poche» en les faisant plus petites et sans pattes!

Même si le mot ne vient pas vraiment de là, il est séduisant de le croire et cela crée un objet facile à évoquer. Depuis, nous avons inventé le papier, mais nous avons gardé le mot table! On peut aussi parler des Tables de la Loi de Moïse si le contexte s'y prête. Ces «découvertes» se font à l'aide de remue-méninges (brainstorming).

Tout peut être imaginé sur la question. L'important est que finalement et désormais le mot table fasse une image adéquate dans la tête des apprenants qui, en l'évoquant, évoqueront aussi ce moment amusant et (ou) intéressant qui a permis de démystifier le sens du mot «table» dans table de multiplication. Et cette intrusion dans le cours de français pourra se prolonger avec les mots de la même famille...

Questions 2 et 3 : Qu'est-ce qu'une multiplication?

Pourquoi apprendre une table de multiplication si on ne sait pas ce qu'est une multiplication ni à quoi elle sert?

Question 4 : Comment est-ce fabriqué une table de multiplication?

Là encore, il s'agit de le faire découvrir. L'observation des tables de 2 et 3, par exemple, en les comparant devrait faire aboutir à quelques découvertes utiles. En ajoutant la table des 4, puis des 5, on devrait parvenir à une généralisation, à créer une «loi» qui dirait à peu près ceci : «Pour dire une table de n, il suffit de compter de n en n» mais dans un langage accessible! Alors, on pourrait dire : «Pour la table de 2, on compte de 2 en 2, pour la table de 3, on compte de 3 en 3, etc. et pour la table de 1 million, on peut compter de million en million!»

L'observation de ces tables peut se faire à l'aide des tables «usuelles» ou à l'aide de celle de Pythagore. Les deux représentations sont importantes. L'une ou l'autre sera plus aisément évoquée suivant chaque individu. Il est important d'en arriver à être capable de recréer chaque table en comptant de n en n. L'usage des doigts est tout à fait permis! Si on préfère des cure-dents, des sous ou des bâtonnets, pourquoi pas? Et pourquoi pas un boulier? Ou des petits traits sur une feuille de papier?

Ainsi, patiemment, on peut en arriver à faire ses propres tables. Celles-ci, devenues familières, démystifiées, auront l'air moins repoussantes! Leur évocation sera beaucoup plus agréable. Surtout si tout ce travail s'est fait dans la bonne humeur.

Questions 5 et 6 : Apprendre ses tables par cœur, est-ce bien nécessaire et (ou) utile?

L'utilité du par cœur est qu'il permet de penser plus vite. Si on doit «refabriquer» des tables à chaque problème, on risque de se perdre dans son raisonnement. Mais, cela aussi devrait être découvert par les apprenants. Il est important qu'ils aient le choix. Et s'ils préfèrent pouvoir utiliser leurs tables sous une forme ou sous une autre, libre à eux. L'important est qu'ils sachent s'en servir comme il faut et au bon moment. Ce n'est que lorsqu'ils en auront le projet, le désir, l'intention qu'ils seront prêts à les mémoriser. Et si ce qui a été dit précédemment a été exécuté, cette mémorisation se produira très facilement. En tous cas, le fait de pouvoir recréer ses tables aide à l'acquisition du «contenu» des nombres. Dans une entrevue de Diane Guérette et Lucie Saint-Germain, réalisée par Micheline Séguin et parue dans Le Monde Alphabétique4, écoutons parler Diane Guérette :

Le matériel et les outils pédagogiques sont rares, et ce qui existe est généralement trop scolarisant "Il nous a donc fallu en inventer", raconte Diane. Nous avons utilisé des contenants de douzaines d'œufs, des bobines de fil, des cartons de boutons pour enseigner la multiplication. Les participantes et participants ont appris la table de multiplications en l'expérimentant directement eux-mêmes. De cette manière, ils la retiennent plus facilement. Ils ne l'apprennent pas par cœur - deux fois deux quatre, quatre fois deux huit, etc.. - mais en la recréant avec des objets connus et en la transférant ensuite au tableau, sur une table dont les cases sont au départ vides. Nous produisons ainsi notre propre matériel pédagogique en fonction des besoins.

Cette façon de procéder est riche en évocations de toutes sortes. L'élaboration de la table à l'aide d'objets usuels concrétise la multiplication et la démystifie.

Quand on a exploré et compris les tables de multiplications, il reste à les utiliser. On finira par les savoir.

Question 7 : Les évocations peuvent-elles créer des interférences?

Oui, bien sûr. Quand le mot croissant n'évoque que «pâtisserie feuilletée en forme de demi-cercle» ou «forme échancrée de la lune» et non «qui croît» (ô que l'accent circonflexe est ici important!), on peut dire que l'évocation crée une interférence. Par contre, nous avons vu aussi tout le parti qu'on peut en tirer.

Qu'est-ce que le mot «mathématique» évoque dans la tête de bien des gens? Si ce n'était que des souvenirs désagréables, ce ne serait pas trop grave. Mais qui a des images dans sa tête pour l'aider à se souvenir pourquoi 300 s'écrit ainsi, pourquoi n vaut 3,1416, pourquoi et comment on emprunte dans une soustraction, pourquoi, pour diviser une fraction par une autre, il suffit de la multiplier par cette autre renversée? Et combien pour s'être fait des images mentales non adaptées ont été empêchés de faire des progrès en math?

Il vous suffit d'observer les erreurs de vos apprenants et de vous poser des questions de ce type : comment a-t-il compris pour faire cette erreur?... La meilleure façon de le savoir, c'est de le demander. Ce n'est certes pas de faire recommencer l'opération, ou de la faire à sa place en disant : «regardez, c'est facile!» . Toute erreur a un fondement. Soit qu'il n'y ait pas d'évocation directe, soit que l'évocation soit erronée.

Si l'évocation est erronée, c'est que la perception que la personne a eue de la matière enseignée n'était pas claire, ou pas complète, ou ne faisait pas d'images dans sa tête, ou se heurtait à des images préexistantes (des croissants).

S'il n'y a pas d'évocation directement en rapport avec ce qu'il fallait faire, il y en a forcément une à quelque chose. Dans la situation où il se sent obligé d'écrire ou de répondre quelque chose qu'il ignore, l'apprenant a fait appel (le plus souvent inconsciemment) à d'autres évocations qui malheureusement n'avaient rien à voir avec la situation.

Le rôle du médiateur est de meubler les cerveaux des apprenants d'images mentales auditives ou visuelles en rapport avec la matière enseignée. Mais pour cela, il doit aussi tenir compte des images préexistantes et de l'ambiguïté des mots, des images, des photos, des dessins, des symboles. Il doit toujours se souvenir que ce qui est évident pour lui ne l'est pas forcément pour l'autre. Pire même, leurs évidences sont peut-être totalement divergentes. Aïe.

Question 8 : Que vous dit le mot Palimpeste?

L'auditif va d'abord «entendre» ou se dire les mots pale et inceste. Mais le visuel en lui va se heurter aux lettres du milieu imps gui n'ont aucun rapport avec ce qui est «entendu», c'est-à-dire évoqué par les sons. À l'écrit on voit aussi pali, mais les lettres suivantes sont déroutantes.

Celui qui a déjà vu ou entendu ce mot peut évoquer le lieu, le moment, mais pas forcément le sens. Cela dépend des individus.

Dans le cas présent, si les mots pal et pali peuvent être utiles, le mot inceste pourrait créer une interférence à la compréhension du mot. À moins de penser que l'inceste peut causer une certaine annihilation de la personne qui le subit. En effet, un palimpseste est un «manuscrit sur parchemin dont on a effacé l'écriture pour y écrire de nouveau.» (Larousse). Par conséquent, on a annihilé un écrit en pâlissant un précédent manuscrit. C'est du recyclage! Mais dans le fond, c'est ce que nous faisons tous les jours au tableau!

Mais le tableau n'est pas un parchemin. C'est vrai. C'était juste pour vous créer quelques évocations... Au fait, palimpseste et parchemin commencent par la même lettre. Se donner des moyens mnémotechniques c'est enrichir notre banque de choses évocables. Encore faut-il avoir le «projet» de le retenir.

Mais, encore, avez-vous utilisé votre cerveau droit (global) ou gauche (analytique) pour mieux percevoir ce mot? Lequel en premier?

En bref

  • L'apprentissage des mathématiques est une aide à la structuration de la pensée.
  • La pensée se développe à partir de ce qui est perçu. L'apprentissage se fait à condition que la perception s'appuie sur de précédentes évocations et en provoque de nouvelles.
  • Les évocations se font suivant quatre paramètres. C'est le rôle du médiateur de meubler ces paramètres.
  • Le rôle des apprenants est de se donner le projet de poser les gestes nécessaires à l'apprentissage : écouter, comparer, chercher, observer, etc. Donner un sens à ces mots c'est décrire ce que l'on entend par être attentif : vouloir meubler les paramètres de l'évocation.
  • On apprend par cœur facilement quand on sait pourquoi il est utile de le faire. Ce n'est pas toujours nécessaire.
  • Une réponse erronée est souvent la conséquence d'un système d'évocation sans rapport avec la question posée (interférences).

Récapitulation de la partie 1

Les adultes analphabètes ont une certaine connaissance du calcul. Comme nos ancêtres, ils ont fait des découvertes soit par nécessité soit par apprentissage formel.

L'enseignement des mathématiques ne saurait se contenter de celui du calcul arithmétique. Même en formation de base. Surtout en formation de base. La logique, l'organisation (mesure) spatiale et temporelle sont à creuser.

À chaque concept correspondent un ou plusieurs mots. Chaque apprenant a en mémoire une banque de mots dans laquelle il faut puiser. De cette façon, par analogie, on peut arriver à faire saisir un concept et à faire acquérir le mot exact qui le nomme (par ex. : addition vs et, avec, encore, et puis).

Le champ des maths étant vaste, on peut arriver à satisfaire les intérêts divers des apprenants. On peut même faire des maths sans en avoir l'air!

Montrer les mathématiques consiste à les faire découvrir. Les recettes toutes faites annihilent la capacité de réfléchir. Est-ce qu'une calculatrice réfléchit? Devons-nous transformer nos apprenants en calculatrices?

La réflexion s'appuie sur ce qui est déjà stocké en mémoire sous forme d'images auditives ou visuelles. Ce sont les évocations. Ces évocations peuvent être utiles ou «nuisibles».

Même les «nuisibles» peuvent être récupérées : savoir pourquoi on a pensé «faux» aide à penser «juste». Ce qui est faux et ce qui est juste dépend du système dans lequel on se trouve.

Les apprenants ont besoin d'acquérir confiance en leur capacité de réflexion. Les mathématiques sont un excellent outil pour cela. En autant que l'on prend la peine de faire aussi découvrir comment on s'y prend pour réfléchir. En autant que l'on accroît la banque de mots, de symboles et de paramètres de celui qui apprend. C'est le rôle du médiateur.

Afin de concilier tout ce qui précède, il est conseillé d'utiliser la politique des petits pas dans une stratégie de résolution de problèmes. Qui va doucement va sûrement, qui va sûrement va loin. Chi va piano va sano, chi va sano va lontano.

Les interférences

Elles peuvent provenir

  • de stratégies de calcul déjà acquises;
  • de stratégies acquises dans des savoir-faire qui ont développé des habitudes mais pas de généralisation;
  • du sens des mots ignoré ou mal interprété;
  • du désintérêt face à l'objet d'apprentissage;
  • du manque d'information à propos des objectifs intermédiaires;
  • des évocations inexistantes ou sans rapport avec l'objet d'étude.

Partie II – Réfléchir et raisonner

La vérité ne peut être versée d'un esprit dans l'autre; pour celui qui ne l'a pas conquise en partant des apparences, elle n'est rien.
ALAIN, Propos sur l'éducation

Chapitre VIII – Problèmes et perception

Des problèmes pour percevoir correctement

Une affaire de cerveaux

Pour qu'il y ait évocation il faut qu'il y ait eu perception. La façon de percevoir dépend de la partie du cerveau utilisée pour le faire...

En bref, disons que nous avons trois cerveaux superposés :

  • Au rez-de-chaussée, le cerveau reptilien :
    il contrôle tout ce qui se rapporte aux besoins fondamentaux (avoir faim, avoir froid), aux gestes automatiques (respiration, rythme cardiaque), à la survie (ciel! une souris!). Il s'exprime donc par les comportements routiniers et instinctifs.
  • Au premier étage, le cerveau limbique :
    il est le centre physiologique de notre vie émotionnelle. Il détecte et sélectionne nos perceptions, déterminant si cela est sympathique ou antipathique (beurk, des maths!), plaisant ou ennuyeux (encore des maths?), «sécure» ou «insécure» (ciel, encore la souris!).
    Cette partie du cerveau filtre les informations reçues à travers les émotions. Si bien qu'il peut en arriver à bloquer le système de l'étage supérieur.
  • Au deuxième étage, le cerveau supérieur (néocortex) :
    il est le centre physiologique de notre vie rationnelle. L'essentiel de ses informations lui vient par les cinq sens. Il peut décider, de façon consciente, comment réagir aux stimulations de nature différente qui lui parviennent.

De plus, ce dernier cerveau est partagé en deux hémisphères dont chacun joue un rôle spécifique dans le traitement de l'information, donc de sa perception.

L'hémisphère gauche est analytique. Il «regarde» l'information par éléments séparés, suivant un ordre linéaire et une organisation temporelle : premièrement il y a ça, ensuite il voit ça, après il y a encore cela. Il comprend les langages symboliques. Le centre de la parole s'y trouve. Il fait encore bien d'autres choses mais cela n'est pas directement utile à notre propos.

L'hémisphère droit est synthétique. Il «regarde» d'abord la forme, l'ensemble, la structure. Son organisation est spatiale. Il reconnaît les symboles ou les mots grâce à leur forme ou à leur intonation.

Nos trois cerveaux sont interconnectés. Ils agissent simultanément. Si bien que si nos yeux voient une souris, suivant le traitement apporté par le cerveau limbique, nous grimperons sur une chaise (cerveau reptilien) ou nous nous exclamerons : «Qu'elle est mignonne!» (cerveau droit) «Regarde ses petites oreilles rondes, ses moustaches fébriles, ses yeux brillants!» (cerveau gauche).

Mode global ou mode analytique?

Chaque individu a sa façon d'utiliser son cerveau. Les uns utilisent de préférence l'hémisphère droit (global, instantané), les autres le gauche (analytique, linéaire). Mais chacun a la capacité de passer d'un hémisphère à l'autre suivant les situations.

Étant donné qu'on a développé inconsciemment la préférence d'un mode, il paraît nécessaire de faire appel aux deux modes pour trois raisons :

  1. Faire en sorte que chacun y trouve son compte;
  2. Faire en sorte que chacun apprenne à mieux utiliser l'hémisphère dont il se sert le moins;
  3. Faire en sorte que ceux qui utilisent indifféremment l'un ou l'autre continuent à le faire.

C'est pourquoi, quelle que soit la méthode d'enseignement utilisée, si l'on veut; que les perceptions soient le mieux faites possible, il est important que le global et l'analytique soient utilisés. De plus, cela doit être fait «de façon très rapprochée dans le temps» :

... pour assurer un apprentissage conceptuel, la méthode d'enseignement choisie doit nécessairement impliquer, chez l'apprenant, les deux modes de traitement de l'information dont il dispose (le mode analytique, linéaire et le mode global, instantané) en même temps, par un processus quasi «d'alternance simultanée», c'est-à-dire où les deux phases se succèdent de façon très rapprochée dans le temps, p. 107.
BARTH, Britt-Mari. L'apprentissage de l'abstraction, Ed. RETZ, 1990. (Le souligné est de l'auteure).

Et un peu plus loin, à ce propos, Madame Barth ajoute :

L'acte pédagogique serait cependant facilité et souvent plus approprié à travers une situation de découverte ou de résolution de problème. Dans une telle situation d'apprentissage on peut également faire intervenir le troisième «mode» pour se représenter les connaissances : le mode «enactif» sensori – moteur.
[...] On fait la chose, on voit la chose, on dit la chose, p. 109.

Le rôle du médiateur consiste alors à faire comprendre que dans telle situation on se doit de regarder les détails (analyse) et dans telle autre de regarder l'ensemble (synthèse). Et si le cours est un cours magistral, il faut aussi prendre soin de passer d'un mode à l'autre.

L'avantage de la résolution de problème est qu'elle aide davantage à créer des évocations. Or, nous l'avons vu, ce sont ces évocations qui servent de tremplin, ou de repères, ou de poteaux de soutien pour les apprentissages subséquents.

Dans les chapitres suivants, nous verrons comment utiliser une approche «résolution de problème». Mais... qu'est-ce qu'un problème?

Vous êtes invité à réfléchir à cette question avant d'aller plus loin. Qu'est-ce qu'un problème pour vous? Quel(s) sens donnez-vous à ce mot? À quoi cela doit-il ressembler? Comment fabrique-t-on un problème? Etc.

En bref

Dans une situation d'enseignement l'approche résolution de problème bien orchestrée permet :

  • De mettre en jeu les modes kinestésique, auditif et visuel.
  • De percevoir l'objet d'étude dans son ensemble (synthèse) et dans ses détails (analyse).
  • De créer des évocations utiles aux acquisitions futures.

Chapitre IX – Vocabulaire propre aux problèmes

Pour s'entendre sur le mot problème

Parler de problème, c'est aussi parler de données, d'analyse, de résolution, de solution, de vérification, de la question.

Problème : n. m. Question à résoudre par des procédés scientifiques : problème d'algèbre. Ce qui est difficile à expliquer, à résoudre. (Larousse).

Le sens premier de ce mot est donc réservé aux sciences. Mais, de plus en plus, il prend de l'importance dans le vocabulaire usuel : «C'est pas mon problème», «Il a plein de problèmes», «C'est un enfant problème», «Avec tel produit, y a plus d'problèmes»...

Il semble que vivre c'est passer son temps à essayer de résoudre des problèmes. Puisque nos apprenants sont des adultes, ils doivent bien avoir quelques idées à propos de ces problèmes-là. Et, en partant de ce qu'ils connaissent, il est sans doute plus aisé d'en arriver à leur faire concevoir le sens des autres mots induits dans le mot problème. Regardons cela de plus près.

Les problèmes de la vie

Vérifions pour commencer que vivre c'est passer son temps à résoudre des problèmes. Les difficultés sont plus ou moins grandes suivant le cas. Et il y a de joyeux problèmes. Voici quelques exemples que vous classerez suivant votre tempérament, votre savoir-faire et votre humeur du moment en problèmes faciles, difficiles, joyeux, ennuyeux, etc.

  • Il n'y a plus de brosse pour effacer le tableau,
  • un conflit d'horaire,
  • dix invités à souper et de la vaisselle pour six,
  • une rage de dents un samedi soir,
  • le chien se venge en déchiquetant du papier à chacune de vos absences,
  • être pris dans un embouteillage en allant à un rendez-vous important,
  • une tempête de neige,
  • une mouche dans votre hamburger,
  • apprendre qu'on va avoir des jumeaux,
  • préparer un voyage dans le sud,
  • gagner le gros lot,
  • un plafond qui coule,
  • une teinture de cheveux ratée,
  • un bouton de chemise perdu.

Mais aussi : un nouvel appareil dont on ne connaît pas la marche à suivre. C'est pour nous tenir occupés au cas où on s'ennuierait; c'est l'invention de notre époque : vu que nous n'avons plus à aller battre le linge à la rivière et à entretenir le feu dans le poêle, on a remplacé cela par les meubles à monter, les guichets automatiques et les micro-ondes à mille touches...

Quoiqu'il en soit, joyeux ou pas, tout est problème. Nous avons pris l'habitude de réserver ce mot aux situations désagréables. Il ne faut pas s'étonner de ce que l'idée de résoudre des problèmes de mathématiques ne réjouisse personne. Dorénavant, nous pourrions appeler ces derniers des énigmes ou des mystères!

Énigme : n. f. Jeu d'esprit où l'on donne à découvrir une chose en la décrivant en termes obscurs. Fig. Mystère. (Larousse).

Résoudre un problème?

Résoudre : v. t. Décomposer un corps en ses constituants. Trouver la solution de : résoudre un problème. (Larousse).

Bien que la définition «décomposer un corps en ses constituants» ne s'applique pas de prime abord aux problèmes, elle leur convient pourtant très bien.

Un problème est constitué d'informations apparentes ou induites. «Décomposer» le problème consiste à en extraire toutes les informations possibles. Et cela, de façon consciente et systématique. En agissant ainsi, les adultes apprendront à réfléchir, à être moins impulsifs, à ne pas sauter dans l'action les yeux fermés, et à découvrir, qu'en y mettant le temps, on peut parvenir à trouver une ou des solutions à un problème ou à une énigme apparemment... énigmatique!

Données ou informations?

Encore une fois, il est important que les mots soient clairs. À priori, il paraît plus simple d'employer le mot «information» plutôt que le mot «donnée». Et en fait, il est bon de passer par le mot «information», accessible à tous, pour en arriver à comprendre :

Donnée : n. f. Quantités connues, citées dans l'énoncé et constituant les bases d'un problème». (Larousse).

Les données sont des informations spécifiques, des quantités. Mais elles ne sont pas suffisantes pour résoudre les problèmes. Il y a dans ceux-ci toutes sortes de renseignements dont il faut tenir compte. Et c'est là que le bât blesse. Les apprenants «sautent» sur les données chiffrées, jonglent avec, à moins qu'ils ne tirent à pile ou face, en tout cas n'évoquent rien de bon. Ils décident d'une opération «au petit bonheur la chance» (trop souvent).

À posteriori, par conséquent, il est bon d'en venir à leur faire faire la distinction entre informations et données (les informations chiffrées). Ce qui permettra d'éviter des dialogues de sourds entre vous et eux. Ce qui leur donnera à comprendre que les données chiffrées ne sont pas les seuls éléments importants d'un problème : on doit aussi lire et comprendre le reste. Ceci nous amène tout droit dans la classe de français, section : Compréhension de texte.

Afin de bien comprendre ce que sont ces données, partons d'un problème quotidien.

Par exemple, quelle(s) solution(s) les participants ont-ils trouvée(s) pour venir au lieu d'alphabétisation étant donné le ou les problèmes à résoudre parfois : horaire, transport, gardiennage... Dans chaque cas, quelles étaient les informations connues qui ont aidé à résoudre ces problèmes. Y avait-il plusieurs solutions possibles?

Les questions que l'on se pose, et que l'on pose, servent d'abord à faire une analyse de la situation dite problématique. Imaginons un participant qui aurait un problème de gardiennage :

  • Combien d'enfants à garder?
  • Quel(s) âge(s)?
  • Qui peut les garder, une ou plusieurs personnes?
  • Leurs heures de disponibilité?
  • La garde se fait où?
  • Si hors du domicile, quel moyen de transport?
  • Le temps à y consacrer.

Tous les éléments étant réunis à la suite de ce questionnaire, on peut énoncer un problème qui contient toutes ces informations lesquelles doivent amener à une question devant engendrer une solution (s'il en existe).

Par exemple, voici ce problème. Untel a 2 enfants de 3 et 5 ans. À l'heure des cours, la voisine offre de les garder. Sauf le jeudi où elle va travailler. Qu'est-ce que Untel doit faire pour le jeudi?

C'est la deuxième étape du problème. On peut retourner aux informations données plus haut pour y trouver des pistes de solution. On peut, si ce n'est pas le cas, chercher à l'aide des informations que l'on a et en utilisant sa réflexion trouver des solutions plus ou moins satisfaisantes. Cela peut être : «ne venez pas le jeudi», «venez avec vos enfants le jeudi», «venez chez moi avant le cours : ma mère gardera vos enfants avec le mien», etc. suivant le groupe et les circonstances. Ceci permettra de comprendre que la solution à un problème peut être dans l'énoncé du problème ou à l'extérieur de cet énoncé. L'extérieur ici représentant de nouvelles informations plus ou moins attrayantes :

  1. J'ai la permission de ne pas venir le jeudi;
  2. J'ai la permission d'amener mes enfants ce jour-là;
  3. J'ai une nouvelle gardienne.

Afin de bien choisir, il faudrait analyser les avantages et les inconvénients de chaque solution pour toutes les personnes en cause. On pourrait appeler cela un problème à tiroirs-surprises!

L'important, tout au long de cet exercice est de raisonner à voix haute avec les participants en leur expliquant au fur et à mesure que l'on est en train d'apprendre à réfléchir à l'aide de problèmes de la vie (médiation). Vous savez qu'ils savent le faire. Ils le font tous les jours. Mais en regardant de plus près comment on s'y prend, ça donne des idées sur comment faire des problèmes de math! D'autres situations problématiques peuvent être proposées par les participants. Le formateur lui-même en fait autant (n'oubliant pas les situations agréables à résoudre!) pour aider à faire comprendre ce que l'on entend par là. Il dit ce qu'il a fait, pourquoi. Il invite les apprenants à critiquer sa solution.

Ainsi, non seulement les mots problème, donnée, information auront plus de sens mais les apprenants seront valorisés de pouvoir dire comment ils s'en sont sortis. Si le problème est insoluble, on aura pu partager son désagrément. Dans la vraie vie et en math, il y a des problèmes insolubles. Bien que, en changeant de perspective, bien des problèmes deviennent solubles. C'est le quatrième paramètre d'évocation qui y aide. Combien de poulets derrière la clôture? Tout dépend du nombre de poulets qui ont une patte en l'air...

Apprendre à analyser la situation

Prendre l'habitude de décortiquer chaque problème, même le plus simple qui se présente au groupe, donnera l'habitude de décortiquer les énigmes. Par exemple : vous n'avez plus de brosse pour effacer le tableau. Demandez, avant d'accepter une solution de rechange, quelles sont les informations que l'on a dans ce problème. On devrait trouver : il y a un tableau. On va y écrire. On va devoir effacer. Cette opération devra pouvoir être bien faite pour réécrire et que ce soit lisible, les ressources disponibles dépendent du lieu. Avez-vous des solutions?

On peut trouver diverses solutions par essai-erreur (expérimentation). Les mouchoirs de papier ne font pas long feu. Une feuille de papier pour écrire est trop rigide, même en boule. Du papier journal, c'est mieux. La main, ou l'avant bras, c'est sale. Du papier essuie-mains, c'est presque bien. On peut aussi penser à une paire de bas, un foulard, et quoi encore! Toutes ces solutions étant soigneusement écrites, on en éliminera d'office (pas pratique, pas accessible) on en essaiera d'autres. On tirera des conclusions. Si le problème se représente, on aura déjà la réponse. Mais on peut parer aussi à cette éventuelle situation. Comment? Et voilà un nouveau problème à résoudre. (Ex. : Un chiffon fait partie de la batterie du parfait formateur!).

Cet exercice a le mérite de faire parler et réfléchir. Certes, on aurait pu d'emblée dire : «Y a plus de brosse, on va prendre du papier essuie-mains ou du journal» et c'est tout. C'est que le processus décrit précédemment se fait habituellement à toute vitesse dans le cerveau. Prendre la peine de réfléchir tout en s'expliquant de quelle façon on a trouvé un résultat, aide à mieux percevoir comment on s'y prend pour résoudre un problème, quel qu'il soit. Les solutions qui apparaissent immédiatement ne sont pas forcément les meilleures. Surtout quand il y a des émotions qui viennent brouiller le jugement : «Quel est l'imbécile qui a caché la brosse?» (Même si c'est vous, pour pouvoir utiliser cet exemple! Chut!).

On peut aussi utiliser cet exercice à des fins d'écriture : Il n'y avait plus de brosse pour effacer le tableau. Racontez comment on s'en est sorti...

Attention! II ne s'agit pas de prendre les adultes analphabètes pour des demeurés! Il s'agit, à l'aide d'un exemple simple, d'expliquer aussi ce qui se passe dans le cerveau quand on cherche à résoudre un problème. On s'amuse à prendre un problème facile pour montrer que, quand il est à l'aise, le cerveau travaille vite. Il est à l'aise quand toutes les informations qu'il possède sur la question sont claires. Par conséquent, plus on a des informations claires, mieux on peut raisonner. D'autre part, il ne faut jamais oublier que nos émotions nous jouent des tours quand nous voulons raisonner pour chercher une solution à un problème, quel qu'il soit. Et c'est tout cela qui doit surtout être démontré aux participants, expliqué en s'appuyant sur des exemples simples ou plus compliqués, peu importe. Les exemples sont des prétextes. S'ils sont légers, comme le coup de la brosse du tableau, on peut les traiter avec humour, mais on expliquera avec sérieux le processus mis en place .

  1. On observe la situation dans tous ses détails : (on analyse)
    - tableau, craie, poussière,
    - besoin d'écrire de nouveau,
    - quel matériel à notre disposition?
  2. On comprend : (on fait la synthèse)
    - il faut quelque chose qui efface bien,
    - qui résiste,
    - qui soit disponible.
  3. On agit : (on trouve la solution)
    - on va chercher le nécessaire, on vérifie que ça va,
    - on l'utilise,
    - on se réjouit!

C'est comme ça que fut inventée la brosse à tableau...

En cours de route, bien entendu, on ne se gênera pas pour faire faire des évocations : cette situation ressemble-t-elle à une autre que l'on a déjà vécue? En quoi c'est pareil, pas pareil?

Il ne s'agit pas de faire de l'introspection!
Il ne s'agit pas de passer tout le temps de formation là-dessus!

Il s'agit de créer une complicité entre vous et vos apprenants autour des mots problème et information afin d'en faire des concepts clairs que l'on aborde de façon détendue en toute connaissance de cause. Sans oublier les mots analyse, synthèse, solution, vérification, question, qui doivent être aussi utilisés de façon à ce qu'ils finissent par être compris de tous (bien interprétés).

À vous de jouer

Choisissez deux ou trois situations de la page 126 et faites-en varier les solutions en y ajoutant différentes données. Exemple : où et avec qui étiez-vous quand vous avez trouvé une mouche dans votre hamburger?

Chapitre X – Problèmes et communication

Certains problèmes de math sont des histoires trop courtes

Un exemple

Voici l'histoire :

Anita est une mère de famille. Elle a trois enfants. Son mari travaille fort pour les nourrir tous. Anita arrondit le revenu familial. Elle effectue des ménages et un peu de couture.
Demain, samedi, c'est la fête de son mari. Pour l'occasion, elle veut lui faire un poulet aux noix. C'est une recette qu'une voisine lui a apprise. Cette voisine est originaire d'Haïti.
Anita est au supermarché. Le poulet aujourd'hui est à ...$ le kilo. Ceux qui sont préemballés ne lui plaisent pas. Elle en choisit un autre parmi ceux que le boucher lui présente. Celui-ci lui dit : «Il pèse 2 kilos 400.»
Le boucher emballe le poulet. Il colle une étiquette avec le prix dessus. Anita sort sa calculatrice de sa poche. Elle fait le calcul. Elle est bien contente : elle trouve le même prix que le boucher!

Voici le problème :
Quel est le prix d'un poulet de 2,400 kilogrammes si un kilogramme coûte ...$

Inventer une histoire à partir d'un problème

Les livres de math sont remplis de problèmes bien tristes, bien secs, dans lesquels on ne met l'accent que sur les nombres (trop souvent). Il n'est donc pas étonnant que les élèves (jeunes ou adultes) ne cherchent pas à comprendre la situation que ces problèmes sont censés représenter. D'autant plus qu'on ne leur en fait jamais faire l'exercice!

Après avoir découvert qu'une histoire peut se transformer en problème, l'exercice suivant consiste à inventer une histoire à partir d'un problème. Ce faisant, on sera bien obligé de regarder le texte du problème d'un peu plus près! Et donc de l'analyser. Que l'histoire soit courte, ou longue, peu importe. L'important est que, grâce à son développement, raconté, écrit, joué, illustré, les apprenants saisissent bien les informations. Assez pour pouvoir discuter sur le bien fondé de la solution envisagée (la ou les opérations) ou pour découvrir qu'il n'y a pas de solution, ou qu'il y en a plusieurs...

Les apprenants pourraient aussi mieux saisir en quoi les savoirs mathématiques leur sont utiles chaque jour. Leur propre histoire racontée avec le prétexte de proposer un problème aux autres serait un excellent exercice à toutes sortes de points de vue.

Math ou français?

Pourquoi vouloir les dissocier? En quelle langue réfléchissons-nous? Est-ce que plus le vocabulaire est riche plus la pensée l'est aussi? Est-ce que les problèmes sont rédigés en javanais? (Si ça paraît être le cas, c'est qu'ils sont mal rédigés). Y trouve-t-on des sujets, verbes, compléments? Des noms? Des adjectifs même parfois? Même écrits en chiffres, les nombres ne sont-ils pas des mots, eux aussi?

Et, puisque les maths font si peur à tous, pourquoi les comprimer en un moment précis de la semaine? Pourquoi ne pas en faire une annexe quotidienne dans les cours de français? Pour se changer les idées, avoir du plaisir à inventer des histoires, ou à comprendre comment on raisonne. Pour ne pas oublier aussi les apprentissages précédents. Pourquoi? Parce qu'on ne peut pas présenter toutes les maths de cette façon-là? Parce que ce n'est pas fonctionnel? Parce que c'est enfantin?

Premièrement, entendons-nous bien. Les problèmes dont nous venons de parler sont les problèmes classiques d'application, qu'on a l'habitude de faire faire aux élèves afin qu'ils utilisent une opération ou une autre. Les exercices de rédaction et d'imagination qui vous sont proposés là ont pour but d'habituer vos élèves à analyser un texte de ce genre de problèmes en se demandant désormais : «Qu'est-ce qu'on me raconte là» avant de se demander : «C'est quoi l'opération à faire?». Une fois que l'habitude est prise, il n'est pas nécessaire d'avoir recours systématiquement à ce stratagème. Lequel stratagème doit avoir été explicité pour ce qu'il est (médiation) : un truc pour apprendre à réfléchir, à rendre les problèmes moins ennuyeux, à mieux les comprendre. Apprendre à réfléchir n'est pas enfantin.

Deuxièmement, le premier exemple donné parle du marché, de prix, de kilo. Il est un tremplin pour donner le goût d'en parler en profondeur. On peut tout aussi bien inventer une histoire à propos de la date, de la température, des kilomètres, des surfaces, de n'importe quoi. Les adultes en ont vécu plein de ces situations-problèmes. Celui qui a changé le "prélart" de la cuisine, celle qui voudrait bien savoir quel jour tombe son rendez-vous chez le dentiste, celui qui se demande si c'est loin d'aller là... Voilà autant de choses à utiliser pour faire parler, rédiger, analyser, mesurer, apprendre des notions de base tout en répondant à des situations fonctionnelles.

Questions pour le lecteur

  1. Comment pourriez-vous tirer parti de la découverte que vous venez de faire, à savoir qu'un problème de math c'est une histoire trop courte? (histoire d'Anita).
  2. Imaginez que Toma vous arrive avec le bordereau de son chèque de paye. Il est tout décontenancé car son employeur a changé de formulaire. Comment s'y retrouver? (p. 138).
  3. À partir du problème suivant, inventez une histoire puis rédigez-la en phrases courtes :
    Pour carreler un couloir, on a employé 740 carreaux de 25cm de côté et le carrelage a été payé (pose, colle et taxes comprises) 20$ le mètre carré. Quelle a été la dépense? (p. 139).

Éléments de réponse

Question 1 : Que vous suggère le problème d'Anita?

  1. Voilà un excellent texte de lecture.
  2. Que de questions on peut se poser à propos d'Anita, de la recette, du fait qu'elle a une calculatrice dans sa poche...
  3. C'est quoi la suite de l'histoire (ordre spatio-temporel)? On pourrait l'imaginer, l'écrire, lui faire acheter d'autres choses. Des noix? Quelles sortes de noix? (catégorisation).
  4. Comment fait-on pour calculer le prix d'un poulet? Qu'est-ce que c'est un kilo? Quel était le prix du poulet cette semaine? Croyez-vous qu'avec 2,400 kilos elle en aura assez pour toute la famille?
  5. Que pourrait-elle acheter d'autre? Pourriez-vous faire un problème avec ça?
  6. Quelle bonne occasion de commencer à faire la distinction entre information et données utiles et inutiles.
  7. La différence entre une histoire et un problème c'est que dans un problème il y a une question...
  8. Quelle bonne introduction pour le thème : «comprendre une étiquette qui indique un prix au poids»! (voir des détails à ce sujet dans le document Stratégies pour une évaluation efficace en formation de base Éd. Table de concertation en alphabétisation de Montréal, 1996.

Question 2 : Les apprentissages d'un bordereau de paye

Toma vous apporte un nouveau bordereau de paye. Ah! Quelle belle occasion! La personne-ressource que vous êtes se trémousse d'aise! Voilà une belle base de travail pour tout le monde :

  1. Toma raconte son histoire : lieu de travail, fonction, satisfaction, horaire, etc.
  2. On rédige en commun, en équipe ou individuellement (suivant le niveau).
  3. On analyse le bordereau, les mots, la disposition (tableau?), les nombres, les sigles. (Voir chapitre suivant).
  4. On vérifie la correspondance entre les nombres et les mots.
  5. On se demande qu'est-ce qui doit être ôté (soustrait)?
  6. Et si on additionnait tout ce qui doit être ôté avant de le faire, est-ce que le résultat final (le montant du chèque) serait le même?
  7. Posons les opérations et faisons les calculs des deux façons :
    plusieurs soustractions successives
    ou
    une addition et une soustraction.
  8. Comment pourrait-on rédiger un «vrai» problème avec cela (synthèse) en commun ou individuellement on en équipe? Chaque semaine Toma gagne … $. Son employeur retient … $ pour l'impôt fédéral, … $ pour l'impôt provincial, etc.

Ce sera un travail de plusieurs séances qui meublera d'évocations (c'est comme le bordereau de Toma) les cerveaux de chacun. En apportant différents types de bordereaux on pourra consolider la capacité d'analyse de tels documents puis transférer cette capacité à d'autres documents du même type.

Question 3 : Une histoire de carrelage

Souhaitons que cet exercice vous ait donné le goût d'en faire autant avec les participants de vos ateliers!

En bref

- Les problèmes d'arithmétique que l'on propose habituellement relatent en raccourci une situation vraisemblable. Tirer parti de cette observation permet de donner au mot problème un visage plus fonctionnel, moins ésotérique.

- Le problème peut dès lors être une sorte de yoyo :

  • on invente une histoire à l'intérieur de laquelle on inclut un situation mathématique;
  • à partir d'un problème on invente une histoire qui le contient;
  • à partir d'une situation problématique pratique, on invente une histoire et on découvre les divers obstacles mathématiques à résoudre pour aboutir à une solution.
  • le problème a alors toute sa place aussi dans la classe de français...

Chapitre XI – Jouer à «comme-si»

L'art de transformer une situation d'apprentissage en jeu d'invention

Pour en arriver à être capable d'utiliser un plan, un tableau, un graphique, un mètre, un litre, un bordereau de dépôt ou de paye, un chèque, une calculatrice, une table de multiplication, un budget, une étiquette de prix ou d'indication d'entretien, une machine à coudre, une charrue, un formulaire, une carte de guichet, les formulaires de déclaration de revenu, les cotes de la bourse, les mots palimpseste ou ordre croissant, n'importe quoi autrement dit, on peut s'y prendre de plusieurs façons. Celle que nous vous proposons ici a plusieurs mérites :

  • elle est simple,
  • elle est amusante,
  • elle aide à développer le savoir apprendre et la créativité.

Pour que cela vous soit plus facile à comprendre, nous allons commencer par l'apprentissage de l'utilisation de tous ces documents dits «documents authentiques». À vrai dire, ils n'ont en général rien de très... sympathique. Faisons en sorte que leur apprentissage le soit!

Il s'agit de se poser des questions. Chaque question détermine un problème à résoudre. D'un problème à l'autre on en arrive à comprendre le document comme si on l'avait fabriqué soi-même. Et pour cause! Vous allez voir.

Il doit être entendu, entre vous et vos apprenants, que vous allez faire «comme-si». Vous avez entendu dire qu'il existe des chèques, des mesures, des cartes, des formulaires, des plans, des horaires, des calendriers, etc. et vous n'en avez jamais vu! Vous avez une petite idée de leur utilité. Ce n'est pas très clair. Vous ne voulez pas (surtout pas) en regarder des spécimens. Votre ambition est de réussir à en fabriquer comme si vous étiez des inventeurs. Les questions vont vous y aider. Tout ce que nous voulons utiliser aujourd'hui a été inventé hier.

Question 1 : Qu'est-ce que ça va m'apporter de savoir utiliser ce document? À quoi sert-il?

Si savoir utiliser une charrue ou les cotes de la bourse ne vous est d'aucune utilité aujourd'hui, pourquoi apprendriez-vous à vous en servir? Le mot utile est bien différent du mot nécessité. En effet, même si vous n'habitez pas la campagne, il se peut qu'apprendre à bien guider une charrue pour tracer des sillons bien droits et de la bonne profondeur vous soit utile: pour votre satisfaction personnelle par exemple. Mais cela n'est pas nécessaire à votre survie. Souhaitons que ce ne soit pas nécessaire à votre équilibre psychologique...

Utile : adj. qui sert, rend service.

Nécessaire : adj. dont on a absolument besoin, indispensable. (Larousse).

Tout cela pour dire, qu'avant de faire entreprendre un apprentissage il faut vérifier le degré du désir de le faire de vos participants. Est-ce nécessaire? Est-ce utile? Est-ce une question de survie? Est-ce une question de plaisir ou de satisfaction personnelle? Bref, il faut une motivation. S'il n'y en a pas venant de leur part, vous pouvez contribuer à en créer une par une description des bienfaits d'un tel apprentissage sur leur vie future. Mais il vaut mieux commencer par des apprentissages dont ils sont conscients, convaincus de la nécessité ou de l'utilité.

Ceci vous explique pourquoi il vaut mieux commencer par des apprentissages pratiques (visant à rendre une personne fonctionnelle). Convaincus de la nécessité de planifier des achats d'épicerie, les apprenants comprendront mieux celle de savoir lire et comprendre des prix et faire des additions et des soustractions de nombres décimaux. Convaincus de la nécessité ou de l'utilité de pouvoir remplir un formulaire, ils accepteront mieux celle d'en comprendre l'organisation et le vocabulaire qui s'y rapportent. Ce qui nous amène à la question suivante.

Question 2 : Quels problèmes veut-on résoudre à l'aide de ce document?

Les chiffres ont été inventés pour résoudre des problèmes de comptabilité. Nos ancêtres ont eu successivement toutes sortes d'idées qui venaient au fur et à mesure que les solutions se raffinaient. Et nous continuons d'en faire autant. C'est pourquoi nous sommes passés des bœufs au tracteur. Hélas, ce n'est pas toujours le cas. Parfois on empire les situations... Prenez les formulaires par exemple. Chaque institution a sa façon de les présenter. Ceux qui les créent sont sûrs d'avoir la meilleure formule. S'il se posaient tous la question 2 et avec les mêmes objectifs, les formulaires finiraient par se ressembler. Mais les uns veulent résoudre un problème de coût (on écrit petit pour tout mettre sur une feuille) d'autres, un problème de manutention (les informations nécessaires d'abord) d'autres, un problème de lecture (des petites barres pour séparer des lettres) d'autres, un problème de données déjà inscrites dans un logiciel (pas toujours logique)... Qui, parmi eux, a pensé qu'un formulaire est un moyen de communication? Qui a pensé que 38% de notre population n'y comprend rien et que le reste n'aime pas y écrire? On pourrait en dire autant de bien d'autres choses. Des plans, tiens! Avez-vous déjà constaté dans des dépliants touristiques à quel point certaines cartes, à force d'être «jolies» ou détaillées, sont incompréhensibles? L'un n'empêcherait pas l'autre, pourtant. Mais si on pense plus à jolie carte ou carte détaillée qu'à carte compréhensible on en arrive au résultat jolie carte incompréhensible.

Malgré ces jérémiades (dont vous vous gardez bien de faire état à vos apprenants!) on peut quand même se poser la question 2. Quels problèmes veut-on résoudre à l'aide de ce document?

Un peu de remue-méninges, en plus de leur faire pratiquer leur savoir-parler, aidera vos apprenants à découvrir l'intérêt, l'importance, l'utilité, la nécessité du document à l'étude, mais aussi à mieux saisir ce qu'on devrait y retrouver (préparation à la question 3).

Quels problèmes veut-on résoudre quand on fabrique un formulaire, que l'on dessine un plan, que l'on invente le mètre, que l'on imagine un calendrier, une étiquette de prix, une machine à coudre? ou une table de Pythagore?

En formation de base, la plupart des apprentissages pratiques que l'on a à faire sont en rapport avec la communication orale ou écrite. Dans les exemples qui précèdent, à part la machine à coudre, tous sont des outils de communication chargés de transmettre des informations spécifiques et de nous simplifier la vie.

Les autres objets d'apprentissage sont des outils sensés nous rendre aussi la vie plus simple. Savoir additionner est plus facile que compter de un en un. Utiliser des chiffres est plus facile qu'utiliser des abaques, en tout cas ça prend moins de place! Quant à la machine à coudre...

Après avoir répondu à la question 2, la troisième question est naturelle pour des inventeurs...

Question 3 : Si je devais faire ce document, quelles indications je devrais y mettre? Pourquoi?

Dans un formulaire ou dans un plan (même mal faits), on retrouve des constantes obligées. Dans un formulaire, ce sont des endroits pour inscrire des renseignements qui nous concernent. Dans un plan, ce sont des voies de communication, des points de repère, des noms ou des numéros de rue, etc.

En répondant, les apprenants raffineront leur compréhension de l'objet d'étude. Ils constateront qu'ils ont beaucoup d'idées, même si au début ils avaient l'impression que cela ne les concernait pas. Le fait d'avoir déjà répondu aux questions 1 et 2 les aidera.

Si je devais fabriquer un plan, une carte, un formulaire, un exemplaire de chèque, une mesure de longueur, une étiquette de prix, une circulaire, etc.. quelles indications devrais-je y mettre? En se disant que ces objets doivent nous faciliter la vie et servir à la communication, la réponse à la question 3 viendra encore plus facilement.

Par la même occasion, on approfondira ce qu'est une communication. Pour qu'elle existe, cela prend un émetteur et un récepteur, un message, un média et un code. Dans le cas d'un plan du métro, qui est l'émetteur? Quel est son message? le média? Vous pouvez poser le même genre de questions pour la plupart des objets d'apprentissage dits documents authentiques. Les réponses amènent une liste de mots et de concepts qui seront inscrits au tableau et explorés au fur et à mesure. Toutes ces inscriptions servent à répondre à la question suivante (4).

Question 4 : Comment vais-je disposer les indications qui doivent faire partie de ce document?

La réponse oblige à faire une classification des indications par ordre d'importance. Elle oblige aussi à se poser des questions sur le format en fonction des différents besoins de l'émetteur et du récepteur ou des utilisateurs.

Exemple 1

Un chèque est émis par une banque. Le client le reçoit et il l'utilise. Mais ce faisant il devient à son tour émetteur. Les informations qu'il inscrit doivent être utiles et claires pour la banque. D'autre part, un chèque doit être facile à manipuler, facile à lire. Il ne doit être ni trop grand ni trop petit, etc. On aura trouvé à la question 3 les indications nécessaires à mettre sur un chèque, celles dont la banque a besoin pour pouvoir l'utiliser convenablement (le tirer du bon compte, le payer à la bonne personne).

Exemple 2

Une mesure est utile pour ... mesurer. Si elle ne sert qu'à soi-même, elle peut être n'importe quoi (ficelle, crayon, main...). Mais, si on veut qu'elle serve à plusieurs personnes et donc devienne un objet de communication, il est nécessaire de la standardiser, d'en définir l'unité et de découper celle-ci en sous-unités suivant un code établi.

Cette question 4 introduit donc la notion de code. Elle est fort importante. C'est souvent à cause de lui que nos apprenants ont de la difficulté. Nous aussi quand nous sommes si habitués au code que nous n'en voyons plus l'existence. Le fait d'avoir à imaginer une façon de fabriquer un chèque, une carte, une mesure, un plan, une table de multiplication, n'importe quoi leur fera découvrir cette notion de code de façon implicite. Si pour un plan, par exemple, ils décident d'y indiquer les rues comme ceci, d'écrire les noms comme cela, d'ajouter des points de repère, ils devront être capables d'expliquer leur code à un éventuel récepteur; en l'écrivant dans la marge ou à l'endos. On peut en dire autant de la fabrication d'un tableau ou d'un algorithme d'opération.

On découvrira aussi, par cette question, l'importance de l'aspect visuel. Un média doit être clair dans sa présentation. Cette présentation peut être aussi codée. La découverte de cet aspect va se perfectionner grâce à la question suivante.

Question 5 : Je compare l'objet que je viens de fabriquer avec un objet «officiel». Est-ce que mes indications y sont? Y en a-t-il d'autres? Si oui, sont-elles importantes? Est-ce que la disposition est la même?

Vous n'avez donc absolument pas regardé quelque document authentique que ce soit avant cette question. Toute la période précédente a consisté à faire comme si ça n'existait pas et qu'on voulait inventer quelque chose à son goût.

La comparaison avec un produit officiel permet une critique judicieuse. Nous on avait mis ça, pas eux. Pourquoi? Pourquoi mettent-ils cette indication ou cette question? Il y aura probablement quelques questions sans réponse. On peut aller les chercher à la source, mais les réponses claires ne sont pas assurées! De toute façon, avant de «s'énerver» on peut passer à la question 6.

Question 6 : Je compare des documents qui ont la même utilité. Quelles indications y sont ou n'y sont pas? Quelle disposition est la plus claire?

Rendus là, vos apprenants devraient avoir développé un bon esprit critique en rapport avec l'objet étudié! Ils devraient aussi avoir acquis tout le vocabulaire et les concepts associés à cet objet. Ils devraient être capables au moins de lire les mots importants et de comprendre différents codes officiels : numéro de folio, indications sur les cartes (échelles, sigles), disposition dans un tableau, présentation d'une table de multiplication, d'un bordereau de dépôt ou découpage d'une mesure, etc. On peut même aller jusqu'à dire qu'ils en sauront davantage à ce propos que bien des lettrés! Ils pourraient donner des prix orange ou citron...

Non seulement auront-ils exploré les objets d'apprentissage, mais ils les auront compris. Il ne leur restera plus qu'à les utiliser pour devenir habiles à s'en servir. En chemin, ils auront meublé leur pensée d'évocations de toutes sortes sous forme de sensations (les discussions, la joie des trouvailles) de mots et de symboles nouveaux, de raisonnement et de créativité (les trouvailles elles-mêmes). Si bien qu'à force de répéter ce scénario pour divers autres objets d'apprentissage, ils en viendront à prendre l'habitude d'explorer avant d'agir. De plus, l'aspect communication les rendra plus vigilants soit en tant qu'émetteur (encodage : calligraphie, orthographe, mots justes) soit en tant que récepteur (décodage des informations). Dans ce dernier rôle, on a des rôles intermédiaires : consommateur, citoyen averti...

Pour finir, voici quelques conseils :

  • Avant d'embarquer avec vos apprenants dans un jeu à «comme-si», jouez-y tout(e) seul(e) ou avec des collègues. Cela vous donnera une meilleure idée de ce que ça peut donner.
  • Faites travailler vos apprenants en grand groupe au début pour qu'ils s'habituent à «comme-si». Puis par équipes. Sauf dans des cas plus complexes (selon vous).
  • Laissez-leur le temps de chercher et de trouver. Faites semblant de chercher avec eux, mais n'amenez une idée que si c'est nécessaire. Faites le pari qu'ils sont pleins d'ingéniosité, que tout ce qu'il leur manque c'est du temps et un lieu pour l'exprimer.
  • Commencez avec des objets faciles pour eux et pour vous. Facile, ça veut dire qu'ils les connaissent un peu (formulaire, chèque, plan du métro, horaire) et que le vocabulaire est simple (connu d'eux). Un bordereau de dépôt, par exemple, ne serait pas un bon point de départ, notamment à cause des mots. Sauf pour des gens plus avancés à qui vous feriez découvrir au moment de la comparaison (question 5) que les mots pour dire «on enlève» et «on ajoute» sont «débit» et «crédit».
  • Une fois habitué à ce procédé, essayez de l'utiliser pour montrer tout le programme de maths, de la numération aux pourcentages en passant par les opérations, les nombres décimaux, les fractions. Vous en avez déjà eu des aperçus. Le chapitre suivant vous y aidera davantage ainsi que certains des outils proposés dans la troisième partie de ce document (chapitre XIV).

Pour jouer à «Comme-si» avec des «documents authentiques»

Questions

  1. Qu'est-ce que ça va vous apporter de savoir utiliser ce document? À quoi sert-il?
  2. Quels problèmes veut-on résoudre à l'aide de ce document? (communication).
  3. Si vous deviez concevoir ce document (le fabriquer), quelles indications devriez-vous y mettre?
  4. Comment allez-vous disposer les indications qui doivent faire partie de ce document?
  5. Vous comparez votre document avec un document «officiel». Est-ce que vos indications y sont? Y en a-t-il d'autres? Sont-elles importantes? La disposition est-elle la même?
  6. Vous comparez des documents qui ont la même utilité : quelles indications y sont ou n'y sont pas? Quelle disposition est la plus claire?

Règles

  1. Choisir le genre de document qu'on veut étudier.
  2. Ne pas regarder d'exemplaire authentique avant la question 5.
  3. Répondre aux questions dans l'ordre : chaque nouvelle question permet d'approfondir celle qui précède.

Chapitre XII – Découvrir l'arithmétique

Des problèmes pour découvrir les nombres et le calcul

Nous l'avons vu, nos ancêtres ont patiemment inventé les nombres et le calcul. Ce faisant, ils ont cherché à répondre à des problèmes qui se présentaient à eux. Pourquoi ne pas mettre les adultes en situation d'en faire autant? Non pas en leur demandant de découvrir que 3 petits chats avec 2 petits chats ça fait 5 petits chats. Pitié!

Exemples pour la numération

À force de vouloir être «au quotidien» «au jour le jour» et dans les «maths de la vie» on finit par oublier que nous sommes les produits de l'Histoire. Dire : «Il y a 35 000 ans...» n'a aucun sens pour celui qui n'a ni la notion du temps ni celle des nombres. Et pourtant, en parler peut commencer à donner une idée de ce que cela est. Raconter que nos ancêtres ont fait de telles inventions peut laisser entendre aussi, qu'étant leurs descendants, nous devrions pouvoir en faire autant. La preuve en est que, bien souvent, les apprenants ont réussi à apprendre tout seuls un certain nombre de choses en math!

Raconter l'histoire donc et, sous forme de problèmes, faire redécouvrir la numération. Ces problèmes vont varier suivant les lieux de formation. En effet, il vaut mieux faire compter des choses que l'on a la possibilité de compter «au quotidien» autour de soi! Ici les moutons d'un troupeau, là des sacs d'arachides, ailleurs des portions de gâteaux étant donné le nombre de convives attendus, le nombre de pieds pour aller d'ici à là, de l'argent, de la monnaie, des jetons, vérifier qu'il y a bien 150 papiers-mouchoirs dans la boîte, 200 tubes pour faire des cigarettes... n'importe quoi d'utile si possible.

Voici donc différentes situations exprimées sous formes de problèmes. N'oubliez pas qu'un problème comprend une question. Ainsi, pour le problème 1 la question n'est pas combien il y en a, mais comment faire? (sous-entendu pour savoir combien il y en a). Autrement dit il s'agit de faire redécouvrir le processus de comptage.

Les questions qui viennent après celle du problème lui-même sont celles que vous pourriez poser à vos apprenants. Même à ceux qui savent déjà compter. En effet, comme vous, ils ont développé des automatismes et les mots pour les dire ne sont pas clairs. Ce sont ceux écrits en gros. Les questions proposées ici sont loin d'être exhaustives! Elles ont pour but de vous donner cet élan de curiosité nécessaire à la redécouverte de ce qui a l'air d'aller de soi.

Problème 1 : On veut savoir combien il y en a. Comment faire?

Quel est le mot important ici? Que veut-il dire? Cherchons dans le dictionnaire. Nous voilà rendus avec les mots quantité et nombre de. On en arrive ensuite à l'idée de COMPTER. Qu'est-ce que compter? Comment fait-on pour compter?

Ceux qui savent déjà compter peuvent aussi creuser le sens des mots ci-dessus. Ce ne sera pas du luxe.

Problème 2 : Compter c'est bien. On a des mots pour le dire. Mais, comment l'écrire? Comment comprendre ce qui est écrit?

Nous voici dans une communication écrite. Qu'est-ce qu'une communication? Qui doit comprendre? Moi-même ou les autres aussi? Notion de code «J'ai compté les portions de gâteaux. Il y en avait 64. Comment l'écrire? Avez-vous des idées?»

Naturellement, les réponses varieront suivant les connaissances acquises. À ceux qui savent déjà écrire les nombres, il faut demander POURQUOI vous écrivez cela comme ça? À tous il est bon de faire découvrir, redécouvrir le comptage par groupement de 10, l'utilisation des abaques, l'invention des chiffres, de la valeur de position, du zéro.

Mais cela doit se faire à la suite d'autres problèmes que vous posez ou que l'on en arrive à se poser au fur et à mesure qu'on veut améliorer le système et des informations que l'on a ou que l'on se donne.

Ce que nous venons de voir soutient ce qui vous a été proposé dans le chapitre II : «réinventer la numération». C'est une formule d'animation qui oblige l'apprenant à être actif dans son apprentissage. Il doit penser pour apprendre. Penser c'est-à-dire réfléchir, raisonner, avoir des idées, se servir de sa banque personnelle de savoirs accumulés pour l'enrichir (ou la débarrasser des mauvaises interprétations).

Exemples pour le calcul

Savoir compter, c'est bien utile. Mais il arrive que des quantités s'ajoutent ou s'enlèvent à ce que j'ai compté. Comment faire alors pour savoir mon nouveau total? Car compter donne un total. Toute variation de ce total suppose une opération.

Problème 1 : Comment connaître mon nouveau total?

On peut recompter. Bonne idée, recomptons. Le nombre est plus grand car on a ajouté. Le nombre est plus petit car on a ôté, retranché, enlevé.

Problème 2 : C'est long compter et recompter. Même si on a appris à regrouper. Comment pourrait-on faire pour s'éviter cela?

Faire découvrir qu'on pourrait ne recompter que ce qui a été ajouté ou ôté. Et compter plus loin ou à rebours suivant le cas. Faire découvrir qu'on peut se servir des abaques et des regroupements.

Faire découvrir à l'aide des colonnes de numération, d'abord les additions et soustractions puis leur calcul sans retenue puis avec retenue. En arriver à avoir la satisfaction de se dire que si on avait dû compter jusqu'à 12012, ça aurait été long!

Problème 3 : Voilà que le nombre-de, représentant une quantité comptée, est encore «tripoté»! On doit partager nos moutons, nos mouchoirs, nos portions de gâteaux, etc. entre un certain nombre de personnes. On aimerait bien savoir combien chacun en aura. Comment faire?

Problème 4 : On veut être sûr d'avoir bien distribué les objets. Comment le vérifier?

Problème 5 : Quand nous avons mesuré la pièce avec le pied du professeur, le résultat n'était pas le même qu'avec le pied d'Albert. Avec quoi pourrait-on mesurer pour que ce soit toujours pareil?

Problème 6 : La mesure que nous avons décidé d'utiliser est contenue plusieurs fois dans la longueur mesurée. Mais, la dernière fois, ce qui reste à mesurer est plus petit que l'unité de mesure. Comment faire pour mesurer ce qui reste?

On invente les fractions et les fractions décimales. Cela peut se découvrir aussi avec de l'argent (il reste 1$ à partager) ou 1L (d'eau, de vin...) etc. Cependant, il ne faudrait pas oublier non plus les savoir-faire déjà acquis, différents de ceux que vous aimeriez faire acquérir. Ces savoir-faire peuvent être fort utiles en eux-mêmes ou servir de tremplin pour aller plus loin. Pour cela, vous devez d'abord les comprendre vous-même. Que de découvertes en perspective!

Une pédagogie de la découverte

  • Laissez à vos apprenants le temps de réfléchir : vous avez 35 000 ans déjà derrière vous, alors, un peu plus un peu moins!
  • Ils attendent des réponses toutes faites. En les découvrant eux-mêmes ils les retiendront (évocation). Dites-le leur.
  • Les découvertes peuvent être un peu dirigées.
  • Nous n'avons peut-être pas 35 000 ans devant nous! La façon de formuler le problème (ses données) et la question sont déjà une manière de diriger la réflexion dans le bon sens.
  • Arrêtez-vous à chaque mot-concept nouveau. Faites-en le tour jusque dans son orthographe. Faites faire des phrases avec chacun d'eux pour qu'ils prennent vie.
  • Variez les façons de faire percevoir afin de meubler les cerveaux d'images mentales auditives, visuelles et sensori-motrices. Si vous commencez par analyser, remettez le tout en synthèse et vice-versa. Montrez régulièrement le chemin parcouru et celui à parcourir (Cahiers de bord ou autre).
  • Entraînez-vous à décortiquer chaque objectif en sous et sous-sous-objectifs. C'est la «politique des petits pas».

La politique des petits pas

La difficulté pour les formateurs réside habituellement dans le fait que chaque savoir est si bien inscrit (incrusté!) dans sa mémoire qu'il lui paraît évident. Or, chaque savoir englobe lui-même des «sous-savoirs» (savoirs intermédiaires) qui doivent être compris et acquis préalablement avec le vocabulaire s'y rapportant.

Le travail du médiateur consiste, pour commencer, à redécouvrir pour lui-même les sous-savoirs des savoirs! C'est un excellent exercice mental qui développe l'esprit d'analyse...

Une fois que cela est fait, il suffit de formuler sous forme de problème chaque élément ou deux, trois éléments associés. Ce problème vise à faire découvrir les éléments en question, que ce soit des concepts, des mots, des symboles, des règles.

Quand plusieurs éléments peuvent être réunis pour faire un certain ensemble, pas nécessairement un tout, montrez ce qu'il en est. Montrez à faire ces nécessaires synthèses. Autrement, la construction souhaitée ne ressemblera qu'à un ramassis de matériaux disparates prévus pour une construction dont on aurait égaré le plan.

Nous avons déjà abordé cette question au chapitre VI. L'idée à retenir alors était que certaines habiletés fonctionnelles ne nécessitent pas forcément autant de connaissances notionnelles qu'on pourrait penser.

Ce qu'il y a à constater cette fois, c'est la liste des connaissances nécessaires à l'acquisition d'une habileté afin de pouvoir s'en faire des sous-sous-objectifs transmissibles sous forme de problèmes-découvertes, d'en faire des sous-objectifs (synthèse 1) pour en arriver à dire par exemple : «L'objectif savoir faire une soustraction est atteint» (synthèse 2). Et, tout en l'ayant atteint nous avons aussi appris à tenir un budget, à chercher une date, à comprendre un bordereau de paye, à rendre la monnaie et quoi encore!

Questions pour le lecteur

  1. Faites une liste de tout ce qu'il faut savoir pour réussir à calculer une soustraction écrite de 2 nombres à 3 chiffres, à «l'endroit», avec emprunt. Par exemple 435 - 267.
  2. Faites une liste de tout ce qu'il faut savoir pour établir une date.
  3. Y a-t-il des savoirs communs aux 2 listes?

Éléments de réponse

Question 1 : La soustraction

La soustraction de 2 nombres à 3 chiffres à l'endroit avec emprunt et écrite.
Ex. : 435-267=

Pour réussir à la calculer en comprenant ce que l'on fait, il faut savoir :

  • lire les chiffres lire les nombres
  • associer à chaque chiffre une valeur
  • associer à chaque chiffre sa valeur due à sa position
  • que 100 = 10 dizaines = 1 centaine
  • que 10 =10 unités = 1 dizaine
  • le sens des mots soustraction, soustraire
  • le sens de moins et de -
  • que le nombre d'en bas va être soustrait du nombre d'en haut et que le résultat sera placé sous la grande barre
  • que l'on commence par soustraire les unités, puis les dizaines, puis les centaines
  • le sens des mots emprunt, emprunter, la façon de le faire le sens du mot ajouter ajouter 10
  • les tables d'addition ou compter avec ses doigts...

Chacun des savoirs précédents englobe des sous-savoirs ou est un savoir en soi. Chacun d'eux serait donc l'objet d'une question permettant d'aboutir à une «découverte».

Lire un chiffre est un savoir en soi. Mais ce savoir n'implique pas que l'on sait ce que cela veut dire. Lire le mot palimpseste n'implique pas que l'on sait ce que cela veut dire... Idem pour les nombres.

Associer à chaque chiffre écrit une valeur et ses valeurs de position demande de savoir dénombrer, de dénombrer en base 10, de connaître le sens des mots unité, dizaine, centaine, c'est-à-dire le rapport qu'il y a entre eux, de connaître le rôle du zéro.

Le sens profond des mots soustraire, soustraction et moins n'est pas nécessaire pour réussir le calcul d'une soustraction. Il suffit d'appuyer sur la touche et l'apprenant peut faire son opération car on a réussi à lui en faire mémoriser l'algorithme! Mais ne lui demandez pas à quoi ça sert. Ne lui donnez pas un problème dans lequel cette opération est nécessaire sans l'en avertir. Encore faut-il qu'il sache aussi quel nombre doit être soustrait de l'autre. Si on lui a toujours répété que le plus petit doit toujours être ôté du plus grand, il ne comprendra jamais que 254 - 327 = -73. Alors... le sens «profond» du mot soustraire, qu'est-ce que c'est?

Certes, l'ordre dans lequel on calcule une soustraction écrite aura été vu précédemment avec les soustractions à un chiffre, puis à deux chiffres. Les sens des mots emprunt et emprunter auront été vus au même moment. Et la façon de le faire aussi. Pourquoi si j'emprunte 1 ici je donne 10 là? Que s'est-il passé? Et est-ce que je sais que 10+5 = 15? Est-ce bien clair? Est-ce bien clair aussi qu'ajouter «ça veut dire plus»?

Si, au moins, chacun partait du degré zéro de connaissances comme les enfants! Mais non! Il y a ceux pour qui les nombres sont associés à des objets, ceux qui ont appris à faire des soustractions autrement (avec retenue), ceux qui savent soustraire mentalement seulement, ceux qui ne comprennent rien à la valeur de position mais récitent les mots unité, dizaine, centaine... Ceux qui croient savoir!

Vaillantes formatrices, vaillants formateurs, ne vous découragez pas. Chaque petit pas que vous ferez faire sur le sentier de la découverte de ce genre de soustraction vous permettra de faire avancer les uns, de remettre les autres dans la bonne voie, d'apprendre à tous à réfléchir.

Mais, pour que la réflexion se fasse, il faut qu'il y ait attention. Pour qu'il y ait attention, il faut le projet de se faire des points de repère dans sa tête. Pour avoir un projet, ça prend un intérêt (un but). Cela peut se trouver dans un problème pratique à résoudre.

Question 2 : La date

Lire, établir ou comprendre une date? Selon le processus d'apprentissage fonctionnel, on dirait : d'abord lire j'explore), puis comprendre, puis établir (j'utilise). Quelqu'un qui sait lire une date est loin de maîtriser le savoir en rapport avec celle-ci (palimpseste!).

Pour établir une date, il faut avoir les notions de jours, semaine, mois, année, savoir compter jusqu'à 365 et même jusqu'à 2000, comprendre un tableau, les noms des jours, des mois, associer la notion avant et après aux concepts soustraire et ajouter. Et, est-ce que savoir ce qu'est une heure est un préalable ou si, à partir de la date, on peut déduire la compréhension de l'heure, ou si ça s'apprend de pair? À votre avis?

Comprendre le système de datation permet de dater un chèque, de vérifier si un aliment ou un médicament est encore bon, de calculer un âge (ou une année de naissance en sachant l'âge), de calculer combien de temps il reste pour payer un compte, etc.

Question 3 : Quelques savoirs communs

À vrai dire, tous les savoirs relatifs à la soustraction sont utiles à l'utilisation du système de date. On peut donc le plus tranquillement du monde décider d'apprendre à fond notre système de datation et s'en servir en même temps pour apprendre à compter et à calculer, non seulement les soustractions, mais aussi les autres opérations. On pourrait en faire le thème de l'année et cela permettrait de faire aussi des incursions du côté des factures, du système bancaire... Cependant, on peut sans doute comprendre la date sans savoir soustraire.

De la même façon, les graphiques montrés à Marcel, sans grands préalables, pourraient servir de tremplin pour comprendre les additions et soustractions, la fameuse droite numérique, les nombres négatifs, la moyenne, etc.

En bref

  • Il est nécessaire de baliser chaque objectif pratique (fonctionnel) en de nombreux objectifs intermédiaires; chacun de ceux-ci visant à faire acquérir un savoir à la fois.
  • Parallèlement cela doit aussi être fait à propos des objectifs mathématiques jugés nécessaires à l'acquisition de l'objectif fonctionnel.
  • En jumelant les deux, on perçoit plus clairement la façon dont ils s'imbriquent.
  • Cela permet d'expliquer et de faire comprendre et accepter (motivation) des apprentissages d'ordre purement arithmétique ou plus généralement dits de mathématique.
  • Cela permet de faire une évaluation plus précise des apprentissages.
  • Cela aide les apprenants à se rendre compte du chemin à parcourir et de celui parcouru.
  • Cela aide le formateur à baliser son enseignement, à mieux faire attention au contenu des mots et des concepts.

Chapitre XIII – La logique

Utiliser la logique à mille sauces

Logique : n. f. manière de raisonner de façon juste, cohérente : faire preuve de logique. Cohérence, méthode de quelqu'un eu de quelque chose : la logique d'un système. (Larousse).
Synonymes : dialectique, raison, raisonnement.

Dans ce chapitre, nous aborderons la logique sous les deux aspects donnés dans cette définition. Il ne s'agira sûrement pas de cours de philosophie. Nous parlerons plutôt de l'art du bon sens. Les apprenants en formation de base ont souvent développé une façon de raisonner suivant une logique correcte, mais basée sur des prémisses fausses soit par défaut de connaissances, soit par méconnaissance, soit par manque d'observation, soit parce que les émotions sont trop fortes. À vrai dire cela arrive à n'importe qu'il Mais leur faible niveau de scolarité leur crée des barrières supplémentaires dans le domaine de la paperasse. Nous allons donc commencer par la «logique des papiers» puis nous aborderons quelques problèmes qui visent à rendre les gens plus intelligents en mettant leurs cellules grises (les vôtres aussi) à l'épreuve. Car, l'intelligence, ça se développe.

La «logique des papiers»

Titres, sous-titres, encadrés, 1.1.2.3, pagination, soulignés, caractères gras, italiques et autres enjolivures que nos modernes traitements de textes mettent à la disposition des passeurs de messages écrits, voilà autant d'obstacles supplémentaires à la compréhension d'un texte pour celui qui :

  • ne sait pas bien lire et
  • n'est pas au fait du sens de ces... choses.

Or, dans les entreprises, les CLSC et autres organismes de tous genres, les papiers sont ainsi présentés. Ce sont des documents faits pour donner des informations sérieuses et leur présentation vise à aider le lecteur averti. C'est la logique du système papier...

À vrai dire, ce n'est pas très compliqué à comprendre, pourvu qu'on nous donne au moins quelques trucs. Après, on devrait pouvoir mieux apprécier les innovations (pas toujours utiles d'ailleurs).

Là encore, on peut le faire sous forme de problème. (Une autre manière de jouer à comme-si). Par exemple, Marie dit : J'ai un problème. Je dois laisser un message à ma fille. Le voici : «Ton père demande que tu l'appelles avant 6 heures. Il part en voyage pour deux semaines». J'ai peur qu'elle ne le lise pas. Je lui laisse trop souvent des messages! Comment faire pour qu'elle remarque celui-là?

Les suggestions peuvent être nombreuses et fort ingénieuses! Mais elles risquent de ne pas concerner l'écrit lui-même. Pour Marie, la vraie question est : comment je peux arranger, décorer, organiser le message lui-même pour donner à ma fille envie de le lire? Quels sont les mots importants, utilisation de couleur, d'encadrement, grosseur des lettres, etc.. On pourra ainsi produire différentes versions visuelles du même message et se demander laquelle est la plus percutante.

Ayant réfléchi eux-mêmes à la question, vos apprenants se sentiront plus à l'aise pour chercher à expliquer, trouver la raison, les bizarreries dans les différents papiers que vous leur présenterez ou qu'ils pourront eux-mêmes fournir.

Nous avons déjà parlé des présentations en tableaux, en diagramme, en graphique. Il y a aussi les cartes, les plans, la mise en page des journaux. Toutes choses usuelles et dans lesquelles l'ordre alphabétique n'est pas toujours le seul préalable utile. Mais démystifier leur organisation permettra certainement d'apprendre à organiser sa pensée tout en apprenant à se servir des écrits qui «pleuvent» alentour...

Des problèmes pour raisonner sans chiffres

La plupart du temps, dans ces problèmes, il faut trouver un point de départ parmi toutes les informations données et trouver la réponse en comparant, associant, déduisant, etc. Ce sont des problèmes divertissants. Ce sont des jeux d'intelligence. En même temps, ils peuvent aider à apprendre des mots nouveaux. Et, chose certaine, ils obligent à lire et à réfléchir de façon logique : «puisque ça c'est comme ceci alors ça c'est comme cela et donc...»

Pour vous aider à mieux saisir, voici des exemples tirés des ouvrages de Michel et Robert Lyons, Défi Mathématique.5 Il y en a pour tous les niveaux. Il est important, en effet, de graduer les difficultés.

1. Pour apprendre en plus le vocabulaire d'orientation dans l'espace : Placez les lettres dans les grilles en respectant les indices.

A est dans un coin.
B est entre D et F.
C touche à F.
D touche à A.
E est en haut à gauche.
F est à gauche.

[Voir l'image pleine grandeur]

On peut aussi jouer à vrai ou faux en plaçant les lettres et en donnant de vrais ou de faux indices. Ce serait une étape pour apprivoiser ce genre de problème. La première étape étant de placer les lettres et de faire donner tous les indices possibles pour chacune d'elles.

Les adultes pourraient en arriver à créer leurs propres grilles à faire deviner aux autres. On augmente la difficulté avec des grilles à 9 cases

2. En voici un autre type, tiré de Défi Mathématique 3 , l'apprentissage de l'organisation d'un tableau se précise, il sert à résoudre le problème :
Carl, Maryse, Roger et Vanessa parlent chacun deux langues. Chacune des langues du tableau est parlée par exactement deux de ces personnes. Quelles sont les langues parlées par chaque personne?

Voici les indices :

a) Maryse parle anglais.
b) Les filles parlent allemand.
c) Roger ne parle pas français.

allemandanglaisfrançaisRusse

Carl

Maryse

Roger

Vanessa

Ces problèmes devraient se faire en groupe pour commencer, puis en équipe. Ils demandent de bien comprendre chaque phrase, donc de bien l'analyser. C'est excellent pour l'apprentissage de la langue. À chaque fois qu'un indice est clair, on utilise son information. (Ici, on mettrait une coche vis-à-vis de Maryse et de anglais). Mais il arrive souvent qu'on ait à lire plusieurs indices avant de trouver le premier qui soit clair! Jouer à ces jeux est donc un excellent exercice de lecture.

3. Mentionnons enfin tous les problèmes dits amusants et divers jeux fort nombreux d'ailleurs.

Des problèmes pour s'apercevoir que deux lectures valent mieux qu'une.

Ce sont tous les problèmes à données inutiles, à données n'ayant aucun rapport avec la question, à données si nombreuses qu'il faut les mettre dans un tableau pour leur trouver une solution bien facilement, etc. Dans la troisième partie de ce document nous vous donnons des références à ce propos. Même s'ils proviennent de livres pour enfants, en général, ces problèmes ne sont pas enfantins.

Les adultes sont conformistes (la plupart de tous les adultes). Pour eux un problème c'est fait comme ça et pas autrement. Le conformisme est rassurant, mais il empêche de raisonner. Cela bloque le système d'évocation du quatrième type : l'imagination créatrice.

Donner un problème en demandant : «Quelle est la question de ce problème?» tout en fournissant les réponses possibles paraît totalement aberrant! (adj. : qui s'écarte du bon sens, de la logique, de la norme). Pourtant, c'est en leur jouant ce genre de tour, au risque de vous faire injurier (ou presque) que vous parviendrez à leur faire comprendre la logique des choses et à oser sortir des sentiers battus.

La logique dans la classe de français

En classe de français, découvrir l'organisation de la phrase, du paragraphe, du texte sont autant de sujets de réflexion pour aider à penser. Sans oublier l'organisation logique (une logique à découvrir elle aussi) des grammaires, des dictionnaires, des tables des matières, des classements des bibliothèques...

Question pour le lecteur

  1. Que pensez-vous du problème suivant : «On doit construire des étagères pour des placards de cuisine. On décide d'utiliser du contre-plaqué (plywood). Combien cela coûtera-t-il?»

Éléments de réponse... à la question au lecteur, pas au problème!

Avec tout ce que vous venez de lire, votre cerveau bouillonne d'idées...

Mais, quelle pourrait être la réaction de vos participants si vous leur annoncez que c'est un problème de math? Est-ce que ça vous fait rigoler d'avance? Avez-vous le goût d'essayer et de leur montrer en quoi c'est un problème? Il y a une question, non?

Il n'y a pas de nombres. Quels sont les nombres qui manquent (données )? De quoi dépendent-ils? (dimension des étagères, sorte de contre-plaqué (qualité, épaisseur), lieu d'achat...). Et si on inventait une histoire?

Qui est «ON» dans le problème? Pourquoi ce on veut-il ou veut-elle des étagères? C'est une nouvelle cuisine? Une cuisine modifiée? Combien décide-t-on qu'il y a de placards? Et si on dessinait le plan de la cuisine de notre histoire? Un plan à l'échelle, bien sûr, (pour ceux qui en sont là) et les dimensions «réelles» seront estimées et mesurées par les autres «apprentis».

Il n'y a pas besoin d'être menuisier pour faire cela. Si l'imagination fait défaut, on peut décider de construire plutôt quelques tables supplémentaires pour le local ou des étagères. On peut aussi demander de mesurer la longueur et la largeur des placards à la maison. La prochaine fois, on choisira.

C'est ce que l'on appelle un problème dont il faut aller chercher les données... pour permettre de comprendre ce qu'elles sont, mais aussi pour utiliser sa pensée logique : si je dois faire des étagères je dois en connaître les dimensions. Donc je me les procure. Si je veux connaître le prix du contre-plaqué je dois 1- Savoir son prix et 2- Savoir combien il m'en faut. Et ainsi de suite. Au fait, mesurera-t-on en pouce, en cm ou les deux pour comparer?

Et quand on aura toutes les données, on pourra réécrire l'énoncé. Ou bien on fera plusieurs petits problèmes. Pour se rendre compte qu'il y en a (souvent) qui se composent de plusieurs problèmes.

Inventer un problème permet vraiment de comprendre la logique de ce que l'on nomme ainsi.

Et, pour aller encore plus loin, on s'amusera à le rédiger (après) dans le style «problème» avec de longues (très longues) phrases et des SI à la pelle. Histoire de démystifier ce style vieux jeu.

Si les problèmes de «menuiserie» vous laissent indifférent, vous pouvez en choisir, en inventer d'autres du même type. Par exemple :

  1. On veut faire un voyage en autobus en groupe. Combien cela coûtera-t-il par personne?
  2. On veut faire de la sauce à spaghetti pour 10 personnes. Combien coûtera-t-elle?
  3. On veut peinturer (peindre) un appartement. Quel sera le prix de la peinture?
  4. Rosa va à l'épicerie. Elle achète du pain, du lait, des tomates, du savon. Combien cela lui coûtera-t-il?
  5. Gérard va de Montréal à Québec en voiture. Combien de temps mettra-t-il? De combien d'essence a-t-il besoin?

En bref

Sous la rubrique «logique» vous faites des mathématiques sans en avoir l'air. L'objectif peut être de type pratique (comprendre l'agencement d'un livre, d'une table des matières, d'un avertissement, etc.) ou ludique. Il peut être amené en faisant créer de vrais énoncés de problème. À tout coup, la logique apprend à classifier, déduire, faire des hypothèses, les vérifier, objectiver... sans douleur!

Partie III – Des outils complémentaires

C'est en forgeant qu'on devient forgeron.
Proverbe populaire

Chapitre XIV – Matériel didactique

Pour votre enseignement, du matériel didactique commenté

Nous voici au chapitre des outils d'enseignement. Les deux parties précédentes ont tenté d'expliquer ce dont on doit tenir compte dans l'enseignement des mathématiques à des adultes analphabètes (partie I) et comment, en passant par la résolution de problème et le développement de la pensée logique, leur faire acquérir néanmoins des notions de mathématiques (partie II).

J'aurais pu vous fournir maintenant des tonnes d'activités et d'exercices en rapport avec chacun des objectifs intermédiaires; ou bien un modèle de chacun; ou bien d'autres exemples d'apprentissages fonctionnels découpés en objectifs notionnels; ou bien... Nous ne le ferons pas pour les raisons suivantes :

  • La disparité des lieux, des groupes (les intérêts).
  • La disparité des connaissances acquises par les individus.
  • L'existence de documents dont certains tiennent compte des préoccupations des parties 1 et 2.
  • L'envie de vous montrer encore comment tirer parti de documents qui, à première vue, ont l'air de contre-exemples ou de documents adaptés à des milieux très précis.

C'est pourquoi la suite de ce chapitre vous propose des titres d'outils qui existent déjà. Pour chacun d'eux vous sont expliqués le contenu et la démarche. Cela est suivi de commentaires vous montrant comment les préoccupations des parties 1 et 2 y sont respectées ou peuvent y être intégrées. Il y a de nombreux documents très, très utiles couvrant les étapes 1 et 2. Celles-ci sont certes les plus sensibles. Quand on entre dans les fractions, les mesures et la géométrie, cela est moins simple. Mais en mettant plusieurs documents ensemble on parvient à obtenir quelque chose d'intéressant.

Il n'est pas facile de ranger ces documents suivant une certaine logique. Les uns conviennent à des étapes précises; certains ont été créés pour les adultes, d'autres pour les enfants; il y en a qui donnent des recettes, d'autres des exercices, d'autres des lignes directrices; certains sont complémentaires ou supplémentaires à d'autres. Mais tous risquent de vous être utiles (voire nécessaires) d'une façon ou d'une autre. Ils sont donc listés par ordre alphabétique de titre. Pour chacun, il y a une fiche qui donne les coordonnées. Celle qui concerne les étapes (les niveaux) est encadrée.

Vous êtes invité à lire aussi tout ce chapitre. Dans l'ordre qui vous plaira : «Quel est ce document que je ne connaissais pas?» ou bien «Que dit-on de celui-ci que je connais et utilise?»...

Apprendre l'arithmétique sans se renier : Les préalables

Auteure : DU CREST, Florence en collaboration avec DESJARLAIS, Lorraine et LAÇASSE, Louise
Éditeur : SIGAA
Adresse : C.P. 668, Lanoraie, Québec, J0K 1E0
Téléphone : (514) 887-7659
Télécopieur :

Coût : 30,00$ (incluant taxe et manutention)

Présentation : 1 guide (60 pages)
1 cahier d'activités en 4 unités (167 pages)

Étape I, Les préalables

Ce document a été créé pour des allophones analphabètes dans leur langue d'origine. Son but est de montrer les chiffres, les symboles > < et =, du vocabulaire d'orientation dans l'espace tout en apprenant à parler, à lire et à écrire.

Le guide suit pas à pas les pages du cahier de l'adulte et propose des activités avant, pendant ou après l'utilisation de chacune d'elles. Le cahier de l'adulte comprend quatre parties, abondamment illustrées par les soins de Louise Laçasse. Comme on s'adresse, en principe, à des adultes venus d'autres coins de la planète, les illustrations font référence à ces autres coins aussi bien qu'au nôtre.

Le contenu

Il y a des adultes qui ne connaissent pas nos chiffres, d'autres les connaissent mais ne savent pas les écrire et d'autres ne savent les nommer que dans leur langue d'origine. La première partie vise à répondre au besoin de ces personnes.

La deuxième partie tente d'expliquer les symboles > < et = ainsi que le sens du vocabulaire qui s'y rattache. Par exemple, le sens des mots comparaison, égalité, quantité, ordre, ordre croissant et décroissant, ordre alphabétique (30 mots).

La troisième partie sert à l'acquisition du vocabulaire d'orientation dans un espace à deux dimensions, et, plus précisément, sur une feuille de papier. Qu'est-ce que le haut de la page? Son recto? son verso? Cette partie s'intéresse aussi aux formes (carré, cercle, etc.) (47 mots).

Enfin, la dernière partie aborde le vocabulaire d'orientation spatiale dans un espace à trois dimensions. Avez-vous déjà songé à la différence qu'il y a entre le haut d'une page sur laquelle on veut écrire et le haut de la pièce où l'on se trouve? Cette quatrième partie se présente sous la forme d'une bande dessinée, ce qui permet, là encore, de relier directement chaque mot à une image. Deux amoureux se rencontrent dans un parc, vont au restaurant, se préparent pour un voyage et vont au Mexique... (73 mots).

La démarche

Il s'agit, à l'aide d'une image qui sert d'amorce, de faire s'exprimer les adultes à propos de choses qu'ils connaissent, soit en comparant soit en se souvenant. Ceci étant fait, on trouve à l'intérieur de l'image des éléments chargés d'illustrer plus particulièrement un mot (un concept). Les mots et les éléments de l'image sont mis ensemble sur une autre page. Ce qui aide à faire une lecture globale. D'autres pages sont prévues pour de l'écriture.

Le guide propose de nombreuses activités sous forme de manipulations, de jeux, d'exercices au tableau. En effet, ce cahier n'est pas (lui non plus) un cahier qu'on peut laisser entre les mains de l'adulte en s'imaginant qu'il va apprendre tout seul! Certaines pages servent d'amorces, d'autres permettent de s'exercer, d'autres ne peuvent se faire que si l'on s'est entraîné autrement avant (pages d'objectivation). Bref, le guide et le cahier de l'adulte ne sauraient se passer l'un de l'autre. Exception faite, peut-être, de la dernière partie qui est indépendante. Elle peut servir de carnet de vocabulaire et devrait être vue par petites bouchées ou à l'occasion d'un mot que l'on cherche.

Commentaires

Cet ensemble est une application directe de ce dont il est question dans le document que vous avez en main en ce moment. Particulièrement en ce qui a trait à l'importance des mots et à celle de créer des évocations adéquates.

Bien qu'on s'adresse à des allophones, il est évident que tous les aspects lecture, acquisition de vocabulaire et écriture peuvent être utiles à tout analphabète. Et si les images représentent des scènes d'ailleurs, quel bon prétexte pour faire de la géographie et faire s'exprimer chacun sur ce qu'il a déjà vu probablement aussi à la télévision.

Répétons-le, le document Apprendre l'arithmétique sans se renier n'a de sens que si on s'en sert aussi, voire surtout, comme un outil d'apprentissage de la langue parlée et écrite.

Arithmétique fonctionnelle : GAA 101 À 106 – GAB 101 À 107 : Guides d'apprentissage

Auteures : DESLONGCHAMPS, Pauline, BARNABÉ, Ginette, LÉTOURNEAU, Agathe
Éditeur : Gouvernement du Québec, ministère de l'Éducation, 1986, Direction générale de l'éducation des adultes.
Adresse :
Téléphone :

Présentation : Feuilles 8 1/2 x 11 agrafées
1 ensemble par numéro

Étapes 1 à 4

Attention :

Ces documents ont été conçus pour des personnes qui savent lire, et qui comprennent quand elles lisent... et qui font de la révision en arithmétique. Ils ont donc été faits dans une approche dite d'enseignement individualisé.

Par conséquent :

Ces documents ne sont pas pour des classes d'alphabétisation.

Cependant :

Étant donné que tous les contenus notionnels s'y trouvent,
Étant donné les nombreuses pages d'exercices,
Étant donné l'intérêt de plusieurs problèmes, on peut quand même en tirer parti.

Voici comment :

  1. Faites le tri
    - Supprimez toutes les pages qui s'adressent à l'élève et lui donnent des explications (par exemple, comment faire une opération) ou font des rappels d'objectifs.
    - Supprimez toutes les pages dans lesquelles les exercices sont trop alambiqués (i.e. : raffinés, compliqués).
    - Séparez les pages qui restent en deux parties : les exercices et les problèmes.
  2. Utilisez les exercices à bon escient
    Des exercices sont faits pour... s'exercer. On ne peut pas s'exercer si on ne comprend pas ce que l'on fait. Les exercices doivent donc être précédés de manipulations et d'explications du type de celles que vous trouvez dans les documents «Mathématiques au quotidien» et «Calculs de base» (Voir p. 205 et 184 de ce guide).
    Dans la séquence de l'apprentissage : j'explore, je comprends, j'utilise, je sais, les exercices correspondent à «j'utilise».
    Par exemple : j'ai exploré ce qu'est l'addition, son concept, ses symboles, la façon de placer les nombres les uns par rapport aux autres. Ceci s'est fait à l'aide de manipulation de divers objets, d'abaques, du tableau. À la suite de cette exploration, j'ai compris le concept, les symboles. Dans une situation de problème, je peux dire que je vais faire une addition plutôt qu'une soustraction. Je sais faire cette addition avec la calculatrice. Je comprends que les chiffres des unités, des dizaines et des centaines doivent s'aligner dans les mêmes colonnes, je sais me servir d'une table d'addition. Alors, pour pouvoir dire que j'utilise mes connaissances, ma formatrice me donne des opérations d'addition à calculer sans la calculatrice. Je commence avec des additions sans retenues. Cela m'habitue à l'algorithme et à ma table d'addition. Cela me permet d'exercer ma mémoire. Ensuite, je m'essaie aux additions avec retenue, après avoir compris ce que la retenue représente (grâce aux abaques).
    Ces exercices ne doivent pas se faire jusqu'à ce que mort s'ensuive... Un athlète peut s'entraîner des heures s'il est motivé. Il faut être drôlement motivé pour faire des opérations même durant une seule heure de temps. Cela met en jeu des fonctions du cerveau qui n'en ont pas l'habitude. C'est fatigant. On y va donc à petites doses pour que ce soit un défi amusant à relever.
  3. Utilisez les problèmes à bon escient
    Quelle merveilleuse source de problèmes pour inventer des histoires courtes à propos des personnages et des faits qu'on y trouve!
    Puisqu'en haut de chaque page de problèmes on vous avertit du genre d'opération qu'il y a à faire, profitez-en! Classez-les par opération ou par thème (ou les deux) pour vous servir d'aide les jours où votre créativité est essoufflée. Ces jours-là, relisez aussi le chapitre X du présent guide. Et vous donnerez un cours de «franmath» dont vous aurez envie de renouveler l'expérience!

Ajoutons un spécial à propos des fractions. L'ordre dans lequel les notions sont montrées est source de confusion :

1. D'abord, veillez à ce que les fractions et leurs quatre opérations soient bien sues (c'est-à-dire explorées, comprises, utilisées...) et cela avec des fractions au même dénominateur.

2. Puis, abordez la notion de mise au même dénominateur, c'est-à-dire : équivalence par multiplication et division, facteur multiple, facteur commun (donc la composition des nombres, la connaissance des tables de multiplication).

3. N'utilisez pas de dénominateurs plus grands que 12.

4. Quand 1 et 2 sont sus, montrez les nombres et expressions fractionnaires, leurs conversions mutuelles et faites-y appliquer le calcul des opérations qui ont été apprises sur les fractions ordinaires.

5. Finalement, montrez à simplifier des termes du genre :

[Voir l'image pleine grandeur]Multiplication de fractions : 36/12 X 44/1 X 2/36 =

6. Cela signifie que vous devez faire du slalom dans les pages du GAA 106 (qui s'appelle aussi GAB 101). Vous devez aussi supprimer de nombreux exercices totalement inutiles parce qu'ils sont trop compliqués ou trop sophistiqués ou qu'ils demandent des calculs très longs à cause de la grandeur des dénominateurs. Dans la vie quotidienne, l'important est de comprendre à quoi peuvent servir des fractions. Les calculs peuvent se faire avec une calculatrice quand on a compris ceux qu'il faut faire.

7. Il ne restera plus qu'à aborder les fractions décimales, les pourcentages...
Mais, fraction ou pas, toujours dans une optique de découverte par résolution de problème. Les exercices étant des exercices pour ... s'exercer après qu'on ait compris le restant tout en l'incluant dans des apprentissages pratiques.

Banque d'activités en alphabétisation faisant appel aux stratégies et aux habiletés cognitives

Auteure : JASMIN, Johanne en collaboration avec DUBOIS, Sylvie, LABRECQUE, Sophie, LEBEL, Hermel et PRÉVILLE, Christine
Éd. : Table de concertation en alphabétisation de Montréal, 1994.
Adresse : C.S. Baldwin-Cartier. Service de l'éducation des adultes et de la formation professionnelle 331 avenue Mimosa, Dorval, Québec, H9S 3K5
Téléphone : (514) 636-4444
Télécopieur :(514) 636-4474

Coût : 7$ (incluant taxes et manutention)

Présentation : Cahier «boudiné». 105 pages. 8 1/2 x 11

Étapes 1 et 2

Faire faire de la résolution de problème de façon consciente c'est aussi recourir aux stratégies et aux habiletés cognitives...

Le contenu

36 activités pour des apprentissages pratiques : se repérer dans le Centre, savoir expliquer une absence, lire des horaires d'ouverture, identifier les qualités d'un produit, effectuer des achats courants, identifier des symboles de prévention sur des produits d'entretien, etc.. 36 quoi!

Chaque activité est présentée sur deux pages. La première indique le titre, l'objectif, les habiletés à développer, le matériel nécessaire, la préparation préalable. La seconde page donne le déroulement de l'activité suivant quatre étapes : «avant, pendant, après, pour aller plus loin» et dit ce que chacune permet de faire (du point de vue des stratégies et habiletés cognitives).

La démarche

L'étape «avant l'activité» est une amorce qui permet de se faire une idée des connaissances et des habiletés des adultes à propos du sujet abordé. Elle permet aussi d'en faire connaître l'objectif.

«Pendant l'activité» est le cœur de celle-ci. On y fait appel à la médiation. La formatrice fait la démonstration d'un certain savoir-faire en relation avec la question à l'étude. C'est le modelage. En l'observant, on acquiert un certain nombre de connaissances qui vont rendre plus habile à exécuter l'activité d'apprentissage. Durant cette exécution on est guidé et assisté. Rendu plus habile on peut s'exercer de façon autonome tout en faisant appel à ses propres connaissances (les nouvelles associées aux anciennes).

«Après l'activité» on se demande où on en est, ce qu'on a appris, ce qu'on pense avoir à travailler. Ce qui débouche tout naturellement sur la dernière étape qui, pour «aller plus loin», propose soit des activités du même type plus compliquées, soit de faire une généralisation en rapport avec des habiletés similaires.

Quant aux habiletés et stratégies cognitives, elles s'expriment en termes de : favoriser l'attention, faire appel à la mémoire, identifier ses propres stratégies déjà utilisées, favoriser l'observation, développer des stratégies pour l'organisation du travail... etc.

Commentaires

La Banque d'activités en alphabétisation... est un extraordinaire outil pour aider les adultes à apprendre à apprendre.

En y ajoutant quelques propositions du présent guide à propos de la résolution de problème (chapitres VIII à X), des façons d'apprendre (chapitre VII) et de l'importance des mots (chapitre IV), les adultes développeront des stratégies d'exploration ce qui les aidera à prendre l'habitude d'observer et de réfléchir avant d'agir.

Ceci signifie que, dans le modèle qui nous est proposé, l'étape «avant l'activité» est aussi une étape sur laquelle il serait bon d'insister, notamment en laissant les adultes se «casser un peu la tête». C'est-à-dire en leur proposant l'activité sous forme d'un problème à résoudre. Par exemple :

  • Vous devez aller à la salle H-314 du Centre. Comment pensez-vous le faire?
  • Vous êtes absent. Comment allez-vous l'expliquer?
  • Si vous aviez un magasin, comment indiqueriez-vous les heures d'ouverture?
  • Comment peut-on connaître les qualités de ce produit?
  • Parmi ces produits, lesquels sont les plus dangereux? Comment le savez-vous?

C'est-à-dire que, au lieu de simplement faire état de leurs connaissances, ils pourraient d'ores et déjà avancer des solutions à eux. Ce qui n'empêchera pas la suite, au contraire. La médiation permettra de valoriser les bonnes idées et d'expliquer en quoi les moins bonnes le sont. Elle devrait aussi s'appliquer à démystifier le sens des mots et à créer des paramètres d'évocation qui seront utilisés ultérieurement. Enfin, elle n'oubliera pas de faire appel à l'analyse et à la synthèse.

Il nous reste à remercier l'auteure et ses collaboratrices de nous avoir concocté un outil vraiment utile à de nombreux points de vue, en plus d'avoir une présentation si pratique (on ne se perd ni dans la paperasse ni dans des tableaux complexes).

Calcul de base : expérience d'apprentissage (Niveau débutant)

Auteure : LOIGNON, Francine en collaboration avec MAZIADE, Linda
Éditeur : Atout-Lire, août 1993
Adresse : 266 rue St-Vallier Ouest, Québec, Québec, G1K 1K2
Téléphone : (418) 524-9353

Coût:

Présentation : 188 pages reliées «à boudin»

Étapes 1 et 2

Avant de produire Mathématiques au quotidien (paru en 1995) les auteures de Calcul de base ont fait une recherche et des expérimentations dans leur groupe populaire Atout-Lire. Ce dernier document relate par le menu cette expérience. Il se lit comme un roman... enfin, presque!

Le contenu

Il s'agit d'un guide qui, en même temps qu'il propose des façons de faire, procure des outils, des exercices, des problèmes et des réflexions critiques sur ce qui a été vécu. Quatre thèmes y sont abordés : le temps, la numération, l'argent et le budget, le groupe d'achat.

À travers ces thèmes, des objectifs dits généraux (ou notionnels) sont rejoints : valeur et ordre des nombres, leur lecture et écriture, comprendre le sens, les signes et le vocabulaire en relation avec les 4 opérations, apprendre à les calculer, lire et écrire les montants d'argent, comprendre les fractions simples, les stratégies de résolution de problème (reconnaître et développer les siennes en en acquérant d'autres). Sans oublier l'utilisation de la calculatrice. Et enfin, pour le dernier thème, tout ce qui est relatif aux poids, aux volumes, au calcul des prix, des taxes, de la monnaie. Chaque thème est subdivisé en objectifs spécifiques.

La démarche

Les auteures nous prennent par la main et nous font visiter leurs réalisations. Au préalable, elles nous expliquent pourquoi elles ont choisi une démarche de résolution de problème. En cheminant avec elles, on constate de façon concrète ce qu'elles entendent par là. Pour chaque thème elles en justifient le choix et à la fin elles font un bilan (les acquisitions, les difficultés rencontrées). Entre temps, pour chaque objectif spécifique, nous avons droit à : une liste des notions mathématiques abordées, la démarche (sous forme d'activités) très détaillée, ce que ces activités permettent et les difficultés rencontrées ainsi que des solutions essayées. De plus, pour beaucoup, nous avons des pages avec les exercices proposés (visuellement fort bien présentées). On nous explique aussi comment les apprenants ont agi et réagi pour réussir à résoudre chaque problème soulevé par les activités.

Commentaires

Ce document est lui aussi une ressource inestimable. Sa lecture en est vraiment agréable, on comprend ce qui se passe dans le local, on voit agir les apprenants et leurs formatrices. Celles-ci font preuve de créativité et n'ont pas peur de changer leur fusil d'épaule quand ça ne va pas ou d'aller plus loin qu'elles l'imaginaient quand ça se présente.

Bien que cela n'ait pas été toujours facile, l'approche résolution de problème semble avoir procuré de grandes satisfactions aux participants et donné de bons résultats. En tout cas, ce ne fut pas ennuyeux!

Toute personne désirant être heureuse en montrant les mathématiques de base devrait pouvoir lire et relire ce document. Probable que ça lui donnera aussi le goût d'en rencontrer les auteures! Merci à elles...

Ces façons de faire devraient donner des idées pour traiter les objectifs des étapes 3 et 4.

Défi mathématiques (série)

Auteurs : LYONS, Michel et LYONS, Robert
Éditeur : Mondia éditeurs inc.
Adresse : 1977 boul. Industriel
Laval, Québec, H7S 1P6
Téléphone : (514) 667-0221

Coût :

Présentation :

  • un livre de l'élève et un livre du maître par niveau (1re à 6e année du primaire).
  • SOS math. Livre de 125 pages
  • LOGIX : Une boîte avec fiches et jetons.

Étapes 1 à 4

Michel et Robert Lyons, communément appelés «les frères Lyons» devraient (si ce n'est déjà fait, mais l'écho ne m'en est point parvenu) recevoir une médaille d'or pour avoir produit la série Défi mathématiques et tous ses dérivés.

Ils partent du constat que les enfants ont le sens de la logique et cherchent toujours à établir des lois pour s'y retrouver (mais peut-être est-ce aussi un goût de la facilité inhérent à tout être humain!) Ils proposent des façons de faire qui consolident cette pensée logique et, en même temps, ils s'ingénient à «jouer des tours» pour cultiver et développer le sens de la créativité et l'observation. Le tout dans le respect d'une grande rigueur à propos des mathématiques elles-mêmes, arrosé d'humour, enveloppé dans des histoires, développé dans une multitude d'activités (Que n'ai-je appris les mathématiques de cette façon là!). Et, j'oubliais, sans avoir à compter des petits lapins... En fait, on apprend même à jouer aux échecs, on s'initie au langage informatique...

Les livres du maître sont une source merveilleuse de suggestions détaillées d'activités, de mises en garde, d'incitation à l'humour et à la fantaisie et de renseignements à propos des méthodes suggérées. Les enfants, eux, sont à la fois traités comme des enfants (images, bandes dessinées, jeux à monter, histoires) et comme des adultes en devenir (non des adultes sous-développés) c'est-à-dire qu'on s'adresse à eux en termes précis, qu'on leur explique les pourquoi des pourquoi ou qu'ils sont incités à apprendre leurs tables bien qu'ils aient aussi à utiliser la calculatrice. Dans ce dernier domaine, par exemple, un tour à jouer consiste à donner une série d'additions à faire, une partie du groupe ayant des calculatrices et l'autre pas. Le plus rapide gagne. Si bien que les enfants s'aperçoivent que la calculatrice n'est pas toujours efficace. Par exemple, pour additionner ce qui suit :

134 296 307 + 682 142 933 =
car, «en règle générale», les calculatrices n'ont que 8 chiffres à l'affichage. Ou pour faire le total de
7 + 4 =
où un enfant qui sait un peu calculer de tête ira aussi plus vite qu'une calculatrice... (Défi 4, livre du maître, p. 114).

Commentaires

Il est certain que Défi mathématiques devrait emplir les quatre paramètres d'évocation des élèves, qu'ils soient auditifs ou visuels. De plus, on y raconte souvent l'histoire de l'invention des chiffres et des nombres. Les problèmes demandent à être lus soigneusement avant d'y répondre. Les élèves sont invités à en composer. Bref, on trouve dans cette méthode tout ce qui pourrait convenir à des adultes s'ils avaient du temps comme les enfants et s'ils n'étaient pas préoccupés par des soucis différents et s'il n'y avait pas un certain nombre d'interférences...

Par contre, il est fortement suggéré, à tout formateur qui désire ardemment se réconcilier avec les mathématiques de base, de se plonger dans la lecture des guides et des cahiers des élèves. En refaisant votre instruction mathématique, vous découvrirez tout ce qu'on vous a tu quand vous étiez enfant c'est-à-dire le pourquoi et le comment du peu qu'on a réussi à vous faire gober... Vous y apprendrez d'autres algorithmes et toutes sortes de choses utiles et pleines d'intérêt.

Par contre encore, dans un groupe où la motivation des parents apprenants analphabètes serait de comprendre ce Défi mathématiques qu'on enseigne à leurs enfants, quelle belle occasion! En effet, point n'est besoin d'autres livres que ceux-là pour apprendre aussi à lire et à écrire. Pourquoi pas?

Pour les autres situations dans le monde dit industrialisé, de nombreux problèmes dans les parties «Logique» et «Méli-mélo» pourront vous servir d'appoint, de consolidation ou (et) de jeux sérieux pour les moments de «détente».

De plus, de nombreuses propositions de manipulation pourront certainement vous être directement utiles ou vous en inspirer d'autres.

Car, encore une fois, si une situation fonctionnelle à résoudre sert d'amorce et (ou) de motivation, n'oublions pas qu'à l'intérieur de celle-ci il y a des apprentissages de type purement mathématique à y faire et ceux-ci doivent être supportés par des manipulations dans un esprit de résolution de problème. C'est ce que nous nommons : «refaisons les découvertes de nos ancêtres» (voir le chapitre XII). Mais cela peut s'appliquer à des objets modernes... Signalons aussi toutes les activités à propos des fractions, de la mesure, de la géométrie au programme des étapes 3 et 4.

Par contre, je n'imagine pas comment cela pourrait servir au Bangladesh ou en Haïti... Pour tous les pays cependant, si les formateurs avaient acquis la culture mathématique développée dans Défi, nul doute qu'ils n'auraient pas de difficulté à faire les adaptations qui s'imposent suivant chaque cas...

Bref, la suggestion est que tous ceux qui n'aiment pas les maths refassent leurs classes en cheminant pas à pas, dès le niveau 1 avec les cahiers et les guides de Défi mathématiques. Ils devraient y mettre tout le temps qu'il faut. Un an si nécessaire. En faisant les exercices et en en comprenant la portée. À petite dose. Dans un esprit de plaisir de découvrir. En mettant leurs préjugés dans une grande poubelle. Car on ne saurait enseigner ce que l'on ne comprend pas et ce que Ton n'aime pas. Mais on peut se donner l'envie de comprendre quelque chose parce que cela nous fera l'aimer. Il est toujours agréable de constater qu'on n'est pas stupide, mais seulement mal informé et mal formé (voire déformé). Encore faut-il faire fi de ses préjugés et y consacrer le temps nécessaire. Vous avez la chance d'avoir Défi mathématiques à portée de la main. À vous d'en profiter. Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement.

Deux documents de MM. Lyons vous seront directement utiles.

SOS math, le calcul sur les nombres entiers s'adresse aux parents et aux enseignants. Il propose de nombreuses activités qui ne sont pas «perdues» dans d'autres. De plus, elles sont ordonnées suivant un ordre d'acquisition croissant. Ce petit livre est de bon conseil et conviendra pour les étapes 1 et 2.

LOGIX est une boîte à l'intérieur de laquelle il y a un carré subdivisé en 9 carrés égaux, des jetons de couleurs et de formes différentes et une série de consignes de plus en plus compliquées, visant à faire disposer les bons jetons dans les bons carrés. Cela demande de la réflexion, de l'observation, de la logique. Très utile pour les moments de détente «sérieux». Pour toutes les étapes.

J'écris mon nom...!

Auteures : LEDAN, Marie Betty (le cahier de l'adulte) DU CREST, Florence (guide pédagogique)
Éditeur : Table de concertation en alphabétisation de Montréal, 1995.
Adresse : C.S. Baldwin-Cartier. Service de l'éducation des adultes et de la formation professionnelle 331 avenue Mimosa, Dorval, Québec, H9S 3K5
Téléphone: (514) 636-4444
Télécopieur :(514) 636-4474

Coût : 15,00$ (incluant taxes et manutention)

Présentation : 8 1/2 x 11
Cahier de l'adulte (50 pages)
Guide (87 pages)

Étape 1

Ce document a été conçu pour montrer à lire, écrire et calculer à des analphabètes allophones. La première partie sert à l'apprentissage de la lecture et de l'écriture. La deuxième sert à l'apprentissage des nombres et du calcul. Cette partie convient aussi fort bien à des francophones.

Le contenu

Le thème général du cahier est le marché. Il est donc tout naturel d'apprendre le calcul à partir de l'argent. Le cahier de l'adulte contient des pages soit d'exercices soit d'outils (table d'addition, les nombres en lettres). Pour chacune de ces pages, il y a une explication dans le guide à propos de manipulations et d'exercices préalables ou complémentaires.

La démarche

L'adulte voit constamment des prix. À partir de la lecture globale de ceux-ci on en vient à se poser des questions à leur sujet. De manipulations en exercices, d'explorations en compréhension on finit par en arriver à être capable de faire les exercices proposés dans le cahier. Celui-ci est un témoin des apprentissages. Le guide qui l'accompagne explique comment Madame Ledan s'y prend. Les pages du Cahier de l'adulte ne sont remplies qu'en temps opportun.

Commentaires

Ce document est très précieux. Les adultes ont besoin d'avoir un cahier où écrire qui ne soit pas un cahier de brouillon. Celui-ci prend ici toute sa valeur puisque c'est lui qui permet de s'exercer avant de se lancer dans le «vrai» cahier. Ce dernier relate la progression des apprentissages. Il est une sorte de série d'évaluations sommatives, celles qui permettent de dire «je sais».

Pour des apprenants vraiment débutants, la première partie de Apprendre l'arithmétique sans se renier serait un préalable, J'écris mon nom lui étant complémentaire puisqu'il s'agit d'acquérir la numération, de savoir lire des prix ($ et ¢), d'utiliser une calculatrice, d'apprendre à additionner et à écrire des nombres en lettres (chèques).

Les formateurs et les formatrices qui utiliseraient ce document trouveront des idées complémentaires dans L'arithmétique au jour le jour et dans Mathématiques au quotidien.

Note. - J'écris mon nom s'appelle ainsi parce que le premier apprentissage que désire faire une personne totalement analphabète est d'écrire son nom. Quelle joie de pouvoir enfin signer son chèque! Mais ce document pédagogique parle aussi de bien d'autres choses. Une vraie mine d'or!

Je découvre le Québec - Volet maths

Auteures : L'ALLIER, Louise (les problèmes)
MAILHOT, Louise (le guide pédagogique)
Éditeur : Table de concertation en alphabétisation de Montréal, 1995.
Adresse : C.S. Baldwin-Cartier. Service de l'éducation des adultes et de la formation professionnelle 331 avenue Mimosa, Dorval, Québec, H9S 3K5
Téléphone : (514) 636-4444
Télécopieur :(514) 636-4474

Coût : 25,00$ (incluant frais de manutention et taxes)

Présentation : 81/2 x 11. Assemblées pour le guide, 45 pages.

En pochettes pour les problèmes (pour la reproduction), 115 pages.

Étapes 1 à 4

Je découvre le Québec comprend deux parties, une d'histoire et l'autre de géographie. Celle sur la géographie comporte un volet mathématique en plus de la cassette vidéo et du volet exercices de français.

Le contenu

Les problèmes

Il s'agit d'un ensemble de 115 problèmes. Leur répartition se fait de différentes façons. Ils ont des contenus d'énoncés en rapport avec 5 régions du Québec : Montréal/Laval, Laurentides/Lanaudière, Saguenay/Lac St-Jean, Montégérie/Cantons de l'Est, Gaspésie/Îles-de-la-Madeleine. Cela veut dire qu'on achète des objets spécifiques aux Iles-de-la-Madeleine, qu'on compte des kilomètres ailleurs, qu'on s'oriente sur un plan de métro à Montréal, qu'on achète des billets de ski au Mont-Orford et qu'on compte toutes sortes d'objets ici et là (fromages, places de spectacles, moules, industries...)

Une autre répartition est celle des niveaux de difficulté. Il y en a 3, correspondant aux étapes 1 à 4. Enfin, à l'intérieur de chaque région il y a des thèmes mathématiques qui sont rejoints, à savoir l'argent, la géométrie, les kilogrammes, les kilomètres et les litres, la moyenne, l'orientation, la température, le temps, la logique et le calcul d'objets divers.

Chaque page comprend un problème et est illustrée; le niveau y est indiqué. Il faut d'ailleurs ici féliciter Monique Bournival pour le magnifique travail d'infographie qu'elle a accompli. Les apprenants seront sûrement heureux de le recevoir.

Le guide

Les formatrices et les formateurs sont souvent timides quand il s'agit d'inventer des problèmes. Le guide explique comment en créer, en prenant exemple sur les problèmes existants et en utilisant d'autres données chiffrées (dont quelques-unes sont en annexe).

Commentaires

Utiliser la découverte d'une région, la sienne ou celle qu'on aimerait visiter, est un excellent prétexte pour faire de multiples apprentissages fonctionnels. Lecture de cartes et de plans, d'horaire d'autobus, de visites, prévisions d'un budget de voyage en fonction des coûts du déplacement, des repas, du logement, du nombre de personnes, des prix pratiqués (adultes, enfants) sont autant d'apprentissages utiles, qui rendraient la vie des analphabètes plus facile. Comme, en voyage, on va aussi au restaurant et on effectue des achats, voilà d'autres calculs à faire...

Ce qui est proposé aux formateurs dans le guide pourrait fort bien l'être par ceux-ci à leurs apprenants. Par exemple, ils pourraient leur donner un des problèmes de la région concernée et leur demander d'en inventer du même genre avec les données qu'ils auraient récoltées dans des prospectus et dépliants. Ou d'imaginer un itinéraire et d'en calculer le kilométrage, ou de calculer le coût du voyage de leurs rêves, ou... C'est ce que l'on pourrait appeler une façon de se faire traiter en adultes. Suivant les niveaux, cela pourrait se faire en équipe (2, 3) et (ou) de façon individuelle (4).

Tout cela représente aussi bien sûr du travail en français. Écrire pour recevoir des prospectus, rédiger un projet, faire des réservations (même fictives), lire les renseignements à propos des lieux à visiter, etc.

Bref, le thème de la découverte de sa région ou d'une autre englobe de multiples apprentissages. Je découvre le Québec est une très bonne source d'idées auxquelles on ne devrait pas oublier d'appliquer quelques «recettes» énoncées dans le présent document.

L'arithmétique au jour le jour

Auteures : GAGNÉ, Nicole et BLACKBURN-HÉBERT, Marie
Éditeur : Commission scolaire de La Jonquière et les Centres d'Alphabétisation de la commission scolaire de La Jonquière. 1994
Adresse :
Téléphone : (418) 542-7551

Coût :

Présentation : Cartable à anneaux
1 guide (28 pages)
1 cahier d'activités réparties en 43 unités et 7 parties, (276 pages) - 8 1/2x11.

Étapes 1 à 4

Voici un excellent document à plusieurs points de vue.

La présentation visuelle en général, et celle du cahier d'activités en particulier, est remarquable : caractères faciles à lire même si on a oublié ses lunettes, illustrations simples et claires, pagination prévue pour le recto-verso (économie de papier) et faisant partie du décor (pour mieux apprendre les nombres), impression en noir et blanc (facile à reproduire), utilisation de pictogrammes pour régler la marche à suivre, encadrement de chaque page (ajoute un air sérieux et fini). Bref, il convient de féliciter les personnes responsables des illustrations, du graphisme et du montage, à savoir Colette Lapointe, Marie Blackburn-Hébert et Jean-Marie Lavoie.

Le contenu

De nombreux objectifs sont couverts par ce document. La première partie permet de s'approprier des outils : les nombres, la calculatrice, la présentation en tableau et le vocabulaire de base des fractions. Ceci étant acquis, on manipule des nombres dans la deuxième partie. C'est-à-dire qu'on «joue» avec de façon à mieux les comprendre (ex. : pair, impair, valeur de position, composition). Après les avoir compris, on les utilise (comparaison d'argent, chèques). Les quatrième et sixième parties expliquent les additions et soustractions puis les multiplications et divisions. La cinquième partie apprend à utiliser les différents systèmes de mesure. Divers problèmes sont proposés, comme un bouquet final. N'oublions pas, à la fin des parties 2, 3 et 4, une unité à propos des formes (carré, cercle...) et des solides (cube, etc.).

La démarche

Chaque partie est divisée en 5 ou 7 unités (42 en tout). Chacune d'elles a un thème et donc un titre. Par exemple : Moitié-moitié, Les allocations familiales, Le camelot, Le troupeau, Le compte de banque, Une température de fou... et chacune d'elles correspond à un objectif précis. Ainsi, aux titres ci-dessus correspondent : utiliser la calculatrice pour une situation soustractive, lire des tableaux représentant des situations de la vie courante, introduire la connaissance des nombres pairs et impairs, apprendre à soustraire, discriminer une situation additive d'une situation soustractive, mesurer la température...

Pour atteindre chaque objectif une démarche est proposée sous forme d'un scénario d'apprentissage original, propre à L'Arithmétique au jour le jour. Ce scénario qui utilise la résolution de problème de différentes façons doit être connu des apprenants. Ils en suivent les phases grâce aux pictogrammes dans chaque unité d'activité. De plus, ils savent qu'à chaque phase correspondent un certain nombre d'actions susceptibles de les aider à apprendre à apprendre (ils en ont la liste). L'étudiant est donc amené à être actif dans ses apprentissages.

À la suite d'une amorce formulée par le formateur et en rapport avec le thème, on propose un problème qui demande une sérieuse réflexion! C'est lui, en effet, qui amène les apprenants à découvrir ce dont ils ont besoin pour le résoudre. Par exemple, pour Les allocations familiales , ils se trouvent devant un tableau avec les barèmes. Ils doivent s'en servir pour répondre à diverses questions. Ils sont invités à lire le problème, à s'arrêter attentivement sur les informations qu'il fournit, à accorder beaucoup d'importance à sa compréhension. Suivant les unités, on leur propose d'aller plus loin grâce à la manipulation, l'expérimentation, l'exploration, etc. Il leur est aussi recommandé de partager leur démarche avec les autres membres de l'équipe ou du groupe. Les pictogrammes déclenchent les actions précédentes.

Quand le problème donne lieu à une solution exprimée par une phrase mathématique, cela est souligné par un autre pictogramme spécial. Ainsi, les étudiants apprennent à différencier cette partie, à ne pas lui accorder plus d'importance qu'à ce qui précède. Cela est renforcé par l'invitation qui leur est faite de réinvestir leurs apprentissages dans des problèmes identiques (proposés dans l'unité), puis à créer leurs propres problèmes à partir de ce qu'ils vivent tous les jours (le transfert).

Après chaque unité, les apprenants devraient avoir vraiment conscience d'avoir acquis quelque chose d'utile dans leur vie quotidienne. De plus, chaque apprentissage notionnel est réinvesti par la suite dans la résolution d'un problème pratique qui amène à découvrir de nouvelles notions.

Commentaires

Ce document est tout à fait complémentaire à ce qui a été dit dans les deux premières parties du présent guide. Son découpage en unités permet une progression claire et consciente dans les objectifs du programme tout en suivant une démarche très fonctionnelle. Mis au pied du mur, l'apprenant est invité à découvrir les solutions qui lui permettent de sauter par-dessus. Cela avec l'aide du formateur qui pourra varier ses approches suivant les groupes et les contenus des unités.

Mise en garde

Le formateur devra se souvenir de tout ce qui a été dit dans «Les fondements». À savoir, à propos des interférences créées par les connaissances et le vécu de chaque étudiant. Cela peut être en rapport avec les acquis mathématiques (chapitre I), le sens des mots (chapitre IV) et les images visuelles ou verbales stockées en mémoire (chapitre VII). Mais aussi à propos de la micrograduation des apprentissages (chapitre VI).

Il doit être clair que le problème proposé au début de chaque unité est un prétexte à une recherche de stratégies, mais aussi de solutions qui restent encore souvent des notions à explorer et à apprendre. Par conséquent, les adultes ne peuvent être laissés à eux-mêmes pour résoudre ce premier problème. Par contre, le travail d'équipe et de groupe, avec le partage que cela suppose, devrait être très formateur.

Pour aller plus loin

Le fait de découvrir que la résolution de tel problème demande de savoir telle notion, devrait être stimulant. Par exemple, à l'unité 8 Les sous noirs le problème se lit comme suit :

Serge, à la cantine du Centre, paie son orange 17¢. Trouvez toutes les façons possibles de représenter ce montant d'argent. Vous pouvez utiliser des pièces de 1¢, de 5¢ et de 10¢.

L'objectif de cette unité est : «compter des pièces de monnaie et les représenter sous forme de symbole». Les apprenants, dans les unités précédentes, ont appris à lire des prix, à utiliser une calculatrice. H s'agit maintenant d'écrire les symboles que l'on a vus : les chiffres, +, c, et =. On fera en même temps la découverte que

17 = 10 + 5 + 2 = 10 + 7 = 5 + 5 + 5 + 2 =

Le sens du mot égalité pourrait alors leur être montré. D'autant mieux que les autres exercices de cette unité font appel à ce concept. La manipulation qui y est requise s'y prête fort bien.

Signalons encore que lire un problème est aussi un exercice de français. Ce qui ajoute à l'utilité de ce document. Sans compter l'investissement que l'on peut faire, pour chaque thème, dans la rédaction d'une histoire plus longue mettant en scène les personnages et les situations nommés dans les problèmes...

Il ne reste plus qu'à féliciter les auteures Nicole Gagné et Marie Blackburn-Hébert et à souhaiter que les utilisatrices et utilisateurs se servent de leur créativité pour que ce document soit la source de multiples apprentissages vivants.

La sauce à... calculer

Auteurs : JANVIER, Claude (dir.)
Éditeur : Les Productions Bonsaï pour le Regroupement des groupes populaires en alphabétisation et le Service aux collectivités de l'UQAM
Adresse : RGPAQ 5040, boul St-Laurent, Montréal, Québec, H2T 1R7
Téléphone : (514) 277-9976
Télécopieur : (514) 277-2044

Coût :

Présentation : Vidéocassette (VHS) de 28,30 minutes.

Étapes 1 et 2

Dans ce document nous assistons à quelques moments importants de la formation en mathématique d'un groupe de participants autour du thème : «Faire une sauce à spaghetti».

Grâce à ce thème l'intégration de l'apprentissage du français et des math se fait «naturellement». Bien que le vidéo insiste sur l'aspect mathématique, on peut constater que la lecture et l'écriture y sont tout aussi présents.

À chaque moment important, apparaissent à l'écran des messages du genre : «utiliser du matériel à manipuler pour les unités de mesure» «comparer avec l'argent» «accepter la diversité des solutions»... En apparté, ou de vive voix, l'une ou l'autre des formatrices explique l'importance de telle action, la difficulté d'une autre ainsi que leurs surprises et leurs découvertes. Manifestement, expérimenter une telle façon d'enseigner les mathématiques a été une révélation pour elles.

Voici quelques-unes de leurs réflexions :

Il faut partir des participants, laisser le programme de côté. Ce n'est pas parce qu'une personne n'a pas eu la réponse qu'elle n'a pas pensé. La diversité des solutions manifeste la diversité des pensées. Dans un groupe hétérogène on peut les faire travailler par petits groupes.

Mais nous constatons aussi la patience des formatrices qui laissent le temps à chacun de penser, qui n'apportent pas des solutions toutes faites, qui encouragent à se servir du connu pour aller vers l'inconnu et donc à généraliser. Par exemple : «500g divisés en 4 combien ça fait?» Silence... «500$ divisés en 4? Ça fait 125$. Alors...»

Les tasses à mesurer, les litres, les paquets de spaghetti, les légumes permettent de se familiariser avec les mesures. C'est tout le système d'évocation qui est ainsi mis en place. Les solutions par estimation sont utilisées avant le calcul précis. Puis, à l'aide de la calculatrice, on vérifie qu'on ne s'est pas trompé. Et, naturellement, on va vérifier les prix à l'épicerie pour pouvoir ensuite faire de vrais calculs à propos d'une sauce pour 20 personnes. Au fait, combien mettriez-vous de steak haché dans une sauce pour 20 personnes?

Naturellement, tout finit par un bon repas en commun, trois semaines plus tard...

Commentaires

Ce petit film devrait donner du courage et des idées à toute personne que les mathématiques rebutent!

Il est une démonstration de ce que «intégration des matières et intégration du fonctionnel» veut dire. Il est comme un écho de ce qui est présenté dans le présent guide.

En phase d'autoformation, il vous est suggéré de commencer par visionner ce document et, en fin de parcours, de le revoir. Vous y repérerez ainsi tout ce que vous avez acquis au cours de vos lectures et réflexions et tout ce que les formatrices de cette vidéocassette ont encore à acquérir.

Merci aux auteurs et concepteurs de cette vidéocassette ainsi qu'à celles et ceux qui l'animent.

Mathématiques au quotidien

Auteurs : JANVIER, Claude (dir.), LOIGNON, Francine, MAZIADE, Linda, LEFEBVRE, Françoise
Série : Un visa pour l'alpha pop N° 9
Éditeur : RGPAQ Regroupement des groupes populaires en alphabétisation du Québec, 1er trimestre 1995.
Adresse : 5040, boul. St-Laurent, App. 1, Montréal, Québec, H2T 1R7
Téléphone: (514) 277-9976
Télécopieur :(514) 277-2044

Coût :

Présentation : 177 pages trouées à mettre dans un cartable à anneaux.

Étapes 1 et 2

Le contenu

Cet autre excellent document s'adresse aux formatrices et aux formateurs. Il vous donne des stratégies et vous propose des activités pratiques visant les apprentissages de base. La première partie concerne le dénombrement et les 4 opérations. La deuxième intègre les apprentissages dans des projets : Une sortie, Un projet de cantine, Les semences.

La démarche

La vidéocassette La sauce à ... calculer montre comment intervenir en enseignement des mathématiques. Le présent document en est le prolongement. Il se compose de scénarios basés sur différents principes et particulièrement :

«La nécessité de partir de la compétence des adultes et celle de recourir à des modèles de référence connus, dont celui de l'argent», (p.5).

La première partie

Qui dit activité dit manipulation, exploration, recherche en équipe. Il s'agit donc, là aussi, de faire des découvertes à partir d'objets concrets. Chacune des 34 activités (qui ont toutes été expérimentées) est très clairement exposée selon un cadre identique :

  • Objectif de l'activité
  • Difficultés que pose l'activité
  • Activité préalable
  • Matériel nécessaire
  • Déroulement en étapes
  • Durée de l'activité
  • Notes et commentaires (mises en garde, suggestions additionnelles)
  • Observations à faire.

La lecture des «difficultés que pose l'activité» et des «notes et commentaires» est très précieuse.

La façon dont le dénombrement et les opérations sont montrés vise à faire en sorte que les apprenants comprennent ce qu'il en est. La notion de regroupement et la valeur de position sont l'objet de multiples activités dans le but d'acquérir la compréhension de la numération, de l'addition et de la soustraction. Le système de regroupement se fait à l'aide de jetons. On passe par les représentations symboliques

[Voir l'image pleine grandeur]Un grand carré = 100, un plus petit carré = 10, une ligne = 1

et l'utilisation d'abaques.

Les notions de multiplication et division sont approfondies surtout dans le sens de : «à quoi servent ces opérations» et dans des stratégies de découverte et de mémorisation des tables de multiplication.

La deuxième partie

Les projets proposés visent à l'intégration, à l'objectivation de ce qui est vu dans la première partie. Les activités y sont présentées suivant le même schéma. Cependant, il s'ajoute ici des apprentissages mathématiques autres que l'arithmétique. Pour Une sortie ce sera : l'orientation, les points cardinaux, la lecture d'une carte de géographie, les taxes, les rapports, les kilomètres et le mètre.

Le Projet de cantine sert à apprivoiser les gens au système de l'argent et de la monnaie (nombres décimaux), de la vente (prix de revient, profit), des transactions bancaires (livret de caisse, dépôt, chèque) et du maintien d'un commerce (tenue de livres, paiement de factures, achats, inventaire...).

Enfin Les semences est le projet soit de réaliser un jardin communautaire, soit de vendre des plants pour amener des fonds au groupe. Ce doit être tout à fait passionnant et doit contribuer à chasser la morosité de la fin de l'hiver. On y consolide les apprentissages de la multiplication et de la division. Si l'on décide de créer un jardin, on peut investiguer les notions d'échelles, de proportions. Si l'on décide de vendre, on pourra faire le même type de découvertes que pour La cantine.

Commentaires

Voici donc un autre document fort utile. Il est pratique et les formateurs s'y sentiront bien guidés. La lecture des deux premières parties du présent guide est tout à fait complémentaire à ce qui est proposé dans Mathématiques au quotidien.

Le seul point sur lequel je m'interroge est sur la nécessité de passer par les images symboliques

[Voir l'image pleine grandeur]Un grand carré, un plus petit et une ligne

Les raisons en sont que (à mon point de vue), les adultes ont déjà une certaine expérience de ce regroupement par l'argent et que ces symboles sont lourds à gérer en plus d'être un support artificiel. On peut les faire travailler directement sur la valeur de position tel qu'expliqué au chapitre II de ce guide tout en faisant référence à l'argent si besoin est. SOS math donne aussi d'excellentes suggestions (p.58 et suivantes).

Il reste à remercier les auteures de cet ouvrage que tout alphabétiseur devrait aussi avoir dans sa bibliothèque (au moins l'ouvrage!).

Mathématique 3, 4 et 5 - Résolution de problèmes

Auteur : KLASSEN, Wendy; Adaptation, traduction : BRUGNEAU, Jean, GOUTARD, Michel, BRISSON, Julienne
Éditeur: Éditions FM, 1987
Adresse: 1113, avenue Desnoyers Laval, Québec, H7G 1Y6
Téléphone : (514) 324-0712

Coût :

Présentation : Un livret de 62 pages par niveau
Un guide de 16 pages par niveau.

Étapes 1, 2, 3, 4

Bien qu'ils aient été conçus pour des enfants, ce qu'il y a dans ces petits livres n'est pas nécessairement enfantin.

Le contenu et la démarche

Il s'agit de problèmes uniquement. Ils sont rangés selon des chapitres qui mettent en vedette une caractéristique de la résolution de problème. Par exemple : la lecture d'un énoncé (il faut faire attention aux mots), la lecture d'un tableau (comprendre des énoncés en tableau), le choix de l'opération, les données superflues, les données incomplètes, etc..

En même temps, on doit mettre en pratique des notions relatives à la numération et au calcul. Mais cela se fait de façon progressive à l'intérieur de chaque niveau.

Commentaires

Après avoir acquis un certain nombre de notions par le biais d'apprentissages pratiques (que les adultes ont besoin de maîtriser dans leur quotidien), il peut s'avérer fort utile (et moins dramatique) de réinvestir ces connaissances dans la résolution des problèmes posés dans ces petits livres. Grâce à l'auteure, on n'y compte pas des petits lapins!

Ces problèmes représentent une formidable activité de lecture. En effet, ils sont exprimés en phrases complètes et l'on doit en comprendre le sens pour pouvoir répondre à la question. On peut en dire autant pour l'écriture, car il est souvent demandé de répondre par une phrase complète.

On pourrait tout aussi bien utiliser de tels problèmes en cours de route, comme des exercices de consolidation de la notion (objectif intermédiaire) que l'on est en train d'acquérir (toujours en parallèle avec un apprentissage fonctionnel). Donnons un exemple :

Vous étudiez le calendrier. Vous avez constaté qu'il y a 7 jours dans une semaine. Vous en profitez pour compter de 7 en 7 (ce sera très utile plus tard pour comprendre la table de multiplication et la fabriquer). Mais peut-être que vous pourriez investiguer aussi du côté de compter de 2 en 2, de 3 en 3, de 4 en 4... Pourquoi ne pas le faire à l'aide des régularités numériques, où, au niveau 3, on fait compter des objets illustrés mais accompagnés d'un texte. Par exemple (p. 15, exercice 5).

Anita plante 3 fleurs dans chaque pot.
Combien plante-t-elle de fleurs en tout?

[Voir l'image pleine grandeur]7 pots de fleurs

Toujours grâce au calendrier, vous êtes en train de comprendre l'organisation d'un tableau. Vous voulez consolider cet apprentissage. Suivant l'étape à laquelle sont vos apprenants, vous trouverez des problèmes en tableau dans chaque cahier.

Le fait d'utiliser tour à tour les différentes parties de la résolution de problème vous aidera à créer un vocabulaire commun entre vos apprenants et vous à ce propos. De plus, il aidera vos apprenants à se familiariser avec l'idée qu'un problème ce n'est pas juste des nombres avec lesquels il faut jongler.

Ces documents complètent donc parfaitement la super-bibliothèque du super formateur en formation de base... Leur prix modique pourrait dans certains cas en faire un cahier ad hoc pour chaque apprenant (on les sort de l'armoire au moment voulu!). De plus, ils sont réutilisables, les réponses pouvant fort bien s'écrire ailleurs (d'autant qu'il n'y a pas vraiment d'espace pour ça). Toutes les étapes sont couvertes.

Si vous jugez que ces problèmes ne conviennent pas au milieu dans lequel vous œuvrez, ils devraient néanmoins être une source d'inspiration pour vous. Il suffit d'un peu d'adaptation pour que cela fonctionne. Surtout quand il s'agit de compter des objets. On peut compter des sacs de riz plutôt que des biscuits ou des chaises. L'important est d'avoir quelque chose à lire sur quoi on réfléchit en appliquant ce que l'on est en train d'apprendre ou en le découvrant.

Objectifs d'arithmétique en alphabétisation : compétences minimales et […] préalables

Objectifs d'arithmétique en alphabétisation : Les compétences minimales (M) et les compétences préalables (P)

Auteures : COMTOIS-FLEURY, Louise et SAINT-PIERRE, Doris
Éditeur : Gouvernement du Québec, ministère de l'Éducation, Direction de la formation générale des adultes, sept. 1991, no 9192-6060.
Adresse :
Téléphone :
Télécopieur :

Coût :

Présentation : 81/2 x 11. Agrafé

Étapes 1 à 4

Ce document est un outil précieux à plusieurs points de vue.

Le contenu

Tous les objectifs de toutes les étapes, subdivisés en objectifs intermédiaires, s'y trouvent de façon détaillée suivant une progression logique. Chaque page est divisée en deux. À gauche les objectifs intermédiaires, à droite des notes les concernant. Ces notes peuvent être des mises en garde, des exemples d'activités ou des conseils. Elles sont abondantes et judicieuses.

Commentaires

Toutes les suggestions de ce document aideront les formateurs à se sentir beaucoup plus à l'aise avec le programme. Cependant, pour réussir leur coup, ils feront bien de porter les lunettes «approche résolution de problème» pour les activités et d'intégrer la découverte des objectifs intermédiaires dans des objectifs pratiques (fonctionnels) pour qu'ils aient un sens. C'est, par exemple, les procédés utilisés dans les documents Mathématiques au quotidien (2e partie), L'arithmétique au jour le jour.

La micrograduation des apprentissages fonctionnels aide à découvrir les apprentissages notionnels qui s'y font. Cette question traitée dans le présent guide aux chapitres V et XI l'est aussi au chapitre IV de Stratégies... pour une évaluation efficace en formation de base (aussi publié par la Table régionale d'alphabétisation de Montréal).

Note :

Une nouvelle version de ce document paraîtra bientôt comme troisième partie du Guide de formation sur mesure en alphabétisation, dont une édition revue et améliorée doit sortir en 1996 (production même éditeur).

Pense... et compte!

Auteure : BEAUREGARD, Manon
Éditeur : Éditions FM, 1988
Adresse : 1113 avenue Desnoyers Laval, Québec, H7C 1Y6
Téléphone : (514) 324-0712

Coût :

Présentation : 1 Manuel de l'élève, 243 pages, illustrations couleur
1 Guide pédagogique, 359 pages.

Étape 4

Ce manuel didactique s'adresse à des élèves d'âge de fréquentation du secondaire qui n'ont pas les acquis du primaire mais la capacité de réintégrer le cheminement régulier, (p. 7).

Bien que ce matériel porte sur les objectifs du programme mathématique du premier cycle, les retours marqués faits sur certains objectifs du deuxième cycle du primaire, en font un excellent outil d'étude pour des adultes en fin d'alphabétisation. Même si l'on s'y adresse à des «jeunes», les activités proposées sont très fonctionnelles. Un adulte qui suivrait ce programme serait vraiment bien armé pour cheminer, que ce soit dans son quotidien ou pour poursuivre des études secondaires.

Le contenu

Le manuel de l'élève

Il est divisé en 10 chapitres. Chacun d'eux rejoint un objectif grâce à un thème. On s'y occupe d'orientation (lecture de plan, mesure), de statistiques (graphiques simples) de sport (encore des mesures et des nombres à virgule), de consommation et de budget (argent, nombres à virgules), des façons de calculer des Égyptiens (notre numération est pas mal plus facile!), de miroir, de cœur brisé (pour la géométrie plane), d'un demi-mal (les fractions), de météorologie (pour les nombres relatifs) et de terrasses et patios (pour des transformations géométriques).

Chaque chapitre comporte des étapes signalées par des pictogrammes. Ils invitent l'étudiant, tour à tour, à s'exercer, retenir, s'arrêter, utiliser la calculatrice, chercher encore et s'informer (potins, anecdotes, commentaires).

Le guide pédagogique

Il constitue un guide d'enseignement et d'activités. Chaque chapitre contient : une introduction justifiant le thème et son rapport avec l'objectif; une liste du matériel nécessaire; pour chaque partie du chapitre : des activités préalables, le soutien à apporter relativement aux problèmes du livre de l'élève; le réinvestissement à faire plus tard; une bibliographie en rapport avec les thèmes; la solution des problèmes; du matériel complémentaire relatif aux thèmes.

La démarche

Nous devons placer l'élève devant un éventail de situations le plus large possible. Ces situations le feront réagir et l'obligeront à s'ajuster. C'est pourquoi ces situations sont dites «d'apprentissage». L'élève y est mis en situation d'apprendre, (p. 7)

D'autre part, ajoute encore Madame Beauregard :

En faisant le lien entre les diverses situations, on favorise une intégration de plus en plus grande des habiletés, des techniques, des concepts et des connaissances. Et, n'est-ce pas là le rôle de tout apprentissage : créer des liens, tisser un réseau de connaissances? (p. 23).

Le formateur a donc un très grand rôle à jouer. Il doit unifier la matière tout en l'intégrant au vécu des élèves. C'est-à-dire qu'au fur et à mesure que les situations mathématiques et (ou) celles du vécu des élèves se présentent, le formateur se doit de faire des rappels, de créer des liens entre elles. Cela peut être d'une situation mathématique à une autre, d'une situation fonctionnelle à une autre ou d'une situation mathématique à une situation fonctionnelle.

Commentaires

Voici un magnifique matériel pédagogique plein de vie et d'intelligence. Nous avons peu de matériel adapté à des adultes en difficulté en français mais bons en calcul. Celui-ci leur conviendrait parfaitement. En effet, par ses thèmes, les problèmes proposés et le matériel de soutien, il maintient l'intérêt. La motivation à lire devrait s'en trouver renforcée et le savoir lire devenir signifiant.

Les problèmes concrets à résoudre, les manipulations et autres exercices sont tout à fait adéquats pour intéresser des adultes. Même si dans le manuel de l'élève on s'adresse directement à des jeunes, ceci n'est pas un handicap. Après tout, nous avons tous été jeunes! Les questions d'argent, de mesure, d'orientation, etc. sont bel et bien vues sous la forme de problèmes qui peuvent être les nôtres. Et si ce n'est pas toujours le cas, rien n'empêche de réinvestir ses réflexions dans des problèmes dits d'adultes.

Les diverses situations d'apprentissage meubleront les paramètres d'évocation. Et, quand Madame Beauregard parle de «réinvestissement», cela revient à proposer d'aller puiser dans ces paramètres et de les renforcer en faisant faire des liens avec d'autres situations.

Rien n'empêche d'utiliser ce matériel pour faire à la fois du français et des maths. Les thèmes s'y prêtent fort bien.

Ces documents sont adaptés à notre société, à cause des thèmes et de leur contenu. Mais la façon de procéder est applicable partout!

Petits problèmes amusants

Auteur : LARIN, Robert
Éditeur : Éditions de la Paix. 1993
Adresse : 125, rue Lussier, Saint-Alphonse-de-Granby, Québec, J0E 2A0
Téléphone : (514) 375-4765
Télécopieur : Idem

Coût : 6,95$

Présentation : Livre (91 pages)

Étapes 1 à 4

L'enseignement de la mathématique doit moins viser à faire acquérir des connaissances et des habiletés qu'à faire comprendre... (p. 87).

Si on se contentait de développer le sens de la recherche, le goût de la découverte, la capacité d'explorer, d'essayer, de découvrir par soi-même, la compréhension des mathématiques pourrait ensuite s'appuyer sur des structures mentales beaucoup plus solides, (p.89).

Je n'ai pas voulu faire un recueil de problèmes mathématiques. [...] Leur but (des problèmes amusants) est certes de divertir, mais aussi de faire les premiers apprentissages d'une démarche de résolution de problèmes, (p.90).

Ainsi s'exprime Robert Larin, auteur de ce petit livre qui présente 130 petits problèmes. La plupart demandent d'avoir de l'humour, de l'imagination, le sens de la logique et souvent de faire attention au sens des mots.

Quand on en a par-dessus la tête d'avoir réfléchi à des situations et à des considérations très pratiques, il est bon de se détendre et tout aussi formateur de chercher des réponses à des problèmes de ce genre :

114. Quelle était la plus grande île avant la découverte de l'Australie?

115. Des pièces de monnaie sont alignées. Il y a une pièce au centre, deux pièces devant une pièce et deux pièces derrière une pièce. Quel est le nombre minimal de pièces?

107. Pouvez-vous déchiffrer ce message? P / G

106. Une grosse marmotte et une petite marmotte se font chauffer au soleil. La petite est la fille de la grosse, mais la grosse n'est pas la mère de la petite. Pourquoi?

Commentaires

Quand nous disons : «vous n'avez pas bien lu» l'apprenant ne comprend pas ce que cela sous-entend. Ces petits problèmes sont l'occasion de leur démontrer ce que «bien lire» signifie exactement, à savoir «chercher à comprendre le message transmis par les mots». Ce message peut être implicite (faire appel à des connaissances supposées). C'est souvent le cas des énoncés de problèmes. Pour y répondre il faut faire appel à des connaissances acquises. C'est pourquoi il est si important de «lire comme il faut». C'est la recherche des informations (données).

Chaque fois que l'on a à donner la réponse à l'un de ces problèmes amusants, il faudrait la justifier soit à l'aide des informations de l'énoncé soit en faisant utiliser les informations obtenues par la pensée logique. Si les apprenants trouvent eux-mêmes la réponse, il serait excellent qu'ils la justifient aussi. Les quatre problèmes précédents nous serviront d'exemple.

114. La réponse serait différente si le mot «connue» était dans la question. C'était l'Australie, car elle existait même si on ne l'avait pas découverte. Pouvez-vous donner d'autres exemples de choses qui existaient avant leur découverte?

115. Trois pièces. Ici le sens des mots est important; alignées, minimal. Faire une manipulation est sûrement utile. Problème pour construire.

107. G sous P = j'ai soupe. C'est un rébus. Qu'est-ce qu'un rébus? Jeux de phonétique à explorer aussi...

106. On dit une marmotte qu'il s'agisse de la femelle ou du mâle. Une autre bizarrerie de notre langue. On a aussi : hirondelle, baleine et quoi encore? Voilà une autre recherche amusante en vue pour la classe de français. Mais on pourrait faire des catégories de type mathématique : les noms d'animaux qui changent, ceux qui ajoutent un e, ceux qui n'ont pas de masculin (on doit spécifier mâle ou femelle) et ceux qui n'ont pas de féminin...(épervier, lynx). Vous pourriez faire imaginer le même problème avec épervier par exemple. Deux éperviers chassent au dessus de la colline. L'un est le fils de l'autre, mais l'autre n'est pas son père. Pourquoi?

Apprendre à jouer avec les mots, voilà une chose que l'on devrait faire souvent en alphabétisation. D'autant plus que le sens de l'humour ne fait aucunement défaut aux personnes qui ne savent pas lire. Loin de là! Voici aussi la possibilité de construire des évocations et de s'en resservir plus tard.

Il faudrait faire attention au fait que certains problèmes sont moins accessibles que d'autres. Il s'agit de jouer. Pas de se décourager d'avance.

Note. - À la même maison d'édition un autre livre du même type vient de sortir : JEAN, Charles-É, Remue Méninges (6,95$).

Stratégies [...] pour une évaluation efficace en alphabétisation - Guide d'autoperfectionnement et outils

Stratégies d'accueil, de suivi, de planification, de mesure pour une évaluation efficace en alphabétisation - Guide d'autoperfectionnement et outils

Auteure : DU CREST, Florence
Éditeur : Table de concertation en alphabétisation de Montréal
Adresse : C.S. Baldwin-Cartier. Service de l'éducation des adultes et de la formation professionnelle 331 avenue Mimosa, Dorval, Québec, H9S 3K5
Téléphone : (514) 636-4444
Télécopieur : (514) 636-4474

Coût :

Présentation : Cartable contenant le guide (100 pages) des cahiers de bord des tests de classement des tests diagnostiques les objectifs du programme

Étapes : 1 à 4

La Table de concertation d'alphabétisation, Montréal a publié deux autres guides d'autoperfectionnement. Celui-ci (Stratégies... d'évaluation) est un complément essentiel à celui que vous avez en main.

Contenu

Le guide d'autoperfectionnement explique comment utiliser les outils qui l'accompagnent. Ceux-ci comprennent, aussi bien pour les mathématiques que pour le français, la liste des objectifs du programme en formation de base du ministère de l'Éducation du Québec. Cette liste est répartie en quatre étapes et indique clairement les objectifs terminaux de chacune. Ces outils sont aussi :

  • des tests de classement permettant de donner une première idée des acquis de l'adulte que l'on reçoit;
  • des tests diagnostiques permettant de préciser ces acquis dans l'étape où il a été situé;
  • une liste permettant de mieux définir les besoins (désirs) d'apprentissages pratiques de cet adulte;
  • des cahiers de bord, qui décrivent le programme sous une forme très découpée en objectifs intermédiaires.

Le but est de permettre à l'adulte de se rendre compte des apprentissages qu'il fait, si minimes soient-ils.

La démarche

Après avoir expliqué comment obtenir un premier portrait de l'adulte, le guide propose une démarche d'évaluation basée sur le processus d'apprentissage : j'explore, je comprends, j'utilise. Cette évaluation implique l'apprenant et lui explique à quel moment de l'apprentissage il se trouve au lieu de lui mettre une note.

Commentaires

Le présent guide à propos des mathématiques ne comporte ni programme ni grilles d'évaluation. Pourtant, cela vous serait bien utile et même nécessaire! Vous trouverez donc ce complément dans le guide Stratégies d'accueil, de suivi, de planification, de mesure pour une évaluation efficace en formation de base.

Il vous permettra de raffiner encore vos connaissances à propos de l'apprentissage, de devenir des experts en micrograduation et en intégration des matières. Bref, une acquisition indispensable pour votre bibliothèque.

Chapitre XV – Pour en savoir plus : Bibliographie commentée

Par ordre alphabétique des auteurs

AUDY, Pierre, RUPH, François, RICHARD, Marie. La prévention des échecs et des abandons scolaires par l'actualisation du potentiel intellectuel (API). En Revue québécoise de psychologie. Vol. 14 n° 1. 1993.
Les auteurs considèrent que l'effritement du tissu social depuis une trentaine d'années dans la société québécoise a privé les enfants de la disponibilité des médiateurs naturels (grands-parents, parents, fratrie...) qui transmettaient traditionnellement plus de quatre-vingts stratégies de résolution de problème, plus d'une centaine de principes de vie de même qu'une multitude de concepts et d'explications sur le sens de ce qui nous entoure et sur la vie en général [...] de plus en plus d'individus ne possèdent pas les outils de base pour apprendre et profiter de l'enseignement offert.
Vous trouverez dans ce long article un développement sur ce qui précède et des informations précises à propos de l'API. Il y a notamment une analyse des difficultés vécues par l'élève souffrant du syndrome de privation de médiation qui décrit fort bien les adultes analphabètes face à l'apprentissage de l'écrit et du calcul.

BARTH, Britt-Mari. L'apprentissage de l'abstraction, Méthodes pour une meilleure réussite de l'école, Édition RETZ, Paris 1990, 192 pages.
La démarche proposée veut rompre avec un enseignement magistral, qui souvent n'implique pas intellectuellement l'élève et ne lui apporte pas nécessairement un apprentissage significatif. Elle désire aussi inciter les pédagogues à mettre en œuvre des situations d'apprentissage plus variées qui permettent à un plus grand nombre d'élèves de construire leur savoir eux-mêmes tout en leur donnant une formation au raisonnement.

BARUK, Stella. Dictionnaire de mathématiques élémentaires, Seuil, Paris, 1992, 1326 pages.
La page couverture annonce : pédagogie, langue, méthode, exemples, étymologie, histoire, curiosités. C'est bien cela en effet que vous trouverez dans ce document à propos et à partir des mots qui y sont commentés.
Si de nombreux mots ne concernent pas le programme de formation de base qu'importe! Vous trouverez, concernant celui-ci, une foule de renseignements qui vous rendront la mathématique plus vivante, moins ésotérique. Une bonne façon de l'apprivoiser.

COHEN, Elisabeth G. Le travail de groupe, Stratégie d'enseignement pour la classe hétérogène, Les Éditions de la Chenelière, Montréal, 1994, 207 pages.
En formation de base les groupes sont hétérogènes à souhait (plus hétérogène que ça...) La pédagogie de la découverte insérée dans une stratégie de résolution de problème demande souvent de faire travailler les apprenants en équipe. Ce livre, dans lequel s'allient théorie et pratique, est un complément essentiel au présent guide d'enseignement des mathématiques. Le travail de groupe proposé est du type coopératif. Bien que cette façon de faire demande une bonne préparation, les résultats obtenus grâce à elle sont tout à fait positifs. Ce livre décrit les avantages, les pièges à éviter, les stratégies à mettre en place (planification, surveillance, évaluation) les remèdes à apporter (aux comportements antisociaux par exemple).
Même si vous n'avez pas l'intention de mettre en place un tel système dans vos groupes, vous découvrirez dans ce livre une foule de renseignements qui vous seront fort utiles de toute façon dans votre gestion de classe.

DESROSIERS-SABBATH, Rachel. Comment enseigner les concepts, Vers un système de modèles d'enseignement, Presses de l'Université du Québec, 1984, 100 pages.
Vous trouverez dans ce livre de quoi enrichir votre concept des... concepts! De plus, des activités y sont décrites qui, en les adaptant, pourraient être utilisées dans les groupes de formation de base. L'auteure insiste sur l'importance de cette adaptation de l'enseignement du concept au public cible. Cela explique encore une fois pourquoi enseigner à des adultes ce n'est pas comme enseigner à des enfants.

GÉNINET, Armelle. La gestion mentale en mathématique, Application de la 6e à la 2de. RETZ, Paris, 1993, 207 pages.
Ce livre est le témoignage de l'extraordinaire apport possible de la gestion mentale à l'enseignement en général et à l'enseignement des mathématiques en particulier. Bien que les explications de la gestion mentale soient ici supportées par des exemples de mathématiques du niveau secondaire, ces explications sont si claires, si précises, que la lecture en est tout à fait accessible. Tout ce qui se rapporte aux paramètres de l'évocation, au projet, au dialogue pédagogique est précieux pour n'importe quel sujet d'enseignement. Les exemples sont facilement transposables.
D'une présentation visuelle remarquable, cet ouvrage est d'une utilité incontestable pour tous ceux qui veulent avoir une idée de ce qu'appliquer la gestion mentale dans une situation d'enseignement signifie.

GIRODET, Marie-Alix. Calculs écrits et données culturelles; Centre d'éducation permanente internationale (CEPI), Université René Descartes, Paris V, Novembre 1983, 145 p.
Ce document relate des pratiques de calcul mental dans différentes cultures telles que Haïti, la Côte d'ivoire, l'Équateur, le Mali, etc. Ces analyses comparées, nous dit Marie-Alix Girodet, peuvent fournir des éléments utiles aux équipes de chercheurs et de formateurs chargés de concevoir et de mettre en œuvre un programme d'apprentissage du calcul écrit. Si vous vous imaginiez que nos méthodes de calcul sont les seules au monde, ce document vous détrompera!

IFRAH, Georges. Histoire universelle des chiffres. L'intelligence des hommes racontée par les nombres et le calcul, Robert Laffont, Paris 1994, 2 tomes 1043 et 1010 pages.
Tous ceux qui désirent approfondir leur connaissances à propos de la découverte des chiffres seront comblés par ces bouquins qui foisonnent d'informations et d'illustrations. Cela se lit comme un roman. Rien n'empêche de passer par-dessus quelques explications d'ordre un peu trop mathématique! Vous y découvrirez les patientes recherches de nos ancêtres. Votre enthousiasme s'en trouvera accru pour les mieux raconter à vos apprenants!

LA GARANDERIE, Antoine de. Le dialogue pédagogique avec l'élève, Centurion, Paris, 1989, 125 pages.
À l'aide de dialogues réels entre lui et des élèves en difficulté, l'auteur démontre que la pédagogie de la gestion mentale permet, non seulement de discerner la provenance des difficultés de l'élève, mais encore de lui donner les moyens de réussir.
Ces dialogues sont suivis d'une partie intitulée : principes et méthodes du dialogue pédagogique. Un document indispensable pour en savoir plus sur cette question.

LA GARANDERIE, Antoine de. Comprendre et imaginer, Les gestes mentaux et leur mise en œuvre, Bayard éditions, Paris, 1993, 196 pages.
Ce livre est une sorte de somme des travaux de Monsieur de la Garanderie. Toutes ses recherches antécédentes ont été publiées dans plusieurs livres : Les profils pédagogiques, Défense et illustration de l'introspection, Pour une pédagogie de l'intelligence, La motivation, Pédagogie des moyens d'apprendre. Le présent document reprend ces sujets désormais connus et nous fait suivre l'auteur dans sa recherche qui débouche sur une pédagogie de la compréhension et une pédagogie de l'imagination créatrice. Théorie, exemples, propositions voici un document riche d'informations. Cependant, dès la première page, nous sommes prévenus : ... certaines analyses ont un caractère assez technique. Il ne s'agit pas de vulgarisation. En revanche, des exemples soigneusement décrits permettront de retrouver les structures mentales qui les commandent. Un livre à dévorer par petites bouchées. À relire aussi.

LYONS, Robert. 1,00$ + 1/2 =? série de 20 émissions d'une demi-heure chacune, produite par Vidéotron, la télévision communautaire de la Rive-Sud. 5 cassettes VHS.
Robert Lyons s'ingénie à donner vie aux mathématiques. La première cassette est la plus directement utile pour compléter le chapitre VII du présent guide. L'émission 5 : L'histoire des mathématiques donnerait un peu de piquant à ce que vous savez.
Vous trouverez des façons autres d'aborder la multiplication et la division (7, 8) de faire des calculs sur les nombres entiers (15, 16). La finalité de se servir de la résolution de problème vous y est développée (6). Dans l'émission 14 voici : numéro, nombre, la clé du calcul. Les fractions (17 et 18), les relatifs (10), les nombres rationnels (11), l'algèbre (12, 13), le système international (19), et la théorie des ensembles est montré à l'aide d'exemples concrets.
Ces vidéocassettes ne sont pas pour les apprenants. Elles sont pour vous, afin que vous en arriviez à considérer les mathématiques de base comme un jeu. Elles seraient un bon complément pour ceux qui décideraient de refaire leur instruction en mathématique à l'aide de Défi mathématique. Calquer ce qui est dit dans ces documents pour le resservir aux apprenants n'est pas un gage de succès. Il faut, ne l'oublions pas, tenir compte des «interférences» qui ont été nommées dans le présent guide.

RGPAQ Dossier : La place des mathématiques en éducation populaire. Dans Le Monde alphabétique n° 5, Le Regroupement des groupes populaires en alphabétisation du Québec, Montréal, Automne-Hiver 1993, p.21 à 42.
Cinq articles relatent ici les réflexions et les recherches en action dans les groupes populaires depuis 1990. Réflexion de fond de Claude Janvier, interviews de formatrices sur leurs actions, leurs joies, leurs difficultés, leurs trouvailles. Enfin, un article intitulé : L'universalité du calcul : un leurre explique des façons de calculer ailleurs dans le monde. Un minimum à savoir pour ceux qui ont des apprenants immigrés.
La conclusion : les maths c'est super important pour la formation de base.

TAURISSON, Alain. Pensée mathématique et gestion mentale, Pour une pédagogie de l'intuition mathématique, Bayard éditions, 1993, 378 pages.
Voici une autre façon d'expliquer l'utilisation de la gestion mentale dans l'apprentissage des mathématiques de base. Alain Taurisson insiste notamment sur l'importance du langage. Mais il explique aussi comment faire en sorte que l'élève redécouvre les mathématiques. Bien qu'il s'agisse d'enfants dans ce livre, le fait de passer par la gestion mentale permet d'appliquer à des adultes les conseils donnés.

Remerciements

Je dois mille mercis à tous ces adultes, mes élèves, qui m'ont tant appris par leurs interrogations muettes, leur désarroi ou au contraire par leur démonstration de savoir-faire inédits. Grâce à eux, j'ai remis en question mes propres savoir-faire et j'ai fait de joyeuses découvertes à propos de cette arithmétique qui m'était devenue automatique.

Merci aussi à mes collègues, formatrices et formateurs, pour leurs réticences à accepter qu'une soustraction puisse se faire autrement.

Merci à tous ceux dont les travaux et recherches ont contribué à l'enrichissement de ma réflexion.

Merci aux membres de la Table de concertation en alphabétisation de l'île de Montréal de m'avoir fait confiance pour la rédaction de ce guide.

Merci à ceux qui m'ont lue et permis, par leurs questions, d'en améliorer et compléter le contenu.

Merci enfin à celle qui, de mes brouillons, a réussi à faire le beau document que vous avez en main. Que sainte Patience prie pour elle!

Florence du Crest

Crédits

Rédaction
Florence du Crest, consultante en formation

Consultation
Jean Robert Grandpierre, enseignant en alphabétisation

Révision
Marie-Paule Vaillancourt

Traitement de texte
Monique Noël, secrétaire

Supervision
Thérèse Caya
Renée Normandin
du comité Matériel didactique de la Table de concertation en alphabétisation de Montréal.

La production de ce document a été rendue possible grâce au programme des Initiatives fédérales provinciales conjointes en matière d'alphabétisation.

Production de la Table de concertation en alphabétisation de Montréal. Montréal, 1996.


  • * PAQUIN, Lise et OOVAUT PUTTAYUK, Pasha. Article Inuttitut, mathématiques et femmes, p. 283, dans Des mathématiques Autrement, Édition du Remue Ménage, 1994.
  • 1 Héros du «Bourgeois gentilhomme» de Molière.
  • 2 SOLAR, Claudie et LAFORTUNE, Louise (sous la direction de) : Qu'est-ce que les mathématiques ont à apporter à la recherche féministe? Des mathématiques autrement,. Ed. du Remue-ménage, 1994.
  • 3 PATRY, Jean. Guide de formation sur mesure en alphabétisation. ''Le processus d'apprentissage fonctionnel'' DGFA-MEQ, 1992.
  • 4 SÉGUIN, Micheline. Entrevue parue dans l'article L'intégration des mathématiques à l'alphabétisation populaire au carrefour d'éducation populaire de Pointe-St-Charles, no 6, Le Monde alphabétique, Revue du Regroupement des Groupes Populaires en Alphabétisation du Québec (RGPAQ) .1993.
  • 5 LYONS, Michel et Robert. Défi Mathématique, éditions Mondia.