SÉCURITÉ DES FEMMES: DE LA DÉPENDANCE À L'AUTONOMIE

La Boîte à outils du CAFSU

 

Table des matières

Fiche 1.      Historique: la sécurité des femmes dans les villes

Fiche 2.      Causes et conséquences de l'insécurité des femmes

Fiche 3.      Mythes et préjugés: cherchez l'erreur !

Fiche 4.      Les approches d'intervention

Fiche 5       Un modèle global d'intervention

Fiche 6        Les principaux types d'intervenants

Fiche 7.      Activités auprès des femmes

Fiche 8.      Activités auprès des hommes

Fiche 9.      Activités auprès des groupes mixtes

Fiche 10.        Mobilisation de la communauté

Fiche 11.        Aménagement sécuritaire

Fiche 12.        Recherche et politiques

Fiche 13.        Partage et promotion des «Meilleures pratiques»

Fiche 14.        Répertoire du CAFSU

 Cette boîte à outils a été développée par le CAFSU ; elle complète la formation sur la sécurité des femmes offerte dans le cadre du projet «sensibilisation et formation  des intervenantes et intervenants des divers milieux» des trois tables de concertation en matière de violence faite aux femmes à Montréal.              

Conception et réalisation des fiches et de la boîte à outils:

ANNE MICHAUD

Femmes et Ville-Ville de Montréal. Pour le CAFSU

Avec la collaboration de MICHÈLE CHAPPAZ

Contribution :   MICHEL MAGNAN

Tandem Montréal sud-ouest

Membres du comité d'orientation:

ISABELLE BÉLANGER

GENEVIÈVE GOBEIL

Halte-femmes de Montréal-Nord

DORIS MAKHOUL

Centre des femmes de Montréal

ANNE MICHAUD

Femmes et ville-Ville de Montréal- Service du développement social et communautaire.

MICHEL MAGNAN

Tandem Montréal

FRANCE LAMBERT

SPVM

ROSEMARY VOLPE

SPVM

MARYSE DARSIGNY

Coordonnatrice du projet des trois tables

Révision linguistique:  FRANCINE GAGNON

Graphisme :   DIANE HÉROUX

Dépôt légal, Bibliothèque nationale du Québec 2001

Pour information:

CAFSU

CP. 8, SUCCURSALE B MONTRÉAL, QUÉBEC  H3B 3J5

Téléphone (514) 396-3521 Télécopieur (514)280-323O

Courriel: cafsu@qc.aira.com site: www.cafsu.qc.ca

Montréal 2001-2002

Fiche 1.          Historique: la sécurité des femmes dans les villes

 

ANNÉES 70 ET 80:

le rôle pionnier des groupes de femmes

Le 18 septembre 1981, à l'initiative du Regroupement québécois des CALACS (Centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel) et en lien avec les associations canadienne et américaine des centres contre le viol, des milliers de femmes descendent dans les rues de plus de 31 villes pour scander: LA RUE LA NUIT FEMMES SANS PEUR (version québécoise de Take Back The Night). Les femmes présentes y «affirment leur désir de vivre librement, sans peur d'être agressées, sans avoir besoin de protecteurs; ce soir nous marcherons toutes ensemble, Femmes sans peur».

Déjà, les femmes dénoncent les diverses formes de violence commises contre elles (agressions sexuelles, harcèlement, violence domestique) et l'impact de ces violences sur le sentiment de sécurité et la liberté de mouvement des femmes. Mais elles célèbrent aussi les luttes des femmes «pour faire respecter notre espace, prendre notre place et se réapproprier individuellement et collectivement l'espace public».

Dans les années qui suivent, divers événements de sensibilisation marqueront, à chaque troisième vendredi de septembre, la journée d'action contre la violence faite aux femmes. La tragédie de l'École polytechnique en 1989 marquera d'une nouvelle croix le calendrier des événements annuels mettant en lumière la violence faite aux femmes: le 6 décembre.

ANNÉES 90 À MONTRÉAL:

la sécurité des femmes en milieu urbain par le développement du partenariat entre groupes de femmes et instances municipales

À Montréal, en 1988, des citoyennes viennent demander aux élus municipaux de prendre en compte la réalité spécifique des femmes dans ses activités de développement urbain; la Ville de Montréal crée alors le comité Femmes et ville qui, dès 1990, aura pour priorité de mener des actions «Pour la sécurité des Montréalaises». Montréal s'inspire alors d'autres villes canadiennes et européennes ainsi que des chercheuses pionnières de la question de la participation des femmes au développe­ment des villes. Agissant dès le départ en partenariat avec les groupes de femmes et autres organismes communautaires et publics concernés, la Ville publie divers guides visant à promouvoir l'appropriation des lieux publics par les citoyennes ainsi qu'à sensibiliser les intervenants municipaux et les professionnels aux principes de l'aménagement sécuritaire du point de vue des femmes (voir fiche 11). Elle élargit aussi son programme de prévention du crime (Tandem Montréal) pour y inclure un volet sécurité des femmes. Enfin, elle amorce une collaboration avec la Société de transport (STM) pour s'assurer de la prise en compte des besoins des usagères en matière de sécurité lors de l'aménagement de certains terminus.

 

 

En juin 1992, dans les suites de la conférence J'accuse la peur, les instances publiques montréalaises concernées par la sécurité urbaine s'engagent à participer aux travaux d'un comité de travail régional où sont représentés les groupes de femmes et les organismes communautaires. On le baptisera Comité d'action femmes et sécurité urbaine (CAFSU). Ses travaux visent à accroître la sécurité et le sentiment de sécurité des femmes, puisque 2 Montréalaises sur 3 (60%) disent avoir peur de se prome­ner seule le soir même dans leur propre quartier (Sondage Gallup). Le CAFSU réalise depuis de nombreuses activités de sensibilisation, de promotion, de recherche et d'intervention. Parmi ces réalisations, le processus ayant mené à la mise en place du service Entre deux arrêts de la STM a été retenu par les Nations unies comme l'une des «Meilleures pratiques» en matière de développement local en l'an 2000.

À l'extérieur de Montréal, le projet «Aux portes des cités sûres», réalisé par le Développement québécois de la sécurité des femmes et marrainé par l'R des Centres de femmes et le Regroupement québécois des CALACS, a mobilisé une dizaine de municipalités autour de l'objectif de la sécurité des femmes au cours des années 90.

1995-2000:

les comités locaux sécurité des femmes

À la suite de consultations portant sur les priorités montréalaises en matière de santé et de services sociaux, la question de la sécurité des femmes est inscrite en 1995 à l'intérieur de la priorité Violence faite aux femmes de la Régie régionale de Montréal-Centre. Trois comités locaux intersectoriels (Petite Patrie, Plateau Mont-Royal, Montréal-Nord) sont alors formés sur l'île de Montréal. Ils amorcent diverses activités visant à accroître la sécurité et le sentiment de sécurité des femmes. Un quatrième comité local se forme en 2000 (Hochelaga-Maisonneuve), dans le cadre de la Stratégie nationale de prévention du crime du gouvernement fédéral qui comporte un volet de financement spécifique lié à la sécurité personnelle des femmes et des filles.

AN 2000:

Marche mondiale des femmes-Femmes sans peur à toute heure!

Le vendredi 13 octobre 2000, dans le cadre de la Marche mondiale des femmes dont l'une des deux principales revendications porte sur l'élimination de la violence faite aux femmes, le CAFSU et le Comité femmes et sécurité de la Petite Patrie font la promotion des principes d'aménagement sécuritaire du point de vue des femmes, tels qu'appliqués lors de la rénovation des sorties de métro montréalaises. Les orga­nisatrices de la marche de soir reprennent les slogans des années 80: La rue, la nuit, Femmes sans peur, femmes sans peur, à toute heure!, célébrant les pas accomplis depuis, tout en reconnaissant l'étendue du chemin qui reste à parcourir pour que les femmes puissent circuler en toute quiétude dans les rues de leur ville.

Fiche 2.          Causes et conséquences de l'insécurité des femmes

 

 

 

La violence faite aux femmes

La violence faite aux femmes prend diverses formes:

La grande majorité des crimes à caractère sexuel ne sont pas rapportés à la police (seulement 10% environ le sont). L'ampleur réelle du phénomène de la violence faite aux femmes ne peut donc être connue et documentée que par des enquêtes ou sondages menés auprès des femmes elles-mêmes.

La réalité de toutes ces violences commises à l'endroit des femmes ne se retrouve pas dans les statistiques officielles dont se servent les pouvoirs publics et les médias pour établir le niveau de criminalité. L'insécurité ressentie par les femmes est liée au «chiffre noir» de la criminalité, soit toutes les manifestations de violence n'ayant fait l'objet d'aucune plainte officielle.

Facteurs physico-spatiaux qui aggravent l'insécurité vécue par les femmes en milieu urbain:

 

 

 Les inégalités socioéconomiques entre hommes et femmes

Fiche 3.          Mythes et préjugés: cherchez l'erreur !

 

 Les mythes et les préjugés sur l'insécurité des femmes en milieu urbain empêchent souvent les intervenants de saisir les causes et les enjeux réels liés à cette problé­matique. Ils influencent la nature de leurs actions. Les discours dominants sur la sécurité urbaine et la prévention du crime véhiculés par les institutions et les médias ont un impact certain sur l'opinion publique qui reprend à son compte les mythes et les préjugés. De nombreuses femmes intériorisent aussi ce discours même s'il contredit la réalité qu'elles vivent quotidiennement face à la peur du crime et occulte les conséquences de cette insécurité sur leur liberté d'être et de mouvement.

Il est donc essentiel de déconstruire ces mythes et préjugés et de bien en saisir les impacts sur les femmes elles-mêmes et sur les actions posées par les divers intervenants publics et communautaires dans le domaine de la sécurité des femmes et de la prévention du crime en général.

On notera que plusieurs mythes et préjugés visent à démontrer que les femmes n'ont pas raison d'avoir peur. Paradoxalement, l'un des types d'intervention tradi­tionnelle consiste à fournir aux femmes des listes de consignes à respecter pour éviter les agressions.

 ÉNONCÉ N°1

Deux Montréalaises sur trois (60%) disent avoir peur de sortir seules de chez elles le soir. Or, Montréal est une ville sécuritaire.  Les femmes n’ont pas de raison d’avoir peur.

Ce qu'implique cet énoncé pour les femmes: Les femmes sont responsables et victimes de leur propre insécurité (c'est dans leur tête, elles doivent être «ramenées à la raison»). Infantilisation des femmes et invalidation par la société du sentiment d'insécurité des femmes; contribution au manque d'estime et de confiance en soi chez les filles et les femmes. Renforcement de la victimisation et de l'isolement. Discours «sur» les femmes qui sont «l'objet» de l'énoncé.

Ce qu'implique cet énoncé pour les intervenants: Les intervenants doivent travailler à convaincre les femmes qu'elles n'ont pas raison d'avoir peur (en diffusant les statistiques sur la criminalité). Les intervenants sont les experts qui connaissent mieux que les femmes ce qu'elles devraient ressentir et ils doivent leur transmettre cette connaissance.

Cherchez l'erreur: On dit que Montréal est une ville sécuritaire puisque les taux de criminalité y sont moins élevés que dans les grandes villes américaines. Ces taux de criminalité sont établis à partir des statistiques qui compilent les crimes rapportés à la police. Or environ 90% des agressions commises envers les femmes ne sont pas rap­portées à la police (hormis les homicides qui le sont généralement). Les statistiques ne peuvent donc pas refléter à elles seules la réalité des violences que subissent les femmes. Les conclusions qui sont tirées uniquement à partir de ces statistiques occultent l'ampleur des manifestations de la violence faite aux femmes et déforment la réalité. Elles invalident la réalité vécue par les femmes puisque cette réalité n'est pas prise en compte par les méthodes officielles de recensement du crime.

L'incapacité des statistiques officielles à refléter avec justesse la réalité de la violence faite aux femmes et de ses impacts sur le sentiment de sécurité des femmes a fait apparaître la nécessité de trouver d'autres moyens pour aller chercher cette infor­mation (les «chiffres noirs» de la violence faite aux femmes). Ces moyens sont les enquêtes nationales et locales (enquêtes de victimisation avec questionnaires, commissions d'enquêtes, rencontres publiques, sondages, focus groups, marches exploratoires, etc.), tous moyens utilisés pour aller chercher l'information auprès des femmes elles-mêmes et particulièrement les plus touchées d'entre elles.

Les méthodes d'enquête placent les femmes au cœur de l'intervention et c'est la documentation des faits vécus et racontés par les femmes qui devient la réalité à partir de laquelle les intervenants travaillent. Tout ce travail de cueillette place les intervenants dans un rôle d'écoute et par la suite d'accompagnants.

L'utilisation des statistiques doit être combinée aux enquêtes menées auprès des et avec les femmes si l'on veut avoir un portrait qui se rapproche de la réalité et conséquemment orienter avec plus de justesse les actions des intervenants.

 ÉNONCÉ N° 2

Les taux d’insécurité devraient baisser lorsque les taux de criminalité baissent.  Or, même si les taux de criminalité baissent, les femmes ne se sentent pas plus en sécurité.  La peur des femmes n’est donc pas liée à des facteurs objectifs d’incidence de criminalité. Il faut faire connaître les taux de crime pour qu’elles comprennent qu’elles n’ont pas raison d’avoir peur.

Ce qu'implique cet énoncé pour les femmes: Que l'insécurité des femmes n'est pas liée à des facteurs objectifs comme le taux de crime. Que les femmes là aussi n'ont pas raison d'avoir peur. Le discours public invalide encore une fois la réalité de l'insécurité ressentie par les femmes.

Ce qu'implique cet énoncé pour les intervenants: Que les intervenants doivent informer les femmes de la baisse du taux de criminalité et leur démontrer qu'elles devraient donc ressentir moins d'insécurité.

Cherchez l'erreur: Cet énoncé repose sur une conception mathématique du problème qui voudrait par exemple que 10% de viols = 10% de femmes qui craignent le viol. Or si une femme se fait agresser dans une rue qui compte 100 femmes et que les voisins s'en parlent, c'est 100% d'insécurité et non 1% qui sera ressentie par les femmes de cette rue (y compris la peur que les parents des deux sexes ressentiront pour leurs filles). Une agression sexuelle commise sur une femme agit efficacement comme moyen de contrôle social sur les femmes en général. Toutes, par contre, savent depuis l'enfance qu'il s'agit d'une possibilité et cette menace potentielle est un des facteurs du développement du sentiment d'insécurité chez les filles et les femmes. Lorsque les médias font état, sensationnalisme en prime, de la disparition d'une jeune femme, l'insécurité gagne un grand nombre de familles; lorsqu'une femme de plus de 75 ans est assassinée chez elle par une bande de jeunes hommes, cette insécurité se transmet avec force aux femmes âgées qui vivent seules et qui sont exposées aux médias.

 ÉNONCÉ N° 3

Les femmes sont les principales victimes de vol à la tire (vol de sacs à main et porte-monnaie) dans le métro. Si elles se font voler, c'est parce qu'elles ne font pas attention et font preuve d'insouciance. Il faut donc leur dire comment se protéger pour ne pas subir ce type d'agression. De la même façon, les femmes sont les principales victimes : d'agression sexuelle.On dit sou­vent que tes femmes n'ont pas raison d'avoir peur d'être agressées par des inconnus dans les lieux publics puisque la majorité de ces crimes sont commis par des hommes que [es femmes connaissent On leur dit alors qu'elles peuvent circuler en toute quiétude dans les lieux publics. Toutefois, on leur donne des listes de conseils à suivre et si une    agression survient, on considère souvent qu'elles n'ont pas res­pecté ces consignes: (la façon de s'habiller, le lieu, l'heure, etc.).

 Ce qu'implique cet énoncé pour les femmes: Les femmes sont responsables des agressions qu'elles subissent puisque c'est à cause de leur comportement insouciant qu'elles se font voler/agresser. Lorsque les femmes subissent ce type d'agression, elles souffrent en plus d'un sentiment de culpabilité puisqu'elles se disent qu'elles auraient dû agir autrement pour prévenir l'incident.

Ce qu'implique cet énoncé pour les intervenants: Apprendre aux femmes les comportements qu'elles doivent adopter pour ne pas se faire voler/agresser; élaborer des listes de consignes que les femmes devraient respecter. L'intervenant est l'expert qui doit apprendre aux femmes comment se comporter.

Cherchez l'erreur: Par cet énoncé et les actions qui en découlent (consignes à transmettre aux femmes sur la façon de se comporter ou de ne pas se comporter), la responsabilité du crime est attribuée aux femmes et non pas aux agresseurs ni à l'ensemble de la société (on pourrait par exemple faire une campagne qui décrirait le comportement des agresseurs en invitant les gens à se sentir responsables de la sécurité d'autrui). La stratégie des consignes de prévention dirigée uniquement vers les femmes peut augmenter l'isolement et le sentiment de culpabilité des femmes plutôt que de leur faire voir que l'ensemble des membres de la collectivité sont solidaires face aux agressions qu'elles subissent et à l'insécurité qui en découle.

Parce que les femmes se font surtout agresser par des hommes qu'elles connaissent, il est faux d'en déduire qu'elles devraient se sentir plus en confiance avec des inconnus. Les agressions commises par des proches ont un impact certain sur l'estime de soi et le sentiment de sécurité des femmes qui les subissent. Cela augmente aussi leur méfiance envers les inconnus contre lesquels elles ont été mises en garde depuis l'enfance.

 

 ÉNONCÉ N° 4

Les craintes des femmes âgées de sortir seules le soir ne sont aucunement justifiées parce qu'elles ne sont que très rarement victimes d'agressions dans les rues le soir

Ce qu'implique cet énoncé pour les femmes: Invalidation de l'insécurité vécue par les femmes âgées; isolement accru puisqu'elles ne se sentent pas à l'aise d'en parler de peur d'être jugées («C'est dans votre tête, vous n'êtes pas à risque»); infantilisation des femmes âgées («Voyons donc ma petite madame vous n'avez rien à craindre»).

Ce qu'implique cet énoncé pour les intervenants: II faut expliquer aux femmes âgées qu'elles n'ont pas raison d'avoir peur en leur faisant part des statistiques qui démontrent que les femmes âgées ne sont que très rarement victimes d'agressions dans les rues le soir.

Cherchez l'erreur: Les femmes âgées ne sortent pas le soir; elles ne peuvent donc pas être agressées; leur insécurité est liée à une forme de vulnérabilité due à l'âge, à leurs capacités physiques réduites, à leur fréquent isolement et à leur exposition aux médias (télé, journaux): (voir document 3, page 15). L'insécurité grandit donc avec l'âge et est renforcée par l'isolement: moins les femmes sortent de chez elles, plus elles s'isolent, plus elles s'isolent, plus elles ont peur quand elles doivent sortir. Les femmes âgées sont les principales utilisatrices des anxiolytiques, médicaments destinés à apaiser l'anxiété.

La légitimité de leur insécurité doit donc d'abord et avant tout être reconnue si l'on veut travailler avec les femmes âgées dans une démarche qui facilite leur participation à la vie de la collectivité. Les rencontres organisées avec les aînées doivent donner une grande place à l'écoute et au partage d'expérience entre les femmes qui peuvent s'apporter du soutien. Le milieu doit être sensibilisé à la réalité de l'insécurité vécue par les aînées, à ses impacts sur leur qualité de vie et aux gestes que peuvent poser l'ensemble des membres de la collectivité pour accroître le sentiment de sécurité des aînées.

ÉNONCÉ N° 5

L'endroit où les femmes ont le plus peur de se faire agresser sont les stationnements intérieurs. Mais le taux de crimes rapportés y est très faible. Les femmes n'ont donc pas raison d'avoir peur dans ces lieux.

Ce qu'implique cet énoncé pour les femmes:Invalidation du sentiment d'insécurité ressenti par les femmes. La crainte n'est pas fondée sur des facteurs objectifs (les crimes rapportés).

Ce qu'implique cet énoncé pour les intervenants: Les intervenants doivent faire savoir aux femmes que le taux d'agression rapportées dans les stationnements est faible et qu'elles n'ont donc pas raison d'avoir peur. L'intervenant est l'expert qui détient la connaissance et doit convaincre les femmes de l'objectivité des faits pour les rassurer.

Cherchez l'erreur: L'insécurité ressentie par les femmes dans les stationnements intérieurs est directement liée aux facteurs de l'environnement urbain ayant un impact sur le sentiment de sécurité. Les stationnements intérieurs cumulent en général plusieurs des facteurs insécurisants : décor lugubre, isolement, absence de recours à de l'aide en cas de besoin, faible éclairage, bruit des machines de ventilation qui couvrent la voix, possibilités pour un agresseur de se cacher entre les voitures, etc.

La reconnaissance de l'impact de ces facteurs sur le sentiment d'insécurité a donné lieu au développement de «L'aménagement sécuritaire du point de vue des femmes» (voir fiche 11), dans le but d'augmenter le sentiment de sécurité des citadines et de réduire les occasions d'agression.

Fiche 4.          Les approches d'intervention

 

 

Même si un grand nombre d'organismes interviennent au nom de la sécurité des femmes, tous n'adoptent pas la même approche dans leurs interventions. Si certaines de ces approches peuvent être complémentaires, d'autres par contre se contredisent et n'atteignent pas du tout les même cibles. Cela crée une confusion certaine chez les citoyennes qui reçoivent des messages contradictoires de la part des intervenants.

En matière de prévention des agressions par exemple, il existe au moins trois façons différentes d'aborder la prévention des agressions dans notre société1.

Le contrôle de l'agresseur

Ce moyen de prévention prône l'emprisonnement du contrevenant pour l'empêcher d'agresser. Le premier problème avec cette approche est que l'individu doit déjà avoir agressé et doit être poursuivi et trouvé coupable afin d'être emprisonné. Le second est que ceci peut l'empêcher d'agresser à nouveau seulement si on l'emprisonne pour toujours...

Le contrôle de la victime

Cette approche donne aux femmes une foule de «suggestions» sur la conduite à suivre pour éviter d'être agressée. On prohibe certains vêtements (mini-jupes, tenue «sexy»), alors qu'on prône certains comportements (ne pas sortir le soir ou sortir accompagnée, ne pas marcher dans les ruelles, etc.). Cette approche place sur les femmes la respon­sabilité des agressions et de la violence qu'elles vivent et, de plus, les culpabilise. En disant qu'il ne faut pas faire certaines choses, on sous-entend que si une femme est agressée, c'est parce qu'elle n'a pas suivi les consignes. Les règles que l'on donne aux femmes ne sont pas toujours réalistes (ne jamais sortir seule le soir), sont souvent basées sur des mythes face aux agressions, limitent leur liberté et donc leur pleine participation à la société. De plus, cette approche néglige de dire aux femmes ce qu'elles peuvent faire si jamais elles font face à une agression. Enfin, comme il est impossible de suivre toutes les règles, cela risque d'augmenter l'anxiété et l'insécurité.

L'empowerment (renforcement des capacités d'action)

Cette approche se fonde sur le droit des femmes à la liberté de choix, sur l'habileté des femmes à porter des jugements sur leur propre vie et à poser les gestes appropriés en fonction de leur expérience et de leur point de vue. Cette approche préfère proposer des outils de prévention plutôt que des suggestions limitatrices. Les femmes peuvent alors choisir ce qu'elles désirent faire quant à leur sécurité, sans se sentir coupable de leurs choix. La responsabilité d'agir pour prévenir les agressions est ici attribuée à l'ensemble de la société, dont les hommes, et non aux femmes individuellement.

 En adaptant les approches de prévention des agressions à la question de la sécurité des femmes, on peut schématiser deux approches d'intervention qui s'inscrivent dans un continuum qui va de la dépendance à l'autonomie.

 

La sécurité par la dépendance et la restriction

L'approche paternaliste

La promotion de la sécurité et du sentiment de sécurité est faite ici en suggérant le recours à la contrainte, la restriction de la mobilité, la dépendance à la protection d'un homme réel ou virtuel ou de systèmes de protec­tion. La responsabilité des gestes à poser pour réduire l'insécurité est attribuée aux femmes et les stratégies déployées visent le changement de croyances et de comportements de la part des femmes (contrôle de la victime). La validité de l'insécurité ressentie par les femmes n'est pas reconnue et on tentera donc de les convaincre qu'elles n'ont pas raison d'avoir peur (en se basant uniquement sur les statistiques des crimes rapportés).

En utilisant cette approche, on pose-les femmes comme objets de l'intervention où les intervenants sont des experts qui connaissent mieux qu'elles le sujet en question (la sécurité des femmes) et qui doivent, les raisonner en leur présentant des statistiques qui ne reflètent en rien leur réalité.

Par cette approche, on fait aussi des glissements où l'origine de la peur (être victime d'une agression par un homme) est occultée et devient la peur de la rue, la peur du noir, etc. On dit ainsi aux femmes. «Vous n'avez pas raison d'avoir peur de la rue le soir».

On tente de rassurer les femmes en leur donnant des consignes sur ce qu'il convient de faire, de ne pas faire, on accorde peu de place à l'écoute et à la compréhen­sion du phénomène de l'insécurité et de ses diverses manifestations on se place dans un rôle de protecteur où l'on dit quoi faire aux femmes et on [es conforte dans le recours aux solutions qui viennent de l'extérieur. Les femmes se fient donc plus à ce qui est dit par les intervenants qu'à leur propre expérience.

Cette approche contient en elle-même des messages contradictoires puisqu'on donne un grand nombre de consignes de prévention (N'ouvrez pas à des étrangers; faites-vous accompagner le soir; faites enregistrer vos messages par des hommes sur le répondeur) tout en tentant de convaincre les femmes qu'elles n'ont pas raison d'avoir peur.

 La sécurité par l'autonomie et la liberté

L'approche autonomiste (ou d'empowerment)

Cette approche, fondée sur la reconnaissance des inégalités socioéconomiques entre hommes et femmes (rapports sociaux de sexe), considère la violence faite aux femmes comme l'une des manifestations les plus flagrantes de ces inégalités et reconnaît que l'insécurité ressentie par les femmesdécoule de cette violence et de ces inégalités.

Cette approche mise sur les forces et les capacités d'agir des. femmes (empowerment), le développement de leur estime de soi, de leur mobilité et de leur autonomie et ce, dans le contexte d'une démarche collective.

Par cette approche, on reconnaît que les femmes ont raison d'avoir peur et on utilise le sentiment d'insécurité des femmes comme l'indicateur principal dans L'intervention.; Les femmes sont sujets et actrices de l'intervention (par et pour les femmes) et donc

parties prenantes de l'action. Ce sont les femmes qui sont les expertes et non pas les intervenants. Les intervenants jouent un rôle de soutien, d'écoute et d'accompagnement des femmes dans leur démarche

vers ['autonomie. Les femmes sont invitées à trouver les solutions les meilleures pour elles-mêmes et les

conseils de prévention s'ont présentés comme des choix possibles.   

La responsabilité des hommes est un élément important de cette approche qui vise le changement de comportement des hommes pour mettre fin à la violence envers les femmes. L'insécurité des femmes est ainsi vue comme un problème relevant de la responsabilité de l'ensemble des membres de la société.

 

 Fiche 5          Un modèle global d'intervention

 Après plus de dix ans d'activités réalisées à Montréal par l'ensemble des partenaires communautaires et publics concernés, nous constatons que ces activités se répartissent à l'intérieur de plusieurs grandes stratégies et qu'elles forment un tout. Aucune de ces stratégies ne saurait à elle seule répondre à tous les besoins. Elles sont cependant toutes nécessaires si l'on veut qu'un changement réel et durable se produise pour accroître la sécurité et le sentiment de sécurité des femmes en milieu urbain.

Ces stratégies sont donc reliées entre elles et font appel, à chaque niveau, à la collaboration de tous les milieux concernés, qu'il s'agisse des citoyennes et citoyens, des groupes de femmes et des organismes communautaires, des commerces et entreprises, des instances municipales et régionales, du milieu de la recherche ou des divers paliers de gouvernement.

Pour chacune des stratégies développées, le point de référence doit être l'expérience vécue par les femmes en matière d'insécurité et ces dernières doivent nécessairement participer et guider les actions menées par les divers intervenants.

Ces stratégies sont les suivantes:

Partage des «Meilleures pratiques»

Échelles locale, nationale et internationale

Recherche et politiques

Institutionnelles et gouvernementales

Aménagement sécuritaire

Mobilisation de la communauté

Groupes mixtes

Les femmes au centre de l'action

Fiche 6           Les principaux types d'intervenants

Plusieurs types d'intervenants détiennent des mandats en matière de sécurité urbaine et de prévention de la violence faite aux femmes. Ils réalisent ainsi des activités portant sur la sécurité des femmes en milieu urbain.

Voici la liste des principaux intervenants communautaires et publics à Montréal:

 

 

 

 

 

Fiche 7.          Activités auprès des femmes

 

Le CAFSU poursuit les objectifs suivants dans l'organisation d'activités menées auprès des femmes:

Exemples d'activités pour les femmes

Ateliers, rencontres, groupes de discussions

Les rencontres organisées avec des groupes de femmes offrent l'occasion de briser l'isolement de ces dernières en les faisant parler de ce qu'elles vivent en matière d'insécurité, de valider leur expérience, de leur offrir de l'information et de les orienter vers les ressources existantes; également de les inciter à agir individuelle-ment et collectivement afin de développer leur autonomie et leur liberté d'action et d'exercer leur rôle de citoyenne (participation à la vie sociale, publique et politique).

Au terme d'une série de rencontres avec des groupes de femmes de diverses communautés culturelles à Montréal-Nord en 2000, le CAFSU a élaboré un guide d'animation à l'usage des intervenants et intervenantes des divers milieux concernés par la sécurité des femmes. Ce guide propose une marche à suivre pour organiser une rencontre d'une demi-journée et comprend un questionnaire visant à faciliter la prise de parole des participantes ainsi qu'à orienter la discussion sur des actions concrètes pouvant être posées par les femmes elles-mêmes et l'ensemble des membres de la collectivité.

Cours d'autodéfense pour femmes

Dans ces cours, les femmes apprennent des techniques pour se défendre verba­lement et physiquement en situation d'agression. Il existe plusieurs cours de durée et de contenu variables. Depuis deux ans, le CAFSU répertorie et évalue les cours d'autodéfense dispensés sur l'île de Montréal. Les résultats de cette enquête ont été diffusés en 2001 et des recommandations faites aux femmes pour guider leur choix parmi les cours offerts.

 

 

Les marches exploratoires sur la sécurité des femmes

Cette activité vise à mobiliser les femmes par petits groupes (8 à 12 maximum) pour évaluer la sécurité des lieux publics ou des milieux de travail. Puisque ce sont les femmes qui vivent le plus l'insécurité jusqu'à s'empêcher de sortir le soir, ce sont elles qui sont aussi les mieux placées pour identifier les facteurs de l'environnement urbain qui ont un impact sur le sentiment d'insécurité et sur la sécurité des personnes. Les hommes sont invités (deux ou trois) à se joindre au groupe pour mieux com­prendre les perceptions des femmes en matière d'insécurité et ainsi être sensibilisés à cette réalité.

Le groupe utilise un questionnaire (Guide d'enquête sur la sécurité des femmes en ville) pour consigner ses observations et recommandations qui seront par la suite transmises aux divers organismes responsables. Le questionnaire permet d'identifier des correctifs à apporter à l'environnement urbain à partir des six grands principes de l'aménagement sécuritaire du point de vue des femmes (voir fiche 11). Le suivi de la marche exploratoire visant à s'assurer que les correctifs soient apportés est crucial.

La marche exploratoire a parfois été déviée de son esprit fondamental qui est de placer les femmes au centre de l'action, comme participantes et animatrices, et d'identifier des améliorations à apporter à l'environnement urbain. Lorsqu'un interve­nant masculin anime le groupe pour «montrer aux femmes les endroits dangereux», les objectifs même de l'activité sont détournés de leur sens (et s'inscrivent alors dans l'approche paternaliste-voir fiche 4).

Le fait de voir que des changements concrets sont effectués à la suite de leurs demandes prouve aux femmes qu'elles peuvent avoir une influence réelle sur l'aménagement et l'organisation de leur milieu de vie. Cela peut les amener à se sentir plus concernées par les décisions prises par les pouvoirs publics et à exercer pleinement leur citoyenneté.

Fiche 8.          Activités auprès des hommes

 

Les activités de sensibilisation et d'information auprès des hommes répondent à l'objectif de responsabilisation des hommes face à la violence faite aux femmes. Elles visent la remise en question des attitudes et comportements dévalorisants et violents à l'endroit des femmes. Elles proposent également la recherche d'alterna­tives au modèle du protecteur pour soutenir les femmes dans une démarche visant à accroître leur sentiment de sécurité et leur autonomie.

Voici quelques exemples d'actions réalisées.

Le nom des hommes contre la violence faite aux femmes (1993-1995)

Mise sur pied par Tandem Montréal dans la foulée de la campagne du CAFSU «Et si 2 millions de femmes et d'hommes décidaient de s'allier? Pour la sécurité des femmes en ville», la campagne du nom des hommes visait à sensibiliser et surtout à responsabiliser les hommes en regard de la violence faite aux femmes sous toutes ses formes. Dans le cadre de la campagne, les formes suivantes de violence avaient été mises en évidence: le regard, la parole, le geste et la colère.

La campagne comprenait deux étapes. La première, la distribution d'un dépliant d'information sur la problématique de la violence faite aux femmes, ce que les hommes font, consciemment ou non, pour contribuer à cette violence et ce qu'ils peuvent faire afin de s'associer à une démarche visant à éliminer toute forme de violence. La seconde, la signature de la déclaration Le nom des hommes contre la violence-Un engagement à refuser la violence faite aux femmes. Il était essentiel à la démarche que les signatures apparaissant sur la déclaration soient celles d'hommes ayant été minimalement sensibilisés au rôle qu'ils doivent jouer dans l'élimination de la violence faite aux femmes. Il ne s'agissait donc pas d'une simple pétition.

Plus de 20 000 signatures ont été recueillies. Des centaines d'hommes (dont plusieurs de Tandem Montréal) ont pris connaissance du rôle qu'ils devaient jouer. Par contre la démarche a connu un essoufflement marqué en fin de campagne et n'a pas vraiment abouti. Il aurait peut-être fallu fixer les objectifs autrement. Il était également difficile d'affirmer sans hésitation que tous les signataires étaient adéqua­tement sensibilisés et partageaient vraiment les buts visés. Malgré cela, le résultat de la démarche fut très positif dans son ensemble.

 

La campagne du ruban blanc

 

La campagne du ruban blanc a été lancée en 1990 par un élu municipal de Toronto afin de marquer le 1er anniversaire de la tragédie de l'École polytechnique. Initialement axée sur l'aspect de la commémoration de l'événement, la campagne du ruban blanc s'est rapidement transformée en un mouvement d'hommes à travers le Canada; depuis 1999, le Réseau des hommes proféministes européens s'est joint à la campagne.

Les objectifs de la campagne du ruban blanc sont les suivants:

 

Fiche 9.          Activités auprès des groupes mixtes

 

L'organisation d'activités portant sur la sécurité des femmes auprès de groupes com­posés d'hommes et de femmes (ou de garçons et de filles) permet de sensibiliser les hommes à l'expérience différente que vivent les femmes face à l'insécurité et aux impacts de cette insécurité sur leur mode de vie. Les hommes sont parfois plus sensibles à la réalité vécue par des femmes qu'ils connaissent (mères, conjointes, sœurs, filles, collègues, camarades d'études, amies). Par exemple, lors d'une forma­tion sur la sécurité des femmes, de jeunes intervenants ont appris avec étonnement que leurs consœurs du même âge vivaient diverses contraintes face à l'insécurité qu'elles ressentaient (ex: dormir les fenêtres fermées en pleine canicule par peur d'une intrusion, s'empêcher de sortir le soir, etc.) et avaient, plusieurs d'entre elles, vécu divers types d'agression (harcèlement sexuel, exhibitionnisme).

Cette sensibilisation peut s'accompagner d'échanges visant à déterminer quel type de collaboration peuvent apporter les hommes face à cette problématique, non pas comme protecteurs (Je vais t'accompagner dans tous tes déplacements) mais en jouant un rôle de soutien (Qu'est-ce que je peux faire pour t'aider?).

Divers exercices et jeux de mise en situation ont été créés pour favoriser ce type d'échange entre hommes et femmes (voir J'accuse la peur).

Il peut être aussi pertinent d'organiser de telles rencontres dans les milieux de travail, le voisinage, à l'école, dans le cadre de cours du soir, etc. Les formations sur la violence dans les relations amoureuses chez les jeunes qui sont données dans les écoles et auprès des organismes jeunesse sont de très bons exemples d'activités à mener auprès d'un public mixte. Elles devraient toutefois aussi intégrer la dimension des conséquences de cette violence sur le sentiment de sécurité des adolescentes.

 

Fiche 10.        Mobilisation de la communauté

 

 

Les activités de mobilisation de la communauté répondent à l'objectif visant à déve­lopper chez l'ensemble des membres de la collectivité le sens d'une responsabilité commune partagée face au phénomène de l'insécurité des femmes. Voisins, com­merçants, intervenants publics, chauffeurs d'autobus et de taxis, travailleurs, citoyens circulant dans les rues de la ville peuvent apporter leur contribution pour accroître la sécurité et le sentiment de sécurité des femmes.

Voici quelques exemples d'activités de mobilisation de la communauté:

La campagne du CAFSU :

«Et si 2 millions de femmes et d'hommes décidaient de s'allier pour la sécurité des femmes en ville? Tout le monde y gagne!»

En 1993, le CAFSU lance une vaste campagne visant à sensibiliser l'ensemble de la population du territoire de l'île de Montréal à l'importance de développer une solidarité sociale pour accroître la sécurité et le sentiment de sécurité des femmes. Les hommes sont particulièrement interpellés comme alliés potentiels dans cette démarche de responsabilisation de l'ensemble des membres de la communauté. Plus de 60 000 dépliants sont distribués auprès de la population et 6 000 affiches géantes sont apposées dans les lieux publics, abribus et stations de métro.

«Ici vous êtes entre bonnes mains»,

«Ici la sécurité des femmes nous tient à cœur»

et «Réseau commerçants-secours»

«Ici vous êtes entre bonnes mains» a été développé par le bureau Tandem Montréal Ville-Marie à titre de projet pilote dans le secteur délimité par les rues Saint-Laurent, Sainte-Catherine, des Pins et Berri. Depuis ce temps, le projet a été repris dans plusieurs secteurs de la ville de Montréal; il a été adapté pour le quartier Plateau Mont-Royal sous la bannière «Ici la sécurité des femmes nous tient à cœur», dans le cadre des activités du comité local sécurité des femmes «J'aime le Plateau, c'est sûr!». Le comité pour la sécurité des femmes de Montréal-Nord l'a aussi repris sous la bannière «Réseau commerçants-secours».

Le projet a comme objectif principal de sensibiliser les propriétaires de commerces et leurs employés à la sécurité des Montréalaises à l'intérieur et à l'extérieur de leurs établissements. Le projet cherche donc à encourager le civisme chez les employés en les invitant à venir en aide aux personnes qui sont inquiètes de leur sécurité; parallèlement, il incite les femmes qui se sentent en danger sur la rue ou dans un lieu public à demander de l'aide aux employés des commerces avoisinants.

 

 

Les commerçants sont donc invités à offrir l'accueil et de l'aide directe en écoutant la demande de la femme; à évaluer la situation et à contacter le 911 si cela est nécessaire; à prendre en considération ce que la personne veut faire et non à imposer des moyens; à proposer des pistes de solutions au besoin.

Les conseillers et les conseillères de Tandem Montréal sont disponibles pour offrir une courte sensibilisation aux employés et propriétaires des commerces participants. Une fois cette formation complétée, un autocollant est apposé sur la porte du commerce et près de la caisse enregistreuse afin de rendre très visible son appui au projet. À Montréal-Nord, le comité sécurité des femmes a produit un dépliant où chacun des commerces participants est indiqué sur un plan.

Fiche 11.        Aménagement sécuritaire

 

L'aménagement sécuritaire du point de vue des femmes: tout le monde y gagne!

L'introduction du concept d'aménagement sécuritaire à Montréal a pris naissance au début des années 90 dans le cadre des activités du programme Femmes et ville de la Ville de Montréal. S'inspirant d'expériences menées ailleurs, notamment à Toronto, la Ville publie en 1993 le Guide d'enquête sur la sécurité des femmes en ville, guide ayant servi depuis à la réalisation de centaines de marches exploratoires dans les quartiers montréalais.

On y explique les grands principes de l'aménagement sécuritaire selon les femmes et on invite les citoyennes à identifier les correctifs devant être apportés à leur en­vironnement (extérieur ou intérieur) afin d'accroître leur sécurité et leur sentiment de sécurité. Puisque ce sont les femmes qui souffrent le plus de l'insécurité (quatre fois plus que les hommes), ce sont elles qui sont les plus sensibles à ces différents facteurs (éclairage inadéquat, recoins, secteurs déserts, absence de secours, etc.).

Le handicap de l'insécurité devient paradoxalement une expertise que les femmes détiennent et dont l'ensemble de la population pourra bénéficier. Ainsi, une ville sécuritaire pour les femmes et grâce aux femmes sera une ville sécuritaire pour tout le monde!

 

POUR APPLIQUER LES PRINCIPES

Guides d'aménagement sécuritaire et partenariat

Par la suite, la Ville de Montréal élabore des grilles et guides d'aménagement sécuritaire à l'usage des professionnelles et des professionnels de l'aménagement (architectes, ingénieurs, urbanistes, architectes-paysagistes) et des organismes intéressés à voir à l'application de ces principes lors d'aménagements réalisés dans les parcs, places et espaces publics. En 1994 sont donc publiés le Guide d'aménagement sécuritaire des stationnements et le Guide d'aménagement sécuritaire des ensembles résidentiels. Un guide (document interne) qui porte sur l'aménagement des terminus d'autobus est aussi produit pour la STM.

Parallèlement à ce travail de développement des principes et des critères d'amé­nagement, divers partenaires montréalais, dont les membres du Comité d'action femmes et sécurité urbaine (CAFSU), adhèrent au concept. Ils en font la promotion dans le cadre d'une vaste campagne de sensibilisation réalisée en 1994 et qui porte sur la sécurité des femmes. Par la suite, ce sont les partenaires réunis au sein des comités locaux sécurité des femmes (Petite Patrie et Plateau Mont-Royal) qui les reprennent à leur compte pour s'assurer de leur intégration lors de la rénovation des stations de métro en 1997-1998. Cette participation des organismes du milieu et des citoyennes à la confection des plans d'aménagement des métros se solde par des réalisations très remarquées: grandes surfaces vitrées pour «voir et être vue», nombreux téléphones éclairés pour «obtenir du secours», signalisation bien visible pour «savoir où l'on est et où l'on va», etc. Ces améliorations contribuent non seule­ment à réduire les occasions d'agressions, à augmenter le sentiment de sécurité mais aussi à rehausser la qualité de ces ouvrages publics. Le programme Tandem Montréal a aussi contribué au cours des dernières années à l'application des principes de l'aménagement sécuritaire dans le cadre de projets locaux de réaménagement.

Les perspectives: diffusion des outils et formation

Afin de s'assurer de la diffusion du concept d'aménagement sécuritaire tant auprès des professionnels que de la communauté, la Ville de Montréal publiera en 2001 le Guide pour un environnement urbain sécuritaire qui reprend les principes de l'aménagement sécuritaire du point de vue des femmes et en illustre l'application pour divers types d'espaces urbains.

Pour en assurer la diffusion et favoriser le développement de la pratique sur l'île de Montréal, le CAFSU organisera en 2002 un séminaire de formation à l'usage des gestionnaires et professionnels municipaux ainsi que des organismes intéressés, en collaboration avec les facultés d'urbanisme d'universités montréalaises. Cette formation sera aussi donnée dans le cadre d'un séminaire international sur la sécurité des femmes en 2002 à Montréal.

 Fiche 12.               Recherche et politiques

 

 

Les gouvernements et les institutions publiques ont un rôle fondamental à jouer pour accroître la sécurité et le sentiment de sécurité des femmes en milieu urbain. Diverses mesures peuvent être prises, comme l'adoption de lois, de politiques et de programmes, tant à l'échelle nationale que municipale.

Les activités de recherche permettent de documenter la problématique de la sécurité des femmes et d'orienter les politiques devant être mises en place par les institutions publiques. À titre d'exemple, en 1996, le Comité d'action femmes et sécurité urbaine (CAFSU) menait une «enquête sur le développement de politiques institutionnelles visant à prévenir le sentiment d'insécurité et la violence faite aux femmes sur le territoire de la CUM». L'objectif était de connaître les politiques, programmes et projets mis en œuvre par les institutions montréalaises (réseau de la santé et des services sociaux, municipalités, établissements d'enseignement, syndicats, etc.) dans ce domaine et à développer des pistes d'action pour ces mêmes institutions. L'enquête visait à répertorier les mesures suivantes:

Politiques d'aménagement sécuritaire

À la suite de cette enquête, diverses priorités d'action se sont imposées, dont celle de documenter l'insécurité des travailleuses à domicile du réseau de la santé et des services sociaux, particulièrement dans le cadre du virage ambulatoire où les femmes se trouvent en première ligne des soins à domicile. Une étude exploratoire a donc

été menée entre 1997 et 1999. Au terme de l'étude, plusieurs recommandations ont été faites aux diverses institutions concernées tels le ministère du Travail, les CLSC, les régies régionales, les municipalités, les organismes communautaires, etc. Cette étude a par la suite été reprise dans d'autres CLSC pour poursuivre le travail de docu­mentation et de mise en place de mesures visant à assurer la sécurité des employées du réseau.

Le travail de recherche combiné à la sensibilisation des instances publiques, au lobby politique et à la formation des intervenantes et intervenants sont donc des ingrédients indispensables à la mise en place de mesures susceptibles d'accroître la sécurité et le sentiment de sécurité des usagères et des employées des diverses institutions. Le partenariat entre les groupes de femmes, les organismes communautaires, les pouvoirs publics et le milieu de la recherche facilite grandement ce type de travail, pour le bénéfice de toutes et de tous. Le recours à des méthodologies rigoureuses permettant de connaître la réalité vécue par les femmes en matière d'insécurité est particulièrement important étant donnée la nature qualitative de ce type d'études. Il facilite aussi l'établissement de comparaisons entre divers quartiers et villes lorsque les méthodologies utilisées sont les mêmes.

 

 

Le choix des services donnés à la population découle habituellement des orientations et politiques des institutions responsables. Ces politiques peuvent aussi être mises en place suite aux demandes des citoyennes et citoyens qui font directement valoir les besoins de leurs membres et usagères. Les mécanismes de partenariat entre groupes de femmes et institutions publiques peuvent faciliter cette prise en compte des besoins des femmes dans l'organisation des services publics. C'est ainsi que grâce à ce type de partenariat, les Centres de femmes à Montréal ont obtenu l'appui de l'ensemble des membres du CAFSU qui a défendu et obtenu la mise en place du service Entre deux arrêts de la STM permettant aux femmes et aux filles de descendre entre deux arrêts réguliers le soir pour se rapprocher de leur destination. Dans le même ordre d'idées, une recherche menée à Los Angeles (États-Unis) ayant établi le lien entre la localisation des arrêts d'autobus et la commission d'agressions a conduit à la relocalisation de certains arrêts par la Société de transport en commun.

Fiche 13.         Partage et promotion des «Meilleures pratiques»

 

 Les principaux moyens de partage, de mise en commun et de diffusion des activités sont:

Au cours des dernières années, les intervenantes et intervenants de divers milieux œuvrant dans le domaine de la sécurité des femmes ont exprimé le besoin de partager leurs pratiques et de s'inspirer de celles des autres partenaires, en vue d'éviter les dédoublements et de maximiser les actions. Ce partage vise aussi la promotion des «Meilleures pratiques», tant à l'échelle montréalaise qu'aux échelles québécoise, cana­dienne et internationale. De multiples réseaux sont actuellement en développement pour favoriser la meilleure diffusion possible des expériences.

Répertoires

À l'échelle montréalaise, le Comité d'action femmes et sécurité urbaine (CAFSU) a publié en 2001 un répertoire des activités réalisées par l'ensemble des intervenants commu­nautaires et publics sur le territoire de l'île de Montréal en matière de sécurité des femmes. Ce répertoire se trouve dans la Boîte à outils «Agir ensemble pour la sécurité des femmes». On pourra aussi le consulter sur le site du CAFSU (www.cafsu.qc.ca).

SÉMINAIRES, COLLOQUES, CONCOURS, ÉVÉNEMENTS SPÉCIAUX À l'échelle montréalaise

 

 

À l'échelle internationale

En 1998, la journée mondiale de l'Habitat organisée par les Nations unies portait sur le thème «Safer Cities»; cet événement a permis de faire la promotion de l'expertise et des réalisations montréalaises (implantation du service Entre deux arrêts et intégration des critères d'aménagement sécuritaire du point de vue des femmes à la rénovation des stations de métro).

En 2000, dans le cadre du concours «Our best practices» organisé par la Commission Huairou, réseau international de groupes de femmes lié aux Nations unies, la sécurité des femmes était l'un des critères du concours; le CAFSU y a déposé sa candidature pour la mise en place du service Entre deux arrêts de la STM; le projet a été retenu et le CAFSU a été invité à présenter le processus ayant mené à l'instauration du service lors des rencontres de l'Académie internationale des groupes de femmes (GWIA) qui s'est déroulée en Allemagne en juillet 2000. La candidature du CAFSU pour la mise en place du service Entre deux arrêts a aussi été déposée dans le cadre du concours des «Meilleures pratiques» d'Habitat (Nations unies); le projet a été retenu dans les 40 fina­listes (sur 695 projets déposés) et a fait l'objet d'articles dans des revues internationales.

Dans les suites de collaborations développées avec le programme Femmes et ville de la Ville de Montréal, le Forum européen de la sécurité des femmes a développé le programme Sécu.Cités femmes; ces échanges ont donné lieu à l'organisation de marches exploratoires dans les six villes participant au programme et à l'organisation d'un séminaire intitulé: L'approche différenciée par sexe est-elle pertinente en matière de sécurité urbaine?à Francfort en octobre 1999. Une mission de formation dispensée en Afrique du Sud en 1999 à la demande des Nations unies a aussi donné lieu à l'adaptation des marches exploratoires dans le contexte de pays africains anglophones et francophones.

En décembre 2000, le Forum de la Sécurité et de la Démocratie (Europe) a organisé un colloque international à Naples, sur les thèmes des villes et de la violence, la gou­vernance et la sécurité urbaine et les réponses de la société civile. La contribution montréalaise à cet événement (programme Femmes et ville de la Ville de Montréal et CAFSU) s'est faite par la conférence d'ouverture du volet «violence et villes des femmes» (voir document 33). La question de la sécurité des femmes dans les villes fait l'objet d'un intérêt grandissant à l'échelle internationale, particulièrement dans le cadre du suivi des engagements pris par les pays membres des Nations unies au Sommet des villes (Habitat II) en 1996. Dans le cadre de leur campagne mondiale sur la gouvernance urbaine, les Nations unies ont retenu ce thème parmi les priorités.

L'organisation à Montréal d'un séminaire international sur la sécurité des femmes est prévue en mai 2002, en marge d'un important congrès de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) portant sur la prévention des traumatismes (violences, suicides, accidents, sécurité dans les milieux de vie).

Fiche 14.        Répertoire du CAFSU

 On peut obtenir des exemplaires du répertoire auprès du CAFSU (514)396-3521 cafsu@qc.aira.com ou le consulter sur www.femmesetville.org

 Ce répertoire d'activités en matière de sécurité des femmes a été réalisé par le Comité d'action femmes et sécurité urbaine (CAFSU) dans le cadre de ses activités régionales de concertation, de promotion et de soutien des intervenants commu­nautaires et publics montréalais.

Il vise à faire la promotion des pratiques et des connaissances dans ce domaine, à favoriser les échanges entre les organismes concernés et à susciter la cohérence des actions menées auprès des collectivités.

Le répertoire est divisé en plusieurs catégories et sous-catégories qui reprennent celles des fiches de la présente Boîte à outils:

 

 

Activités auprès des femmes

Activités auprès des hommes

Activités auprès des groupes mixtes

Mobilisation de la communauté

 Aménagement sécuritaire des lieux publics

Recherche et politiques institutionnelles

Partage et promotion des meilleures pratiques

 

 

 

 

Agir ensemble

pour la sécurité des Montréalaises!

Tour commenté en autobus portant sur les réalisations des partenaires montréalais en matière de sécurité des femmes et sur le rôle des femmes dans l'histoire de Montréal.

Ce circuit été élaboré dans le cadre du 1er séminaire international sur la sécurité des femmes Tisser les liens, tenu à Montréal du 9 au 11 mai 2002. (www.femmesetvilles.org)

Il s'adresse à tous les intervenants publics et communautaires concernés par la sécurité des femmes et la participation des citoyennes aux activités visant à:

- améliorer l'environnement urbain afin d'accroître la sécurité et le sentiment de sécurité des femmes et de l'ensemble de la population;

- mobiliser la communauté pour contrer l'insécurité et la violence faite aux femmes.

Pour compléter l'information transmise pendant la visite, vous pouvez consulter les fiches de la «Boîte à outils du CAFSU» (disponibles aussi en anglais et en espagnol).

Bonne visite!

 

 

Circuit

 

 

Le circuit est également offert au grand public sur demande, en français, en anglais ou en espagnol.

Pour information :

L'Autre Montréal

(514) 521-7802

autrmtl@cam.org

CAFSU

(514) 396-3521

cafsu@qc.aira.com

www.cafsu.qc.ca

Femmes et ville/Ville de Montréal

anmicho@ville.montreal.qc.ca

1 Cooper, Sally 1991, New strategies for free children: Child abuse prevention for elementary school children, Colombus Ohio; National Assault Prevention Centre.