Un outil de réflexion qui s'adresse à toute personne soucieuse d'améliorer ses pratiques d'intervention sociale.
Le film et le guide d'accompagnement ont été produits par le CEDA, Comité d'éducation aux adultes de la Petite-Bourgogne et de St-Henri, en collaboration avec l'École de travail social de l'UQAM et grâce au support financier des Initiatives fédérales-provinciales conjointes en matière d'alphabétisation (IFPCA).
2515, rue Delisle, Montréal (Québec) H3J 1K8
Mai 2006
Le kit comprend un film sur DVD de 31 minutes ainsi qu'un guide d'animation portant sur le film (incluant une mise en situation).
La relation entre les intervenantes sociales1 et les personnes qu'elles rencontrent, souvent issues d'une culture différente de celle de l'intervenante (ici le cas utilisé est celui de la culture populaire); les effets (négatifs) des attitudes «culturocentristes» dans l'intervention; des pistes de solution pour améliorer l'intervention.
L'outil s'adresse tout d'abord aux intervenantes qui souhaitent améliorer leur pratique et aux futures intervenantes : étudiantes et stagiaires en travail social et en intervention collective. Il vise de façon générale toute personne qui est ou sera amenée à intervenir, dans le cadre de son travail, sur les conditions de vie d'autrui.
Amener les intervenantes et futures intervenantes à réfléchir à l'impact de leur appartenance culturelle sur :
De façon générale : augmenter le niveau de sensibilité à la question culturelle autre que ethnique.
Approche qui s'appuie sur l'interprétation que font les personnes de leur situation.
Le film relate une rencontre entre une intervenante et des personnes de milieux populaires (en démarche d'alphabétisation), les réflexions et prises de conscience que cette rencontre a entraînées chez l'intervenante et ses efforts pour améliorer sa pratique.
Le film, en format DVD, est d'une durée de 31 minutes.
À la page d'accueil du document DVD, vous trouverez cinq icônes. Le premier est le «Film complet». Les quatre autres icônes sont les sections du film représentant chacun de ses quatre thèmes principaux :
Vous pouvez donc revenir sur un thème particulier puisque chacun peut être sélectionné directement.
Le guide d'animation est partagé en trois parties principales.
La première partie contient des questions liées au contenu, présentées selon ses quatre thèmes. Ensuite, la section intitulée «Oui, mais...» se veut un outil pour aider le formateur ou la formatrice à répondre à des questions litigieuses qui pourraient survenir.
Le guide contient ensuite des suggestions d'activités pour approfondir le thème du culturocentrisme, suivies d'exemples de situations perçues comme des problèmes par des intervenantes alors que les personnes qui vivent ces situations en ont une interprétation différente.
Suivent enfin quelques données complémentaires sur l'analphabétisme.
Vous pouvez donc mettre l'accent sur la compréhension du contenu du film, sur un thème plus particulier, sur la question du culturocentrisme ou encore sur celles liées à l'analphabétisme, dépendam-ment de vos besoins et intérêts.
L'animation liée au film peut être d'une durée d'une demi-heure ou d'une journée, en fonction de l'utilisation que vous en ferez.
Voici quelques suggestions d'activités préalables au visionnement du film. Si vous choisissez d'utiliser une de ces activités, nous suggérons d'y faire un retour à la fin de la formation : y a-t-il des changements de perceptions ou d'opinions?
Faire un remue-méninges sur des mots associés au milieu populaire (personnes défavorisées et faiblement scolarisées) ou à un quartier populaire.
Tenter d'imaginer ce qui est le plus souffrant dans le fait de ne pas savoir lire et écrire. Tenter d'identifier ce qu'une personne analphabète veut changer en apprenant à lire et écrire.
De quelles différences Saran parle-t-elle (première intervention au début du film)? |
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• Saran parle des différences entre les personnes très scolarisées et les personnes qui le sont beaucoup moins (entre l'animatrice et le groupe dont elle fait partie). Elle fait remarquer que les personnes scolarisées peuvent anticiper davantage que celles qui ne savent pas bien lire qui, elles, foncent plutôt la tête la première. |
«Quelqu'un qui sait lire et quelqu'un qui sait pas lire, c'est très différent, ça peut pas être la même chose. La façon de parler, la façon de faire les choses...» (Saran) |
Quelle culture Noël et Saran partagent-ils? Comment le constate-t-on dans le film? |
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• Noël et Saran partagent certains aspects de la culture populaire. Ils réagissent de la même façon quand ils sont dans une file d'attente et leur interprétation de cette réaction est semblable (l'utilisation de la force pour arriver à ses fins). |
«Parce que je sais pas lire, je pense qu'avec la force, je peux» (Saran) «C'est à peu près ça moi avec, je sais pas lire, je vas passer devant les autres [...] Tu te sers de la force, au lieu de te servir de la tête» (Noël) |
Sur les besoins face à l'Intervention(3° partie du film) |
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Quelles sont les attentes des témoins, leurs souhaits face à l'intervention? |
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• Ils souhaitent de l'aide matérielle (logement, école), ils souhaitent être accompagnés dans leurs démarches et surtout ils souhaitent une meilleure écoute (temps et qualité). |
«J'aurais besoin d'aide pour changer Christelle d'école, m'aider pour avoir un logement» (Nicole)«Qu'ils soient là pour nous appuyer quand on fait nos démarches» (Lise l.)«Une personne qui prend le temps de nous écouter, et non de nous juger» (Lise c.)«La personne va se donner la peine de comprendre, elle va nous donner le temps d'expliquer» (Lise L) |
Maurice Imbert (1979 : 15) définit d'ailleurs le terme populaire en se référant à «la partie de la nation considérée par opposition aux classes où il y a soit plus d'aisance, soit plus d'instruction». Le Regroupement des groupes populaires en alphabétisation du Québec (RGPAQ) reconnaît par ailleurs «qu'il y a un lien entre analphabétisme et pauvreté et que la majorité des personnes analphabètes provient des milieux défavorisés» (RGPAQ, 2004 : 2).
Les éléments qui reviennent le plus souvent sont liés à deux thèmes principaux : le marché du travail (exclusion et conditions de travail) et le regard des autres.
Ils nomment aussi, de façon plus générale, les problèmes d'argent ainsi que les contraintes liées au mariage hâtif. Certains nomment de plus les problèmes de santé, mais le film ne fait pas ressortir ce thème.
Cela la menait souvent à interpréter des différences comme des problèmes, particulièrement dans le cas des personnes de milieux populaires.
Croyant sa propre façon de vivre la seule acceptable, elle imposait ses solutions aux personnes rencontrées.
Apprendre à relativiser les normes associées à son appartenance culturelle, puis apprendre à chercher et entendre la propre interprétation que font les gens de leur situation l'a amenée à respecter davantage les personnes et à intervenir de façon plus appropriée.
Cela leur a permis de connaître et fréquenter des gens comme eux, donc qui les comprennent et ne les jugent pas, et avec lesquels ils peuvent enfin être eux-mêmes.
Pour Noël, cela lui a permis de sortir de son isolement et d'avoir des activités sociales.
Cela leur a de plus permis de constater à quel point ils sont loin d'être seuls dans leur situation (collectivisation du problème), ce qui a un effet énormément déculpabilisant.
Être en groupe permet aux personnes de se reconnaître une légitimité (ils ont le droit d'être ce qu'ils sont) et la déculpabilisation que cela entraîne est un pas primordial vers l'action et l'amélioration des conditions de vie.
(Réponses aux questions ou objections qui pourraient surgir...)
Il est proposé dans le film de se baser sur la propre définition que font les gens de leurs problèmes. Oui, mais est-ce qu'on prétend que les gens sont tous capables d'identifier eux-mêmes leurs problèmes?
On affirme dans le film que le problème de Nicole n'est pas dans le fait qu'elle a trop de responsabilités familiales. Oui, mais où est le problème alors?
Dans le film, on laisse entendre que les parents (ainsi que les enfants, d'ailleurs) ne sont pas responsables des difficultés scolaires des enfants. Oui, mais alors pourquoi les enfants de milieux populaires réussissent-ils moins bien que les autres?
On prétend dans le film que ce sont d'autres raisons que celles liées au quotidien qui constituent le problème de l'analphabétisme. Oui, mais ces difficultés quotidiennes ne sont-elles pas suffisantes pour constituer un problème sur lequel il faut intervenir?
On dit dans le film que les personnes déplorent leur exclusion du marché du travail. Oui, mais en même temps celles qui ont un emploi se plaignent du travail qu'elles ont...
Une femme se plaint qu'on lui dit quoi manger. Oui, mais n'est-ce pas vrai que les gens de milieux populaires s'alimentent mal? Ils sont plus malades, plus gros...
Les faibles moyens financiers de cette population s'additionnent au fait que les aliments riches et de moindre qualité sont souvent moins chers (en plus d'être souvent plus faciles à trouver).
Il est aussi possible d'améliorer les habitudes alimentaires tout en évitant que les gens sentent que l'on dévalorise leurs préférences alimentaires et qu'on leur dicte quoi faire (qui ne se rebuterait pas contre cette façon de faire?), ainsi qu'en respectant leurs moyens financiers.
Il est aussi intéressant de se rappeler que la norme change et que c'est encore la classe moyenne qui définit cette norme (ce qui était perçu positivement il n'y a pas si longtemps est maintenant vu de façon négative; ce qui est perçu positivement maintenant ne le sera peut-être plus bientôt).
D'autre part, Noël nous aide bien à comprendre toutes les conséquences désastreuses sur sa santé du stress lié à sa condition (regard des autres, marché du travail). Ce n'est donc pas qu'une question d'alimentation.
Le film semble s'adresser uniquement aux intervenantes auprès des individus. Oui, mais est-ce qu'il ne concerne pas aussi les intervenantes communautaires?
Amener les intervenantes ou futures intervenantes à réfléchir sur leurs appartenances culturelles et les effets de celles-ci sur leur perception du monde.
Amener les intervenantes ou futures intervenantes à réfléchir sur leur perception du milieu populaire. Les amener à percevoir l'ampleur du mépris de la population envers ce milieu (paresseux, sales, parlent fort et mal, irresponsables, désintéressés, etc.) et l'humiliation qui en résulte. Les faire réfléchir sur les effets que peuvent avoir ces perceptions sur ces personnes (Noël nous le dit bien : «Le monde te font chier [...] Tu me fais chier, je vas te faire chier moi avec.»), leur développement, leur perception d'eux-mêmes, leur confiance en eux, leur capacité de se reconnaître une légitimité (avoir le droit d'être ce que l'on est). Les amener à voir l'importance de cette longue étape de «légitimisation» dans toute intervention.
Plus spécifiquement, amener les intervenantes ou futures intervenantes à réfléchir sur le sens sous-entendu des interventions axées sur le développement d'habiletés et de compétences : les personnes n'agissent pas comme il faut, elles sont responsables de leurs difficultés (sentiment de culpabilité), développent un fort sentiment d'incompétence (certaines ressentent un fort sentiment d'impuissance, énormément de frustrations et de colère, peuvent devenir très cyniques, voire agressives...). Vouloir un changement d'habiletés, dire qu'elles font mal telle chose, sous-entend qu'il y a une bonne façon de la faire...
Faire l'exercice de s'imaginer ce que les personnes du milieu populaire diraient de «notre» milieu.
Voici quelques exemples :
Peut-on encore parler de désintérêt ou de négligence?
Cela ne veut pas dire qu'elles n'expriment pas certaines difficultés liées à leur maternité. Seulement le problème pour ces femmes est d'un autre ordre. Il s'agit davantage de difficultés matérielles liées à l'exclusion ou aux conditions de travail, au gardiennage et à la monoparentalité. Ajoutons qu'être mère à 16 ans a déjà été la norme. Pendant longtemps, cela n'était pas un problème.
On a tellement tendance à facilement «rejeter hors de la culture tout ce qui n'est pas conforme à la norme sous laquelle on vit» Claude Lévi-Strauss
les nouveaux arrivants? |
les personnes âgées? |
les ex-détenus? |
les homosexuels ou les lesbiennes? |
les femmes? les chômeurs ou les assistés sociaux? |
les personnes toxicomanes, alcooliques ou dépendantes du jeu? |
les personnes de la rue? |
les jeunes? |
les personnes physiquement handicapées? |
les enfants de Duplessis? |
les personnes victimes de violence? |
les personnes violentes? |
les communautés ethniques ou autochtones? |
les mal-logés? |
les personnes souffrant de maladie mentale? |
les personnes malades? |
les déficients intellectuels? |
L'analphabétisme ne se définit pas seulement par la difficulté à décoder une information écrite, mais aussi par les difficultés à utiliser le code écrit dans le quotidien. L'analphabétisme est intimement lié à la pauvreté et à l'incapacité de l'École à intégrer tout le monde dans son système. Pourtant, les personnes se croient seules à vivre ce problème, se perçoivent comme responsables de leur situation et cherchent à la cacher. Cela les amène donc à développer des stratégies surprenantes de débrouillardise, ce qui fait qu'il n'est pas facile de détecter une personne analphabète. |
«J'ai eu le numéro de téléphone, pis ça m'a pris deux ans avant d'appeler». Francine |
«Dépister l'analphabétisme, c'est rejoindre une personne dans un de ses secrets les plus intimes». Fernand Cardinal, CLEM
Le film donne un bon aperçu de la réalité des personnes analphabètes. Nous mettrons donc ici l'accent sur certains éléments que le film n'aborde pas : la communication et le rapport au temps.
L'accessibilité de la communication écrite est fondamentale.
Pensons notamment à tout le matériel promotionnel habituellement utilisé par les différents organismes : dépliants, affiches, etc. Il est préférable de réduire l'information au minimum essentiel, ce qui permettra l'utilisation d'une typographie lisible, de mots simples, concrets et connus dans le langage populaire, de phrases courtes et simples, d'une mise en page simple et aérée comprenant des illustrations ou pictogrammes, une numérotation ou des encadrés. L'information doit être organisée (choisie et ordonnée) de façon à faciliter la compréhension pour ces personnes qui ont du mal à repérer les informations importantes dans un texte.
Mais il n'y a pas que la communication écrite qui pose un défi. La communication orale l'est tout autant. Les boîtes vocales à choix multiples, par exemple, sont un véritable enfer pour les personnes.
Il ne faut jamais tenir pour acquis que les mots ou expressions utilisés sont connus ou compris de l'interlocuteur. Les concepts abstraits sont notamment très éloignés de leur univers culturel. C'est pourquoi il est de loin préférable de faire appel à l'expérience concrète des personnes plutôt que d'utiliser des concepts abstraits (ex. : droits, démocratie, objectif, mandat, pourcentage, province, Ottawa...). Il ne faut pas oublier que les personnes ne peuvent prendre de notes... C'est pourquoi les informations doivent être transmises en petites quantités; c'est aussi une raison pour laquelle les personnes veulent dire tout de suite ce qu'elles pensent, ce qui peut être hors d'ordre. C'est à l'intervenante de noter l'idée et d'y retourner au moment opportun.
Le temps, dans les milieux populaires, semble souvent circulaire plutôt que linéaire (comme dans plusieurs cultures traditionnelles). Aborder le temps à long terme est peu habituel; donc il y a peu de projection dans le futur et un calcul difficile du temps passé.
D'autre part, les personnes ont des conditions de vie (ou de survie) qui les placent souvent dans des situations d'urgence (profiter d'une aubaine, s'occuper de l'enfant puni et renvoyé à la maison par l'école, amener l'enfant à l'hôpital...) qui rendent difficile le respect des rendez-vous. D'autant plus qu'elles ne peuvent souvent pas noter les rendez-vous, qu'elles ont du mal à prévoir le temps nécessaire pour se rendre au rendez-vous, si encore elles ont compris l'heure qu'on leur a donnée (14h45, par exemple).
L'alphabétisation populaire se base sur le rythme, les besoins et intérêts des personnes, veut valoriser leur culture, défendre leurs droits et utiliser un mode de fonctionnement démocratique.
Il est très facile pour moi d'imposer un langage, un cheminement,... Il est pourtant préférable que ce soit moi, l'intervenante, qui fasse les efforts d'adaptation, plutôt que le contraire.
Les personnes me concèdent généralement un meilleur jugement qu'à elles-mêmes, elles se perçoivent comme moins compétentes que moi de façon générale. Elles ne se jugeront peut-être pas capables de prendre de bonnes décisions. Elles ne se jugeront pas expertes de leur propre situation. Je dois intervenir en prenant cela en considération.
«Si tu pouvais changer ta vie avec une baguette magique, quelle est la première chose qui changerait?»
«Complète cette phrase : "Je me sentirais mieux si..."»
«Repasse dans ta tête ta journée d'hier. Est-ce qu'il y a des moments où tu ne t'es pas sentie bien?»
«Est-ce que tu as parlé de ça à quelqu'un cette semaine? À qui?»
«Parle-moi d'une activité que tu as faite cette semaine et que tu as particulièrement aimée.»
Dans un centre communautaire, un nouveau comité de participants est mis sur pied, formé de quatre membres qui, note l'animatrice, semblent un peu mis de côté par les autres participants6. Le mandat du comité : organiser des activités pour l'ensemble du groupe. Comme première activité, les participants décident de vendre des macarons sur lesquels serait inscrit le nom de leur comité. L'animatrice les informe qu'ils possèdent déjà un budget et qu'elle doute que d'autres personnes achètent un macaron d'un comité dont elles ne font pas partie. Les membres du comité sont d'accord avec l'animatrice mais persistent tout de même dans leur choix.
Le fait d'avoir le nom de leur comité sur un macaron est une façon de rendre visible, aux yeux de tous, l'existence et la valeur du comité et, par extension, des membres qui le composent. Ces participants soulèvent peut-être par ce choix le manque de reconnaissance du groupe envers eux, phénomène que l'animatrice avait observé.
Lors d'une pièce de théâtre où des animatrices voulaient illustrer des problèmes qu'elles croyaient propres aux participants de l'organisme, les participants ont applaudi à la fin de chacun des quatre sketches. Mais ils ont réagi, interagi et crié pendant seulement l'un d'entre eux : celui qui concernait leur exclusion du marché du travail.
Cette réaction me dit que l'exclusion du marché du travail est un sujet qui le préoccupe beaucoup, probablement plus que les autres.
Quand on leur demande ce qui leur plaît dans l'organisme, les participants répondent invariablement : «On est comme une famille, on se sent respecté, on n'est pas gêné ici, on s'entend bien, on peut parler, ils nous écoutent.»
En exprimant à quel point ils apprécient le respect, la liberté de parole et l'harmonie dans l'organisme, ils disent peut-être qu'ils vivent rarement ces sentiments et qu'exception faite de leur famille, ils se sentent rarement respectés, écoutés...
Je considère parfois que les gens ont tendance à faire des commentaires qui ne correspondent pas au sujet dont il est question, qu'ils ne répondent pas à la question que j'ai posée.
Il s'agit certainement de sujets de préoccupation pour les gens qui les émettent.
Est-ce que la personne ou le groupe peut deviner mon opinion sur le sujet en cours? Si oui, je suis probablement en train d'influencer les discussions ou décisions qui seront orientées selon ma propre opinion. Le ton de ma voix, mes gestes, les mots que j'utilise, ce sur quoi j'insiste, tout peut me trahir!
Parfois je considère qu'une personne ne pose pas les bons gestes pour améliorer sa vie ou celle de sa famille. Je me rappelle alors que ma vision d'une vie de qualité correspond à ce qui est valorisé dans mon propre milieu et que ceci n'est pas universel.
Lors d'une assemblée générale, lorsque vient le temps de discuter de la «Répartition du budget pour l'année à venir», les membres posent des questions sur les sources de financement, la répartition des sommes, le choix des dépenses, etc. Un membre intervient alors pour se plaindre que les membres qui fument à la sortie de l'organisme ne sont pas protégés de la pluie et du vent. Son commentaire est jugé hors sujet. Pourtant, s'il s'était exprimé en ces termes : «je déplore que, dans l'attribution des sommes allouées à l'amélioration des immobilisations, aucune dépense ne soit prévue pour l'achat et l'installation d'un abri attenant au bâtiment qui permettrait aux membres de fumer sans subir le froid et la pluie», peut-être son propos aurait-il été pris en compte!
Si Nicole n'a pas réussi à changer Christelle (sa petite-fille) d'école, elle a cependant réussi pour Samuel (son petit-fils). Tel que Nicole l'avait prédit, le jeune garçon réussit effectivement mieux dans cette école où les méthodes sont différentes de celles de la majorité des écoles : périodes de cours plus courtes, activités physiques et artistiques plus nombreuses, plus petit groupe toujours accompagné de la même enseignante, soutien scolaire individuel, etc. Après seulement quelques mois, Samuel s'est amélioré de façon importante.
Nicole a dû déménager car son propriétaire a repris son logement. Elle a réussi, après des semaines d'angoisse et plusieurs démarches, à trouver un nouveau logement dans le même quartier grâce à un contact de son frère Noël.
Noël a succombé à sa maladie.
L'usine Impérial Tobacco est maintenant fermée. Elle est présentement dans la mire d'un groupe promoteur d'un projet de transformation en condos.
«Nous appelons culture tout ensemble [...] qui [...] présente, par rapport à d'autres, des écarts significatifs» (Lévi-Strauss, 1958 : 325). Toutefois, pour éviter le risque de hiérarchisation de certaines cultures par rapport à d'autres, la définition de la culture utilisée dans le film fait appel à l'idée d'une interprétation qu'un groupe fait de la vie : «a System of meanings through which social life is inter-preted» (Winthrop, 1991 : 50). Ainsi, l'intérêt de cette définition de la culture dans l'intervention est «le fait d'utiliser la propre interprétation des individus sur leurs expériences pour comprendre ces individus, pour avoir une expérience d'eux, pour voir le monde à travers leurs lunettes. Comme on ne peut aborder une culture qu'à partir de ses propres critères, de ses propres perceptions, l'étude de leurs propres représentations est peut-être la seule voie qui permette de saisir la logique propre aux groupes» (Filion, 2005 : 31, 32). Il s'agit donc, face à un groupe social, de troquer cette pensée : «ils sont comme ça» par celle-ci : «je les perçois comme ça. Quel sens donnent-ils, eux, à ce qu'ils font, voient ou pensent?».
Ce concept a longtemps été réduit à celui d'ethnocentrisme. Il est lié à la domination d'une culture sur une autre : «en fournissant des codes d'action que l'on accepte d'emblée et que nous jugeons "normaux", [notre culture] nous amène à envisager les activités qui ne se conforment pas à ces codes comme anormales» (Morgan, 1989 : 131). Il est en effet très facile, comme le disait Lévi-Strauss, de «rejeter hors de la culture tout ce qui ne se conforme pas à la norme sous laquelle on vit» (Lévi-Strauss, 1961 : 20). Souvent, cela se traduit par une définition d'une culture à travers des caractéristiques qui sont «formulées avec comme référence la culture dominante, [qui] sont des constructions de l'observateur [et] entraînent des comparaisons» (Filion, 2005 : 28).
C'est ainsi que les traits de la culture populaire ne sont qu'appréhendés «comme des distorsions, des versions pathologiques ou incomplètes de la culture de référence : celle de la classe moyenne» (id.). On définit rarement cette culture selon des repères qui lui seraient propres. Tout au plus, le terme «populaire» peut-il se référer à «la partie de la Nation considérée par opposition aux classes où il y a soit plus d'aisance, soit plus d'instruction» (Imbert, 1979 : 15). Et pour le sociologue Lalive d'Epinay, la culture populaire signifie le système culturel de grands groupements réels occupant une situation subalterne et dominée dans la société globale (Lalive d'Epinay, 1982 : 87).
AMPLEMAN et al. (1983). Pratiques de conscientisation : expériences d'éducation populaire au Québec. Montréal, Éditions Nouvelle optique, 304 pages.
CARDINAL, Fernand. L'analphabétisme chez nous : guide de sensibilisation et de dépistage à l'intention des intervenants. Centre des lettres et des mots (CLEM), 20 pages.
DABÈNE, Michel (2001). «Le monde de l'écrit : pratiques et représentations» dans Illettrisme et cultures. Élizabeth Beautier et al. (dir.), Paris, Montréal, L'Harmattan, pp. 45-61.
FILION, Esther (2005). Les pratiques démocratiques dans les groupes d'alphabétisation populaire : libération ou insertion culturelle? Mémoire présenté comme exigence partielle de la maîtrise en intervention sociale, Université du Québec à Montréal, 120 pages.
FILION, Esther avec la collaboration de Martine FILLION (2003). La communication entre l'école et les parents peu scolarisés : un pont à bâtir, un lien à définir. Montréal, Atelier des Lettres, 64 pages.
HOGGART, Richard (1970). La culture du pauvre : étude sur le style de vie des classes populaires en Angleterre, Paris, Éditions de Minuit, 420 pages.
IMBERT, Maurice (1979). «Les cultures populaires : sous-produit culturels ou cultures marginalisées?» dans Les cultures populaires, Geneviève Poujol et Raymond Labourie (dir.), Toulouse, Privat, pp. 13-21.
LALIVE D'EPINAY, Christian et collaborateurs (1982). «Persistance de la culture populaire dans les sociétés industrielles avancées», Revue française de sociologie, XXIII, pp. 87-109.
LÉVI-STRAUSS, Claude (1958). Anthropologie structurale. Paris, Plon, 452 pages. LÉVI-STRAUSS, Claude (1961). Race et histoire. Paris, Gonthier, 30 pages.
MORGAN, Gareth (1989). Images de l'organisation. Sainte-Foy, Les Presses de l'Université Laval, 556 pages.
RGPAQ (2004). Déclaration de principes. Montréal, RGPAQ, 3 pages.
WINTHROP, Robert H. (1991). Dictionnary of Concepts in Cultural Anthropology. Westport, Greenwood Press, 347 pages.
Esther Filion est intervenante communautaire diplômée en travail social de l'Université du Québec à Montréal (UQAM). Elle a notamment travaillé pendant quelques années comme animatrice en alphabétisation populaire. Cette expérience l'a motivée à effectuer des études de maîtrise qui lui ont permis de se concentrer sur le sujet des pratiques démocratiques dans les groupes d'alphabétisation. Elle a utilisé la question des différences culturelles entre animatrices et participants pour expliquer les difficultés liées aux pratiques démocratiques dans les groupes. Elle a aussi contribué à trois recherches ayant comme sujet les personnes en démarche d'alphabétisation, dont une qui s'intéressait à la communication entre les personnes faiblement scolarisées et l'école. Esther Filion possède aussi des expériences liées à la formation d'étudiantes de niveau universitaire.
1 La forme masculine est généralisée et inclut le féminin. Toutefois, comme le groupe que forment les intervenantes sociales (et les étudiantes) est constitué en grande majorité par des femmes, le féminin sera utilisé pour les désigner.
2 Le terme «témoin» sera parfois utilisé pour parler des personnes qui font un témoignage dans le film.
3 Le titre d'un ouvrage de Richard Hoggart (1970) et sa traduction sont à cet effet révélateurs, En anglais, l'ouvrage s'intitule «The Uses of Literacy : Aspects of Working Class Life». En français : «La culture du pauvre : étude sur le style de vie des classes populaires en Angleterre». On considère donc sans distinction l'alphabétisation, la culture de pauvre, la classe ouvrière et les classes populaires.
4 Selon Ampleman et collègues, 1983
5 Les informations contenues dans cette page sont tirées du rapport de recherche de Filion et coll. (2003).
6 Les exemples utilisés dans cette page sont authentiques.