BIBLIOTHÈQUE
VIRTUELLE
du patrimoine documentaire communautaire canadien francophone

OÙ MÈNENT LES TIC: RÊVES OU RÉALITÉS : ACTES DU COLLOQUE

Montréal, les 30 novembre et 1er décembre 2000 Organisé par l'ICÉA et 13 partenaires

Graphisme et impression :

Valna inc.

Révision des textes :

Pierre Pagé, Annie Chauveau, Christine Dufresne, Odette Lord et Lise Arguin

Pour commander des exemplaires de ce document et/ou de la cassette vidéo :

ICÉA, 5225, rue Berri, bureau 300, Montréal, Québec H2J 2S4 Téléphone : (514) 948-2044 Télécopieur : (514) 948-2046 Adresse électronique : icea@icea.qc.ca Site Internet : www.icea.qc.ca

Dépôt légal :

Bibliothèque nationale du Québec, 2001 Bibliothèque nationale du Canada, 2001 ISBN : 2-89108-040-8

Remerciements

Au nom des groupes partenaires, l'Institut canadien d'éducation des adultes (ICÉA) tient à remercier Pierre Pagé qui a coordonné le colloque, la production et la publication des Actes du colloque, la rédaction des synthèses et l'adaptation des présentations. Nous tenons à remercier plus particulièrement les animatrices, les animateurs, les secrétaires des ateliers et des plénières, le comité d'animation du colloque composé de Suzanne Leroux, du Centre St-Pierre, Caroline Boisdon Gord, de Communautique, Bernard Normand, Manuel Cisneros et Pierre Pagé, de l'ICÉA, ainsi que les conférencières et les conférenciers.

Nous tenons également à remercier les représentantes et les représentants des 14 partenaires qui ont rendu possible ce colloque : Claude Ouellet, d'ATENA (coopérative de travail Aide technique aux entreprises alternatives) et du CRIPE (Centre de ressources et d'intervention populaire de l'Est du Québec) de Rimouski; Pierre Valois, du Centre de formation populaire de Montréal; Roger Beaudoin, du CRÉECQ (Carrefour de relance de l'économie et de l'emploi du centre de Québec et de Vanier); Francine Pelletier de Communautique de Montréal; Marie Salvail, du Collectif régional d'éducation sur les médias d'information de l'Estrie de Sherbrooke; Gaétan Beaudet, du Comité sectoriel de la maind'œuvre de l'économie sociale et de l'action communautaire de Montréal; Suzanne Leroux, du Centre St-Pierre de Montréal; Jean-François Aubin, d'Économie communautaire de Francheville de TroisRivières; Bernard Normand et Manuel Cisneros, de l'ICÉA de Montréal; Louise St-Jacques, de La Puce communautaire de Montréal; Grace Hodder, de la Société d'aide au développement de la collectivité Matawinie) de St-Aphonse-de-Rodriguez; Daniel Deneault, de SOL-vi inc. de Rawdon et auparavant de la SADC Matawinie; Linda Craig du Syndicat canadien de la fonction publique de Montréal et de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec. Nous remercions vivement le Centre d'apprentissage parallèle pour le prêt de bannières qui ont décoré la salle et Jorge Martinez qui a travaillé en partie bénévolement pour compléter le montage vidéo.

Ce document est édité par l'Institut canadien d'éducation des adultes (ICÉA). La tenue du colloque et la publication de ce document ont été rendues possibles grâce à la contribution financière du Bureau des technologies d'apprentissage du ministère du Développement des ressources humaines du Canada, du Secrétariat à l'action communautaire autonome et aux contributions des 14 partenaires.

TABLE DES MATIÈRES

NOTES

 

Présentation des partenaires des rencontres-forums sur les TIC

En guise de préambule

«Les réseaux électroniques offrent un formidable gisement de ressources pour l'action politique et un tout aussi fabuleux potentiel de contrôle.»

Anne-Marie Gingras, Militer dans le cyberespace, Montréal, Archives NetFemmes, 1999.

« Internet est la seule innovation sur laquelle il n'y a pas de débats. Sur les biotechnologies, les OGM, le nucléaire, les technologies du vivant, il y a des affrontements politiques, idéologiques. Sur le Net, rien.»

Dominique Wolton, Internet. Petit manuel de survie, Paris, Flammarion, 2000.

« On n'a rien contre le business, mais on défend une autre idée, celle d'une appropriation du réseau par le public. (...) L'Internet non marchand et solidaire (...) La liberté d'expression appartient à tous, elle n'a rien à voir avec une logique marchande. »

Le «Citoyen contre le Web commercial», Paris, février 2001.

« ...L'arrivée des TIC a aussi impulsé la création d'organismes à but non lucratif (OBNL), d'entreprises d'économie sociale et de coopératives qui œuvrent actuellement dans ce secteur. (...) Plusieurs centaines de nouveaux emplois pourraient être créés... Nous parlons ici d'un potentiel de 400 à 700 emplois dans un délai d'un an. »

Communautique, Montréal, rapport au Chantier de l'Économie sociale, décembre 2000.

« Le sens politique de la télématique pourrait donc être celui-là : mettre à mal le monopole de l'establishment sur les moyens de communication et revitaliser la démocratie de base. (...) De ces deux scénarios, lequel est le plus synonyme de démocratie : un monde dans lequel quelques individus contrôlent une technologie de communication permettant de manipuler des milliards d'autres, ou bien un monde dans lequel chaque citoyen peut diffuser ce qu'il veut à tous les autres? »

Howard Rheingold, Les communautés virtuelles, Addison Wesley, France, 1995.

Introduction

Pierre Pagé

coordonnateur des rencontres-forums

Le projet porte sur l'accès et l'appropriation sociale des technologies de l'information et de la communication (TIC) par les communautés locales, par les organismes communautaires, associatifs et syndicaux et par les citoyennes et les citoyens, en particulier par celles et ceux qui vivent des situations de pauvreté et d'exclusion sociale. Sa grande originalité est de mettre l'accent principal non pas d'abord sur les dimensions de la technologie ou du commerce, mais bien sur les personnes, avec tout leur bagage, culturel, social, économique et politique.

Le projet des rencontres-forums veut contribuer à animer et à développer durant les trois prochaines années dans toutes les régions du Québec les réseaux préoccupés par ces questions. Au moyen des nouvelles technologies d'apprentissage et à l'aide d'Internet, il s'agira de créer et de renforcer les réseaux associatifs, d'accroître les apprentissages, en particulier auprès des populations rurales et urbaines potentiellement exclues. Les organismes partenaires veulent susciter des réflexions sur l'utilisation et l'implantation des TIC dans une perspective de développement local, régional et national. Le moment fort du projet sera la tenue d'un forum à l'échelle du Québec, en automne 2001 ou au début de l'année 2002.

Le projet des rencontres-forums a été mis en place en février 1999 par sept organismes du monde communautaire et du monde du travail dont l'action couvre l'ensemble du Québec. Puis, en août 1999, il s'est donné une dimension interrégionale en s'associant à sept autres organismes engagés dans le développement régional avec les TIC. Ces organismes ont déjà collaboré à plusieurs reprises à la mise sur pied de rencontres nationales et régionales ayant pour thèmes les communications, le développement et l'éducation. Ils travaillent au quotidien avec les TIC, mettent en commun leurs réflexions, partagent leurs propres expériences et initiatives, dégagent des éléments d'une vision commune afin de poser les conditions qui permettront une maîtrise sociale et démocratique de ces technologies. Cette mise en commun a l'originalité de s'effectuer dans trois sens : de région à région, des régions vers Montréal, et de Montréal vers les régions.

Le processus d'animation et de diffusion des rencontres-forums ouvrira des esprits, des cœurs et des imaginations à de nouvelles réflexions et connaissances, à de nouveaux réseaux sociaux, à de nouvelles formes de soutien professionnel aux personnes ayant des difficultés de participation. Ces réflexions sont principalement les suivantes : il y a des occasions à saisir en ce qui concerne les TIC, l'Internet plus particulièrement, et il faut les saisir maintenant. Elles ont de grands impacts sur nos vies, nos emplois, notre éducation, notre vie privée. Des compétences locales, régionales, nationales, des services locaux, régionaux et nationaux se mettent en place.

Mais il existe aussi des risques d'exclusion, exclusion de populations pauvres, de groupes peu scolarisés, de régions éloignées des grands centres ou à petits marchés. Pensons seulement aux problèmes d'accès aux lignes et services Internet, d'accès à l'information et aux services gouvernementaux. Pensons aux problèmes d'apprentissage d'un grand nombre de citoyennes et de citoyens avec lesquels nous travaillons dans nos organismes communautaires, nos associations ou nos syndicats.

Les 14 partenaires s'entendent pour étaler ces constats sur la place publique et mettre en lumière les initiatives pratiques qui font le lien entre les TIC et le développement local, régional et national, entre le développement communautaire et le développement économique, entre l'accès, la formation et le développement des apprentissages.

Les principaux objectifs des rencontres-forums sont présentés de manière complète dans le programme du colloque (voir annexe 1 ). Le comité-aviseur a formulé ainsi les objectifs opérationnels des travaux du colloque :

  • compléter notre vision d'ensemble et accroître notre formation;
  • préparer les trois grands axes de contenu des éventuels forums locaux, régionaux, national.

Il a ensuite retenu trois grands axes de contenus thématiques centraux liés aux nouvelles technologies : l'accès à la formation, la vie privée et la vie en société, la participation au développement démocratique.

Ces choix sont l'expression de thèmes transversaux touchant une diversité de secteurs d'activités communs aux réalités vécues par les mouvements communautaires, populaires et syndicaux, par les citoyens et les citoyennes. Ils permettent l'expression des principales valeurs liées aux TIC ainsi que des points de divergence et de convergence quant à une possible maîtrise sociale et démocratique de ces technologies :

Axe 1 :

L'ACCÈS À LA FORMATION

Quel est le portrait global de l'accès aux TIC ainsi qu'à la formation de base et à la formation générale pour les citoyennes et les citoyens, en particulier chez celles et ceux qui ont peu de moyens? Quel accès aux TIC et à la formation ont les groupes communautaires, populaires et syndicaux? Quels éléments majeurs peut-on dégager des expériences de points d'accès communautaires (PACS, CACI) et du programme VOLNET? Quel rôle joue le contexte de course à l'innovation, à la performance (efficacité accrue, stress et déqualification)? Comment utiliser les TIC dans la formation elle-même? Doit-on développer ou non une éducation citoyenne et critique par rapport à ces médias? Comment y parvenir?

Axe 2 :

LA VIE PRIVÉE ET LA VIE EN SOCIÉTÉ

Comment se vit l'omniprésence et le rythme trépidant des TIC dans le quotidien (famille, loisirs, consommation, travail, santé, lieux publics, etc.)? Où en sont réellement les dangers de la surveillance, du contrôle, du fichage, de la perte de confidentialité des dossiers? Quels sont les droits des citoyennes et des citoyens? Ont-ils droit à la protection de leur vie privée et familiale? Où se situent la Commission de l'accès à l'information et les gouvernements par rapport à cette problématique?

Axe 3 :

LA PARTICIPATION AU DÉVELOPPEMENT DÉMOCRATIQUE

Est-ce que les TIC améliorent les processus d'information, d'expression et de prise de décision? Comment y arriver? Dans les mouvements sociaux? Dans les institutions locales (conseils municipaux, CLD, commissions scolaires, CLSC)? De quelles façons les TIC améliorent-elles les processus de développement économique et social? Comment y arriver? En milieu rural? En milieu urbain, particulièrement en ce qui concerne le développement économique communautaire? Existe-t-il des risques accrus d'exclusion?

POUR RÉPONDRE À CES DÉFIS, LES 14 PARTENAIRES PROPOSENT :

  • De mettre en place des rencontres régionales ou interrégionales qui conduiront à un forum national.
  • De rassembler les mouvements sociaux et progressistes, les chercheuses et les chercheurs, ainsi que les citoyennes et les citoyens.

A travers ces activités, nous visons à atteindre les objectifs suivants :

  • Prendre connaissance des expériences d'appropriation sociale des technologies de l'information et de la communication (TIC).
  • Sensibiliser les mouvements sociaux et progressistes, les chercheuses et les chercheurs, les citoyennes et les citoyens quant aux occasions qu'offrent les TIC et aux risques qu'elles posent pour notre société.
  • Articuler nos réflexions sur l'utilisation et l'implantation des TIC à différents niveaux : individuel et collectif de même que local, régional et national.
  • Contribuer à dégager des points de divergence et de convergence d'une vision relativement à la maîtrise sociale et démocratique des TIC dans une perspective de lutte contre les inégalités et l'exclusion sociale.
  • Promouvoir une participation active des mouvements sociaux et progressistes dans la réalisation de chacune des phases de cette démarche.
  • Réfléchir sur le rôle de l'État et sur nos attentes face aux gouvernements locaux, régionaux, provincial et fédéral.

Chapitre 1 : Les grands points de vue

TRAVAIL, DÉMOCRATIE ET TIC : MAÎTRISER ET NON FÉTICHISER L'INTERNET

Jean-Claude Guédon

professeur de littérature comparée à l'Université de Montréal, président de la section Québec de la International Society of Internet, auteur de l'essai Internet Le monde en réseau, collaborateur de Communautique

I. Introduction

Le vocabulaire, nos manières de parler, nos tournures stylistiques peuvent aisément nous égarer, nous tromper aussi en conférant le privilège d'acteur à des entités qui, en aucun cas, ne peuvent prétendre à ce rôle. Par exemple, l'on dit ou l'on écrit que « l'Internet révolutionne » le monde, que « la numérisation entraîne des conséquences semblables, voire supérieures à celles de l'imprimerie», on utilise une formule susceptible d'induire en erreur. Au mieux, cette façon de parler résume de manière trop lapidaire et allusive une analyse plus complexe, esquissée un peu plus loin, que l'on pourrait qualifierclin d'œil provocateur, certes de déterminisme technologique au deuxième degré; au pire, elle laisse planer la possibilité d'une destinée, d'une fatalité même, qui accompagnerait les technologies en général, les TIC1 en particulier. Bien manipulée par les médias et les porte-parole des grandes compagnies, cette impression d'histoire, au tracé d'autant plus inexorable qu'on l'associe souvent au « progrès », sert évidemment de rhétorique puissante pour influencer un public vulnérable : à l'impression de progrès inévitable, rapide, extraordinaire, répond en effet le sentiment d'impuissance du récepteur-consommateur réduit à l'état de spectateur. De ce pseudo-dialogue émerge une leçon fondamentale, aisément intériorisée par le public : on ne peut prétendre s'intégrer au monde ambiant qu'en payant, en achetant; sinon, on court le risque d'être rapidement délaissé sur les poubelles de l'histoire... Le progrès se fait ainsi carotte, voire bâton, de la consommation!

La suite de ce texte vise à esquisser quelques moyens d'analyse permettant de mieux résister aux pressions rhétoriques prenant une technologie particulière ici l'Internet pour prétexte, de façon à imposer une volonté mercantile; son but sera atteint si le lecteur ou la lectrice, en terminant, se disait à peu près ceci : quelles sont mes marges de manœuvre face à telle ou telle situation? Quelles initiatives sont à ma portée à cet égard? Quelles stratégies et tactiques puis-je adopter pour tirer profit de ces nouvelles technologies sans pour autant contribuer trop à l'exploitation ambiante et sans non plus me réfugier derrière les barricades d'attitudes rétrogrades, voire réactionnaires. Il ne s'agit pas de troquer le capitalisme pour Heidegger!

La tâche n'est pas simple. En effet, chaque technologie inscrite dans nos sociétés s'offre à nos regards sous l'allure stabilisée d'une naturalisation généralement assez poussée; de ce fait, elle tend à dissimuler tout ce qui relève de l'arbitraire social et économique ayant participé à sa genèse, de toute cette contingence qui, en se dévoilant, contribue à déboulonner la statue incarnant notre forme de progrès si progrès il y a vraiment en le présentant comme le meilleur possible. Qui, de nos jours, en voyant les automobiles passer, ou surtout en contemplant quelque gigantesque embouteillage, se demande pourquoi le transport mécanisé en est venu à une solution aussi individualiste, aussi coûteuse pour le consommateur, et aussi désastreuse pour l'environnement? Qui se questionne encore sur la meilleure façon de sortir de cette absurdité?

Regardons rouler une bicyclette : lequel de nos contemporaines ou contemporains se souvient des méandres et des hésitations qui ont marqué l'évolution de ce véhicule? Qui se rappelle le nombre invraisemblable de formes adoptées par les ancêtres de la petite reine, de leur succession anarchique? Qui peut expliquer comment s'est instaurée la stabilisation finale de cette forme en deux variantes fondamentales correspondant aux contraintes vestimentaires spécifiques des hommes et des femmes de la fin du 19e siècle? Et même lorsque ce souvenir perdure, il apparaît comme un catalogue de curiosités, un signe de plus en faveur de notre progrès tandis que le sens de cette évolution demeure inaccessible; les groupes ou individus, les institutions et organismes impliqués, les contraintes techniques, culturelles et économiques qui, ensemble, ont contribué à faire évoluer la bicyclette dans telle direction plutôt que dans telle autre ne forment plus, depuis longtemps, qu'un ensemble touffu, opaque. Celui-ci n'a commencé à être analysé et compris que dans les années 80, pratiquement un siècle après l'apparition de la bicyclette dans sa forme à peu près définitive. Il y a là matière à méditation!

Les syndicats, confrontés depuis un bon moment aux problèmes d'une innovation technique non seulement constante, mais également galopante, ont dû rapidement réfléchir aux manières de se saisir de ces problèmes et de les traduire en termes concrets : effets sur le salaire, bien sûr, mais aussi sur les conditions de travail; implications explicites et latentes pour le contrôle que la travailleuse et le travailleur peuvent espérer maintenir sur leurs tâches, leurs gestes, leur temps. La question de l'aliénation du travail par la technologie ne date certes pas d'hier tout lecteur de Marx peut en témoigner mais sa complexité augmente au fur et à mesure que les systèmes techniques atteignent de nouveaux niveaux de complexité.

Cela dit, le travail critique se révèle libérateur. En montrant que les formes technologiques ont été acquises par des processus complexes de négociations plus ou moins explicites, directes, conscientes entre divers acteurs, on peut plus aisément se convaincre que, à l'instar de la bicyclette, la machineoutil numérique, étudiée par David Noble, ou l'Internet, ne sont pas le produit du 8e jour de la création; ces objets techniques ne relèvent pas exclusivement, loin de là, d'un processus purement rationnel. À l'inverse de ce que ces explications faussement linéaires, jardins de Versailles de l'illusion rétrospective propre à la création des mythes et des idéologies, peuvent proposer, les technologies sont totalement ancrées dans l'histoire : la bicyclette s'est formée et déformée, a été triturée dans tous les sens, tirée à hue et à dia, du grand bi au bone shaker, rendant ainsi visible une phase chaotique au cours de laquelle des solutions étonnantes ont été proposées, testées, modifiées et le plus souvent rejetées. Les objets techniques sont bien ces entités en réseau qui font se croiser des éléments très hétérogènes, allant d'individus humains à des éléments très divers de la connaissance, du social et de l'économie, sans oublier la loi, etc. Elles cristallisent ainsi temporairement un ensemble de relations sociales médiatisées par des canaux institutionnels, culturels, cognitifs, etc. On retrouve de cette façon les leçons que ne cesse de nous servir Bruno Latour depuis déjà longtemps; on retrouve surtout un formidable sentiment de liberté en découvrant combien les nécessités supposées de la technologie recouvrent en fait un socle foisonnant de décisions d'allure arbitraire, motivées par des desseins prévisibles, d'une grande banalité, où dominent évidemment la quête du profit et/ou du pouvoir.

Combien faudra-t-il de temps pour comprendre la signification de l'Internet? Peut-être pas si longtemps que cela, car les enjeux apparaissent déjà tellement énormes que l'indifférence et l'ignorance laissent déjà paraître leur coût élevé. Dans la mesure où l'importance du travail critique sur le sens de l'évolution des techniques commence à se diffuser, on peut espérer que des stratégies vont se développer, qui chercheront à augmenter les possibilités démocratiques d'un dispositif technique aussi remarquable. Ici encore, ce texte cherche à ouvrir quelques pistes modestes dans cette direction.

II. L'Internet, nouveau contexte de l'activité humaine

Souvent négative, particulièrement chez les intellectuels francophones, la réaction au phénomène Internet vise plus les discours publicitaires ou gouvernementaux, qui accompagnent le déploiement des réseaux informatiques, que leur réalité propre. De Dominique Wolton à Philippe Breton en passant par Marc Guillaume, Ignacio Ramonet, Paul Virilio, et bien d'autres, l'Internet a été critiqué pour ce qu'on en dit plutôt que pour ce qu'on en fait. De plus, ces auteurs semblent fréquemment ne disposer que d'une connaissance superficielle des réseaux, limitée le plus souvent à un peu de courrier électronique et à quelques coups de sonde dans la Toile. Muds, MOOs, chats, irc et autres Napster, Gnutella, Freenet, etc. dépassent, règle générale, leur champ de vision. Ne pouvant (ou ne voulant) pas admettre la spécificité de l'Internet, un Dominique Wolton, par exemple, en jauge les caractéristiques à l'aune de la télévision pour aboutir à la conclusion qu'il ne s'agit pas d'un vrai média, puisqu'il n'obéit pas à une « logique de l'offre ». Par cette expression abstraite, il faut entendre un corps de médiatrices et de médiateurs, de réalisatrices et de réalisateurs, de journalistes, de productrices et de producteurs, d'auteures et d'auteurs qui, ensemble, jouent le rôle d'un nouveau clergé censé sélectionner et interpréter ce qui, de la réalité, doit toucher le grand public, et comment. Surgit aussi, par exemple pour un Philippe Breton, la question du lien social : pour Breton, l'Internet représente une véritable menace sociale, car s'il agit comme un pousse-à-communiquer, c'est pour mieux empêcher les vrais rapports humains. Hélas, pour Breton, personne n'a démontré sérieusement la réalité de cette substitution de « vrais » contacts humains par les « fausses communications » de l'Internet. Il est à craindre que notre vaillant bretteur ne se batte contre des moulins à vent.

Que le chatles Français traduisent parfois assez joliment ce terme par « la tchatche » ne donne pas toujours lieu à des échanges étincelants entre adolescents et adolescentes, soit! Mais le téléphone non plus, et pourtant on ne l'accuse pas ou plutôt on ne l'accuse plus, car, à ses débuts, le téléphone a engendré un nombre incalculable d'anxiétés assez drôles de rompre le lien social. Par ailleurs, tous ces inquiets du lien social ne devraient-ils pas se préoccuper aussi des effets terriblement aliénants de l'automobile : celle-ci non seulement isole les gens les uns des autres, mais les place en concurrence agressive. Quant à la télévision, le rassemblement familial ou amical se révèle fragile et la multiplication des postes de télévision dans les familles montre bien que les auditoires se micro-fragmentent au sein des demeures. Effet plus triste et plus grave, une enquête anglaise dont la presse se faisait l'écho il y a quelques mois montrait que dans les foyers où l'on trouve plusieurs récepteurs de télévision, les membres de la maisonnée regardent souvent les mêmes émissions, mais séparément...

Cela dit, certaines réactions négatives à Internet atteignent une cible véritable. Ainsi, la critique de promesses selon lesquelles l'Internet en soi peut apporter bonheur, paix et épanouissement sur terre mérite d'être retenue. Contester celles et ceux qui prétendent résoudre les problèmes humains par la simple intervention de technologies de la communication se justifie aisément, ne serait-ce qu'en montrant qu'il s'agit d'une forme naïve de déterminisme technologique; pour autant, et symétriquement, la critique du déterminisme technologique empêche aussi d'attribuer à l'Internet la capacité de menacer en soi quoi que ce soit, par exemple le lien social. En bonne logique, l'incapacité de l'Internet d'engendrer le bien s'applique autant au mal.

En fait, et cette remarque constituera la toile de fond de tout ce texte, une technologie ne transforme que le contexte dans lequel doit s'inscrire toute action humaine; celle-ci peut innover en tirant parti de certaines possibilités ouvertes par ce nouveau contexte, mais elle peut tout aussi bien s'inscrire dans la continuité. En d'autres mots, la technologie transforme le contexte de l'humanité et non son histoire; au mieux ouvre-t-elle un potentiel d'actions que seuls les êtres humains peuvent actualiser par leur activité. De plus, la transformation d'un contexte d'action ne dit rien sur la rapidité avec laquelle les individus, groupes, professions, expertes et experts vont se saisir (ou non) des nouvelles possibilités offertes parce contexte transformé. C'est en ce sens que je dis que si déterminisme technologique il y a, il ne peut agir qu'au second degré. Il suffit de voir les efforts que les premiers imprimeurs ont déployés pour imiter les manuscrits pour commencer à apprécier l'importance de la continuité, de l'inertie, des habitudes. Le déterminisme technologique au deuxième degré ne prétend même pas détenir quelque pouvoir « structurant ».

Si l'importance de l'Internet repose sur sa capacité à transformer le contexte dans lequel évoluent les êtres humains, il faut aussi souligner combien cette transformation semble dotée d'un potentiel exceptionnel, surtout si on la compare aux effets contextuels d'autres technologies. La succession rapide d'événements marquants qui, depuis une dizaine d'années, ont imprimé un rythme trépidant à l'évolution de l'Internet, pointe dans cette direction; elle met également en évidence le fait que la transformation contextuelle ainsi engendrée se prête largement à diverses formes d'appropriation qui en actualisent les possibilités de multiples façons, un peu à la manière des ancêtres de la bicyclette... Mais les possibilités stratégiques et tactiques offertes aux individus par Internet apparaissent réellement immenses, infinies peut-être, limitées seulement par les compétences et l'imagination de chacun ou de chacune.

Que les possibilités stratégiques et tactiques offertes par l'Internet ne soient pas uniformément distribuées dans la société paraît évident; pour autant, les règles de ces distributions ne semblent pas correspondre parfaitement aux désirs des pouvoirs en place, et ceux-ci semblent éprouver quelques difficultés à maintenir les contrôles qui les étayaient encore sans problème jusqu'à tout récemment. Le phénomène Napster illustre bien cette remarque. En effet, et bien évidemment, les multinationales de disques n'avaient certes aucun intérêt à voir la technologie se développer dans une direction privilégiant le rapport égalitaire d'échange (peer-to-peer) par rapport à un schéma plus traditionnel, de type serveurclient, avec possibilités de verrouillage et de tarification. De même, sans l'Internet, deux étudiants de Stanford (tout en admettant volontiers qu'il s'agit quand même de l'Université Stanford...) n'auraient pas pu inventer un objet de la portée et de la puissance du moteur de recherche Google; celui-ci, presque du jour au lendemain, s'est imposé face à des rivaux pourtant bien établis, tel Yahoo ou AltaVista.

L'Internet, comme nouveau contexte, se caractérise par le fait qu'il ouvre considérablement le jeu de l'indétermination de l'évolution des technologies en abaissant considérablement le prix d'entrée parmi les acteurs de l'innovation. Même dans les cas où des technologies naissent à partir de logiques relativement cohérentes, par exemple celles propres aux enjeux commerciaux d'une compagnie qui veut mettre en marché un objet technique particulier, des zones d'incertitude demeurent. Le cas de la bicyclette, on l'a déjà vu, fait aisément comprendre qu'un objectif relativement précis en l'occurrence un véhicule individuel autopropulsé par l'énergie musculaire ne suffit pas pour engendrer rapidement un cahier des charges clair et une solution unique ralliant l'essentiel des suffrages.

Dans le cas de l'Internet, la situation se complique énormément à cause de la présence de machines informatiques, c'est-à-dire programmables, et de leur ubiquité depuis quelques années, du moins dans les pays riches. Réseau d'ordinateurs, l'Internet repose sur une quincaillerie dont la fonction ne se fixe qu'à travers les programmes utilisés. Parallèlement, le déploiement même de l'Internet contribue à faire entrer un nombre croissant d'individus dans une interaction sociale particulière qui nourrit et accélère à son tour l'évolution technique. C'est en ce sens que l'on peut dire, à l'instar de la devise de l'Internet Society, que l'Internet est sa propre révolution. Non seulement la réaction diverge (au sens où une réaction de fission atomique diverge), mais les degrés de liberté disponibles dans l'Internet sont infiniment plus nombreux que ceux liés à une machine particulière. En fait, ils sont infinis. Il ne s'agit plus, par exemple, de décider si la machine à enregistrer d'Edison est destinée à dicter des lettres, ainsi que le pensait le célèbre inventeur, ou bien à enregistrer de la musique, comme l'imaginait Wurlitzer. Dans le cas de l'Internet, il s'agit plutôt d'exploiter telle ou telle possibilité d'utilisations, chacune identifiée à partir d'un ensemble potentiel infiniment ouvert.

L'Internet se caractérise aussi, on l'a vu, par une accessibilité remarquablement aisée à ce potentiel infini. Les obstacles à l'accessibilité ne sont pas annulés, bien entendu, mais ils paraissent moins infranchissables comparativement à d'autres technologies plus anciennes. Ni l'imprimerie, ni la radio, ni le cinéma, ni la télévision ne peuvent se comparer à l'Internet à cet égard. En quelque sorte, le souhait de Benjamin Franklin qui visait à offrir l'accès à l'imprimerie à tout citoyen et citoyenne se réalise en partie. En effet, l'accès à la visibilité internationale ne coûte que quelques centaines de dollars en équipement et frais de connexion, et cet équipement peut servir à plusieurs individus. En d'autres mots, l'horizon d'expression universelle identifié par Benjamin Franklin se trouve désormais à la portée d'une majorité des citoyennes et des citoyens, au moins dans les pays riches du monde, à condition que la maîtrise des outils soit réellement diffusée. Savoir écrire sur un écran, c'est-à-dire maîtriser HTML ou, mieux encore, XML, deviendra en effet rapidement le critère de base de la digital literacy. Cette compétence de base devrait d'ailleurs déjà faire partie du « cursus » de base de nos écoles primaires.

Par contraste, les discours dominants, qu'il s'agisse de publicité ou de programmes gouvernementaux, visent plutôt à restreindre la marge de manœuvre et à reconduire l'individu au niveau de la consommation. Les schémas de consommation varient d'une compagnie à l'autre, d'un gouvernement à l'autre, mais ils se déguisent généralement derrière l'écran de ce que l'on pourrait appeler une « image de progrès ». Pris dans les filets des projets mercantiles, l'individu ne trouve généralement pas la voie qui le ferait sortir de la passivité et de l'inscription docile dans des schémas tout prêts offerts par des experts en marketing. Disponibilité de temps et réserves financières sont tout ce que l'on requiert des individus; en revanche, leur statut d'être libre, ou celui de citoyen, est soigneusement ignoré ou négligé. Dans le contexte transformé par la présence de l'Internet, le potentiel de la liberté et de la citoyenneté demeure encore en friche.

Pour autant, la multiplication de belles exceptions, qui surgissent chaque fois qu'un individu découvre des potentialités méconnues et s'en sert, montre que quelque chose de neuf est en train de naître. De la création de la Toile à Napster, une constante demeure : l'Internet se prête à l'invention renouvelée. Il se prête à ce foisonnement presque aussi facilement que cette autre technique étonnante qu'est le langage. Cette rencontre entre le langage et l'Internet est-elle d'ailleurs si fortuite? S'agit-il d'une simple métaphore qui se veut habile? Non point! Il faut y voir plutôt une raison fort simple : dans le monde numérique, compte d'abord, compte surtout le code. Dans l'ordre numérique, on agit en codant et en faisant usage de ces codes. Or, coder n'est rien d'autre qu'une forme d'écriture. L'action dans la «digisphère » passe nécessairement par l'écriture, même si la langue utilisée (Basic, Java, C, etc.) diffère quelque peu de la langue de tous les jours. Les raisons qui ont conduit à protéger les logiciels en passant d'abord par le droit d'auteur et le copyright, plutôt que par les brevets, sont parfaitement cohérentes et en même temps profondes. Par ailleurs, si le passage du prénumérique au numérique a si souvent entraîné la comparaison avec l'imprimerie, c'est que, dans les deux cas, il s'agit avant tout d'une transformation de l'écriture, mais, cette fois-ci, la technologie elle-même s'est faite écriture avant de se mettre à écrire.

Dire que l'écriture fonde l'activité, l'action dans l'Internet revient donc à souligner l'espace infini qui vient de s'étendre devant tout individu prêt à maîtriser les instruments nécessaires; d'où la volonté systématique, dans le monde commercial, de dissimuler ce potentiel immense derrière les séductions d'une ergonomie prônant la facilité, et seulement cela. Non pas qu'il faille systématiquement rejeter cette quête de facilité d'usage elle se situe au contraire au cœur de nombreuses avancées techniquesmais il importe de bien la situer en refusant en particulier de la troquer contre la capacité d'agir et la liberté. Tant qu'elle ne fait que compléter une zone de « capacitation » (empowerment), la facilité de l'usage mérite pleinement toute l'attention qu'on lui accorde, par exemple sur le plan de la conception des interfaces pour les usagers; en revanche, lorsqu'elle se pose en écran conçu pour dissimuler, rendre inaccessible les ressorts profonds de l'appareil, il faut en suspecter immédiatement les motifs. Et travailler à replacer l'ergonomie dans une relation autre que substitutive à la liberté d'action, à la puissance des commandes et à la « capacitation » en général. La convivialité n'est jamais garantie de «capacitation », aussi paradoxal que cela puisse paraître!

III. Comment penser la démocratisation de l'Internet?

En analysant la question de la démocratisation possible de l'Internet, et à la lumière de ce qui vient d'être écrit, divers types d'erreurs doivent donc être contournés. Il ne s'agit pas ici de la question de l'accès, même si celle-ci demeure fondamentale et couvre certainement plus que la question (simpliste) de la distribution géographique des points d'accès : coûts adéquats et maîtrise effective de la technologie ce que l'on appelle souvent, un peu abstraitement, l'« appropriation » de l'Internet complètent les dimensions de cette question plus complexe que ne le laissent transparaître les apparences. Il ne s'agit pas non plus de la gouvernance de l'Internet, même si, en dernière instance, c'est le niveau qu'il faut atteindre pour influencer réellement l'évolution de cette technologie. Il s'agit en fait de surveiller certaines tendances, soit pour les encourager, soit pour s'y opposer et les dénoncer. Mais sur quels principes doit-on s'appuyer?

L'histoire de l'Internet donne quelques éléments de réponse, mais il faut se rappeler comment a été conçu le réseau des réseaux. En effet, depuis la notion de réseau décentralisé obéissant au principe de la « patate chaude » (hot potato principle de Paul Baran), c'est-à-dire l'idée de diviser tout message en petits segments susceptibles de suivre des chemins différents, à des rythmes différents, et de passer le plus vite possible d'un « routeur » à un autre, une idée domine l'Internet : celle d'un rapport égalitaire entre ordinateurs connectés, selon le principe du « pairage » (peer-to-peer). Conçu pour régler des problèmes de fiabilité et même de robustesse, au point de pouvoir résister à des « attaques masses » aux yeux de certains, ce principe égalitaire a entraîné une série de conséquences qui n'ont pas fini de déclencher des lignes de fractures parmi les usagers de l'Internet. En effet, dans un tel système, le principe d'une diffusion de messages à partir d'un centre, quel qu'il soit, vers un groupe, ne s'applique pas facilement, et il ne se situe certainement pas dans le fil de la technologie. Toute la controverse autour des courriers publicitaires (spam) montre bien combien la résistance à ces pratiques issues des médias de masse est forte, alors que radio et télévision accompagnées de leur cortège intolérable de publicité ne représentent en fait qu'un flot ininterrompu de spam accueilli relativement passivement par une bonne majorité de la population. Le contraste est frappant et doit nous conduire à réfléchir sur cette différence entre les réactions des publics des médias de masse et celles des usagers de l'Internet, surtout lorsque l'on pense que les catégories de téléspectatrices et de téléspectateurs et d'internautes ne sont pas mutuellement exclusives.

Creusons un peu cette image. L'internaute n'a pas mordu à l'hameçon des push technologies qui, tel PointCast, lui promettaient de lui envoyer un quotidien électronique construit sur mesure; en revanche le logiciel Napster a été immédiatement plébiscité par les internautes, les jeunes en particulier, mais pas exclusivement. Pourquoi? La différence de réaction vient en partie du fait que la première stratégie ne visait que la transposition du dispositif de l'abonnement et cherchait surtout à construire un plan d'affaires lucratif pour une compagnie disposant de logiciels aptes à gérer des banques de dépêches en provenance des grandes agences de nouvelles. Dans l'autre cas, les utilisatrices et les utilisateurs de l'Internet découvraient que, grâce à un logiciel intelligemment conçu, elles ou ils pouvaient aisément échanger de la musique et ainsi multiplier très vite leurs collections musicales. Évidemment, il ne s'agissait pas de plan d'affaires dans ce système, du moins pas au début; au contraire, Napster bénéficiait d'une certaine réputation subversive puisque, en fait, il projetait à des niveaux entièrement inédits par leur ampleur les possibilités de copier et de donner des copies de disques achetés. Toléré en silence par les compagnies de disques, le piratage des CD n'inquiétait guère tant que la copie était longue et donnait un résultat inférieur; en revanche, dès que la copie s'est faite rapidement, de façon simple et sans perte appréciable de qualité, et dès que la circulation de la musique est devenue planétaire, s'est alors établi un système de troc suffisamment menaçant pour exiger un coup d'arrêt légal.

Mais ne nous laissons pas hypnotiser par les détails. La petite histoire de Napster ne représente au mieux qu'un épiphénomène; son esprit, en revanche, pointe en direction des leçons essentielles. Le phénomène Napster n'est d'ailleurs que l'extension de l'esprit qui a présidé à la construction de l'Internet, et c'est ce qui rend passionnant ce petit épisode de l'histoire de réseaux. Napster démontre de façon éclatante que des millions d'individus, avec Internet, sont en mesure d'abandonner une attitude étroitement propriétaire et étroitement égoïste pour adopter tous les avantages d'une stratégie win-win où, en donnant librement ce que l'on possède on peut aussi obtenir énormément. En effet, en donnant de l'information, on ne la perd pas; au contraire, on la multiplie et, par là, on en augmente la valeur en accroissant sa visibilité et donc son importance sociale ou culturelle.

La démocratisation de l'Internet ne repose donc pas tant sur une question d'accès équitable à un dispositif technique qui, par ailleurs, serait soigneusement abandonné entre les mains de quelques-uns; elle repose beaucoup plus sur l'extension progressive d'un esprit grâce auquel les individus se redéfinissent spontanément et rapidement dès qu'ils comprennent que leur avantage ne réside plus dans l'exercice de la propriété, mais plutôt dans la participation à une dynamique distribuée de collaboration où chacun peut espérer y trouver son compte et où l'ensemble avance de ce fait plus vite.

IV. L'individualisme « phonémique », fondation de la démocratie « Internet »

Le phénomène Linux, à cet égard, permet de préciser le sens que l'on peut attribuer à la démocratie lorsque l'on tente de la repenser dans le contexte de l'Internet. Cette collaboration spontanée, répartie sur l'ensemble de la planète, motivée surtout par une adhésion partagée à un espace informatique libéré et sans autre ambition que la quête (relative) de visibilité, rappelle beaucoup le mouvement scientifique. En effet, les scientifiques ont progressivement compris que, pour réussir, ils devaient donner à leur forme de production de la connaissance un tour qui ne dépendrait que d'eux tous. Pour cela, il fallait rendre cette connaissance publique et ainsi en permettre la critique également publique. Véritable incarnation de la République des Lettres, cette innovation culturelle majeure faisait de chaque scientifique un individu un peu spécial : non pas simplement possesseur autarcique d'un certain stock d'idées nouvelles, mais possesseur de ce stock seulement dans la mesure où les autres scientifiques lui reconnaissaient cette distinction. En cela, le scientifique ressemble beaucoup moins à un atome qu'à un phonème; en effet, l'atome existe en alignant ses « propriétés » si bien nommées et l'on pense immédiatement à la notion d'individu possessif théorisée par John Locke et si bien thématisée par le philosophe torontois C. B. MacPherson dans les années 50. Le phonème, par contraste, existe comme un atome seulement en apparence; en réalité, il se définit par un ensemble de différences stables qui le distinguent d'autres phonèmes. Un phonème existe individuellement, il est vrai, mais il ne peut justifier son existence que différentiellement, en s'appuyant sur l'existence simultanée d'autres phonèmes. Or, un auteur, un scientifique existe aussi de cette façon-là, individu « phonémique » en somme, et non « atomique ». Un participant au mouvement Linux existe également sur ce mode particulier, montrant ainsi que l'individualité phonémique semble gagner du terrain partout.

Cette expansion de l'individualisme phonémique paraît encore plus frappante si l'on réfléchit au fait que l'Internet, dans ses premières années au moins, et encore dans ses meilleures instances, par exemple l'Internet Engineering Task Force, a également abrité des formes de comportement semblables à ceux de la République des Lettres, du mouvement scientifique et, maintenant, de Linux. Le mode de publication dans l'Internet, reposant sur ces fameux RFC (request for comments, autrement dit « prière de commenter ») enregistrés en une seule liste ouverte, libre, gratuite bien sûr, reprend intégralement l'idéal de la publication scientifique avant qu'il n'ait été perverti, surtout au 20e siècle, par les grands éditeurs commerciaux qui en ont fait un commerce, à mon avis scandaleux. L'Internet s'est développé en ambiance phonémique, lui aussi, et les ouvertures démocratiques que l'on peut exploiter dans ce contexte technologique particulier relèvent en fait de ces choix initiaux instaurés par un ensemble de chercheuses et de chercheurs qui voyaient dans leur ethos (pour reprendre le mot de Robert K. Merton pour décrire la culture des scientifiques) une amélioration patente des mœurs plus généralement distribuées dans la société. À noter, au passage, que ces scientifiques ne se voyaient pas meilleurs que les autres; ils pensaient simplement avoir poussé le calcul un peu plus loin que la moyenne des gens et ils étaient ainsi arrivés à la conclusion que le jeu d'échange mis en place par eux-mêmes comportait des avantages qui suffisaient à le rendre supérieur à d'autres systèmes sociaux, celui de l'individualisme possessif en particulier. Ce que l'individu phonémique possède, ce n'est pas du capital, mais bien du capital symbolique, quitte ensuite à trouver le moyen de retraduire ce dernier en espèces sonnantes et trébuchantes. Mais en créant une « couche » (pour parler comme les ingénieurs réseaux) entre leur activité et leur rémunération, ils ouvraient un espace d'autonomie à leur activité, celle qui correspond à la catégorie du « désintéressement » dans l'analyse de Robert K. Merton.

Démocratiser l'Internet, c'est en fin de compte privilégier toutes les situations qui favorisent l'individu phonémique. Cette thèse peut immédiatement se décliner en un certain nombre de points qui seront classés ici par niveaux, correspondant aux couches de l'Internet.

  1. Les infrastructures doivent être aussi multiples et aussi décentralisées que possible. À cet égard, les efforts pour aider les individus à se relier directement entre eux pour ne jamais dépendre entièrement des grands transporteurs constituent un exemple concret de ce genre de philosophie. Pensons un instant aux agricultrices et aux agriculteurs : collectivement, elles et ils disposent, de par leur possession d'une énorme partie de la surface nationale, d'un droit de passage devenu fort précieux avec l'avènement des technologies de l'information. En achetant de la « fibre noire » et des instruments nécessaires pour envoyer des signaux lumineux dans la fibre, et en passant ces fibres d'une ferme à l'autre, les agricultrices et les agriculteurs pourraient mailler tout le pays sans jamais passer par une seule compagnie centrale. Il suffirait, dans chaque ferme, d'installer une fonction de routage sur l'ordinateur local, et le tour serait joué (ou d'ajouter un vieil ordinateur, pour une somme très modique, de façon à créer un routeur en avant d'un petit réseau interne local). Un tel maillage, d'une densité très forte, distribuerait les charges sans difficultés et ainsi se créerait une infrastructure réseau qui ne dépendrait que de citoyennes et de citoyens. Les traditions de coopération entre agricultrices et agriculteurs pourraient par ailleurs offrir les conditions culturelles et sociales de ce type de projet.
  2. Les logiciels permettant de travailler dans et avec l'Internet peuvent être des logiciels à code source libre, ce qui permet de vérifier si tout est en ordre, ce qui permet d'adapter ce logiciel aux situations locales (aux langues, par exemple) et ce qui permet enfin d'éviter des craintes plus ou moins réelles portant sur la sécurité des logiciels employés (par exemple, la question des portes secrètes que la National Security Agency aurait pu faire installer dans le code de logiciels commerciaux en profitant de l'inaccessibilité du code). Là encore, Linux offre un exemple concret de ce qui est possible à cet égard. Les logiciels à code source libre invitent, favorisent le déploiement de collaborations distribuées par des individus phonémiques et, à ce titre, ils jouent un rôle favorable à la démocratisation de l'Internet.
  3. L'information, les connaissances et les messages échangés dans l'Internet relèvent, dans le jargon classique, du « contenu ». Or, contenu, ce mot en apparence anodin, se prête merveilleusement à la propriété : il suffit d'un contenant et d'un moyen de verrouillage. Accepter cette image, c'est travailler à faire de l'Internet une transposition directe du monde de l'imprimé, c'est-à-dire un monde où l'objet de pensée est aussi, inévitablement, objet marchand. Mieux vaut imaginer la communication dans l'Internet en forme de flux entre individus phonémiques, donc égaux entre eux. Autant le livre imprimé suscite le Salon, la discussion, la critique, et vise à engendrer un public qui, par sa concrétisation, se transforme vite en marché, autant le document numérisé dépend pour son existence de communautés vivantes, actives : c'est par l'existence de l'échange que le document numérique vient à naître et à exister; sans cet échange, il ne serait que résidu verbal inerte, semblable à ces immenses collections de livres qui dorment dans nos bibliothèques de recherche en attendant que quelqu'un ne vienne les lire ou qu'ils ne s'autodétruisent par l'acidité de leur papier. Pour parodier Pirandello avec ses personnages en quête d'auteure et d'auteur, le livre imprimé cherche des lecteurs-consommateurs, tandis que le document numérique existe, circule et prolifère grâce à l'activité d'une communauté distribuée, constituée d'individus phonémiques. Quand le document numérique se fait marchand, il dépasse arbitrairement le fil de la technologie en place, et cet arbitraire devrait être aussi flagrant que cette perversion culturelle connue sous le nom de télévision commerciale!

Infrastructures, applications et flux d'information : ces trois niveaux de fonctionnement de l'Internet présentent tous des caractéristiques hautement compatibles avec un comportement de type démocratique, c'est-à-dire, ici, un réseau maillé d'individus phonémiques agissant de façon distribuée (c'est pour cette raison, incidemment, que je préfère parler d'intelligence distribuée que reprendre l'expression d'intelligence collective de Pierre Lévy). En prêtant attention à ces niveaux dans l'esprit qui vient d'être esquissé ici, il devient facile de jauger l'orientation, démocratique ou non, de l'évolution de l'Internet. Ainsi, la montée du câble contre les connexions à haute vitesse des compagnies de téléphone, de type ADSL, me paraît positive; la situation s'améliore encore si l'on ajoute les faisceaux hertziens à haut débit et la transmission des signaux IP par les circuits électriques. Cela dit, le schème coopératif entre agricultrices et agriculteurs que j'ai esquissé plus haut paraît le meilleur de tous, surtout si l'on se rappelle que nombre de communications à haut débit privilégient la bande passante vers l'utilisateur au détriment de la bande passante à partir de celui-ci : c'est indubitablement une autre façon de réinscrire le statut de consommateur dans une technologie qui ne requiert pas du tout ce genre de manipulation.

Permettre aux individus de maîtriser et d'utiliser le mieux possible les logiciels commerciaux classiques de courrier électronique et de navigation, par exemple les produits Microsoft, me paraît certainement meilleur que de ne rien faire; mais combien supérieure serait la solution qui viserait à montrer à nos concitoyennes et à nos concitoyens et à nos jeunes ces ressources libres et gratuites qui sont à leur disposition. Du même mouvement, ils apprendraient à connaître les communautés qui sous-tendent ces projets. Découvrant ce monde, certains voudront s'y joindre activement et développer les compétences nécessaires. Ils s'enthousiasmeront alors pour cette philosophie sociotechnique et contribueront à son expansion. Entre l'appropriation du premier type et celle du deuxième type, la différence, on le concédera aisément, est énorme. Ces deux formes d'appropriation ne sont d'ailleurs pas incompatibles entre elles, la première pouvant servir de premier pas à la seconde; mais se limiter à la première paraît curieux si le projet de démocratisation dépasse l'universalisation du statut de consommateur.

Enfin, il faut aussi rappeler aux individus que leurs conversations, leurs échanges et leurs compétences individuels constituent des ressources significatives. En les faisant jouer au sein d'un dispositif collaboratif distribué, ce qui permet en même temps de préserver l'individualisme et donc de déjouer les pièges bien connus du collectivisme, on peut obtenir des résultats très intéressants : voilà qui pourrait relancer la quête d'une maîtrise citoyenne sur les voix qui dominent nos places publiques. Au lieu de publicité et de slogans, nous aurions peut-être enfin droit à des messages moins léchés, mais ô combien plus vivants que le martèlement publicitaire qui nous assomme à longueur de journée! Imaginons des objectifs distribués dans ce contexte; créer les meilleurs manuels scolaires, libres, gratuits et évolutifs possible, ou encore une encyclopédie polyphonique de Montréal, du Québec, du Canada, etc. Une fois la tournure d'esprit acquise, les projets peuvent se multiplier presque d'euxmêmes et il suffit alors d'apprendre à lancer, à catalyser en quelque sorte ces flux dynamiques d'échanges entre êtres humains qui, inévitablement, produisent non pas du « contenu » terme plat, banal, propre au monde commercial mais bien de la collaboration productive, de la solidarité, un élan que rien ne saurait plus arrêter. Là encore, le phénomène Linux parle de lui-même, tout comme le mouvement animant TCP/IP, qui a su agir plus vite et mieux que les équipes financées par les grands gouvernements d'Europe et les compagnies de téléphone de l'Amérique du Nord, tout comme encore le mouvement scientifique qui a pris de vitesse les forteresses de la connaissance érigées par l'Église catholique.

V. Conclusion

La démocratisation de l'Internet ne vise pas simplement à tenter d'aménager une technologie dont le cours, par ailleurs, serait dicté par une logique interne suffisamment forte pour faire penser au destin ou à la fatalité. En même temps, il faut bien comprendre ce que sont ces nouvelles technologies dans nos contextes de vie. Ainsi pouvons-nous espérer retraduire en des termes efficaces des valeurs démocratiques. L'égalité, par exemple, se traduit par une généralisation de l'attitude peer-to-peer; l'appropriation des technologies nouvelles renvoie à la création de communautés d'individus phonémiques déployant une forte intelligence distribuée. La liberté s'incarne par le désir de ne pas se laisser leurrer par des convivialités pernicieuses et la séduction de solutions de facilités qui ligotent l'utilisateur pour mieux le réassigner à son rang de consommateur.

Aucune de ces luttes n'est perdue d'avance; symétriquement, aucune victoire n'est acquise, ainsi en sachant déchiffrer pourquoi Microsoft effectue les choix qu'il effectue, comment Linux et les logiciels à code source libre portent leurs efforts sur tel ou tel secteur technique, etc. on peut commencer à comprendre comment se positionner et prendre parti dans les grandes manœuvres technologiques. On comprend aussi pourquoi les choix ne sont pas seulement à court terme et individuels, pourquoi il ne faut pas se laisser prendre par des facilités apparentes qui évitent, toujours en apparence, divers frais. Linux demande peut-être un peu plus de formation, mais l'argent de la formation demeure ici plutôt que de partir dans l'État de Washington, et le niveau moyen de compétence augmente localement; en même temps, la liberté d'action et la sécurité augmentent. Il en va de même pour l'Internet. Pousser pour le droit de déployer des réseaux entre individus, développer le plus de solutions alternatives possibles, profiter du dynamisme de divers groupes pour engendrer des échanges qui, sans efforts ou presque, se substituent à la production planifiée, statique, mortifère de « contenus » : tels sont les mouvements, tel est l'esprit qui permet à un ensemble de citoyennes et de citoyens d'imaginer comment travailler l'Internet pour l'infléchir dans un sens qui leur est favorable plutôt que d'en faire le levier de profits accrus pour une petite élite financière.

Défis et enjeux des TIC dans le monde du travail

Linda Craig

conseillère syndicale, Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP-FTQ).

Chaque fois qu'on me demande de parler des défis et des enjeux que constituent les technologies de l'information pour le monde du travail, je me retrouve toujours dans une position inconfortable. Vais-je encore afficher cet air pessimiste? Est-ce que l'on va encore me classer parmi les critiques malheureux, ces syndicalistes qui tiennent le discours du déterminisme social, de l'asservissement de l'être humain à la technologie, qui encouragent la méfiance à l'égard de tout processus de mise en œuvre au profit d'une opposition ouverte et active, comme le dit le professeur Jacob de l'Université du Québec à Trois-Rivières?

Chaque fois, donc, je me vois confrontée à cette grande question existentielle : suis-je vraiment un critique malheureux qui croit, comme l'affirme Jacob, que le maintien des acquis passe nécessairement par une opposition aux NTIC et à ces nouvelles formes d'organisation du travail? Même si l'étiquette me titillait quelque peu, j'avoue que j'ai toujours éludé rapidement la question en me disant que, de toute manière, notre époque qualifiait facilement les syndicats et leurs représentantes et représentants de ringards. Qu'on pouvait bien nous accoler l'épithète de « critique malheureux » ou nous reprocher d'aborder les changements technologiques suivant une logique d'impact, il fallait néanmoins admettre que les syndicats devaient quotidiennement composer avec les conséquences que les technologies entraînent pour les travailleuses et travailleurs. Donc, me disais-je, à quoi bon m'attarder sur ce genre de question?

Mais voilà, même reléguée aux oubliettes de mon cerveau, cette question me hantait. Je me suis dit que je pourrais peut-être régler facilement le problème : faire un effort et passer résolument dans le camp des optimistes. Ne serait-ce que pour faire un pied de nez aux préjugés.

Je ne m'en cache pas, l'exercice a été intéressant. Dans le cadre d'un colloque organisé par le SCFP, les 2 et 3 octobre dernier, j'ai demandé aux 175 travailleuses et travailleurs présents de décrire les conséquences positives de l'introduction des technologies de l'information dans leur milieu de travail. Première constatation : les systèmes informatiques, les divers périphériques existants, les logiciels et CD-ROM de toutes sortes, les réseaux locaux et externes, toutes ces technologies sont maintenant omniprésentes dans tous les secteurs que nous représentons.

Deuxième constatation : des conséquences positives, ça existe! Les personnes ont mentionné que les TIC avaient permis la création de nouveaux emplois dans certains secteurs, notamment dans celui des communications. Dans plusieurs cas, les TIC ont revalorisé le travail en faisant disparaître certaines tâches répétitives et abrutissantes. Pour certaines personnes, les tâches se sont enrichies (secrétariat), les responsabilités se sont accrues (plus d'autonomie), le travail s'est diversifié et laisse plus de place à la créativité. On note également que les technologies permettent un accès plus rapide aux informations pertinentes et que, de ce fait, le travail est exécuté plus rapidement, plus efficacement. Dans certains types d'emploi, les TIC permettent de travailler collectivement, en temps réel, à un même projet, et développent par conséquent l'esprit d'équipe. Dans le secteur de la santé, on souligne que les réseaux sont un atout indéniable pour les régions. Enfin, le service à la clientèle s'est amélioré.

Par ailleurs, fait intéressant à noter, aucune des personnes présentes n'a remis en question le caractère incontournable des technologies de l'information. Personne n'a proposé un retour en arrière. Au contraire, plusieurs d'entre elles ont mentionné que l'apprentissage de nouveaux outils était une conséquence positive. En fait, les travailleuses et les travailleurs critiquent plutôt les manières de faire quant à l'implantation des TIC et à leur utilisation.

Troisième constatation, ou peut-être devrais-je parler de confirmation, les effets des technologies sont très paradoxaux. En fait, chacune des conséquences positives identifiées par les travailleurs et les travailleuses avait son contraire. Comme le disait un des conférenciers du colloque : « L'histoire des TIC est caractérisée par une surestimation de leur utilité à court terme, mais une sous-estimation de leurs conséquences à long terme ». Et voilà pour l'effort optimiste! Je passe maintenant aux conséquences négatives des technologies.

Dans la société industrielle, les principales menaces pour la santé et la sécurité au travail sont d'origine matérielle : les machines, les accidents, les produits dangereux, le bruit, la pénibilité du travail, etc. Dans la société de l'information, ces menaces n'ont certes pas disparu, mais d'autres formes de détérioration des conditions de travail se développent. Les participantes et les participants au colloque du SCFP ont relevé pas moins d'une trentaine de conséquences négatives. Toutefois, résolue à ne pas verser dans le pessimisme, je ne vous les citerai pas toutes. Je me contenterai donc de vous mentionner celles qui reviennent les plus souvent.

Plusieurs milieux de travail ont connu d'importantes rationalisations entraînant des abolitions de postes, des mises à pied par attrition et des relocalisations de personnel. L'arrivée des systèmes intégrés de gestion les fameux ERP n'arrange pas les choses. Au contraire! Ces systèmes remettent en question toutes les façons de faire et modifient profondément les tâches quand ils ne les éliminent pas tout simplement.

Le contrôle électronique, dont la caractéristique principale est d'être continu, est devenu une véritable obsession pour plusieurs employeurs et une source de problèmes sérieux pour beaucoup d'employées et d'employés. Il ne s'agit plus seulement de mesurer des quantités physiques, comme le nombre d'opérations effectuées ou le nombre de clientes et de clients contactés, mais aussi d'évaluer un comportement. On ne surveille plus seulement le travail mais la personne, et ce, pour des raisons toutes aussi spécieuses les unes que les autres. Les systèmes de contrôle électronique sont de plus en plus sophistiqués et, disons-le, insidieux. Le contrôle continu panoptique, mais connu que subissent les travailleuses et les travailleurs engendre un degré élevé de stress. On note d'ailleurs une augmentation significative des problèmes de santé liés au stress (fatigue mentale, épuisement professionnel, dépression, etc.) Les centres d'appel remportent probablement la palme dans ce domaine. Les maladies en « ite » sont également en hausse.

Les gens se plaignent du manque flagrant de formation, d'information et de consultation, ce qui engendre beaucoup d'insécurité et encore du stress. Les travailleuses et les travailleurs subissent les transformations de leur milieu de travail, mais n'ont aucune prise, ou si peu, sur ces changements.

Les cadences de travail sont toujours plus astreignantes, le fardeau des tâches ne cesse de s'alourdir et la variété des formes de travail flexible est de plus en plus grande. Tous ces problèmes et bien d'autres ont un dénominateur commun, les technologies de l'information. Voilà qui est rassurant, nous avons notre coupable : les TIC sont responsables des conditions de travail qui se détériorent! Rassurant, mais surtout facile! On évite de chercher ce qui se cache derrière les technologies!

Rassurez-vous, je n'ai nullement l'intention de susciter un débat sur l'existence ou non d'un déterminisme technologique ou de discuter de la neutralité des technologies. Je laisse ce genre de discussions aux universitaires.

Quoi qu'il en soit, déterminisme ou pas, les technologies sont certainement déterminantes. Et, qu'elles soient neutres ou non n'enlève rien au fait que certaines personnes choisissent telle ou telle technologie, décident de leur implantation et de leur utilisation. Le discours du déterminisme technologique n'est pas celui des syndicats, mais bien celui des décideurs qui ne veulent pas prendre en compte les conséquences sociales et qui préfèrent se cacher derrière la technologie avec un grand « T » plutôt que de faire face à leurs responsabilités.

Devant ces constats, il est évident que les syndicats ne peuvent rester les bras croisés. Ce qu'ils exigent, c'est d'avoir voix au chapitre, puisque les personnes responsables des stratégies de mise en œuvre ne s'embarrassent guère, elles, d'approche anthropocentrique et se préoccupent encore moins de l'équilibre entre l'économique et le social. Bref, les équipes de projet ont rarement le réflexe des questionnements organisationnels et sociaux et réfléchissent rarement aux conséquences auprès des personnes touchées. Voilà pourquoi les critiques malheureux doivent, eux, s'en soucier. Nous ne pouvons ignorer les impacts qui sont très souvent radicaux.

Il y a quelques années, Jeremy Rifkin nous livrait un message fort pessimiste (tiens, un autre!), alors qu'il prédisait la fin du travail. Bien sûr, nous n'assistons pas encore vraiment à la fin du travail, quoique la mutation informationnelle permette de produire toujours plus de biens et de services avec de moins en moins de travail humain. Ce que nous constatons cependant, c'est que plusieurs catégories de travailleuses et de travailleurs voient leur emploi disparaître, et ce, dans un court laps de temps.

Par le passé, une élimination d'emplois provoquée par des changements technologiques pouvait se produire sur plusieurs années, voire des décennies. La société avait le temps de se préparer au changement et de s'adapter. Les personnes qui occupaient les emplois en voie de disparition prenaient en général leur retraite avant que le pire ne se concrétise, et les jeunes se dirigeaient dans d'autres domaines.

Aujourd'hui, tout se passe beaucoup plus rapidement. Une personne scolarisée qui occupe un emploi bien rémunéré peut se retrouver en l'espace de deux ou trois ans avec un emploi déqualifié, peu payé. Des pans entiers de la population vivent dans la peur d'être ainsi plongés dans cette sorte de nowhere (ndlr : nulle part). De plus, les risques de se retrouver dans cette situation augmentent avec l'âge.

Bien sûr, il y a la formation continue. Tout le monde vante la formation continue, et les syndicats ne font pas exception. Cependant, on a vu récemment surgir d'autres types de problèmes liés à la formation. Dans certains secteurs, notamment dans le secteur des communications, les personnes affirment ne plus être capables, physiquement et mentalement, de suivre toute la formation nécessaire au maintien de leurs qualifications. Or, il ne s'agit pas de personnes ayant dépassé la cinquantaine, mais bien de personnes dans la mi-trentaine. Les gens sont épuisés et ont de moins en moins de temps de loisirs. On nous répète sans cesse que dans la société de l'information, il faudra se recycler ou mettre à jour ses connaissances plusieurs fois au cours d'une vie. Toutefois, on ne nous dit pas comment cela sera possible physiquement, mentalement et financièrement.

Si je pense que les technologies sont bel et bien en cause, je crois aussi qu'elles ne sont, en fait, qu'un élément des problèmes que connaissent les milieux de travail. C'est pourquoi il est important de ne pas les considérer de manière isolée. Les TIC sont surtout un support indispensable à des stratégies commerciales qui forcent de nouvelles pratiques, qui, à leur tour, transforment profondément les conditions de travail et exercent sur elles d'énormes pressions.

On ne peut donc dissocier les technologies des mouvements qu'elles rendent possibles, notamment la mondialisation. À ce sujet, vous me permettrez de vous citer un extrait d'un texte du sociologue Pierre Bourdieu intitulé L'essence du néolibéralisme qui illustre bien mon propos.

« La mondialisation des marchés financiers, jointe au progrès des techniques d'information, assure une mobilité sans précédent de capitaux et donne aux investisseurs, soucieux de la rentabilité à court terme de leurs investissements, la possibilité de comparer de manière permanente la rentabilité des plus grandes entreprises et de sanctionner en conséquence les échecs relatifs. Les entreprises elles-mêmes, placées sous une telle menace permanente, doivent s'ajuster de manière de plus en plus rapide aux exigences des marchés; cela sous peine, comme on dit, de "perdre la confiance des marchés", et, du même coup, le soutien des actionnaires qui, soucieux d'obtenir une rentabilité à court terme, sont de plus en plus capables d'imposer leur volonté aux managers, de leur fixer des normes, à travers les directions financières, et d'orienter leurs politiques en matière d'embauché, d'emploi et de salaire.

Ainsi s'instaurent le règne absolu de la flexibilité, avec les recrutements sous contrats à durée déterminée ou les intérims et les "plans sociaux" à répétition et, au sein même de l'entreprise, la concurrence entre filiales autonomes, entre équipes contraintes à la polyvalence et, enfin, entre individus, à travers l'individualisation de la relation salariale : fixation d'objectifs individuels; entretiens individuels d'évaluation; évaluation permanente; hausses individualisées des salaires ou octroi de primes en fonction de la compétence et du mérite individuel; carrières individualisées; stratégies de "responsabilisation" tendant à assurer l'auto-exploitation de certains cadres qui, simples salariés sous forte tendance hiérarchique, sont en même temps tenus pour responsables de leurs ventes, de leurs produits, de leur succursale, de leur magasin, etc., à la façon d'"indépendants"; exigence de l'"autocontrôle" qui étend ('"implication" des salariés, selon les techniques du "management participatif, bien au-delà des emplois de cadres. Autant de techniques d'assujettissement rationnel qui, tout en imposant le surinvestissement dans le travail, et pas seulement dans les postes de responsabilité, et le travail dans l'urgence, concourent à affaiblir ou à abolir les repères et les solidarités collectives ».

Je pense que, s'il faut sérieusement se questionner sur les technologies, il est tout aussi impérieux de réfléchir aux mouvements qu'elles engendrent et de s'interroger sur les pouvoirs que s'arrogent une poignée de décideurs. Voulons-nous vraiment de cette société individualiste que l'on veut nous imposer, qui ne jure que par la performance et ne tolère plus l'échec? Une société qui muselle le plus possible les instances collectives tentant d'imposer d'autres points de vue. Une société où la précarité et l'insécurité forcent les personnes à être plus dociles. Une société où des travailleuses et des travailleurs de plus en plus stressés, soumis à des horaires de travail de plus en plus flexibles, essaient tant bien que mal de s'organiser une vie de famille.

Les changements sont gérés de telle manière qu'ils affectent négativement la qualité de vie au travail des personnes, mais plus encore la qualité de vie tout court. En bout de course, c'est toute la société qui s'en trouve affectée.

Vie privée et nouvelles technologies de l'information et de la communication

Vincent Emmel

formateur au Centre Saint-Pierre

J'ai changé un peu ma présentation ce matin en fonction du déroulement de la journée d'hier. Je vais faire une présentation plus personnelle. Je l'ai donc intitulée Ma vie privée et les nouvelles technologies de l'information et des communications.

Alors, je vais regarder mes droits par rapport aux technologies de l'information, ceux qui sont les plus affectés par ces nouvelles technologies. Je vais m'adresser à vous, en tant que responsable d'organisme et décideur, et traiter de vos obligations par rapport à mes droits. J'aborderai ensuite la dilution actuelle de mes droits causés par les TIC et je ferai un inventaire de ce qui se passe actuellement. Puis, je parlerai de la frontière Internet. Le terme n'est pas de moi, mais d'un auteur américain qui vient de publier The Internet Edge, un livre traitant de tous les impacts sociologiques, éthiques et moraux de cette grande frontière qu'est l'Internet. Pour terminer, je présenterai quelques options qui pourraient tous nous mobiliser.

Mes droits et vos obligations. Je vais parler du droit à l'information et ensuite de mes droits d'accès et de rectification de cette information qui est recueillie par les TIC. Ensuite, je parlerai du droit au consentement, autrement dit, mon droit de regard sur l'information que vous avez obtenue sur moi et de celui de vous donner mon consentement pour l'utiliser.

Commençons par mes droits à l'information. La loi actuelle au Québec, et bientôt la loi fédérale, reconnaît ainsi mes droits : j'ai le droit de recevoir de vous des informations, celui d'être informé des renseignements que vous avez récoltés et celui que vous m'informiez sur le « comment me prévaloir de ces droits ». J'ai aussi le droit de savoir ce que vous allez faire de cette information, qui va y avoir accès, c'està-dire à qui vous allez la divulguer.

Nous en arrivons maintenant à vos obligations. Vous ne devez recueillir que les renseignements strictement nécessaires à fournir le service que vous voulez me donner. Vous n'avez pas le droit d'en recueillir d'autres. Comme de raison, vous devez absolument prendre les moyens de m'informer sur mes droits et de me dire comment je peux m'en prévaloir dans votre organisation. Vous devez m'informer de tout ce que vous allez faire ou de ce que vous voulez faire avec ces renseignements, et à qui vous allez les communiquer. Vous devez aussi me dire si vous recueillez des informations chez des tiers, et auprès de qui vous les avez recueillies.

En faisant tout cela, vous n'avez pas le droit de refuser de me donner un service parce que je m'objecte à certaines utilisations faites de renseignements personnels. Après avoir pris connaissance de toute cette information recueillie sur moi, aux profils que vous en avez tirés, si de petites erreurs se sont glissées là-dedans, j'ai le droit de les rectifier. Donc, j'ai le droit de consulter vraiment ces données et le droit de consultation au Québec est gratuit s'il est fait sur place. J'ai le droit d'obtenir des copies, quitte à acquitter les frais minimums. Je peux aussi corriger un renseignement que je considère erroné, périmé ou équivoque. Je peux vous demander de retirer un renseignement parce qu'il n'a rien à voir avec les services que vous voulez m'offrir. Je peux aussi inclure un commentaire ou ajouter un renseignement si je crois que les renseignements que vous avez ne peuvent pas vous permettre de me donner un bon service ou que vous en ayez tiré un profil erroné. Vous avez alors l'obligation de l'inscrire au dossier et de me le confirmer d'une façon ou d'une autre.

Vous avez donc l'obligation de favoriser l'accès à tous ces renseignements personnels et leur rectification. Je dois savoir à qui m'adresser chez vous. Vous avez l'obligation, non pas au Québec mais au niveau fédéral, à partir du 1er janvier, de nommer un responsable qui va s'occuper de cette question, et d'établir un processus de traitement de telles demandes au sein de votre organisation, pour assurer ces droits d'accès et de rectification. Je vais alors pouvoir décider de façon éclairée si je vous donne mon consentement pour l'utilisation des données à des fins spécifiques que vous devez déterminer. La durée du consentement est toujours limitée. Il peut se donner de nouveau lorsque l'objet pour lequel vous avez recueilli l'information change ou si vous voulez la communiquera des tiers.

Vous avez alors l'obligation de me rencontrer et d'obtenir un nouveau consentement, donc celle de me fournir toute l'information obtenue. Vous avez aussi l'obligation d'assurer la confidentialité des renseignements recueillis et leur sécurité. De plus, lorsque vous les utilisez pour prendre une décision qui me concerne, vous devez vous assurer de leur exactitude et de leur qualité, et me rencontrer pour tes mettre à jour.

Cela m'amène à ce que j'appelle la dilution des droits en milieu de travail. Actuellement, je suis consultant dans une entreprise de technologie de pointe. Le président, âgé de 22 ans, gère plus de 200 employés. Personnellement, je n'y travaillerais pas. Quand cette entreprise engage quelqu'un, elle lui fournit un cellulaire et un petit ordinateur portatif, en anglais un laptop. Le nouvel employé doit être disponible 24 heures par jour. Heureusement, il y a un règlement à Montréal qui empêche les gens de coucher sur place! Pourtant, cette entreprise l'exige, et les employés réclament de pouvoir le faire parce qu'ils n'arrivent pas à faire tout le travail à l'intérieur de l'horaire normal.

Je trouve personnellement épouvantable que ces employés soient toujours tenus de travailler dans de telles conditions, même si pour eux, c'est presque devenu la normalité dans cette industrie. Évidemment, il n'y a pas de syndicat dans cette entreprise et je n'ai pas l'impression qu'il va y en avoir un bientôt!

Poursuivons sur la question de la dilution des droits. Il y a 50 ans, ma vie privée était bien plus protégée. Si quelqu'un voulait connaître mes goûts, par exemple le genre de réfrigérateur, d'ustensiles de cuisine ou de divan que je possédais à la maison, il devait absolument cogner à la porte et me demander la permission d'entrer et de faire un inventaire. Ou si c'était une enquête policière, l'agente ou l'agent devait détenir un mandat de perquisition. Aujourd'hui, nul besoin d'une telle permission ou d'un tel mandat : cela fait aussi partie de la dilution des droits.

Analysons maintenant la dilution des droits dans la collecte, l'utilisation et la communication des renseignements personnels grâce aux TIC. Nous avons parlé un peu hier, dans la collecte des données, il y a les cookies. De quoi s'agit-il? Un cookie, c'est du vandalisme organisé. Les entreprises obtiennent des informations à notre insu! Elles affirment que c'est maintenant la norme : quand on visite un site, l'entreprise le sait. Habituellement, quand je vais voir mon voisin, il n'écrit pas sur mon automobile que je l'ai visité! Un cookie, c'est carrément ça. Le cookie dit régulier est un petit programme espion qui transmet des informations à votre insu, et il dure en général 42 ans!

Les gens commencent à se plaindre de ces cookies de longue durée. Il existe maintenant un cookie de session qui permet d'identifier tous les endroits que vous avez visités sur un site donné. Certains, plus sophistiqués, fournissent d'autres types de renseignements. Ils sont censés s'autodétruire une demiheure après que vous ayez quitté leur site. Ce n'est pas garanti, sauf si vous le faites vous-même!

Même si vous réussissez à contrer les cookies au niveau de votre ordinateur, il est possible de vous identifier avec un Web worm, une nouvelle découverte. Il sera installé malgré vous, c'est tout simplement un écran qui se surexpose à votre écran, impossible à détecter. Même moi, j'en suis incapable, car je ne possède pas la technologie pour le faire. Éventuellement, de petits logiciels sur Internet nous permettront de savoir si on a des Web worm.

Le Web worm informe l'entreprise qui l'a installé à votre insu de tous les sites que vous avez visités. Si vous voyagez trop, votre patron va penser que vous avez peut-être la maladie de Parkinson! Il va savoir exactement ce qui vous intéresse quand vous vous promenez sur la Toile, ce qui peut être très dérangeant. Ces entreprises peuvent aussi suivre ce que vous faites par l'entremise du système. Si vous donnez accès à des gens qui vont aller chez vous, vous ouvrez des sites. D'où ma question hier sur l'accès dans le Café Internet. Il n'y a pas seulement le fichier cookie qui transmet des informations. Si j'utilise votre ordinateur après que vous avez navigué sur Internet, je peux aussi, si vous n'avez rien effacé, savoir exactement tous les endroits où vous êtes allé, et même ressortir les images que vous avez vues lorsque vous vous êtes promené!

Toutes ces informations peuvent être facilement trouvées dans votre «historique», dans le fichier-thème si vous avez téléchargé (« downloadé ») des documents pour les regarder ou les imprimer. La façon dont le système fonctionne est la suivante : quand il ne sait où aller, tout est envoyé dans le fichier-thème. On peut donc y retrouver tout ce que vous avez cherché depuis des années, tout ce qui s'accumule si vous n'avez rien effacé. Un autre petit fichier, le « Temporaux Internet File », permet de voir les images que vous avez regardées.

Ce sont tous des outils dont on peut se servir pour recueillir des informations à l'insu de l'utilisatrice ou de l'utilisateur. Il ne faut jamais oublier que, dans la communication, des ondes radio sont utilisées. Elles peuvent être interceptées par n'importe qui sans qu'on le sache. Généralement, nos grandes organisations gouvernementales aimeraient beaucoup obtenir toutes sortes d'information. Je ne sais pas si vous avez entendu parler d'Échelon... Les Européens ont découvert ce système à un certain moment. Ils ont beaucoup questionné les Américains, les Anglais, les Canadiens et les Australiens parce qu'ils avaient installé une espèce de parapluie appelé Échelon, lequel interceptait toutes les communications mondiales. Il permettait de capter certains termes spécifiques comme : «jen'aime pas leur capitalisme ».

Une nouvelle chose devient très à la mode : les puces de localisation. D'ici un ou deux mois, il sera obligatoire de mettre, dans les traitements de téléphone cellulaire, une puce de localisation. Cette idée, bien accueillie au début, a été adoptée pour solutionner le problème suivant : quand les gens appellent le 911, on ne peut savoir où ils sont. Avec une puce de localisation, il serait possible de répondre plus rapidement à une situation d'urgence. On a alors décidé d'installer des puces de localisation dans tous les téléphones cellulaires. Mais l'expérience a révélé un autre problème : est-ce que cette puce sera toujours en activité (on) ou si l'on pourra la débrancher (off)?

Cette puce pourrait être beaucoup utilisée pour établir le profil d'individus utilisant leur téléphone : il sera possible de savoir exactement où ils sont et ce qu'ils font. Que peut-on faire avec l'utilisation de ces renseignements, de ces profils? Mais d'abord, qu'est-ce qu'un profil? C'est une définition de l'individu. Auparavant, on définissait un citoyen par ce qu'il apportait vraiment à la société. On disait: c'est un bon forgeron, c'est un bon chauffeur d'autobus, c'est un bon curé. C'est ainsi que l'on définissait les gens, et ça s'arrêtait là.

Aujourd'hui, les individus sont définis par leurs capacités ou leur pouvoir d'achat. Automatiquement, en analysant le pouvoir d'achat, on vient d'exclure une grosse partie de la population. Une fois votre profil établi, il est extrêmement difficile de s'en débarrasser. Avec la fameuse puce de surveillance, on peut ajouter à ce profil des choses extrêmement intéressantes et les utiliser pour exclure encore des gens, encore plus, parce que l'on peut facilement déterminer où ils habitent. Si une entreprise décidait de se servir de critères disons très ségrégationnistes, le fait d'habiter à tel endroit dans telle ville risquerait d'exclure une personne de catégories aptes à acheter tel ou tel produit vendu par cette charmante compagnie! La communication de ces profils devient alors un commerce assez lucratif. Les gens commencent un peu à se réveiller à ce propos.

Dernièrement, j'ai reçu ce qu'on appelle du spam, des circulaires de publicité par Internet. Quelqu'un disait : «On vient de voir votre profil, en voici une copie, vous êtes intéressé à tel et tel produit. Êtesvous intéressé à recevoir à nouveau du spam sur ces produits? Je me suis demandé si je devais répondre ou non. Si je réponds, je les informe que je les écoute et ils vont probablement m'en envoyer d'autres. Au moins ce spam n'était pas bien méchant. Lorsque vous recevez de telles annonces par Internet, qui vous disent de cliquer ici pour gagner une auto, ou n'importe quoi, c'est très tentant! Dès que vous cliquez, vous venez d'envoyer énormément d'information sur votre ordinateur, votre adresse, ce qui valide leurs dossiers!

J'en viens maintenant à la frontière Internet. Où on sommes-nous? Je vais tout simplement donner un exemple de ce que la technologie aujourd'hui permet de faire. Le scénario est le suivant : je décide d'aller m'acheter une cravate, disons chez Simons. Je prends mon auto, sans vous décrire toute sa nouvelle technologie parce que je ne la connais pas encore assez. Je me stationne non loin de Simons. Je sors ma carte à puces, je la mets dans le parcomètre et j'indique de ne prendre que le montant d'argent pour une demi-heure. Et je pars. Je marche et je passe devant la première tabagie. Mon cellulaire sonne. Je le prends, j'écoute et on me dit : « Tu devrais aller à la tabagie, ton magazine préféré vient d'y être mis en tablette ». Mais je n'ai pas le temps, il faut absolument que j'aille chercher ma cravate. Je referme mon cellulaire et je continue. Je passe devant un magasin de souliers et le cellulaire sonne à nouveau : « Tes souliers préférés en suède viennent juste d'arriver, le magasin a ta pointure et si tu viens immédiatement, tu feras une économie de 10 % ». Non, encore une fois je continue, c'est ma cravate qui m'intéresse. Je rentre chez Simons, je vais chercher ma cravate, je la paie, je descends dans la rue, je me dépêche de retourner à mon auto, le téléphone sonne encore. On me traite d'abruti : si j'avais continué deux coins de rue plus loin, j'aurais payé ma cravate trois dollars de moins. Un peu frustré, je n'ai pas le temps d'aller changer ma cravate. Je me dépêche pour aller jusqu'à mon auto, le téléphone sonne encore. Mon parcomètre m'informe qu'il ne reste que 30 secondes pour me rendre à mon auto et empêcher la préposée au stationnement de m'en coller une! En même temps, je reçois une autre annonce m'incitant à voter pour tel maire, lequel promet dans son programme électoral l'abolition des préposés et l'envoi automatique des contraventions par le parcomètre lui-même!

Tout cela se résume donc à ceci : ce n'est pas vraiment le monde dans lequel je veux vivre! Ce monde qui est à nos portes et qui repose sur les TIC. Dans quel monde est-ce que je veux vivre? Sûrement pas dans celui que je viens de décrire! En fin de compte, il faut choisir aujourd'hui le monde dans lequel nous voulons vivre, parce que nous sommes à une frontière, la frontière Internet. Ce sont des gens comme nous qui ont à prendre les décisions pour empêcher que cela ne se produise. Quelles sont nos choix?

Un premier courant dit qu'on n'y peut rien! Beaucoup d'entreprises disent que l'autorégulation va tout régler, que le marché va s'arranger pour protéger nos droits, qu'à la longue tout va se stabiliser et qu'on n'a pas besoin d'avoir peur. Un second courant propose de commencer à exiger que la seule technologie acceptable soit la technologie qui respecte la protection de nos droits, celle qui apporte une amélioration et une simplification à l'exercice de nos droits, celle qui ne dilue pas nos droits, celle qui favorise la protection de nos droits. Voilà, c'est un peu ce que je désirais vous exposer ce matin. Merci beaucoup.

Pour notre développement et pour une maîtrise sociale des TIC, de quel type d'éducation avons-nous besoin?

Manuel Cisneros

chargé de projet ICÉA

Nous partons de l'idée suivante : la société québécoise doit intervenir dans la détermination du type de société de l'information à construire au Québec. Nous devons avoir une influence sur le sens à donner aux utilisations des TIC. Ces technologies devraient répondre à nos besoins et elles devraient contribuer à la solution de nos problèmes et à nous faire progresser sur tes plans social et culturel. Plus particulièrement, elles devraient nous permettre d'améliorer notre système éducatif et de mieux répondre aux besoins d'éducation et de formation de la population. Mais pour que les technologies puissent nous servir, il faut que nous nous en approprions et que nous en orientions le développement. Pour en être capables, nous avons besoin de certaines connaissances et compétences.

Nous présenterons dans un premier temps le contexte d'implantation des nouvelles technologies, puis nous analyserons ce qui pourrait être la formation nécessaire à la maîtrise des nouvelles technologies. Nous exposerons par la suite de façon générale ce qui se fait en éducation avec les nouvelles technologies. Pour terminer, nous élaborerons quelques propositions permettant de continuer le processus de réflexion ainsi que quelques pistes d'action pour nos organisations.

CONTEXTE GÉNÉRAL : SOCIÉTÉ DU SAVOIR OU SOCIÉTÉ ÉDUCATIVE?

Les sociétés les plus développées de la planète sont en train de construire des sociétés du savoir, c'està-dire des sociétés basées sur le développement et l'intégration accrus des informations et des connaissances pour l'amélioration du processus de production, de distribution, de commercialisation, etc. Ces sociétés sont plus lettrées et elles exigent plus d'informations, plus de connaissances, plus de formation, et donc plus de participation active et experte dans tous les secteurs de l'activité économique, culturelle et sociale. Cela devrait être accompagné aussi d'une augmentation de l'offre de service d'éducation pour l'ensemble de la société. Or, tel n'est pas le cas, car d'autres facteurs entrent en ligne de compte. Le principal est celui de la dynamique économique dominante qui, malheureusement, n'est bénéfique qu'à certaines couches de la société et donne la priorité aux secteurs de l'éducation les plus rentables et à une réduction des services publics. C'est pour cette raison que « société du savoir » n'est pas l'équivalent de « société éducative ». C'est à nous de modifier cette dynamique, il nous faut construire une société de l'information comme une société éducative au Québec, un modèle de société dans laquelle tout sera organisé pour pouvoir offrir à la population entière toutes les ressources éducatives dont elle a besoin.

1. Les nouveaux besoins de formation

Le modèle économique de la société de l'information en construction est un modèle qui nécessite une implication et des changements continus au cœur du processus productif. Il demande des compétences génériques et spécifiques développées. Les produits, matériels ou virtuels, changent sans cesse. Notre société devient de plus en plus complexe et elle évolue à un rythme accéléré. Pour y vivre et suivre ces changements, il nous faut, plus qu'auparavant, une bonne formation de base sur laquelle se greffera un

processus de formation continue, un nouveau concept qui vient d'émerger. Les connaissances nécessaires pour pouvoir comprendre nos sociétés et y vivre ne se limitent pas à des connaissances et à des compétences de type scolaire. Elles incluent plus qu'auparavant l'acquisition de connaissances et compétences techniques (par exemple l'informatique) et à caractère social (par exemple les conditions d'exercice de la citoyenneté ou la reconnaissance de nos compétences), et cela tout au long de notre vie. Bref, nos besoins de formation ont augmenté, se sont diversifiés et ne se limitent plus à une période de nos vies.

Devant l'essor des technologies de la communication et de l'information sont nés des besoins spécifiques de formation : il faut connaître les ordinateurs, les réseaux, il faut savoir exploiter les nouvelles ressources en matière d'accès à l'information, de son traitement, et même de sa production. Tout cela en évitant que des technologies ne nous imposent de nouveaux clivages ou ne nous asservissent à des besoins superficiels. Chacun des citoyens et des citoyennes a donc besoin de les comprendre, de savoir les utiliser et aussi de critiquer tes différentes façons dont elles sont utilisées.

2. L'accès et l'offre de formation avec les nouvelles technologies

Si les TIC offrent de nouvelles possibilités d'accès à l'information et aux connaissances, il faut avant tout que cela s'adresse à tout le monde. Il faut que nos écoles et nos institutions soient équipées en conséquence et que nous soyons formés pour utiliser ces technologies. Deuxièmement, il est nécessaire que ces dernières nous aident à apprendre, qu'elles enrichissent notre système éducatif sans que cela signifie une substitution des enseignantes et des enseignants, une élimination des processus nécessaires de socialisation et un processus forcé de réduction des coûts.

Où en sommes-nous?

En ce qui concerne l'accès aux nouvelles technologies, des progrès ont été faits, mais nous considérons que les efforts devraient se poursuivre pour le branchement des familles, des organismes communautaires et des régions. En ce qui concerne l'accès dans les écoles du Québec, le ministère de l'Éducation souligne l'atteinte d'un ratio de huit élèves par poste. Ce progrès ne doit pas cacher la réalité: l'accès est encore limité en bien des endroits. Nous avons demandé qu'une attention particulière soit portée à l'équipement des centres d'éducation des adultes ainsi qu'à celui des organismes communautaires. L'enquête menée par Communautique illustre bien la situation de ces derniers.

En ce qui concerne la formation aux nouvelles technologies, Communautique a apporté une importante contribution dans le milieu communautaire et continue de le faire à une échelle provinciale. D'autres initiatives se développent dans les centres d'accès communautaires à Internet. Quant au mouvement de femmes et aux groupes en alpha, des activités sont organisées par le CDÉACF et autres organismes. Une partie de la formation est faite aussi dans les écoles, les cégeps et les universités. On peut souligner l'exemple du site Cyberquartier pour la formation des adultes de la Commission scolaire de Montréal. À tout cela, il faut ajouter les activités de diffusion comme les congrès et colloques, les émissions de télévision, notamment l'émission Branché de Radio-Canada. Tout cet ensemble d'activités devrait être consolidé, organisé de façon régulière, dans toutes les régions et avec le concours des différents groupes experts.

En parlant de la formation à l'aide des nouvelles technologies, nous sommes en processus d'intégration de ces technologies dans les modèles d'apprentissage. Ce processus a commencé avec l'arrivée des ordinateurs, puis il a pris un nouvel élan avec l'émergence des réseaux, particulièrement avec l'émergence d'Internet. Certains secteurs de l'éducation sont plus directement touchés, notamment la formation à distance.

Autant la réforme de l'éducation que les nouveaux programmes de formation des maîtres font une référence explicite aux besoins de formation en TIC. Les applications pour enrichir les cours et les modèles d'apprentissage sont en cours. Même si l'on n'est pas en mesure de dénombrer toutes les expériences existantes, elles se développent dans toutes les matières, mathématiques, français, sciences, langues, et autant au niveau primaire, secondaire, collégial qu'universitaire. Cependant, il n'y a pas encore de mouvement généralisé. Un petit pourcentage seulement d'enseignantes et d'enseignants font appel aux TIC. Toutefois, nous ne sommes pas en faveur d'une intégration plus rapide de l'utilisation des nouvelles technologies, nous militons plutôt pour une intégration réfléchie, à l'intérieur d'une stratégie d'enrichissement et de transformation positive des modèles et des contenus éducatifs.

Nous pouvons observer une application directe des nouvelles technologies dans le secteur de la formation à distance. Le portrait global de ce qui existe à ce niveau est représenté dans le tableau suivant:

LA FORMATION À DISTANCE AU QUÉBEC

Sources : La formation à distance vue de près, CLIFAD et La formation à distance : champ d'expertise québécoise en formation continue et en formation initiale, 22 avril 1999, site de la Télé-université, site du CCFD, Pour une politique de l'éducation des adultes dans une perspective de formation continue, Paul Inchauspé, septembre 2000.

La formation à distance est sans doute une contribution importante au système éducatif. Le développement des universités virtuelles et autres initiatives commencent à poser des questions importantes au développement de la formation à distance de notre système éducatif. La validation et l'accréditation de la formation est l'une des armes les plus importantes pour protéger ce système de la concurrence internationale annoncée. Mais encore plus importante est la qualité de la formation offerte dans nos institutions ainsi que le fait qu'elle puisse répondre à nos besoins spécifiques.

En formation à distance, nous nous intéressons particulièrement à la situation au niveau secondaire. Née pour répondre aux besoins de la formation des adultes, elle offre tous les cours nécessaires de formation générale. Toutefois, la séparation de la production de cours de l'offre et le suivi de la formation à distance sont des problèmes qui ne permettent pas un développement important de ce service. De plus, la non-définition d'une politique claire sur la formation à distance au niveau secondaire en empêche l'essor. Une décision claire doit être prise concernant ce type de formation et le rôle de la SOFAD afin que le système de formation à distance soit adéquat et nous aide tant à la formation des adultes au niveau secondaire qu'à la formation des jeunes. La SOFAD nous propose à ce sujet une réflexion importante sur l'extension des services de formation à distance aux jeunes à la lumière des expériences vécues dans d'autres pays et dans le contexte actuel d'un intérêt pour la formation à distance.

En général, la formation à distance garde encore les méthodes de cours par correspondance ou de cours à la télévision, mais elle est en transformation pour devenir un secteur actif dans l'utilisation maximale de toutes les ressources accessibles que nous amènent les TIC.

Nous pouvons aussi parler d'autres possibilités d'utilisation des NTIC. Les organismes communautaires sont des leaders en ce qui a trait à l'éducation populaire : ce type d'éducation pourrait aussi bénéficier d'une utilisation des TIC. Depuis 1984, la Puce communautaire a joué un rôle important dans la mise en place d'activités d'éducation populaire et fait une diffusion très large de ce que sont les technologies de l'information et de la communication. Cette activité a été reprise par Communautique qui encourage les organismes communautaires à s'approprier ces technologies. Nous croyons que beaucoup d'autres activités en éducation populaire pourraient être organisées et développées en utilisant les TIC.

Également, dans l'un des dossiers les plus importants en éducation des adultes, soit le développement d'outils pour la reconnaissance des acquis, le Conseil supérieur de l'éducation nous parle des possibilités d'utiliser les TIC. Cette possibilité ainsi que la création de sites Internet de plusieurs des organismes ici présents constituent un effort pour que les TIC jouent un rôle social bien défini.

3. Quelques pistes d'action

Nous avons brossé un portrait général des besoins de formation par rapport aux technologies de l'information et de l'offre d'une formation basée sur les nouvelles technologies. Nous n'avons pas approfondi notre analyse de la formation professionnelle et de la formation à la citoyenneté en tant qu'éléments importants de l'offre éducative. Cela reste à faire. Nous pouvons tout de même constater qu'il y a beaucoup d'intérêt pour le développement de la formation professionnelle en utilisant les nouvelles technologies, surtout pour la formation sur mesure dans les entreprises. La formation à la citoyenneté est un aspect moins traité. Nous sommes témoins de la façon dont ces technologies peuvent être utilisées dans les processus électoraux. Certains éléments sont à tirer de l'utilisation des réseaux pour la diffusion de l'information et l'exercice d'une opinion politique à travers les réseaux. Ce thème reste à approfondir.

Ce portrait d'ensemble de la situation est un cadre qui nous permet de proposer une réflexion et une piste d'action concrète. Au sujet de la réflexion, il nous faut penser au type de système d'éducation que nous voulons et à la place que les nouvelles technologies doivent y occuper. Nous sommes, bien sûr, en faveur de fortifier les réseaux des personnes, et surtout en faveur du développement des compétences et des connaissances des individus. Nous sommes aussi pour que les nouvelles technologies apportent leurs contributions à la pédagogie et à l'éducation. Cette place est un mode à intégrer dans les modèles d'apprentissage et un mode de développement dans la formation à distance.

Concrètement, nous vous proposons de travailler à :

  • identifier les besoins précis de formation et d'éducation des personnes au niveau de chaque institution, de chaque localité et de chaque région;
  • identifier le rôle que devraient jouer les TIC dans cette formation; formuler des programmes ou des plans de formation au niveau institutionnel, local et régional, et faire leur arrimage avec les plans de développement local et régional formulés dans chacune des régions;
  • appuyer les différents projets d'utilisation des technologies en éducation qui se caractérisent par leur utilité sociale.

Sur la base de ces actions, et d'autres encore qui seront traitées dans cette rencontre, un travail collectif de tous les groupes réunis ici pourra nous amener à promouvoir des réflexions et des actions porteuses d'un projet de construction d'une société éducative.

Des TIC pour développer la démocratie au profit de la majorité

Pierre Valois

formateur au Centre de formation populaire

  • Avez-vous repéré tout ce truc bizarre sur l'atomisation du public?
  • La quoi?
  • L'atomisation, le phénomène qui consiste à isoler les individus. On commande de la bouffe à domicile, on discute avec sa chérie sur Internet, on fait l'apologie de la télé, le cocooning devient une vertu cardinale et toutes les occasions de sortir de chez soi sont autant de dangers potentiels.

Tonino Benacquista

SAGA

INTRODUCTION

Des TIC pour développer la démocratie au profit de la majorité...

Heureusement que, dans ce thème, nous retrouvons la mention « au profit de la majorité », sinon je

serais soit plus inquiet ou pas ici du tout...

J'ai consulté le Petit Littré, édition 1959, au mot « Démocratie ». Gouvernement où le peuple exerce la souveraineté; Société libre et égalitaire où l'élément populaire a l'influence prépondérante; Régime politique dans lequel on favorise les intérêts des masses.

LA RÉVOLUTION INFORMATIONNELLE PERMET-ELLE DE DÉVELOPPER LA DÉMOCRATIE?

La Toile (l'Internet) permet maintenant d'organiser des congrès internationaux en faisant les rencontres préparatoires dans l'éther de l'univers virtuel, mais les technologies de l'information permettent-elles le développement de la démocratie? Voilà la question à laquelle nous tenterons de répondre au cours de ce bref exposé.

De tout temps, la maîtrise des moyens de communications fut l'apanage du Prince; cette maîtrise s'accompagnant de celle des contenus, des informations qui étaient transmises et, dans bien des cas, des destinataires de cette information. Depuis l'avènement du réseau Internet, la maîtrise des contenus quitte l'espace local ou régional (médias communautaires : journaux, radios et télévisions) pour avoir une vitrine internationale. Ces contenus sont composés avant tout d'informations à la disposition de quiconque possède un appareil ou une possibilité d'accès à un appareil.

INDIVIDUALISATION DES PROBLÈMES ET DÉMOCRATIE

Malgré le monde à notre portée grâce à l'Internet, malgré les 40 postes de télévision disponibles grâce au câble, malgré la centaine de postes de radio qu'il est possible de syntoniser, malgré les quotidiens que nous pouvons lire, c'est l'isolement qu'il nous faut briser.

L'individualisme revient, par la force des choses, à la mode. La charité remplaçant la justice sociale, nous seuls pouvons et devons nous sortir de la situation dans laquelle nous nous trouvons, seuls nous devons nous maintenir en santé, ne compter que sur nous-mêmes. Les signaux qui portent ce constat sont de plus en plus clairs; chaque individu doit se sortir du trou, se maintenir en santé et compter sur lui-même pour avoir le minimum vital. Les médias, par leur contenu publicitaire, par le type d'émissions qu'ils suggèrent, sont les partisans du désengagement de l'État des grands programmes sociaux.

À titre d'exemple, les médias ne se scandalisent plus des coupures dans les programmes sociaux. Non seulement les journaux ne dénoncent plus celles-ci, mais ils encouragent à la flexibilité, à la mobilité et finalement à la compréhension des lois du marché, comme si le marché à l'heure de la mondialisation pouvait s'autoréguler, comme si les États pouvaient en assurer la régulation.

Un petit détour, me direz-vous. Et pourquoi pas, vous répondrais-je? Car il est impossible de faire l'économie d'un regard sur la conjoncture, aussi bref soit-il, lorsqu'il est question de la cyber technologie de l'information et de son impact sur la démocratie.

Un petit détour, me direz-vous. Pourquoi pas vous répondrais-je? Car il est impossible de faire l'économie d'un regard sur la conjoncture, aussi bref soit-il, lorsqu'il est question de la cyber technologie de l'information et de son impact sur la démocratie.

L'UTILISATION DES TIC, PREMIER ÉCUEIL...

Il existe actuellement une multitude d'expérimentations qui posent comme postulat de base la possibilité d'envisager une appropriation citoyenne des technologies actuelles de l'information, permettant la prise en charge de l'information tant au niveau de la recherche qu'à celui de la formulation et de l'émission d'une charge informative. Au cours des deux dernières journées, en temps réel, nous avons navigué au gré des expériences qui nous étaient présentées, allant d'une vision à une autre. Ce matin, j'ai un malaise : celui-ci repose sur l'impression qu'en dehors de notre groupe, il manque les populations que nous voudrions voir se servir des technologies de l'information dans le but de faire émerger un nouveau type de citoyenneté.

« La démocratisation de l'accès ne se réduit pas dans ses aspects quantitatifs à la seule tarification téléphonique. L'acquisition d'un ordinateur, malgré la chute constante des prix, reste hors de portée pour beaucoup... Les couches sociales pauvres semblent condamnées à rester hors-ligne. L'exclusion du cyberespace aggravera leurs handicaps. ».2 C'est le premier écueil que nous rencontrons lorsqu'il est question de TIC. Nous y reviendrons un peu plus tard.

Le sentiment que nous éprouvons en regard des TIC sont du même ordre que celui formulé par Bertholt Brecht en regard de la radio, il y a quelques décennies : « La radio pourrait être le plus formidable appareil de communication pour la vie publique, si elle savait non seulement émettre, mais recevoir, non seulement faire écouter l'auditeur, mais le faire parler, ne pas l'isoler, mais le mettre en relation avec les autres. Il faudrait alors que la radio, abandonnant son activité de fournisseur, organise cet approvisionnement par les auditeurs eux-mêmes. [...] Et si jamais vous trouvez cela utopique, demandez-vous pourquoi c'est utopique ».3

...DEUXIÈME ÉCUEIL

Remplaçons le mot radio par TIC, CYBERESPACE ou RÉVOLUTION INFORMATIONNELLE, et nous en arrivons à la même aspiration brechtienne. Cependant, à la différence de la radio et de la télévision, les TIC, en plus de permettre la communication, ont un impact actuellement incommensurable dans toutes les sphères de la vie en société. Le travail en est l'exemple le plus probant car les TIC, tel un virus, viennent l'infecter en provoquant et en accélérant sa mutation. Mutation qui, rappelons-le ici, contribue directement à l'exclusion. Exclusion contre laquelle nous nous battons depuis la nuit des temps si j'ose m'exprimer ainsi. Alors, aussi bien le dire tout de suite, les TIC elles-mêmes ne pourront jamais susciter le développement de la démocratie et ce, même en devenant un service essentiel. Posons la question autrement : le téléphone est-il garant de la démocratie?

C'est donc la personne derrière l'écran qui porte des aspirations démocratiques, et non la masse de l'information, aussi utile soit-elle. Or, qu'il s'agisse de la radio ou de l'ensemble des nouveaux moyens de communication et d'information créés jusqu'à ce jour, ce sont les entreprises privées, avec tout le mercantilisme que l'on sait, qui se sont emparées des contenus et par le fait même des auditrices et des auditeurs, en les cantonnant dans un rôle de spectateurs-auditeurs passifs.

UN SERVICE ESSENTIEL

Aujourd'hui, nous sommes derrière l'écran, les mains sur le clavier et il nous semble que les possibles cybernétiques peuvent nous permettre de réaffirmer avec encore plus de force qu'il est réellement envisageable maintenant de croire en une réelle appropriation, pour une part de la société, du rôle d'émetteur, de pourvoyeurs d'idées, de contenus. Il ne faut cependant pas être dupes du marché : déjà, nous assistons à la concentration des fournisseurs d'accès entre les mains de grandes compagnies qui, telles des hyènes, sentent de loin l'odeur caractéristique de l'info-monnaie. Nous créons actuellement des besoins qu'il sera difficile de ne pas monnayer dans quelques années, sinon dans quelques mois ou dès maintenant, dans certains cas. Alors, « de nouveaux clivages sociaux sont susceptibles d'apparaître entre ceux qui utiliseront les nouvelles techniques et ceux qui resteront à l'écart, entre les individus et les groupes qui s'approprieront les nouveaux savoir-faire et ceux qui s'en éloigneront, etc. Il se peut que l'implantation des nouvelles techniques amplifient les inégalités sociales existantes : ainsi, ceux qui possèdent déjà un accès privilégié à la culture verront leurs possibilités d'acquérir de nouvelles informations s'accroître de manière phénoménale. »4

Mais jamais nous ne devons oublier que ce nouveau concept d'exclusion n'est que l'illustration de ce que la société vit actuellement, et que l'accès à l'information grâce aux nouvelles technologies ne représente sûrement pas un moyen de se sortir de la merde actuelle. Comment donc se feront les interconnections essentielles pour obtenir une vue panoramique de l'information nécessaire dans un univers où les parasites ne cessent de se faire entendre? Est-ce que l'espace communicationnel, actuellement en pleine expansion, deviendra un immense centre commercial planétaire, ou y aura-t-il place pour une agora du même ordre pour des groupes et des personnes qui ont des choses à dire et pas seulement à vendre?

Nos discussions peuvent se résumer à deux objectifs. Premièrement élargir la démocratie en faisant en sorte que les gens avec qui nous travaillons puissent, eux aussi, avoir accès aux contenus proposés, en ayant comme objectif qu'ils puissent proposer leur apport à ce nouvel édifice conceptuel. Cette première affirmation relevant davantage de l'ordre du projet que du simple questionnement sur l'outil lui-même. Deuxièmement, approfondir la question des utilisations possibles des NTIC pour nous, nos membres, nos groupes et pour les citoyennes et les citoyens, en identifiant clairement quelles en sont les limites.

Lorsqu'il a été fait mention de ces limites, le rôle de l'État s'est tout naturellement glissé dans nos discussions. Que faire avec ceux et celles qui, hors des murs du savoir, existent et cherchent à donner un sens à leur existence? La multiplication de lieux d'accès gratuits au cyberespace devient actuellement un enjeu important. En présumant que l'outil n'est qu'un moyen et non une fin, en présupposant que malgré l'invention du stylo bille à puce, il faut des idées. Ce qui devra être le centre de nos discussions au sein de nos groupes sera la question du savoir-être qui est, somme toute, le pendant normal du savoir-faire.

Le savoir-être se comprenant là encore dans le couple démocratie-citoyenneté, puisque le mirage technologique peut tout aussi bien nous cantonner dans un univers onirique individualisant. Je rajouterai que, sans ce savoir-être, la personne devant son écran cathodique est, elle aussi, exclue... il est donc possible aux TIC d'exclure ceux qui n'ont pas accès auxTIC ainsi que ceux qui passent leur vie les mains sur le clavier. Quel joli paradoxe, n'est-ce pas?

Dans cet esprit il faut surtout éviter, à un moment où le social semble miné par l'économique, et où le marché semble être le seul réfèrent possible, surtout éviter, disais-je, le repli individuel et solitaire. Il faut donc réintroduire un discours misant plus sur la solidarité que sur l'individualisme. Tout en menant une action politique à long terme s'inscrivant en faux face au poids d'une idéologie dominante. Celle qui affirme de plus en plus clairement qu'il est nécessaire dans un univers concurrentiel qu'il y ait des perdants et des exclus. À ce sujet, je vous renvoie au film LES OUBLIÉS DU 20e SIÈCLE, ou la fin du travail.

L'INFORMATION EN TEMPS RÉEL SIGNE-TELLE SA PROPRE MORT?

Aujourd'hui, grâce aux réseaux télématiques, la communication n'est plus l'apanage de mégaentreprises de communication. Elle devient, grâce aux technologies informationnelles, un possible inimaginable il n'y a pas si longtemps.

Les exemples de la place Tienanmen et de la guerre du Golfe auront consacré la notion d'une information en temps réel. Souvenez-vous du monologue d'Yvon Deschamps sur le câble : « On veut pas le "sawoir", on veut le "woir" ». Depuis 1989, le rôle des journalistes s'amenuise petit à petit, l'image est maintenant devenue l'information. L'analyse portée par le commentaire, celle qui nous permet de comprendre l'image que nous enregistrons, est de moins en moins présente, sauf dans quelques rares cas. Le NET ne permet pas, lui non plus, cette analyse; ce qu'il permet, c'est que les gens branchés soient informés, pour ne pas dire sursaturés d'informations et ce, plus rapidement.

... TROISIÈME ÉCUEIL

Toutes et tous avons des idées, des a priori sur le rôle que pourraient jouer les TIC dans l'exercice de la démocratie. Les supports pour le transport d'une information alternative sont actuellement disponibles. Le problème de la mise en rapport des différentes informations représente sans doute le troisième écueil. La totalité des groupes progressistes œuvrant dans le monde de la communication font face à ce problème important. Il y a quelques années, lorsque j'ai été invité aux rencontres de réflexion sur la création d'un Communautique embryonnaire, ce qui m'intéressait le plus était l'idée que nous étions plus que la somme de nos réseaux. Encore aujourd'hui, c'est cette vision qui me soutient dans mes réflexions, mais c'est aussi ce qui me contrarie le plus car je ne vois, à ce jour, que la multiplication des réseaux, une multiplication qui, malheureusement, mène à une forme d'individualisme ou à un certain repli catégoriel. Merci.

Les réseaux citoyens

Alain Ambrosi

consultant en communications et développement international

La conférence Global 2000 des réseaux citoyens tenue à Barcelone du 2 au 4 novembre dernier a réuni environ 500 participantes et participants de près de 25 pays. Sponsorisée par Airtel et par différents paliers de gouvernements de Catalogne, d'Espagne et de France ainsi que par des universités de Barcelone et la fondation française FPH, l'organisation de la conférence a été coordonnée par l'Association européenne des réseaux communautaires (EACN) et un comité aviseur international. Cette conférence avait été préparée par des rencontres préalables et faisait suite à celle de Bamako 2000 tenue au Mali en février de cette année. Plus centrée sur l'Afrique de l'Ouest, cette dernière rencontre avait une forte représentation internationale qui a pu poser les fondations pour celle de Barcelone. Il serait trop long de faire le tour de tout ce qui s'est dit et fait dans cette rencontre. Je retiens ici seulement ce qui me semble le plus pertinent pour les besoins de ce colloque. Je pourrai donner plus de détails en réponse aux questions. Les plus curieux ou les gens pressés peuvent consulter le site

http://www.cnglobal2000.org

La première constatation est que le monde des réseaux citoyens numérisés est aussi varié que complexe et se traduit différemment selon les pays, les cultures et, bien sûr, l'accès à la technologie. Ce qui s'appelle community networks aux États-Unis ou en Europe n'a aucun équivalent chez les LatinoAméricains, les Africains ou...les Québécois. Selon les pays on parle de télécentres, de centres technologiques, de villes digitales ou numérisées, etc. C'est pourquoi les organisatrices et les organisateurs avaient, par prudence, donné le titre plus général de « réseautage citoyen » (community networking en anglais).

Une chose est sûre, c'est que les premiers FreeNets apparus au Canada et aux États-Unis au début des années 90 (avant même l'apparition de l'Internet) sont reconnus, avec admiration par tous et nostalgie par certains, comme les pères des community networks mais sont déjà considérés comme des dinosaures. En moins de dix ans, ils ont d'ailleurs pratiquement disparu. Par contre, la présence de « vieux » médias (radio et télévision) dans certains ateliers portant sur la combinaison des médias avec Internet permettait quand même de faire le lien entre le monde des « médias » et celui des « réseaux » communautaires, ce qui ne semblait pas du tout évident au départ ni pour les organisatrices et les organisateurs ni pour beaucoup de participantes et de participants.

L'autre aspect qui rajoute à la diversité est que ces acteurs citoyens sont représentés autant par des groupes communautaires et des ONG que par des municipalités ou autres gouvernements régionaux, des universités, etc. Certains sont déjà organisés en réseaux provinciaux, nationaux ou régionaux en Europe, en Amérique du Nord surtout, mais on note aussi des débuts prometteurs en Amérique latine et dans certaines régions d'Afrique et d'Asie. S'y retrouver dans les acronymes ajoute encore à la complexité. (EACN, AFCN, CTCN, ANAIS, MISTICA, BYTES FOR ALL, etc). Dans ce fouillis de sigles, Telecommunities Canada, l'un des premiers regroupements nationaux canadiens a au moins le mérite d'annoncer son territoire, même s'il est presque à 100 % anglophone mais cela n'est pas nouveau.

Cette variété se reflétait aussi chez les oratrices et les orateurs et chez les intervenantes et les intervenants lors des plénières et dans les nombreux ateliers. Bien que les militantes et les militants et les praticiennes et les praticiens communautaires (dont beaucoup de catalans) formaient la majorité des participantes et des participants, la présence de représentantes et de représentants de gouvernements locaux (les villes de Barcelone, Bologne et Bamako, entre autres), nationaux (Catalogne, Espagne, France et Canada) ou régionaux (Union européenne) et des représentantes et représentants d'organisme multilatéraux comme l'UIT (Union internationale des télécommunications) démontrait les partenariats déjà à l'œuvre dans certains pays, ou du moins, l'intérêt porté par le secteur gouvernemental et multilatéral aux activités et stratégies des réseaux citoyens en matière de TIC.

Il est d'ailleurs intéressant de noter que toutes les interventions du monde politique se terminaient sur une invitation faite à ce « tiers secteur » à participer et à prendre sa place dans les différentes initiatives intergouvernementales en cours : le Conseil de l'Europe, le Dot Force du G8 (dès le mois prochain), la première grande réunion internationale sur la société de la communication de l'ONU (une initiative de I'UIT) en 2003.

La présence du gouvernement du Canada représenté par Daniel Richer du BTA du DRHC a été aussi remarquée. Ses programmes de soutien aux initiatives de la société civile en matière de TIC qui, dans une telle réunion, s'avèrent être assez uniques et originaux, font des envieux et sont un exemple à suivre pour beaucoup. Après consultation de la délégation canadienne (une quinzaine de représentants dont trois du Québec), le représentant canadien a proposé que la réunion de GlobalCN de 2002 se fasse au Canada celle de 2001 était déjà prévue en Argentine.

Parmi les orateurs-vedettes, Manuel Castells, sociologue catalo-hispano-américain et gourou de la «société en réseau», a parlé par liaison satellite en direct de Berkeley. Son message voulait à la fois mettre les actions et préoccupations des participantes et des participants dans une perspective globale et, après une analyse des limites déjà visibles des premières expériences de réseaux citoyens, donner quelques pistes pour l'avenir. Pour Castells, une « nouvelle dynamique politique » est en train d'émerger sur le plan international. Elle se caractérise par «une circulation du pouvoir dans des réseaux globaux» qui permet aujourd'hui de combiner un enracinement local avec une action globale, ce qu'il exprime par la nouvelle formule provocatrice de « penser localement et agir globalement ». Les mouvements sociaux qui utilisent Internet entrent de plain-pied dans cette nouvelle donne, car «non seulement Internet répond à leurs besoins, mais ils se constituent à travers lui.» Castells met ici sur le même pied les Zapatistes, le mouvement Falun Gong de Chine et le mouvement anti-modialisation de Seattle. En ce qui concerne les réseaux citoyens qui ont émergé dans certaines villes et dans les milieux communautaires au début des années 90, Castells, en se basant sur les expériences nord-américaines et européennes, constate déjà leur essoufflement et signale les deux grands dangers auxquels ils font face : la bureaucratisation d'une part et la commercialisation de l'autre. Ces dangers pouvaient d'ailleurs être facilement vérifiés dans la salle même de la conférence où de nombreux projets avaient connu les sorts peu enviables de devoir se vendre à des opérateurs privés ou de céder aux volontés des administrations locales... C'est le cas de l'expérience-vedette de la ville d'Amsterdam qui a dû être vendue peu de temps avant la rencontre de Barcelone. C'est par dizaines que des cas comme ceux-ci se reproduisent et se reproduiront dans un avenir proche. L'autre exemple qui a aussi été cité le dernier jour de la rencontre est celui d'un réseau entier d'organisations communautaires de Colombie (ColNet) qui a été racheté par un opérateur nord-américain. La représentante de la ville de Bologne (un autre exemple phare des villes numérisées en Europe et dans le monde) faisait part des difficultés de fournir des services et des contenus attrayants pour maintenir un niveau de participation citoyenne et éviter ainsi une normalisation bureaucratique ou l'abandon aux seules forces du marché.

Castells termine néanmoins sur une note optimiste. L'avenir est pour lui dans la constitution de réseaux citoyens globaux, ce qui nécessitera de « construire une nouvelle culture à travers des pratiques quotidiennes communes ». Beau programme en perspective.

Les ateliers étaient justement le lieu où pouvaient se retrouver et s'exprimer ces pratiques communes, mais aussi se mesurer les écarts et les préoccupations bien différentes selon les régions. Les thèmes abordés traduisaient les multiples activités réalisées par les groupes à travers le monde dans le domaine des entreprises sociales, des échanges de savoir, de la santé, du travail avec les jeunes, les handicapées et les handicapés, la question de la e-gouvernance et e-démocratie, celle des droits civiques à l'ère numérique, etc. Ils démontraient l'inventivité et la créativité extraordinaire déployées par les groupes citoyens dans les domaines organisationnel, autant que technologique et artistique : liens réalisés avec les autres médias communautaires dans les régions où pénètre peu l'Internet, création de portails communautaires sur des logiciels libres, partenariats originaux avec le privé, utilisation du multimédia, du Webcasting et collaboration avec le milieu artistique. Enfin, ces ateliers recouvraient aussi les préoccupations communes en ce qui concerne la formation, la création de contenus, les droits civiques et la protection de la vie privée, le multilinguisme sur Internet, la question de la durabilité des organisations, etc. Si l'échange a permis d'échanger idées et expériences, il n'a pas toujours pu donner de solutions pour résoudre ces problèmes.

Des ateliers régionaux d'abord qui faisaient le portrait des réalisations et défis par continents. Si la « fracture numérique » et les divers plans nationaux et internationaux pour y mettre fin traversaient tous les débats, on a pu en mesurer l'importance relative et les écarts selon les régions. On a pu aussi partout vérifier qu'au-delà des énormes différences d'accès à la technologie, cette fracture se situe plus au niveau de l'accès à la connaissance et comporte de multiples obstacles d'ordre éducationnel, social, culturel. Pour les Africains et les Latino-Américains présents, les éternelles « fractures » que sont la pauvreté et autres besoins de base, la dette et le développement international inégal sont préalables et plus importantes que toute autre fracture d'ordre technique. Il est heureux que ces régions très sousreprésentées, par rapport à l'Europe ou l'Amérique du Nord (tout comme l'Asie et les pays arabes, pratiquement absents), aient su exprimer avec force leur point de vue pour tempérer l'optimisme un peu utopiste qui prévalait chez certains « net-citoyens ».

Les suites à donner à cette conférence ont été une préoccupation constante des organisateurs qui ont mis cette question à l'ordre du jour dès l'ouverture des débats en proposant la création d'un consortium international qui regrouperait les différentes organisations présentes et pourrait être le représentant de la société civile sur le plan mondial. La solution qui a prévalu au cours du dernier steering comité (très démocratiquement ouvert à tous) va plutôt dans le sens d'un partenariat qui s'articule autour d'actions concrètes à être réalisées selon un calendrier à court et à moyen terme.

C'est ainsi que la prochaine réunion de Global 2001 aura lieu à Buenos Aires en Argentine. Elle devra se coordonner avec une autre réunion régionale à Dakar qui avait été programmée indépendamment et avec d'autres prévues à Bangalore et en Australie. Des ateliers de travail sont en cours de formation et ils répondront à la fois aux thèmes abordés à cette réunion de 2001 et à d'autres questions avancées par les quelques 60 participantes et participants à ce comité. Il faut savoir que les Canadiens du réseau Telecommunities Canada, qui avaient été les premiers impliqués dans l'organisation de Barcelone, se montrent très actifs et collaborent à ce nouveau comité organisateur. Leur participation est d'ailleurs très appréciée, car ils n'hésitent pas à passer à l'action.

En ce qui concerne le Québec et le Canada, cette réunion aura été l'occasion de contribuer à faire le pont entre les deux « solitudes ». La délégation québécoise a pu côtoyer et discuter avec ses homologues des provinces de Colombie-Britannique, d'Ontario, du Nouveau-Brunswick et de Terre-Neuve. Le fait de s'être portée candidate pour l'organisation de la version 2002 de la réunion semble avoir donné un certain dynamisme à la délégation qui se trouve liée par cette proposition à deux niveaux : elle doit travailler d'une part au niveau interprovincial et, d'autre part, en lien avec le DRHC. Une liste a déjà été créée pour discuter des actions communes à entreprendre. Il va sans dire que deux tendances et deux lieux s'affrontent déjà en ce qui concerne la réunion de 2002 : Vancouver et Montréal. C'est une question sur laquelle les organisations et regroupements québécois devront se prononcer même si, à mon avis, beaucoup d'autres étapes doivent être franchies d'ici là.

Chapitre 2 : Résultats d'études

Le monde communautaire et internet : des défis à relever... aux moyens d'y répondre 5

Francine Pelletier

directrice générale

Trois ans s'étaient écoulés depuis la première étude des besoins menée par Communautique en 1996 auprès des groupes communautaires sur l'appropriation de la télématique. Au cours de ces trois années, Communautique a sillonné le Québec, a offert des dizaines et des dizaines de journées de formation aux groupes, a organisé des forums de discussion, a contribué à développer l'espace communautaire francophone sur Internet, a mené des expériences pilotes d'accès à Internet au sein des groupes populaires et communautaires, a initié et familiarisé des citoyennes et des citoyens par centaines à Internet.

Le temps était donc venu de reprendre le pouls des groupes, d'évaluer le chemin parcouru et de tenter de cerner l'impact des projets de télématique communautaire. Communautique s'est donc lancé à nouveau dans cette aventure qu'est une enquête sur l'état de l'appropriation de la télématique et de l'intégration de l'informatique au quotidien. Nos ambitions de départ étaient relativement modestes : rejoindre quelques centaines de groupes de quelques-uns des nombreux secteurs qui composent le milieu communautaire. C'était sans compter avec les besoins des groupes : besoin de parler des impacts, besoin de discuter des enjeux, besoin de brosser un portrait des défis relevés au quotidien, besoin de prendre la mesure des changements accomplis, besoin de réfléchir aux perspectives, aux conditions de réussite et aux pistes d'action, besoin de rêver aux développements possibles. La réponse a ainsi été fulgurante : des dizaines de regroupements se sont investis dans la distribution du questionnaire et des centaines de groupes y ont répondu.

Entre 1996 et 1999, l'appropriation de la télématique par les groupes communautaires du Québec s'est opérée à un rythme accéléré : des projets se sont déployés dans plusieurs réseaux; de nouveaux groupes communautaires sont nés avec pour mission spécifique l'appropriation sociale et démocratique des TIC; des regroupements provinciaux et de nombreux groupes de base ont investi les inforoutes. Les groupes se sont engagés, ils se sont formés, ils tentent d'intégrer Internet à leur travail quotidien, ils développent des projets, ils s'interrogent et réfléchissent sur la façon de lier ces nouveaux développements à leur mission et à leurs services tout en leur gardant une dimension humaine.

Lors de l'étude des besoins de 1996, peu de groupes avaient expérimenté Internet, utilisé le courriel ou navigué sur Internet. Pour la plupart, leur contact s'était souvent limité à l'univers mythique alors présenté par les médias. A l'époque, pour tenir compte de cette réalité, nous avions organisé des ateliers de familiarisation avant les ateliers de discussion afin d'initier les participantes et les participants aux différentes ressources disponibles sur Internet. Le questionnaire d'alors, en plus d'enquêter sur la question des équipements, reposait sur des mises en situation pour explorer les utilisations potentielles.

Depuis ce temps, Internet a effectué une percée fulgurante dans l'ensemble de la société. Il devient partie prenante de notre quotidien. Pas une journée ne passe sans qu'on mentionne une adresse de courriel ou de site à la radio ou à la télévision. Des chroniques régulières dans les journaux, à la radio ou à la télévision traitent des technologies sous différentes dimensions : sociale, technique, pratique, etc. Les virus et les cyberpirates font la une; le commerce électronique ou la protection des renseignements personnels défraient régulièrement la manchette.

L'intervention des divers paliers de gouvernements s'est, elle aussi, accentuée, et ce, sur plusieurs plans. Le gouvernement du Québec a adopté, en avril 1998, une politique où sont définies une série de mesures quant au déploiement de l'autoroute de l'information et quant à la création de l'État-réseau. Il a doté le Fonds de l'autoroute de l'information de plusieurs dizaines de millions de dollars pour soutenir le développement de projets liés aux grands axes de la Politique. Le Fonds de l'autoroute a d'ailleurs soutenu, en 1997 et 1998, des projets issus du monde communautaire. Récemment, il a notamment mis sur pied un programme visant à brancher les maisons de jeunes; il a aussi soutenu le branchement des familles bénéficiant des allocations familiales; il a développé une pléthore de mesures pour stimuler le commerce électronique; il a encouragé l'accès via les bibliothèques publiques et les écoles; il a soutenu un projet pilote d'attribution d'adresses de courrier électronique à la population des quartiers Hochelaga-Maisonneuve et Centre-Sud à Montréal, ainsi qu'à Baie Comeau. Plusieurs groupes communautaires ont d'ailleurs été impliqués dans ce projet. Plusieurs ministères participent aussi, à des hauteurs et à des degrés très divers, à l'informatisation ou à l'entrée des groupes sur les inforoutes. À cet égard, mentionnons l'apport du Fonds de lutte à la pauvreté par la réinsertion au travail qui a contribué, via les projets qu'il soutient, à l'acquisition d'équipements dans plusieurs groupes communautaires au cours des dernières années, de même qu'à la mise sur pied de points d'accès et à l'intégration d'activités d'initiation de la population au sein d'une cinquantaine de groupes communautaires.

Le gouvernement fédéral a, quant à lui, affirmé sa volonté de faire du Canada le pays le plus branché du monde. En plus de ses autres axes d'intervention visant le commerce électronique et les entreprises, il a multiplié les programmes s'adressant spécifiquement aux organismes à but non lucratif ou bénévoles ainsi qu'aux collectivités. À titre d'exemples, mentionnons le programme Volnet qui vise à fournir équipement, branchement et formation à des milliers d'organismes, le programme d'accès communautaire qui soutient la création de centres d'accès communautaires en milieu rural ou urbain et, les programmes du Bureau des technologies d'apprentissage qui encourage les projets de recherche et le développement de réseaux d'apprentissage.

Parallèlement, les enquêtes et les sondages se sont multipliés : ménages, petites et moyennes entreprises, très petites entreprises ont été auscultés. Le monde communautaire ne pouvait demeurer en marge, et ce, d'autant plus que l'informatisation des groupes a très nettement progressé au cours de ces trois années de même que l'utilisation de la télématique à des fins sociales.

Composante essentielle de la société, ce mouvement vaste et diversifié compte plusieurs milliers de groupes répartis sur l'ensemble du territoire québécois. Les groupes communautaires contribuent au développement économique, social et démocratique tant au niveau local que régional. Ils peuvent jouer un rôle crucial, non seulement dans le déploiement de l'inforoute québécoise dans une perspective citoyenne, mais aussi dans l'accès aux technologies de l'information et de la communication par les populations les plus démunies. Engagés dans la lutte contre toutes les formes d'exclusion et travaillant quotidiennement avec les populations démunies ne disposant pas des moyens d'accéder aux inforoutes, ils peuvent et veulent contribuer à combler le fossé qui risque de se creuser entre les infopauvres et les inforiches.

Notre enquête s'inscrit dans ce contexte. Nos objectifs de départ visaient à évaluer le degré d'informatisation des groupes de deux ou trois secteurs d'intervention, à mesurer l'intégration de pratiques en télématique dans quelques-uns des réseaux où des projets communautaires se sont déployés, à identifier les conditions à mettre en place pour assurer une appropriation réussie, à connaître les expériences qui suscitent l'enthousiasme ou celles qui entraînent des déceptions, à identifier les stratégies d'utilisation et finalement, à cerner les impacts des TIC sur l'organisation du travail et l'action des groupes.

Plus de 3 000 questionnaires ont été diffusés dans différents réseaux; plus de 450 groupes ont répondu à l'appel lancé; des ateliers de discussion ont été tenus à Montréal, Québec et Trois-Rivières. Des groupes de base de presque toutes les régions du Québec et de la quasi-totalité des divers secteurs d'intervention se sont fait entendre et sont représentés par ces résultats. Les regroupements provinciaux, sectoriels ou régionaux ont aussi exprimé leurs besoins," leurs expériences et leurs préoccupations. De ce seul point de vue, cette enquête est unique. Elle témoigne en outre de l'importance que les groupes communautaires accordent aujourd'hui à l'appropriation des TIC. À cela s'ajoute, la richesse des réflexions, des échanges et des discussions tenus lors des ateliers.

Cette enquête, autant par ses ateliers de discussion que par le questionnaire, a permis de cerner toute l'avancée réalisée par les groupes communautaires entre 1996 et aujourd'hui. Les groupes s'engagent, de façon diversifiée et dans la mesure de leurs moyens, dans le monde des technologies de l'information et de la communication ainsi que sur les inforoutes. Toutefois, force est de constater que certaines constantes demeurent tant au niveau des préoccupations et des enjeux identifiés en 1996 que dans le besoin des groupes d'être soutenus dans cet immense chantier qu'ils ont entrepris d'investir.

LUTTER CONTRE L'EXCLUSION ET COMBLER LE « FOSSÉ NUMÉRIQUE »

Face aux technologies de l'information et de la communication, les groupes rencontrés lors des ateliers ont souligné qu'ils souhaitent d'abord les utiliser afin d'améliorer globalement leur action. Ensuite, ils désirent les intégrer afin d'améliorer leur travail quotidien. Et surtout, ils veulent les mettre à contribution dans leur lutte contre l'exclusion en permettant aux membres ou aux personnes qui fréquentent l'organisme de bénéficier, elles aussi, du potentiel offert par les TIC.

À cet égard, les résultats de l'enquête sont fort éloquents . Ainsi, plus de 40 % des répondants (41,3 %) affirment mettre leurs équipements à la disposition des personnes qui fréquentent l'organisme. Par ailleurs, 62 % des répondants indiquent qu'ils souhaitent développer un point d'accès public. Dans les régions du Saguenay / Lac St-Jean, de la Mauricie, du Bas St-Laurent et de l'Estrie, ce désir exprimé atteint entre 72 et 79 % des répondants.

Une stratégie d'accès aux inforoutes devrait s'appuyer sur cette forte volonté et soutenir les groupes communautaires afin qu'ils puissent jouer un rôle de premier plan dans l'accès et l'initiation des populations les plus démunies aux technologies de l'information et de la communication.

DES RISQUES DE « FRACTURE NUMÉRIQUE » ENTRE LES SECTEURS ET LES RÉGIONS

Les participantes et les participants aux ateliers craignent qu'un fossé se creuse entre eux et sépare les groupes bien nantis de ceux qui ne le sont pas. En effet, l'apparition de fissures importantes entre les différents secteurs d'intervention et entre les régions, comme les résultats de l'enquête le révèlent, indique que ces appréhensions pourraient s'avérer fondées. Si l'on considère la quantité d'ordinateurs

performants de dernière génération et les ratios d'employées et d'employés par ordinateur récent, les groupes répondants des secteurs « femmes, défense des droits et consommation » apparaissent moins bien nantis comparativement aux répondants des secteurs du « développement économique communautaire, de l'insertion professionnelle et de l'éducation ». Les répondants des régions de l'AbitibiTémiscamingue et du Saguenay / Lac St-Jean semblent, quant à eux, moins bien pourvus que ceux des régions de Québec et de Montréal.

UNE RÉALITÉ INFORMATIQUE ET TÉLÉMATIQUE AUX MULTIPLES VISAGES

Bien que 94 % des groupes répondants possèdent un ou plusieurs ordinateurs, leur réalité informatique et télématique revêt plusieurs visages : certains ne disposent que d'un seul ordinateur partagé par plusieurs personnes (de trois à cinq employés ou employées sein de nombreux secteurs); chez d'autres, plusieurs modèles d'ordinateurs de toutes générations dotés de systèmes d'exploitation distincts cohabitent les uns avec les autres; ailleurs, les Macintosh cohabitent avec des compatibles IBM; d'autres ont relié leurs ordinateurs en réseau local et découvrent la « culture réseau » avec ses impératifs; chez d'autres encore, un seul ordinateur est relié à Internet et l'on doit s'y rendre, armé de patience et de disquettes, pour effectuer ses recherches ou recevoir et envoyer du courrier électronique.

Ainsi, 55 % des répondants disposent de parcs informatiques mixtes, composés soit d'ordinateurs de différentes générations, soit d'une combinaison de IBM et de Macintosh. De plus, 15 % des groupes participants ne possèdent qu'un seul ordinateur de type Pentium, ce qui indiquerait une informatisation récente. Les secteurs « femmes, défense des droits et famille » sont davantage représentés dans ce sous-groupe. L'examen du parc informatique global révèle qu'un peu plus de la moitié des ordinateurs qui le composent sont des 286, 386, 486, Classic, LC, Quadra ou Power Mac. Par ailleurs, 47 % des répondants ne disposent que d'une ou deux lignes de téléphone. Dans ce contexte, l'intégration d'Internet ou le développement d'un point d'accès suppose des investissements pour l'ajout d'une ligne téléphonique ou son partage avec le télécopieur. Ces données illustrent les défis relevés par les groupes ainsi que les conditions diversifiées dans lesquelles se réalise l'intégration des technologies de l'information et de la communication.

Les résultats de l'enquête indiquent que 57 % des répondants possèdent une adresse de courrier électronique et 24 % un site Internet, comparativement à 13 % des répondants de l'enquête de 1996. Bien que la majorité des répondants accèdent à Internet à partir de leur bureau, on note que 6 % d'entre eux identifient leur domicile comme principal lieu d'accès. L'appropriation de la télématique par les groupes se module ainsi à des rythmes et des degrés très variés : pour certains, l'informatique et la télématique sont arrivées simultanément, tout récemment, dans leur quotidien; chez d'autres, ils en sont à considérer le développement d'un site Internet; d'autres multiplient les échanges par courriel et sont des familiers du télétravail; d'autres encore explorent différentes façons d'intégrer Internet à leurs activités et services; certains envisagent même la création d'extranets. Devant cette diversité, les regroupements provinciaux ou régionaux doivent, eux aussi, composer avec toutes ces réalités et utiliser toute la palette des moyens de communication (courriel, télécopie et poste traditionnelle) pour informer leurs membres différemment pourvus. Ces écarts sont majeurs; ils couvrent un large spectre d'expériences et de réalités très différentes les unes des autres.

Les groupes répondants sont soucieux face à la forte surenchère technologique et ils souhaiteraient la ralentir. Ayant bien souvent des ressources financières limitées, ils voudraient que le milieu se sensibilise aux choix technologiques qui contribuent à cet engrenage et qu'il agisse en se dotant d'outils collectifs tels les groupes d'achat d'équipements, le partage de ressources pour l'entretien, le soutien aux ressources vouées à la recherche et au développement de solutions techniques peu coûteuses adaptées aux besoins des groupes et le développement de sites qui n'exigent pas d'utiliser les dernières versions gourmandes des logiciels.

ACCÉLÉRATION DU TEMPS ET STRESS ORGANISATIONAL

Les groupes qui ont participé aux différents ateliers ont largement abordé les thèmes de la vitesse et du temps. En effet, en cette ère dite des télécommunications, une réalité s'impose de plus en plus, soit que « tout va bien plus vite ». Les groupes communautaires n'échappent pas à cette réalité et estiment qu'ils sont eux aussi aspirés dans cette spirale incessante où le temps nécessaire à l'accomplissement des tâches à réaliser n'est plus disponible. Bien qu'ils soient généralement en mesure d'identifier différents facteurs également responsables de l'accélération de la vie et de leur rythme de travail, nombreux sont ceux et celles qui attribuent à l'informatique et à la télématique une responsabilité importante quant à la vitesse effrénée qui semble désormais s'imposer en standard de travail. Cette préoccupation ne date pas d'aujourd'hui. Les participantes et les participants aux ateliers de «l'étude de 96» en faisaient déjà mention.

Les intervenantes et les intervenants des groupes sont aussi préoccupés par la surabondance d'information et sa fiabilité, par le manque de temps pour la réflexion et l'analyse, par l'augmentation constante des exigences de qualité, par les modifications profondes de l'organisation du travail engendrées par l'informatique et la télématique, par la nécessité accrue d'être en formation constante dans de multiples champs dont l'informatique et Internet.

Les groupes communautaires ou populaires sont soumis à plusieurs facteurs de stress dans la gestion des changements introduits par l'informatique et la télématique au sein de leur organisation : rareté des ressources financières, modifications de l'organisation du travail, gestion de l'information, planification du développement informatique, etc. La plupart des groupes ne se sentent pas en pleine maîtrise de leur développement informatique.

Il n'est donc pas surprenant de constater que, pour la majorité des groupes répondants, les trois principaux freins à une bonne intégration de l'informatique et de la télématique dans leur travail sont, dans l'ordre, le manque de ressources financières, le manque de temps et le manque de formation.

LA FORMATION : UN INGRÉDIENT ESSENTIEL À L'APPROPRIATION

II semble aller de soi qu'au sein d'un même groupe, toutes les personnes ne présentent pas la même expertise en ce qui concerne les outils informatiques. Les plus habiles sont vite considérés comme des « experts maison », des personnes-ressources vers lesquelles se tourner lors de problèmes techniques et logiciels. Ces utilisatrices et utilisateurs chevronnés de l'informatique observent manifestement une complexification au niveau de la gestion de leur travail, puisqu'une partie de leur temps est consacré à assister leurs collègues dans leurs tâches informatiques. Il devient de plus en plus ardu pour eux de mesurer l'impact de ces sollicitations et, souvent, il leur est difficile de les faire reconnaître comme faisant partie de leurs tâches, d'où l'apparition, parfois, de tensions au sein d'une équipe de travail.

De plus, comme nous l'avons mentionné plus tôt, plusieurs groupes considèrent aujourd'hui les connaissances informatiques comme faisant de plus en plus partie des compétences de base. L'arrivée d'Internet ajoute maintenant son lot de connaissances à acquérir et d'enjeux à maîtriser. De plus, afin de pouvoir intégrer la télématique et l'informatique aux activités et répondre aux besoins des participantes et des intervenants ou afin d'innover en développant de nouvelles applications dans les pratiques quotidiennes, la formation constitue un ingrédient essentiel.

Ainsi, qu'il s'agisse de formation à l'utilisation d'Internet, en bureautique, base de données et même d'informatique de base, la formation figure parmi les conditions identifiées afin d'assurer une intégration réussie. Or, près de la moitié des répondants (47 %) considèrent ne pas avoir accès à des ressources de formation.

INFORMATIQUE ET INTERNET : D'ABORD DES OUTILS...

Les groupes communautaires semblent considérer que les technologies de l'information et de la communication ne devaient pas être vues comme une fin en soi, et qu'au lieu de succomber à la fascination par rapport au phénomène informatique, il est davantage important d'en saisir l'utilité afin de tirer le maximum du potentiel offert par les outils informatiques et télématiques.

L'un de ces outils à la fine pointe (et à la mode) aujourd'hui est le réseau Internet. Internet a les défauts de ses qualités : il permet d'agir rapidement sur l'information, mais il contraint en retour à réagir immédiatement aux informations, d'où l'émergence d'aspects positifs comme négatifs liés à sa mise en pratique.

De nombreux groupes profitent des avantages reliés à l'utilisation d'Internet. L'intérêt d'Internet consiste ainsi à permettre un accès à une information abondante et régulièrement mise à jour, ainsi qu'à une interactivité indispensable aux nouveaux modes de travail et de télétravail (envoyer son C.V., trouver une nouvelle, écrire un communiqué et le diffuser via courriel en une seule « session », etc.).

D'un autre côté, plusieurs intervenantes et intervenants se rebiffent face à l'immédiateté de réponse induite par l'utilisation d'Internet, soutenant qu'elle représente un facteur néfaste à la réflexion. Une fois encore, les outils informatiques et télématiques sont perçus comme partiellement responsables d'une course à l'efficacité nuisant à la qualité du travail effectué, aussi bien au niveau personnel («Je trouve que j'ai moins de temps ») que dans une dimension sociétale plus globale (« On se donne moins de temps, tout va très vite »).

...INCONTOURNABLES TOUT EN RESTANT CENTRÉ SUR LES ENJEUX SOCIAUX ET HUMAINS

Exprimée parfois de manière très explicite, une préoccupation majeure des groupes communautaires demeure l'impact de l'informatisation des groupes en relation avec la mission qu'ils doivent remplir et les valeurs humaines qu'ils portent. L'informatique et la télématique sont davantage vues comme des outils incontournables dotés d'un grand potentiel qu'il convient toutefois de maîtriser et de subordonner à des valeurs humaines de partage et de solidarité.

Plusieurs groupes ressentent par ailleurs une pression en faveur de l'informatisation. Cette pression provient en partie de l'extérieur de l'organisme, que ce soit de l'environnement social, des bailleurs de fonds ou de la qualité des produits implicitement attendue. Mais des pressions internes aux organismes ou aux équipes de travail sont aussi exercées afin que soit favorisée et accélérée l'informatisation des groupes.

L'informatisation des groupes communautaires permet donc aux intervenantes et intervenants d'ouvrir la réflexion et le débat sur une problématique complexe. Elle les oblige à réfléchir aux enjeux et à l'essence de leur mission, ainsi qu'aux moyens de les mettre en place et de les réaliser selon leurs valeurs. Plusieurs semblent reconnaître que la maîtrise technologique est une condition importante de succès. Elle leur permettrait d'exercer une certaine liberté face aux choix d'implantation technologique, d'obtenir une certaine indépendance face aux experts, d'acquérir une approche critique du « progrès technique » tel qu'il nous est présenté.

Les échanges en ateliers ont permis de constater à quel point le milieu communautaire est surtout soucieux des questions sociales et des dimensions humaines des technologies. En effet, plusieurs s'objectent à une informatisation à outrance qui ferait perdre de vue les besoins fondamentaux de communication et de rapprochement. D'aucuns craignent que la «technologie éloigne les gens, les uns des autres». Plusieurs ont souligné qu'Internet s'ajoute aux autres outils de communication qui ne disparaissent pas pour autant. « Mieux vaut être pertinent que de son temps! », surtout quand travailler ensemble au jour le jour, avec les gens qui nous entourent, est au cœur des activités et de la mission des groupes.

EN CONCLUSION... QUELQUES PISTES DE PERSPECTIVE

Des changements profonds s'opèrent dans la société. Les moyens d'exercer la citoyenneté et de participer à la vie démocratique sont en pleine évolution, l'introduction des technologies risque de marquer de façon importante cette évolution.

En tant qu'acteurs reconnus importants du développement social, les groupes communautaires doivent être en mesure de jouer un rôle actif face à ces changements. Ils sont appelés à développer les pratiques, à introduire les TIC et à les adapter aux besoins des populations qu'ils rejoignent ainsi qu'aux réalités spécifiques de l'action communautaire au Québec.

Contrer le risque de fracture entre les inforiches et les infopauvres constitue un enjeu de plus en plus reconnu. Pour contribuer à combler le fossé numérique, les groupes doivent disposer des ressources nécessaires afin qu'ils puissent jouer leur rôle et innover dans le développement de l'accès aux TIC dans leur milieu. À cet égard, non seulement les groupes des différentes régions et des différents secteurs d'intervention devraient-ils être soutenus dans leur intégration, expérimentation et projets spécifiques, mais aussi tous les nouveaux groupes dont la mission centrale et spécifique vise l'appropriation des TIC devraient-ils pouvoir bénéficier d'un appui tangible afin de réunir les conditions essentielles à un développement structuré et durable.

A. Suivre l'évolution de l'appropriation des TIC

Suite aux deux enquêtes menées par Communautique, nous croyons qu'il serait utile de continuer à suivre l'évolution de l'appropriation des TIC par le secteur des groupes communautaires. Le milieu communautaire québécois compte plusieurs milliers de groupes œuvrant dans toutes les régions du Québec. Compte tenu de son importance et du nombre de personnes qu'il rassemble (travailleurs et travailleuses, bénévoles, participantes et participants), il importe, comme pour les autres secteurs de la société québécoise, de connaître les avancées, les innovations, les besoins et les difficultés rencontrées afin de réaliser une véritable appropriation sociale des technologies de l'information et de la communication.

De plus, nos observations indiquent qu'un nouveau secteur semble en émergence au Québec. En font foi, tous ces nouveaux groupes communautaires ou ces entreprises d'économie sociale dont la mission,

les activités et les services sont centrés sur les technologies de l'information et de la communication. Ces organismes agissent sur plusieurs plans : services techniques, formation, accès à Internet, réseautique, création et hébergement de sites Internet, etc.

Des ressources devraient être allouées pour permettre de suivre l'évolution de ces avancées et de les faire connaître, notamment par la mise sur pied d'un observatoire sectoriel.

B. Soutenir le développement de l'expertise et l'innovation...

Par des activités de recherche, d'analyse et de réflexion

Afin de soutenir l'appropriation des nouvelles technologies et leur adaptation à la réalité de l'action communautaire au Québec, il nous semble important, à l'instar de plusieurs participantes et participants aux ateliers, de développer le soutien aux activités de recherche et d'analyse qui doivent, de façon continue, identifier les enjeux, les opportunités, les risques et les obstacles, de même que rassembler les éléments de réflexion et organiser les discussions sur les dimensions sociales et culturelles.

Par la diffusion des expériences et le soutien à l'expérimentation de pratiques novatrices d'utilisation des tic

On constate l'émergence de diverses initiatives ainsi que l'expérimentation de nouvelles pratiques avec les technologies. Afin de soutenir l'appropriation des technologies et leur intégration à la mission des groupes, ces nouvelles pratiques et applications quotidiennes doivent être recensées et largement diffusées. Le partage de ces nouvelles expériences conduira à les multiplier, à poursuivre l'innovation pour transformer ces expériences en nouvelles pratiques adaptées aux différentes réalités. Ainsi, il faudrait appuyer concrètement ce travail d'expérimentation, le développement des nouvelles pratiques et d'applications. Des moyens devraient aussi être mis en place pour stimuler la concertation ainsi que les échanges entre les réseaux et les régions.

PAR LE DÉVELOPPEMENT ET LA DIFFUSION DE CONTENUS

Un des freins généralement identifiés à l'accessibilité à Internet consiste en la faible proportion de contenus disponibles en français. Malgré une progression notoire du nombre de sites communautaires, un imposant travail reste à réaliser. Les groupes regorgent de documentation et de publications qui mériteraient d'être diffusées autant auprès de la population que des autres groupes. Des ressources devraient être consacrées au développement de contenus communautaires (sites, forum, listes de discussion, etc.), à leur mise à jour et à l'animation. Plusieurs groupes ont même indiqué qu'ils souhaitent la mise sur pied de sites de référence communautaire.

C. Soutenir le développement de points d'accès et l'expérimentation en TIC

Tel que mentionné, dans le budget du gouvernement du Québec du printemps 2000, des mesures doivent être mises en place pour combler la fracture numérique qui risque de s'approfondir entre les inforiches et les infopauvres. Les groupes communautaires et populaires peuvent contribuer à combler ce fossé et ouvrir l'accès aux inforoutes aux populations les plus démunies. À cet égard, les résultats de l'enquête démontrent que les groupes se sont déjà mis en action, investissent ce nouveau chantier et souhaitent accentuer ce travail. Ils doivent toutefois être soutenus et bénéficier des outils ainsi que des moyens pour réaliser pleinement ce travail.

D. Développer l'infrastructure technologique

Cet aspect mérite une attention particulière compte tenu des résultats de notre enquête. Les groupes doivent composer avec un parc informatique très diversifié, une proportion importante d'appareils vieillots et désuets, ce qui constitue un casse-tête certain sur le plan opérationnel, la gestion, la planification du développement et l'entretien.

Sans entrer aveuglément dans la course aux équipements de plus en plus performants, les groupes doivent être en mesure de s'adapter aux standards qui s'imposent. Nous pouvons suggérer deux pistes parallèles à poursuivre concurremment : d'une part, offrir les ressources financières et l'expertise aux groupes pour disposer de l'infrastructure de base adéquate (lignes téléphoniques, frais de branchement, achat et renouvellement des équipements informatiques); d'autre part, soutenir la recherche de solutions techniques peu coûteuses.

E. Soutenir la formation

Parmi les besoins de formation identifiés dans l'enquête, la formation à l'utilisation d'Internet arrive au premier rang, suivie de près par la formation en bureautique. Certaines régions semblent même éprouver des besoins assez marqués puisque bon nombre de répondants considèrent ne pas avoir accès à des ressources de formation. Par ailleurs, le rythme de développement des technologies et les compétences qu'elles requièrent exigent d'intégrer aux activités des groupes une formation continue.

Ainsi, des ressources devraient être consacrées afin de répondre à ce besoin de formation continue aux technologies de l'information et de la communication. Cette formation constitue un préalable pour permettre l'initiation des participantes et des participants des groupes, l'intégration des TIC au quotidien et le développement de nouvelles pratiques.

Communautique souhaite maintenant poursuivre la démarche amorcée en remettant au jeu les résultats de cette enquête. Des ateliers de discussion seront ainsi organisés au printemps 2001 à Québec, Montréal et Trois-Rivières, et les groupes seront invités à reprendre la discussion et à échanger sur toutes ces questions.

Parallèlement à ces ateliers, les actions se poursuivront. L'appropriation des TIC exige d'adopter des stratégies diversifiées et des actions sur plusieurs plans : expérimentation concrète sur le terrain de pratiques alternatives d'appropriation des TIC à des fins citoyennes; développement d'activités de formation adaptées aux besoins en constante évolution; poursuite des activités d'analyse et de recherche; participation au développement de contenus correspondant aux besoins des groupes communautaires et des populations qu'ils rejoignent; portrait et diffusion large des diverses initiatives; représentations afin de faire reconnaître le rôle et l'apport des groupes communautaires dans l'appropriation des TIC; développement de réseaux avec les différentes organisations du Québec, du Canada et des différentes régions du monde poursuivant les mêmes objectifs. Le développement de l'Inforoute communautaire et citoyenne exige donc la mise en commun des expertises et la concertation des efforts déployés par tous les acteurs à tous les paliers.

L'action communautaire face aux défis des TIC : la formation des ressources humaines

Gaétan Beaudet

directeur général du Comité sectoriel de la main-d'œuvre de l'économie sociale et de l'action communautaire

Cette étude a été réalisée de concert avec l'ICÉA, Communautique et Économie communautaire de Francheville (ÉCOF) en Mauricie. Cette monographie illustre, par les exemples de 11 groupes communautaires provenant de diverses régions du Québec, les enjeux posés par l'intégration de la télématique. Elle corrobore dans ses grandes lignes les conclusions de l'enquête de Communautique qui viennent d'être présentées. Elle a été rendue possible grâce à la contribution financière d'Emploi-Québec.

Nous vous présentons sous forme schématique les principaux résultats. Vous pourrez les retrouver intégralement sous peu sur notre site Internet :

www.csmoesac.qc.ca

UN CONSTAT, DES QUESTIONS, UN OBJET DE RECHERCHE

Constat :

  • Le secteur de l'économie sociale et de l'action communautaire a connu des transformations: l'introduction de l'informatique et de la télématique.

Questions :

  • D'ordre éthique et social : nouvelle forme d'exclusion? quelle place pour les personnes marginalisées / appropriation? la participation citoyenne?
  • Les besoins de formation et les impacts sur l'organisation du travail et la formation des ressources humaines de l'action communautaire.

Objet de la recherche

  • Documenter de manière qualitative les principaux défis des TIC, notamment quant aux besoins de formation du personnel et à l'organisation du travail de l'action communautaire.

LA MÉTHODOLOGIE DE L'ÉTUDE

Des monographies :

  • onze monographies sur le thème de l'implantation et de l'utilisation des TIC dans les organismes communautaires.

Les problématiques abordées :

  • l'organisation interne du travail;
  • la formation des employées et des employés;
  • l'actualisation de la mission;
  • le réseautage avec d'autres organismes.

Les organismes rencontrés :

  • fortement informatisés moins informatisés non reliés à Internet;
  • organismes locauxregroupement régional regroupement national;
  • secteurs variés : populations autochtones, alphabétisation, communication, défense des droits sociaux, solidarité internationale, consommation, développement local, etc.;
  • répartis dans six régions administratives,

L'ORGANISATION DU TRAVAIL ET LES TIC

L'intégration des TIC :

  • les TIC ne sont pas intégrées dans la planification des organismes;
  • manque de ressources financières et humaines pour l'intégration;
  • autres freins : membres non branchés et résistances culturelles (« papier »);
  • quand les TIC sont utilisées : valorisation et expansion du travail en réseau, du travail en alliance et en partenariat;
  • pas de travail en réseau si la conséquence est la non-participation.

Les définitions de tâches :

  • les organismes en sont à l'étape de l'expérimentation;
  • deux modèles : « spécialiste » et « tout le monde »;
  • postes touchés actuellement : secrétariat et réception;
  • ouverture de postes : une base en informatique est devenu un préalable;
  • pas de « standard » reconnu en termes d'exigences de base.

LA FORMATION DES TRAVAILLEUSES ET DES TRAVAILLEURS ET LES TIC

Un besoin clairement exprimé :

  • formation continue, accessible financièrement, adaptée et sur mesure.

Problématiques de formation :

  • manque de temps;
  • connaissances très différentes en informatique et sur l'Internet;
  • formation de base : capacité de communiquer les compétences en recherche et en gestion de l'information, connaissance de l'anglais;
  • course folle vers l'avant, impression d'être toujours en retard.

Enjeux sociaux :

  • défi d'un équilibre entre le virtuel et la dimension humaine;
  • problématique de l'appropriation et des enjeux sociaux;
  • question de l'accessibilité des TIC : un enjeu vital.

L'ACTUALISATION DE LA MISSION DE L'ORGANISME

Utilisation des TIC :

  • un outil de travail comme les autres;
  • le site Internet : un outil pour faire connaître la mission et le travail de l'organisme.

Motivations d'utilisation des TIC :

  • diminution de la manipulation de papier;
  • économie de temps et d'argent;
  • diminution des frais de communication.

Une culture du travail à modifier :

  • utilisations : surtout le courrier électronique et la recherche sur Internet;
  • utilisation de bases de données et communications internes;
  • encore peu utilisées dans le travail d'animation et de formation.

LE RÉSEAUTAGE DES ORGANISMES

Avec l'externe :

  • travail en réseau avec l'externe, mais faible utilisation des TIC;
  • nécessité d'une augmentation du taux de branchement et stratégies ciblées;
  • danger d'une possible fracture entre les organismes communautaires plus «riches» et plus «pauvres».

À l'interne :

  • travail en réseaux internes plus fréquent;
  • les réseaux servent surtout à faire circuler l'information;
  • touche peu l'organisation du travail comme telle;
  • aucun organisme rencontré n'a mentionné travailler avec un Intranet.

CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LE PARC INFORMATIQUE

Regroupements et utilisation du plein potentiel des TIC :

  • difficulté : un nombre important de membres ne peuvent pas se brancher.

Défi du renouvellement du parc informatique :

  • évolution rapide du marché et de la technologie / vieillissement du parc.

Accessibilité au parc informatique :

  • tension : accès aux populations exclues / utilisation interne.

Défi du renouvellement du parc informatique :

  • les organismes sont de plus en plus informatisés et branchés;
  • à explorer : branchement de réseaux de groupes.

QUELQUES PERSPECTIVES

Infrastructure informatique Internet :

  • soutien financier pour accès à l'infrastructure;
  • développement d'une stratégie de soutien par réseau.

Accessibilité aux TIC :

  • d'ordre éthique et social : nouvelle forme d'exclusion? quelle place pour les personnes marginalisées/ appropriation? la participation citoyenne?
  • les besoins de formation et les impacts sur l'organisation du travail et la formation des ressources humaines de l'action communautaire.

Formation dans les organismes communautaires :

  • l'intégration des TIC suppose un plan de formation adapté et souple;
  • accès : peu importe leur situation financière et où ils sont situés au Québec.

Outil de diagnostic de besoins :

  • identification des besoins et planification du développement télématique;
  • mécanismes de reconnaissance des acquis « compagnonnage ».

Recrutement de la main-d'œuvre :

  • exigences : scolarité et expérience en termes de compétences;
  • introduction dans les définitions de tâches des nouvelles tâches liées aux TIC;
  • veille sur la création de nouveaux emplois dans le communautaire.

Développement d'application pratique des TIC :

  • absence d'organismes communautaires dont c'est la mission première;
  • peu ou pas de budget pour la recherche et le développement (R&D);
  • pas de financement ou de reconnaissance pour faire circuler l'information.

Production de contenus sur Internet :

  • intégration du communautaire dans la production de contenus francophones et québécois.

Voilà l'essentiel et merci de votre attention.

Chapitre 3 : Expériences d'usages démocratiques et alternatifs

Le Café électronique et le service de formation du journal L'Itinéraire

Sébastien Langlais

responsable du secteur internet du journal L'Itinéraire

Bonjour à tous,

Comme l'a bien dit Suzanne dans sa présentation, je fais partie de L'Itinéraire à titre de technicien informatique, mais aussi comme responsable du Café Internet du journal L'Itinéraire. Je sais pas si tout le monde connaît L'Itinéraire. Certains d'entre vous connaissent plus le journal. L'Itinéraire est plus qu'un journal, la preuve est que je suis ici à vous parler des nouvelles technologies, de l'accès à la formation. L'accès aux gens exclus, aux gens de la rue.

Pour faire un historique rapide, pour ceux qui ne connaissent pas le groupe, il a présentement 10 ans. Notre dernier numéro de novembre relate l'épopée de L'Itinéraire. Au départ, il a été formé de gens de la rue : toxicomanes, alcooliques, itinérants ayant besoin de se rencontrer, de parler de leurs problèmes, d'avoir un lieu d'échanges et aussi du soutien. À l'époque, c'était chapeauté par divers organismes comme le Centre Préfontaine. Il y avait différents services : trouver un logement, essayer de se sortir de la rue, d'avoir des communications à travers le monde et avoir accès simplement au bien-être, en deux mots pouvoir survivre. Après quatre ans d'épopée de ce p'tit café-rencontre, l'idée a germé de faire un journal tout simplement.

Un journal pour parler de l'exclusion de la population, de la pauvreté, du droit des femmes, du droit en général. Mais aussi pour avoir une parole. Les gens de la rue ont une parole, un vécu comme tout le monde. Le journal est maintenant vieux de six ans, il se vend largement à travers le réseau métropolitain, ici à Montréal. Il y a aussi d'autres organismes, je vais y revenir. Il y a trois ans, on a mis sur pied l'Internet pour tous. Or, à l'époque, Internet excluait encore les itinérants, les gens à faible revenu, les gens qui sont dans la rue les « squeegies », les jeunes! Et aussi bien les vieux. Encore une forme d'exclusion. Or, la nouvelle idée était de faire un café électronique pour les démunis, de leur laisser la chance d'avoir accès à cette information qu'est Internet, mais aussi de pouvoir utiliser cet outil. Faire un C.V. Car, ne serait-ce que dans les écoles, tous les professeurs demandent que les travaux soient informatisés. Quelqu'un qui n'a pas les moyens d'acheter un ordinateur, où va-t-il trouver l'informatique pour taper son texte? Pour faire un bon C.V., il faut qu'il soit « tapé », imprimé au laser. Encore là, les gens de la rue qui mendient ou qui vendent le journal ou qui font le « squeegie » n'ont pas ces moyens.

Les « squeegies », c'est des jeunes, c'est une génération qui bouge beaucoup. Y'en a qui s'en vont à , Vancouver, y'en a qui font l'tour d'Ia planète. Même s'ils font du « squezz ». Avec le courrier électronique, ils ont une adresse électronique, un port d'attache. Ils n'ont pas d'adresse civique mais ils ont une adresse virtuelle. Plusieurs en ont surtout l'été quand ils se promènent, ils viennent surtout l'été. L'hiver, ils ont d'autres préoccupations que parler à leurs chums qui sont un peu partout sur la planète. Mais ils l'utilisent pour communiquer, communiquer leurs idées aussi. Certains groupes aident ces jeunes à avoir une voix, une page Internet et à communiquer leurs idées sur la politique, sur n'importe quoi. C'est un autre moyen d'avoir une voix, de pouvoir se parler, de véhiculer des idées aussi.

Je parlais tantôt d'autres organismes parce qu'en tant que journal, L'Itinéraire fait partie d'un réseau. On parlait tantôt de petites villes, de régions, mais on parle aussi de mondialisation. L'Internet, ce qui est merveilleux là-dessus, ce qui m'a fait accrocher au tout début de l'Internet, c'est que premièrement, pas de sexe, y'a pas de blanc, noir, c'est tout le monde qui est compris là-dedans. Y'a pas de frontières. On s'en va en France, en Europe et en Russie. On voit pas les frontières. Y'a pas de races. On peut lire un journal africain sans qu'on s'fasse taper d'sus ou se faire dire : « Hein, qu'es-ce tu lis là? ». Tout le monde peut véhiculer les idées, qu'importe qui il est ou ce qu'il est.

On parlait d'anecdotes tantôt. Une personne itinérante dans la rue aux États-Unis « chattait » (ou clavardait), donc communiquait avec d'autres personnes et, à un moment, est apparu le fait cocasse qu'il « chattait » tout le temps avec une personne en particulier. Ben, cette personne-là était responsable d'un service aux États-Unis, y'était le président d'un gros bureau. La personne ne savait pas qu'il « chattait » avec un itinérant. Y'avait pas de visage, y'avait qu'une seule parole, le « chat ». Un moment donné, c'est arrivé sur le tapis. « Qu'est-ce que tu fais? » « Ah ben moi, chus dans rue là, «j'chatte » dans un café Internet. » « Ah wouin! » T'sé, mais avant de connaître ce que la personne faisait dans la vie, y se sont parlé pendant des mois. Ils se sont même rencontrés et sont devenus des amis. J'crois que, si l'histoire est belle, j'crois même que la personne, le boss, y'a trouvé une job! pour le sortir d'Ia misère, d'Ia rue. C'est un autre moyen aussi. Parce qu'avant... beaucoup se fiaient seulement aux impressions, 30 secondes ou une minute pour s'faire une idée d'une personne quand tu la rencontres. Or, l'Internet, comme tu es devant un écran, y'a pas d'images. Donc, pour se faire une idée d'une personne, de son contenu, de sa pensée, il faut que tu y jases vraiment, y faut que tu communiques avec. C'est comme ça que tu vas te faire une idée d'Ia personne. Y'a pas de jugement de valeurs dès le départ.

Au niveau des organismes, L'Itinéraire fait partie d'un groupe qui est la NASNA. Vous en avez peut-être entendu parler y'a à peu près deux ans. Y'a eu une grosse conférence ici. La NASNA, c'est le Regroupement des journaux nord-américains. Ça comprend L'Itinéraire, mais aussi les journaux de rue aux ÉtatsUnis. Aussi au Brésil, etc. Y'en a plusieurs. Il y a un autre organisme qui est européen, dont L'Itinéraire est aussi membre. Il y a un réseau mondial de journaux de rue. C'est ce qui a permis d'avoir un journal en particulier.

Les nouvelles technologies, ça donné une voix aux itinérants à travers le monde. On peut savoir comment les gens vivent la pauvreté à l'extérieur et comment ils essaient de trouver des solutions pour s'en sortir. Voyez, le mélange des idées. On est pas seuls dans ce monde. Nous sommes un groupe, nous sommes un gang, un réseau. Tout le monde peut s'entraider et échanger. Et le plus beau lien entre ces divers journaux-là, c'est le courriel. Le courriel, c'est drôle. Il y a comme un p'tit débat au niveau de L'Itinéraire, au niveau de l'informatique et le papier écrit. L'Itinéraire est les deux. On a un café électronique, mais on a aussi un journal. Par contre, le lien entre les divers journaux, c'est l'informatique. Le moyen le plus rapide. Avant ça, c'était le téléphone, c'était le fax. Fallait que t'attendes, tu laisses des messages, et maintenant les boîtes vocales. Maintenant avec l'informatique, un simple courriel à un tel d'un groupe, on sait toute l'information. C'est beaucoup plus rapide et ça permet de faire un réseau plus fort, qui se tient plus. Pour les gens qui sont dans la rue, qui ont d'autres problématiques, ça peut être extrêmement important d'avoir une voix, une communication, un réseau fort.

Depuis que je travaille avec des gens qui sont d'Ia rue, itinérants, parce que je viens pas de leur milieu, au début, on est tout l'temps là avec nos idées, et je me croyais open. Mais ces gens-là ont un vécu qui vaut la peine d'être connu. L'expérience que l'on apprend, ça vaut encore plus que d'être open. C'est vraiment une expérience extrêmement enrichissante au niveau humain. Quand on a ouvert, nous n'avions pas que les gens de la rue autour de L'Itinéraire qui venaient, nous en avions même de Longueuil qui venaient, spécialement de Laval. Ça faisait un pôle d'attraction. Pourquoi? Parce que c'était le premier café électronique à faibles coûts qui était ouvert à tout le monde. Un avocat peut venir, ça fait du mélange à travers même la population, ça fait des contacts humains. Y'en a qui venaient tout simplement prendre leur courrier électronique, mais plus pour parler avec les gens qui étaient là. On n'est pas tout seul.

Nous donnons de la formation et du support aux usagers. Au niveau de la formation, avant, au tout début du café électronique, ça se faisait à travers l'aide qu'on apportait à d'autres personnes. Formation un p'tit peu boiteuse. Depuis presqu'un an, nous avons une salle, donc une formation beaucoup plus sérieuse et adaptée. La plupart du temps, c'est des personnes seules qui viennent pour apprendre. Ou d'autres personnes plus fortunées qui veulent s'acheter un ordinateur, mais avant elles viennent prendre un cours adapté à leurs besoins (courrier électronique, « chat », traitement de texte). Évidemment, quelqu'un qui n'a jamais eu d'ordinateur, il faut lui apprendre la base. L'accompagnement des personnes est très important. C'est une de nos forces, contrairement à certains groupes privés qui ont des cafés Internet.

Nous les gens des groupes communautaires, on réussit à avoir de l'équipement par les dons ou autres formes de subventions. Qu'est-ce que ça donné tout ça? C'est que l'accès est là. Les gens viennent parce qu'on a du support, ils ne sont pas laissés à eux-mêmes, contrairement aux organismes privés qui disent: « Via ton accès, t'as une heure, t'as deux heures. » Débrouille-toi. Alors que nous, on donne un soutien.

Le monde se dit : « Ben y quête dans rue. Tu sais. Qu'est-ce que ça va y apporter un ordinateur? Qu'estce que ça va y apporter l'Internet? Y'a pas besoin de ça, il est dans rue. Qu'il se trouve une job! » Va son choix, y'a sa pensée, y'a sa philosophie. Faut pas oublier qu'une personne est libre de ses choix, libre aussi d'avoir accès à l'information. L'information, c'est pas rien qu'un papier ou que la parole. C'est aussi l'informatique maintenant. Pis à mes yeux, c'est un outil présentement, un véhicule, une parole qui est aussi importante que toutes les autres. Alors, je vous remercie.

Des TIC au service du développement rural et régional

Grace Hodder

de la SADC Matawinie

En guise d'introduction

J'aimerais vous raconter une petite aventure que j'ai eue, vous en comprendrez l'importance et mon besoin de la partager. Dans les milieux ruraux, on a toujours eu l'impression qu'on est. en retard, au niveau du branchement, avec l'infrastructure. Qu'on est en retard sur tout. J'arrive ici à Montréal avec mon portable, j'ai une présentation en PowerPoint et la deuxième, j'ai pas eu le temps de la mettre sur mon ordinateur. Qu'est-ce que je fais? J'arrive ici en me disant : « Y'aura pas de problème, je peux me brancher. » J'essaie de me brancher. On me dit qu'il n'y aura pas de problème. Sauf que c'est pas comme ça que ça se passe. Ici, dans cette bâtisse, je me suis perdue à deux reprises, on m'a envoyée dans différents locaux en me disant que je pourrais être branchée, mais ce n'est pas fonctionnel. Ensuite, on m'envoie dans les endroits publics où on me dit : «Vous n'aurez sûrement pas de problème». Encore là, les cafés Internet ne sont pas équipés pour que les portables puissent être branchés directement et avoir accès à l'Internet. C'est ça l'avant-midi que j'ai passé, mais je vous avoue que c'est une belle aventure parce qu'elle m'a réconciliée avec les problèmes qu'on rencontre dans les milieux ruraux.

Je voulais vous présenter rapidement la Matawinie, ce sera la deuxième partie de ma présentation en PowerPoint. La première, je l'ai sur papier car j'ai pu me la faire faxer. C'est justement sur la cyberrencontre des milieux ruraux qui a eu lieu à la fin octobre 2000. L'historique de cet événement, c'était qu'il y ait différentes expérimentations mises en commun pendant ces deux jours. Et c'était aussi parce que l'orientation de la Société d'aide au développement des collectivités de la Matawinie avait commencé depuis 1998, même depuis 1997, d'utiliser les technologies comme moyens de développement, par des projets qui employaient des femmes sur des projets de numérisation, etc. Il y a eu aussi une rencontre en Matawinie même qui regroupait 125 personnes autour du thème « Les nouvelles technologies dans les milieux ruraux ». Et c'était strictement la Matawinie qui était présentée à ce moment-là, c'est-à-dire les chambres de commerce, les commerçants, les centres d'accès communautaires aussi, etc. Lors du premier événement, on a dit que ce serait important d'avoir un événement beaucoup plus grand : étant donné qu'on est dans un milieu rural et qu'on se sent souvent isolé, il fallait une concentration d'autres milieux ruraux qui partagent la problématique et peut-être aussi un petit peu plus loin, jusqu'à quel point les technologies peuvent être un atout pour le développement. L'objectif retenu fut qu'il y ait une concertation et une mobilisation. Mettre en commun les expériences et nos questions, augmenter nos compétences et nos capacités d'agir, tracer des avenues de développement possible grâce aux nouvelles technologies d'information et de communication et permettre la mobilisation sur l'avancement de l'utilisation à des fins de développement local.

Trois outils ont été décidés pour une même finalité :

  • un site Internet réseau rural qui s'appelle www.cyber-rural.org
  • une rencontre fin octobre
  • un support suivi qui devait découler de la rencontre

Alors je vais vous donner en même temps les statistiques parce que ça vous donnerait une idée de la participation. Pour le site, il y a eu 308 personnes qui ont adhéré, dont :

  • centres communautaires : 13 %
  • SADC : 15 %
  • concertation et soutien au développement : 26 %
  • entreprises privées : 11 %
  • municipalités : 4 %
  • ministères : 7 %
  • et j'ai pas de. chiffres pour le secteur de l'éducation

II y a eu 155 personnes qui ont participé à la cyber-rencontre de fin octobre. On retrouvait :

  • centres d'accès communautaires : 14 %
  • SADC : 34 %
  • éducation : 11 %
  • entreprises privées : 1 9 %
  • municipalités : 3 %

Ces chiffres vous donnent une idée globale. Il y a eu 20 personnes qui se sont inscrites en ligne; 112 visiteurs la première journée de l'événement ont visité 787 pages, 108 visiteurs se sont branchés le 26 octobre et ont visité 1 422 pages, et 101 visiteurs le 27 octobre pour 1 069 pages visitées. Alors il y a eu une bonne participation grâce aux nouvelles technologies.

Les défis qui étaient dès le début identifiés, pour lesquels les participantes et les participants allaient se regrouper, étaient au nombre de sept :

  1. défi de la diversification économique locale
  2. défi du maintien
  3. défi du travail et de l'emploi
  4. défi de l'occupation du territoire et de la démographie
  5. défi du développement des compétences
  6. défi de l'identité rurale et de soft expression
  7. défi de la mobilisation

Pendant cette rencontre, les participantes et les participants étaient regroupés, comme je le disais, dans sept différents ateliers et ils se sont regroupés pour se pencher sur les défis avant de penser à des stratégies et de penser à des moyens de répondre à ces défis-là. Voici les très grandes lignes de la synthèse. Les actes du colloque vont suivre de toute manière et ils comprendront plus d'éléments.

  1. Alors, pour le défi de la diversification économique locale, le défi est d'implanter un moyen de gestion et d'utiliser les ressources physiques, financières et humaines pour saisir les opportunités que permettent les nouvelles technologies.
  2. Le défi du maintien des services était de rendre accessible à tout le monde un branchement de qualité, en visant la création d'emplois en ressources humaines pour former, éduquer et instruire, et créer un réseau par les organismes communautaires qui soit très proche du citoyen.
  3. Le défi du travail et de l'emploi était la sensibilisation et la création d'un lien commun, donc établir un partenariat auprès des entreprises, du milieu et de la population, développer les compétences et les infrastructures.
  4. Le défi de l'occupation du territoire et de la démographie était de gérer les ressources, de diffuser plus d'information, sur les opportunités rendues possibles par les nouvelles technologies et d'offrir de la formation. Voyez que, quelquefois, l'on retrouve les mêmes thèmes.
  5. Le défi du développement des compétences, cerner les besoins du milieu, fixer un but en rapport aux besoins identifiés, encadrer le développement d'une relève de leaders fiers de leur région et développer des opportunités d'emploi pour garder nos leaders.
  6. Le défi d'une identité rurale et de son expression, diffuser de façon réaliste et positive ce qui nous caractérise, renforcer la fierté et l'estime sociale de notre région et créer des liens afin de permettre une autonomie coopérante.
  7. Le défi de la mobilisation, c'était la démocratie donc le partage de l'information juste et claire, concrétiser et démontrer clairement les nouvelles technologies, se fixer des objectifs et sensibiliser et former des gens intéressés.

Le résumé de tous ces défis, ce sont les trois thèmes : la sensibilisation, la formation et le réseautage par et avec les réseaux communautaires, les entreprises et les experts des nouvelles technologies. Alors, encore une fois, les groupes des ateliers avaient ensuite à se rencontrer durant ces trois jours-là et travailler sur des stratégies. Ils ont dit que la priorité c'est de :

  • cibler les besoins de la population
  • accompagner les ressources qualifiées au niveau technique et en animation du milieu
  • stimuler la mobilisation par des leaders du milieu
  • renforcer son réseau et ses partenariats, donc avoir de la collaboration où il y a l'émergence d'idées innovatrices
  • mettre en place un protocole d'ententes entre les trois paliers de gouvernement pour ajuster leur politique en fonction des besoins du milieu

Le dernier jour, il y avait une plénière, avec les objectifs pour la proposition de suivi :

  • contribuer à l'appropriation des nouvelles technologies par les citoyennes et les citoyens, la collectivité et les entrepreneurs
  • créer un lieu et un espace interactifs d'information et de circulation des expériences d'utilisation des nouvelles technologies
  • ouvrir des pistes de recherche sur les stratégies de développement rural versus l'utilisation des nouvelles technologies

Les moyens étaient :

  • maintenir et consolider le réseau cyber rural sur Internet et l'intégrer à un réseau existant
  • utiliser les structures déjà existantes (c'était une suggestion, comme exemple Solidarité rurale)
  • continuer à utiliser la Société d'aide au développement des collectivités comme structure porteuse du réseau
  • créer un groupe de travail en intégrant des réseaux déjà en place, c'est-à-dire le Cerrier ou le Cervier

On a mentionné que le réseau ne devrait pas être un lieu corporatif ou politique.

Les conditions :

  • que ce soit un axe de continu, donc, pour la recherche de développement
  • que le cyber-rural devrait se doter d'une approche éducative
  • ajouter un axe sur le développement des compétences composé d'un glossaire ou d'un lexique des termes informatiques et d'Internet
  • prévoir de l'espace pour l'interactivité s'engager à utiliser le site et à le servir
  • accentuer les hyperliens Canada-Europe

Enfin, les tendances étaient partagées pour la suite du réseau et sur les sept ateliers, je vais vous l'expliquer. Trois ateliers ont précisé qu'ils voudraient utiliser les réseaux déjà existants. Trois autres ateliers ont dit qu'ils voudraient créer un nouvel organisme et un atelier a dit d'utiliser un organisme local, pour tout vous dire, la SADC. C'était vraiment partagé; toutefois, lors de la plénière, il y a 20 personnes qui, par écrit, ont mentionné leur volonté de vouloir participer à poursuivre la démarche, prendre les synthèses de la cyber-rencontre et voir au suivi. Je vous ai amené des signets de la cyberrural pour que vous alliez trouver l'adresse Internet et avoir accès à toute l'information qui a circulé durant six mois. Et je vous encourage fortement à y aller car vous trouverez beaucoup plus d'information que ce que j'ai pu vous donner ce matin. Les actes de colloque doivent être finalisés d'ici janvier et ils seront disponibles.

Alors, ça c'était ma première présentation. J'ai ajouté une présentation d'un projet avec les nouvelles technologies qui a commencé en septembre 1999. Il est financé par le Bureau des technologies d'apprentissage, dans le programme Réseau d'apprentissage communautaire.

Vous voyez à votre gauche, tout en haut, c'est St-Donat. À votre droite, en haut, c'est la Manouane. On prend à peu près quatre heures pour faire tout le territoire de la Matawinie. Et vous avez trois axes routiers où est regroupée toute la population, plutôt dispersée. Nous avons une commission scolaire, qui a fusionné depuis avec deux autres régions. Voici maintenant quelques statistiques sur la région. Il y a plus de 49 % qui n'ont pas de secondaire V, donc ils se sont rendus jusqu'à la onzième année. Il y a un taux de décrochage scolaire de 30 %. Nous avons une population vieillissante de 40 %, au-delà de 40 % dans la majorité des milieux, de 50 ans et plus. Même certains milieux atteignent le 50 %. Un taux de chômage entre 6 % et 24 %.

Nous avons appelé ce projet-là « L'aperçu sommaire d'une histoire d'avenir» parce qu'on se disait, c'est une expérimentation que nous voulons faire dans la Matawinie auprès des collectivités et voir avec des groupes cibles comment les nouvelles technologies peuvent les aider dans leur vie de tous les jours. La première démarche a été de faire une lettre d'intention au BTA et une analyse sur le terrain pour que les groupes cibles nous disent exactement leurs besoins. L'objectif, c'est justement d'articuler les actions spécifiques à l'apprentissage par les nouvelles technologies. Les partenaires ont été les centres d'accès communautaires. À travers la Matawinie, les 15 municipalités ont présentement un centre d'accès communautaire. Donc, on couvre tout le territoire. La Manouane, située très au nord, a reçu la subvention d'Industries Canada, mais a vraiment des problèmes techniques pour se brancher déjà depuis un an. Il y a eu une journée sur les nouvelles technologies qui a mobilisé 125 personnes, mais en tout 280 personnes ont été consultées pour vraiment faire l'analyse des besoins. Donc, par groupes cibles, c'est-à-dire les femmes, les jeunes, les aînés, etc. Les résultats c'est qu'en septembre 1999, le projet est accepté et c'est une subvention de 300 000 $ en provenance du BTA, sur une période de trois ans. Qu'est-ce que c'est exactement? Nous avons nommé ce projet, qui vient du réseau d'apprentissage communautaire, RACCORD parce qu'on fait le lien entre la population et les nouvelles technologies sur un territoire rural. Le projet RACCORD c'est :

  • sensibiliser la collectivité à l'apprentissage par les technologies
  • expérimenter l'implantation d'animation et le développement des réseaux
  • permettre à plusieurs groupes et personnes de développer des savoir-faire ainsi que consolider et renforcer les actions réseau des centres d'accès communautaire

Les CACI, comme je l'ai dit tantôt, nous en avons 15 qui sont soutenus principalement par des bénévoles ainsi que des personnes-ressources de la SADC et parfois des municipalités. Il y a la collaboration des collectivités et des projets collectifs, entre autres le cyber-rural, commerce électronique, publication, services Canada. C'est un service gouvernemental où un agent a le mandat d'aider les personnes à avoir accès aux informations gouvernementales fédérales sur Internet. Cela aide à avoir aussi un meilleur environnement de travail de promotion et de soutien. Le modèle d'approche retenu est la revitalisation en milieu rural désigné par une procédure :

  • la prise de conscience de chaque individu
  • l'effort de mobilisation par le groupe cible
  • ta volonté d'intervenir
  • avoir des actions cohérentes
  • faire un diagnostic de la problématique
  • avoir un consensus sur les orientations
  • formuler un projet commun pour arriver à la reconnaissance des initiatives

Nous avons fait revalider les actions qui en avaient découlé et c'est le groupe qui est représenté ici en haut qui a revalidé justement les actions retenues. Pour les jeunes, qu'est-ce que c'est? À court terme, le développement d'une petite entreprise, à moyen terme, la création d'un réseau et, à long terme, favoriser et permettre l'intégration des jeunes à notre collectivité.

Pour les femmes, c'est l'acquisition d'une formation de base en informatique adaptée. À moyen terme, c'est la consolidation des liens parentaux parce que ce qu'ils disaient, c'est qu'avec l'éducation, l'informatique qui se fait dans les écoles, les parents avaient souvent l'impression qu'il y avait un écart qui s'accentuait avec le temps. Et à long terme, c'est la création d'un réseau d'échange entre des groupes de femmes et des enfants.

Pour les aînés, c'est à court terme la création d'un réseau d'aînés, l'animation d'une coformation, l'indexation de sites Internet et la sensibilisation à l'apprentissage. À moyen terme, c'est l'approche personnalisée des technologies avec les aînés et le développement des savoir-faire. L'objectif identifié par eux, c'est une approche aîné envers aîné, des connaissances sur des portables, aller chez des individus dans leur milieu respectif et leur montrer comment fonctionne les nouvelles technologies et ce qu'ils peuvent aller chercher comme information. À long terme, c'est aussi l'expérimentation du développement d'un réseau d'aînés.

Pour les centres d'accès, ce fut aussi la promotion de leurs lieux et la création d'un réseau d'amélioration continue des agents de développement, l'amélioration de l'accès à la formation de la main-d'œuvre. La procédure retenue, c'est de valider le contenu de chaque initiative par les groupes cibles, de revenir auprès d'eux pour s'assurer que c'est bien ce qu'ils veulent faire et ce qui répond à leurs besoins. C'est d'appuyer le développement, d'utiliser un système d'évaluation continue. Notre objectif c'est justement de recibler l'objectif identifié au tout début et si, en cours de route, on dévie, on a la possibilité de revenir ou d'accepter qu'au tout début, l'objectif n'était pas le bon. Donc, on se permet de continuer dans une autre direction. C'est pour ça qu'on indique : Réagissez s'il y a lieu.

Alors voilà le projet RACCORD. C'est fait sur une présentation, comme un livre ouvert, un grand livre, un livre géant de cinq pieds par quatre pieds. Au tout début, c'est des pages blanches et on répondait aux groupes que c'était à eux de mettre le contenu. Pour garder une empreinte. Pour ensuite la mettre sur Internet, pour faire une transition entre un moyen de communication traditionnel et un moyen de communication plus actuel. Merci!

Des TIC pour le développement?

Claude Ouellet

d'ATENA-CRIPE, Rimouski

De prime abord, quand on parle de développement économique ou communautaire ou d'économie sociale, enfin quel que soit le nom donné, on parle de développement. Le choix entre les divers types de développement dépend de notre approche : soit un développement qui vise des intérêts collectifs, soit un développement au service d'intérêts financiers.

Prenons le premier choix, c'est:à-dire un développement qui tient compte des aspirations collectives et qui mesure l'impact de ses interventions dans le milieu, impact économique, social, environnemental sur le devenir, le futur, sur la place des citoyennes et des citoyens (nous) dans les choix proposés, etc.

En faisant un choix, nous décidons du même coup des outils qui nous serviront à concrétiser le développement. Nous devons identifier les ressources humaines, techniques, financières. Pour mener à bien nos objectifs, nous nous devons de choisir les bons moyens.

C'est au cours de cet exercice lié au démarrage de projets de toutes sortes que nous avons réfléchi à l'importance que les TIC avaient pris dans nos vies. La plupart des gens, actuellement, même en région, s'entendent pour dire que déjà les TIC sont devenues incontournables comme instruments de travail, de recherche ou de communication. Mais la grande question est de savoir si ces formidables outils sont utiles à tous et à toutes?

Toutes les régions ont-elles la capacité ou la possibilité de se prévaloir des TIC? Est-ce que le développement technologique (ex : accès Internet haute vitesse) est disponible partout de la même façon? Les nouvelles technologies s'adressent-elles plus particulièrement aux industries de pointe en nouvelles technologies ou encore à des industries multinationales? De quelle façon développer notre milieu avec l'aide des TIC?

Je crois personnellement que les TIC pourront nous aider à faire du développement économique, social, local, mais cela suppose certaines conditions qui permettront aux TIC de devenir l'outil auquel nous pouvons nous attendre en regard de ses performances.

Parmi ces conditions, nous retrouvons :

  • l'humain, c'est-à-dire la volonté d'un milieu d'utiliser les TIC pour répondre à ses besoins;
  • la formation : on ne peut penser développer les TIC sans former les gens, sans réseau d'éducation populaire. Si on croit que les TIC sont incontournables, la formation devient plus que nécessaire;
  • l'accès à Internet haute vitesse est nécessaire pour la constitution de réseaux, pour la recherche, etc.;
  • l'accès à l'équipement.

Il faut tenir compte de plusieurs facteurs mais ceux-ci sont incontournables.

Et concrètement, comment utilise-t-on les TIC dans le développement?

Si on part du principe que l'humain est au centre du développement et que les TIC demeurent un outil, il faudra toujours regarder de quelle façon les TIC viendront aider au développement et non pas de quelle façon le développement peut s'articuler autour d'elles.

Dans !a mise sur pied d'une entreprise, les TIC peuvent aider au niveau de la gestion, des communications, de la formation des employées et des employés, etc.

Dans le développement d'un milieu, on peut s'en servir pour la formation, la recherche, les communications, la formation individuelle ou de groupe, le travail à domicile. Les groupes communautaires s'en servent pour faire leur levée de fonds. Les TIC servent en outre à minimiser les distances, à réduire les coûts reliés aux communications, donc à accroître la rentabilité, à assurer une saine gestion des inventaires, à faire connaître ses services, à échanger avec des partenaires potentiels, etc.

Je ne veux pas énumérer toutes les possibilités qu'offrent les TIC, mais je tiens à répéter que les TIC peuvent trouver leur justification partout, pas seulement dans les grands centres, si évidemment, les obstacles à leur utilisation sont levés.

Chapitre 4 : Questions et échanges

Note introductive :

Nous avons sélectionné les interventions marquantes et d'intérêt général dans les discussions qui ont suivi les exposés du chapitre 1, puis les résultats des études du chapitre 2 et les présentations d'usages démocratiques du chapitre 3. Nous les avons classées par grands thèmes. Notre choix a été motivé par l'exigence de réduire la quantité des propos sans en altérer la qualité.

Notez que le style du texte change dans ce chapitre car il s'agit d'échanges verbaux.

QUESTIONS ET ÉCHANGES SUR LES EXPOSÉS DU CHAPITRE 1, TRAVAIL, DÉMOCRATIE ET TIC, CONFÉRENCE D'OUVERTURE DE JEAN-CLAUDE GUÉDON

Pierre Pagé : Dans un premier temps, nous allons recevoir des questions de clarification.

Première question, participant non identifié

J'aimerais en savoir un peu plus sur les logiciels à « code source libre ». Vous avez souligné qu'il s'agissait peut-être de ce qui était le plus pratique pour les groupes communautaires.

Jean-Claude Guédon

Lors de l'apparition des premiers ordinateurs, on donnait les logiciels dans le langage de programmation. N'importe quel programmeur pouvait regarder tout le code, et c'était pas compliqué, sur la puce particulière donnant un langage machine qu'un être humain a du mal à lire. Et de là, lorsqu'il y a eu cette confiscation du logiciel, comme dans le cas de la publication savante, cela s'est fait en douceur. Il n'y a pas eu de débat. Quand Microsoft et les autres ont commencé à vendre du logiciel compilé, tout le monde trouvait ça normal. Pendant longtemps, le débat a été : Comment est-ce qu'on protège ces choses-là? Il fallait passer par des moyens un peu compliqués, mais on y arrivait quand même. Les gens ont finalement abandonné ça et les entreprises ont trouvé des tactiques plus efficaces pour nous tenir dans notre rôle de consommateurs; dans l'obsolescence. Alors en réaction est né un mouvement dans les années 80 dont l'un des grands héros est un américain qui s'appelle Richard Stalman. Il a lancé un mouvement, un ensemble d'activités, un ensemble d'outils pour commencer à reconstruire le système d'exploitation Unix de façon libre et à créer cette plate-forme ouverte et libre pour tout le monde.

En 1991, un petit Finlandais, Linus Torvalds, qui aimait bien faire du Unix, a commencé à tripoter du code et il l'a lancé sur Internet en disant : voilà les éléments d'un noyau de système d'exploitation, ça marche à peine et c'est plein de « bogues », mais si cela intéresse certaines personnes, on pourrait peutêtre s'amuser avec ça. Une douzaine d'individus ont répondu à l'appel et ont commencé à travailler làdessus et, en 1994, sortait une première version complète d'une imitation de Unix réécrite sans utiliser une ligne de code du système propriétaire ou des systèmes propriétaires comme Scoll, le Unix de Sun. Complètement original, c'était le système Linux. La leçon vraiment intéressante à en tirer, c'est que Linux a été développé complètement en réseaux, sans arrêt, par de nouvelles vagues de jeunes programmeurs, ce qui aurait été impossible sans l'existence du réseau. Comme résultat, une panoplie d'outils qui ont formé un système qui marche, qui remplit toutes les fonctions de la plupart des systèmes d'exploitation existants, et même au-delà.

Là-dessus s'est créé un nouveau mouvement extrêmement intéressant. D'abord, une course s'est engagée entre un certain nombre de compagnies qui voulaient en faire commerce et des programmeurs qui voulaient libérer cette couche-là également. Un phénomène tout à fait curieux et étonnant a chambardé ce qui était pris pour acquis : que les suites bureautiques devaient rester grosso modo dans le domaine du privé. Là-dessus arrive Sun qui voulait se bagarrer contre Microsoft (...). Sun a récemment donné le code source d'une suite bureautique complète qui marche d'ailleurs, non seulement sur Linux, mais aussi sur Office et sur Windows. Ce qui veut dire que maintenant, l'infrastructure de l'informatique comprend un système d'exploitation et une suite bureautique complète, ainsi qu'un logiciel de manipulation d'images qui s'appelle Gimp, l'équivalent de Photoshop. Tout ça est gratuit et libre.

Les avantages pour les gens sont nombreux. D'une part, ce système ne cherche pas à gonfler indûment, simplement pour forcer l'achat de nouvelles machines. Il permet d'utiliser des vieilles machines sous forme de terminaux X, ce qui permet de récupérer du vieux matériel qui dort dans les écoles ou les ministères. Il permet de donner un accès très puissant à des outils évolués avec des machines qui normalement ne pourraient pas soutenir ce genre de choses. Si vous traitez un 486 comme un terminal, il ne fait que repeindre un écran, il n'a pas besoin d'utiliser beaucoup de puissance. Mais un serveur derrière alimente les fonctions. Pour les communautés, les associations ou les écoles, vous avez là des outils complètement gratuits et libres qui permettent deux choses : économiser beaucoup d'argent, et comme ces outils sont ouverts, au niveau de l'enseignement et de la formation, aller aussi loin à l'intérieur du système informatique que désiré. Vous pouvez commencer maintenant avec les outils qui existent, avec une facilité d'utilisation équivalente à celle de Windows et du Mac.

C'est pourquoi j'ai toujours préconisé personnellement l'utilisation de ces outils. Ils permettent à la fois de rationaliser les ressources généralement limitées dont on dispose dans les associations et d'aller aussi loin dans la formation que vous voulez.

Prenons l'exemple d'un grand sujet actuel de discussion dans les syndicats américains : l'évolution de leur rôle, de plus en plus un rôle d'aide au recyclage des connaissances des travailleurs de façon à leur permettre de pouvoir continuer de maîtriser une fonction, et un rôle social. Il faut mettre les travailleurs en phase avec ces développements technologiques, les former aux outils informatiques auxquels beaucoup d'entre eux n'ont jamais touché. En mettant ces outils entre les mains d'un travailleur, on peut commencer à se servir d'une suite bureautique et saisir comment fonctionne un système d'exploitation, une programmation; et même aller jusqu'à faire des propositions de programmation! Il s'agit de créer un rapport qui permette de s'approprier la technologie.

Pierre Simard, CDÉACF

Nous avons essayé d'installer Linux, nous avons beaucoup de serveurs, mais parce qu'on avait un système Microsoft, il y avait beaucoup d'incompatibilité. On est en train de développer les centres d'accès communautaire et on veut implanter Linux, mais personne n'est capable de le gérer. Avez-vous des suggestions?

Jean-Claude Guédon

Quand je parle d'intelligence distribuée, en voici un bon exemple. Effectivement, gérer un serveur, que ce soit NT ou Linux, n'est pas facile. Il faut être relativement conscient du fait qu'à ce niveau, NT n'est pas un avantage. Mais quand vous êtes en face de Linux, avoir une structure de discussions entre vous pour partager vos expériences et vos connaissances, c'est déjà utile. Il y a des gens qui font déjà ce genre de choses. Linux Québec peut vous donner un coup de main. L'école Félix-Leclerc ou l'école Garneau, ici à Montréal, évoluent aussi vers Linux.

Il y a toujours mon individu distributif et réparti qui a envie de se faire connaître. Vous auriez des points d'appui là-dessus : des groupes francophones hors du Québec, l'AFUL, l'Association francophone des utilisateurs de Linux et logiciels libres, qui a un secteur sur l'éducation et sur l'utilisation en entreprises ou en associations. Et à chaque fois, il faut trouver des individus qui peuvent vous aider, des gens comme Michel Dagenais de l'École polytechnique, Jacques Gélinas, le héros québécois de Linux qui l'a programmé pratiquement tout seul. Certaines institutions commencent à basculer vers Linux et sont prêtes à donner un coup de main. L'idée est de créer ces réseaux d'entraide. L'intelligence distribuée.

Daniel Deneault, SOL-vi inc.

J'aimerais que vous exploriez plus le côté société d'Internet avec ses aspects de contrôle, de délégation de pouvoir et de représentation. Comment vous voyez l'évolution de la société?

Jean-Claude Guédon

Ce que j'ai essayé de dire ce matin, c'est que des technologies se multiplient et on voit des initiatives inventives sur leur utilisation et des formes d'appropriation se multiplient. Les quelques exemples historiques ont été cités pour montrer comment ces appropriations peuvent donner des sens très différents à une même technologie, et c'est ce qui se passe actuellement. Mon inquiétude est que la majorité des appropriations inventives des grandes technologies en émergence sont actuellement le fait de grandes entreprises privées. Elles sont déjà organisées en institutions, précisément pour mobiliser beaucoup de cerveaux dans une certaine direction. Mais ces cerveaux, ce sont des travailleurs. Il y a des gens des syndicats ici. Donc, vous avez et nous avons accès à ces cerveaux. Et ma réponse, c'est de dire: nous sommes en fait l'essentiel des cerveaux de l'humanité. Notre problème, c'est d'arriver à utiliser nos réseaux, nos moyens de communication et nos traditions pour développer les fers de lance de nouvelles formes d'appropriation des technologies dans le sens qui nous intéresse. Il faut suivre ce qui se passe, regarder le phénomène Napster et ce qu'on appelle en anglais le peer to peer communication (ndlr: rapport égalitaire d'échange). L'apparition de ce système, du genre ICQ, instant Messenger, Napster Newtella, maintenant Freenet, etc., est extrêmement important.

C'est un nouveau moyen de communication. Vous êtes présent. Vous n'êtes pas seulement en train de communiquer comme par le courrier mais en tant que présence dans un espace, avec un certain profil, ce qui incite d'autres à vous aborder et à échanger avec vous, dans le sens de construire, de produire, de faire de nouvelles choses. Si on arrivait à réutiliser Napster dans une association en circuit semifermé, ou même fermé, à l'intérieur d'une association ou autour de projets associatifs, il se passerait des choses nouvelles dans cette association et entre associations. Il faut que nous apprenions entre nous à gérer nos communications, nos sympathies et nos solidarités, pour mobiliser ces technologies à l'avantage de nos projets, inventer de nouvelles appropriations et même les développer nous-mêmes.

Yves Otis, Société de formation à distance (SOFAD)

Je voulais parler de peer to peer, de Napster. On a beaucoup discuté de technologies, mais l'important est l'information transportée par cette technologie. Il y des enjeux très importants au niveau de ce qui est transporté, au-delà du contrôle des infrastructures. Le contrôle de l'information est lié à son accès et fait l'objet d'une monétarisation. On vit cette tension dans des groupes comme les nôtres : il y a tendance à conserver l'information stratégique pour la mobilisation, une information qui est pourtant le capital d'un groupe.

J'ai une autre remarque sur la deuxième partie au sujet de la démocratie. Il y a le concept de gouvernance. Internet soulève beaucoup de questions sur le travail en groupe, la définition de l'autorité. Qui et comment prend-on une décision? C'est bien beau que les groupes utilisent ces moyens technologiques, mais si les structures d'État n'acceptent pas de travailler d'une autre façon avec le niveau de représentation, on n'ira pas tellement loin. Je pense que les nouvelles technologies permettent de mener des débats d'une manière différente, mais aussi on doit céder le contrôle d'une certaine forme d'autorité...

Jean-Claude Guédon

Oui, cette question de la formation, c'est effectivement un des symptômes de cette transformation. On se retrouve maintenant avec littéralement des millions de sites où n'importe qui produit à peu près n'importe quoi. En plus des problèmes de trans-nationalité que posent certains types d'information (pornographie, vente aux enchères d'objets nazis). Donc, la question de l'information me semble encore soulever le problème de la domination : qui domine, des individus ou de l'information? Comment valide-t-on l'information? Comment passe-t-on de l'information à la connaissance, voire même à la sagesse?

Énormément d'informations dans Internet sont des documents dont la fiabilité reste à démontrer. Qu'est-ce que ça veut dire? La même chose que lorsque l'imprimé est arrivé, à une autre échelle toutefois. L'Église, les princes se sont mis à hurler en disant : « Mais comment les gens vont-ils pouvoir maîtriser tout ça? » On a créé des structures sociales qui ont permis de gérer, de maîtriser ce flux d'informations. Nous arrivons à une nouvelle explosion de production de documents. Il va falloir recréer tout ça, de nouvelles bibliothèques, de nouveaux réseaux, de nouvelles formes de validation entre nous et de vérifications. Là encore, c'est nous qui devons dire comment créer la nouvelle éducation. Comment mieux maîtriser ces formes de documentation qui se multiplient dans Internet? En qui pouvons-nous avoir confiance? Comment le faire? Ne vous inquiétez pas, des gens sont déjà en train d'y réfléchir, de façon à recréer des centres de pouvoir à l'intérieur de cette énergie. À nous, encore une fois, de travailler ces technologies pour créer des centres de validation qui ne soient pas seulement sous la botte des grands ensembles de publication du genre AOL ou Time Warner. C'est là qu'il faut réinventer. La puissance de l'intelligence distribuée, c'est-à-dire travailler en groupes et en réseaux, peut être formidable, voire même impressionnante, au sens étymologique du terme. Comme le phénomène Linux, encore une fois. Je donne toujours un exemple de ce genre de choses. Nos étudiants des écoles primaires et secondaires utilisent des manuels, ils coûtent chers et sont payés par le gouvernement, ce qui nourrit un certain nombre de maisons d'édition. Imaginez que les professeurs de physique du Québec décident de faire entre eux le meilleur manuel possible, chacun y contribue comme il peut. Le résultat, publié, serait évolutif.

Participant non identifié

Qui va faire la synthèse?

Jean-Claude Guédon

La synthèse se fait automatiquement. Les gens proposent des éléments, une fois un cadre établi. Pour reprendre l'exemple de Linux, qui pouvait faire la synthèse? Un million de lignes de codes Linux, produites par des gens de par toute la planète et de toutes origines qui ne se connaissent pas, qui ne parlent pas la même langue. Des Australiens, des Mexicains, des Chinois, des japonais, des Espagnols. Tous ont produit... les choses se tassent. C'est ce qu'il faut apprendre. En changeant de paradigme, il faut apprendre à lâcher prise sur le contrôle intégral de la gestion classique. C'est ça le cœur de l'énergie associative ou de l'intelligence distribuée.

Manuel Cisneros, ICÉA

j'ai retenu deux fronts dans les stratégies de maîtrise sociale des nouvelles technologies. L'un d'eux serait l'infrastructure et l'autre, le contrôle de l'information. On pourrait même parler du contrôle des individus parce que des systèmes de surveillance sont mis en place. Il est donc aussi question du contrôle des individus. Par rapport à l'infrastructure, je me pose beaucoup de questions parce que quand on arrive en institution, on a une certaine peur par rapport à l'informatique. Modifier ce qui se trouve déjà dans nos ordinateurs, c'est quelque chose que les gens ne feront pas. Quand on achète un nouvel ordinateur, il vient avec Windows, et c'est difficile de revenir en arrière. Ce qui est intéressant à travers notre débat, c'est que toutes ces recherches et ce travail de repérage au niveau de l'infrastructure nous font avancer quand même parce qu'il y a une réaction. Face à la création de Linux, Microsoft se mobilise et il nous offre maintenant des licences à prix très bas.

Concernant le deuxième point, sur le front du contrôle de l'information et des individus, cela nous remet en question aussi en tant qu'organisation. Chaque fois qu'on construit un site Internet, on se pose la question : « Qu'est-ce qu'on doit mettre et ne pas mettre sur le site? » La pression que nous mettons sur le gouvernement pour qu'il soit transparent avec une circulation de l'information, il faut aussi nous l'imposer et dévoiler de quelle façon nous faisons circuler l'information, nous alimentons les réseaux et les gens qui sont derrière et quel est notre modèle de société?

Jean-Claude Guédon

Merci. Ça me permet de souligner deux choses. D'abord, il est toujours difficile de transformer un mode de fonctionnement lorsque de la technique est incorporée. Les mouvements de libération sont toujours coûteux. Les associations et les gouvernements ont un rôle à jouer s'ils veulent vraiment gérer la chose publique, ce qui est leur mandat. Ils pourraient construire des centres de veille et d'exploration, et fournir aussi des ressources à la transition : si vous voulez faire une transition de ce genre, nous pouvons vous aider à en comprendre les enjeux, les outils, et à voir comment ça se fait. Les associations y ont un rôle essentiel à jouer, et les gouvernements, un rôle conseil. Ces derniers doivent, à mon avis, ouvrir le jeu au maximum. Un gouvernement n'a pas à servir d'instrument pour rendre le comportement de certaines compagnies plus monopolistique. Nous devons aider les gouvernements à réfléchir correctement sur la notion de la chose publique, de l'espace public, du sens de la compétitivité. Vous avez bien soulevé le fait que Linux faisait pression sur Microsoft de manière favorable quant au prix.

Gaétan Beaudet, CSMOESAC

II y a un niveau intermédiaire qu'on n'a pas abordé, c'est la production d'applications concrètes de logiciels. Si on ne se préoccupe pas des applications qui se développent actuellement, on aurait beau s'approprier les nouvelles technologies, on va s'approprier des rapports sociaux différents sur lesquels on n'aura pas eu de contrôle. En tant que mouvements communautaires, on s'interroge sur la production d'applications nouvelles qui nous ressemblent en termes de démocratie, de nouveaux rapports sociaux.

Jean-Claude Guédon

D'accord là-dessus, justement, avec un code source ouvert, vous avez la possibilité d'intervenir dans les projets en cours. Si vous voulez faire du logiciel éducatif, des projets sont en route et vous pouvez vous y inscrire, même en lancer un nouveau. Vous avez aussi la possibilité d'intervenir dans des champs de débat en disant : « On a besoin de ces choses-là, est-ce qu'il y a des gens qui pourraient commencer à faire ce genre de travail? »

Gaétan Beaudet, CSMOESAC

Je reviens rapidement sur le sujet. De plus en plus, particulièrement dans les entreprises qui produisent des systèmes spécialisés, venant affecter l'organisation même du travail, des applications très spécialisées apparaissent et elles modifient des systèmes de micro-rapports sociaux, dans des lieux très précis. Je pense qu'on a intérêt à y prêter attention.

Jean-Claude Guédon

Quand vous parlez du milieu de travail, il y a une autre question : c'est clair que les entreprises n'ont pas intérêt à ce que leurs travailleurs puissent entrer dans le système. Oui, nous devons prêter attention à ces changements.

Jean-François Aubin, ÉCOF

Nous avons souligné que le secteur commercial s'est beaucoup approprié le développement de ces nouvelles technologies. Pour faire contrepoids, nous parlons de l'importance de l'aspect citoyen qui doit prendre de plus en plus de place. Tout en ne niant pas cet enjeu majeur, est-ce qu'il y a des passerelles entre ces deux mondes-là?

Jean-Claude Guédon

Bonne question et question difficile! Sur le plan conceptuel, il y a une opposition assez radicale puisque le monde commercial, presque de par sa nature, ne vise pas du tout à renforcer le côté citoyen, mais à vendre des produits ou des services. Dans un certain nombre de secteurs, le commercial est obligé de faire attention à l'aspect citoyen de la vie. Des questions de déontologie se posent sur la façon dont les produits circulent dans la société. Je prends un exemple extrême, mais particulièrement significatif: la façon dont les compagnies de tabac, pendant des années, ont falsifié les résultats sur les effets nocifs du tabac. Si des réseaux avaient pu se constituer pour faire des contre-expertises et les faire circuler, des négociations se seraient ouvertes. Une évolution plus rapide et harmonieuse aurait pu suivre, par exemple sur la façon de gérer l'obsolescence, le gâchis, la pollution. Tous les modes de communication et les réseaux peuvent jouer un rôle extrêmement important pour confronter sans relâche le monde commercial et l'obliger à s'engager dans un nouveau type de négociation, l'amener à inventer de nouvelles formes commerciales, moins délétères.

Pierre Pagé, ICÉA

Une petite question. Vous avez annoncé que vous parleriez un peu de services publics et des nouvelles

technologies...

Jean-Claude Guédon

Oui, merci de me le rappeler. Les gouvernements, les fonctionnaires évidemment, sont pris dans des structures hiérarchiques qui ont pour effet général, à mon avis, de créer une certaine distance entre les ministères et le public, une difficulté à communiquer. Faisons tout simplement référence au fameux répondeur téléphonique : si vous voulez telle chose, appuyer sur le 3, sur le 5, sur le 7. Finalement, vous réussissez à rejoindre le bureau désiré, mais personne ne répond!

Je parle d'un mode de gestion que j'ai rencontré récemment. Je pense qu'en s'appropriant les nouvelles technologies de communication, des schémas d'autres types d'interaction s'établiraient entre les services gouvernementaux et le public auquel s'adressent ces services et, à mon avis, il en ressortirait beaucoup plus de satisfaction des deux côtés. Moins d'aliénation du côté des membres de la fonction publique, parfois pris dans des logiques administratives qui ne leur plaisent pas nécessairement et, de

l'autre côté, un public moins aliéné et se demandant comment arriver à parler et à faire entendre à son gouvernement des idées intéressantes. Ce genre de choses reste à inventer, des résistances émergent des deux côtés. Il y a des choses à inventer, des appropriations à faire, des forums à créer, des manières de faire circuler les informations entre les services gouvernementaux et le public, pour revitaliser des éléments de la démocratie. Si les individus d'une société sentent que les services d'un gouvernement se mettent à fonctionner d'une manière plus « tissée », le gouvernement devient un « donnant » plus proche, l'intérêt des deux parties plus réel. Cela donne envie de s'engager politiquement et non simplement au niveau des services, mais pour la meilleure santé sociopolitique d'une société.

Pierre Pagé, ICÉA

Et sur ce, je vous remercie infiniment. Nous voulions une conférence d'ouverture. Je pense que vous avez bien ouvert la voie, et très largement. Il nous reste à voir comment faire atterrir ces idées dans nos pratiques, notre colloque en est une belle occasion!

QUESTIONS ET ÉCHANGES SUR LES EXPOSÉS DU CHAPITRE 1 DE LINDA CRAIG ET VINCENT EMMELL PORTANT SUR VIE PRIVÉE ET VIE EN SOCIÉTÉ

Participant non identifié

Dans la réalité des groupes, les programmes des gouvernements obligent à collecter de l'information spécifique avec des modèles précis, je pense à Volnet, où il y avait une base de données à construire sur les organismes avec des éléments financiers. Nous, les organismes, nous voulions simplement collecter l'information pour l'administration du programme et ne transmettre au gouvernement que l'information nécessaire. Alors un enjeu se pose. Quelle est la part de responsabilité à ce niveau? Jusqu'où l'organisme doit-il aller?

Réponse de Vincent Emmell

La première chose à faire est une réflexion avec les gens que vous desservez. Et de vous assurer que vous les respectez. C'est-à-dire faire votre test de nécessité : Pour donner le service, ai-je besoin de ces renseignements? Vous vous rendez compte que tes renseignements qu'un tiers exige sont exagérés, que ces demandes sont faites pour donner des fonds ou vérifier la qualité de votre « job ». Il y a d'autres moyens que d'envoyer les numéros d'assurance sociale des gens que vous desservez : faire comprendre aux organismes qu'au Québec, il y a une protection légale selon la Charte des droits de la personne, le Code civil et la Loi sur la protection des renseignements personnels. Ces documents ont préséance sur toutes les lois, à moins que dans une Soi spécifique, il n'y ait une clause nonobstant.

Chaque fois que je rencontre des fonctionnaires qui demandent ces informations, je leur parle des lois existantes. Lorsque nous les menaçons de faire intervenir la Commission d'accès, ils deviennent moins exigeants. C'est donc à vous de faire la première démarche et de défendre les droits des gens. Défendre ses droits a toujours été difficile. Vous allez vous demander si votre subvention sera coupée l'année prochaine. Si vous êtes seul à vous défendre, peut-être que vous n'aurez pas votre subvention. Si vous vous regroupez, beaucoup de choses changeront d'après moi.

Commentaire de Linda Craig

J'ajouterais que dans des milieux de travail, le cadre légal n'est pas aussi évident. Ce sur quoi nous travaillons de plus en plus au Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), c'est de faire des pressions pour qu'il y ait une législation. Présentement, rien dans la législation ne précise quel type d'information un employeur peut garder sur ses employés. En France, une telle législation existe et l'employeur ne peut garder que certains types d'information.

Il y a aussi la question de la surveillance des employés. Quand nous naviguons sur le Net, présent aujourd'hui dans presque tous les milieux de travail, les employeurs sont pas mal craintifs. Si une employée ou un employé écrit quelque chose provenant de l'adresse de l'entreprise, celle-ci peut en être tenue responsable. Les employeurs se sont « énervés », des consultants leur ont dit : « Ça vous prend des politiques ». Ils ont écrit des politiques incroyables, à certains moments à l'encontre des droits fondamentaux. Je conseille souvent aux membres de nos sections locales d'utiliser le moins possible le Net pour des communications personnelles en milieu du travail. Vous vous croyez à l'abri parce que vous n'êtes pas sur vos heures de travail, et vous apprenez soudain que vous souffrez du diabète. Vous allez vite sur le Net chercher de l'information sur la question. Très très facilement, l'employeur sait que vous avez visité ces sites. Il ne pourra rien faire, mais il va garder l'information. La journée où vous voudrez une promotion, peut-être prendra-t-il en considération cette information sans même que vous ne le sachiez!

Si on regarde ce qui se passe en France, les employeurs n'ont pas le droit de garder ce type d'information. Nous, ici, nous affirmons qu'il faut aller plus loin, qu'on sache ce qui se passe. La surveillance ne doit pas être constante car elle nie la vie privée. Dans le milieu de travail, on a de la difficulté à faire reconnaître que certaines décisions prises ces dernières années ont précisé des éléments. L'arrêt Bridgetone-Firestone, avec l'exemple de l'histoire de caméras, a précisé un petit peu qu'il y avait une sphère de vie privée au travail. Rien n'est acquis en ce domaine : cette surveillance faite par le Net, par le système informatique, devient constante. Ainsi l'employé est surveillé et l'employeur peut en déduire plein de choses.

Le conseil que je donne toujours est de ne pas faire parvenir, de votre lieu de travail, toute information qui pourrait donner, ne serait-ce qu'une tête d'épingle d'information à l'employeur. Vous ne savez pas ce qu'il va en faire.

Pierre Valois, CFP

Voici quelques réflexions. Nous sommes le dernier mur avant la frontière finale, je pense qu'il y a des leçons à tirer de ce que nous faisons nous-mêmes. Hier, je donnais une formation dans une grande centrale syndicale. Je me suis retrouvé pris entre quatre portes fermées par des puces électroniques lorsque j'ai voulu aller voir les ateliers que j'animais, dans une maison d'associations où, normalement, on peut penser qu'il y a une libre circulation des idées et des personnes. Nous avons nous-mêmes de petites brèches à ouvrir dans ce mur.

Certaines allusions ont été faites au niveau du communautaire, je pense qu'il faut analyser toute la notion de « monitorage » que l'État met en place. Je trouve ça beaucoup plus pernicieux d'une certaine façon pour le communautaire que la transmission d'un certain nombre d'éléments d'information que l'on nous demande de colliger, depuis des années. Cela ne va pas nécessairement très loin. Je trouve cela beaucoup plus pernicieux parce que c'est le financement même des groupes qui sont les remparts de la défense des droits dont on parlait. Parlant aussi de défense de droits, il n'y a pas juste les droits individuels, il y a des droits collectifs. Et il y a les nouvelles technologies.

Un autre aspect à envisager est celui des syndicats qui signent actuellement des ententes selon lesquelles on doit travailler maintenant tant d'heures par année et couvrir sept jours par semaine. Et ça, t'as pas besoin de nouvelles technos pour le faire. Peut-être que les nouvelles technos contribuent à assurer le processus, mais je vous dis qu'il y a des pressions importantes actuellement sur toute personne qui a un emploi. Nous, au CFP, où je travaille, une boîte de formation, travaillons normalement 28 heures par semaine, ce qui provoque la réaction suivante : « Tabarnouche, une méchante job chromée! » Oui, mais nous sommes toujours en déplacement et, maintenant, on ne travaille plus 28 heures semaine mais 96 heures par mois. On parlait tout à l'heure de la difficulté de vivre en famille : j'ai deux « flots » qui jouent au hockey, ce qui représente 19 pratiques par semaine, j'ai pas le temps d'aller les voir parce que je suis toujours en train de travailler.

Linda disait : il y a l'accélération aussi. Depuis dix ans, ça accélère de jour en jour. La complexité du travail que nous accomplissons nous-mêmes quotidiennement augmente. Comparez-la à ce que vous faisiez il y a dix ans pour le même type de boulot. C'est faramineux. Mais la grande crainte pour le communautaire est le monitorage. Quand on parle d'évaluation, il y a la notion de monitorage et ses ramifications. Avec les nouvelles technos, c'est un croisement hyper rapide de toutes les données qui viendraient de n'importe quel point du territoire québécois.

Commentaire de Linda Craig

Un aspect important de ce que tu as amené, c'est le temps de travail par mois ou par année. Une réflexion de société est à faire : pourquoi les boîtes ouvrent 24 heures, 7 jours par semaine? Les pressions dont je parlais tantôt existent, mais aussi celles du monde comme nous : c'est pratique et « trippant » d'aller faire ses courses le dimanche ou le soir, ou quand on appelle à Vidéotron, en disant : « Comment ça se fait que je peux pas avoir de services après 20 heures? » Nous exerçons nous-mêmes des pressions sur les organisations pour qu'elles soient ouvertes 24 heures sur 24, 7 jours par semaine.

Est-ce bien ce que nous voulons comme société? On est en train de dessiner cela. Je ne sais pas si le forum national offrira l'occasion de réfléchir là-dessus, mais je trouve absolument incroyable qu'avec toutes ces questions de technologie et ce qui s'y rattache, il n'y ait pas de débat de société! Il n'y a pas de place où on en explique toutes les ramifications, pourquoi ça se passe comme ça? En connaissezvous des lieux où il a été question de ça? Moi, non. Pourtant, je suis le dossier depuis pas mal de temps. Si on se met à y réfléchir, peut-être mettra-t-on un holà à plusieurs de nos comportements. Peut-être va-t-on dire : « Finalement, j'aimerais être considéré comme un citoyen, une citoyenne, et non pas comme un consommateur tout le temps de services de santé, de télécommunication, de services funéraires. » Ce débat ne se fait pas et il devrait se faire.

Manuel Cisneros, ICÉA

Le ministre responsable de l'autoroute de l'information, David Cliche, avait préparé un projet pour la normalisation de l'utilisation des nouvelles technologies. Je voudrais savoir si vous l'avez lu et quels sont vos commentaires par rapport à la défense de la vie privée. Il me semble qu'il faut regarder ça de près et en suivre l'évolution parce qu'on commence, au Québec, à créer des lois pour réglementer les transactions sur Internet, sur la signature électronique, etc.

Un autre point : je suis d'accord avec Linda Craig, il faut vraiment débattre à fond notre projet de société. Hier, j'ai participé à une rencontre. J'ai été très surpris de la vision qu'avaient certaines personnes de l'intégration des nouvelles technologies dans l'éducation : avec les nouvelles technologies, il faut remplacer les professeurs ou en réduire le nombre, ces derniers coûtent très cher à l'État, des gens

rêvent de faire des cours multimédias pour 1 000 ou 3 000 étudiants, pour la planète entière, etc. Mais ce qu'il y a derrière tout ça est inquiétant. Nous avons aussi quelques idées par rapport aux technologies intégrées à l'éducation, non pas dans le sens de remplacer les professeurs, mais celui d'enrichir nos approches pédagogiques, le matériel pédagogique. Il va falloir débattre à fond parce qu'il y a toujours une conséquence au niveau de l'emploi : il faut penser au nombre de profs que nous voulons dans nos écoles, au nombre d'étudiants, au nombre d'élèves par classe, il nous faut un projet pour orienter les innovations et les politiques.

Vincent Emmell

J'ai suivi la question de l'autoroute de l'information un peu plus au niveau fédéral que provincial. Et les seules choses où j'ai été impliqué au provincial, ce sont certaines applications qu'ils veulent faire et qui vont être très permissives concernant la collecte et la circulation de l'information. Un débat se fait actuellement de façon assez violente dans les autres provinces canadiennes sur l'information médicale. Il y a énormément d'enjeux parce que les compagnies pharmaceutiques sont très, très puissantes. Elles ont réussi d'ailleurs à obtenir au niveau fédéral un moratoire d'un an sur la loi en vigueur au 1er janvier afin que les renseignements personnels médicaux n'y soient pas inclus. Les renseignements médicaux ne sont pas encore protégés à travers le Canada. Cela va extrêmement loin parce qu'elles ont réussi à convaincre nos gouvernements que plus l'information médicale circulait, plus on allait sauver sur les coûts de la santé au Canada. Il faut surveiller ce dossier de très près. Les médecins commencent à réagir, car on pourrait en arriver à faire pression sur eux pour qu'ils prescrivent des Aspirines au lieu des Tylenols parce que ça coûte moins cher.

Pour ce qui est des documents électroniques, ils ont acquis une valeur juridique au fédéral dès le 1er janvier. Pour une fois, la loi est arrivée plus vite que la technologie. La technologie permet beaucoup de choses, mais pour qu'un document électronique devienne accessible juridiquement, il faut pouvoir s'assurer qu'il n'a jamais été altéré et que l'on puisse absolument l'identifier à quelqu'un, par une signature. Pour en arriver là, plusieurs technologies existent aujourd'hui, certaines très permissives, pour faire des profils. Un gros débat est en vue : des entreprises privées sont en concurrence pour offrir le meilleur système. Les gens comme vous et moi n'ont pas été beaucoup consultés. Il y a un projet de loi actuellement, à l'Assemblée nationale, sur la normalisation juridique des documents électroniques. Et cette semaine, les notaires ont obtenu le droit d'utiliser des documents électroniques. Comment vont-ils faire? Je ne le sais pas encore, les choses changent rapidement, je sais pas si j'ai bien répondu à votre question.

Commentaires de Linda Craig

Une chose m'apparaît évidente au niveau provincial : ce qui est en débat présentement n'est pas un projet social, mais économique. On réglemente le commerce électronique pour le favoriser le plus possible. Le gouvernement du Québec s'est promené dans toutes les entreprises dernièrement avec son projet « Québec clic » avec un beau petit document vidéo qui les pressait de prendre le virage. Il y a eu tout un « flafla » autour de ça. On essaie de triturer la réglementation pour favoriser ça, sans consultation et sans volet social. On a juste à voir comment ça avait été traité dans le rapport Berlinguet, sans aborder les questions de relations de travail. Justement, quand les syndicats demandent une réglementation pour la protection des renseignements, pour baliser les formes de surveillance, la réponse du gouvernement est un non catégorique et, étrangement, une fin de non-recevoir.

Je reviens sur la question des objectifs des professeurs. Je ne panique pas parce qu'ils l'ont essayé dans les universités. Réal Jacob nous en a parlé récemment à l'UQTR. On pensait pouvoir y mettre des profs virtuels; et cela n'a pas réussi, il reste cependant que l'objectif, caché ou non, est de réduire les coûts. On nous dit souvent : « Écoutez, vous paniquez pour rien dans les syndicats, l'objectif c'est de faciliter l'apprentissage, d'avoir de meilleurs outils, de donner un meilleur service. » Oui, oui, derrière les discours, la vraie affaire est de rationaliser, couper du personnel et réduire les coûts.

Il faut aussi pousser nos réflexions sur les placements que nous avons dans des compagnies. Une pression vient des actionnaires. C'est encore un débat de société. Est-ce qu'on veut absolument que tout se fasse avec le plus de profit possible ou si on est prêt à autre chose? Le Sommet des Amériques s'en vient. Des questions vont se poser sur ce que l'OMC met en place. Les vrais objectifs, c'est le marché. Le marché, c'est qui ça? C'est quelqu'un. De plus, quand on parle d'avoir des clauses sociales qui vont prévoir que tu ne peux faire travailler les enfants ni les gens 24 heures par jour... Présentement, il y a des résistances et les instances dites collectives sont minées et les groupes communautaires, les groupes syndicaux peuvent faire des pressions. Cela ne bouge pas beaucoup au Québec à ce sujet, à part Salami.

Caroline Boisdon Gord, responsable de la formation, Communautique

Oui, ma question est très concrète parce qu'on nous la pose beaucoup en formation, et parce que j'entends beaucoup de discours différents là-dessus : est-ce que je suis obligée de donner à mon employeur le mot de passe de ma boîte téléphonique, le mot de passe pour mon courrier électronique, et tout autre mot de passe? Est-ce que je risque d'être renvoyée parce que mon employeur se rend compte que j'ai envoyé un courrier électronique personnel sur mes heures de travail? (...) Qu'est-ce qu'il peut en faire de ces mots de passe et de mon courrier électronique?

Vincent Emmell

En qui a trait à la vie privée au travail, il y a des grosses zones grises. Et c'est bizarre. Des employeurs se rendent compte que les téléphones cellulaires qu'ils fournissent à leurs employés servent de temps en temps à faire des appels personnels, à la garderie pour dire qu'on va arriver un peu en retard, chez maman pour dire d'aller chercher la petite à la garderie. Les employeurs réalisent que ces téléphones peuvent être utilisés sur Internet. Ils paniquent quand des employés envoient des courriels et parlent de leur « boss », sans être codés ou « cryptés ». C'est comme envoyer une carte postale et même, dans certains cas, y ajouter un néon « flasheur ».

Les employeurs ont réagi en demandant les mots de passe. Ils n'en ont pourtant pas besoin, parce que tout est dans le serveur : dès que vous envoyez un courriel non « crypté », dans le domaine virtuel, il ne disparaîtra jamais. Il est là pour toujours, à l'heure actuelle. Cette frontière entre la vie privée au travail et la vie privée à la maison est donc une grosse zone grise. Des décisions là-dessus vont se rendre jusqu'en Cour suprême pour établir une frontière, je me plais toujours à raconter une anecdote. Un de mes clients avait installé des contrôles d'accès à toutes les portes. Il avait fait installer un gros système de sécurité par des ex-policiers. Ils se sont rendu compte que quelqu'un allait aux toilettes au moins 60 à 70 fois par jour et ils se sont dit : « On va utiliser notre technologie. » Ils ont suivi le bonhomme, surveillé par vidéo, enquêté sur son crédit : leur hypothèse était qu'il vendait de la drogue. Ils n'ont rien trouvé contre lui. Ils ont décidé, dans leur grande sagesse, d'aller le voir. « Comment se fait-il que tu vas 60 fois par jour aux toilettes? » Et, tout surpris, l'employé a répondu : « Mon bureau est en face des toilettes, tout le monde prend ma carte pour aller aux toilettes. » Cette enquête a coûté une fortune... Lorsqu'on installe ce genre de technologies, ça prend des règles très strictes de transparence et il faut établir, au moment de l'installation, pourquoi on veut cette information et ce qu'on va en faire.

Linda Craig

C'est vrai qu'il y a d'énormes zones grises présentement. Je parlais tantôt d'une sphère de vie privée au travail, souvent discutée. Je ne suis pas juriste, mais comme j'ai travaillé cette question et analysé la jurisprudence, je tente de répondre à ta deuxième question : « Est-ce qu'on peut me mettre dehors? » Présentement, quand il y a une politique dans la boîte qui précise clairement que l'employé ne peut pas utiliser le courriel à des fins personnelles, je n'ai pas vu de cas de congédiement, mais j'ai vu des cas de maintien de suspension. Les cas observés et amenés devant les tribunaux d'arbitrage, ce sont des cas classiques de pornographie, de fraude, d'utilisation, pour un travail en parallèle, une petite entreprise par exemple. On n'a pas vu de cas porté en cour parce qu'une personne avait appelé à la garderie ou envoyé un courriel à maman en France.

Il est vrai que deux écoles s'affrontent présentement. Une école de juristes défend habituellement les travailleurs et dit : l'équipement appartient à l'employeur, mais il existe une sphère de vie privée. L'employeur n'a pas à fouiller dans tes tiroirs de bureau, il n'a pas plus le droit d'interroger ton ordinateur. Une autre école soutient que ça appartient à l'employeur; et que tout ce qui appartient à ['employeur est voué à un usage non privé. Il n'y a pas de jurisprudence car personne n'est encore allé devant les tribunaux pour dire : On me surveille. Est-ce qu'on a le droit de le faire? Est-ce qu'on a le droit de me surveiller comme ça? Il existe aujourd'hui une jurisprudence pour la surveillance par les caméras vidéo : l'employeur ne peut pas braquer une caméra directement sur une personne. En ce qui concerne ce que tu fais sur Internet avec ton ordinateur, je n'ai pas vérifié la jurisprudence depuis le dernier mois mais, avant ça, on a fait une recherche assez exhaustive et il n'y en avait pas. On ne sait toujours pas comment les tribunaux vont traiter ça.

Daniel Denault, SOL-vi inc.

C'est une question pour Linda : tu parlais de l'absence de débat de société et tu disais aussi que vous organisiez différentes journées sur les nouvelles technologies. Comment ta centrale positionne un débat de société à l'intérieur de ces journées?

Linda Craig

Je peux parler du SCFP parce que nous sommes un syndicat autonome, affilié à la centrale FTQ. Je te répondrais que présentement, on n'en a pas, on est en train d'y réfléchir. Durant les premières années où nous avons travaillé sur ces dossiers, on a dû « dealer » avec les conséquences : pertes d'emploi massives, relocalisations, très nombreuses atteintes à la santé. À un moment donné, dans un centre d'appels, sur 120 employés, 90 étaient malades. J'ai pas besoin de te dire que quelque chose ne fonctionne pas. On a été bien occupé, effectivement, à réaliser notre mission première, la défense des travailleurs. À force de réfléchir à la question des technologies, on en est arrivé à dire qu'il y avait quand même du bon dans les technologies. Nous les utilisons nous-mêmes. Au début, on regardait ça un peu de façon technique : « C'est la machine qui fait ça. » Mais les problèmes de santé, les maladies en « ite » vont en augmentant. Ce que je vous livre, c'est un peu où on est rendu : il ne faut pas qu'on les regarde de façon isolée. Au mois d'octobre 1999, il y a eu un colloque. Certaines choses se passent aussi à la FTQ où on commence à penser peut-être à organiser un colloque. Les syndicats disaient dans les années 80 : « Les ordinateurs, on ne rentre pas ça. On sacre ça dans les poubelles. » On a évolué depuis ce temps-là. On peut pas sacrer ça dans le sac à ordures, on va vivre avec et voir comment on balise ça. On n'a pas encore de positions officielles.

Nous avons beaucoup travaillé la question du télétravail. En Europe, la Commission européenne fait des pressions énormes sur les entreprises, qui je suppose sont des entreprises de « télécom », pour que

se développe une politique, pour que se développe plus le télétravail. Ici, les employeurs commencent à s'interroger et nous aussi, qui nous sommes interrogés avant eux. On a analysé et participé à une recherche importante faite par le « ŒFRIO ». On a dit : il y a problème, mais on n'est pas nécessairement contre le télétravail. On est en train d'organiser notre réflexion.

Vincent Emmell

La tendance qui prévaut actuellement chez les juges est celle-ci : pour obtenir une surveillance très poussée sur une personne au travail, une raison valable de le faire doit être démontrée.

Linda Craig

Sauf, et là est tout le problème, que certaines personnes disent : la surveillance électronique est une surveillance constante, qui va à l'encontre de la Charte des droits de la personne, laquelle garantit le droit d'avoir un lieu de travail avec des conditions justes et raisonnables de travail. Effectivement, d'un certain côté, on dit : cette surveillance-là va à l'encontre de ça. Tu as le droit d'avoir une place où tu n'es pas surveillé constamment parce qu'une telle condition de travail serait déraisonnable. Par ailleurs, d'autres soutiennent qu'alors il ne sera plus possible d'utiliser l'informatique parce que la surveillance peut être constante. Le débat est tout à fait ouvert. D'un côté comme de l'autre, personne n'ose aller devant les tribunaux de peur d'avoir des problèmes de jurisprudence. On n'a pas la réponse. Le débat en est là.

VIE PRIVÉE ET VIE EN SOCIÉTÉ, QUESTION TRAITÉE AU CHAPITRE 1

Résultats des travaux en ateliers

Lorsqu'il est question de confidentialité au travail dans le monde communautaire, la question générale se pose ainsi : les valeurs du mouvement sont-elles aussi présentes lorsqu'il est question de la protection de la vie privée? Une fois cela posé, deux avenues sont possibles:

  1. Ce problème se pose moins puisque les postes de travail ne sont pas attribués spécifiquement à une personne.
  2. Cependant, dans d'autres cas, chaque membre d'une équipe possède un poste de travail informatisé. Dès lors, les questions de confidentialité se posent avec tout autant d'acuité.

Les membres de l'atelier s'entendent sur la nécessité d'un débat public sur la question de la confidentialité, tout en se demandant comment aborder le problème, et surtout, s'il n'est pas trop tard?

Par ailleurs, l'espace privé est la cible du travail flexible... car, à la limite, l'espace privé devient flexible. En fait, les nouvelles technologies ne nous libèrent pas. Certains vont jusqu'à dire quelles sont facteur d'aliénation, causée par un rythme effréné de travail. Le temps libre est en chute libre et ce temps est le miroir et le mirage que laissent miroiter les NTCI.

La question des profils de consommation a elle aussi été abordée lors de nos discussions. Autant la carte de guichet que nos achats en ligne ou nos fréquentations de sites permettent aux entreprises de dresser notre profit de consommateur, ce qui est susceptible de faire de nous des cibles relativement précises.

Suggestions des ateliers sur l'axe Vie privée et vie en société :

  1. Avec l'utilisation des nouvelles technologies, il faut faire connaître aux gens les enjeux concernant la protection de la vie privée. Les droits de l'individu sont remis en question et toutes les possibilités de dissolution de ces droits s'ouvrent.
  2. Intervenir sur la place publique pour que les droits des personnes soient respectés.
  3. Nous devons traiter la problématique de la protection de la vie privée à l'intérieur de nos organismes communautaires, à l'intérieur de nos organisations et de nos institutions. Il faut nous appliquer à nous-mêmes ce que nous prônons.
  4. Dans les forums régionaux et nationaux, il faut traiter ce thème afin de :
  • faire descendre l'information;
  • traiter tout ce qui concerne la sécurité des données;
  • mettre l'accent sur certaines problématiques, par exemple, l'utilisation des NTIC et les personnes en recherche d'emploi;
  • analyser aussi la législation internationale existante et les problèmes qui restent encore à résoudre.
  1. Il faut que les lois protègent nos droits, mais il nous faut rester vigilants et faire en sorte que les lois soient appliquées.
  2. Dans la diffusion des dangers qui affectent la protection de la vie privée, il ne faut pas faire peur aux gens. Il faut expliquer les dangers mais en même temps montrer les mécanismes de défense de leurs droits.
  3. Nous devons proposer l'utilisation d'une technologie saine. Une technologie qui ne cherche pas à nous surveiller. Nous sommes pour les TIC mais à certaines conditions. Il faut surveiller les arrimages public-privé et effectuer une veille technologique à ce propos.
  4. Il faut donc revendiquer un contrôle démocratique de l'implantation des NTIC lorsqu'il est question du travail pour mieux en comprendre les impacts. La simple introduction des boîtes vocales au sein de nos propres organismes contribue à l'abolition d'un poste de travail et, dans certains cas, la mise à pied de la personne qui l'occupait. Les TIC deviennent bien souvent des facteurs d'exclusion, sans parler de la fracture numérique entre la personne qui y a accès et celle qui n'y a pas accès. Les TIC génèrent des emplois mais elles contribuent simultanément à des phénomènes massifs d'exclusion. Comment régler les problèmes?
  5. Il faut, en permanence, rester en mode actif et critique lorsqu'il est question des TIC. Il faut apprendre à les maîtriser et à les critiquer, dénoncer les abus et comprendre « les possibles ». Pour cela, il nous faudra atteindre une maturité et un sens de la citoyenneté allant jusqu'aux responsabilités du citoyen corporatif. L'instauration d'une loi anti-fermeture (ndlr : d'entreprise et/ou d'abolition de postes) est ici proposée comme exemple.

QUESTIONS ET ÉCHANGES SUR LES RÉSULTATS DES ÉTUDES PRÉSENTÉES AU CHAPITRE 2. EXPOSÉS DE FRANCINE PELLETIER ET GAÉTAN BEAUDET

Participant non identifié demande si, selon l'enquête de Communautique, les groupes qui possèdent un ordinateur sont-ils en réseau?

Francine Pelletier, Communautique répond que peu de groupes sont en réseau, mais leur nombre augmente vite avec l'installation d'une seconde ligne téléphonique. Louise St-Jacques, Puce Communautaire, ajoute que la programmation en réseaux internes entre quelques appareils se développe inégalement.

Yves Otis, SOFAD ajoute que les groupes de femmes progressent car il y a beaucoup de réseaux. À propos des relations entre les groupes de base et les regroupements, il se demande si le fait que ces derniers soient peu convaincus des avantages de l'Internet ralentisse le changement à la base.

Francine Pelletier, Communautique répond qu'il faut coordonner les actions des têtes de réseau avec celles des groupes de base. Les suites de l'enquête de Communautique devraient clarifier ces aspects, afin que progresse le travail en réseau.

Daniel Deneault, SOL-vi Inc. demande comment intégrer nos valeurs sociales à l'utilisation d'Internet. F. Pelletier répond qu'elle a travaillé au début à intégrer tout cela dans le travail d'alphabétisation. Actuellement, l'intégration des TIC dans les points d'accès donne l'occasion de développer et de tisser de nouveaux liens.

Gaétan Beaudet, CSMOESAC note que dans les monographies, il ressort que les groupes laissent tomber l'information sur Internet s'ils ne voient pas comment s'en servir comme outil de mobilisation et de participation. Dans les prochaines phases des deux études, avec une approche par secteurs, un portrait d'ensemble des questions non couvertes sera fait.

Jean-François Aubin, ÉCOF et Communautique relève que 62 % des organismes communautaires sont ouverts à devenir point d'accès. Nous nous devons de les développer avec les gouvernements et de renforcer des branchements et des usages collectifs. Il ajoute, en lien avec ce que Jean-Claude Guédon a dit, que les organismes en sont encore aux utilisations standard, qu'il faudrait innover, créer des centres de recherche, réfléchir à la façon d'innover à de tels niveaux.

Louise St-Jacques, Puce Communautaire et Communautique rappelle les débuts de son organisme. Les résistances à l'informatique et au changement étaient très fortes, à cause des valeurs. Les têtes de réseau résistaient beaucoup. Aujourd'hui, il nous faut bien identifier les nouvelles résistances et inquiétudes et proposer des solutions pour mieux lier les têtes de réseau et les groupes de base.

ROGER Beaudoin, CRÉECQ signale qu'il travaillait il y a dix ans à la protection du consommateur. Il entendait souvent dire « l'informatique c'est pour les riches ». Aujourd'hui, des groupes de défense des droits ont des sites, le FRAPRU, des maisons de femmes, ce ne sont pourtant pas des riches ou des professionnels. Sa question est de savoir si on sent des résistances encore aujourd'hui.

Francine Pelletier, Communautique répond que l'enquête de 1996 révélait que bon nombre d'individus croyait que l'informatique et l'Internet étaient incontournables. En 1999, les gens vont plus

loin dans ce sens. Elle termine en disant que les résultats de l'enquête de Communautique seront diffusés début mars 2001 : ce sera l'occasion d'en discuter plus à fond les résultats.

Pierre Simard, CDÉACF commente ainsi la discussion : le défi est d'intégrer ces nouvelles technologies et de se les approprier. Le ministère de l'Éducation nous a mandatés en 1998 pour équiper d'un ordinateur l'ensemble des groupes d'alphabétisation du Québec. Aujourd'hui, ces 126 groupes (incluant les groupes anglophones) sont tous équipés. Mais l'intégration des ordinateurs dans la pédagogie et d'Internet dans l'organisation du travail, n'est pas encore faite, il reste encore beaucoup de travail avant que cela ne devienne quelque chose de naturel.

QUESTIONS ET ÉCHANGES SUR LES EXPÉRIENCES D'USAGES DÉMOCRATIQUES DU CHAPITRE 3, EXPOSÉS DE FRANCINE PELLETIER, GAÉTAN BEAUDET ET SÉBASTIEN LANGLAIS SUR L'ACCÈS ET LA FORMATION AUX TIC DANS LE MILIEU COMMUNAUTAIRE ET DE L'ÉDUCATION DES ADULTES

Pierre Simard, CDÉACF

Quand Communautique a commencé à développer la mise en réseaux de l'ensemble des groupes communautaires à travers les points d'accès, comment étiez-vous perçus, vous qui veniez de Montréal pour dire aux groupes en régions : « On va se mettre ensemble pis on va s'organiser? »

Francine Pelletier, Communautique

Communautique avait déjà des partenaires dans chacune des régions. Avant d'en arriver à l'implantation des points d'accès, tout un travail a été fait antérieurement pour définir les critères avec le comité de coordination, où tous les partenaires étaient représentés. Ces groupes partenaires font un travail de liaison, d'animation entre les groupes, d'évaluation des impacts, d'analyse des améliorations à apporter. Il y a vraiment une interaction entre tous à ce niveau. Et il y a le travail que les animatrices et les animateurs font aussi sur le terrain.

Claude Ouellet, Atena et Communautique

Nous, dans le Bas Saint-Laurent, on avait déjà des liens avec Communautique sur d'autres projets. Quand Francine Pelletier nous a parlé, ça correspondait aux besoins qu'on sentait de sortir du Bas Saint-Laurent. Développer les nouvelles technologies village par village nous semblait compliqué. Communautique avait l'expertise et ils nous ont aidés à l'acquérir nous-mêmes. Parce que ça fait 2 ans et pas 50 qu'on fait de l'informatique dans notre groupe. Cela a permis de développer d'autres partenariats sur d'autres projets. C'est pour ça qu'on est ici d'ailleurs.

Vincent Emmell, Progesta

J'avoue que j'ai bien aimé la présentation de Sébastien, de L'Itinéraire, mais j'avais un peu de frissons : les sans-abri ou les « squeegies » qui vont dans ton Café Internet, est-ce qu'ils sont lâchés « lousses » sur Internet ou il y a une certaine protection? J'ai l'impression que leur exclusion peut aussi se développer, par exemple si des gens profitent d'Internet pour faire leur profil et c'est très difficile de s'en débarrasser!

Sébastien Langlais, L'Itinéraire

Je suis un peu paranoïaque au niveau d'Internet, tu sais. Ça peut paraître drôle. J'utilise Internet, je m'en sers couramment tous les jours, je déteste être numéroté, chiffré, estampillé, etc. Au niveau du Café Internet, je prends des mesures pour essayer d'arrêter de « profiler » le monde. Tous les matins, je passe en revue les ordinateurs en tant que technicien et je fais ce que je ferais dans mon ordinateur personnel. J'enlève les fameux cookies que je déteste tant. C'est un beau nom, mais c'est vraiment une valeur commerciale, c'est vraiment une valeur chiffrée, estampillée. À ce niveau-là, ce que le monde de l'extérieur peut savoir, c'est qu'il s'agit d'un café-rue Internet. Au niveau du courriel, c'est leur courrier. Nous avons un responsable sur place qui répond aux questions des gens : C'est quoi ça? Est-ce pertinent pour moi? On leur répond. Nous recevons du courrier, le fameux junk mail. Comme nos machines ne sont pas programmées pour les différents programmes de courriel, les gens doivent aller avec des programmes de courriel gratuits, justement pour ne pas avoir le junk mail tout le temps. La sécurité des gens, c'est aussi important pour nous. Et c'est pour ça que j'en fais une affaire personnelle au niveau de la maintenance des ordinateurs. Je ne laisse pas n'importe qui y installer n'importe quoi. Le fameux ICQ, le fameux MSN Messenger, je les déteste pour une seule et unique raison : c'est un Café Internet, ce n'est pas un ordinateur personnel, c'est pour la majorité.

Caroline Boisdon Gord, Communautique

Ce matin, on parlait un peu de la réticence qu'il pourrait y avoir à l'arrivée des nouvelles technologies dans les groupes, j'aimerais connaître les motivations des personnes de la rue à fréquenter un tel café. Est-ce pour elles un passage obligé de réinsertion ou est-ce qu'il y a un intérêt autre? Quelles sont effectivement les motivations? Est-ce que c'est perçu comme un moyen de contrer l'exclusion ou non? Est-ce qu'il existe un café sur la rue en dehors de Montréal? Et sinon, quels sont vos arguments pour faire valoir que les nouvelles technologies sont importantes pour contrer l'exclusion des personnes de la rue?

Sébastien Langlais, L'Itinéraire

OK. Je réponds à ta première question sur les motivations premières de quelqu'un qui vit dans la rue pour venir au Café Internet. C'est pas un passage obligé. On n'oblige pas les gens à venir au Café Internet pour dire : «Tu t'en vas là, t'apprends pis tu te trouves une job après. » Le passage obligé, c'est eux-autres qui se le disent. C'est premièrement un moyen de communiquer ou un moyen social. Ils viennent parler à des gens ou ils viennent parler avec leurs copains à travers le monde ou ils viennent apprendre. Dans tout ça, c'est eux qui choisissent. On n'est pas là pour dire : « Tu t'en vas là. » C'est pas notre intérêt, au contraire. C'est tout le temps le libre choix. Ça fait partie de ce que bien des Américains à travers la planète appellent de l'empowerment, en d'autres mots rendre responsables les personnes. C'est de les rendre responsables eux-mêmes. C'est eux qui décident de venir, pas nous qui allons les chercher. Pour répondre à ta deuxième question, si d'autres cafés sur la rue existent à l'extérieur de Montréal, je n'en ai présentement aucune idée. J'espère, dans mon for intérieur, qu'il y en a. Je sais que dans d'autres organismes de journaux de rue à travers la planète, le cas de L'Itinéraire fait figure de proue, de modèle. Nous avons un Café, viable depuis bientôt trois ans. Pis la demande est là où les services sont rendus.

Yves Otis, SOFAD

J'ai une question pour les membres du panel. J'ai de la difficulté à la formuler. J'étais responsable d'Internet Alpha, un projet qui a essayé de réseauter la communauté d'alpha au Québec, qui comprenait à la fois des groupes populaires et des gens qui donnent des cours d'alphabétisation dans les commissions scolaires. Je trouve qu'il y a comme un mystère. L'étude du CSMO-ESAC semble démontrer des besoins de formation assez immenses. J'essaie de faire le parallèle avec cette baisse à laquelle on assiste en éducation des adultes dans les commissions scolaires. On observe d'un côté une grande demande de formation et, de l'autre côté, on a des commissions scolaires auxquelles les gens faisaient beaucoup appel auparavant.

Maintenant c'est comme s'il n'y avait pas de passerelles du tout entre les organismes communautaires et les commissions scolaires. Et les groupes se disent : organisons-nous parce qu'on n'est pas capable d'avoir ce qu'on veut ailleurs. Et pourtant ailleurs, il y avait quelque chose avant. Il me semble qu'à travers les régions du Québec, on a un système éducatif avec de la formation aux adultes où il y a ces cours de base de données qui sont offerts, accessibles mais pas ou peu utilisés.

Gaétan Beaudet, CSMO-ESAC

Je pense que la question est la suivante : qu'est-ce qui est coupé actuellement? Qu'est-ce qui est sélectionné au niveau du réseau public d'enseignement dans tel ou tel créneau, qu'est-ce qui est délaissé? L'étude démontre que les besoins exprimés en termes de formation sont d' avoir une formation continue, accessible financièrement, adaptée et sur mesure. Compte tenu des réseaux, des regroupements, et au niveau régional, parfois de la masse critique disponible, peut-être que cette formation adaptée, sur mesure, accessible financièrement, est offerte plus souvent par le milieu communautaire, compte tenu que le secteur public s'adresse maintenant plutôt aux entreprises. On t'a démontré dans notre autre étude faite auprès de 38 regroupements communautaires. L'accessibilité à la formation est effectivement difficile. Aussitôt qu'on s'éloigne des grands centres urbains, l'accès diminue à cause de difficultés financières et des distances.

Roger Beaudoin, CRÉECQ

Un commentaire complémentaire aux propos des panélistes : quelle est la place du réseau institutionnel d'éducation des adultes dans l'éducation, la formation à l'Internet ou aux ordinateurs? Il y a des éléments dans le texte de Manuel Cisneros là-dessus, mais il n'y a pas de détails sur les programmes disponibles, les financements, le nombre de personnes rejointes, etc. Et je pense que c'est important. Parce qu'il y a aussi une catégorie d'adultes qui ne sont pas au travail, qui n'ont pas accès à des formations au niveau du travail et qui ne fréquentent pas nécessairement les organismes communautaires. La place de ces gens-là au fond pourrait être dans une école, au niveau de l'éducation des adultes.

En tout cas à Québec, il n'y a pas tellement de publicité pour une formation aux TIC. Quelques annonces parfois, au sujet de cours sur l'initiation à l'informatique, au traitement de texte, etc. Cela coûte 6 $ de l'heure et ça n'a pas l'air d'être utilisé beaucoup. Et il n'y a pas de budgets importants. Il nous faudrait plus d'information là-dessus. Dans certaines régions, des services d'éducation aux adultes de commissions scolaires ont participé directement ou indirectement à la mise en place de centres d'accès communautaires. Ils ont été financés par le programme d'accès communautaire au niveau rural et semirural. Je trouverais intéressant de savoir où cela a mené, ce qui s'est passé. Il y a tout un côté de l'éducation des adultes, en lien avec le ministère de l'Éducation du Québec sur lequel on a peu d'information. Il serait important afin de savoir si on doit réclamer plus d'efforts de l'institutionnel.

Deuxièmement, on développe des projets de centres d'accès communautaires et on se dit toujours : « C'est intéressant, mais ça va durer combien de temps? Où ça va nous mener? » Les bailleurs de fonds disent : Comment vous allez les financer plus tard? Communautique se pose la question, et même pour son propre organisme! On court toujours après du financement par projets. Et c'est ça mon deuxième point. Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu d'avoir des programmes pour financer le fonctionnement de base de certains organismes, comme Communautique, ou encore les centres d'accès communautaires aux TIC dans bien des endroits? Je vois deux pistes. Il y a un programme pour aider les journaux, radios et télévisions communautaires au niveau du ministère de la Culture et des Communications du Québec. Les budgets ne sont pas énormes, ils varient beaucoup mais ces programmes existent. Y aurait-il lieu d'avoir un programme du côté de la Culture pour financer les centres d'accès communautaires ou du côté du ministère de l'Éducation du Québec? Une approche qui inclurait l'éducation des adultes au niveau des commissions scolaires et le communautaire?

Bernard Normand, ICÉA

Je vais me référer au débat au niveau de l'éducation des adultes, des nouvelles technologies, et de l'exclusion. Et au texte de Manuel Cisneros qui a été distribué et qui met en lumière certains éléments. À partir de mon expérience avec le comité « éducation des adultes et nouvelles technologies » de l'ICÉA, je désire vous fournir quelques éléments de réponse pour éclairer le débat. D'abord, je veux reprendre ce que Roger Beaudoin du CRÉECQ soulignait : il y a une complémentarité et une synergie plus fortes à développer entre le communautaire et le réseau public. Il ne faut surtout pas les opposer. Les besoins des adultes à tous les niveaux en éducation sont très très importants. On doit accroître ce qui peut être fait. Je pense qu'au niveau communautaire depuis quelques années, avec Communautique, La Puce et beaucoup d'autres organismes de base comme L'Itinéraire, les réalisations sont très intéressantes, plus proches des gens. En même temps, il faut être conscients que le réseau public au Québec doit être activé et doit aussi être complémentaire, dans le sens de répondre au maximum à la demande. Il peut y avoir des passages de l'un à l'autre. Il ne faut pas opposer l'un à l'autre, mais travailler ensemble.

Je vais revenir à un aspect critique par rapport au réseau public, tout en disant que les potentialités au niveau des centres d'éducation des adultes doivent se développer. Une de mes premières expériences avec les nouvelles technologies a été avec le centre Gabrielle-Roy, à Montréal, un centre d'éducation des adultes, qui travaille surtout avec des jeunes, des jeunes femmes mères monoparentales, et qui tient une garderie sur place. J'ai appris lors de cette expérience que le directeur et l'assistant directeur avaient accès à l'informatique mais sans que cela soit vraiment utilisé, intégré. Il n'y avait pas d'éléments de formation des enseignants. C'est un enseignant particulièrement dynamique qui a fait bouger les choses dans l'école. Il faut quelqu'un qui soit fort dynamique, qui travaille à ce niveau, parce que c'est peu développé dans les centres d'éducation des adultes. Pourtant au Québec, il y a plus de 200 000 personnes en éducation des adultes et en formation professionnelle. Donc, il y a quelque chose à faire.

Je veux maintenant revenir sur une réflexion importante à l'ICÉA au sujet de l'éducation des adultes : il ne faut pas seulement travailler ce qu'on appelle communément l'offre de formation, mais aussi comment on peut activer et stimuler la demande en étant plus proche des gens, en lien avec le milieu communautaire et la base. En alphabétisation, des documents gouvernementaux affirment qu'un million d'adultes, au Québec, n'ont pas le niveau de formation de base pour fonctionner dans notre société. C'est un vrai scandale. Il s'agit du double du pourcentage de l'Ontario. Par contre, au niveau des commissions scolaires, en alphabétisation, depuis trois ou quatre ans, le recrutement et les inscriptions ont baissé de 50 %. En plus du problème économique, un problème d'approche, un problème culturel existe : comment rejoindre les gens? Comment y travailler? En quelques mots : au lieu de partir uniquement de la formation soit disant « manquante » des personnes, partons de leurs compétences fortes et respectons les personnes, en tenant compte de leurs potentialités et en étant proche des réseaux associatifs de base. Quant au recrutement, il y a de grandes faiblesses dans bon nombre d'endroits. Les gens se sentent regardés de haut.

Et cela a des conséquences dans d'autres domaines, par exemple dans celui des TIC. La promotion publique reste à faire. En 1990, année internationale de l'alphabétisation, toute une campagne de promotion publique a eu lieu et a donné des résultats. Les gens sentaient qu'ils étaient appelés à contribuer, à avancer. Par la suite, les pouvoirs publics ont laissé tomber beaucoup de choses. Depuis dix ans,

on a mis la responsabilité sur les individus, sans suffisamment susciter une responsabilité collective du milieu. Donc si le problème est abordé juste sous l'angle individuel, on passe à côté. La force du communautaire, c'est plutôt de travailler collectivement.

Jean-François Aubin, ÉCOF

Juste une petite réaction sur ce qui commence à se discuter entre différentes personnes, au Québec et ailleurs dans le monde. On peut envisager les choses selon deux niveaux. Comment les nouvelles technologies sont-elles intégrées à l'ensemble des secteurs, à l'ensemble de la société? Un nouveau secteur est en train de naître et de se constituer, lié aux moyens que sont les nouvelles technologies, composé d'anciennes et de nouvelles organisations, par exemple les centres d'accès communautaires Internet. Elles décident d'utiliser l'outil Internet et les nouvelles technologies comme un outil majeur pour atteindre certains objectifs. L'outil n'est pas une fin en soi, mais vise à améliorer la vie de l'ensemble de la citoyenneté, l'accès à l'information, le développement de facteurs d'égalité et de meilleure circulation de l'information. Ce mouvement, ou nouveau secteur, est en train de se constituer à tous les niveaux. Au niveau local, ce sont les centres d'accès communautaires, les points d'accès du projet dont Francine Pelletier parlait. Une compilation permettrait de nous rendre compte du grand nombre de gens qui y participent. Au niveau régional, des structures d'appui se développent tranquillement et servent de relais, d'appui. Au niveau sectoriel, des groupes par secteurs décident de développer des pratiques en comptant sur les nouvelles technologies. L'Itinéraire, qui oeuvre avec les personnes itinérantes, en est un exemple : même s'il est ouvert à tous, il vise à rejoindre les personnes itinérantes. Une coopérative comme Visutel utilise les nouvelles technologies pour développer des postes pour des personnes aveugles en lançant un projet de centres d'appel. Les exemples ne manquent pas. Au niveau national, il existe des organismes comme Communautique. On voit naître et s'articuler un secteur qui prend forme tranquillement, qui utilise les TIC comme moyen principal pour atteindre des fins de citoyenneté. Quelques personnes ici ont eu la chance de participer à une rencontre dernièrement en Espagne. Elle a fait ressortir qu'il existe ailleurs un réseau citoyens qui utilise les TIC comme outil majeur pour contribuer à élargir le champ d'exercice de la citoyenneté.

Roger posait la question du financement. Je terminerai en disant que oui, elle se pose. Personnellement, j'aurais tendance à penser qu'il faut un financement mixte, c'est-à-dire des services qu'on peut vendre à nos communautés pour certains organismes, et un financement public. Il va falloir que nos gouvernements soient clairs sur la vision qu'ils ont de cette question, et dans quel sens poussent-ils le développement. Cela suppose aussi une certaine harmonisation entre les niveaux de gouvernement. Je pense qu'il faut faire des combinaisons là-dedans pis voir ce qui est possible.

QUESTIONS ET ÉCHANGES SUR LES EXPÉRIENCES D'USAGES DÉMOCRATIQUES DU CHAPITRE 3

Ateliers et plénière sur l'accès et la formation

Les ateliers ont traité abondamment des questions de l'accès et de la formation, aspects majeurs des usages démocratiques. Les constats qui s'en dégagent sont nombreux et variés.

Il faut bien distinguer l'accès dans ses diverses dimensions : le financement de l'achat d'équipement, le branchement, la formation à l'utilisation, l'accompagnement après les formations. Une surprise : plusieurs organismes ne voient pas la nécessité de développer l'accessibilité!

Il n'y a pas pénurie de formation : beaucoup de formations visant l'intégration des TIC dans les groupes et dans la population en général sont offertes. Elles le sont à travers deux principaux réseaux, soit les institutions scolaires et publiques (écoles, bibliothèques ...) et les groupes communautaires. Ils répondent à des besoins différents : certains préfèrent des formations plus formelles, encadrées, alors que d'autres vont adopter les approches non formelles. Parmi ceux qui dispensent la formation, des groupes sont nouveaux, alors que les institutions d'enseignement en sont à redéfinir leur rôle avec l'arrivée des TIC dans le monde de l'éducation. Chaque groupe aurait intérêt à partager ses connaissances et son expertise afin de rejoindre le maximum de personnes. Il serait important que des représentants gouvernementaux et d'institutions d'enseignement soient interpellés dans le cadre de nos forums.

Un problème soulevé est celui du réinvestissement des apprentissages. Les gens n'ont pas de matériel chez eux et oublient ce qu'ils ont appris, faute de pouvoir le mettre en pratique. Si les centres disposent de plusieurs appareils, ils peuvent offrir la pratique libre aux personnes intéressées afin de combler cette lacune.

L'intégration des TIC, fa formation, la gestion des équipements sont sources d'angoisse pour tout le monde, autant pour les gens qui suivent les formations que pour ceux qui les produisent. Tous ont besoin de soutien. Pour les groupes, en particulier pour les groupes de la formation continue, des groupes de ressources techniques (CRT) inspirés du modèle qui existe dans le monde de l'habitation sont requis pour pouvoir intégrer les dimensions de l'accès, de la formation et de la gestion des appareils.

Plusieurs groupes se sont approprié les programmes gouvernementaux favorisant l'intégration des TIC (Volnet, Centre d'accès communautaire), et plusieurs citoyens se sont prévalus de programmes tels que « Brancher les familles ». Par contre, les formations offertes en complément se sont avérées insuffisamment adaptées pour répondre adéquatement aux besoins. On a vu, par exemple, des familles laisser de beaux ordinateurs tout neufs dans le milieu de leur salon recouverts d'un drap blanc, faute de savoir s'en servir.

Le problème de la formation adaptée se vit partout. Que l'on soit en région urbaine ou rurale, au Québec ou en Espagne... Notons toutefois que le Canada se classe parmi les premiers pays dans le monde en termes de programmes gouvernementaux destinés à favoriser l'intégration des TIC et d'infrastructures, bien que dans quelques régions, encore de nos jours, les citoyens partagent la même ligne téléphonique.

Les TIC ne doivent pas devenir un nouveau moyen d'exclusion. Il faut développer une stratégie pour intéresser les personnes exclues. L'adhésion doit être volontaire, le recrutement des candidates et des candidats doit se faire via les groupes communautaires. Il faut conserver une approche de mise en confiance où l'humour est au rendez-vous, pour désamorcer les craintes, les réticences, une approche non formelle qui fait ressortir l'utilité de ces formations. Par exemple, des groupes impliqués dans l'animation des centres d'accès communautaire vont chercher ceux qui risquent d'être tenus à l'écart des TIC là où ils se trouvent, dans les groupes communautaires. Le bouche à oreille fonctionne beaucoup. Des personnes analphabètes inscrites dans les ateliers d'un groupe local s'initient en suivant des formations.

Lorsque les budgets sont restreints, tes groupes ne voient pas les TIC comme une priorité. Dans ce cas, l'utilisation même des TIC entre en conflit avec la mission de l'organisme. La continuité de l'aide gouvernementale pose problème. Qu'adviendra-t-il lorsque le gouvernement décidera de couper les subsides qui permettent aujourd'hui d'équiper, de brancher et de former les groupes?

Les forums devront servir à articuler et à développer des stratégies pour faire connaître notre travail, gagner l'appui financier et politique des décideurs locaux, des institutions et des gouvernements. Il faudra inviter aux forums tous les acteurs de l'accès à l'information, soit tes commissions scolaires, les musées et les bibliothèques, et tenter de les ouvrir à l'approche communautaire, en développant une charte sociale comme celle du collège Bois-de-Boulogne. Pour avoir la participation des conseils régionaux de développement (CRD), il faudra traiter du développement local et rural, de l'économie sociale et de la citoyenneté. L'intérêt des forums sera de réunir plusieurs partenaires syndicaux, universitaires, communautaires.

M faut choisir très clairement parmi les enjeux lesquels doivent être traités en priorité dans les forums : les enjeux individuels, les enjeux des groupes communautaires, les équipements, les fournisseurs, dont les fournisseurs régionaux, les subventions, les formations, le besoin de travailler en réseau pour la diffusion des informations. Il faut centrer les forums sur l'humain. Internet a permis l'éclatement du temps et de l'espace, mais aussi le « filtre humain ». Le forum pourrait se donner comme thème : le « filtre humain » et l'éducation du citoyen.

L'exemple de L'Itinéraire est souligné : il essaie de rejoindre les sans-abri par le biais du Café Internet. Les cours d'initiation à l'Internet sont intégrés aux activités du journal tout en gardant à l'esprit les objectifs d'empowerment visés par l'organisme.

Un projet original, « Des jeunes partout chez eux », a permis à des adolescents résidant dans des HLM d'apprendre à créer des pages Internet. On compte aussi l'utilisation du « chat », du courriel et du traitement de texte. La principale difficulté était de les convaincre de sortir de chez eux pour suivre la formation à l'extérieur de leur milieu. Une fois cet obstacle franchi, il était quasi impossible de retenir leur élan. Le centre reçoit une cinquantaine de jeunes par jour. Son existence est assurée grâce à des partenariats avec de grosses entreprises telles que Bell et Xerox.

Les organismes doivent travailler en réseau pour accroître l'appropriation des TIC, créer une synergie dans la résolution des problèmes, diffuser les bonnes expériences et se mobiliser dans les luttes. Les organismes syndicaux (Fonds de solidarité) peuvent-ils soutenir les groupes communautaires? Le CRIM pourrait aussi aider.

QUESTIONS ET ÉCHANGES SUR LES EXPÉRIENCES D'USAGES DÉMOCRATIQUES (CHAPITRE 3) PANEL SUR L'USAGE DES TIC POUR DÉVELOPPER LA DÉMOCRATIE AU PROFIT DE LA MAJORITÉ AVEC GRACE HODDER, SADC MATAWINIE ET CLAUDE OUELLET, ATENA-CRIPE

Daniel Deneault, SOL-vi inc.

J'ai été associé de près aux travaux de mise en place, de préparation et de réalisation de la Cyberrencontre des milieux ruraux en octobre 2000. Grace Hodder a déjà dégagé dans son exposé les grands constats.

Au-delà de ces constats, il y a de grandes convictions qui sont de grands axes tant de réflexion que d'action. Il y a d'abord la nécessité de partir des besoins locaux dans toute intervention, avec ou sans TIC, en milieu rural ou régional, et d'y revenir pour apporter de vraies réponses à ces besoins locaux. Pour y arriver, nous voulons des vrais moyens, un accès à des moyens sérieux, bref une décentralisation de moyens.

Il faut également de vrais lieux d'échanges et d'expression, afin de combattre l'isolement. Nous parlons alors de « zones libres d'échanges » permettant de partager des expériences concrètes. Les forums envisagés doivent donc répondre aux besoins et défis identifiés par les gens, pour permettre d'élaborer ensuite des stratégies gagnantes qui ont une prise sur la réalité. Les forums sont une autre occasion de tisser des passerelles entre les milieux ruraux et les milieux urbains.

Yves Otis, SOFAD

Dans le premier axe, if ressort selon moi que l'accès est très inégal. Par ailleurs, il nous faut développer les débats sur les nouvelles technologies et la formation à la citoyenneté. À ce propos, l'exemple de la Marche des femmes est à souligner pour la coordination serrée, la mise en place de listes de discussion et la formation à la citoyenneté

Grace Hodder, SADC

Je reviens sur la question du développement : pour réussir, il faut fixer des objectifs réalistes qui tiennent compte des rythmes de vie des gens des régions. Il faut bien analyser nos acquis et les partager. La Cyber-rencontre des milieux ruraux a rejoint beaucoup de gens, mais peu en provenance des centres d'accès communautaires. Les rencontres forums doivent fixer avec précision leur public cible.

Claude Ouellet, ATENA-CRIPE

Dans le Bas Saint-Laurent, nous cherchons à mettre les TIC au service de l'humain et du développement des milieux. En ce sens, un forum régional est envisagé avec un accent fort mis sur l'impact des TIC dans nos milieux. Les TIC sont là pour rester, elles gèrent nos vies et nos communications. Il faut donc établir avec force la place des citoyens, avec leur savoir-faire et leur savoir-être.

Manuel Cisneros, ICÉA

Les TIC sont pour moi, non pas un outil, mais une stratégie qui sait départager les bons et les mauvais usages, il faut trouver les bons usages qui vont développer nos idées. Tout n'est pas virtuel, il faut identifier ce qui doit rester bien réel. Et tout ne doit pas être commercial.

Francine Pelletier, Communautique

Je veux souligner l'importance de mettre en commun nos idées et les acquis de nos expériences. Par exemple, il faut bâtir des passerelles entre les milieux ruraux et urbains, entre les secteurs d'activité, pour dépasser le repli sur soi.

Alain Ambrosi, consultant en communication et développement international

Les TIC n'apportent pas la démocratie, mais peuvent nous permettre de la revitaliser. Par exemple, il faut accroître l'accès, en augmentant les propositions de participation des citoyens, en augmentant nos capacités de proposition, même au-delà des TIC. Il faut faire entendre nos voix et faire en sorte qu'elles portent.

Conclusion, prochaines étapes et premier bilan du comité aviseur

Pierre Pagé

coordonnateur des rencontres-forums, ICÉA

Nous allons voir comment vont s'amorcer les prochaines étapes. Le comité d'orientation, composé des représentantes et des représentants de certains des 14 partenaires, va colliger les idées lancées et en arriver à des propositions plus précises par rapport aux forums régionaux.

Nos travaux permettent de dire ceci : il faut dépasser le niveau des constats et passer aux propositions. Oui aux nouvelles technologies mais sans déshumaniser, en respectant les droits des personnes.

Les ateliers et plénière sont venus confirmer notre idée de base de forum ouvert. Nous ne voulons pas de forums qui ne s'adressent qu'aux seuls milieux communautaires ou syndicaux. Nous voulons des forums ouverts à une diversité de secteurs d'activités, et qui restent pilotés par les partenaires associatifs, syndicaux et communautaires. Un autre message tout aussi important nous parvient de plusieurs ateliers : la nécessité de mieux cibler nos forums.

Nous avons pris bonne note d'un grand nombre de propositions soumises, car elles nous permettront de mieux cibler des publics, des thématiques, des angles d'approche. Nous allons là-dessus resserrer notre travail. Voilà en gros les dimensions qui ressortent. Nous avons abordé la question des forums régionaux : pour l'instant ils ne sont qu'à l'état de projets, car nous n'avons trouvé aucun financement.

Et je souligne les mots de Bernard Normand, directeur de l'ICÉA :

« En étant réaliste, je pense que nous avons vécu deux jours assez passionnants dont il ressort beaucoup d'éléments fort pertinents. Nous sentons dans le fond que des convictions, des réflexions se rejoignent, qui peuvent faire avancer les choses. Si nous regardons ça dans une perspective historique, nous aurons vécu un moment important.

Plusieurs personnes ont souligné le potentiel de rassemblement des 14 partenaires, tant au niveau national que régional. Des convergences de fond existent. Il faut vraiment aller plus loin, avancer et présenter à notre société des éléments d'alternative, je dirais à contre-courant des manières de penser les nouvelles technologies de façon très technique ou uniquement dans le cadre du commerce électronique.

Je crois aussi que des points de vue se confrontent, et que nous avons intérêt à les mettre sur la table, à les éclaircir. Notre voix peut être entendue, tant dans la société québécoise qu'au niveau canadien. Alain Ambrosi a créé une ouverture au niveau international, laquelle peut mener à des pistes concrètes. Pour reprendre un propos de penseur, je crois qu'il faut agir et penser à la fois localement et globalement, d'une façon pluridimensionnelle à tous les niveaux.

C'est notre défi des prochaines semaines. Toutes les bonnes idées, les initiatives seront importantes et prises en considération afin que notre désir, notre conviction d'avancer soient plus forts que les difficultés rencontrées. Il existe déjà ici des organisations qui ont des bases régionales. Il faut peut-être

élargir nos perspectives, nos horizons et chercher à œuvrer de façon plus forte. Au nom des 14 organisations, et aussi au nom de l'ICÉA qui a joué un rôle pilote dans la coordination, je tiens à remercier tout le monde de leur participation à ce colloque et je demeure convaincu qu'il est possible d'animer et de fortifier notre mouvement, qui est avant tout un mouvement de démocratie face à l'utilisation des nouvelles technologies. Merci. »

BILAN DU COMITÉ AVISEUR APRÈS LE COLLOQUE : LE CŒUR DU PROJET

Le cœur du projet est de rassembler des forces démocratiques actives avec les TIC, capables de préciser des usages alternatifs au service des besoins et des droits humains, ainsi que des revendications communes. Pour y parvenir, nous devons élaborer une autre vision de la « société branchée » (ou « société du savoir» ) qu'une vision néo-libérale, et garder un regard critique sur les usages dominants des TIC. Bref, nous voulons activer un courant citoyen (réseau de réseaux) et le développer dans plusieurs régions, secteurs de la société et mouvements sociaux.

Nous voulons élaborer une vision critique d'ensemble de la situation actuelle et la populariser au Québec et ailleurs. Nous estimons que cette vision critique est ce qui manque le plus cruellement aujourd'hui, car nous sommes inondés de vues commerciales, spéculatives, instrumentales, ludiques ou de divertissement, etc., toutes aussi partielles les unes que les autres.

Nous partageons la conviction que la Toile est une révolution dont les mouvements civiques doivent se saisir, car elle permet à chacun d'être à la fois producteur et diffuseur d'information, et parce qu'elle bouleverse les règles du jeu de la communication en donnant une plus grande capacité d'action à des mouvements sociaux et une plus grande autonomie face aux pouvoirs économiques et politiques.

Nous voulons développer une approche d'ensemble. Comme le disait si bien Pierre Valois, du CFP, dans son exposé : « Nous sommes plus que la somme de nos réseaux. » Pour y arriver, nous allons rassembler, lors des rencontres-forums, les visions, les propositions et les pratiques des mouvements communautaire, syndical, associatif et même religieux. Nous allons provoquer des échanges sur les réalités de divers mondes : monde du travail, incluant les personnes en recherche d'emploi ou sans emploi, du développement économique communautaire local, rural et régional; monde de la vie sociale (consommation de biens privées et de services publics, de services culturels) et monde de l'action citoyenne sur la société.

Bref, nous voulons prendre le sujet des TIC par le gros bout de la lorgnette, pour en arriver à poser des solutions pratiques en termes d'appropriation collective, pour élargir bien davantage la démocratie et le partage des richesses afin de faire reculer un bon coup la pauvreté et les exclusions. Et aussi pour donner un sens humain au développement des technologies.

Une fois que nous aurons analysé les usages démocratiques, les revendications d'ensemble et notre vision critique, nous en tirerons les éléments prioritaires majeurs d'un projet de plate-forme, puis nous la soumettrons à un processus participatif ouvert de discussion publique. Grâce aux avancées des nouvelles technologies, le plus grand nombre possible de citoyennes et de citoyens et d'organisations pourront y apporter leur contribution. Ensuite, elle sera soumise à chacune des organisations participantes, puis proposée aux instances politiques québécoises et canadiennes liées au TIC.

Ce forum se veut aussi le déclencheur d'un mouvement d'animation avec les TIC dans un grand nombre de régions du Québec. Ce mouvement est déjà bien amorcé par certains des partenaires du projet. Communautique va animer au printemps 2001 des rencontres dans plusieurs régions avec ATENACRIPE, CRÉECQ, CRÉMI, ÉCOF sur les besoins dans le monde communautaire. L'Institut canadien d'éducation des adultes intervient dans le débat sur les nouvelles technologies dans le domaine de l'éducation et il prépare une prise de position lors du dépôt par le gouvernement du Québec d'un projet de politique d'éducation et de formation des adultes. Le Comité sectoriel de la main-d'œuvre de l'économie sociale et de l'action communautaire tient des échanges sur sa publication traitant des besoins de formation. Le SCFP a tenu des colloques sur les communications et les TIC en milieu de travail. Communications et Société, appuyé par le Centre St-Pierre, a réussi au début février 2001 à mobiliser plus de 150 participantes et participants à son colloque « L'Internet dans la mission de l'Église ». La SADC Matawinie, à l'initiative de la Cyber-rencontre des milieux ruraux, poursuit depuis le début de l'an 2000 un processus d'animation avec les TIC pour mettre de l'avant les expertises d'usage.

Nous voulons préciser une prise de position québécoise concernant les enjeux d'une autre approche de la mondialisation, d'une autre approche des communications et des nouvelles technologies dont Internet. Elle pourra être soumise à la discussion sur divers réseaux de citoyens qui ont émergé et se sont donné des points de rencontre internationaux. Plusieurs de nos partenaires sont au cœur des réseaux de l'organisation même de la conférence Global qui, en 2002, se tiendra à Montréal.

Ces réseaux envisagent la création d'un consortium international qui regrouperait les différentes organisations présentes et pourrait être le représentant de la société civile à l'échelle mondiale. Les résultats de ces travaux pourront culminer lors de la rencontre de l'ONU sur les NTIC en 2003, pour mettre de l'avant ce qui doit évoluer en priorité dans le monde contemporain par rapport aux TIC. Le forum québécois, que nous voulons réaliser en 2001, s'inscrit bien dans cette trajectoire.

Annexe 1

Cahier de la participante et du participant :

  • rappel des objectifs opérationnels;
  • grilles de structuration et d'animation;
  • programme du colloque.

CAHIER

Rappel des objectifs opérationnels:6

  1. Préparer les axes majeurs de contenu des forums régionaux en partageant une vision, des constats et des défis pour consolider notre cohésion.

Ces forums régionaux devraient se dérouler dans les régions intéressées (et financées pour le faire) en 2001 et culminer dans un forum pour tout le Québec en 2002.

  1. Fournir de la matière aux comités de travail qui construiront, de janvier à mars 2001, les outils d'animation de ces forums.

Pour arriver en deux jours à cerner des contenus très larges et denses, le comité de préparation propose à toutes les participantes et à tous les participants, quelque soit leur statut, les outils suivants.

GRILLE DE STRUCTURATION POUR LES CONFÉRENCIÈRES ET LES CONFÉRENCIERS, LES ANIMATRICES ET LES ANIMATEURS, LES SECRÉTAIRES, LES PARTICIPANTES ET LES PARTICIPANTS

Thème général : Pour une maîtrise sociale et démocratique des TIC

a) dans nos organismes :

  • communautaires : (exemples : un réseau des réseaux, la politique de l'Action communautaire autonome...)
  • associatifs : (exemples : les centres d'accès, demandes à Centraide ou à des Fondations)
  • syndicaux : (exemple : formation syndicale)

b) dans des actions communes (exemple : avec Solidarité pop Québec ou Solidarité rurale)

c) dans l'ensemble de la société (exemples : dans le plan régional de développement des TIC, dans la seconde phase de la politique de l'autoroute de l'information)

GUIDE D'ANIMATION DES ATELIERS / PLÉNIÈRE

Axe N° 1 : Accès à la formation jeudi après-midi

A) Constats

  • Quels sont les constats majeurs dégagés par les panélistes? (et quels seront les éléments essentiels à traiter dans les forums régionaux)
  • Êtes-vous d'accord avec ces constats?
  • Voyons-nous d'autres constats aussi importants?

B) Quels sont nos défis communs?

  • dans nos milieux
  • dans l'ensemble de la société

Axe N° 2 : Vie privée et vie en société vendredi matin

A) Constats

  • Quels sont les constats majeurs dégagés par les panélistes? (et quels seront les éléments essentiels à traiter dans les forums régionaux)
  • Êtes-vous d'accord avec ces constats?
  • Voyons-nous d'autres constats aussi importants?

B) Quels sont nos défis communs?

  • dans nos milieux
  • dans l'ensemble de la société

Axe N° 3 : Participation au développement vendredi après-midi en plénière

A) Constats

  • Quels sont Ies constats majeurs dégagés par les panélistes? (et qui seront les éléments essentiels à traiter dans les forums régionaux)
  • Êtes-vous d'accord avec ces constats?
  • Voyons-nous d'autres constats aussi importants?

B) Quels sont nos défis communs?

  • dans nos milieux
  • dans l'ensemble de la société

Dans chacun des axes, nous ne pourrons aborder les stratégies et conditions de réussite ainsi que les proportions et plates-formes Cela se fera dans les forums régionaux.

Lesanimatrices, lea animateurs et les secrétaires peuvent donc recueillir les propos des participantes et des participants sur ces sujets et les transmettre au comité de synthèse du colloque préparatoire.

Programme

Colloque préparatoire des rencontres-forums sur les technologies de l'information et de la communication (TIC)

VERS UNE MAÎTRISE SOCIALE ET DÉMOCRATIQUE DES TIC

JEUDI LE 30 NOVEMBRE ET VENDREDI LE 1er DÉCEMBRE 2000 AU CENTRE 7400, 7400 BOUL. ST-LAURENT, MONTRÉAL

(514) 270-7400 (Métro ligne bleue, station de Castelneau)

Le réseau des partenaires du projet :

  • Aide technique aux entreprises alternatives (ATENA) et Centre de ressources et d'intervention populaire de l'est (CRIPE), Bas St-Laurent Chaudière-Appalaches et Gaspésie, Rimouski
  • Centre de formation populaire, Montréal
  • Carrefour de relance de l'économie et de l'emploi du centre de Québec et de Vanier
  • Collectif régional d'éducation sur les médias d'information de l'Estrie (CRÉMI) Sherbrooke
  • Comité sectoriel de main-d'œuvre de l'économie sociale et de l'action communautaire du Québec, Montréal
  • Centre St-Pierre, Montréal
  • Communautique, Montréal
  • Économie communautaire de Francheville, Trois-Rivières
  • La Puce communautaire, Montréal
  • L'Institut canadien d'éducation des adultes (ICÉA), Montréal
  • Société d'aide au développement de la collectivité Matawinie, St-Alphonse-de-Rodriguez
  • Syndicat canadien de la fonction publique et Fédération des travailleuses et travailleurs du Québec, Montréal

AVEC LE SOUTIEN FINANCIER DU BUREAU DES TECHNOLOGIES D'APPRENTISSAGE DE DRHC

Objectifs :

Les 14 partenaires organisateurs qui sont des têtes de réseaux communautaires, associatifs et syndicaux dans le domaine des technologies de l'information et de la communication au Québec vont mettre en commun de manière approfondie leurs expertises et l'état de leurs réflexions avec les objectifs suivants:

  • compléter leur vision d'ensemble et accroître leur formation
  • préparer les trois grands axes de contenu des éventuels forums locaux, régionaux et national.

La publication des travaux du colloque préparatoire permettra ensuite d'amorcer une autre phase, celle de l'élaboration :

  • des contenus prioritaires qui seront abordés lors des forums locaux, régionaux et national en 2001 et 2002
  • des méthodologies et des outils appropriés (guides de discussion, d'animation et de synthèse)
  • des réseaux de publics cibles à rejoindre en priorité

TROIS GRANDS AXES

Le présent projet veut combler ce qui apparaît aux promoteurs du projet comme un vide actuel, en concentrant leur réflexion sur les contenus thématiques centraux liés aux nouvelles technologies : l'accès à la formation, la vie privée et la vie en société, la participation au développement démocratique.

Ces choix sont l'expression de thèmes transversaux, touchant une diversité de secteurs d'activités, communs aux réalités vécues par les mouvements communautaires, populaires et syndicaux et par les citoyennes et les citoyens. Ils permettent l'expression de leurs principales valeurs liées aux TIC, des points de divergence et de convergence quant à leur possible maîtrise sociale et démocratique :

AXE 1 :

L'accès à la formation : Quel est le portrait de l'accès aux TIC et à la formation de base et générale pour les citoyennes et les citoyens, en particulier celles et ceux qui ont peu de moyens? Quel est l'accès aux TIC et à la formation dans les groupes communautaires, populaires et syndicaux? Quels éléments majeurs peut-on dégager des expériences de points d'accès communautaires (PACS, CACI) et du programme VOLNET? Comment joue le contexte de course à l'innovation, à la performance (efficacité accrue, stress et déqualification)? Comment utiliser les TIC dans la formation elle-même? Doit-on développer ou non une éducation citoyenne et critique face à ces médias, comment ?

AXE 2 :

La vie privée et la vie en société : Comment se vit l'omniprésence et le rythme trépidant des TIC dans le quotidien (famille, loisirs, consommation, travail, santé, lieux publics, etc.)? Où en sont réellement les dangers de la surveillance, du contrôle, du fichage, de la perte de confidentialité des dossiers? Quels sont les droits des citoyennes et des citoyens, le droit à la protection de sa vie privée et familiale? Où se situent en ce moment la Commission de l'accès à l'information et les gouvernements?

AXE 3 :

La participation au développement démocratique : Est-ce que les TIC améliorent les processus d'information, d'expression et de prise de décision? Sinon, comment y arriver? Dans les mouvements sociaux? Dans les institutions locales (conseils municipaux, CLD, commissions scolaires, CLSC)?

De quelles façons les TIC améliorent-elles les processus de développement économique et social? Sinon, comment y arriver? En milieu rural? En milieu urbain, en particulier avec le développement économique communautaire? Y-a-t-il des risques accrus d'exclusion d'une majorité?

PROGRAMME DETAILLE

Le jeudi 30 novembre

Ouverture 8 h à 8 h 55 : Café, croissants et inscriptions

9 h OBJECTIFS ET GRANDES ÉTAPES DES RENCONTRES-FORUMS ET DU COLLOQUE

Bernard Normand, directeur général de l'ICÉA présentera les objectifs, la méthodologie, les phases et les invités des rencontres-forums. Pierre Pagé, coordonnateur du projet et animateur du colloque, présentera les objectifs opérationnels, la démarche du colloque, le processus d'évaluation ainsi que les membres du comité d'orientation.

9 h 15 à 10 h:

Conférence d'ouverture de Jean-Claude Guédon

CITOYENNETÉ, DÉMOCRATIE ET NOUVELLES TECHNOLOGIES

Jean-Claude Guédon, président de la Internet Society, section Québec, professeur au département de littérature comparée de l'Université de Montréal, présentera sa vision d'une maîtrise sociale et démocratique des technologies de l'information et de la communication. Quelle civilisation se met en place avec les TIC? quels en sont les impacts sur notre vie privée et notre vie de citoyenne et de citoyen d'aujourd'hui? Quels sont les espaces clés d'intervention pour les groupes communautaires, syndicaux et les organismes publics?

Suivra l'échange avec l'auditoire de 10 h à 10 h 55 animé par Pierre Pagé. Pause

11 h 15:

Résultats d'une étude et d'un sondage sur les besoins des groupes communautaires et de l'économie sociale

LE MONDE COMMUNAUTAIRE ET INTERNET : DÉFIS, OBSTACLES ET ESPOIRS

Francine Pelletier, directrice générale de Communautique, présentera les principaux résultats d'une étude auprès de 450 groupes au Québec. Linda Vallée du CSMOESAC présentera l'essentiel d'un sondage global tout récent. Suivra un échange.

12h à 13 h 15 : Dîner au Centre 7400

APPROFONDISSEMENT DES TROIS GRANDS AXES

PREMIER AXE : L'ACCÈS À LA FORMATION

13 h 15 à 16 h 30 : Panel animé par Suzanne Leroux du Centre St-Pierre

LA FORMATION AUX TIC DANS LE MILIEU COMMUNAUTAIRE ET DE L'ÉDUCATION DES ADULTES

Les éléments clés de l'expertise de Communautique: accès, contenus et méthodologies de la formation au niveau des groupes communautaires et des citoyens, en particulier ceux qui ont peu de moyens. Quels éléments majeurs peut-on dégager des expériences de points d'accès communautaires (PACS, CACI) et du programme VOLNET? Par Francine Pelletier.

Gaétan Beaudet du CSMOESAC présentera l'essentiel du rapport « Besoins de formation de la maind'œuvre du secteur communautaire face au défi des nouvelles technologies de l'information et des communications ».

Sébastien Langlais, responsable du secteur Internet de L'Itinéraire de Montréal, présentera des éléments de son expérience de Café électronique et de service de formation.

Échange avec la salle de 14 h à 15 h

NOTE : Un texte de Manuel Cisneros sera remis aux participantes et aux participants. Il fournit les résultats des travaux du Comité éducation des adultes/nouvelles technologies de l'ICÉA relativement aux questions suivantes : l'accès aux TIC au niveau de l'éducation des adultes, intégration des TIC dans les processus d'apprentissage; l'éducation citoyenne et critique face à ces médias.

Pause

15 h 15 à 16 h 15: Ateliers sur l'axe 1

15 h 15 à 16 h 30: Brève synthèse

16 h 30 : Lancement

BESOINS DE FORMATION DE MAIN-D'ŒUVRE DU SECTEUR COMMUNAUTAIRE FACE AU DÉFI DES NOUVELLES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION ET DES COMMUNICATIONS

Gaétan Beaudet du CSMOESAC présentera les partenaires qui ont rendu possible la réalisation du rapport « Besoins de formation de la main-d'œuvre du secteur communautaire face au défi des nouvelles technologies de l'information et des communications » et décrira les principales étapes de production.

17 à 19 h: Cocktail

DEUXIÈME AXE : VIE PRIVÉE ET VIE EN SOCIÉTÉ

Le vendredi 1er décembre

9 h 00 à 10 h 30 : Panel

Bernard Normand de l'ICÉA sera l'animateur.

DÉFI ET ENJEUX DES TIC DANS LE MONDE DU TRAVAIL, PLACE DE LA VIE PRIVÉE AU TRAVAIL; DÉFIS ET ENJEUX DE LA GESTION DES RENSEIGNEMENTS PERSONNELS DANS DES ORGANISMES COMMUNAUTAIRES D'AIDE.

Linda Craig du SCFP-FTQ présentera des éléments majeurs de ce que vivent des travailleuses et des travailleurs avec les technologies de l'information et des communications puis ce qui se dessine dans le monde du travail de demain. Elle en arrivera à la question suivante : voulons-nous de ce nouveau modèle de société?
Vincent Emmell, formateur au Centre St-Pierre sur l'implantation de systèmes de gestion de renseignements personnels et consultant à la Commission d'accès à l'information, présentera des problèmes vécus dans les organismes communautaires d'aide et des pistes de solution pour favoriser le respect des droits et de la loi par le personnel, les bénévoles et les divers intervenants. Seront évoqués les enjeux liés à la protection de la vie privée dans l'avant-projet de loi sur la normalisation des TIC.

10 h 30 : Pause

10 h 45 à 11 h 45 : Deux ateliers sur le thème

10 h 45 à 12 h: Synthèse

12 h : Dîner au Centre 7400

TROISIÈME AXE : LA PARTICIPATION AU DÉVELOPPEMENT DÉMOCRATIQUE

13 h 15 à 15 h 00 : Panel animé par Roger Beaudoin du CRÉECQ

DES TIC POUR DÉVELOPPER LA DÉMOCRATIE AU PROFIT DE LA MAJORITÉ

Pierre Valois du Centre de formation populaire exposera sa vision des façons dont les TIC améliorent dans les organismes et dans la société les processus d'information et d'échanges de points de vue, de concertation, de contestation et de prise de décision. Il fournira des données et des réflexions sur les TIC et l'expérience française de développement de la participation à la vie locale et municipale.

DES TIC AU SERVICE DU DÉVELOPPEMENT RURAL ET RÉGIONAL

Grace Hodder de SADC Matawinie présentera les résultats de la «Cyber-rencontre des milieux ruraux d'octobre 2000», en mettant l'accent sur les façons dont les TIC peuvent améliorer les processus de développement. Elle donnera un aperçu d'un projet de réseau d'apprentissage communautaire.

LES TIC : DES OUTILS POUR LE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE ET DES MILIEUX

Claude Ouellet d'ATENA et CRIPE à Rimouski fera un exposé sur les TIC comme outils de développement économique (dont l'économie sociale) et de développement du milieu.

Période d'échanges débutant par les commentaires de Daniel Deneault conseiller en développement à SOL vi inc., de Rawdon, et un des artisans de la Cyber-rencontre des milieux ruraux.

15 h: Pause

15 h 15 à 16 h: Synthèse

RÉACTIONS D'ALAIN AMBROSI AUX TRAVAUX DU COLLOQUE ET PISTES INTERNATIONALES

Consultant et ex-directeur de Vidéazimut et Vidéo Tiers-Monde, participant à la conférence Global 2000 en octobre à Barcelone, Alain Ambrosi présentera les éléments de nos travaux qui lui paraissent majeurs dans les trois axes. Il fera des liens avec les principaux résultats de Barcelone et avec l'analyse réalisée par Asynchrolab pour la Fondation pour le progrès de l'homme. Cette étude porte sur des pratiques novatrices d'utilisation de nouvelles technologies en Amérique du Nord et des propositions pour accroître l'interconnection avec les autres continents.

Échange et autres éléments de synthèse, animé par Pierre Pagé

16h à 16h30 : Clôture

Prochaines étapes des rencontres-forums et remerciements par Bernard Normand et Pierre Pagé.

Grille d'évaluation du colloque préparatoire ( Jeudi 30 novembre )

Auriez-vous l'obligeance de remplir cette grille afin de permettre au comité organisateur de situer en gros votre appréciation des activités pour mieux préparer les suites? Merci!

Merci de votre collaboration

En utilisant l'échelle ci-dessous, indiquez, en encerclant le chiffre approprié à votre réponse, si vous êtes tout à fait en désaccord, en désaccord, si vous n'avez pas d'opinion, si vous êtes en accord ou tout à fait en accord avec chacun des énoncés suivants.

Grille d'évaluation du colloque préparatoire (vendredi 1er décembre )

Auriez-vous l'obligeance de remplir cette grille afin de permettre au comité organisateur de situer en gros votre appréciation des activités pour mieux préparer les suites? Merci!

En utilisant l'échelle ci-dessous, indiquez, en encerclant le chiffre approprié à votre réponse, si vous êtes tout à fait en désaccord, en désaccord, si vous n'avez pas d'opinion, si vous êtes en accord ou tout à fait en accord avec chacun des énoncés suivants.



Annexe 2

LISTE DES PARTICIPANTES ET DES PARTICIPANTS ET DES CONFÉRENCIÈRES ET CONFÉRENCIÈRES*

NOMS

ORGANISMES

TÉLÉPHONE

COURRIEL

1.

Ambrosi Alain*

Asynchrolab

(514)272-7688

ambrosia@web.net

2.

Aubin Jean-François

Économie communautaire de Francheville(ÉCOF)

(819)373-1473

eco@tr.cgocable.ca

3.

Beaudet Gaétan*

Comité sectoriel de la main-d'œuvre de l'économie sociale et de l'action communautaire

(CSMOESAC)

(514)281-7359

info@csmoesac.qc.ca

4.

Beaudoin Roger

Carrefour de relance de l'économie et de l'emploi du centre de Québec et de Vanier (CRÉECQ)

(418) 525-5526 p. 210

rbeaudoin@creeq.qc.ca

5.

Bertrand Normand

Communautique

(514)948-6644

nbert@total.net

6,

Boisvert André

CAM Internet

(514) 529-3000 p.232

boisvert@cam.org

7.

Boyer Jean-Pierre

UQAM (Communication)

(514) 987-3000 p.7051# boyer.jean-pierre@uqam.ca

8.

Chagnon Jocelyne

CRÉECQ

(418)525-5526

jchagnon@creeq.qc.ca

9.

Cisneros Manuel

Institut canadien d'éducation des adultes (ICÉA)

(514) 848-2044 p. 27

iceapr1@cam.org

10.

Charbonneau Roger

Communautique

(514)948-6644

roger@communautique.qc.ca

11.

Côté Lise

Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ)

(514)383-8024

lcote@ftq.qc.ca

12.

Craig Linda*

Syndicat canadien de la fonction

publique (SCFP) et FTQ

(514)384-9681

lcraig@scfp,ca

13.

Deneault Daniel

SOL-vi inc.

(450)834-1164

zipdeb@altavista.net

14.

Dompierre Denis

Communications et société

(514) 524-3561

ddornpierre@officecom. qc.ca

15.

Dubuc Monique

Association des régions du Québec

(418)647-9112

monique.dubuc@regions.qc.ca

16.

Emmell Vincent*

Progesta

(514)933-7478

vincent.emmell@progesta.com

17.

Gauthier Patricia

Communautique

(514)948-6644

miz@colba.net

18.

Gord Caroline

Communautique

(514)948-6644

formation@communautique. qc.ca

19.

Guédon Jean-Claude

* Université de Montréal

(514) 343-6208

guedon@littco.umontreal.ca

20.

Hodder Grace*

Société d'aide au développement de ta

collectivité de la Matawinie (SADC)

(1-450)883-0717

sadc@matawinie.qc.ca

21.

Labbé Nathalie

CRÉECQ

(418)525-5526

labbenathalie@hotmail.com

22.

Lacombe André

ÉCOF

(819)373-1473

ecof@tr.cgocable.ca

23.

Lacroix Jean-Pierre

L'Itinéraire

(514)597-0238

jplac@videotron,ca

24.

Langlais Sébastien*

L'Itinéraire

(514-597-0238

caferue@videoron.ca

25.

Lebrun Lise

Centre de formation populaire

(514) 842-2548

Aucun

26.

Lécuyer Christine

Des jeunes chez eux partout

(514)282-6411

Christine.lecuyer@sympatico.ca

27.

Leroux Suzanne

Centre St-Pierre

(514) 524-3561

sleroux@centrestpierre.ca

28.

Maheux Denis

Ministère des régions

(418)643-0060

denis.maheux@mreg.gouv.qc.ca

29.

Malenfant Brigitte

Bureau des technologies d'apprentissage

(819)953-0300

olthrdc@ibm.net

30.

Martinez Jorge

Imagia

(514)528-7776

imagia@qc.aira.com

31.

Normand Bernard

ICÉA

(514) 948-2044 p. 22

icea_dg@cam.org

32.

Otis Yves

SOFAD

(514)529-2812

otisy@sofad.qc.ca

33.

Ouellet Claude*

Aide technique aux entreprises alternatives (ATENA) et Centre de ressources et d'intervention populaire de l'Est du Québec (CRIPE)

(418) 722-8535

atena@globetrotter.qc.ca

34.

Pagé Pierre

ICÉA

(514) 948-2044 p. 26

iceapr3@cam.org

35.

Francine Pelletier*

Communautique

(514) 948-6644

direction@communautique.qc.ca

36.

Richard Ginette

Communautique

(514)948-6644

adjoin te@communautique.qc.ca

37.

Roy Nancy

Coalition des organismes communautaires pour le développement de la main-d'oeuvre

(COCDMO)

(514) 948-0505

cocdmo@cam.org

38.

St-Jacques Louise

Puce communautaire

(514)259-3126

lstj@puce.qc.ca

39.

St-Pierre Martin-Charles

ÉCOF

(819)373-1473

écof@tr.cgocable.ca

40.

Salvail Marie

Collectif régional d'éducation sur

les médias d'information de l'Estrie (CRÉMI)

(819)346-0101

cremi@qc.aira.com

41.

Dominique Savoie

FTQ

(514) 383-8023

dsavoie@ftq.qc.ca

42.

Simard Pierre

Centre de documentation sur l'éducation des adultes et la condition féminine

(CDÉACF)

(514)876-1180

psimard@cdeacf.ca

43.

Vallée Linda

CSMOESAC

(514)281-7359

lvailée@csmoesac.qc.ca

44.

Valois Pierre

Centre de formation populaire

(514)842-2548

pierrev@cam.org

45.

Vanasse André

Production Bonsaï et Communautique

(514)495-4024

prod.bonsai@vieotron,ca

46.

Villemure Alain

Centre St-Pierre

(514)524-3561

avillemure@centrestpierre.ca

COMITE AVISEUR DES RENCONTRES-FORUMS TIC

Liste des groupes partenaires

ATENA->CRIPE Claude Ouellet -> Rimouski

Aide technique aux entreprises alternatives (coop de travail) et

Centre de ressources et d'intervention populaire de l'Est du Québec

CFP -> Pierre Valois -> Montréal

Centre de formation populaire

CRÉECQ-> Roger Beaudoin-> Québec

Carrefour de relance de l'économie et de l'emploi du

centre de Québec et de Vanier

COMMUNAUTIQUE-> Francine Pelletier-> Montréal

CRÉMI -> Marie Salvail ->Sherbrooke

Collectif régional d'éducation sur les médias d'information de l'Estrie

CSMOESAC-> Gaétan Beaudet-> Montréal

Comité sectoriel de la main-d'œuvre de l'économie sociale et de l'action communautaire

CSP ->Suzanne Leroux ->Montréal

Centre St-Pierre

ÉCOF ->Jean-François Aubin ->Trois-Rivières

Économie communautaire de Francheville

ICÉA -> Bernard Normand -> Manuel Cisneros -> Montréal

Institut canadien d'éducation des adultes

La Puce communautaire -> Louise St-Jacques ->Montréal

SADC Matawinie -> Grace Hodder -> St-Aphonse-de-Rodriguez

Société d'aide au développement de la collectivité de la Matawinie

SOL-vi inc. ->Daniel Deneault ->Rawdon

SCFP et FTQ ->Linda Craig-> Montréal

Syndicat canadien de la fonction publique, Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec

Personnel

  • ICÉA
  • Pierre Pagé
  • Téléphone: (514) 948-2044, p.36 -Télécopieur (514) 948-2046
  • Courriel: ppage@icea.qc.ca

COMITÉ D'ORIENTATION DES RENCONTRES-FORUMS TIC

Membres :

CFP -> Pierre Valois, formateur -> Centre de formation populaire

COMMUNAUTIQUE-> Francine Pelletier, directrice générale

CSMOESAC ->Gaétan Beaudet, directeur général -> Comité sectoriel de la maind'œuvre de l'économie sociale et de l'action communautaire

CSP -> Suzanne Leroux, formatrice -> Centre Saint-Pierre

ICÉA->Bernard Normand,directeur général - Manuel Cisneros, chargé de projet -> Institut canadien d'éducation des adultes

Puce communautaire ->Louise St-Jacques, directrice générale

SCFP-> Linda Craig, conseillère syndicale->Syndicat canadien de la fonction publique

Personnel

  • ICÉA
  • Pierre Pagé
  • Téléphone : (514) 948-2044, p.36 -Télécopieur : (514) 948-2046
  • Courriel: ppage@icea.qc.ca

Annexe 3

Colloque Pour une maîtrise sociale et démocratique des TIC 30 novembre et 1er décembre 2000, Montréal

DOCUMENT DE RÉFÉRENCE

« Secteur communautaire et nouvelles technologies : outils et ressources (Internet, vidéo, etc.), avec des exemples du domaine de la santé mentale »

Ce document a été réalisé par André Vanasse et Pierre Pagé. André Vanasse produit de nombreuses vidéos professionnelles avec et pour les groupes communautaires au Québec depuis plus de dix ans sur toute une palette de thèmes dont l'alphabétisation, le chômage, le développement local, etc. Depuis quatre ans, il s'est initié à la production multimédia et à Internet. Il produit actuellement un site Internet interactif sur l'apprentissage des mathématiques pour des personnes analphabètes. II est membre du conseil d'administration de Communautique, un organisme communautaire.

Pierre Pagé a collaboré à la production de plusieurs vidéos, avec André Vanasse, avec l'ONF et des producteurs indépendants. Il a surtout travaillé à développer et à réaliser des campagnes de prévention auprès du grand public en utilisant des films et des vidéos comme outils déclencheurs, par exemple la Tournée du grand monde avec le film du même nom sur la santé mentale.

Notre but : faire avec vous un trop bref tour d'horizon des possibilités d'Internet et du multimédia pour les groupes communautaires ainsi que de certaines ressources existantes. Et grâce à André, ce tour d'horizon se fera tout en voyageant sur Internet, afin de le rendre plus concret et plus dynamique.

Pour introduire notre sujet, voici quelques éléments d'une étude qui sera diffusée bientôt sur les besoins et l'utilisation d'Internet en milieu communautaire. Elle a été réalisée par Communautique avec Le Tour d'y Voir et Télé-Québec à l'automne 1999 par le moyen d'un questionnaire auprès de 450 groupes. La très forte majorité possède un ordinateur (95 %) et un modem (78 %), un peu plus de la moitié ont une adresse de courriel (57 %) «Pour la majorité des groupes, les trois principaux freins à une bonne intégration de l'informatique dans leur travail sont, dans l'ordre, le manque d'argent, te manque d'équipement et le manque de formation.» Une autre dimension de l'enquête a été de tenir cinq ateliers de discussion avec des groupes de base et des regroupements. Voici quelques constats : ardent désir de s'approprier la télématique; intégration complexe de l'informatique et de l'Internet; besoin d'échanger sur les stratégies d'utilisation, les réussites et les déceptions; la formation est un indicateur de réussite, la mise en réseau des ordinateurs est souhaitée mais peu réalisée.

Voilà donc quelques éléments essentiels. Maintenant, pour faire notre petit tour sur Internet, nous avons pris l'exemple de la santé mentale, un secteur où de nombreux groupes communautaires interviennent. C'est un choix parmi d'autres, il y a bien d'autres routes qui auraient pu être explorées.

Notre visite de quelques sites des ressources communautaires sur Internet commence avec l'aide d'André. Vous pourrez retrouver les adresses électroniques de tous les sites que nous visiterons à l'adresse suivante, créée spécialement pour vous : http://www.cam.org/ bonsai/colloque.html

Nous entrons d'abord sur le site de Communautique. Comme vous le voyez à l'écran, la mission de ce groupe est de rendre accessible les technologies de l'information et des communications aux milieux associatifs et populaires ainsi qu'aux populations rurales et urbaines potentiellement exclues. Pour favoriser l'appropriation de ces technologies, des formations sont offertes sur l'utilisation d'Internet, l'action communautaire, la création de sites, la confidentialité et la sécurité; des informations sont diffusées régulièrement et des positions sont discutées et prises sur des questions d'intérêt général : l'autoroute de l'information, le branchement des familles, etc.

Un autre aspect fort intéressant du site de Communautique est d'héberger plusieurs sites, par exemple ceux du Regroupement des ressources alternatives en santé mentale, du Racor, d'Alternatives santé mentale Montérégie.

Il y aussi leurs listes de distribution, dont une liste «d'activistes» sociaux, des forums de discussion. Il y a les manchettes du quotidien Le Tour d'y Voir qui donne des nouvelles du communautaire, des opportunités de subvention, des offres d'emploi.

Revenons maintenant au site de Communautique où s'ajoutent des sites hébergés, dont ceux de ressources gouvernementales accessibles au communautaire. En voici deux exemples pertinents : Volnet, un programme d'Industrie Canada qui fournit à prix très réduit un ordinateur, un branchement, un service d'entretien et une formation; le programme d'aide du Québec au branchement des familles.

Nous allons maintenant visiter quelques sites traitant spécifiquement de santé mentale. Nous les avons obtenu en faisant une recherche à l'aide du moteur de recherche COPERNIC, qui est disponible gratuitement sur Internet.

  • www.acces-cible-smt.qc.ca
  • www.meteo-mentale.org.
  • www.imaginet.fr/carnet-psy
  • www.breise.ere.umontreal.ca/~lecomptel/prisme.htm
  • www.aesfr.com/
  • www.icomm.ca/acsms/
  • www.clic.net/~rrnismq
  • www.prevention2000.org

Pour continuer dans les sites d'intérêt pour le communautaire, il y a sur la Toile du Québec un répertoire des centres d'accès communautaire à Internet : www.toile.qc.ca/quebec/qcint_centre.htm

Mentionnons pour clore cette section deux exemples pertinents : il y a un forum de discussion d'intérêt communautaire sur la thématique liée à la santé mentale de l'hyperactivité : http://artware.qc.ca/elaine/forum/

II y a un « cyberchat psychomédia» pour échanger (bavarder) sur des questions traitant de psychologie et de santé mentale : www.psychomedia.qc.ca/chat.htm

Est aussi intéressant le site : http://hometown.tierranet.com/ qui permet de mieux comprendre ce que peut être une communauté virtuelle.

Pour terminer, André Vanasse va nous présenter quelques éléments qui ont pour le communautaire de grandes possibilités d'avenir, et ce, même si vous ne voyez pas immédiatement comment les mettre en route... Il y a d'abord tout un secteur en développement sur Internet utilisant la vidéo dans ce qui devient la « teleweb ». Le site www.teleweb.org/ vous permet de mettre vos vidéos sur Internet.

Vous pourrez diffuser vos documents vidéos en les annonçant sur la Toile et en les montrant sur la Toile. Un site existe où vous rendez disponible votre vidéo et vous n'avez pas à le construire vous-même. Ces nouveaux moyens vous permettront de ne pas garder vos vidéos sur vos tablettes, de les montrer même si la télé ou la télé communautaire ne s'y intéresse pas, donc de rejoindre votre ou vos publics-cibles.

Un autre site vous permet d'apprendre à utiliser Internet comme média : www.srt.ulaval.ca/logi/presteleconf/lîstdiscuss.html et le www.sit.ulaval.ca/logi/presteleconf/radiotv4.html

Enfin, pour ceux et celles (professeurs ou formateurs) qui veulent soumettre leurs cours pour amélioration, le « webct » vous aidera à préciser vos objectifs pédagogiques, fournira des outils méthodologiques et d'évaluation, vous proposera des exercices. En terminant, nous vous remercions de votre participation active. Et n'oubliez pas que le site créé pour cet atelier comprend toutes les adresses mentionnées, il est au http://www.cam.org/~bonsai/colloque.html

NOTES

1 Technologies de l'information et de la communication.

2 SALMON, Jean-Marc, Un monde à grande vitesse, Seuil, Essais, 2000

3 BRECHT, Bertolt, «Théorie de la radio » (1932) in Sur le cinéma, Cahiers de l'Arche, Paris, 1980.

4 BRETON, Philippe et PROULX, Serge, L'explosion de la communication, La Découverte Boréal, Paris-Montréal, 1989

5 © Communautique, avril 2001. Le texte suivant présente quelques extraits inédits de la version préliminaire du rapport d'enquête Le monde communautaire et Internet : défis, obstacles et espoirs. Appropriation de la télématique et intégration de l'informatique. Ce rapport devrait paraître au printemps 2001.

6 À mettre en relation avec les objectifs du colloque en page 2 du programme.