Montréal au féminin
Conrad Poirier, L'heure de pointe, 1943
C'est bien connu. L'Histoire retient le nom des grands hommes
parmi lesquels se glisse, par-ci, par là, une grande femme.
Mais elle reste en général muette sur toutes ces
anonymes qui ont mis au monde, éduqué et soigné
des générations de citoyennes et de citoyens. Celles
qui ont pris le chemin du service domestique, de la manufacture
ou du bureau. Celles qui ont choisi le voile ou donné de
leur temps aux oeuvres de bienfaisance.
L'histoire de Montréal est pourtant faite de tout cela,
et aussi des luttes menées par les femmes pour accéder
au statut de citoyenne à part entière, pour avoir le
droit de voter et de s'instruire, pour un salaire égal
à celui des hommes et pour le droit d'exister, sans violence
ni discrimination. Des premières communautés
religieuses jusqu'aux groupes féministes, voici donc
l'histoire du Montréal des femmes.
Collectif L'autre Montréal
Document d'accompagnement de la visite guidée
Tous droits réservés
Dépôt légal 3e trimestre 1992
Réédition 2e trimestre 1999
Bibliothèque nationale du Québec
Bibliothèque nationale du Canada
ISBN- 2-9803049-1-3
Rédaction : Martine D'Amours et Collectif L'Autre
Montréal
Conception et coordination : Suzanne LaFerrière
Mise en page : Bernard Vallée
Avec les recherches et contributions de:
Maryse Darsigny, Marie-Dominique Lahaise, Sylvie Joly, et
plusieurs autres.

Catalogue de T. Eaton Company Limited,
1901-1902
Deux mots au sujet de L'autre
Montréal
L'autre Montréal, c'est un petit collectif qui,
depuis 1983, fait partager ses coups de coeur pour sa ville.
Impliqués dans des organismes communautaires ou menant
diverses recherches, les membres de L'autre Montréal
présentent la ville à travers les lunettes de ceux et
celles qui vivent les vieux quartiers au
quotidien.
Par le biais de visites guidées en autobus, de
conférences ou d'animation d'événements,
L'autre Montréal explore les quartiers populaires,
scrute leur histoire et réfléchit sur les enjeux
actuels de la vie urbaine. A travers les traces tangibles de leur
présence dans la ville, L'autre Montréal
présente des éléments souvent méconnus
de l'évolution de notre société: les grandes
vagues d'immigration, les organisations ouvrières et les
associations populaires, le mouvement des femmes, et bien
d'autres acteurs trop vite oubliés.
En parcourant les quartiers, L'autre Montréal
apporte une information documentée sur de multiples
facettes de la vie montréalaise: architecture, art et
culture populaires, conditions de vie et de travail, mouvements
sociaux, migrations, développement urbain.
En proposant ses activités, L'autre Montréal
veut sensibiliser les Montréalaises et Montréalais
à leur propre histoire et ainsi favoriser leur participation
au devenir de leur ville.
Collectif d'animation urbaine L'autre
Montréal
2000 est, boulevard Saint-Joseph,
Montréal (Québec) H2H 1E4. Téléphone:
(514) 521-7802 Fax: (514) 521-5246
Courriel: autrmtl@cam.org Site internet : http://www.cam.org/~autrmtl/

L'inspection des obus dans une usine d'armement,
1941
L'évolution des rôles des femmes à travers
l'histoire de Montréal
Avant 1642 : une culture oubliée1
À l'arrivée de Jeanne Mance et Paul Chomedey de
Maisonneuve, le territoire de l'île de Montréal est un
lieu de transit pour de nombreuses nations autochtones. Cent ans
auparavant, Jacques Cartier y avait observé une
véritable petite ville iroquoienne.
Chez les Autochtones, les femmes jouent un rôle social
important. C'est particulièrement le cas des tribus
iroquoiennes, sociétés matrilinéaires où les
femmes choisissent leurs partenaires sexuels, ont le droit
de divorcer et exercent un pouvoir politique
considérable.
1642-1701 : les défis des débuts
Dans un contexte de grande précarité, la colonie
naissante a besoin de toutes les énergies disponibles. A
l'arrivée des premières familles françaises,
les conditions de vie difficiles font que les tâches
habituellement réservées aux hommes sont accomplies
sans distinction de sexe. Les femmes doivent apprendre à
défricher, à écorcher des peaux, à tirer du
mousquet, en plus de voir aux tâches féminines
traditionnelles.
Des femmes comme Jeanne Mance et Marguerite Bourgeoys
jouissent d'une relative indépendance pour fonder et diriger
hôpital et école. A partir de 1663, arrivent les filles
du Roy, qu'on a fait venir dans le but de peupler la
Nouvelle-France.
1701-1832 : la famille comme pivot
La société se stabilise et devient lentement plus
prospère. Les femmes retournent à des rôles plus
traditionnels, marqués cependant par leur position dans
l'échelle sociale. Tout un monde sépare les grandes
bourgeoises des esclaves noires et autochtones qui les
servent.
Mais la vie de toutes les femmes se déroule
entièrement dans le contexte familial. La famille est le
pivot de la vie domestique, économique et sociale. Les
femmes passent de longues heures en travaux domestiques, assument
des maternités nombreuses et dangereuses. Dans le cadre des
activités familiales définies par leur époux,
elles peuvent avoir une occupation -commerçante, artisane-
en sus des travaux ménagers. C'est le cas d'une femme sur
cinq à Montréal en 1825.
Hors de la famille, point de salut. Les femmes sans mari,
père ou frère sont pauvres et les enfants nés
hors-mariage, souvent abandonnés.
1832-1900: la vie en ville
De pré-industriel et agricole qu'il était, le
Québec devient une société industrialisée et
urbanisée. Entre 1851 et 1901, la population de
Montréal passe de 60 000 à 260 000 habitants.
L'industrialisation instaure une coupure entre la vie de
travail rémunéré et la vie de famille, entre le
lieu de la production et celui de la reproduction. Le temps est
bien révolu où la famille consomme ce qu'elle fabrique:
c'est avec un salaire gagné à la "shop" qu'on se
procure des produits manufacturés. Les liens de
dépendance s'accroissent entre la ménagère et son
mari pourvoyeur.
En dépit du modèle dominant qui valorise la femme au
foyer, plusieurs Montréalaises travaillent en usine.
Certaines font du travail industriel à domicile, tentant de
concilier travail ménager, soin des enfants et revenu.
D'autres se font domestiques ou institutrices. Mais rares sont
celles qui peuvent vivre de leur seul salaire.
Comme dans la période précédente, la vie
religieuse demeure pour les femmes la seule alternative
sécuritaire à la vie familiale, en plus de constituer
une des rares voies d'ascension personnelle, sociale et
intellectuelle.
1900-1940: la percée sur le marché du
travail
L'industrialisation et l'urbanisation se poursuivent à un
rythme rapide. Les femmes commencent à servir de
main-d'oeuvre de réserve: leur présence sur le
marché du travail est requise pendant la Première
Guerre mondiale, pour être ensuite dénoncée
pendant la crise des années 1930. Malgré tout, leur
participation au marché du travail augmente: en 1941, elles
comptent pour 27% de la main-d'oeuvre montréalaise. Qui
sont-elles?
Ce sont des ouvrières qui travaillent et vivent dans des
conditions extrêmement pénibles.
Ce sont aussi des vendeuses de magasins et des employées
de bureau, plus scolarisées que la moyenne des femmes.
Ce sont enfin des domestiques fraîchement arrivées
de la campagne ou de l'étranger.
C'est l'époque où, pour soulager la pauvreté
urbaine, des femmes de la bourgeoisie mettent sur pied des
organisations de bienfaisance: Gouttes de lait, Ligue des
petites mères, garderies de nourrissons, etc., un terrain
où les religieuses étaient déjà bien
présentes. Et tant les communautés religieuses que les
associations laïques féminines s'inquiètent
du sort des jeunes filles, ouvrières en chômage ou
servantes congédiées, qui sont des proies faciles pour
les réseaux de prostitution.
Les femmes de la classe ouvrière participent au mouvement
syndical ou à d'autres regroupements, comme
Solidarité féminine, qui, pendant la crise,
milite pour l'augmentation du secours direct et contre les
évictions de locataires.
C'est aussi à cette époque que s'intensifient les
luttes pour l'éducation et les droits civiques, comme le
droit de vote obtenu par les femmes du Québec en 1940.
1940-1950 : guerre et après-guerre
Pendant la Deuxième Guerre mondiale, on sollicite à
nouveau à contribution des femmes, et ce d'abord dans les
usines de guerre et les manufactures de toutes sortes,
désertées par les bras masculins.
Pour permettre le travail féminin, le gouvernement
fédéral ouvre six garderies à Montréal. Les
élites québécoises anti-conscription ont
beau s'opposer au travail des femmes, celles-ci se retrouvent
massivement en usine.
On invite aussi fortement les ménagères à
participer à l'effort de guerre en économisant, en
recyclant, ou en logeant chez elles la main-d'oeuvre qui afflue
en ville. On admet aussi les femmes dans l'armée, comme
recrues ou infirmières, mais pas au front. On compte
finalement sur elles comme bénévoles, pour coudre,
tricoter, écrire aux soldats, organiser le système de
rationnement, etc.
À la fin de la guerre, le gouvernement fédéral
instaure les allocations familiales. Au Québec, le
clergé et les élites nationalistes obtiennent
qu'elles soient versées aux pères, autorité
paternelle oblige, et Thérèse Casgrain devra
mener bataille pour qu'Ottawa émette finalement les
chèques au nom des mères.
Parallèlement, on cherche à retourner les femmes au
foyer, ou au moins dans les secteurs d'emploi
traditionnel.
1950-1969: la "mystique féminine"
Dans une société qui ne jure que par les
progrès techniques, ménagères et mères de
famille sont submergées de conseils d'experts: l'image
de "l'ingénieur(e!) domestique" s'impose.
On parle des "arts ménagers", qui recouvrent tant la
nutrition que la décoration intérieure, en passant par
la couture, l'esthétique et les théories sur
l'éducation des enfants.
Mais cette "mystique féminine" ne colle pas longtemps
à la réalité des Québécoises du
milieu des années 1950. Pour elles, les grands changements
sont déjà amorcés: leur taux de
fécondité chute abruptement et leur accès à
l'éducation secondaire et au marché du travail se
généralise.
La laïcisation et la modernisation intervenues dans les
années 1960 leur ouvrent de nouvelles portes, mais elles
sont encore majoritairement confinées dans des ghettos
d'études et d'emplois. Les femmes assument une double
journée de travail, sans garderie ni congés de
maternité: c'est l'époque des
femmes-orchestres.
Le militantisme féministe, endormi depuis les années
1940, renaît, notamment avec la fondation en 1966 de la
Fédération des femmes du Québec (FFQ) et de
l'Association féminine d'éducation et
d'action sociale (AFEAS). C'est un féminisme qui
revendique l'égalité. Le rapport de la Commission
royale d'enquête sur la situation de la femme au
Canada (Commission Bird; 1970) illustre combien cet idéal
est éloigné de la réalité.
1969-19.. : le rayonnement du
féminisme
Les années 1970 voient l'éclosion du féminisme
radical, qui démystifie l'égalité formelle et
s'attaque à la domination historique des hommes sur
les femmes. Après le Front de libération des
femmes (FLF, qui associe libération des femmes et
libération nationale) et le travail effectué par le
premier Centre des femmes et son journal
Québécoises Deboutte!, des groupes naissent un
peu partout à Montréal: Comité de lutte pour
l'avortement libre et gratuit, Centre de santé des femmes,
Théâtre des cuisines, Editions du
Remue-ménage. Les comités syndicaux de
condition féminine renaissent.
Puis se développeront les collectifs contre le viol, les
maisons d'hébergement pour femmes violentées, les
publications féministes {Les Têtes de pioche,
Des luttes et des rires de femmes, La Vie en rose),
les organisations comme Au Bas de l'échelle et
Action-Travail des femmes, puis plus récemment, les
centres de femmes, les groupes de femmes immigrantes, etc.
Parallèlement, dans les quartiers populaires
montréalais, surgissent les comités-logement, les
clubs de consommation, les cliniques de santé et
autres groupes qui cherchent à améliorer les conditions
de vie. Bien que ces organismes n'aient jamais porté le nom
de "groupes de femmes", la majorité de leurs membres sont
des femmes et les enjeux de leurs luttes se situent sur le
"terrain" traditionnel des femmes: santé, alimentation,
logement, etc.
En quatre siècles, les Québécoises et les
Montréalaises ont fait beaucoup de chemin mais ne peuvent
pas se reposer sur leurs lauriers.
En quelques années, elles ont obtenu des progrès
significatifs dans l'accès à l'éducation sexuelle
et à la contraception, mais sont toujours à la merci
d'une re-criminalisation de l'avortement.
Elles comptent pour 43% de la main-d'oeuvre mais ne gagnent
encore que 65,9% du salaire des hommes pour un emploi à
temps plein et 57,7% pour un emploi à temps partiel.
Elles ont sensibilisé l'opinion publique au problème
de la violence faite aux femmes, mais la tuerie de la
Polytechnique est venue démontrer que les acquis sont encore
bien fragiles.
Obstacles et victoires : un coup d'oeil dans quatre
domaines
. 
Soeurs de Sainte-Croix durant l'épidémie de grippe
espagnole en 1918
Les droits de la femme et de la
citoyenne
L'Acte constitutionnel de 1791 accorde le droit de vote aux
propriétaires sans distinction de sexe, donc aux
femmes qui désirent s'en prévaloir. Elles le perdront
en 1849, de même que le droit de douaire, qui permettait
à la femme et aux enfants de conserver certains biens
après le décès du mari.
Selon la Coutume de Paris et le Code civil de 1866, la femme
mariée est une mineure juridique, qui ne peut signer de
contrats ni intenter de procès. Cela pose un problème
aux bourgeoises qui doivent sans cesse demander la signature de
leur mari pour gérer leurs oeuvres de bienfaisance et
explique pourquoi elles seront les premières à
revendiquer le droit de vote et la fin de leur incapacité
juridique.
La première génération d'organisations
féministes naît au début du siècle, avec le
Montréal Local Council of Women et la
Fédération nationale Saint-Jean-Baptiste (à ne pas
confondre avec la Société S.J.B.). Leurs dirigeantes
réclament le droit pour les femmes mariées de disposer
de leur salaire et des mesures pour limiter le pouvoir du mari de
dissiper les biens du ménage.
Dans un deuxième temps, les femmes se lancent à
l'assaut du droit de vote. La Montreal Suffrage
Association, avec à sa tête Carrie Derrick, lutte
pour le droit de vote au niveau fédéral, que les
Canadiennes obtiendront en 1918. Mais il faudra les
pèlerinages annuels à Québec menés
pendant 14 ans par Thérèse Casgrain, de la Ligue des
droits de la femme, et par Idola Saint-Jean, de l'Alliance
canadienne pour le vote des femmes au Québec, pour
l'obtenir au niveau provincial en 1940. L'incapacité
juridique de la femme mariée ne sera levée qu'en
1964.
Idola Saint-Jean
À Montréal, les veuves et les femmes
célibataires propriétaires obtiennent le droit de vote
dès 1889, et les femmes locataires, dès 1899. En 1902,
le conseil municipal tente de leur retirer ce droit, mais le
maintient suite à la bataille menée par Marie Lacoste
Gérin-Lajoie.
Les communautés religieuses féminines
Suivant les traces de Marguerite Bourgeoys, fondatrice de la
Congrégation Notre-Dame, et de Marguerite d'Youville,
fondatrice de la communauté des Soeurs Grises, des
générations de religieuses ont joué un rôle
fondamental dans les domaines de la santé, de l'assistance
sociale et de l'éducation.
Une véritable explosion s'est produite à partir du
milieu du 19e siècle, le nombre de religieuses et
de communautés se multipliant très rapidement. Au
tournant de notre siècle, une Québécoise adulte
sur cent est religieuse. Plusieurs laïques qui avaient mis
sur pied des oeuvres sociales fondent des communautés
religieuses pour en assurer la continuité. Les femmes
prennent le voile pour répondre à l'appel de Dieu, mais
c'est aussi, pour plusieurs, la seule alternative réaliste
à la vie de mère de famille nombreuse. Ce choix permet
aux femmes de conserver leur capacité juridique et, pour
certaines, d'exercer une profession: administratrice,
économe, pharmacienne, enseignante, musicienne.
C'est un véritable réseau d'institutions sociales
que les communautés religieuses ont mis sur pied,
chaque communauté assumant des responsabilités
particulières: hôpitaux et dispensaires
(Hospitalières de Saint-Joseph), accueils pour indigents,
orphelinats (Soeurs Grises), soupes populaires et aide aux
pauvres (Soeurs de la Providence), maternités pour
"filles-mères" (Soeurs de la Miséricorde), prisons pour
femmes, écoles de réforme (Soeurs du Bon Pasteur), pour
n'en citer que quelques-unes.
Pour les historiennes du Collectif Clio, ce qui était
à l'origine une stratégie de survie alternative à
la vie de famille est devenu peu à peu une voie
d'évitement: à la fin du 19e siècle, au
moment où des femmes de partout en Occident
défonçaient les portes des universités et des
corporations professionnelles, les Québécoises, elles,
entraient en religion.
Le chemin des écolières
Les communautés religieuses ont joué un grand
rôle dans l'éducation des filles et ce, depuis
les premiers temps de la colonie. Évidemment, comme
l'exercice d'un métier ou d'une profession demeure
fermé aux femmes jusque dans la deuxième moitié du
20e siècle, l'éducation se limite le plus
souvent à la formation religieuse et à l'apprentissage
de la lecture, de l'écriture, du calcul et de la
couture.
Dès le début du 20e siècle, celles
qui dépassent le cours primaire ont le choix entre trois
voies: l'école normale, qui forme les institutrices, le
cours "supérieur" qui est en fait l'équivalent
francophone du high school, et l'enseignement ménager.
Cette dernière option restera la plus promue et la plus
fréquentée jusqu'à la fin des années
1950.
L'université McGill ouvre aux femmes sa Faculty of Arts
dès 1884. Après de longues négociations, où
les Soeurs de la Congrégation Notre-Dame jouent un rôle
capital, les francophones ont accès au cours classique
en 1908. La première diplômée, Marie
Gérin-Lajoie (fille de la féministe du même nom),
se classe première lors des examens de baccalauréat de
1916 mais on refuse de reconnaître publiquement son
succès, parce qu'il semble inconvenant de dire qu'une fille
devance les garçons...
À la faveur de la Révolution tranquille, les filles
auront accès, en théorie, à une éducation
prolongée et à une variété d'options. Mais
dans les faits, l'école ne remet pas en question la division
traditionnelle des rôles, si bien que les filles, jusqu'aux
années 1970, continuent d'étudier le secrétariat
et les techniques infirmières, alors que les
garçons choisissent l'électronique et le génie
civil.
La laïcisation et la syndicalisation du personnel
enseignant remontent aux années 1940. Pour améliorer
les conditions de ce personnel majoritairement féminin, mal
payé, Laure Gaudreault fonde en 1936 la première
association d'institutrices rurales. En 1949, l'Alliance des
professeurs de Montréal sort en grève
illégale pour obtenir de modestes augmentations de
salaires. Mal lui en prit: l'Alliance perdra son
accréditation jusqu'en 1959.
Classe de sciences au collège des soeurs de Sainte-Croix,
en 1892
Ouvrières et syndicalistes
Pas plus que leur participation au marché du travail, la
participation des femmes aux luttes syndicales n'est un
phénomène récent. La première grève
importante dans l'industrie du textile, celle des moulins Hudon
d'Hochelaga, est menée en 1880 par 500 ouvrières qui
réclament des hausses de salaires et des
réductions d'heures de travail.
Conrad Poirier, Manufacture d'ampoules électriques,
1935
Mais le mouvement ouvrier adopte une attitude contradictoire
face à ses membres féminins, dont les salaires
inférieurs exercent une pression à la baisse sur
les salaires masculins: certains réclament pour les femmes
des salaires égaux alors que d'autres prônent leur
retour pur et simple au foyer. Longtemps, le mouvement
syndical et les lois du travail considéreront les femmes
comme une catégorie à part; tout en les protégeant
des abus trop flagrants, ils consacreront leur
infériorité salariale.
En 1934, 1937 et 1940, les midinettes (travailleuses
des manufactures de vêtements), soutenues par Léa
Roback, font grève pour obtenir de meilleures conditions de
travail et de salaires. En 1946, les 6000 travailleuses et
travailleurs de Dominion Textile sortent pendant 100 jours, sous
le leadership de Madeleine Parent et de son mari, Kent Rowley.
Elles, et leurs collègues masculins, obtiennent la
reconnaissance du syndicat, une première convention
collective et la journée de huit heures.
En 1952, quelques 800 vendeuses et vendeurs de chez Dupuis
Frères débrayent, une première dans le secteur des
grands magasins.
Peu à peu, les syndicats changeront de cap. Dans les
années 1950, ils abandonnent leur hostilité face au
travail des femmes. Ils créeront puis aboliront les
comités féminins, qui reprendront dans les années
1970 sous la forme des comités de condition
féminine. Ces comités joueront un rôle crucial
dans les luttes pour l'obtention du salaire égal pour un
travail égal, des garderies, des congés parentaux et,
tout récemment, pour l'équité salariale.
Pour en savoir plus long
Dirigeantes de la Fédération nationale
Saint-Jean-Baptiste, 1907
Sous la direction de Maryse Darsigny, Francine Descarries Lyne
Kurtzman et Evelyne Tardy. Ces femmes qui ont bâti
Montréal, Montréal, Éditions du
Remue-ménage, 1994.
Collectif Clio. L'histoire des femmes au Québec depuis
quatre siècles, Edition revue et augmentée.
Montréal, Éditions du Jour 1992.
Sous la direction de Nadia Fahmy-Eid et Micheline Dumont.
Maîtresses de maison, maîtresses d'école.
Femmes, famille et éducation dans l'histoire du
Québec, Montréal, Boréal, 1983.
Sous la direction de Marie Lavigne et Yolande Pinard.
Travailleuses et féministes. Les femmes dans la
société québécoise, Montréal,
Boréal, 1983.
Travail domestique dans un logement ouvrier au tournant du 19e
siècle
1
Cette chronologie est très largement tirée de l'ouvrage
du Collectif Clio. L'histoire des femmes au Québec depuis
quatre siècles. (Edition revue et augmentée).
Montréal, Editions du Jour, 1992