Logement et pauvreté : dossier noir

Un million de mal-logé-e-s au Québec autre chose qu'une année ! ! !

TABLE DES MATIÈRES

Quand le coût des logements galope...

Que c'est donc beau chez vous!

Mal-logé-e-s au Québec... Les femmes : discrimination et harcèlement

Les jeunes: aspirants-locataires!

Les personnes âgées: plus vulnérables encore!

Les personnes handicapées à part égale ???

D'autres besoins...

Vivre en chambre : à ses risques et périls!

C'est pas toujours rose d'etre propriétaire.

Mais que font donc les gouvernements?

Ce dossier noir a été rendu possible grâce a la collaboration de...

Sont membres du frapru:

Notes

1987 marque l'année internationale du logement des sans-abris, décrétée par l'ONU.

Les médias n'ont pas manqué de nous rappeler de façon très sensationnaliste cet aspect particulier des problèmes de logement: des dizaines de milliers de personnes, au Québec, se retrouvent sans logement stable, condamnées à vivre dans la rue.

Mais les problèmes de logement ne s'arrêtent pas au scandale des sans-abris. Ce groupe représente plutôt la pointe d'un iceberg autrement considérable.

Un million de personnes au Québec sont aux prises avec des problèmes de logement. Personnes âgées, femmes cheffes de famille monoparentale, jeunes, population à faible revenu... vivent en effet des problèmes de logement sous de multiples formes: loyers trop chers, logements en mauvais état inadaptés aux besoins, discrimination au moment de la location.

C'est à toutes ces manifestations de la crise du logement que ce dossier noir sur le logement et la pauvreté s'attarde.

Si 1987 doit être marquante dans les politiques d'habitation, ça devrait être dans le sens d'une série de mesures assurant un stock de logements de bonne qualité et à prix abordable pour la population à faible revenu. Pour le FRAPRU, ces mesures, outre un renforcement du contrôle du marché privé, doivent passer par la réalisation massive de logements HLM, coopératifs ou gérés par des organismes sans but lucratif1. Mais telles ne sont pas les orientations des différents paliers de gouvernement. L'Etat ne fait que couper dans les budgets consacrés au logement social. En contrepartie, il engloutit des milliards de dollars en abris fiscaux, abris qui profitent d'abord aux mieux nantis, dont ces 3.8% de propriétaires qui contrôlent 53% du stock de logements.

Pour plus d'un million de personnes au Québec, il est urgent que l'Etat modifie ses interventions en habitation.

Si rien ne change, c'est une immense nouvelle clientèle qui viendra rejoindre les rangs des sans-abris, de ceux et celles condamné-e-s à vivre sur des trappes d'air chaud, dans des entrées d'appartement ou dans des entrepôts désaffectés.

Sans domicile fixe, âgé-e de 16 ou de 85 ans, seul-e, pauvre, en situation de crise: de plus en plus d'hommes et de femmes répondent à cette description. On les appelle les "itinérant-e-s".

Jeunes sans-abris, femmes de nulle part, hommes de la rue ou clochards... d'autres façons de dire "itinérant-e-s". Globalement, on peut circonscrire la situation en entendant qu'un-e itinérant-e est une personne en difficulté, sans adresse permanente et vivant une instabilité sous diverses formes.

Les principales caractéristiques reliées à cette population sont les suivantes: solitude, dévalorisation de soi, pauvreté, dépendance à l'alcool ou aux drogues ou encore usage abusif de médicaments. De plus, la plupart n'entretiennent que peu ou pas de liens avec leur famille, soit parce qu'elle est désorganisée ou encore parce qu'elle est inexistante. En outre, la population itinérante croît constamment. On estime présentement à 10,000 le nombre de personnes itinérantes, à Montréal seulement. A Québec, la maison d'accueil L'Auberivière estime qu'ils sont entre 500 et 600.

Et, fait à considérer, l'âge moyen des itinérant-e-s tend à baisser depuis quelques années.

Ces marginaux de notre société le sont rarement par choix: la crise socio-économique et le chômage qui en découle, la désinstitutionnalisation des personnes ayant des problèmes de santé mentale, sans mise en place parallèle de services communautaires suffisants, la pauvreté endémique, la violence faite aux femmes, la toxicomanie, réduisent souvent des êtres humains à la solitude et à l'errance.

Leur nombre s'accroît sans cesse, au rythme de l'appauvrissement de la population urbaine québécoise.

Les femmes itinérantes.

Si l'image du clochard nous vient facilement à l'esprit, il n'en demeure pas moins que les femmes seules et sans-abris comptent pour environ 20% de cette population particulière. Si elles présentent les mêmes problèmes de santé que les hommes, la violence fait plus souvent partie de leur triste horizon. Encore jeunes, elles sont souvent acculées à la prostitution, au concubinage passager, aux grossesses multiples... Leurs traumatismes sont donc nombreux, et dépassent les strictes difficultés économiques.

Et les jeunes...

Sans-abri, sans-emploi, souvent sans formation scolaire, ces jeunes ont en général plus de 18 ans.

Dans beaucoup de cas, ils ont traversé les institutions du Ministère des affaires sociales depuis le début de leur adolescence: centre et foyer d'accueil, appartement supervisé, etc.

A 18 ans, plus de ressource institutionnelle: ils se retrouvent dans la rue.

Sans travail, sous le seuil de pauvreté (avec un BES pour le moins insuffisant...), clochards de métro ou de parc public, ils n'ont aucun moyen de réintégrer le milieu scolaire ou le marché du travail.

Le Service St-Denis évalue qu'ils sont 5,000 à Montréal.

Le logement

L'itinérance implique l'absence totale d'abri ou de domicile fixe. Ce sont donc les refuges, les centres d'hébergement et les maisons de chambres qui servent d'abri occasionnel et temporaire aux itinérant-e-s.

Cependant, ces types de logements sont tout à fait insuffisants, tant à Montréal qu'ailleurs.

Les centres d'hébergements de la région de Montréal disposent au total de 469 lits pour hommes et de 85 pour femmes. Bien sûr, la demande excède largement la capacité de répondre: en 85-86, les centres pour femmes n'ont pu procéder qu'à 1,101 admissions, malgré 4,812 demandes.

Les maisons de chambres, déjà trop peu nombreuses, sont en continuelle diminution. Elles sont de plus trop chères et insalubres.

Restent toujours les parcs, les métros, les bâtiments en voie de démolition et les prisons...

D'autres aspects du problème.

Les itinérant-e-s font partie de la cohorte des pauvres gens, mais leur style de vie et leurs problèmes particuliers supposent des besoins spécifiques et une intervention spécialisée.

On l'a mentionné plus haut, plusieurs ont des problèmes de santé mentale. Cependant, ils n'arrivent pas à recevoir les soins dont ils ont besoin puisque la présentation d'une adresse fixe est l'un des critères de base à l'admission. Des ententes existent néanmoins entre certains hôpitaux et certains centres d'hébergement, mais elles demeurent trop fragiles et trop officieuses.

Par ailleurs, la désinstitutionnalisation des services psychiatriques contribue à hausser le nombre de personnes à problèmes de santé mentale parmi les rangs des itinérant-e-s.

D'autre part, il est évident que le manque de ressources financières, souvent à la base du phénomène d'itinérance (chez les jeunes en particulier) conduit également à des problèmes de sous-alimentation et à des troubles de santé divers.

Des besoins évidents.

De l'avis des intervenant-e-s sur cette question, le besoin le plus pressant est d'engager des ressources afin de développer les possibilités de logement de ces gens. Assurer la stabilité financière et le développement des centres d'hébergement constitue une urgence. De plus, il serait nécessaire de préserver de 5,000 à 10,000 chambres viables et abordables. Des subventions à la rénovation/restauration pourraient contribuer à endiguer le problème.

Une réalité à ne pas cacher.

Le Conseil canadien de développement social procédait dernièrement à un recensement des sans-abris. Pour ce faire, il a demandé à tous les services d'hébergement de produire des renseignements sur les personnes qu'ils abritaient ce soir-là. Quand on sait que ces services sont débordés et refusent du monde quotidiennement, que nombre d'itinérant-e-s n'ont pas recours à ces services et se retrouvent ailleurs, on ne peut qu'avoir des doutes sur les résultats de ce recensement... Et sur les motivations du Conseil à le faire de cette façon. Enfin, c'est assurément un bon moyen de minimiser le problème... et de se justifier de ne pas y intervenir trop...

Quand le cout des logements galope...

Tout augmente, on le sait, mais certaines choses augmentent plus que d'autres; le coût des logements en particulier constitue le facteur le plus important d'inflation.

En effet, de '81 à '85, les loyers ont augmenté de 34.6% à Montréal et de 39.1% à Québec, alors que l'inflation dans son ensemble faisait un bond de 28% (ce chiffre incluant l'augmentation du coût des loyers). A Montréal, le loyer moyen pour un 4½ est rendu à $441 par mois. A Québec, il est de $448.

A Hull, la Société canadienne d'hypothèque et de logement évaluait de façon pourtant conservatrice qu'il était impossible pour un ménage de 3 personnes gagnant moins de $20,500 d'avoir accès à un logement convenable sans y consacrer plus de 30% de ses revenus. Si on considère qu'en '81, 520,000 ménages locataires avaient des revenus inférieurs à $15,000 et qu'ils consacraient en moyenne 40% de leur revenu pour se loger2, on fait forcément le constat que ces 520,000 ménages locataires sous le seuil de la pauvreté en '81 se sont appauvris davantage depuis, en augmentant la part de leur revenu consacrée au loyer. Et consacrer plus d'argent au loyer, ça veut dire couper dans d'autres items essentiels du budget comme le vêtement, le transport, la nourriture ou les loisirs.

D'ailleurs, si les gouvernements se vantent d'avoir amélioré les conditions d'habitation en terme de qualité ou de surpeuplement des logements, ils doivent par contre reconnaître que le problème d'abordabilité des logements (c'est-à-dire le pourcentage du revenu consacré au logement) va sans cesse en s'accroissant.

Et les revenus qui baissent

Malgré le discours important prétendant à une amélioration de la situation économique depuis '81, la pauvreté est loin d'avoir diminué:

  • Le revenu familial réel au Canada a diminué de 5.5% entre '80 et '84.
  • Plus de 216,000 personnes vivent aujourd'hui de l'aide sociale dans le Montréal métropolitain. En '81, au plus fort de la récession, elles étaient 152,000.
  • 46.3% des personnes seules, en '85, vivent sous le seuil de la pauvreté. Ce pourcentage n'était qu'à 37.3% en '80.

Ces victimes de la "reprise des autres" ont également vu leur conditions de logement se détériorer.

Qui sont-elles?

Les mal-logés, victimes de la reprise "des autres"...

Elles sont d'abord des femmes: parce qu'elles sont majoritaires parmi les prestataires d'aide sociale, parce qu'elles sont majoritaires dans la population vivant sous le seuil de la pauvreté, les femmes sont les premières victimes. Une étude récente de la Société canadienne d'hypothèque et de logement a démontré, par exemple, que 30.6% des femmes seules et 35.2% des familles monoparentales dirigées par des femmes devaient consacrer plus de 30% de leur revenu pour se loger.3 Ajoutons à cela toute la discrimination et le harcèlement dont elles sont victimes (voir plus loin la section sur cette question) il est évident que les femmes au Québec vivent en très grand nombre une situation intolérable au niveau du logement.

Par catégories d'âge, les plus susceptibles de vivre des problèmes de logement sont les moins de 24 ans (20.9%), les 64 à 69 ans (28.8%) et surtout les ménages de 70 ans et plus (32.9%). 4

Le stock de logements au Québec (1981)

TOTAL : 2,173,000 - 100%

Mode d'occupation

LOCATION : 1,015,000 - 46.7%

  • privée : 955,000 - 44.0%
  • HLM : 40,000 - 1.8%
  • OSBL : 15,000 - 0.7%
  • Coop : 5,000 - 0.2%

PROPRIETE : 1,157,000 - 53.3%

  • Simple : 1,144,000 - 52.7%
  • Copropriété : 13,000 - 0.6%

Que c'est donc beau chez vous!

Pour beaucoup d'entre nous, habiter un logement pas trop cher (et pas trop cher, ça va souvent chercher dans les $350-$400) ça veut souvent dire habiter dans un logement pas chouette du tout...

Un logement avec toutes sortes de problèmes, qui vont des touts- petits- fatiguants aux épouvantables.

Y'a du pire et du moins pire. Dans le pire, y'a encore, selon le Document d'étude sur le logement (fédéral), un bon 13% des logements qui ont besoin de réparations majeures. Selon le Livre vert sur l'habitation au Québec, y'a un autre 12% de logements toujours dépourvus d'un système de chauffage central, et quelque 1.5% sans toilette, douche ou bain...

Et il ne faut pas croire que de telles données ne concernent que les vieux quartiers de Québec ou de Montréal... En plein centre du Québec, à Drummondville, une enquête effectuée en '81 révélait que 29.7% des logements de cette ville ont besoin de réparations majeures, et que de ceux-ci 4% devraient être détruits tellement ils sont en mauvais état... 5

Dans les trois principales Municipalités régionales de comté de Lanaudière, 45.8% des logements ont besoin de réparations. 6

A St-Joseph de Sorel, c'est le tiers des logements qui ont besoin de réparations (dont, pour 13%, de réparations majeures)7. Dans la région de Thetford Mines, 27.5% des logements ont une isolation insuffisante, 38.5% ont des portes et fenêtres non-étanches, 14.2% de sérieux problèmes de plomberie et 26.6% une mauvaise insonorisation...7

A part ça, y'a la série de problèmes qu'on connaît quand on n'a pas trop d'argent. Les problèmes de chauffage: les logements pas-chauffés et pas chauffables, parce que le système de chauffage est insuffisant, ou parce que l'électricité n'a pas été renforcée, ou parce que les murs et les fenêtres laissent passer l'air comme s'ils n'avaient jamais existé... Ce genre de logements où on a froid l'hiver et chaud l'été; où on attrape le rhume, et qui en plus passent trop souvent au feu à cause de l'effort pour chauffer que n'endurent pas les systèmes électriques désuets...

A cela s'ajoutent les problèmes de plomberie, de toitures qui coulent, d'humidité ou de poussière, les planchers et murs qui crochissent presqu'à vue d'oeil, l'absence de cour, de balcon ou de pièce fermée avec une fenêtre... les réparations que les propriétaires promettent mais ne font pas ou la cohabitation forcée avec des fourmis, des coquerelles ou autres bestioles non-identifïées...

La liste est longue, ad nauseum...

Une enquête effectué auprès des femmes cheffes de famille monoparentale dans le quartier Centre-Sud8 permet une relative quantification de ces problèmes, juste assez pour pouvoir extrapoler:

76.1% des femmes interrogées ne sont pas satisfaites de leur logement.

28.1% habitent des logements nécessitant des réparations majeures.

Parmi celles qui ont 3 enfants ou plus, cette proportion passe à 42.3%... comme quoi les familles nombreuses sont les plus mal logées... Toujours parmi celles-ci, 46.1% paient plus de $60 par mois pour le chauffage!

40.2% déclarent des problèmes en terme de manque d'aération, de balcon en ruine ou inexistant, de bruit, d'humidité, etc.

Comme quoi, pour beaucoup de locataires, ça va être long avant que "ça soit beau chez-nous"!

Une parmi d'autres: Mme St-Jacques

Mme St-Jacques partage depuis septembre le sort de tant d'autres locataires: elle habite un petit logement, quartier Rosemont à Montréal, qui, sans tomber littéralement en ruines, nous présente un tableau saisissant de ce que sont les multiples problèmes qui affectent les logements en dégradation.

D'abord le loyer: elle paie $300 par mois un logement qui était précédemment loué à $225. Bien entendu, l'ancien loyer n'était pas inscrit sur le bail. Ensuite, elle constate qu'elle n'habitera pas seule ce logement: de nombreuses variétés de bestioles y sont déjà bien installées. Immédiatement, elle réclame du propriétaire qu'il procède à une désinfection en règle. Il lui faudra bien sûr insister lourdement avant qu'il ne se décide à envoyer "un de ses hommes". Celui-ci fait ça vite, il refuse de faire la cave ainsi que le logement d'à côté. Désinfection inefficace bien entendu, qui conduit à une deuxième désinfection... Pendant tout ce temps, Mme St-Jacques vit dans ses boîtes.

Ensuite arrivent les grands froids, qui permettent de découvrir un problème majeur: le système de chauffage est nettement insuffisant.

Le proprio avait remplacé l'ancienne fournaise au gaz par des cailles électriques. C'est bien. Ce qui est moins bien, c'est qu'il a fait faire le travail par "un bricoleur de ses amis": des fils se promènent à découvert d'un bout à l'autre de la maison, dont sous la baignoire. Ils rejoignent la boîte électrique, dont le système n'a pas été renforcé. Conséquences: les fils chauffent, le circuit ne fournit pas, les fusibles sautent aux quinze jours. Aucune caille ne reçoit suffisamment de courant pour chauffer, il n'y a pas d'eau chaude et ça prend une demi-heure pour faire cuire un oeuf...

A cela s'ajoute un ensemble de tracasseries. En louant, le proprio assure que le ménage est fait. En effet, une couche de latex a été appliquée, de façon très inégale, à la grandeur de la maison, y inclus dans la salle de bain et la cuisine, exception faite de certains derrières de porte ou de certains côtés d'armoire: du grand chic! Les prises de courant sont emplies de peinture, les planches du balcon sont pourries, les nouvelles fenêtres d'aluminium reposent sur des vieux cadres de bois pourri, des briques manquent à l'appel, laissant pendre lamentablement l'isolant à l'extérieur... La salle de bain n'est pas chauffée, des tuyaux traversent les armoires de cuisine, rendant impossible le simple rangement d'une boîte de Corn Flakes, le ventilateur installé dans la cave fait remonter des odeurs acres de terre et d'humidité...

Comme tant d'autres locataires, Mme St-Jacques doit négocier ses réparations une à une, avec un proprio sans cesse promettant, rarement agissant.

Sérieusement, de quoi provoquer la plus profonde déprime...

Depuis le début des années '60, les grandes villes du Québec ont connu des changements importants. Développement d'infrastructures (autoroutes,métro à Montréal), construction de centres administratifs (comme à Québec et à Hull) ou para-public (Radio-Canada), d'hôtels, de centres culturels, etc. On a construit, construit, construit... et beaucoup détruit. Dans bien des cas, l'impact direct de ces transformations, ça a été le déplacement du monde qui restaient là. A Québec, les quartiers St-Roch et St-Jean-Baptiste ont été vidés de 11,000 de leurs résident-e-s. A Hull, l'invasion du gouvernement fédéral s'est soldée par la déportation de 5,000 personnes. A Montréal, de '57 à 79, 140,000 personnes ont dû quitter leur logement par suite de la démolition ou de la restauration des maisons. Dans les petites villes, le scénario était différent, mais le résultat était le même. À Ste-Thérèse, Drummondville, Victoriaville, St-Hyacinthe ou ailleurs, les marchands des centres-villes ont voulu construire de vastes stationnements autour des artères commerciales, question de concurrencer les centres d'achats de banlieue. Et pour ce faire, ils ont démoli massivement dans les rues avoisinantes.

Aujourd'hui, toutes ces infrastructures bien en place, on constate une deuxième vague de déplacement de population. Ce nouveau déplacement, il correspond à l'arrivée dans les quartiers centraux des villes, d'une nouvelle sorte de monde: des gens définitivement mieux nantis. Ce phénomène, on le nomme gentrification ou embourgeoisement des quartiers populaires.

Comment cela se fait-il?

A la fin des années 70, la détérioration de la situation économique du Québec pousse les différents paliers de gouvernement à essayer de mettre en valeur tous les atouts susceptibles de favoriser la relance des activités économiques. Montréal, en tant que capitale économique du Québec, est principalement visée, mais ce sera le cas pour d'autres villes également, notamment par le biais d'un programme fédéral-provincial appliqué dans 40 villes à travers le Québec, le Programme d'amélioration de quartiers. Des programmes de restauration domiciliaire, dont le plus célèbre est sûrement le programme québécois Loginove, font également leur apparition.

Pour ce qui est de Montréal, la préoccupation manifeste de cette ville est depuis une bonne vingtaine d'années, de développer le centre-ville afin d'en accroître la rentabilité. Il convient donc d'améliorer l'apparence des quartiers centraux, afin de stimuler l'investissement privé. Pour ce faire, des politiques urbaines sont élaborées et mises en application. Des travaux de grande envergure sont entrepris. Des programmes tels que le PIQA (programme d'intervention dans les quartiers anciens), le RAC (revitalisation des artères commerciales) et l'Opération 20,000 logements font leur apparition, en même temps qu'on encourage la restauration domiciliaire. A Québec, le PSI (programme spécial d'intervention) joue le même rôle. Des facilités d'investissement privé deviennent effectives.

Nouveau produit, nouvelle clientèle

A ces nouvelles installations correspond une nouvelle clientèle. On pense donc à stimuler le retour à la ville de la classe moyenne de banlieue. Plusieurs facteurs convergent d'ailleurs en ce sens: la rareté des services en périphérie, la hausse du coût des transports, la modification des besoins en habitation (baisse de la natalité)...

Pour ces gens, à qui on a vendu l'idée du "bien-vivre au centre-ville", habiter les quartiers centraux, c'est habiter près des lieux de travail du centre-ville, près des centres culturels, près des services... en plus de s'offrir un chouette grand logement pittoresque! Cette nouvelle population, favorisée par les politiques municipales, change la face des quartiers. La population traditionnelle disparaît tranquillement, la vocation économique des quartiers se transforme vers un plus grand développement du secteur des services. Des clivages s'opèrent aussi à l'intérieur même de la population des quartiers. La population plus fortunée (qui est également,dans la plupart des cas, plus jeune et plus instruite) s'accapare les grands logements familiaux, forçant les moins cossus à "s'expatrier".

Une gentrification planifiée.

La gentrification découle d'une multitude de facteurs. Parmi ceux-ci, les subventions incitatives à la rénovation constituent un élément majeur.

Cette rénovation domiciliaire a un effet multiplicateur, dans la mesure où elle incite le voisinage à rénover et à spéculer, puisque les valeurs foncières avoisinantes sont toutes augmentées suite à la rénovation. Les subventions qui favorisent ce phénomène, mises en lien avec les autres interventions municipales sur ce terrain, font en sorte de privilégier clairement un type de développement basé sur l'investissement privé, au détriment de la population résidente.

Quoi qu'en disent certains, le phénomène a déjà une ampleur importante. Une enquête effectuée par le LARSI 9 nous apprend que dans les quartiers Plateau Mont-Royal, Papineau et Mile-end à Montréal, c'est à 90% des gens qui sont dans le quartier depuis moins de deux ans qui habitent les logements rénovés. Le loyer après restauration y est en moyenne de 38% supérieur à ce qu'il était avant les travaux.

De plus, dans 67% des cas, la restauration s'est soldée par la conversion du logement en copropriété.

Dans le quartier St-Sauveur à Québec, 55% des locataires de logements restaurés sont en fait de nouveaux locataires arrivés après les travaux.10

A Sherbrooke11, on a 73.6% d'augmentation des loyers après rénovations et des déménagements de l'ordre de 63%...

A Joliette, 60% des ménages du centre-ville ont dû quitter suite à des rénovations...12

Rien n'indique que cette situation va changer avec le nouveau Programme d'aide à la restauration Canada Québec (PARCQ). Au contraire, des calculs exécutés avec les formulaires mêmes de la Société d'habitation du Québec pour des logements de 4-5 pièces dont les loyers avant restauration se situent entre $200 et $300 par mois, nous permettent de constater que les locataires y assumeraient des augmentations de 26 à 46%.

On assiste également à une multiplication des logements achetés en copropriété, et les "condos à vendre" nous inondent. Dans le Plateau Mont-Royal, où le phénomène est le plus avancé, la copropriété a fait disparaître plus de 12,000 logements et 22,000 personnes ont été évincées en l'espace de 5 ans.

Avec la levée possible du moratoire sur la copropriété divise, c'est de 20,000 à 100,000 logements qui pourraient être touchés... Donc autant ou presque de ménages qui seraient déplacés...

La pauvreté se déplace.

Avec les déplacements de population entraînés dans les années 70 par les démolitions et ceux des années '80, conséquences de la rénovation et de la copropriété, ce ne sont plus seulement les vieux quartiers centraux des villes qui ont le monopole de la pauvreté. A Montréal, la pauvreté ne se concentre plus uniquement dans le "T" traditionnel. Les gens déplacés de Pointe St-Charles se retrouvent à Verdun, Ville LaSalle et même sur la Rive-Sud. Les anciens de Centre-Sud essaiment vers le nord-est, aboutissant à St-Michel ou Montréal-Nord. Un phénomène semblable a aussi été remarqué à Québec.

Bref, on a déplacé la pauvreté, et par le fait même on l'a empiré, puisque les victimes doivent aujourd'hui consacrer une part encore plus considérable de leur budget au logement et qu'en plus de les avoir déracinées de leur milieu de vie, on les a privées de services, plus développés dans les quartiers centraux des villes.

Lucie...*

Lucie cherche encore à comprendre ce qui lui a valu deux déménagements successifs en deux ans. Elle vivait d'abord, avec ses deux enfants, rue Casgrain dans le Mile-end industriel, à Montréal.

Un beau jour, le propriétaire de l'immeuble était venu lui dire que le plomberie dont elle se plaignait depuis si longtemps allait être changée: il venait d'obtenir de la Ville une généreuse subvention pour rénover sa bâtisse. Il lui annonçait, du même souffle, qu'elle devait quitter son logement durant les mois des travaux. Le montant du loyer serait ensuite doublé, de beaux planchers et une eau non rouillée valant bien, selon lui, un petit effort financier.

Découragée à l'idée de chercher un logis temporaire en plein hiver, et incapable d'assumer la hausse du loyer, Lucie avait décidé de résilier son bail, à la satisfaction, semble-t-il, du propriétaire qui, jouant sur les conditions de la subvention, "zyeutait" déjà des locataires mieux nantis.

Au terme de longues recherches, elle aboutissait une dizaine de rues plus loin, dans le Plateau Mont-Royal. Le logement coûtait toutefois 30% plus cher. Toute une ponction sur un budget déjà serré... mais tant pis! Le secteur était sécuritaire et les enfants ne changeraient pas d'école ni de garderie.

Son nouveau quartier plaisait à Lucie. Mais elle y remarqua une multiplication de bars, de traiteurs et de boutiques de vêtements "branchés". Lucie comprit à qui s'adressaient ces commerces nouveau genre, quand le retraité du rez-de-chaussée vendit son triplex à un trio de jeunes professionnels. Comme ceux-ci entendaient l'habiter en copropriété, elle reçut un avis de reprise de possession: elle devait quitter les lieux pour juillet. C'est donc ainsi qu'elle se retrouve à présent juste au nord du chemin de fer, dans un coin qui, elle l'espère, n'allume pas trop de convoitises.

Mal-loge-e-s au Québec... Les femmes : discrimination et harcèlement

A quand une année internationale des mal-logés, dont la majorité sont des femmes?

L'enquête du Comité-Logement Rosemont sur la situation des femmes locataires13 révèle que 70% de celles-ci subissent de la discrimination pendant leur recherche de logement et/ou du harcèlement au moment de l'occupation du logement. Les femmes cheffes de famille monoparentale et les assistées sociales (ce sont souvent les mêmes) sont les plus touchées par ces problèmes qui ont de graves conséquences.

La discrimination...

Avoir des enfants, être assistée sociale, être jeune, être une femme seule avec des enfants: voilà les principaux motifs de discrimination. Les deux premiers motifs sont fréquemment avoués à la locataire par les propriétaires (ou leurs intermédiaires).. Cependant, bien que les proprio disent ne pas vouloir d'enfants, on peut croire qu'il s'agit là d'une demi-vérité. En fait, ils refuseront les enfants dans la mesure, surtout, où ceux-ci ne vivent qu'avec leur mère (les femmes avec enfants et conjoint étant à peine plus discriminées que les femmes sans enfants).

Comment expliquer la discrimination à l'égard des femmes locataires? D'abord, on sait que le premier intérêt du proprio est de s'assurer d'un paiement régulier du loyer. Or, les femmes sont "réputées" pauvres... Il va de soi que cette vision des choses affecte particulièrement les assistées sociales. Les préjugés à leur égard sont tenaces, malgré les faits qui viennent les démentir (de l'aveu même d'un porte-parole, de l'Association des propriétaires, ce n'est qu'une infime minorité d'entre elles qui ne s'acquitte pas de ses obligations... tout comme les autres locataires.).

Mais les facteurs économiques ne suffisent pas à expliquer la discrimination, puisque les femmes salariées (dans une proportion de près de 30%) la subissent aussi. Il semble que beaucoup de propriétaires voient d'un mauvais oeil les femmes qui ne répondent pas à la norme"femme respectable mariée à un homme pourvoyeur". Ainsi, il n'est pas étonnant que "le fait d'être femme" soit un des trois principaux motifs de discrimination.

La discrimination a son lot de conséquences. Que faire quand à la mi-juin, on s'est vue refuser tous les logements qu'on a visités? La réponse est évidente: on se retrouve, en panique, dans un logement trop cher pour ses moyens ou en plus ou moins bon état (quand ce n'est pas un taudis). On est découragée, révoltée, on se sent impuissante et rejetée. On se retrouve souvent dans un quartier qu'on n'a pas choisi, qui répond mal à nos besoins, loin de nos connaissances.. D'après l'enquête, 50% des femmes discriminées ont connu une ou plusieurs de ces conséquences. Yvonne, une assistée sociale de 60 ans, fait partie de ces femmes. Dans sa recherche de logement, elle se concentrait sur un quartier précis afin de se rapprocher de ses enfants. Elle avait trouvé ce qui lui convenait, mais le propriétaire, connaissant ses sources de revenu, a jugé que le loyer était trop élevé pour elle. La Commission des droits de la personne, à laquelle elle a eu recours, n'a rien pu faire: le loyer excédait 35% de son revenu. Yvonne s'est par la suite trouvé un logement beaucoup plus cher, dans un autre quartier, loin de ses enfants. Elle paie $315 par mois, chauffage non-inclus, et ses revenus sont de $448 par mois.

Quand leur situation se corse, certaines femmes utilisent divers moyens pour contrer la discrimination. La tactique la plus répandue consiste à mentir sur leur situation familiale, matrimoniale et économique. Beaucoup de femmes se retrouvent ainsi obligées de mentir. "Obligées" parce que c'est, souvent le seul moyen d'avoir accès à un logement convenable.

... Puis le harcèlement.

Si la discrimination limite le droit au logement pour un grand nombre de femmes, le harcèlement limite leur droit à demeurer dans leur logement en toute quiétude quand, enfin, elles ont pu en trouver un...

Le harcèlement dont il est question ici est un ensemble de situations qui visent à intimider les femmes locataires, qui leur empoisonnent la vie et qui contribuent à leur faire prendre des décisions, poser des gestes à rencontre de leurs intérêts. Ce problème s'inscrit donc clairement dans les rapports de pouvoir hommes-femmes ainsi que propriétaires-locataires.

Le harcèlement prend différentes formes: visites à l'improviste sans la permission de la locataire, indiscrétions sur la vie privée, insultes et injures, menaces (d'éviction, de coupure de service), refus de faire des réparations, harcèlement sexuel. Ce dernier est souvent combiné aux autres formes de harcèlement. Les résultats de l'enquête démontrent que 47.5% des femmes interrogées ont vécu au moins une situation de harcèlement. Celles qui en sont le plus souvent victimes vivent généralement dans des logements ayant besoin de réparations et reçoivent de l'aide sociale.

Les femmes ne sont assurément pas les seules, parmi les locataires, à subir du harcèlement. Cependant, il est très probable que la nature du harcèlement diffère selon le sexe et le statut civil des locataires. On sait que le harcèlement sexuel est le lot des femmes dans la grande majorité des cas. Qu'en est-il des autres formes? Bien qu'aucune donnée officielle ne soit disponible sur la question, de nombreux témoignages laissent croire qu'au moment où une femme n'habite pas ou plus avec un conjoint, le harcèlement risque d'apparaître ou de se faire plus insistant.

Louise s'est retrouvé seule après le départ de son mari; seule avec trois enfants...et un maigre chèque mensuel d'aide sociale.

C'est à ce moment que ses problèmes de logement sont apparus. Hausses de loyer excessives, visites à n'importe quelle heure du jour ou du soir, "complots" avec les voisins, injures, menaces de coups, reprise de possession (manquée!), plaintes à propos des enfants, etc., etc. Ce que le propriétaire ne savait pas, c'est qu'il avait affaire à une "batailleuse" qui tenait mordicus à garder son logement... et qui connaissait ses droits. Louise a remporté trois victoires à la Régie du logement contre son propriétaire. Malheureusement, ce dernier a décidé d'entreprendre des réparations majeures dans son logement (seulement dans son logement). Façon quasi incontournable de se débarrasser d'elle définitivement (la hausse de loyer subséquente a empêché Louise de retourner dans son logement).

D'autres fois, le harcèlement peut sembler gratuit. Amoncellement de "petits riens"... "petits riens" qui cachent souvent un paternalisme certain. Un paternalisme dont il est difficile d'ailleurs de se défaire, quand on a commencé "à jouer le jeu". En fait, plus souvent qu'autrement, la relation "bon-papa-proprio vs bonne-fille-locataire" est piégée parce qu'elle repose sur un rapport de pouvoir-autorité et non sur un rapport d'égalité et d'affaires. Ainsi, quand la relation "père-fille" est installée, la marge de manoeuvre de la locataire diminue. Si cette dernière, par exemple, décide de contester la hausse de loyer, la bonne entente disparaît.

Elle devient une fille ingrate, trop exigeante... Si par contre elle ne conteste pas la hausse, par crainte de rompre les bons rapports, elle risque de voir ses conditions de logement se détériorer. Là est le piège...

Les conséquences du harcèlement sur la vie des femmes locataires sont nombreuses. A celles déjà mentionnées s'ajoute un fort sentiment d'insécurité des femmes dans leur logement. Du total des femmes interrogées, 21.9% se sentent peu ou pas en sécurité dans leur logement. Alors que 28.3% de celles qui ont vécu 1 ou 2 cas de harcèlement se sentent insécures, le pourcentage est de 41.5% pour celles qui en ont vécu 3 ou plus. Comment se protéger par une porte barrée contre quelqu'un qui a la clef?..

Dans un tel climat d'insécurité, il est facile d'imaginer que les conséquences du harcèlement touchent aussi les enfants. Ceux-ci sont indirectement affectés par la situation, soit à cause de la grande nervosité de la mère, soit parce que les proprios les utilisent comme boucs émissaires ou encore parce qu'eux aussi ressentent un malaise dans une telle atmosphère. Confrontée à ce problème, une femme n'a souvent que le déménagement comme solution, avec tous les frais que cela comporte.

D'autres conséquences sont les sentiments d'isolement et la peur. La pénurie des ressources et de services de support vers lesquels les femmes pourraient se tourner ainsi que le peu d'importance accordé à de telles plaintes les isolent davantage et suscitent chez elles des attitudes d'anxiété, de doute et souvent de compromis.

Globalement, si on se fie aux résultats de l'enquête du Comité-logement Rosemont et aux nombreux témoignages entendus, les conditions de logement des femmes ne sont guère reluisantes. Et ce, en particulier pour les assistées sociales et les cheffes de famille monoparentale.

Les conditions de logement des femmes sont bien sûr liées à leur condition économique. Si les femmes n'étaient pas pauvres, la discrimination et le harcèlement auraient moins de conséquences. Mais même cela ne réglerait pas tous les problèmes basés sur des motifs non-économiques, sur les rapports de pouvoir hommes-femmes. Les conditions de logement des femmes sont aussi liées à leur condition sociale.

Les jeunes: aspirants-locataires!

Qui sont ces jeunes?

Les jeunes qui ont des problèmes de logement? Presque tous!. Bien sûr, on ne peut pas parler de La Jeunesse, les réalités sont différentes, les problèmes à différents niveaux... Entre le kid fils-à-papa qui s'établit sur financement parental dans un chouette logement à côté de son université et l'autre kid sortant tout démuni d'un centre d'accueil, il y a un monde!

Laissons tomber ici cette première catégorie et attachons-nous à ces jeunes pour qui trouver un logement est une expérience difficile, douloureuse et souvent très coûteuse.

Entre autres, ceux et celles qui forment la cohorte des 176,000 assisté-e-s sociaux de moins de 30 ans, les 47.1% des moins de 25 ans qui sont sous le seuil de pauvreté. De ceux-là, une bonne majorité des 50% de jeunes qui ne terminent pas leur secondaire. La pauvreté des jeunes se décompose, se ramifie... elle n'en reste pas moins une réalité globale qui a de quoi faire peur!

Etudiant-e ou ex-prisonnier-e, sortant d'un centre d'accueil ou de la maison parentale, vivotant sur l'aide sociale ou petit-e travailleur-euse... le jeune se retrouve confronté à la dure réalité du marché immobilier, avec son manque de logements à loyer abordable, ses proprios proches de leurs sous (c'est le moins qu'on puisse dire!) et soupçonneux avec ça!

Il se cogne aussi le nez sur les politiques gouvernementales pas toujours élaborées d'une façon qui "aide" vraiment: qu'il s'agisse de la loi du logement (loi 107), qui fait peser sur le locataire la responsabilité des mesures à prendre... ou des politiques sur les HLM qui en interdisent l'accès aux personnes seules de moins de 40 ans...

Etre jeune face à cette jungle, c'est n'avoir que sa naïveté et sa bonne volonté pour affronter une "game" qui se joue à un autre niveau.

Discrimination, vous dites?

Etre jeune, c'est subir une discrimination spécifique, en plus de subir tous les autres types de discrimination.

Etre jeune et pauvre, c'est faire face aux mêmes refus que toutes les personnes pauvres.

Etre jeune et femme, c'est embarquer dans le "bocket" des femmes, avec la kyrielle de problèmes qui s'en suit.

Etre jeune et noir, idem. Et ainsi de suite.

Mais être jeune, c'est en plus être présumé coupable, malgré tous les habeas corpus du monde...

Quels que soient tes revenus, on présume que tu n'as pas d'argent. Tu dois faire la preuve du contraire. On présume que tu es instable.

On présume que tu feras du bruit. On présume que t'es drogué. On présume que tu n'entretiendras pas le logement. On présume que tu brises tout ce qui te tombe sous la main. On présume que tu veux pas travailler... Et il n'y a pas de porte de sortie.

De tous temps, face à la discrimination, la sagesse populaire a su inventer les mensonges en blanc qui permettent de s'en sortir: une personne en chômage peut toujours prétendre avoir une bonne job... Quand t'es jeune, comme quand t'es une personne de couleur, tu peux pas prétendre le contraire: c'est écrit dans ta face! Quand t'es jeune, ton allure et ton âge témoignent contre toi: t'es coupable de tous les torts.

Les patterns de discrimination sont les mêmes pour tous et toutes: t'as des caractéristiques spécifiques qui te collent à la peau et qui déterminent si t'as droit à un logement ou pas.

Où peut-on se loger?

Pauvres, inexpérimenté-e-s et généralement sans meubles, les jeunes sont des proies faciles pour ces rapaces loueurs de bachelors meublés à $300-$350-$400 par mois.

Nettement trop cher quoi!

Naïf-ve-s et plein-e-s de bonne volonté, les jeunes sont facilement exploitables.

Ils ne savent pas, de prime abord, raconter le tissu de mensonges nécessaire pour obtenir la faveur qu'on leur loue un bon logement abordable (d'autant que la compétition est féroce pour ce type de logements trop rares.).

Ils ne savent pas évaluer la qualité d'un logement autrement qu'à son allure plus ou moins moderne. Ils ne savent pas refuser les obligations abusives que leur imposent certains proprios (exhiber son carnet de banque, donner les coordonnées d'un quelconque endosseur, signer des clauses particulières tout à fait prohibées par la loi 1Q7.. et les respecter!)

S'ils ne connaissent pas leurs droits, bien évidemment, ils ne savent pas non plus les défendre: face à un avis d'augmentation, ils déménagent plutôt que de contester, contribuant, bien malgré eux, à une hausse générale du coût des loyers.

Souvent, sortant de prison ou de centre d'accueil, ils ont la ferme volonté dorénavant d'être intègres. Ils constituent donc une clientèle docile, prête à payer, à payer cher s'il le faut, facile à berner et à exploiter.

Comme toutes les autres victimes de discrimination, ils sont réduits à louer des logements petits, inadéquats et chers, à des proprios qui se spécialisent dans ce genre de clientèle refusée par les autres... parce que les escroquer est rentable.!

Alors, comment ça va, la vie?

Une fois décroché, ce logement, cette perle... tout n'est pas réglé, tout ne devient pas simple. Pour plusieurs, l'organisation du quotidien est un cauchemar: savoir faire l'épicerie, savoir préparer des repas, quel drame! Conséquence: on bouffe mal et cher. D'autre part, un loyer de $350 par mois, c'est beaucoup plus qu'un chèque de BES. C'est même beaucoup pour un salaire de $4/h.(plus que deux semaines de travail). Pour pouvoir le payer, c'est le cycle infernal qui s'enclenche, qui conduit à s'accrocher désespérément à une job, même pourrie, même dangereuse (et là, c'est les patrons qui en profitent, faisant peser sur leurs épaules le poids de l'insécurité: c'est fou le nombre de jeunes congédiés avant d'obtenir leur permanence et/ou leur adhésion au syndicat!).

Ou alors, c'est la recherche des "side-line", légaux ou pas.

Pascal

19 ans, depuis l'âge de 16 ans, il circule entre le centre d'accueil, un p'tit appartement, ou alors celui de sa mère, ou alors celui de sa soeur... Il essaie, tant bien que mal, de s'en tirer tout seul.

Comme beaucoup, il a un secondaire II pas terminé et il fait n'importe quoi: plongeur, passeur de moppe, "helper" dans une quincaillerie... Quand il travaille, c'est pour un gros $4/h... ou moins!

Depuis un an, sa "majorité" l'exclut des centres d'accueil, sa vie n'en est donc que plus précaire.

Par rapport au logement, il ne réussit généralement qu'à se louer des bachelors à prix de fous. D'un congédiement à l'autre, il se retrouve fréquemment incapable de payer le loyer, et conséquemment, il se voit obligé de re-re-déménager...

Un jour, il se trouve une job à l'allure stable, dans une quincaillerie. Comble de fortune, il réussit à se dénicher Avec son maigre salaire, il décide de enfin s installer et de s'acheter des meubles.

Issu d'une famille pauvre, ayant envie par dessus tout de s'en sortir, Pascal est enfermé dans une espèce de culture de l'anti-pauvreté. Ses meubles, ses rideaux: du neuf, du beau... du "au-dessus de ses moyens". Tant pis: pour payer tant le loyer que les beaux meubles, il coupe sur la bouffe et recommence à "pusher". Pascal, c'est un jeune homme comme bien d'autres, qui rêve de cesser ses petits commerces, de travailler, de rester avec sa blonde... Qui rêve d'une vie "comme tout le monde" quoi!

un 3 1/2...

Les personnes agées: plus vulnérables encore!

Au Québec, au-dessus de 600,000 personnes reçoivent des prestations au titre de la sécurité de la vieillesse. De ce nombre, une majorité n'a pas d'autre source de revenu.

Ces personnes âgées, elles vivent à 94% dans des logements du secteur privé: à peine 6% vivent en institution (malgré cela, 92% des ressources sont drainées par ces milieux).

Selon le type de logement dans lequel elles habitent, les problèmes qu'elles rencontrent sont différents ou n'ont pas la même acuité.

Dans le marché privé "ordinaire".

Dans ce secteur, les personnes âgées sont aux prises avec l'ensemble des problèmes qui affectent les gens à faible revenu: loyer trop élevé, logement en mauvais état, réparations à faire qui s'accumulent, intimidation de la part des propriétaires, méfiance à l'endroit de la Régie du logement et peur des représailles... Ainsi, c'est pas moins de 41.5% des ménages locataires âgés qui paient plus de 30% de leur revenu pour se loger14. En moyenne, les ménages locataires de plus de 55 ans consacrent 34.1% de leur revenu au logement (en '83).15 De plus, il est à peu près impossible pour les personnes âgées de se trouver des appartements où elles peuvent non seulement pénétrer et se déplacer aisément mais aussi avoir la pleine jouissance de leur logement.

Un logement minimalement confortable étant pourtant le besoin #1 identifié par les personnes âgées interrogées lors de l'enquête à ce sujet de l'Association des consommateurs du Québec. Selon cette enquête, 42% des personnes âgées sont insatisfaites de leur logement, et 67% déplorent de ne pouvoir trouver de logement à prix abordable.16

D'autre part, au niveau de l'accessibilité financière au logement, on peut poser de sérieuses critiques au programme Logirente. En effet, même en abaissant les critères d'éligibilité de 65 à 60 ans, ce programme ne touchait, en '86, que 25,000 ménages, au lieu des 60,000 prévus. Le peu d'intérêt accordé par les personnes âgées à ce programme est bien compréhensible, si on confronte l'ampleur des démarches à accomplir avec le peu de soutien qu'il est possible d'obtenir.

En milieu rural, 80% des retraité-e-s habitent leur maison, ce qui ne signifie pas pour autant qu'ils sont dans une meilleure situation, leur logement ne répondant souvent pas aux normes idéales d'isolation et de salubrité.

Dans les "résidences pour personnes âgées".

Le problème principal qu'on rencontre dans ce type d'immeuble est bien sûr le coût astronomique des loyers.

D'autres aspects posent des difficultés:

Dans les HLM

Y'a d'abord -et c'est le leitmotiv de ce dossier!- un manque flagrant au niveau du nombre de places disponibles...

De plus, ce qui est construit est souvent inadéquat. On fait aussi face à une sélection "cachée" des locataires... connue de tous mais toujours impossible à prouver. L'administration, si elle n'est pas despotique, est paternaliste et infantilisante. Et les services sont, règle générale, insuffisants.

En institution.

Les institutions qui reçoivent les personnes âgées sont de divers type: hôpitaux, centres d'accueil, centres de jour, familles d'accueil...

On se cogne le nez, là encore, à une insuffisance du nombre de places par rapport aux besoins exprimés... les listes d'attente sont longues.. la bureaucratie rigide et lourde...

En lien avec ces institutions, un fléau important est l'existence de foyers clandestins, opérant sans permis, et véritables nids d'exploitation...

Majoritairement pauvres, souvent seules et isolées, dans bien des cas en perte d'autonomie progressive, les personnes âgées constituent un des secteurs de la population particulièrement vulnérable devant les problèmes (nombreux) de logement.

"ON VEUT PAS DE NOIRS ICI..."

La discrimination face aux minorités ethniques, principalement vécue à Montréal, s'exprime sous des modes divers et recouvre différents aspects de la vie. Les patterns de discrimination étant ce qu'ils sont, on comprend que ceux et celles qui la subissent le plus sont les minorités les plus visibles. L'ensemble des communautés d'origines ethniques différentes ne la vivent donc pas au même niveau. Nous nous attacherons ici principalement aux personnes de couleur... ceux et celles qui peuvent difficilement cacher "qu'ils viennent d'ailleurs"... Leurs problèmes face au logement sont multiples et dépassent la simple difficulté à se trouver un logement.

La recherche de logement

Si, pour bon nombre de locataires, la recherche de logement constitue un problème, pour les personnes de couleur, ça vire au cauchemar.

Tous les prétextes sont bons pour ne pas leur louer -et toutes les tactiques sont utilisées: du genre fuyant "c'est déjà loué", jusqu'au mode agressif "on veut pas de noirs ici", en passant par l'allure gênée: "moi, vous savez, je suis pas raciste, mais les autres locataires vont faire du trouble..."

Les motifs allégués sont de tous ordres, égrenant le chapelet des préjugés: sur l'odeur de la nourriture, les coquerelles, l'entassement, l'entretien du logement, et on en passe...

Selon une enquête réalisée en '82 par le Mouvement québécois pour combattre le racisme17 , 60% des personnes de couleur interrogées pensent que le fait d'être noir constitue un handicap dans la recherche d'un logement à Montréal.

De plus, 42% affirment que certains quartiers ont recours à des pratiques discriminatoires pour restreindre l'accès à l'habitation.

70% des personnes interrogées ont été confrontées à de la discrimination implicite: genre "c'est déjà loué". 70% également se sont fait poser des questions particulières sur le nombre de personnes qui habiteraient le logement, 25% des questions sur l'entretien et 20% au moins ont fait face à un brutal "on veut pas de noirs".

Certains propriétaires louent...

...à des conditions particulières. Ainsi, sur la rue Maurice-Duplessis à Montréal-Nord, un propriétaire possède deux blocs de 8 logements. Dans l'un, il ne loue qu'à des Québécois-e-s; dans l'autre, qu'à des Haïtien-ne-s. Pour des blocs identiques aux logements

identiques, les loyers sont singulièrement plus élevés dans l'un que dans l'autre...Le proprio se dit non-raciste: il loue à des noirs. Mais il les entasse dans le même bloc pour ne pas, dit-il, incommoder des voisins blancs. Il leur loue plus cher parce que, dit-il, les logements habités

par des Haïtien-ne-s coûtent plus cher à entretenir!!! Sans farce!

D'autres incluent dans le bail des clauses particulières:

La liste des clauses abusives et discriminatoires peut s'allonger... et elle s'allongera d'autant plus que les locataires seront dépourvus. Plus ils sont pauvres, plus ils ont de difficulté à s'exprimer en français, moins ils savent lire et écrire, moins ils sont familiers avec notre

mode de vie... plus on en profite pour les exploiter.

Une fois dans le logement.

Les difficultés ne cessent pas pour autant. Les relations avec le voisinage constituent un des aspects problématiques. Les enfants sont fréquemment victimes de manifestations racistes de la part des enfants des alentours. Ce facteur, additionné à une peur terrible du froid, incite souvent les parents à garder les enfants dans la maison.

Comme on sait que plus souvent qu'autrement, leur bas revenu (évidemment, la discrimination raciale a souvent aussi une incidence sur le revenu...) combiné aux pratiques discriminatoires, les contraint à louer des logement trop exigus, le fait de garder les enfants à l'intérieur ne va pas sans poser quelques problèmes: des chicanes d'enfants normales prennent une ampleur dramatique dans ces logements souvent mal insonorisés... les voisins s'empressent trop souvent de sauter sur le prétexte pour se plaindre.

L'ensemble de ces aspects font de la question du logement un problème important dans la vie des personnes de couleur.

A cela s'ajoute la méconnaissance de leurs droits et la peur. On l'a déjà vu, la méconnaissance de leurs droits et la difficulté à se trouver un logement conduisent souvent ces personnes à signer des baux aux clauses abusives. Il en va de même face aux augmentations de loyer ou tout autre problème du même ordre (réparations, reprises de possession, etc). Ignorance des recours, peur des représailles, peur de ne pas se trouver un autre logement... la liste est longue des raisons qui les poussent à accepter des situations inacceptables.

Les personnes handicapees a part egale ???

Pour les personnes handicapées, la question du logement n'est pas seulement difficile, elle est surtout complexe. Trop de dimensions entrent en ligne de compte pour qu'on puisse en faire, le tour correctement en peu de mots.

Il fut un temps où le problème ne se posait pas : on croyait en effet que de rassembler les personnes handicapées sous un même toit, avec à cet endroit tous les services dont elles pouvaient avoir besoin était une excellente chose.

C'était négliger bien des aspects: une telle organisation, en effet, doit fonctionner selon les besoins de l'ensemble, et non selon les besoins particuliers de chacun-e.; le respect de la vie privée et de l'espace vital est chose difficile... mais surtout, une telle organisation reflète une attitude d'exclusion des personnes handicapées, une consécration de leur "différence".

On parle aujourd'hui de désinstitutionnalisation. Mais cela n'est pas simple.

Des logements accessibles.

La première condition à la vie normale des personnes handicapées dans un logement normal... c'est d'abord de se trouver un logement qui leur convienne: un logement exempt de barrières architecturales et adapté à leurs besoins (hauteur du lavabo, disposition de la salle de bain, etc.).

Des programmes existent, bien sûr, pour permettre ces travaux d'adaptation, et des dispositions existent pour rendre obligatoire l'accessibilité des bâtiments. Mais c'est insuffisant: le code du bâtiment oblige en effet les bâtiments à être accessibles aux personnes handicapées.. mais pas tous les bâtiments: les immeubles résidentiels de peu d'étages en sont exemptés.

Au niveau des programmes de subventions pour les travaux d'adaptation, c'est une situation épouvantable.

Jusqu'à récemment, cinq organismes différents géraient ces programmes: la Commission de santé sécurité au travail, la Régie de l'assurance automobile du Québec, l'Office des personnes handicapées du Québec, la Société d'habitation du Québec et la Société canadienne d'hypothèque et de logement... de quoi perdre son latin à travers de la multitude de formulaires.

L'intégration souhaitée de ces programmes a enfin été réalisée... mais à rabais. C'est dorénavant la SHQ qui gère cette question, par le biais du programme PARCQ. Cependant, en fonction des critères de ce programme, les subventions ne peuvent dépasser un maximum de $5,000. Le revenu de l'ensemble de la famille de la personne handicapée est pris en considération, des centaines de demandes qui avaient été jugées admissibles par l'OPHQ sont refusées... et en plus, le programme n'est pas opérationnel dans plusieurs régions du Québec. Il s'agit donc d'une intégration à rabais qui implique d'importantes coupures

D'autres besoins...

Au-delà de cette accessibilité physique à un logement et des problèmes qui vont avec, d'autres dimensions sont importantes.

L'accessibilité financière par exemple. Les personnes handicapées constituent une des couches de la population qui souffre le plus de l'absence de logements sociaux. On sait notamment qu'elles peuvent avoir accès à 10% des unités HLM. Mais il ne s'en fait pas assez.

Le supplément au loyer, instauré il y a déjà quelques années pour les personnes handicapées, constitue aussi un moyen intéressant d'accessibilité financière pour plusieurs d'entre elles. Cependant, seules les personnes ayant un handicap physique y ont accès. Les personnes ayant un handicap intellectuel ou sensoriel sont écartées... On fait donc face à une conception administrative limitée du handicap.


D'autre part, le fait d'habiter dans un logement présente d'autres dimensions problématiques: l'existence de services spécialisés d'emploi, à l'intérieur même du réseau régulier; l'accès à des écoles ouvertes à la différence; l'accessibilité aux services courants (épicerie, banque...) et à des loisirs; l'existence de facilités de transport adapté et l'adaptation du transport ordinaire (par exemple au niveau des transports provinciaux...); les possibilités de services de maintien à domicile ou de soutien à la famille... Tous ces éléments entrent en ligne de compte lorsqu'il est question de désinstitutionnalisation...

L'intégration des personnes handicapées à la vie "normale", leur reconnaissance comme personnes et citoyen-ne-s à part entière passent donc par une transformation réelle de notre organisation sociale.

Vivre en chambre : à ses risques et périls!

Parce que leur sécurité physique est menacée, les chambreurs choisissent parfois de quitter les maisons de chambres des vieux quartiers centraux de nos villes. Rien d'étonnant à cela, lorsqu'on sait que ces maisons sont trop souvent des foyers d'incendie. Au cours des dernières années, la moyenne des incendies dans les maisons de chambres est passée à 1.4 par semaine, au Québec.

A Montréal, la ville affirme que 27 chambreurs ont ainsi perdu la vie , et ce, entre '80 et '84 ( sans parler des nombreux blessés).

Voilà ce qui les amène, lorsqu'ils n'ont pas les moyens de s'offrir quelque chose plus cher, à faire bien malgré eux une demande d'admission dans un centre d'accueil, ou à chercher refuge dans un des centres d'hébergement où on s'occupe des itinérants.

Les normes de salubrité, établies au siècle dernier, n'assurent pas autre chose que des conditions de logement indécentes et cela entraîne des conséquences graves sur la santé physique et mentale de ceux et celles qui y habitent..

Lorsque la petite épicerie du coin disparaît, qu'il faut chercher les espaces verts dans les stationnements municipaux, que la maison de chambres de ses meilleurs amis se fait démolir pour laisser apparaître de nouveaux stationnements, privés et bien asphaltés ceux-là (Montréal loge plus de voitures que de chambreurs dans son centre-ville... comme si l'augmentation des uns entraînait fatalement la diminution des autres...), lorsqu'il ne faut même plus penser aux espaces communautaires, peut-on encore parler de qualité de vie pour les plus démunis, qui n'appartiennent pas aux nouveaux réseaux économiques, sociaux et culturels des centres-villes?

L'état actuel des stocks.

On le sait, nous assistons actuellement à une diminution importante du nombre des chambres et des maisons de chambres.

A Montréal, la diminution est de plus de 40% au centre-ville, entre 79 et '81, ce qui est 4 fois supérieur à la diminution déjà entreprise entre 75 et 79. Ces données sont le fruit d'une enquête réalisée sur le terrain à l'automne '81 par la Table de concertation sur les maisons de chambres. Depuis, l'enquête réalisée par le Conseil du développement du logement communautaire18, réalisée en '82-'83, est venue confirmer ces résultats.

Selon eux, la diminution est de 48% entre 77 et '82, ce qui représente la disparition de plus de 5,000 chambres.

On assiste donc depuis 79 à une chute dramatique des chambres et maisons de chambres du centre-ville et ce , sans compensation dans les quartiers périphériques, comme le révèle une autre étude effectuée par des étudiant-e-s de l'Université de Montréal19 . La Table de concertation estime qu'à l'heure actuelle, il n'y a plus que 5,000 chambres disponibles. Dans les vieux quartiers de la ville de Québec, la situation est relativement semblable. On estime qu'à l'heure actuelle, il n'y a environ que 2,000 chambres disponibles. Pendant les années 70, 1340 chambres sont disparues, soit 40%.

Pourquoi cette baisse importante?

L'analyse des faits porte à croire qu'une des raisons importantes de la diminution du stock de maisons de chambres à Montréal est due à l'absence de politique municipale sur la question, alors qu'une ville comme Toronto a adopté des mesures afin de préserver ce type de logement.

Ajouté à cette absence de politique municipale, il y a aussi le phénomène du "retour à la ville" de la "petite bourgeoisie" des banlieues. En même temps, la baisse drastisque du nombre de maisons de chambres coïncide avec l'augmentation du nombre d'hôtels, quand il ne s'agit pas de leur transformation en boutiques, bureaux ou condos...

Ces transformations des quartiers centraux produisent partout les mêmes conséquences. Ainsi, à Québec, l'aménagement de la Gare du Palais, lié à celui du Vieux Port, font disparaître quelque 300 chambres... Le réaménagement des berges de la Rivière St-Charles produit des effets du même ordre...

Qui sont les chambreurs?

Les différentes études qui ont été faites sur la vie des chambreurs concordent pour définir le chambreur comme étant une personne seule, sans relation familiale continue, avec un niveau de scolarité et de revenu très bas, qui passe une très grande partie de son temps à écouter la radio ou la télévision, qui se dit elle-même en mauvaise santé et est souvent affectée de troubles de santé mentale; ses conditions de logement sont très généralement déplorables.

Faut-il dès lors s'étonner qu'elle préfère son quartier à sa chambre? Celle-ci se présente dans la majorité des cas comme un espace sale, mal équipé, froid, mal entretenu et cher.

Des enquêtes faites il y a quelques années par les CLSC Centre-ville et St-Louis du Parc20 montrent que la clientèle des maisons de chambres est composée de personnes à faible revenu; près de 50% de ces personnes sont du 3ième âge et la majorité sont des hommes.97% vivent seuls: 69% sont célibataires, 17% veufs et 11% séparés ou divorcés.

D'autre part, on constate depuis quelques années une nouvelle population grandissante dans les chambres. Il s'agit d'ex-psychiatrisé-e-s et de jeunes assisté-e-s sociaux.

Avec 61% des maisons de chambres, le centre-ville de Montréal regroupe une population de chambreurs plus âgés et moins mobiles que dans les secteurs périphériques. En fait, tandis qu'il y a deux fois plus de personnes âgées parmi les chambreurs du centre-ville, les quartiers périphériques en comptent deux fois moins: l'âge moyen y est de 35 ans.

De façon générale, pour l'ensemble des chambreurs et en particulier pour ceux des centres-villes, les conditions de vie se résument à deux mots: dépendance et aliénation.

Le prix des chambres représente 50% de leur revenu et s'il s'agissait pour eux d'aller vivre dans un petit appartement, c'est 75% du revenu qui y passerait.

D'autre part, l'état de ces chambres est à considérer.

L'enquête effectuée par le CLSC Centre-Ville (Montréal) révèle que 50.5% n'ont pas de téléphone, 64.3% n'ont pas de toilette privée, 9.1% pas de poêle, 8% pas de frigo, 33.3% pas de bain et 66% pas de douche. Une récente enquête de la ville de Montréal révélait que sur 248 maisons de 10 chambres et plus au centre-ville, à peine 12 sont sécuritaires et salubres.

Dans la ville de Québec, 35% des chambres sont dans un état détérioré.21

Dans la ville de Joliette, la situation est la même... et pour un coût élevé: les chambres se louent entre $120 et $150 par mois...à des personnes dont le revenu, pour les 2/3, est de moins de $5,000 par année( en 1983).22

Un autre aspect de la question qui fait frémir est l'exploitation féroce dont sont souvent victimes les chambreurs. Un policier de la ville de Québec (la police, faut le faire!) dénonçait dernièrement le "racket" des maisons de chambres: chèques de pension ou d'aide sociale volés, trafic de mauvais médicaments, pratiques usurières, etc.23

C'est pas toujours rose d'etre propriétaire.

A grand renfort de publicité, les gouvernements se sont fait une joie de nous annoncer récemment que nous étions enfin devenu un peuple de propriétaires, après avoir toujours été un peuple majoritairement locataire. Signe évident de réussite et de richesse selon eux, le fait d'être maintenant 53% de propriétaires au Québec devrait à lui seul nous convaincre que tout va pour le mieux. Mais est-ce si vrai que ça qu'un titre de propriété préserve de la misère?

Trop pauvre pour être locataire.

Madame Huguette Pageau, de Ste-Agnès, près d'Huntington, est propriétaire de sa maison mobile. Pourquoi habite-t-elle une maison mobile à longueur d'année? "Parce qu'avec mon revenu de $625 par mois de l'aide sociale et ma petite fille, je n'ai pas les moyens de payer un lover de $400 à Longueuil, même si c'est là que vit ma famille". Ce qu'elle apprécie le plus dans sa maison: "mon loyer de $155 par mois, services compris".Ce qu'elle craint le plus: "que quelque chose d'important brise parce que je n'ai pas les moyens de le faire réparer". Son plus beau rêve: "pouvoir faire ré-isoler ma roulotte".

Madame Pageau est une des 33,000 propriétaires qui, parce qu'ils gagnent moins de $20,000, n'ont accès qu'à des maisons mobiles d'une valeur inférieure à $19,000. Dans les municipalités rurales en particulier, c'est souvent la seule façon de se loger car les logements locatifs ne représentent que 17% du stock de logements. Bien malgré eux, ces propriétaires contribuent à entretenir le mythe du Québécois heureux parce que propriétaire.

Trop pauvre pour être subventionné.

Madame Pauline Brisson est propriétaire d'une maison à Val Limoges, près de Mont-Laurier, depuis '61. Agée de 55 ans, elle y habite avec son mari, un retraité de 71 ans, une bonne mais vieille maison de ferme de deux étages en bardeaux de bois.

Après avoir attendu jusqu'à '81 pour avoir l'eau courante, elle reconnaît que sa maison a encore besoin de réparations importantes. Mais refaire le revêtement extérieur, l'isolation, la plomberie et la fosse septique coûterait autour de $ 15,000.

Pourquoi n'utiliserait-elle pas le nouveau Programme d'aide à la restauration Canada-Québec (PARCQ) pour financer ces travaux? "Quand on me parle de rénovation, j'ai peur! Je ne peux pas arriver avec une hypothèque et je ne veux pas perdre ma maison. Où on irait? Les logements à louer sont rares par ici et ils sont trop chers pour nos moyens". En attendant, même si elle a le chauffage électrique, elle n'en continue pas moins de chauffer au poêle à bois car dans une maison mal isolée l'électricité coûte beaucoup trop cher. Peut-on lui donner tort? Avec comme seul revenu le régime des rentes de son mari, elle aurait droit à une subvention de $5,000 et devrait donc emprunter $10,000... Où trouver cet argent, et surtout comment le rembourser?

Le cas de madame Brisson n'est pas un cas isolé.

Pour les petits propriétaires occupants, le programme PARCQ représente un net recul par rapport aux anciennes formes d'aide à la restauration. Un ménage de 2 personnes gagnant plus de $15,000 par année n'aura plus droit à aucune forme d'aide à la restauration dans la grande majorité des villes du Québec. Une famille de 4 personnes perdra toute aide à partir de $16,000. Et l'aide reçue sera de beaucoup inférieure à ce qu'elle était dans le passé: $5,000 pour un ménage gagnant moins de $13,000; $4,000 pour les moins de $15,000; $3,500 pour un revenu de $16,000 (pour ceux qui demeurent éligibles...).

  • 273,000 (23.6%) propriétaires de maison individuelle gagnent moins de $15,000 par année et consacrent 38% de leur revenu à se loger.
  • 58.9% ont un emprunt hypothécaire et sont, à vrai dire, locataires de la banque.

Mais que font donc les gouvernements?

Depuis le début de l'Année internationale , on a eu droit à bien des larmoiements de la part des élus sur le sort des sans-abris du Québec. Ils ont parfois poussé la compassion jusqu'à s'attrister sur le sort d'autres mal-logés... en s'empressant cependant d'ajouter qu'ils n'étaient quand même pas si nombreux et que la situation était de toute façon moins pire qu'ailleurs! Mais que font donc les gouvernements pour lutter contre cette pauvreté dans le logement? Bien peu... sinon contribuer, par leurs propres politiques, à détériorer une situation déjà scandaleuse: désinstitutionnalisation sauvage dans la santé et les services sociaux; encouragement à la rénovation spéculative; politiques de revitalisation (lire rentabilisation) des centres-villes qui ont pour effet de chasser les résident-e-s; absence de volonté de contrôler le marché privé...

De moins en moins de logements sociaux

Ce n'est malheureusement pas tout. L'Etat, à tous ses niveaux, s'acharne depuis quelques années à couper dans les minces programmes de logements sociaux, instaurés au cours des années '60 et 70 sous le coup des pressions populaires. En fait, le nombre de logements sociaux n'a jamais cessé de diminuer depuis le début des années'80. Alors qu'en 79, le gouvernement fédéral investissait dans la production de plus de 10,000 unités de logements publics (HLM), coopératifs et sans but lucratif au Québec, ce nombre a chuté progressivement aux alentours de 6,000 pour atteindre à peine un peu plus de 3,000 en '86.

Cette dernière baisse est le résultat direct de la nouvelle Orientation nationale de la politique du logement adoptée en décembre 1985 par le gouvernement conservateur, ainsi que de la nouvelle entente fédérale-provinciale signée en mai '86 avec le gouvernement du Québec. Voilà comment se concrétisaient les beaux discours gouvernementaux sur la nécessité d'aider «les plus démunis» de notre société. Comme le gouvernement fédéral évaluait à 225,000 ménages le groupe-cible prioritaire à toucher au Québec , il ne s'est donc décidé à en aider qu'environ 1.5% en '86. Belle façon de venir en aide aux démunis!

'87 n'annonce rien de bien mieux. Un communiqué de presse émis le 29 janvier '87 par les gouvernements fédéral et provincial nous annonce fièrement que durant l'Année internationale du logement des sans-abris, on réalisera 4,800 unités de logement social, ce qui représenterait une certaine amélioration par rapport à '86. A noter cependant qu'il ne s'agit là que de prévisions et que pour les HLM, les coopératives et le logement sans but lucratif, qui sont les formules ayant le plus fait leurs preuves pour loger les faibles revenus adéquatement, l'augmentation sera à peu près nulle... Par ailleurs, nous savons déjà que le gouvernement du Québec entend abolir son propre programme d'aide aux coopératives d'habitation qui a permis la réalisation de 600 unités en '85 et de quelque 300 en '86. Il couperait aussi très sérieusement dans les subventions aux groupes de ressources techniques, chargés depuis '77 de la livraison des logements coopératifs. Ce qu'on gagne ou semble gagner d'un côté, on le perd de l'autre!

Une zone grise

La nouvelle orientation gouvernementale en matière de logement social en restreint également sérieusement l'accessibilité, laissant sur le carreau bon nombre de bénéficiaires potentiels. Le critère retenu pour l'accès aux divers programmes de logement social est le fait d'avoir à consacrer au moins 30% de son revenu pour pouvoir se loger convenablement. Ce critère est pour le moins douteux. Ne considérait-on pas, il y a quelques temps à peine, qu'il était risqué pour des ménages de consacrer plus de 25% de leur revenu pour se loger, puisque cela signifiait qu'ils devaient couper dans d'autres besoins essentiels? Est-il plus normal aujourd'hui qu'à cette époque de couper dans l'alimentation, le vêtement, les transports ou les loisirs? La conséquence d'une telle- politique est flagrante:

Mais le pire, c'est que l'accessibilité aux autres programmes de logement écarte les mêmes ménages, cette fois parce qu'ils n'ont pas des revenus suffisamment élevés. Ainsi, le nouveau programme fédéral d'aide au logement coopératif, qui n'est plus considéré comme un programme de logement social, provoque des coûts de loyer si élevés qu'il faudra, dans la majorité des cas, des revenus supérieurs à $25,000 pour y avoir accès à un taux d'effort raisonnable.

Sous prétexte de venir en aide «aux plus démunis», on en vient donc à couper toute aide à d'autres ménages dont on reconnaît souvent par ailleurs qu'ils se retrouvent eux aussi sous le seuil de la pauvreté. On crée de cette façon une vaste zone grise d'individus et de ménages, ceux gagnant entre $16,000-$17,000 et $25,000 qui, parce qu'ils ont des minces revenus de travail, se retrouvent sans aucune forme d'aide au logement et doivent se débrouiller sur le marché privé, un marché privé qu'on a par ailleurs aucunement l'intention de contrôler plus efficacement pour bloquer les hausses de loyer, vérifier la qualité des logements ou empêcher la discrimination et le harcèlement. Le ministre responsable de l'habitation au gouvernement du Québec, André Bourbeau, s'est même permis de dire à l'Assemblée nationale que contrôler plus efficacement les loyers serait du «totalitarisme»!

Il y a fort à craindre qu'avec une telle logique de restriction, on en viendra progressivement à ne plus aider que les inaptes au travail, de manière à forcer les autres à accepter n'importe quel emploi précaire, sous-payé, sans protection aucune, parce que ce sera le seul moyen de survivre... En tout cas, cela irait tout à fait dans le sens des autres politiques gouvernementales. Pensons à la mise en place de Boubou-Macoutes pour mener la chasse aux assisté-e-s sociaux, considérés à priori comme des fraudeurs. Le gouvernement libéral a d'ailleurs fait un pas en ce sens quand le ministre André Bourbeau a annoncé, le 28 janvier, que désormais il ne se construira plus de HLM pour familles, mais seulement pour les personnes âgées et que, dans ce dernier cas, il favorisera la production de chambres.

Encore plus pour le marché privé!

A la place de formules qui ont fait leurs preuves comme les HLM ou les coopératives d'habitation, les gouvernements nous arrivent avec un nouveau programme: le supplément au loyer pour le marché privé. Déjà annoncé dans l'Orientation nationale de la politique du logement et appliqué ailleurs au Canada, le supplément au loyer sera expérimenté dans 4 villes du Québec au cours de '87. Mais déjà le gouvernement libéral annonce son intention d'étendre la formule pour remplacer les HLM pour familles.

L'idée est simple. Au lieu de construire de nouveaux logements, le gouvernement louera des logements vacants sur le marché privé pour y loger des ménages se retrouvant sur des listes d'attente de HLM. Mais que penser de ce fameux supplément au loyer? Est-ce qu'il s'agit vraiment d'une formule pouvant remplacer adéquatement le logement social? Absolument pas, si on se fie aux bilans qui ont été tirés des expériences vécues dans d'autres provinces.

Les logements loués par le gouvernement peuvent être de mauvaise qualité, situés loin des services. Dans un rapport sur les suppléments au loyer publié par la S.C.H.L., on écrivait: «Les logements loués en vertu du programme sont habituellement des habitations difficiles à louer. Il est donc possible que ces logements ne conviennent pas aux locataires aidés par le programme, en raison du manque d'espace ou de commodités, ou encore du genre d'ensemble résidentiel ou de l'endroit où ils se trouvent24 . Notons également que les locataires ne jouiront pas des mêmes services que dans les HLM. Par exemple, ils risquent fort de ne pas avoir accès à des salles communautaires ou des salles de lavage.

C'est le taux d'inoccupation ou en d'autres mots de logements libres sur le marché privé qui peut amener des propriétaires de logements vacants à s'intéresser à un tel programme. S'ils ont des logements libres en grand nombre et que la concurrence est grande, les proprios peuvent être intéressés à les louer au gouvernement. Mais l'inverse est aussi vrai. Quand les taux de vacance se resserrent, qu'il y a moins de logements libres sur le marché privé et que les propriétaires pourraient louer leurs logements à un prix supérieur à celui qu'ils ont convenu avec le Gouvernement, rien ne les oblige à renouveler leur entente avec celui-ci au bout des 3 ou 5 ans pour lesquels ils se sont engagés. Les locataires risquent alors de se retrouver à la rue. C'est d'ailleurs ce qui est arrivé en Ontario où le nombre de suppléments au loyer a chuté de 10,816 à 9,059, pour une perte de 1,757 logements, entre 78 et '80.

Il a été remarqué que les bénéficiaires du programme de supplement au loyer étaient étiquetés, difficilement acceptés par les autres locataires de l'édifice, (ne recevant pas une telle aide) et même victimes de discrimination dans les endroits où un tel programme a été appliqué. La S.C.H.L. tirait la conclusion suivante en '79: «Finalement, il semble impossible de parvenir à l'intégration des locataires subventionnés à l'intérieur d'un ensemble locatif du secteur privé»25.

En plus de ces défauts, le supplément au loyer ne permettra pas d'aider plus d'individus et de ménages dans le besoin, mais plutôt de les aider autrement... et surtout moins bien. Les unités de logement accordées en supplément au loyer seront autant d'unités perdues dans les HLM, les coopératives d'habitation et les logements sans but lucratif.

Le programme de supplément au loyer répond donc beaucoup plus aux besoins des promoteurs privés aux prises avec des logements vacants qu'aux besoins des locataires dans le besoin. Non seulement le gouvernement coupe-t-il dans les programmes sociaux, mais il tente maintenant d'en diriger les bénéficiées vers ceux qui profitent déjà amplement de ses générosités.

Pour une année internationale des sans-abris fiscaux

On ne répétera jamais assez en effet que l'Etat dépense énormément dans le domaine de l'habitation, que ce soit en aide directe ou indirecte, mais qu'il le fait très majoritairement en faveur des couches les plus cossues de la population et non en faveur des «démunis» comme il veut nous le faire croire.. En '81, le seul gouvernement du Québec a accordé pas moins de $825 millions en avantages fiscaux relatifs au logement. C'était 4.5 fois plus d'argent que ce qui allait en subventions directes à l'habitation ($182.2 millions) et 12 fois plus que ce qui allait en aide à des programmes de logement social comme les HLM, Logirente et Logipop ($64.1 millions).

Rien n'indique que la situation ait changé depuis '81. Bien au contraire, l'introduction par le gouvernement fédéral en '85 d'une exonération d'impôt sur les premiers $500,000 de gains de capital (y compris sur les gains à la vente d'une résidence autre que la résidence principale pour laquelle ce privilège était jusqu'ici réservé) a sûrement gonflé de façon importante la somme des abris fiscaux attachés au logement.

Or, il a été démontré que les abris fiscaux sont conçus à l'avantage des propriétaires plutôt qu'à celui des locataires et surtout qu'ils ont «tendance à profiter davantage aux classes à revenus supérieurs»26 . Entre autres, il a été prouvé que le plus scandaleux des abris fiscaux touchant les Immeubles résidentiels à logements multiples (IRLM ou MURB en anglais), mieux connus sous les appellations d'Articles 31 et 32 , profitent à des particuliers gagnant plus de $50,000 par année. Le Rapport Nielsen sur le logement indiquait également que les abris fiscaux «font perdre à l'Etat des recettes considérables dont il pourrait se servir pour atteindre d'autres objectifs de logement» et qu'ils ne bénéficient à peu près pas aux Canadiens qui ont le plus besoin d'aide en matière de logement27

Qu'on fasse de 1987 une vraie année des sans abris fiscaux et il y a fort à parier qu'on ne parlera plus longtemps des gens sans-abris ou en difficulté au Québec...

Ce dossier noir a été rendu possible grâce a la collaboration de...

Sont membres du frapru:

Association coopérative d'économie familiale de Laval.

Association des citoyens des Habitations Adelard Dugré, Trois-Rivières.

Association des locataires de Hochelaga Maison- neuve, Montréal.

Association des locataires de Miette.

Association des locataires de L'Epiphanie.

Association des locataires de Montréal-Nord.

Atelier du logement communautaire des Bois-Francs, Drummondville

Cité des Bâtisseurs, Baie Comeau.

Comité des citoyen-ne-s du quartier St-Sauveur, Québec.

Comité logement Laval. Comité-logement Rosemont. Comité populaire Saint-Jean Baptiste, Québec.

Comité pour le développement du logement social du Bas Richelieu, Sorel. Fédération des coopératives d'habitation de l'île de

Montréal. Groupe d'aménagement du logement populaire, Joliette.

Habitation populaire de l'est, Rimouski. Inter-loge Centre-Sud, Montréal. L'Autre Montréal.

L'Autre ville, Québec. .

Logemen(t) occupe, Hull. Regroupement information logement Pointe St-Charles, Montréal.

Regroupement pour les droits sociaux, Mont-Laurier. Réseau d'aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal.

Ruche Vanier, Ville Vanier.

1987 marque l'année internationale du logement des sans abris décrétée par l'ONU. Au Québec même, des dizaines de milliers de personnes se retrouvent sans logement stable, condamnées à vivre dans la rue. Mais les problèmes de logement ne s'arrêtent pas au scandale des sans abris, qui ne représentent que la pointe d'un iceberg autrement considérable. Plus d'un million de personnes au Québec sont aux prises avec des problèmes de logement: loyers trop chers par rapport aux revenus, logements en mauvais état, inadaptés aux besoins, discrimination au moment de la location, etc. C'est à toutes ces manifestations de la crise du logement que ce Dossier noir sur le logement et la pauvreté veut s'attaquer.

Produit par le:

Front d'action populaire en réaménagement urbain

1212 Panet, local 322

Montréal, Qc.

H2L 2Y7. tél: (514) 522-1010.

Supplément au bulletin le FRAPRU frappe encore. Vol. 1, no. 4

Notes

1 Pour plus d'information sur les revendications du FRAPRU, lire Pour une politique globale d'accès au logement, oct. 1985.

2 Livre vert Se loger au Québec, p.164 et 169.

3 SCHL, Evaluation des programmes de logement coopératif et sans but lucratif. 1983, p. 49

4 idem.

5 Auger et al.; Etude sur les conditions de logement à Drummondville: Atelier du logement communautaire; 1981.

6 Association des locataires de Joliette; Colloque populaire régional sur le logement: 1983

7 Comité pour le développement du logement social, Sorel-St-Joseph de Sorel -Tracy; Plate-forme: 1985

7 Morin G.; Etat du logement à Thetford Mines :GRT région de l'amiante, 1986.

8 Bélanger et al.; Des mères seules, seules .seules... une étude sur la situation des femmes cheffes de famille monoparentale du Centre-Sud de Montréal: 1986.

9 LARSI.

10 Bédard.M.:La restauration résidentielle du quartier St-Sauveur. 1985.

11 Comité des citoyens de L'Accents; Enquête sur les effets de la restauration: 1979.

12 Association des locataires de Joliette; Colloque populairegional sur le logement: 1983

* source: LaFerrière S, et Levac L.; "Les dangers de la chaise musicale" in La Vie en rose: octobre '86, p29-30

13 Discrimination, harcèlement et harcèlement sexuel. Rapport de l'enquête Femmes et logement, Comité-logement Rosemont, FRAPRU, avril 1986.

14 Leblanc,R.:Le problème de l'accessibilité financière au logement chez les personnes âgées: 27 sept. '85.

15 Livre vert, Se loger au Québec. 1984, p.169.

16 Le Soleil, 4 février '87, pi.

17 Mouvement québécois pour combattre le racisme; La discrimination raciale dans le logement à Montréal: 1982.

18 Conseil de développement communautaire; Un mode de logement non-reconnu: étude sur les maisons de chambres à Montréal: 1982.

19 Carignan J. et al.:Où vont les chambreurs expulsés du centre-ville?.Ecole de Service social, Université de Montréal; 1982.

20 Dufresne-Vaney M.:Les conditions de vie des chambreurs du centre-ville: CLSC Centre-ville, 1977. Projet Action-chambreurs; Etude sur les conditions de vie des chambreurs vivant sur le territoire du CLSC St-Louis-du-Parc.1979.

21 Boudreault et al. C'est pas l'château. rapport sur les chambres. Québec. 1984.

22 Association des locataires de Joliette; Colloque populaire régional sur le logement: 1983.

23 Le Soleil, 12 février '87.

24 S.C.H.L.. Evaluation du programme de complément au loyer destiné au secteur privé, prévu aux termes de l'Article 44(1)a) au Canada, août 1979, p.5

25 Idem, p. 85

26 Gérard Divay et Louise Richard, L'aide gouvernementale au logement et sa distribution sociale. INRS-Urbanisation, Sept. 81, p. 67

27 Rapport Nielsen sur le logement. 27 juin 1985, p. 141

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