Un poids de plus en plus lourd


On entend souvent parler du taux de chômage élevé chez les jeunes, de leur difficulté d’insertion au marché du travail, de leur pauvreté chronique. C’est malheureusement une réalité. Pour certains, étudier s’avère la meilleure solution et ils n’ont certainement pas tort. Mais comment faire face au remboursement de son prêt étudiant au terme de ses études, s’il n’y a toujours pas d’emploi à l’horizon ? C’est là tout le problème auquel sont confrontés un grand nombre de jeunes diplômés aujourd’hui.


Les étudiants sont-ils trop endettés ?
Il y a de plus en plus d’étudiants qui ont besoin de l’aide de l’État pour poursuivre leurs études. Mais ce qui est plus inquiétant, c’est que leur niveau d’endettement est en hausse constante depuis quelques années. Actuellement, au Québec, la dette moyenne des étudiants est de 11 000 $ environ, alors qu’elle était de 8 758 $ en 1995-96 et de 6 678 $, en 1991-92. Le véritable problème toutefois réside dans l’augmentation importante des difficultés de remboursement. Les chiffres sont éloquents : 10% à 15% des bénéficiaires de prêts étudiants éprouvent des difficultés de remboursement. Ils sont aussi toujours plus nombreux à recourir au Programme de remboursement différé, un programme qui permet aux personnes en situation financière précaire (revenu mensuel inférieur à 980 $) de retarder le remboursement de leurs dettes d’études. Entre 1988-89 et 1992-93, leur nombre est passé de 1 130 à 7 027. Actuellement, près du tiers des étudiants (30%) utilisent ce programme.

On attribue à plusieurs facteurs la croissance de l’endettement étudiant : la hausse des droits de scolarité, la situation financière des familles, le prolongement des études au-delà des délais normaux, etc. Le fait d’éprouver des difficultés de remboursement serait cependant davantage lié à la situation professionnelle et financière des étudiants après leurs études qu’à leur niveau d’endettement ou à leurs caractéristiques personnelles et familiales, dans un contexte économique difficile qui ne favorise pas l’insertion des jeunes diplômés sur le marché du travail, selon une étude menée en 1994 sur l’endettement étudiant .

Une situation qui inquiète
La situation inquiète le gouvernement qui, en cinq ans (de 1991-92 à 1995-96), a vu doubler le montant des dettes étudiantes qu’il a dû assumer (133,1 M $ contre 255,7 M $) . Au cours de la même période, le nombre de faillites comprenant un prêt étudiant est passé de 1 188 à 2 669. Dans la majorité des cas, ces personnes ont déclaré faillite dans un délai de deux ans suivant la fin de leurs études, certaines même avant d’avoir à rembourser leur prêt. Dans l’espoir de trouver des solutions à ce problème, en décembre 1996, la ministre de l’Éducation, Madame Pauline Marois, confiait à un comité d’experts le mandat d’examiner diverses avenues pouvant faciliter le remboursement des prêts étudiants. En mars 1997, à la demande de ce comité, la Fédération des ACEF déposait un mémoire suggérant certaines pistes de solution.


Le poids des autres dettes
Nous leur avons suggérer, entre autres choses, de tenir compte de la situation financière globale des ex-étudiants, en prenant en considération leurs responsabilités familiales par exemple et donc leur capacité réelle de remboursement. Une étude menée par le ministère de l'Éducation en 1996 a montré que sur 3 608 ex-étudiants ayant déclaré faillite, 86,2% avaient 25 ans et plus et près de la moitié (48,2%) avaient plus de 30 ans. Au total, 32,5% avaient des enfants à charge. L’examen de nos dossiers de consultation budgétaire incluant un prêt étudiant, pour l’année 1996, dans les régions de Lanaudière, la Mauricie et la Rive-Sud de Québec, nous a montré que les difficultés de remboursement s’expliquaient, dans la grande majorité des cas, par un cumul de dettes à la consommation contractées pendant et après la période d'études.

Pourcentage des ex-étudiants ayant d’autres dettes

Types de dettes / Pourcentage d’ex-étudiants ayant ces dettes

Prêts consommation 88%
Taxes, impôts et autres dettes au gouvernement 40%
Arrérages 34%
Hypothèques 28%
Autres 55%

Comme le remboursement d’un prêt étudiant s’étale en moyenne sur dix ans, il est normal que la situation financière change durant cette période. Les responsabilités financières et familiales deviennent plus lourdes en général. La décision de faire faillite ou l’impossibilité de rencontrer ses paiements pendant quelques mois s’explique le plus souvent par un niveau d’endettement global trop élevé par rapport au revenu. Les choix qui s’offrent alors sont plutôt limités, car il n’y a généralement pas juste un créancier impliqué. C’est pourquoi nous pensons qu’un mode de remboursement proportionnel au revenu, qui tient compte de la capacité réelle de payer, est la formule à privilégier. Elle est équitable et pourrait faciliter le remboursement des prêts et réduire, dans une certaine mesure, le nombre de faillites. Pour les mêmes raisons, une bonification du Programme de remboursement différé serait souhaitable, compte tenu des conditions qui prévalent sur le marché du travail : instabilité des revenus, chômage chronique, précarisation des emplois, etc. Ce programme devrait être accessible en tout temps, durant toute la durée du remboursement du prêt et ce, jusqu’à concurrence de 30 mois, pour tous ceux qui ont des revenus inférieurs au seuil de pauvreté établi par Statistique Canada. Ces modifications auraient certainement pour effet d’améliorer le recouvrement des prêts, mais il faudrait en même temps mettre l’accent sur la prévention, en sensibilisant les jeunes aux effets de l’endettement et de la faillite.


Source : Lise Dalpé. "Les dettes d’études : Un poids de plus en plus lourd". Changements vol 7, no 2. Fédération des ACEF. Mars 1998.