Etude réalisée pour CEGIR
par Mireille BEAUDET
UNIVERSITE DE MONTREAL
FACULTE DE DROIT CENTRE DE RECHERCHE EN DROIT PUBLIC Septembre 1985
LE SYSTÈME CANADIEN DE RADIODIFFUSION
LA PROPRIÉTÉ DES SIGNAUX RADIODIFFUSÉS
LA PROPRIÉTÉ DES CONTENUS ET LE DROIT D'AUTEUR
LE TITULAIRE DU DROIT D'AUTEUR
LES OEUVRES DONT LE DIFFUSEUR EST PROPRIÉTAIRE
LES OEUVRES DONT LE DIFFUSEUR N'EST PAS PROPRIÉTAIRE
LES OEUVRES MUSICALES ET LA RADIODIFFUSION
LES EXCEPTIONS AU RÉGIME DU DROIT D'AUTEUR
SYNTHÈSE DE L'IMPACT DU RÉGIME DU DROIT D'AUTEUR SUR LES SCÉNARIOS PROPOSÉS
1) L'amélioration du service de Radio-Canada
2) L'implantation de radios communautaires
La présente analyse se situe dans le contexte plus général d'une étude ayant pour mandat d'explorer les possibilités de développement de nouvelles sources d'offre de signaux de radio et de télévision destinés aux francophones hors Québec, particulièrement ceux des localités éloignées.
Chacune des hypothèses dégagées, permettant l'accès à un meilleur choix de signaux francophones, offrait une double dimension à l'analyse: la première concernant l'accès technique à de nouveaux signaux, la seconde étant rattachée au contenu des signaux auxquels la technologie actuelle permettrait l'accès. C'est dans le cadre de ce second volet que s'insère notre analyse de la propriété en matière de radiodiffusion.
Le système canadien de radiodiffusion est régi par la Loi sur la radiodiffusion 1 et par certaines lois connexes, quant à ses aspects plus techniques. 2
Dans un premier temps, la loi sur la radiodiffusion pose en principe le caractère unique du système. C'est ce qui a entraîné l'inclusion dans le système, aux fins de réglementation, de différentes activités n'impliquant pas, en tant que tel, d'émissions d'ondes radio-électriques. 3
L'article 3 a) de la Loi sur la radiodiffusion pose comme principe que les radio diffuseurs "font usage de fréquences qui sont du domaine public". Par conséquent, on a considéré jusqu'à maintenant que la nature publique du spectre des fréquences faisait obstacle à la reconnaissance d'un droit de propriété des radiodiffuseurs à l'égard de la diffusion de leurs signaux, en tant que véhicules d'un contenu.
Indépendamment de l'oeuvre contenue dans une émission, les tribunaux ont décidé qu'il n'existe pas de droit d'auteur en tant que tel dans une émission télédiffusée.4 C'est donc dire que dans l'état actuel de notre droit, la seule matière susceptible d'être l'objet d'un droit d'auteur en radiodiffusion est le contenu d'une émission, donc, le "message" véhiculé.
La Loi sur le droit d'auteur 5 reconnaît d'ailleurs explicitement à l'auteur d'une oeuvre littéraire, dramatique, musicale ou artistique, le droit de transmettre cette oeuvre au moyen de la radiophonie. Par conséquent, lorsqu'il est question de droit d'auteur à l'égard d'une émission de radiodiffusion, il s'agit du droit du titulaire sur l'oeuvre diffusée et non de celui du diffuseur sur les signaux utilisés pour cette diffusion. Cette distinction, de même que les possibilités d'évolution dans ce domaine, feront l'objet d'un traitement plus élaboré à la rubrique portant sur le droit de retransmission.
La propriété de l'oeuvre elle-même est encadrée par la Loi sur le droit d'auteur. D'une façon générale, la loi reconnaît au créateur d'une oeuvre originale, littéraire, dramatique, musicale ou artistique, un ensemble de droits exclusifs sur celle-ci.
Il s'agit du droit de produire, reproduire, exécuter et représenter l'oeuvre ou une partie importante de celle-ci, de celui de traduire, transformer et confectionner toute empreinte, film ou autre pour représenter l'oeuvre .publiquement par cinématographie si l'auteur lui a donné un caractère original, du droit de transmettre l'oeuvre par radiophonie et enfin, du droit exclusif d'autoriser ces actes.6 Ces droits sont désignés sous le vocable de droits patrimoniaux, parce qu'ils ont une valeur monnayable.
En sus de ces droits patrimoniaux que l'auteur détient à l'égard de l'exploitation de son oeuvre, existent également certains droits moraux qui sont conservés à l'auteur malgré qu'il ait pu céder les premiers. Ainsi l'auteur conserve le droit de revendiquer la paternité de son oeuvre et de s'opposer à toute déformation, mutilation ou autre modification de ladite oeuvre ou à toute atteinte à celle-ci, qui seraient préjudiciables à son honneur ou à sa réputation. Bien que ces droits soient également partie du droit d'auteur en général, ce sera particulièrement aux droits patrimoniaux sur une oeuvre que nous référerons en employant l'expression dorénavant.
L'auteur d'une oeuvre sera généralement le premier titulaire de ces droits, tant patrimoniaux que moraux, qui naissent du seul fait de la création et de l'existence matérielle de l'oeuvre 7.
Ce principe connaît deux exceptions. Premièrement, dans le cas d'une oeuvre réalisée, par un employé dans le cadre de son travail, l'employeur sera titulaire des droits patrimoniaux sur celle-ci, à moins d'entente contraire entre les parties 8. La seconde exception a trait aux gravures, photographies ou portraits faits sur commande; à moins de stipulation contraire, la personne ayant donné la commande sera le premier titulaire du droit d'auteur.
Le titulaire original des droits patrimoniaux à l'égard de l'exploitation d'une oeuvre peut les exercer lui-même ou les céder à un ou plusieurs tiers, en totalité ou partiellement. Ces cessions peuvent également comporter des limites, dans le temps ou géographiquement.
La diffusion d'une oeuvre par ondes hertziennes constituant indéniablement un type d'exploitation visé par le droit d'auteur, l'entreprise de diffusion devra détenir les droits de transmission par radiophonie de l'oeuvre, ou être autorisée par le titulaire.
De plus, de par la nature même des oeuvres audiovisuelles, plusieurs oeuvres seront utilisées et amalgamées dans le processus de production d'une émission ou d'un film. Qu'il suffise de penser que l'idée originale constitue souvent une oeuvre en soi, parfois déjà exploitée sous une autre forme, qui sera l'objet d'une adaptation, puis d'un scénario, auquel sera greffé un dialogue, puis de la musique; enfin, le produit de cette fusion, que nous appellerons "l'oeuvre ultime", sera lui-même l'oeuvre de celui ou celle qui aura présidé à sa production.
En règle générale, les droits quant à chacun de ces éléments seront détenus par le producteur de l'oeuvre ultime, qui les aura acquis préalablement de leurs titulaires, ou qui les détiendra de fait, lorsque le créateur original était son employé et que l'oeuvre a été exécutée dans le cadre de ses fonctions.
En pratique, les entreprises de radiodiffusion diffusent deux types de matériel, quant au mode de détention des droits sur les oeuvres. Il s'agira, premièrement, des oeuvres dont les droits sont entièrement détenus par le diffuseur, ce qui est le cas, par exemple, de la "production maison", et secondement, de celles dont les droits de transmission radiophonique, bien qu'appartenant à des tiers, ont été cédés, généralement de façon limitée, au diffuseur, aux fins de la diffusion télévisuelle ou radiophonique.
Il s'agit de la situation où le diffuseur est titulaire de tous les droits à l'égard de l'oeuvre ultime, prête à la diffusion. Il les aura, soit acquis par cession contractuelle d'un producteur qui en était titulaire, soit, plus couramment, en sera devenu titulaire en tant que producteur.
En tant que producteur, l'entreprise de diffusion devra acquérir ou détenir les droits sur les différentes oeuvres qui seront utilisées dans la production de l'oeuvre ultime. Sauf l'exception relative aux oeuvres réalisées par ses préposés, dont les droits lui échoient à titre d'employeur, l'entreprise devra traiter contractuellement avec les créateurs des oeuvres qu'elle convoite, afin d'obtenir les droits pertinents à son projet. Il pourra s'agir de droits de nature et d'étendue variées, par exemple celui d'adapter une oeuvre existant sous une autre forme (nouvelle, roman, pièce, etc.), du droit d'utiliser un scénario, un dialogue, une pièce musicale, une mise en scène, etc.
Ces transactions, entre le producteur et les créateurs, ou les titulaires du droit convoité, se réalisent, en principe, sur un plan individuel. Cependant, certaines catégories de créateurs se sont regroupés en associations, constituées en syndicats professionnels ou sous une forme autre, dans le but de négocier et de conclure des ententes collectives avec les producteurs 9.
Ces ententes collectives constituent le cadre minimum dans lequel les parties doivent traiter. Elles n'ont pas pour fonction de remplacer le contrat individuel entre le créateur et le producteur; elles déterminent cependant un régime général applicable en cas de silence de l'entente privée et établissent un seuil minimum en-deçà duquel les parties ne peuvent conclure.
En règle générale, ces ententes, tant privées que collectives, permettront au diffuseur d'exercer tous les droits rattachés au droit d'auteur, moyennant rétribution supplémentaire au créateur, sur la base du cachet initial. Le nombre de diffusions d'une oeuvre ne sera généralement pas limité et le diffuseur pourra également exploiter l'oeuvre autrement que par la seule transmission, dans la mesure prévue par l'entente et en satisfaisant à certaines conditions relatives aux avis à donner à l'auteur et au paiement de droits. Ces ententes prévoient généralement la possibilité de-la distribution de l'oeuvre, notamment. Le diffuseur sera donc en mesure de céder ses droits de diffusion à d'autres diffuseurs, par cession ou licence.
Il s'agit d'oeuvres dont les droits appartiennent à un tiers qui autorisera contractuellemtent le diffuseur à transmettre par radiophonie une ou des oeuvres, à des conditions déterminées au contrat. Ex: les films.
En règle générale, le seul droit qui sera cédé sera celui de diffuser l'oeuvre; il ne sera donc pas possible pour le diffuseur de la revendre à une autre entreprise de radiodiffusion. Une fois le terme du contrat expiré, le diffuseur devra rendre l'oeuvre au titulaire ou détruire sa copie, selon les termes de l'entente.
De plus, la jouissance du droit de transmission radiophonique sera généralement limitée dans le temps, dans le nombre d'utilisations et dans l'espace.
En pratique, la nature et l'étendue des droits cédés seront déterminées par le contrat, en fonction de la situation particulière. De plus, la nature de la diffusion autorisée y sera précisée, en considération des activités de l'acquéreur; on pourra prévoir des zones locales, régionales ou nationales, on y définira ce qu'est une diffusion "réseau" de même que les cas où la retransmission par câble ou antenne communautaire est expressément autorisée comme étant indue dans les droits cédés.
Ainsi que nous le mentionnions précédemment, les tribunaux canadiens ont décidé qu'il n'existe pas de droit d'auteur en tant que tel dans une émission télédiffusée. La retransmission des signaux d'un diffuseur par une entreprise de télédistribution par exemple ne viole donc aucun droit de ce diffuseur et il ne peut exiger le paiement de redevances.
Cependant, qu'en est-il du droit d'auteur sur l'oeuvre qui est ainsi retransmise? L'a Cour de l'Échiquier, devenue la Cour fédérale du Canada, devait se prononcer sur cette question en 1954, dans l'affaire Canadien Admiral Corporation c. Rediffusion Inc. 10. Posant d'abord le principe qu'il faut une représentation publique pour justifier le paiement de droits d'auteur, la Cour devait estimer que la retransmission par câble d'une oeuvre constituait une représentation n'ayant aucun caractère public, puisqu'elle était destinée à des auditoires privés et domestiques, dans les demeures des abonnés. Dans ce contexte, le droit de représenter publiquement et celui de transmettre par radiophonie avaient été distingués puisque la câblodistribution n'implique justement auvue émission d'ondes radiophoniques par l'entreprise qui retransmet.
En 1971, la même Cour devait se pencher sur une situation un peu plus délicate dans l'affaire Warner Bros. Seven Arts Inc. et al. c. CESM-TV Ltd.11 Il s'agissait cette fois, non plus d'une retransmission en direct d'une émission diffusée par radiophonie, mais de l'enregistrement de cette diffusion dans un but de retransmission ultérieure aux abonnés de l'entreprise "enregistreuse". La Cour, tout en réaffirmant l'absence de droit d'auteur à l'égard de l'émission de signaux, devait cependant estimer que l'enregistrement magnétoscopique de l'oeuvre qui y était contenue constituait une reproduction non autorisée de cette dernière.
Par conséquent, les entreprises de télédistribution peuvent retransmettre des émissions à leurs abonnés sans avoir à payer de droits d'auteur aux titulaires des droits sur l'oeuvre, dans la mesure où elles sont transmises en même temps que les transmissions par ondes hertziennes.
Cet état de choses s'explique historiquement par la vocation qu'avait la câblodistribution à ses origines. Débutant au Canada vers 1950, les premiers réseaux se sont implantés dans des villes et villages où la réception des signaux télévisuels était déficiente. Il s'agissait, à toutes fins pratiques, d'une antenne bien située, permettant une meilleure réception des signaux par ailleurs disponibles, reliée aux récepteurs de télévision des abonnés.
C'est donc principalement sur sa fonction de réception que s'est fondée la définition de ce type d'entreprise. La Cour suprême américaine devait d'ailleurs formuler à ce propos l'analogie suivante:
"Si un particulier érigeait une antenne sur une colline, faisait courir un câble jusqu'à sa maison et installait les amplificateurs nécessaires, on ne pourrait dire qu'il donne une "représentation" des émissions captées par son poste de télévision. Le résultat serait le même si plusieurs personnes se groupaient pour ériger une antenne collective aux mêmes fins".12
Avec les développements survenus dans le domaine de la retransmission à la faveur de l'évolution technologique, cette position a connu de plus en plus de critiques. Qu'il suffise simplement de référer aux transmissions par micro-ondes et par satellite qui permettent de procéder à l'"importation" de signaux éloignés, qui ne seraient pas disponibles autrement localement, pour réaliser que les entreprises de télédistribution actuelles sont bien différentes de leur ancêtre, "l'antenne sur une colline".
De plus, certaines localités ne peuvent raisonnablement aspirer à la retransmission par câble, pour des motifs techniques ou économiques. Un mode de desserte alternatif est apparu, depuis l'avènement des transmissions par satellite, en la retransmission par ondes hertziennes, sous forme brouillée ou non, des signaux acheminés par satellite, via un émetteur de faible puissance. 13
Bien que le C.R.T.C. ait semblé vouloir considérer ces entreprises sous l'angle de la réception de radiodiffusion, au même titre que les câblodistributeurs, il demeure que leurs transmissions seraient de la nature de la radiodiffusion, du moins quant à celles qui diffuseraient en "clair".
Même dans l'état actuel du droit, il semble difficile de concevoir qu'elles puissent être exemptées à ce titre de l'application du régime de droit d'auteur sur les oeuvres qu'elles transmettraient.
Des modalités particulières quant à ces droits devraient donc être prévues, notamment dans les contrats des entreprises de diffusion par satellite.
Actuellement, ces entreprises semblent fonctionner à la faveur de l'inaction des radiodiffuseurs dont elles reprennent les signaux. Ceux-ci, pour la plupart, sans avoir expressément consenti à la retransmission de leurs signaux, ne s'y opposent pas. Cependant, il pourrait advenir que leurs cédants (ceux qui, contractuellement, leur cèdent des droits de diffusion sur des émissions) les contraignent ou à acheter ces droits, ou à prendre action avec eux contre ces "retransmetteurs".
Les diffuseurs, tant radiophoniques que télévisuels, transmettent fréquemment des oeuvres musicales dans le cadre de leurs émissions. C'est particulièrement le cas des diffuseurs radio. Dans ce domaine, la programmation origine généralement du diffuseur; le plus souvent, elle aura été réalisée par les préposés de l'entreprise. Ce ne sera qu'exceptionnellement qu'une émission complète sera acquise d'un tiers pour être diffusée par l'entreprise, comme cela se produit fréquemment pour la télévision.
Cependant, les diffuseurs, en général, mais plus particulièrement ceux de la radio, utilisent un grand nombre d'oeuvres musicales dont ils ne détiennent pas les droits dans leur programmation. Compte tenu de la fréquence et de la nature de l'utilisation des pièces musicales, tant en radiophonie qu'en d'autres types d'exécution publique, un système de droit d'auteur fondé sur la négociation de gré à gré, à la pièce entre chaque auteur ou compositeur et chaque utilisateur se serait rapidement avéré impraticable. La Loi sur le droit d'auteur dispose donc d'un régime particulier en matière de droits d'exécution d'oeuvres musicales.
Deux sociétés de droits d'exécution sont reconnues au Canada; il s'agit de la S.D.E. et de la C.A.P.A.C. Ces sociétés regroupent des auteurs et des compositeurs qui confient, à l'une ou l'autre d'entre elles, le pouvoir d'autoriser l'exécution de leurs oeuvres en public et de percevoir les droits y afférant. Ces sociétés sont tenues de constituer un répertoire des oeuvres dont elles peuvent autoriser l'exécution et les tarifs qu'elles exigent doivent être agréés par la Commission d'appel du droit d'auteur et publiés dans la Gazette du Canada.
Les licences accordées en matière de radiodiffusion sont dites générales, en ce qu'elles autorisent le titulaire à diffuser, aux seules fins privées et
domestiques, en tout temps au cours de l'année de validité et aussi souvent que ledit diffuseur le souhaitera, la totalité ou l'une quelconque des oeuvres à l'égard desquelles la société a le pouvoir d'accorder des licences d'exécution. En général, le diffuseur devra se procurer de telles licences auprès des deux sociétés, puisque chacune d'elles détient les droits sur une part différente du répertoire canadien et étranger.
Les remarques formulées à l'égard de la retransmission des signaux par un moyen autre que la radiophonie, par la câblodistribution par exemple, doivent également être considérées en matière d'exécution d'oeuvres musicales. Les entreprises de télédistribution qui retransmettent en direct les signaux d'une station de radiodiffusion (radio et télé) n'auront pas à se procurer une licence d'exécution.
Cependant, si la retransmission devait être faite en différé, par le biais d'un enregistrement des signaux, il y aurait alors vraisemblablement violation du droit d'auteur par la reproduction mécanique non autorisée de l'oeuvre. Au surplus, si la retransmission devait avoir lieu par ondes hertziennes, la station réutilisant la programmation devrait certainement se procurer les licences nécessaires, quant aux droits d'exécution.
A titre d'exemple des tarifs exigés pour de telles licences pour l'année 1985:
S.D.E.
C.A.P.A.C.
Les alinéas (2) et (3) de l'article 17 de la Loi sur le droit d'auteur énoncent un certain nombre de situations où l'usage qui est fait d'une oeuvre ne constitue pas une violation du droit d'auteur de même que certaines catégories d'utilisateurs qui sont dispensés de l'obligation de payer quelque compensation pour l'exécution publique d'une oeuvre musicale.
Les organisations charitables ou fraternelles sont notamment dispensées de l'obligation de payer le coût d'une licence d'exécution. Cela peut s'avérer pertinent dans le cas des radios communautaires dûment enregistrées et reconnues comme organismes de charité. Cette reconnaissance est fonction des objets de la corporation, tels que définis à ses statuts. Notamment, "l'avancement de l'éducation" est un objectif reconnu à cette fin.
En vigueur depuis 1924, l'actuelle Loi sur le droit d'auteur a fait l'objet de multiples propositions de réforme. En 1984, un livre blanc sur le droit d'auteur, intitulé "De Gutenberg à Télidon", était déposé conjointement par les ministres des Communications et de Consommation et Corporations Canada. Il a été redéposé par l'actuel gouvernement et des recommandations sont attendues sous peu à ce propos.
Plus particulièrement, la question du paiement de droits d'auteur en matière de télédistribution a été et demeure encore un sujet de controverse. De multiples raisons, tant juridiques que philosophiques ou économiques furent invoquées au soutien des propositions les plus diverses.
Deux avenues susceptibles de conduire à des modifications importantes du régime du droit d'auteur retiendront plus particulièrement notre attention. 14
Premièrement, une modification fondamentale serait apportée aux pratiques actuelles si un droit de retransmission était accordé aux créateurs, en sus de leur droit de transmission radiophonique, de représentation publique et de reproduction. A cause de la situation particulière des télédistributeurs, qui sont actuellement tenus par la réglementation adoptée en vertu de la Loi sur la radiodiffusion de distribuer obligatoirement certains signaux et qui ne peuvent rien y retrancher ou modifier, il est improbable qu'advenant la création d'un tel droit, l'obtention des autorisations nécessaires soit laissée à la seule négociation des parties. L'économie générale du système canadien de radiodiffusion nous semblerait plutôt militer en faveur de l'établissement d'un mécanisme de licences, qui seraient attribuées par un organisme particulier. Ces licences pourraient dans certains cas être du type "obligatoire", en ce sens que le titulaire du droit de retransmission (qu'il soit le titulaire du droit de transmission original ou le diffuseur ayant acquis le droit de retransmission avec celui de transmission radiophonique) n'aurait pas à donner son accord.
Un tel droit pourrait également être modulé différemment selon que la retransmission à l'abonné lui parvient avec ou sans frais supplémentaire au tarif de base du service général imposé par l'entreprise de télédistribution,15 ou qu'elle porte sur un signal qui serait ou non disponible par ondes hertziennes dans la localité où est distribuée la retransmission. 16
La seconde possibilité consisterait à reconnaître aux diffuseurs un droit d'auteur (ou un droit assimilé) à l'égard de la totalité de leur programmation, c'est-à-dire, sur l'arrangement des différents programmes dans leur grille-horaire. Le diffuseur lui-même pourrait alors exiger des redevances pour la retransmission de ses signaux, indépendamment des oeuvres y contenues.
Cependant, il est actuellement impossible de déterminer avec précision ce que seront les modifications apportées au régime par le nouvelle loi.
Scénarios proposés
Solutions à court et moyen terme
Le scénario ayant suscité le plus d'intérêt étant celui prévoyant l'amélioration du service de Radio-Canada, cette dernière partie consistera en une étude sommaire des droits et des obligations résultant généralement de3 diverses conventions conclues par la Société Radio-Canada et divers titulaires de droits d'auteur, tant pour ce qui est des productions réalisées par la Société que pour les émissions dont elle acquiert les droits de diffusion.
La Société Radio-Canada dispose de dix-huit stations de diffusion; onze lui appartiennent et sept lui sont affiliées. Elle peut également compter sur des émetteurs-relais et des réémetteurs pour transmettre. ses émissions.
La plus importante station du réseau français est CBFT-Montréal. C'est également elle qui est la station maîtresse du réseau. C'est ce qui explique que la diffusion sur les ondes de CBFT reçoive un traitement particulier en ce qu'elle constitue, en elle seule, une diffusion nationale dans les conventions qui prévoient des cachets différents selon les zones de diffusion.
RADIO-CANADA - PRODUCTIONS
Droits d'auteur
Exemple: convention collective avec la SARDEC.
Employés salariés de la Société
Ils sont généralement exclus du champ d'application de la convention.
RADIO-CANADA - PRODUCTIONS
Droits de suite
Exemple: convention collective avec l'Union des Artistes
En diffusion régionale ou locale, le tarif baisse de 10%.
reprise en zone canadienne se paie 60% du cachet original par reprise pour la période de 5 ans qui suit la diffusion originale;
au-delà de 5 ans, la reprise se paie 60% du montant constitué par le cachet original + 5% par année à compter de la diffusion originale.
reprise en zone canadienne, simultanée ou non, se paie 35% du cachet original par reprise pour la première période de 5 ans;
au-delà de 5 ans, le cachet de la reprise est porté à 50% du cachet original.
RADIO-CANADA - ACQUISITIONS
Source: Contrat-type de droits d'émissions Entrevues.
La Société achète les droits de diffusion exclusifs à la télévision canadienne d'expression française pendant la durée du contrat. Pendant ce temps, aucune station autre que celles appartenant ou affiliées à la S.R.C. (y compris les émetteurs-relais et les réémetteurs rattachés à ces stations), aucun circuit fermé ni aucune entreprise de télévision payante ou de câble du Canada ne sera autorisé à distribuer et exploiter les émissions en version française ou avec des sous-titres français.
Le plus souvent, radio-Canada acquiert des droits pour le Canada français. Certains rares achats sont faits conjointement par et pour les deux réseaux.
En général, les droits sur les émissions seront acquis pour des périodes variant entre trois et quinze ans (avec une moyenne de 5 ans) et comportant des droits de diffuser entre deux et cinq fois. Les longs métrages comporteront souvent quatre "passes", alors que les séries américaines ne pourront être diffusées que deux fois (exemple: droits sur la série américaine "Dallas" permettent deux diffusions sur quatre ans.)
La Société est autorisée à étendre les droits cédés aux systèmes de câblodistribution desservant de petites collectivités ou des minorités linguistiques qui n'ont pas accès à un signal S.R.C. (dans leur langue) de qualité acceptable.
Cependant, la diffusion ou retransmission doit se faire en même temps que les émissions de la S.R.C. dans la région visée sauf si ce signal est d'une qualité inférieure aux normes acceptables, auquel cas la diffusion peut se faire en même temps que les émissions d'une autre région, dans la mesure où la cession couvre la région où ces émissions sont relayées.
Une telle diffusion ou retransmission doit atteindre le destinataire sans qu'il ait à encourir des frais.
Le nombre de "passes" autorisées se compte station par station.
La pratique à Radio-Canada est de n'utiliser les long métrages hors-réseau qu'à la 3eme ou 4eme passe, pour des impératifs d'efficacité.
Le montant versé pour l'acquisition des droits permet à la Société de procéder à toutes les diffusions autorisées dans la période visée par la cession sans versement supplémentaire.
Ainsi que le démontre cette analyse sommaire des droits et des obligations de la Société Radio-Canada en matière de droits d'auteurs quant à ses programmations, rien ne semble faire obstacle, dans une perspective purement juridique, a la mise en oeuvre des avenues de développement élaborées dans le présent rapport.
La constitution de stations de radios communautaires est évidemment soumise à la nécessité d'obtenir du C.R.T.C. les licences nécessaires.
La programmation de telles stations étant, en principe, essentiellement
d'origine locale, la question des droits d'auteurs s'y pose principalement dans le contexte de la production. D'où la nécessité d'établir contractuellement les rapports entre les créateurs des oeuvres diffusées et le diffuseur en matière de droits.
Dans l'éventualité où de telles stations radiophoniques songeraient à utiliser une partie de la programmation d'un ou d'autres diffuseurs (que ce soit dans le cadre d'un échange de programmation avec d'autres stations communautaires ou dans celui de l'utilisation du signal d'un diffuseur commercial retransmis par une entreprise de distribution), des ententes contractuelles entre les parties deviendraient nécessaires quant aux droits de transmission radiophonique.
La réalisation de telles ententes demeurerait évidemment soumise aux conditions de licences des radios communautaires désireuses de diffuser ces programmations.
De plus, quelle que soit l'origine de la programmation diffusée, les stations de radios communautaires demeurent assujetties à l'obligation de détenir les licences appropriées des sociétés de droits d'exécution lorsqu'elles diffusent des oeuvres musicales.
Cependant, ainsi que nous le mentionnions précédemment, de telles stations, dans la mesure où elles constituent des organismes voués à des fins charitables ou fraternelles 17seront dispensées du paiement d'une compensation aux titulaires des droits d'exécution. A titre d'exemple, quatre ou cinq stations de radio communautaires du Québec détiennent actuellement une reconnaissance officielle d'un tel statut 18.
a) Distribution par un système de câblo distribution
Ainsi que nous le mentionnions au chapitre portant sur le droit de retransmission, si la retransmission du signal est faite simultanément à la diffusion par le radio diffuseur original, l'état actuel du droit n'y voit aucune violation du droit d'auteur, la distribution par câble ne constituant ni une radiodiffusion, ni une représentation publique.
Cependant, dès qu'un signal est enregistré aux fins de distribution ultérieure, il y a confection d'une reproduction non autorisée de l'oeuvre véhiculée par le signal. Seules des ententes contractuelles avec les radiodiffuseurs et les titulaires des droits de reproduction des oeuvres pourraient permettre un tel usage. Compte tenu des ententes liant les producteurs et les créateurs, et puisque généralement ces ententes prévoient des paiements reliés aux utilisations faites de l'oeuvre, il faut supposer que le droit d'enregistrer et de diffuser ultérieurement une oeuvre ne pourrait que rarement être cédé à titre gracieux.
b) Distribution par ondes hertziennes
Selon toutes probabilités, un tel mode de distribution constituant une transmission par radiophonie, même la distribution simultanée serait de nature à violer le droit d'auteur sur les oeuvres distribuées.
A plus forte raison, la distribution en différé rendrait absolument nécessaire l'acquisition des droits de transmission radiophonique et de reproduction de l'oeuvre.
1 S.R.C. 1970, c. B-ll, telle que modifiée.
2 Notamment, la loi sur la radio,S.R.C. 1970, c. R-l, telle que modifiée.
3 Par exemple, la câblodistribution. Voir les arrêts Re CapitalCities Communications Inc., (1978) 1 R.C.S. 141 et Régie desservices publics c. Dionne, (1978) 1 R.C.S. 191.
4 Voir Canadien Admiral Corporation c. Rediffusion Inc., (1954)Ex. C.R. 362
5 S.R.C. 1970, c. C-30
6 Article 3 de la Loi sur le droit d'auteur.
7 En général, l'oeuvre doit être fixée matériellement, puisqu'iln'existe pas de droit d'auteur sur les seules idées.
8 Les conventions collectives liant les entreprises de radiodiffusion et leurs salariés contiendraient plutôt, semble-t-il, des dispositions expresses par lesquelles les salariés renoncent à tout droit d'auteur.
9 Par exemple, la Société des auteurs, recherchiste, documentalistes et compositeurs (SARDEC). Il ne faut pas confondre les ententes ainsi conclues avec celles liant les producteurs et diffuseurs avec les associations d'artistes. Ces interprètes ne bénéficient généralement d'aucun droit d'auteur sur les oeuvres auxquelles ils ont participé. Cependant, un certain droit de suite leur est conféré par ces ententes, prévoyant le versement d'un cachet supplémentaire pour les utilisations ultérieures de l'oeuvre.
10 Voir note 4.
11 (1971) 65 C.P.R. 215.
12 Fornightly Corporation c. United Artists Television Inc., (1968) 392 U.S. 390.
13 Voir, pour de plus amples précisions, Le choix, à quel prix?, Rapport du Groupe de travail sur l'accès aux services de télévision dans les collectivités mal desservies, Approvisionnement et services Canada, 1985.
14 Il est également possible qu'un système de redevances fonctionnant complètement à l'extérieur du régime du droit d'auteur soit la solution retenue, compte tenu des obligations internationales du Canada en matière de droit d'auteur.
15 Cette clause, qui se trouve dans certaines conventions négociées par l'Union des artistes, est utilisée ici aux fins d'analogie.
16 La Société Radio-Canada insère dans ses contrats d'achat de droits une clause particulière l'autorisant à étendre les droits qu'elle acquiert aux systèmes de câblodistribution desservant de petites collectivités ou des minorités linguistiques qui ne peuvent avoir accès à un signal de la S.R.C. de qualité acceptable, dans leur langue. La Société acquiert donc ainsi un droit de retransmission partiel en sus de son droit de diffusion original.
17 Article 17(3) de la Loi sur le droit d'auteur, voir Les exceptions au régime du droit d'auteur, supra, p. 13.
18 Notamment, selon l'Association des radiodiffuseurs communautaires du Québec, Radio-Centre ville de Montréal, CIBL-FM de Montréal et CF1N, des Iles-de-la-Madeleine.