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DES ENJEUX POLITIQUES AUTOUR DE LA DÉFINITION DU COMMUNAUTAIRE

Texte de réflexion

Rédigé par Michel Parazelli

pour le Regroupement des organismes communautaires autonomes jeunesse du Québec

(ROCAJQ)

Adopté en assemblée générale le 6 octobre 1994

Des enjeux politiques autour de la définition du communautaire

1- Le poids du contexte socio-historique

La question de la définition du communautaire ne peut s'isoler du contexte socio-historique dans lequel elle se pose. Ce contexte, caractérisé par une série de réformes dans le monde de l'aide sociale et de remploi, des services sociaux et de l'éducation, est en train de modifier en profondeur les moyens collectifs favorisant la solidarité sociale au Québec. En effet, ces réformes sociales-étatiques ont fait appel, dans une large mesure, à la responsabilisation de la communauté quant aux solutions à apporter aux divers problèmes rencontrés. Ainsi, actuellement, plus que jamais la valeur du communautaire est en hausse dans le marché des interventions sociosanitaires, éducatives et d'employabilité. S'agit-il d'une reconnaissance étatique de faction communautaire autonome ou d'une nouvelle technique d'institutionnalisation de la pauvreté des ressources ?

Nous avons pu observer que dès la mise sur pied des CLSC et s'intensifiant pendant la deuxième moitié des années 80, les appareils d'état ont progressivement détourné le sens de l'action communautaire autonome en simulant la communautarisation de leur développement institutionnel. Avec le recul, on peut dire que cette opération publique s'apparente aux pratiques de reconversion technologique des entreprises privées qui, parallèlement, se sont réalisées dans le contexte de la mondialisation de l'économie. Notons que cette rationalisation des services étatiques dans le secteur des services sociaux (loi 120) et de l'aide sociale surtout (loi 37) s'est réalisée dans un contexte de crise économique profonde. En effet, parmi les arguments invoqués pour effectuer cette ruée vers l'or communautaire, celui de l'économie des ressources financières fut le plus convaincant pour les gestionnaires des institutions publiques désireux de développer, à moindres frais, leur marché de services malgré le contexte de crise. L'attitude naïve ou opportuniste de certains organismes communautaires amène ces derniers à fonder des espoirs sur ce nouvel engouement étatique pour le communautaire. "Le communautaire est enfin reconnu ! Profitons-en !", disent-ils.

D'autres demeurent sceptiques et adoptent une attitude attentiste quant aux retombées éventuelles. Quant à nous, nous tentons, depuis 1985, d'adopter un point de vue critique sur cette prétendue valorisation du communautaire. C'est pourquoi, nous appuyons nos propos et nos jugements non pas sur des espoirs croyants ou opportunistes mais sur les 12 années d'expériences à partir desquelles nous pouvons témoigner de certaines pratiques d'actions communautaires et formuler un bilan sur l'état actuel de la reconnaissance de l'action communautaire autonome. Plusieurs personnes ont déjà signalé le projet de récupération de l'action communautaire autonome par l'État dans un contexte de crise économique et de réformes administratives des dépenses publiques. À ce propos, G. Doré est explicite quant au contexte forçant certains organismes à repréciser la spécificité communautaire de leurs actions:

Aujourd'hui, on valorise davantage le communautaire, mais en fait l'État veut surtout se décharger sur des services privés et gratuits des obligations qu'il avait contractées pendant la période précédente [années 70]. Et on en vient à la sous-traitance... Dans le contexte actuel, malheureusement, ce n'est pas leur côté alternatif qui est reconnu, c'est plutôt leur côté complémentaire ou supplétif aux services publics. On compte sur le communautaire pour donner des services qui autrement seraient donnés par des établissements publics (Doré, 1991:4).

En effet, depuis 12 ans, les expériences de collaboration, de concertation, d'arrimage, de partenariat (en ordre d'apparition historique) entre les organismes communautaires jeunesse et les établissements publics nous apprennent que le rapport désirant des institutions au communautaire ne concerne que la valeur de la marque de commerce du communautaire et non la spécificité de son action. Cette vaste opération technocratique de marketing politique a pris au moins trois formes de simulation. Actualisons celles que nous avons déjà identifiées en 1989(Parazelli, 1989: 15):

1. Par des organismes sans but lucratif (appelés communautaires) mis sur pied ou contrôlés par des programmes étatiques (Ex.: les organismes orienteurs de la Loi des jeunes contrevenants, les services externes à la main-d'oeuvre des Centres Travail-Québec, les ressources intermédiaires des centres d'accueil de réadaptation ou des hôpitaux, les services de maintien à domicile des CLSC, etc.).

2. Par une pseudo-réforme de la profession institutionnelle (ex.: la psycho-éducation communautaire, les éducateurs de rue, la police communautaire,l'école communautaire, l'organisation communautaire, le travail social communautaire, etc.). Cette simulation d'une profession bonifiée, améliorée à la vitamine communautaire semble autoriser les employés d'état reconvertis en intervenants communautaires à étendre leur mission de normalisation sociale jusquedans la vie communautaire des citoyens-nes et ce, au nom de la prévention.

3. Par la mise en marché de programmes de subventions offerts auxorganismes  communautaires  visant   la  gestion comportementalistedes  personnes  à  risque  exclues socio-économiquement et  institutionnellement (clientèles à risque).   Ces programmes s'inscrivent dans uncadre technocratique et une logique d'interventions institutionnelles punitives,occupationnelles et épidémiologiques (Ex.: Les mesures d'employabilité de la loide l'aide sociale telle que les programmes PAIE, EXTRA, Travaux communautaires, les Programmes de développement de l'emploi du fédéral (PDE) et lesPlans régionaux d'organisation de services (PROS) des régies régionales du MSSS1(loi 120)).

Ces trois formes de simulation de la communautarisation des appareils d'État ont été qualifiées par la Coalition des organismes communautaires du Québec, en 1988, d'«indices d'une tutelle de l'État sur l'action communautaire» (COCQ, 1988 b). De façon plus précise, trois procédés technocratiques avaient alors été identifiés: Le resserrement des normes administratives, le maintien de la précarité financière des groupes et la soumission des organismes au modèle de gestion technocratique de l'État (Voir l'annexe 1). La progression actuelle de cette opération de reconversion technocratique des interventions étatiques dans le champ

communautaire vise en fait la subordination de l'action communautaire autonome aux finalités exclusives des appareils d'état et des priorités ministérielles. Ainsi, le communautaire est en train de devenir une espèce de logiciel de gestion sociale bon marché disponible en plusieurs versions d'utilisation selon le type d'application qu'on lui réserve.

Même si le débat entourant le respect de la spécificité des organismes communautaires se pose actuellement avec acuité, il n'est pas nouveau. Déjà en 1985, à l'occasion du 1er colloque des organismes communautaires jeunesse du Québec et d'ailleurs, les organismes du ROCJMM2 émettaient des doutes sur cet apparent consensus des appareils d'État autour de la reconnaissance du communautaire jeunesse:

Reste que, malgré cet apparent consensus, les enjeux sont multiples. Il ne suffit pas de réciter la «formule magique du communautaire» pour que son utilisation sociale respecte les jeunes en tant que citoyens à part entière. Derrière l'étiquette «communautaire» se camouflent une pluralité d'intérêts contradictoires, bien qu'ils se réclament tous d'une même «marque de commerce»... En effet, aujourd'hui, la psycho-éducation se cherche une définition communautaire; les centres d'accueil créent leurs propres ressources communautaires; les CSS3 s'infiltrent au sein de projets communautaires ou en mettent eux-mêmes sur pied;   les programmes de prévention du crime se réclament du communautaire; les CRSSS4 veulent s'approprier l'expertise communautaire et la gérer de façon régionale; les écoles se transforment en milieux communautaires; en somme, même le gouvernement serait devenu communautaire parce qu'issu du milieu ! (ROCJMM, 1985: 6).

1.1   Le développement de pratiques communautaires technocratiques:  la communautique.

Dès 1987, le ROCJMM diffusa la définition d'un concept, la communautique5, qui permettait d'identifier et de distinguer ces formes simulées de communautarisation des programmes étatiques (ROCJMM, 1987: 37-44). La communautique est un concept appartenant à la télématique que nous avons repris à notre compte pour mieux nommer le processus d'institutionnalisation de la pratique communautaire jeunesse autonome. Non seulement la communautique a contribué à miner l'autonomie des organismes communautaires jeunesse mais l'élargissement de son développement à d'autres groupes sociaux fait de la communautique la seule forme de socialisation que l'État acceptera de supporter financièrement à brève échéance.

En quoi consiste cette forme de socialisation ? La communautique s'inspire d'une vision technocratique du social, c'est-à-dire d'une idéologie systémique des rapports sociaux. Il s'agit, pour l'État et ses appareils, de réduire l'action communautaire à un service spécialisé et de restreindre l'accessibilité du service exclusivement à un groupe d'individus dont les caractéristiques doivent être bien ciblées (clientèles à risque). Une sorte de réseau de services spécialisés à des communautés automatiques. L'idéologie systémique des rapports sociaux s'inscrit dans une perspective fonctionnante où chaque citoyen/ne a une place bien définie dans le système social. Si la personne ne se conforme pas ou ne s'adapte pas à cette place, les surveillants du système veilleront à lui fournir aide et traitement spécialisés; lesquels traitements seront aussi atomisés que la vision technocratique qui les oriente. Dans une relation de type communautique, on ne s'occupe pas de vous, on traite le risque que vous représentez c'est-à-dire, les variables déficientes, déviantes ou dysfonctionnelles qui vous habitent. Le rôle d'un organisme communautique est alors de socialiser les individus à risque à l'auto-contrôle comportemental. Le mémoire du ROCJMM portant sur l'avant-projet de loi 120 explique bien de quelle façon la perspective de services

aux clientèles à risque est elle-même renversée dans un rapport de dépendance des clients à l'offre de services:

En effet, les "clientèles à risque" , que sont devenus certains groupes de citoyens-nes ciblés par l'État, n'auront plus à chercher de réponse à leurs besoins, mais devront plutôt répondre à la question de fonctionnalité des objets construits par l'État en tant que problèmes sociaux. La réponse est incluse dans la question. En d'autres mots, pour avoir accès à une ressource sociale, les citoyens-nes devront s'intégrer dans une des "cases" autorisées par l'État. En se conformant aux exigences du système, les citoyens-nes domestiqueront leurs comportements sociaux pour s adapter à la gestion technocratique de la représentation des fonctions sociales érigées en système (ROCJMM, 1990: 31).

Les perspectives de développement de la pratique communautique sont infinies puisque la sélection et la hiérarchisation des problèmes des jeunes sont définis par les technocrates selon les besoins politiques du moment. A titre d'exemple, la fondation d'un centre d'accueil a mis sur pied un centre d'hébergement spécialisé s'identifiant à un groupe communautaire, pour traiter les ex-bénéficiaires qui n'auraient pas réussi leur réinsertion à leur sortie de ce même centre d'accueil.

De la même manière, des municipalités ont initié leur propre maison de jeunes en guise de programmation jeunesse de loisirs municipaux. Aussi, pensons à des organismes comme feu Dernier Recours (centre de références et d'hébergement temporaire pour itinérants) ou encore des programmes comme Jeunesse 2000 (loisirs jeunesse) créés et financés par la Ville de Montréal. Ces initiatives municipales ont aussi la prétention d'être communautaire tout comme les différents programmes de surveillance de quartiers (projets Tandem à Montréal et Gros bon sens à Longueuil).

Il est question, ici, d'un choix politique clair: Créer ses propres ressources communautiques au lieu de supporter financièrement les organismes communautaires autonomes existants pour le travail qu'ils définissent eux-mêmes depuis des années. Le problème ne découle pas seulement du fait qu'un centre d'accueil ou qu'une municipalité développe des services  technocratiques supplémentaires mais plutôt qu'ils le fassent, d'une manière illégitime, par la simulation d'une pratique communautaire. Résultat: plus le développement de la communautique croît, plus celui de l'action communautaire autonome diminue.

Que ce soit dans le secteur de la santé mentale, celui des personnes handicapées, des personnes âgées, des jeunes et des femmes, l'enjeu est le même: Transformer ou remplacer les organismes communautaires autonomes en pratiques communautiques programmées pour les besoins institutionnels et étatiques. C'est pourquoi le Ministère de la santé et des services sociaux (MSSS) tente, depuis quelques années, de persuader les organismes communautaires, qui ont conservé leur autonomie, de distribuer des services spécialisés programmés à l'intérieur de plans régionaux d'organisation de services (PROS) gérés par des régies régionales elles-mêmes supervisées par le MSSS.

Associé aux pressions grandissantes des établissements publics et des programmes étatiques, le développement de la pratique communautique gruge aujourd'hui tout le champ de l'action communautaire autonome. Indéniablement et malgré les apparences séductrices d'un certain intérêt du Ministre Coté pour le respect de l'autonomie de l'action communautaire, la loi 120 autorise les administrateurs des régies du MSSS à imposer leurs normes et autres contraintes comptables (de par l'intégration des organismes communautaires à la programmation étatique). Par conséquent, nous pensons que les promoteurs de la loi 120 sont beaucoup plus intéressés à créer une illusion de la solidarité communautaire qu'à reconnaître les réelles initiatives communautaires. Une illusion nécessaire pour créer la confusion entre ce qui procède des initiatives de la communauté et celles des appareils d'état.

Au-delà des formes de sous-traitance, de réseau péri-public ou de structures intermédiaires, l'expression communautique transmet bien la perspective idéologique à l'oeuvre dans la transformation des moyens de solidarité sociale par la récupération politique du communautaire. On peut penser que l'orientation communautique de l'État vise non seulement à économiser de l'argent sur ie dos du communautaire, mais à créer une fusion politique entre l'État et la société civile. H. Tremblay, chercheur au Service des programmes à la jeunesse du MSSS, exprimait des doutes quant à cette possible union politique dans son étude sur les orientations du MSSS face aux organismes communautaires:

La seconde source de difficultés réside dans les limites mêmes de la compatibilité entre l'État et les solidarités communautaires. l'État comporte bien d'autres dimensions que celle de la dispensation de services. L'État est aussi voué au maintien de l'ordre social. Comment la "raison d'État", si souvent rattachée à cette dimension, pourrait-elle faire si bon ménage avec la "raison de solidarité ' ? (Tremblay, 1987: 50).

Dans une telle confusion des rôles politiques tout peut être communautaire. Même les employés d'un appareil d'État peuvent prendre des initiatives au nom des citoyens-nes  étant donné que le principe même de la communautique occulte la frontière politique existante entre une personne mandatée par l'État et une autre associée avec des citoyens/nes faisant partie de la société civile. Nous pouvons faire l'hypothèse que ce désir du communautaire par l'État est habité par le fantasme de l'unité et de l'unicité qui, dans un contexte de crise quasi généralisée peut servir à solidariser le corps social mais devient menaçant pour la vie démocratique des associations autonomes. L'inverse s'observe tout autant en ce qui a trait au désir d'un plus d'État par certains organismes communautaires. Pour éviter la chicane dans la grande famille des services sociaux québécois post-catholiques, le partenariat et la concertation réussissent à en culpabiliser plus d'une lorsque la confrontation des différences d'orientations devient nécessaire. Vaut mieux jouer low-profile en prétendant oeuvrer tous pour la même cause. Il y a alors moins de risque de stigmatisation par la marginalisation politique mais aussi moins de chance de créer un rapport de forces pour conserver ce qui reste du patrimoine communautaire autonome. La communautique est l'un de ces produits issu du fantasme de l'unité politique entre la société civile et les représentants de l'État. Autrement dit, la communautique constitue une forme de socialisation autocontrôlée où les citoyens-nes , issus de la société civile et des appareils d'État, sont mandatés par l'État pour gérer certains problèmes sociaux définis et souvent construits par les appareils d'État eux-mêmes. Alors, si des citoyens-nes veulent s'associer pour d'autres raisons que celles de l'État, ils pourront le faire mais à leur frais; même si l'objet de leur association est des plus nécessaire pour la survie de la vie démocratique.

Pour faire face au développement de ces pratiques communautaires technocratiques, le ROCJMM a participé à la mobilisation des regroupements d'organismes communautaires du Québec. Le regroupement des forces communautaires autonomes s'est réalisé au sein de la Coalition des organismes communautaires (COCQ) de 1985 à 1991. Cette mobilisation de 14 regroupements provinciaux et régionaux, unique dans l'histoire du mouvement communautaire québécois, a su poser des jalons dans la lutte pour la reconnaissance de la spécificité du communautaire autonome6.

Cette lutte trouva des échos au sein même du MSSS. Par exemple, H. Tremblay envoya un message clair à son propre Ministère:

L'action des organismes communautaires ne peut servir d'instrument de réalisation des politiques de l'État et des programmes du réseau public. L'existence d'un véritable réseau communautaire autonome invite à diluer passablement le lien entre les organismes communautaires et la programmation du réseau (Tremblay, 1990: 125).

Toutefois, depuis 1991, l'intensification des pressions provoquées par la Loi 120 et les autres programmes de subventions, les conditions de précarité des organismes communautaires et l'opportunisme politique de certains regroupements d'organismes communautaires ont été autant de facteurs favorisant une régression politique quant au travail de clarification de la spécificité de l'action communautaire autonome. C'est pourquoi, il importe plus que jamais de rappeler les fondements politiques de la spécificité de faction communautaire autonome afin de ne pas souffrir d'amnésie volontaire provoquée par les pressions grandissantes de la conscription au partenariat involontaire.

2. Une définition des organismes communautaires ou de l'action communautaire  autonome ?

Nous pensons que l'opération publique de simulation communautaire des programmes étatiques (que nous qualifierons dorénavant de pratiques communautiques), contribue à gonfler l'ambiguïté politique de la spécificité identitaire de faction communautaire autonome. En effet, la plupart des définitions récemment formulées par le mouvement communautaire demeurent vagues, confuses et surtout axées sur la définition de l'organisme et non sur celle de l'action communau taire en tant que pratiques associatives quotidiennes. Ces définitions nous informent plus sur le rapport désirant des regroupements à l'objet communautaire que sur une forme politique d'actions sociales spécifiant l'identité de l'action communautaire autonome. C'est comme si on avait troqué l'esprit critique pour des formulations idéalisantes de la prise en charge communautaire sans référen ce explicite à des pratiques concrètes d'émancipation. Par exemple, la définition de la Table des Regroupements provinciaux d'organismes communautaires et bénévoles (TRPOCB) reflète bien cette attitude7 :

Les organismes communautaires et bénévoles se définissent comme constituants d'un mouvement social autonome d'intérêt public, comme des agents de transformation sociale qui agissent au niveau de l'amélioration de la qualité du tissu social, leur intervention allant au-delà de la simple satisfaction des besoins sociaux et de santé de la population. Ces organismes constituent au Québec un secteur particulier d'intervention du domaine de la santé et des services sociaux (TRPOCB, 1993:6).

Savoir que les organismes communautaires sont un «mouvement social autonome d'intérêt public» ou qu'ils sont des «agents de transformation sociale» ou encore qu'ils améliorent «la qualité du tissu social» ne nous indiquent en aucune manière en quoi leurs pratiques favorisent concrètement l'autonomie de l'action communautaire. De plus, en quoi les organismes communautaires constituent-ils un mouvement social autonome ? De quelles transformations sociales parle-t-on ? L'imprécision d'une telle définition risque de réduire la spécificité de (action communautaire à des slogans sans contenu pratique laissant libre cours à toutes formes d'interprétations. Par exemple, il serait facile, pour des organismes ayant principalement des pratiques communautiques, de s'associer à une telle définition. En effet, les SEMO ou les organismes orienteurs sont des organismes autonomes sur le plan juridique. Ils peuvent se prétendre agents de transformation sociale de par leurs actions alternatives aux institutions et peuvent affirmer améliorer la qualité du tissu social tellement cette affirmation reste floue quant au type d'amélioration et de tissu social8 . D'autre part, on peut penser que des organismes communautiques pourraient devenir autonomes s'ils le décidaient et en percevaient un avantage politique pour les personnes pour qui ils distribuent des services. Mais la définition de la Table des regroupements ne nous permet pas d'en discerner les possibilités ou d'en indiquer les voies politiques pratiques par lesquelles ces organismes communautiques pourraient s'émanciper de l'emprise d'une logique sociale technocratique.

Nous indiquons ici une différence capitale entre définir les appartenances corporatistes à une mission idéalisée d'un ensemble d'organismes communautaires et identifier la spécificité des conditions nécessaires au développement de pratiques d'actions communautaires autonomes. Cette nuance est fondamentale car les regroupements d'organismes communautaires confondent plus souvent qu'autrement modèle, approche, mode d'intervention, ressources et projet. Plusieurs confondent aussi l'action communautaire avec n'importe quelles actions réalisées dans la communauté. Certains vont jusqu'à associer l'action communautaire autonome à un modèle ! C'est comme si les organismes réagissaient à la menace d'institutionnalisation du communautaire par une auto-standardisation de l'action. En effet, même si plusieurs chercheurs et fonctionnaires tentent de nous convaincre de l'existence de modèles à coups de publications et d'études évaluatives, il reste qu'il n'existe pas un Modèle de l'action communautaire autonome.

Cela est antinomique avec le principe même d'autonomie de l'action communautaire et de son insertion dans un contexte socio-historique donné.

Un autre exemple nous vient de la loi 120 elle-même. La définition d'un organisme communautaire est alors apparentée à la catégorisation d'un établissement de services. Cette définition ne nous informe pas non plus sur les conditions pratiques du respect de l'autonomie de l'action communautaire:

Les organismes communautaires:

334. Dans la présente loi, on entend par «organisme communautaire» une personne morale constituée en vertu d'une loi du Québec à des fins non lucrativesdont les affaires sont administrées par un conseil d'administration composé majoritairement d'utilisateurs de services de l'organisme ou de membres de lacommunauté qu'il dessert et dont les activrtés sont reliées au domaine de la santé et des services sociaux.

335. Un organisme communautaire qui reçoit une subvention en vertu du présent titre définit librement ses orientations, ses politiques et ses approches(Québec, 1991: 97).

L'article 334 intervient au niveau de la description juridique et administrative. Il ne nous renseigne pas sur le respect des conditions permettant à un organisme de développer des pratiques autonomes. Par contre, l'article 335 semble remplir cette tâche mais ne précise pas la marge de liberté qu'un organisme dispose dans le cadre d'un programme de subventions gouvernementales. On remet alors ce type de discussion à l'ordre du jour de négociations régionales ou provinciales. Un organisme peut bien être libre de ses orientations et politiques, mais si ces dernières ne cadrent plus avec les priorités du programme de subvention, qu'arrivera-t-il ? La loi n'y répond pas. Il est clair que ce type de reconnaissance législative du communautaire ne résoud en rien la question politique du respect de l'identité spécifique à l'action communautaire autonome. À tout le moins, favorise-t-elle la codification institutionnelle des organismes communautaires à l'intérieur du système des services sociaux et de santé mais non la reconnaissance de l'action communautaire autonome".9

3. La spécificité de l'action communautaire autonome

Pour nous, la spécificité de l'action communautaire autonome ne s'identifie pas par le mandat de l'organisme ou par la forme d'un modèle, d'une approche, d'un moyen d'intervention ou encore par l'idée de ressource alternative. La spécificité de l'action communautaire autonome réside dans le fait qu'elle est avant toute chose une expérience collective d'appropriation d'actes sociaux. A ce titre, le document de base et la formulation des revendications de la COCQ sont non seulement encore d'actualité mais ils représentent l'intérêt de situer la spécificité de l'action communautaire autonome au sein même des pratiques d'émancipation des citoyens-nes :

La raison d'existence de cette action est fortement liée au besoin que des gens d'une communauté ont de vouloir définir eux-mêmes leurs problèmes, leurs besoins, leurs projets et la qualité de leur vie quotidienne. [...] L'autonomie de l'action communautaire ne s'identifie pas par son caractère légat de corporation sans but lucratif ou par un quelconque mandat d'intervenir sur une clientèle-cible, mais plutôt par la capacité effective de l'organisme de permettre aux citoyens(es) associês(es) volontairement d'avoir un pouvoir sur leur actes sociaux. Il en va de la survie même de la spécificité de l'action communautaire (COCQ, 1988: 9-10).

Ainsi, pour la revendication concernant le respect de l'autonomie des organismes, la COCQ a énoncé, en 1989, des principes d'actions spécifiant l'identité de l'action communautaire autonome10 . Ces principes d'actions ne se perdent pas dans des évocations vagues et idéalisantes ou une énumération de services divers, de rôles et d'approches mais font en sorte que cette identité communautaire prenne une forme politique concrète d'actions sociales. Répétons-le: il ne s'agit pas de modèle ni d'approche et encore moins de solutions techniques mais de principes d'actions sociales de base avec lesquels un organisme peut commencer à expérimenter, à sa manière, une pratique collective d'appropriation d'actes sociaux. Voici les principes d'actions formulés par la COCQ en 1989:

Pour qualifier d'action communautaire autonome un OSBL, il faut qu'au minimum les principes d'action suivants soient présents dans la vie associative; nous demandons qu'ils soient respectés:

En fait, cet énoncé de principes politiques montre une voie sociale permettant de développer concrètement un potentiel d'autodétermination des actions communautaires par les personnes impliquées dans les associations. Dans cette pers-pective, l'action communautaire autonome devient un projet d'actions sociales etnon un modèle d'interventions ou une approche. Créer des liens sociaux de ma-nière volontaire et partager collectivement le pouvoir de définir les problèmes, les besoins et les projets exigent une organisation collective qui permette les exer-cices de négociations répétées entre les groupes d'intérêts différents au sein dechaque association. Ici encore, l'imagination est requise et les formes d'organi-sation à expérimenter sont constitutives d'une démarche d'appropriation conti-nue des membres à l'intérieur des instances d'une association. Remettre enquestion la définition institutionnelle des problèmes exige une réappropriationd'un savoir et d'une sensibilité par les personnes vivant elles-mêmes ces difficul-tés. Ce long et difficile exercice d'apprentissage permet aux personnes margina-         lisées et/ou exclues d'éviter ou d'atténuer les effets de la stigmatisation institu-tionnelle et sociale et de s'approprier un pouvoir sur la connaissance critique desprocessus sociaux de la vie collective. C'est pourquoi, les principes d'actionsque nous avons décrits sous-entendent des valeurs d'équité, de justice et de co-opération ainsi que des attitudes d'ouverture et de recherche continue. Les ac-tions de transformation sociale et la formation d'un mouvement social autonomepeuvent alors émerger à la condition de se développer en s'appuyant sur despratiques sociales favorisant l'apprentissage de la vie collective dans un contextede démocratie directe et de reliaison des fonctions dispersées de la vie sociale.C'est ce que les organismes membres du ROCJMM exprimaient en 1987 au sujetde la «déprivation sociale» :

La mise en marché d'une kirielle de services professionnels spécialisés, issue d'une division fonctionnelle des problèmes liés au mode de vie, invite les gens à consommer des thérapies ou les incite a confier leurs «problèmes» aux institutions. Ainsi les gens sont amenés à se départir de leur responsabilité sociale tace à leur famille et leurs proches, il est important de savoir ce que le processus de déresponsabilisation de la communauté face a elle-même entraîne, a long terme, comme effet. Associé au processus de dispersion par rassemblements fonctionnels, ce phénomène de déresponsabilisation gruge, petit à petit, les savoirs et les motivations à vivre en société. À force de ne plus avoir d'occasions d'apprendre à vivre collectivement, les gens en viennent jusqu'à oublier pourquoi ils devraient créer et entretenir des liens sociaux autres qu'uniquement fonctionnels. Cet effet, nous le nommons, "déprivation sociale". (...) l'action communautaire est à la fois simple et compliquée parce que difficile à réaliser sans faire face aux réflexes culturels actuels. Le chantier de travail est énorme: refaire les ponts entre les différentes fonctions de la vie régulièrement dispersées signifie en soi un projet social à long terme. Nous pensons que les gens doivent lutter pour retrouver des espaces sociaux où l'existence des individus ne se travestit pas en unité fonctionnelle (ROCJMM, 1987:50,55).

Conséquemment, les méprises et les récupérations concernant l'action communautaire s'inscrivent aussi dans les enjeux ayant trait au contrôle social et à la gestion des populations à risque. Dès lors, d'autres nuances peuvent être faites pour clarifier les enjeux: est-ce que le communautaire est d'abord une affaire d'intervention ou d'action? Petite nuance fondamentale car intervention veut dire «venir entre», «prendre part à», s'interposer entre, bref, tenir un rôle de médiateur. Action, de son côté, signifie «faire», «poursuivre»; et si l'on jette un coup d'oeil dans le dictionnaire Robert, la définition de faire s'étend sur deux pages complètes. Il y est défini «tout ce que fait l'humain». Loin d'être un accroc dans les fleurs du tapis, cette nuance s'impose étant donné les enjeux actuels et à venir du sous-développement ou du développement communautaire autonome. La tendance actuelle s'oriente indéniablement dans le sens d'une augmentation d'intervenants qui «viennent entre» les individus à risque et leur famille, les individus à risque et le travail, les individus à risque et la société, les individus à risque et l'État et ce, dans toutes les problématiques imaginables. Très peu de personnes «font avec» les individus dits à risque c'est-à-dire, leur permettre d'organiser eux-mêmes leurs initiatives et les appuyer sans «venir entre» ce qu'ils font et une autre instance mais en «étant avec», en «poursuivant avec» eux la réalisation d'un projet collectif. Dès lors, l'implication et la participation deviennent des pratiques d'appropriation communautaire de la vie associative.

L'intervenant est alors amené à laisser de côté son travail de médiation sociale pour devenir un acteur social dans son milieu. Ces propos ne visent pas à laisser entendre que l'intervention est à bannir de l'action des organismes communautaires mais à rendre visible l'étât de précarité des actions communautaires. Le défi posé par ces principes d'actions communautaires réside dans l'objectif de socialisation qu'ils impliquent et dans les conséquences émancipatrices découlant d'une expérience collective d'appropriation d'actes sociaux. L'autonomie sociale devient alors une autonomie partagée inhérente à la socialisation entre individus qui veulent et peuvent définir eux-mêmes leurs problèmes, leurs besoins et leurs projets11 . En d'autres mots, au lieu de satisfaire les désirs d'autrui (l'aliénation) c'est-à-dire, ceux des programmes étatiques, les organismes communautaires disposent de principes d'actions rendant possible la satisfaction des désirs sociaux des personnes par elles-mêmes (l'émancipation). Pour solutionner certaines difficultés sociales identifiées par les personnes vivant elles-mêmes ces difficultés, les actions concrètes qui en découlent seront celles que ces personnes auront imaginées et non celles que des études épidémiologiques et programmatiques auront planifiées pour elles.

En ce sens, les critères nous permettant de juger si un organisme dit communautaire est bel et bien autonome et non communautique seront ceux qui nous donneront les moyens d'identifier les conditions réelles que l'association aura mises en place pour développer un potentiel d'autodétermination des actions de l'association par les membres qui la composent. Nous pensons que les principes d'actions tels que formulés par la COCQ en 1989 constituent un bon point de départ pour l'élaboration de tels critères. Dès lors, le jugement porté sur l'action d'un organisme ne peut être moral mais devient un jugement éthique12. La définition de l'action communautaire nous conduit inévitablement vers une éthique politique de la socialisation guidant les fondements d'un mouvement associatif visant la réappropriation des actes sociaux13.

Finalement, ces quelques considérations montrent aussi pourquoi l'action communautaire autonome n'a pas à être codifiée ou institutionnalisée à l'intérieur d'une loi pour être supportée financièrement. En effet, pour l'État, choisir de supporter financièrement l'action communautaire autonome en respectant les principes d'actions dont nous avons parlés, c'est choisir d'investir dans la formation d'espaces démocratiques. Est-ce possible ? C'est ce que la COCQ a tenté de vérifier en 1989.

Bibliographie

CASTORIADIS, C. (1975) L'institution imaginaire de la société, Paris, Seuil.

COCQ (1988a). Coalition des organismes communautaires autonomes...pour la reconnaissance de l'action communautaire autonome - Document de base, Montréal, Coalition des organismes communautaires du Québec.

COCQ (I988b). Trois ans de gouvernement libéral...l'action communautaire en tutelle. Communiqué de presse, Montréal, Coalition des organismes communautaires du Québec.

COCQ (1989). Le projet, les revendications - Journée de mobilisation et de visibilité du mouvement cornmunautaire et populaire autonome du Québec, lundi le 30 octobre 1989. Montréal, Coalition des organismes communautaires du Québec.

CONSEIL NATIONAL DE BIEN-ÊTRE SOCIAL (1991 ) Les dangers qui guettent le financement de la santé et de l'enseignement supérieur. Rapport du Conseil national de bien-être social.

CÔTÉ, M.Y. (1993) Balises relatives à la régionalisation du volet du programme de soutien aux organismes communautaires touchant les organismes qui oeuvrent dans les différentes régions du Québec, correspondance, Gouvernement du Québec - MSSS, 21 décembre.

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PARAZELLI, M. (1990) "Pour ajouter de la misère à la vie. L'impact d'une épidémiologie sociale-étatique sur l'action communautaire et les problèmes sociaux', Service Social, Vol.39, N°2, pp. 175-187.

PARAZELLL M. (1989) "Une vision technocratique du communautaire: la «communautique»", dans L'Ardoise, #36, Vol. 7, N°1, pp.:14-15.

QUÉBEC, gouvernement (1991 ) Loi sur les services de santé et sur les services sociaux et modifiant diverses dispositions législatives, Québec, Éditeur officiel du Québec.,

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TREMBLAY, H. (1987) Les ressources communautaires. Problématiques et enjeux, Direction générale de la Planification et de l'Évaluation, MSSS, Québec.

ANNEXE  1

ANNEXE  2

COMMUNAUTIQUE:     (par extension) Néologisme issu des mots "communautaire" et "systémique" désignant la technologie socio-sanitaire qui est utilisée actuellement dans le développement d'un réseau intégré et hiérarchisé d'organismes sans but lucratif qui interviennent de façon spécialisée et systémique en construisant les problèmes des gens (et jeunes ) dits mésadaptés. Ces petits groupes, qualifiés à tort de "communautaires", sont mis sur pied par les établissements du MSSS (centres d'accueil, Centres de services sociaux, etc.) à l'aide de fondations privées créées à cet effet ou des clubs sociaux . Issue de la réforme tranquille des services sociaux publics (années 80), cette "nouvelle recette" tente de camoufler l'échec institutionnel des services de l'Etat en créant de petites unités à l'aspect communautaire mais qui, dans la pratique, sont au service des établissements en conservant la logique institutionnelle; une sorte de réseau péri-public» (ROCJMM, 1987:44).

Quelques définitions :

Groupes populaires :

Pour le Centre de formation populaire (CFP), on définit un groupe populaire ainsi:

Les groupes populaires naissent là où des personnes prennent conscience d'un problème à résoudre, d'un besoin auquel ils doivent répondre. Il naît de l'initiative des gens à la base et existe pour apporter des solutions à ces problèmes et pour répondre aux besoins identifiés par une démarche collective. Pour que cela fonctionne, il utilise une structure de participation démocratique qui vise la prise en charge de la population il tend a promouvoir dans sa structure et ses pratiques des valeurs de justice sociale visant l'élimination de la discrimination et de l'oppression. Il génère des activités et des services utiles pour la collectivité Finalement, le mouvement populaire veut briser l'image négative qui est véhiculée dans la société face aux moins nanti-e-s

Organisme communautaire :

Selon le Regroupement intersectoriel des organismes communautaires de Montréal (RIOCM), voici quels sont les éléments constituant un organisme communautaire:

Objectifs :

poursuit des objectifs de transformation sociale ayant pour but l'amélioration des conditions de vie des gens, un meilleur partage des pouvoirs, des moyens et de la richesse et ce en agissant surtout au niveau de la pauvreté, de l'isolement et des oppressions (sexisme, racisme, etc.);

utilise un modèle qui favorise le fait que les personnes regroupées autour d'un problème commun reprennent individuellement et collectivement du pouvoir sur leur vie et occupent à nouveau un espace social légitime

Valeurs :

prône des valeurs d'équité, de justice, d'égalité sociale, de coopération,

de tolérance sociale,

préconise le développement de rapports égalitaires et du respect de la dignité des personnes.

Modèle :

est basé sur une approche globale, c'est-à-dire qui tend a agir sur l'ensemble des causes et des conditions associées au problème identifié par les personnes (s'oppose a une approche clinique, c'est-à-dire au soin à apporter a celles-ci vues comme seules porteuses du problème);

est basé sur un rapport volontaire à I'organisme, c'est-à-dire que les personnes qui s'y impliquent choisissent librement d'adhérer et de participer aux activités, et maintient un accès direct de la communauté sans obligation a être référé par le réseau des services publics,

vise une participation démocratique et associative, c'est-à-dire que l'ensemble des personnes associées a la démarche collective détermine et contrôle collectivement et démocratiquement leurs orientations, leur gestion et leurs activités;

naît d'une initiative ou d'une mobilisation populaire et maintient un enracinement dans la communauté, tel qu'il soit un lieu d'appartenance et d'enracinement pour les personnes qui s'y impliquent.

Forme:

peut être réalisé sous la forme d'un projet éducatif et/ou de défense des droits sociaux ou d'une action d'entraide et de soutien autour d'une problématique (sur une base associative) et/ou d'un projet de coopération sociale ou économique.

Groupe d'éducation populaire autonome :

La Table régionale des organismes volontaires d'éducation populaire (TROVEP) de Montréal définit un groupe d'éducation populaire autonome comme suit:

Organisme volontaire et autonome, sans but lucratif, contrôlé exclusivement par ses membres, ces organismes démocratiques réalisent des activités d'éducation populaire autonome* avec les citoyen-ne-s touché-e-s par une même situation vécue et/ou identifiée.

* On entend par éducation populaire autonome, I'ensemble des démarches d'apprentissage et de réflexion critiques par lesquelles des citoyen-ne-s mènent collectivement des actions qui amènent une prise de conscience individuelle et collective au sujet de leurs conditions de vie ou de travail et qui visent à court, moyen et long terme une prise en charge et une transformation sociale, économique et politique de leur milieu.

Pensez-y !

A la lecture de ces définitions, vous avez sans doute constate que nous y retrouvons plusieurs convergences :

*        le fonctionnement démocratique,

*        le rapport volontaire au groupe., a l'organisme;

*        l'action axée sur I'autonomie et la prise en charge des groupes etpersonnes;

*        le désir de faire advenir une société plus juste, plus démocratique;

*        l'enracinement dans le milieu.

Comme nous le mentionnons au début, il ne s'agit pas ici d'en arriver à une définition commune mais plutôt de faire ressortir les éléments rassembleurs de ce qu'est un organisme populaire ou communautaire. Ces convergences pourraient se retrouver dans plusieurs autres définitions adoptées au sein du mouvement. Cela confirme que nous pouvons, en tant que mouvement, nous solidariser sur plusieurs points communs.

Source : États généraux du mouvement populaire et communautaire de l'île de Montréal - 1996

NOTES