La pornographie décodée : information, analyse, pistes d'action

Table des matières

Conception et rédaction: Ginette Busqué, Cécile Coderre, Noëlle-Dominique Willems

Recherche: Diana Bronson, Susan De Rosa, Ginette Busqué, Cécile Coderre, Noëlle-Dominique Willems

Concept graphique et infographie: Claudette Rodrigue

Correction d'épreuves: Claudine Vivier

Impression: Copie Express

Cet ouvrage a été produit grâce à la contribution financière du programme Promotion de la femme du Secrétariat d'État du Canada

ISBN 2-921006-00-6

Dépôt légal: Bibliothèque nationale du Québec Premier trimestre 1988

Diffusion: Fédération des femmes du Québec, 1265 rue Berri, bureau 820, Montréal, QC, H2L 4X4    .

Remerciements

Nous tenons à remercier Michèle Galarneau pour sa contribution à la dactylographie des textes ainsi qu'Hélène Viau et Raymonde Beauchamp de la permanence de la F.F.Q. pour l'aide qu'elles nous ont apportée chaque fois que nécessaire.

Merci aussi à ceux et celles qui partagent notre quotidien pour leur appui constant à notre travail, et finalement, un merci particulier à Monica Matte dont la persévérance dans la lutte contre la pornographie n'a cessé de nous encourager à tenir bon de notre côté.

Ginette Busqué, Cécile Coderre, Noëlle-Dominique Willems

C'est depuis 1977 que la F.F.Q. se questionne sur l'impact de la consommation de matériel pornographique. En 1979, la F.F.Q. posait son premier geste concret et public de dénonciation de la pornographie. Les membres, réunies en assemblée générale, appuyaient alors massivement la proposition de madame Monica Matte de faire parvenir au ministre québécois de la Justice une requête visant à restreindre l'accès du matériel pornographique aux mineur-e-s.

En 1980, toujours dans un but de protection des mineur-e-s, nous avons fait circuler une pétition qui a recueilli l'appui de 325 000 personnes, alors qu'en 1981 nous profitions de l'Année internationale de la jeunesse pour tenir un colloque intitulé Volonté politique et pornographie: protégeons au moins les mineurs.

Bien que soucieuse de limage des femmes dans les médias, la F.F.Q. ne s'en prenait pas directement, à cette époque, aux fondements mêmes de la pornographie. Notre souci à l'égard de l'éducation des jeunes nous engageait cependant, petit à petit, dans une analyse qui nous révélait à quel point la pornographie allait à l'encontre de nos objectifs en matière d'égalité des femmes.

Dans les années suivantes, nous avons surtout cherché à diffuser auprès des instances gouvernementales et du public en général notre perception sur la portée du message propagé par la pornographie. Nous avons présenté des mémoires, écrit des articles, critiqué des projets de loi et participé à différents débats publics ainsi qu'a de nombreuses émissions de radio et de télévision.

La F.F.Q. a toujours été profondément convaincue que pour enrayer la prolifération du matériel pornographique, nous devions, en même temps que nous réclamions des lois plus efficaces, entreprendre un long processus de sensibilisation et d'éducation en vue d'amener les profonds changements de mentalité nécessaires à l'émergence d'un autre type de représentation des femmes et de la sexualité. C'est dans cette perspective que nous offrons aujourd'hui à ceux et celles que la problématique intéresse un outil permettant à la fois de mieux comprendre ce qu'est la pornographie et d'alimenter l'action en vue de la dénoncer.

Le travail de recherche, de conception et de rédaction de La Pornographie décodée a représenté, pour celles qui s'y sont engagées, une expérience remarquable. À travers notre réflexion sur la pornographie, nous avons réussi à greffer toutes nos préoccupations en matière de condition féminine et cela s'est avéré très enrichissant. Le travail d'équipe étant ce qu'il est, nous avons cent fois remis notre ouvrage sur le métier, avec parfois quelques pincements au cœur ou une pointe de découragement, mais la plupart du temps avec confiance et sans rechigner. Les moments où nous avons failli flancher ont été largement compensés par ceux où, finalement, nous avons eu énormément de plaisir à travailler ensemble.

Contenu

Les deux cahiers de fiches sur la pornographie poursuivent un triple objectif d'information, d'analyse et d'ouverture sur l'action.

Ils sont avant tout une synthèse des travaux exécutés par de nombreuses et nombreux chercheures et chercheurs au cours des dernières années et comprennent neuf séries de fiches au total.

Le premier cahier se veut en premier lieu une analyse de la pornographie et une sensibilisation à ce phénomène. Il regroupe quatre séries de fiches. La première est un essai de définition et de contextualisation du phénomène pornographique. La seconde veut montrer les caractéristiques de l'industrie de la pornographie. La troisième tente de répondre à une question: la pornographie est-elle nocive? Enfin, la quatrième fait état des lois régissant la pornographie.

Le deuxième cahier comprend cinq séries de fiches. Les quatre premières portent essentiellement sur les actions qui peuvent être entreprises autant sur le plan juridique que politique sans oublier, bien sûr, le champ de l'éducation et de la sensibilisation. Enfin, la dernière, celle des ressources, comprend un résumé des principaux livres et ouvrages sur la pornographie ainsi que des films, vidéos et pièces de théâtre réalisés comme outil de sensibilisation.

Clientèles visées

Connaissant déjà l'intérêt de plusieurs groupes de femmes pour le dossier de la pornographie, il va sans dire que nous avons constamment pensé à eux au cours de la conception et de la rédaction de ces fiches. Ces groupes ayant déjà réfléchi à la question et entrepris quelques actions, certains éléments seront du déjà connu. Nous sommes convaincues cependant que nos fiches permettront d'approfondir la réflexion et mettront à jour les données de base du dossier.

Nous ne visons pas uniquement les groupes de femmes déjà structurés. Nous voulons également offrir un outil à celles et ceux qui voudraient se réunir pour s'attaquer à la problématique de la pornographie ainsi qu'à toutes les personnes qui veulent dispenser un enseignement ou animer des ateliers ou des groupes de travail sur la question.

Les demandes de matériel qui nous sont régulièrement adressées nous incitent à croire également que nos fiches pourraient être extrêmement utiles à plusieurs étudiant-e-s des niveaux collégial et universitaire. À la fin du secondaire, ce sont surtout les professeur-e-s qui pourraient utiliser certaines fiches pour orienter des discussions avec les élèves.

Mode d'utilisation

Chaque fiche contient l'information de base relative à la matière traitée et peut être utilisée dans un ordre qui correspond en premier lieu aux besoins de l'utilisatrice-teur.

La matière traitée dans une fiche ayant cependant presque tou­jours un lien avec le contenu d'autres fiches, nous faisons men­tion chaque fois qu'utile ou nécessaire de l'information complé­mentaire. Nous indiquons le renvoi à effectuer par la consigne: consultez aussi telle ou telle fiche.  En vue de faciliter l'utilisa­tion des fiches aux personnes qui ne sont pas déjà familières avec ce dossier, nous conseillons de prendre connaissance de l'ensemble des contenus. La consultation de chacune des fiches en sera par la suite beaucoup plus rapide et aisée. Chaque cahier contient la table des matières de l'ensemble des fiches.

La pornographie décodée 1

I.  La pornographie: un type de représentation des femmes, outil de discrimination

1. Reconnaître la pornographie

Définir la pornographie, c'est probablement la tâche la plus complexe à laquelle nous ayons à faire face quand nous nous attaquons à ce dossier.

La difficulté ne réside pas dans l'incapacité de reconnaître ce qui est pornographique: elle résulte plutôt de la quasi impossibilité d'isoler une définition unique.

La pornographie n'est pas seule­ment un certain type de repré­sentation des femmes, c'est aussi un phénomène social. C'est pour­quoi il est à peu près impossible qu'une seule et même définition puisse contenir à la fois les élé­ments qui permettent de la recon­naître à la pièce et ceux qui la situent dans ses fondements socio-culturels.

À supposer que nous réussissions à concilier cette double perspective, il est fort probable que la définition qui en résulterait ne serait pas applicable dans le cadre d'un code criminel. Une définition à caractère juridique, et pénal de surcroît, doit offrir un cadre très précis de référence alors qu'une définition à caractère sociologique peut être beaucoup plus large. Un autre ordre de problèmes vient également s'ajouter à la complexité de définir la pornographie: c'est la confusion qui provient de l'emploi indifférencié des mots obscénité, érotisme, pornographie.

Dans cette fiche, nous ne vous proposerons pas une définition passe-partout; nous visons plutôt à démasquer l'idéologie véhiculée par la pornographie. Notre démarche consistera à préciser en quoi la pornographique se distingue de l'érotisme et de l'obscénité. Cela nous amènera évidemment à décrire comment la pornographie dépeint les femmes et à la caractériser comme outil de discrimination.

Nous nous interrogeons enfin sur les raisons qui font que la pornographie est aujourd'hui une véritable industrie en la rattachant au système social et culturel qui a permis qu'elle se développe ainsi.

2. Définitions: obscénité, érotisme, pornographie

C'est probablement uniquement parce qu'ils ont tous trois une connotation sexuelle que les mots obscénité, érotisme, pornogra­phie ont été si souvent utilisés indifféremment. Qu'il suffise sim­plement de rappeler que le légis­lateur fédéral définit l'obscénité et non la pornographie • et que les marchands de matériel porno­graphique préfèrent qualifier celui-ci d'érotique. Il faut également ajouter que les définitions rapportées dans les dictionnaires entretiennent trop souvent cette confusion. Pour nous, cependant, des distinctions s'imposent car nous voulons identifier avec précision les raisons qui fondent notre opposition à un certain type de représentation des femmes et non pas à tout type de repré­sentation de la sexualité.

2.1 Obscénité

L'article 159(8) du Code criminel se lit comme suit:

Aux fins de la présente loi, est réputée obscène toute publica­tion dont une caractéristique do­minante est l'exploitation indue des choses sexuelles, ou de cho­ses sexuelles et de l'un quelcon­que ou plusieurs des sujets suivants, à savoir: le crime, l'horreur, la cruauté et la violence. (1953-54, c. 51, art. 150; 1959, c. 41, art. 11.)

Le mot obscène vient du mot latin obscenus qui signifie de mauvais augure. Évidemment, il n'y a rien de choquant jusque là à ce que ce mot soit confondu avec le mot pornographie. Mais l'analogie ne peut aller plus loin. Le mot obscénité a, en fait, été employé dans un contexte où les représentations d'ordre sexuel étaient considérées, d'abord et avant tout, comme indécentes et immorales. En somme, il caractérise un malaise vis-à-vis la sexualité et ne fait aucune distinction entre l'expression sexuelle et l'exploitation sexuelle. Comme cette nuance nous apparaît fondamentale, et que c'est le mépris et la haine des femmes exprimés dans la pornographie qui, selon nous, sont immoraux, nous croyons donc que dans le contexte de la lutte contre la pornographie, le mot obscénité n'a pas sa place.

Il y a quelques décennies, le législateur canadien a fait appel à ces valeurs d'ordre moral en choisissant de définir dans le Code criminel l'obscénité plutôt que la pornographie. Les recommandations de la Fédération des femmes du Québec préconisent l'abandon du mot obscénité et nous constatons maintenant avec plaisir que c'est la direction que prend le législateur fédéral.

2.2 Érotisme

Quant au mot érotisme, c'est un autre ordre d'idées qui nous con­duit à le rejeter comme synonyme du mot pornographie. Il prend sa source dans le mot Eros, nom du dieu grec de l'amour. Selon Anne-Marie Dardigna, l'érotique du XVIe siècle concernait les choses de l'amour et plus spécifiquement l'amour physique. Au XVIIIe siè­cle, un glissement de sens rap­proche l'adjectif d'une réalité toute autre: le libertinage; il est alors associé à la déconsidération morale. Au XIXe siècle, le Larousse le définit comme ungoût marqué, excessif, pathologique pour les choses sexuelles; il n'y a alors plus beaucoup de liens avec la définition première du mot qui qualifiait les choses de l'amour.1 Aujourd'hui encore, le Petit Robert propose une définition de l'érotisme qui réfère au caractère pathologique de la sexualité. Ces définitions ne permettent pas de reconnaître en quoi l'érotisme se distingue de la pornographie; au contraire, elles auraient plutôt tendance à montrer en quoi il s'y apparente.

Il n'en demeure pas moins, toute­fois, que c'est parce que l'érotis­me réfère dans son sens premier à l'amour sexuel, sans jugement moral à l'égard de l'expression de la sexualité, qu'il a été à nouveau utilisé dans le mouvement fémi­niste pour identifier un concept positif. C'est ainsi que l'érotisme désigne l'expression de la sexua­lité qui met en cause les indivi­dus dans leur totalité, une sexua­lité qui n'évacue pas les sentiments et dans laquelle la liberté et l'intégrité sont respectées.

Dans L'Envers de la nuit, la féministe américaine Gloria Steinem propose la définition suivante de l'érotisme:

Une forme d'expression sexuelle mutuellement satisfaisante entre les individu-e-s qui ont suffisamment de pouvoir pour être là de leur plein gré. Ces images peuvent ou non éveiller un souvenir sensoriel chez la personne qui les regarde ou être assez créatrices pour donner à l'inconnu l'apparence du réel mais elles n'exigent pas que nous nous identifions à un conquérant ou une victime.2

Contrairement à la pornographie, l'érotisme n'est le porte-parole d'aucun modèle établi: il prend place dans l'homosexualité comme dans l'hétérosexualité. Il est la célébration d'une grande variété de goûts, de désirs et de souvenirs.

L'érotisme (...) présente une sexualité imaginative et une fête charnelle entre partenaires égaux3

2.3 Pornographie

Le mot pornographie vient des mots grecs porné et graphes signifiant respectivement prostituées ou femmes captives et écrits. La pornographie serait donc un discours sur la prostitution. Le sens auquel l'étymologie nous réfère constitue déjà un premier jalon dans l'analyse de la pornographie, même si l'analogie avec la prostitution ne saute pas nécessairement aux yeux.

Malgré le fait que la pornographie ne semble pas se concentrer  davantage sur la représentation des prostituées que sur celle des autres femmes, il n'en demeure pas moins que la pornographie et la prostitution constituent deux composantes majeures de l'ex­ploitation sexuelle des femmes, deux formes de commercialisation de leurs corps.

Dans la prostitution, il y a com­mercialisation directe du corps lui-même, alors que dans la por­nographie c'est la représentation du corps qu'on échange contre de l'argent. De plus, dans l'une comme dans l'autre, ce commerce a pour but de procurer un plaisir sexuel au consommateur. Le fait d'acheter ces plaisirs sexuels donne du pouvoir, celui de s'approprier le corps des femmes.

Si on pousse plus loin l'analogie, on s'apercevra également que c'est le même système social qui est à la base de la prostitution et de la pornographie, et que ce sont les mêmes conditions cultu­relles et économiques qui leur ont permis de voir le jour et de proliférer. Mais avant d'aborder les fondements de la pornographie, il nous semble utile de nous arrêter brièvement aux types de repré­sentations des femmes qui la caractérisent et au message qu'elle véhicule. Cela nous per­mettra d'approfondir pourquoi ce n'est pas sur la représentation d'activités sexuelles ou la nudité que se fonde notre opposition à la pornographie mais sur le fait que celle-ci sert de prétexte pour exprimer des attitudes de mépris à l'égard de toutes les femmes.

3. La pornographie, un mensonge sur la sexualité féminine

Dans la pornographie, les pos­tures que l'on fait habituellement prendre aux femmes sont celles de la vulnérabilité et de la dispo­nibilité sexuelle: bouche ou­verte, jambes écartées, regards faussement lascifs. Pour mettre l'accent sur les organes génitaux, très souvent le corps n'est pas représenté au complet, il est morcelé, i.e. réduit à un corps sans tête et sans jambes (sauf les cuisses bien entendu) ou encore il est attifé de tout l'attirail féti­chiste: bas de nylon et jarretelles, gadgets de cuir, bottes ou souliers à talons exagérément hauts et effilés, vêtements savamment déchirés.

Bien que l'on puisse trouver dans la pornographie à peu près tous les types physiques de femmes, c'est celui du corps ferme, à la poitrine généreuse et aux fesses galbées qui est le plus fréquem­ment présenté. Les caractéris­tiques sexuelles y sont souvent exagérées, augmentant ainsi l'écart entre ce prétendu modèle idéal de la femme et la majorité des femmes.4 Même si la porno­graphie privilégie un type phy­sique de femme, elle n'hésite pas à tracer le portrait social de toutes les femmes, à représenter plusieurs catégories de femmes. La pornographie se complait aussi à caricaturer leur sexualité et renvoie une image très défor­mée de leur désir sexuel. Elles y sont, entre autres, dépeintes comme sexuellement insatiables et soumises à tous les fantasmes de leurs partenaires sexuels.

Professionnelles, étudiantes, sportives, travailleuses au foyer, religieuses, tous les métiers sont tour à tour ridiculisés. Les fem­mes sont rabaissées dans leurs capacités intellectuelles et leurs choix de vie ne sont que des prétextes pour les chosifier. Le message sous-jacent est sans ambiguïté et il nous transmet durement l'idée que pour les pornocrates, les femmes ne sont finalement que des objets sexuels. Les textes accompa­gnant les images ainsi que les autres récits soutiennent et amplifient ce message.

4 La pornographie, violence faite aux femmes

 Cette façon de présenter les femmes comme des objets sexuels prépare le terrain à la mise en marché d'une pornogra­phie plus ouvertement anti-femmes. Après avoir suscité et entretenu une forme déguisée de mépris à l'endroit des femmes en les réduisant à des objets de convoitise sexuelle, appelée soft cote, les producteurs de porno­graphie n'ont pas eu de difficulté à introduire ouvertement des éléments de violence physique, ce qu'on appelle le hard core. Pour Edward Donnerstein, un des spécialistes des effets de la por­nographie, ce type de porno­graphie a été introduit dans le but de toujours donner plus de sensations aux consommateurs.

L'association de la violence phy­sique explicite et de la sexualité est de plus en plus fréquente et constitue certainement l'élément le plus pernicieux de la pornographie dans les années quatre-vingt. Il n'est pas rare de voir des femmes bâillonnées, ligotées, attachées et mutilées ou de lire des histoires, de voir des scènes où le viol est présenté comme l'acte sexuel le plus exci­tant et le plus satisfaisant tant pour le violeur que pour la violée. L'introduction de la violence phy­sique s'est faite en outre dans les revues à grande diffusion par le biais de caricatures qui se veu­lent humoristiques. C'est ainsi que des viols collectifs, par exemple Blanche Neige violée par les sept nains, des abus sexuels d'enfants par le Père Noël (par exemple dans les numéros du temps des fêtes) sont monnaie courante. En procédant de cette façon, les pornocrates créent une désensibilisation à l'égard de ces pratiques.

Alors que depuis plus de dix ans, les femmes combattent le viol, le harcèlement sexuel, la violence conjugale, l'inceste et toutes les formes de violence dont elles sont victimes, la pornographie ren­force les idées préconçues selon lesquelles les femmes sont res­ponsables de la violence qu'elles subissent parce qu'elles l'ont provoquée. Le fait que cette violence soit la plupart du temps simulée ne change rien au mes­sage. Nous disons la plupart du temps, parce qu'il arrive que des films soient produits à partir d'agressions réelles dans lesquelles des sévices corporels réels sont infligés aux actrices. Ces films portent le qualificatif de snuff. L'expression vient du nom d'un film produit il y a quelques années, dont le titre était SNUFF et qui a été présenté à New York, film dans lequel on démembrait et on immolait réellement une actrice. Ce terme snuff est utilisé, par extension, lorsque des sévices réels sont infligés aux protagonistes d'un film.

5. La pornographie, un véhicule privilégié du sexisme

Évaluons le contexte socio­culturel qui a permis le déve­loppement d'une image aussi négative et méprisante de la sexualité féminine et des femmes en général. On ne peut pas croire que la pornographie ait pu se développer du jour au lendemain, ni qu'elle soit devenue l'industrie que nous connaissons sans qu'un système donné ait favorisé son développement. Certes, il a bien fallu que des moyens techniques soient à sa disposition, telles l'impression en couleurs, la vidéo. Ces moyens techniques auraient pu pourtant servir à créer d'au­tres représentations sexuelles correspondant mieux à la réalité des femmes. En fait, l'industrie pornographique n'a fait qu'impri­mer, filmer, diffuser ce qui exis­tait déjà: une vision selon laquelle les hommes consciem­ment ou non voient encore aujourd'hui les femmes comme leur étant inégales socialement.

Certes les femmes sont devenues juridiquement les égales des hommes mais malgré les chan­gements législatifs des deux dernières décennies, les hommes détiennent; encore le pouvoir économique et politique. Par exemple, au Québec, les hommes gagnent encore une fois et demie le salaire des femmes et le travail domestique reste encore majori­tairement pris en charge par les femmes. Au niveau politique, nous avons dû attendre 1940 pour voter et aujourd'hui encore, on ne trouve que peu de femmes à des postes de pouvoir. Sur le plan sexuel, les femmes sont toujours victimes de plusieurs formes d'abus. Entre la violence quoti­dienne, comme le harcèlement sexuel et les mutilations sexuelles, il existe un grand nombre d'actes coercitifs, depuis la violence conjugale en passant par l'inceste, le viol la prostitu­tion. Enfin, il n'est pas assuré que nous puissions contrôler notre fécondité et déjà la reproduction est surmédicalisée; qu'on pense aux bébés-éprouvette. La porno­graphie fait partie d'un système qui reproduit la domination économique, politique et sexuelle des femmes au profit des hommes.

Toutes ces institutions patriarcales et ces actes de violence n'auraient pu se perpé­tuer sans qu'une socialisation sexiste imprime ces valeurs dans les comportements des femmes et des hommes. Notre société a appris aux femmes qu'il y avait certains vêtements à ne pas porter, certaines attitudes à ne pas adopter, certains lieux à ne pas fréquenter à certaines heu­res. Ces multiples restrictions sont si fortement intégrées dans la mentalité que même le systè­me judiciaire excuse certains gestes violents que les femmes subissent sous prétextes qu'elles l'ont cherché. Cette façon de penser fait que les agresseurs ont été dégagés de leur responsabi­lité criminelle. Les hommes s'ima­ginent une sexualité féminine qui devrait être celle de la femme universelle et s'octroient le pou­voir de la contrôler.

Dès l'enfance, nous apprenons que les filles et les garçons sont différents. La compétition, l'ambition, l'agressivité, l'indépendance sont valorisées chez les garçons alors que les filles apprennent à être à l'écoute des autres, tendres, douces, patientes. Ces apprentissages différenciés selon les sexes ne sont pas basés sur des qualités naturelles. Nous y sommes conditionnées, à la maison, à l'école, par les mass-media. Nous avons tellement intégré ces valeurs et attitudes qu'il nous semble naturel et normal que les femmes soient passives et les hommes actifs.

La pornographie exploite ces stéréotypes, en particulier celui de la passivité des femmes. Elle devient un véhicule privilégié pour le sexisme dans notre société et, en même temps, une forme d'oppression spécifique des femmes.

6 La pornographie, le corps féminin à vendre

La pornographie a pu devenir une industrie florissante grâce à notre économie capitaliste. Dans notre société de consommation, tout est achetable y compris la stimulation sexuelle. Le corps féminin est utilisé pour vendre des autos, des cosmétiques, des boissons, de la nourriture et c'est ce même corps qui est vendu dans la pornographie. Ne dit-on pas que l'argent n'a pas d'odeur?

7 La pornographie, un mythe sur la libération sexuelle

Dans les années soixante, il était de bon ton de considérer révolutionnaires des revues comme Playboy parce qu'elles n'associaient plus la nudité au péché, parce qu'elles osaient tout montrer... Les tabous tombaient les uns après les autres mais ce n'était que le début d'une autre mystification. Cette nouvelle ouverture dans l'expression de la sexualité a rapidement été récupérée par les pornocrates comme devant être axée vers la jouissance de l'homme, les représentations du corps des femmes ne servant plus dès lors que d'outil pour atteindre ce but. La pornographie faisait ainsi totalement abstraction des besoins et désirs des femmes, ravalant celles-ci au rang d'objets de consommation sexuelle.

Ainsi, nous ne pouvons pas voir la pornographie comme une libération mais plutôt comme un des instruments qui servent à maintenir les femmes dans un état de soumission et qui cons­titue un frein à leur droit de contrôler leurs propres corps et de définir elles-mêmes leur sexualité.

La pornographie nous apparaît donc comme une industrie qui, à travers la chosification du corps des femmes, l'érotisation de la violence et la commercialisation de la sexualité, constitue un agent de promotion des droits des femmes. 5

Cette définition rassemble en quelque sorte l'ensemble des éléments qui nous permettent d'identifier ce que la porno­graphie représente dans notre société.

Références bibliographiques

  • DARDIGNA, ANNE-MARIE. Les châteaux d'Eros ou les infortunes du sexe des femmes, Paris, Maspéro, p.56.
  • STEINEM, GLORIA. «Érotisme et pornographie: une différence claire et nette », in LAURA LEDERER, éd., L'Envers de la nuit, Montréal, Éditions du Remue-Ménage, 1983, pp. 37-38.
  • CARRIER, MICHELINE. La Danse macabre, Sillery, Apostrophes, 1984, p.8.
  • Notons au passage que lorsque des hommes sont représentés dans la pornographie, leurs caractéristiques sont elles aussi souvent amplifiées. Par le biais d'extenseurs de pénis et de crèmes ou pilules permettant des érections prolongées, le matériel pornographique propose un modèle mâle exceptionnel autant au plan physique qu'au plan de la capacité sexuelle.
  • BUSQUE, GINETTE. Dans divers exposés pour la RRQ.

II. L'industrie de la pornographie

1. Introduction

Le dictionnaire Larousse donne du mot industrie la définition sui­vante: l'art d'extraire, de produi­re et de travailler des matières premières pour les façonner et leur donner une utilisation prati­que. Lorsque l'on considère le phénomène de la pornographie, son étendue, l'argent généré, on se rend compte qu'on se trouve en face d'une véritable industrie et d'un commerce au sens propre de ces termes.

Dans le cas présent, la matière première est presque toujours le corps des femmes et plus particu­lièrement leurs organes génitaux. À part Play girl et Forum, la plupart des photographies de ces revues représentent des femmes seules.1 Après avoir analysé le contenu des textes et des ima­ges de revues populaires pour adultes publiées en juin 1983, le Comité Badgley a conclu que la plupart des images représen­taient des femmes totalement ou partiellement dévêtues, dans des positions exposant leurs organes génitaux.2 L'utilisation pratique, c'est la commercialisation de ce type de représentations qui vise la stimulation sexuelle des consommateurs, à peu près uniquement des hommes, cette fois-ci.3 En effet, le Comité Badgley a été informé par des distributeurs sé­rieux de périodiques que le pu­blic qui achète de la pornogra­phie était presque exclusivement masculin.3

La pornographie empruntant, pour s'exprimer, la voie de l'en­semble des médias, le gouverne­ment canadien ne la traite pas comme une industrie autonome. Les statistiques sur les différents produits à caractère pornographi­que sont intégrées aux statisti­ques des diverses industries con­cernées: films, revues, vidéo, spectacles, etc. Les données four­nies sont parcellaires et n'ont pas été mises à jour depuis la paru­tion en 1984 du rapport de la Commission Badgley sur les infractions sexuelles à l'égard des mineurs. Il est donc, de ce fait, difficile de fournir des données précises. Malgré cela, nous pos­sédons suffisamment d'informa­tions pour donner une idée assez concrète de l'ampleur de l'industrie de la pornographie.

2. Aperçu historique

La croissance de l'industrie de la pornographie ne s'est pas effec­tuée de façon linéaire. Même si en 1895 l'invention de la photo­graphie en couleurs naturelles a permis la commercialisation de cartes postales dites érotiques, il faut attendre le début des années 50 et l'arrivée de Playboy sur le marché pour qu'on assiste à un changement déterminant en ma­tière de représentation des fem­mes dans un contexte sexuel.

Après la deuxième guerre mon­diale deux phénomènes majeurs et concurrents se font jour. Ces deux phénomènes influenceront fortement le contenu et le messa­ge diffusés dans le matériel à ca­ractère sexuel de l'époque.

Le premier est marqué par la pro­pagande intensive qui vise à per­suader les travailleuses de la pé­riode de guerre de réintégrer le foyer pour laisser leurs emplois aux soldats récemment revenus du front. On assiste alors à une valorisation de la femme au foyer et de ses capacités d'éducatrice et à une dévalorisation parallèle du travail rémunéré à l'extérieur du foyer. Évidemment le rôle de pourvoyeur est entièrement dévo­lu aux hommes. La passivité est présentée comme une qualité in­trinsèquement féminine, alors qu'à l'opposé l'homme est décrit et perçu comme étant intrinsè­quement actif. Ces caractéristi­ques seront, tel que mentionné précédemment, largement exploi­tées dans le matériel à caractère sexuel.

Le deuxième phénomène est ca­ractérisé par le fait que la sexuali­té devient sujet d'étude. Le rapport Kinsey est publié en 1948 et l'étude de Masters et Johnson en 1955. Les résultats de ces recher­ches ont pour effet de lever cer­tains interdits en matière de sexualité et d'exposer la mécani­que de l'activité sexuelle. En s'appuyant sur ces résultats, des revues comme Playboy et Gallery légitiment le fait que la sexualité constitue l'intérêt premier de leur contenu.

Pour concurrencer Esquire qui avait publié jusque là des dessins de femmes à moitié vêtues, Hugh Hefner, fondateur de l'empire Playboy, va. choisir cette période pour commercialiser l'image de la femme objet de divertissement sexuel. Il publie alors une premiè­re photo de femme nue, et non la moindre, celle de Marilyn Monroe qui avait posé pour un calendrier quelque temps auparavant. On s'arrache le magazine, c'est le début d'un genre nouveau dans les revues pour hommes.

3. De 1953 à nos jours

Bien que l'arrivée de Playboy, en 1953, ait marqué de façon signi­ficative le type de représentation des femmes offert dans les re­vues à caractère sexuel, il n'en faut pas moins attendre quelques années pour qu'on observe une véritable prolifération de l'indus­trie de la pornographie tant par le volume mis en marché que par la diversification des produits. Le développement de la technologie multiplie les voies d'expression.

C'est entre 1965 et ces dernières années que l'industrie de la por­nographie a connu une croissance presque phénoménale. En 1965, on dénombrait une trentaine de revues pornographiques 4,  alors qu'en 1980, cinq cent quarante (540) titres figurent sur les listes pour l'ensemble du Canada5. Ce chiffre tiré du rapport Badgley représente le chiffre minimal disponible.5 Cette prolifération des titres entraîne une augmen­tation de 326% des ventes de revues, alors que la population canadienne augmentait pour sa part de 22.4%. ?

Quant à la quantité d'argent mis en circulation par ce marché, c'est encore le rapport Badgley qui est le plus éloquent à ce sujet: La valeur commerciale de 12 grands titres seulement dépassait 41 millions de dollars en 1980. Si la vente de tous les autres titres sur le marché égale seulement ou dépasse légère­ment celle des 12 publications en question - supposition plausible - la valeur au détail des revues pornographiques repré­senterait probablement un revenu brut d'au moins 100 millions de dollars par an.8

Les habitudes de consommation de revues pornographiques va­rient d'une province à l'autre, l'Alberta venant en tête de liste pour les ventes par habitant alors que c'est à Terre-Neuve qu'on constate la plus faible consom­mation.

 Le tableau 1, produit d'après les chiffres de l'Office de la vérifica­tion de la diffusion, couvre toutes les provinces, ainsi que le Yukon et les Territoires du Nord-Ouest.9

Une étude dont il est fait état dans le rapport Fraser a fait ressortir que le sud-ouest de la Colombie-Britannique est une région où il y a une production pornographique importante et où l'on peut trouver le matériel le plus extrême.10

Tableau 1

Ventes provinciales par habitant de revues pour adultes vérifiées par l'A.B.C.: 1966, 1973 et 1980

4 La diversité des produits

Les revues, bien qu'occupant une place importante dans l'industrie de la pornographie, ne consti­tuent, d'une certaine manière, que la partie la plus visible et la plus facilement accessible du ma­tériel pornographique. Le chiffre de vente de 100 millions de dol­lars dont nous parlions précédem­ment ne tient pas compte, en fait, de la vente de livres de poche, films, bandes magnétoscopiques pornographiques, «accessoires sexuels» et des billets d'entrée aux projections de films dans le circuit commercial n II faudrait ajouter aussi tout ce qui pourrait être qualifié d'industrie connexe, c'est-à-dire les bars de danseuses nues et les boutiques qui se spé­cialisent dans la panoplie d'objets et de lingeries proposée par les représentations pornographiques. Le contenu des saisies de mar­chandises sexuellement explici­tes effectuées entre 1979 et 1981 par la Gendarmerie Royale du Ca­nada et les Douanes (tableau 2)

Tableau 2________________________________________

Contenu des saisies de marchandises sexuellement explicites: 1979-1981

 nous donne un indice non complet, mais quand même suffisamment indicatif, de la diversité de produits et de l'ampleur de l'industrie por­nographique. 12

L'envahissement du marché par la vidéo à la fin des années 70 porte, semble-t-il, un coup consi­dérable aux cinémas spécialisés dans la projection de films porno­graphiques. Aux États-Unis, la vente de cassettes vidéo porno­graphiques représente 20% de toutes les ventes de cassettes vi­déo. La location de cassettes por­nographiques s'est chiffrée, pour sa part, en 1984, à 54 millions d'unités à partir de 14 000 points de location répartis à travers tous les états.13 Alors que pour l'ensemble de l'industrie de la  pornographie aux États-Unis, on parle de profits nets annuels se chiffrant dans les milliards de dollars, c'est autour de 500 millions que les profits se situent pour l'ensemble du Canada.14 Quant aux chiffres spécifiques au marché québécois, c'est encore à l'étude effectuée en 1982 par François Berger, pour le compte du quotidien La Presse, qu'il faut se reporter. Les principales données sont les suivantes:

  • Clubs de nuit: 63 millions
  • Films: 22     "
  • Cinémas: 12
  • Vidéos: 10     "
  • Magazines: 15
  • Sexshops: 6
  • Autres : 1

5. Les travailleuses de l'industrie de la pornographie

On ne peut parler de la pornogra­phie en tant qu'industrie sans mentionner les milliers de travailleuses qui y sont recrutées.

Ces travailleuses sont souvent ju­gées responsables du fait qu'on produise de la pornographie dans notre société. Si elles n'accep­taient pas de faire ce métier, croit-on, il n'y aurait plus de por­nographie. Cette opinion ne tient pas compte, d'une part, des difficultés qu'éprouvent une grande quantité de femmes à se trouver de l'emploi, ni d'autre part, de la culture patriarcale qui encourage les femmes à se servir de leur corps pour s'attirer l'approbation des mâles et les récompense d'être de beaux objets sexuels.15 Il ressort clairement du texte de Laura Lederer dans L'Envers de la nuit • que les femmes qui s'engagent comme modèles pour des produc­tions pornographiques sont pau­vres ou désespérées ou les deux à la fois. Elles proviennent de tou­tes les classes sociales et sont souvent des adolescentes en fu­gue qui n'ont pas d'autres moyens pour survivre.16 De plus, si elles entrent librement clans le métier, il n'est pas si évident qu'elles y restent de leur plein gré.

Pour les quelques vedettes qui font fortune, il y a toute la masse des autres qui travaillent de façon irrégulière et laissent une grande partie de leurs revenus à l'agence qui les emploie. C'est aussi un métier où l'on est vite trop vieille et qui dans l'ensemble n'offre donc pas de bonnes conditions de travail. Ce témoignage parle par lui-même: II m'est arrivé de me présenter sur le plateau et d'être obligée d'en repartir tant les con­ditions étaient mauvaises. J'ai perdu deux emplois pour avoir refusé de porter des costumes encroûtés de sperme et de sécré­tions vaginales. Les femmes qui travaillent pour l'industrie de la porno ont toujours des vaginites à trichomonas ou quelque autre infection due aux conditions de travail, qui varient de mauvaises à carrément intolérables. Il y a eu, à un moment donné, des épi­démies d'hépatite et de mononucléose dans le milieu. Toute ma­ladie contagieuse se répandait très rapidement.17 À cela s'ajou­tent de multiples témoignages de mauvais traitements suffisam­ment éloquents pour convaincre que le métier de modèle dans l'industrie de la pornographie n'a rien pour faire rêver.

Comme on peut le constater, il n'est pas indifférent de parler chiffres quand on cherche à com­prendre ce que la pornographie représente dans notre société. Les chiffres révèlent l'ampleur, ampleur qui témoigne à son tour, de l'acceptation de l'exploitation sexuelle dans notre société. Rien ne laissant croire que cette indus­trie est en perte de vitesse, ce n'est pas demain qu'on pourra voir la pornographie comme un phénomène marginal, sans impor­tance.

Références bibliographiques

  • Infractions sexuelles à l'égard des enfants, Rapport du Comité sur les infractions sexuelles à l'égard des enfants et des plus jeunes. Rapport Badgley - 1984 — Vol. 2 page 1321.
  • La pornographie et la prostitution au Canada. Rapport du Comité spécial d'étude de la pornographie et de la prostitution. Rapport Fraser - 1985 - Vol. 1 page 101.
  • Infractions sexuelles à l'égard des enfants - Vol. 2, page 1367.
  • BADGLEY, volume 2, p. 1351
  • BADGLEY, volume 2, p. 1355
  • BADGLEY, volume 2, p. 1355
  • BADGLEY, volume 2, p. 1375
  • BADGLEY, volume 2, p. 1376
  • BADGLEY, volume 2, p. 1359
  • BADGLEY, volume 1, p. 102
  • BADGLEY, volume 2, p. 1376
  • BADGLEY, volume 2, p. 1277
  • Newsweek: «The War Against Pornography», article 18/3/85 pp. 58-67
  • CARRIER, MICHELINE. La pornographie, base idéologique de l'oppression des femmes. Apostrophe 1983 - p. 30
  • LEDERER, LAURA. D'hier à aujourd'hui, dans L'Envers de la nuit. Éditions du Remue-ménage, page 59.
  • LEDERER, LAURA. «D'hier à aujourd'hui», dans L'Envers de la nuit. Éditions du Remue-ménage, page 61.
  • LEDERER, LAURA. «D'hier à aujourd'hui», dans L'Envers de la nuit. Éditions du Remue-ménage, page 69.

III. L'état de la recherche

1. La pornographie est-elle nocive? Les recherches sur la question

Soutenir que nous sommes influencé-e-s par les images qui circulent dans la société relève du sens commun; c'est d'ailleurs sur cette évidence que repose toute l'industrie de la publicité. Si nous n'étions pas vulnérables aux messages véhiculés par les images, les entreprises et les gouvernements ne dépenseraient sûrement pas des milliards de dollars en publicité pour nous inciter à consommer leurs produits ou pour nous convaincre du bien-fondé de leurs points de vue.

Analyser la manière dont nous sommes affecté-e-s par la diffusion des images pornographiques est cependant une question complexe et, pour y répondre, nous devons tenir compte de plusieurs facteurs.

Ceux qui s'opposent à un contrôle de la pornographie exigent, la démonstration d'un lien direct entre la violence présentée dans le matériel pornographique et l'incidence d'actes sexuels violents. Quant à nous, il ne s'agit pas d'établir ce lien direct entre le fait de commettre un acte de violence sexuelle donné et la consommation de matériel pornographique, car les causes de cette violence sont nombreuses. Même si la pornographie n'est qu'un facteur parmi tant d'autres, il n'en demeure pas moins important car c'est surtout à travers la pornographie qu'est véhiculée l'idéologie selon laquelle les femmes jouissent de la violence qu'elles subissent.

Ce serait d'ailleurs minimiser les effets de la pornographie que de les mesurer uniquement en termes d'agression sexuelle tel le viol, et de ne pas se pencher sur les autres formes de violence comme le harcèlement sexuel et les comportements sexistes. La pornographie peut avoir aussi des effets moins directs et moins immédiats qui n'en sont pas moins réels. Il faut tenir compte d'un ensemble de facteurs comme le type de pornographie, le contexte dans lequel elle est consommée, la personnalité du consommateur et ainsi de suite.

Le Comité spécial d'étude sur la pornographie et la prostitution (Comité Fraser) estime, par exem­ple, que l'on manque de données sur le rapport présumé entre l'augmentation de la pornogra­phie et celle des crimes sexuels. Toutefois, si le Comité Fraser croit que les recherches sur les effets de la pornographie ne sont pas concluantes, il endosse la déclaration du Comité de la jus­tice et des affaires juridiques a l'effet que la pornographie exploite des femmes parce qu'elles y sont présentées comme des victimes passives qui tirent une jouissance infinie de la dou­leur, de la soumission à des actes de violence, à l'humiliation et à la dégradation.1

Le comité Fraser conclut que la pornographie a des conséquences néfastes sur les valeurs fonda­mentales de la société cana­dienne, conséquences qu'il juge assez graves pour justifier un accès plus restreint au matériel pornographique.

Cette fiche propose un aperçu des recherches sur les effets de la consommation de matériel porno­graphique. Nous avons choisi de vous présenter les recherches selon un ordre chronologique pour bien montrer les progrès qui ont été réalisés par rapport à cette réalité difficile à cerner. Nous avons privilégié les recher­ches les plus marquantes des vingt dernières années. Nous avons mentionné pour chacune des recherches les méthodes utilisées, les résultats obtenus et les critiques utiles.

2. Un sujet de recherche nouveau dans les années 60

 Les premières études consacrées aux effets de la pornographie ont été commandées par la Commis­sion présidentielle sur l'obscénité et la pornographie aux États-Unis à la fin des années soixante. Cette commission a conclu en 1970 que la pornographie n'exerçait aucune influence nocive sur les adultes ou les adolescent-e-s. Les recherches, pour la commis­sion américaine, ont également permis d'observer que la porno­graphie agissait comme stimulant sexuel: les hommes se sont révélés beaucoup plus excités sexuellement que les femmes par le matériel présenté. Les réti­cences des femmes ont été interprétées comme dénotant des inhibitions sociales et culturelles. Forts de ces deux conclusions, des spécialistes de la sexualité ont même suggéré l'utilisation de matériel sexuellement explicite en thérapie sexuelle.

2.1 Un débat mal parti

Les recherches de cette époque qui ont prétendu à la non-nocivité de la pornographie ont été sérieu­sement mises en doute par la suite. Plusieurs lacunes ont été mises en évidence entre autres:

  • La commission a négligé d'examiner l'influence de la pornographie violente moins répandue à l'époque mais existante quand même.
  • Elle a supprimé des données qui suggéraient un lien entre la pornographie et la violence.
  • La Commission n'a fait aucune distinction entre la pornographie et l'érotisme: elle a utilisé l'expression matériel sexuellement explicite, expression ambiguë qui recouvre tout autant la dégradation et la violence que l'érotisme.2
  • La majeure partie du matériel utilisé mettait en scène des sentiments amoureux exprimés par les partenaires dans un scénario où les scènes sexuelles n'avaient pas une place prédo­minante. Nous sommes loin des scénarios présentés dans la pornographie où les scènes autres que sexuelles ne sont que des intermèdes.

5. Les chercheurs ont choisi com­me modèle théorique celui de la catharsis comme cadre pour leurs recherches. Si ce modèle avait été autre, les résultats auraient été bien différents. Il y a deux écoles de pensée pour l'étude des com­portements humains s'appuyant sur des philosophies différentes. Ces écoles de pensée utilisent deux modèles théoriques: le modèle de la catharsis et le modèle de l'imitation.

2.2 Le modèle de la catharsis

Ce modèle prend pour acquis l'existence dans la nature humaine de forces asociales qui cherchent à s'exprimer de diffé­rentes façons. Selon cette théorie, l'agressivité est une composante inhérente de la sexualité mascu­line; la consommation de pornographie fournirait donc une soupape de sécurité qui permet­trait aux hommes de libérer cette agressivité. Ce modèle a été critiqué à maintes reprises, et plus les recherches progressent, moins il trouve d'assises scientifiques.

2.3 Le modèle de l'imitation

Celui-ci se fonde sur l'apprentis­sage des rôles sexuels et non sur la présence d'une agressivité sexuelle naturelle chez l'homme. En ce qui a trait à la représenta­tion de la violence, ce modèle démontre que lorsque l'agresseur est puni pour la violence qu'il exerce, les spectateurs ont moins tendance à l'imiter. Par contre, lorsque l'agresseur est valorisé (ce qui est le cas dans la plupart des productions pornogra­phiques), les spectateurs sont plus susceptibles de l'imiter ou d'adopter eux-mêmes des attitudes qui cautionnent la violence.

Ce modèle théorique a été utilisé par la Commission présidentielle américaine sur les crimes et la prévention de la violence qui a siégé en 1969. Cette commission a conclu que la violence dans les médias pouvait provoquer des comportements violents chez les individu-e-s, conclusion contraire à celle à laquelle était arrivée la Commission sur l'obscénité et la pornographie. La contradiction apparente entre les conclusions des deux commissions citées ci-dessus s'explique donc en grande partie par le choix du modèle théorique.

Il est donc clair que les conclusions de la commission américaine ne doivent plus être considérées comme des réfé­rences fiables du fait des nom­breuses lacunes et partis-pris des recherches sur lesquelles elles se fondent.

3. L'évolution de la recherche dans les années 70

C'est le modèle de l'imitation qui est privilégié dans de nombreuses recherches depuis une quinzaine d'années. Les chercheurs qui ont critiqué les conclusions de la commission américaine sur l'obscénité et la pornographie ont donné naissance au début des années soixante-dix à un champ d'études en psychologie sociale: l'examen du lien présumé entre l'agressivité et la pornographie. Les recherches qui ont été réalisées dans ce cadre étaient généralement effectuées selon la méthodologie des recherches en laboratoire.

3.1 La recherche en laboratoire: procédures

La recherche en laboratoire est une des méthodes qui permet de connaître les mécanismes psychologiques de l'être humain. Les recherches en laboratoire conçues pour évaluer les réactions des consommateurs face à la pornographie utilisent les techniques suivantes :

  • on recrute de jeunes étudiant-e-s d'université comme sujets d'expérience;
  • les sujets sont divisés en deux ou trois groupes, selon le type de matériel qui leur sera présenté, i.e. du plus au moins violent, du plus au moins sexuellement explicite;
  • on expose les sujets à des stimuli sexuels (photos, films, récits) pendant de courtes périodes, plusieurs jours de suite ou plusieurs fois dans une même journée;
  • on mesure immédiatement après la présentation du matériel le niveau d'agressivité des sujets:
  • soit à l'aide d'un questionnaire;
  • soit en mesurant l'intensité des chocs électriques qu'ils ou elles croient administrer à une personne-cible;

5. certaines expériences ont ajouté une étape: on vérifie si les effets du stimulus sont différents lorsque les sujets sont déjà dans un état de colère, par exemple lorsque la personne-cible les a préalablement provoqués verbalement.

Les recherches ayant utilisé ces techniques ont été nombreuses. Nous avons choisi de vous présenter les résultats des expériences les plus significatives.

3.2 Les premiers résultats: la pornographie, stimulant à l'agressivité

En 1971, le chercheur Dolf Zillman a démontré que l'intensité des chocs électriques administrés était différente selon que l'on avait vu un film violent (match de boxe), un film explicitement sexuel ou un film neutre (un documentaire sur les voyages de Marco Polo). Les sujets qui administrèrent les chocs de la plus haute intensité furent ceux qui avaient vu le film sexuel, laissant loin derrière eux ceux qui avaient visionné le film violent. De plus, ceux qui avaient été agressés verbalement, avant le visionnement du film à caractère sexuel, présentaient les comportements les plus agressifs. D'autres études réalisées avec des objectifs semblables ont eu des résultats différents, voire opposés.3

En 1975, intrigués par ces résultats divergents, les chercheurs Edward Donnerstein et Neil Malamuth, considérés actuellement comme des spécialistes dans ce domaine, ont voulu intégrer une autre dimension: celle du type de matériel sexuel présenté. Trois catégories de matériel ont été utilisées:

Typel: La tendresse entre les partenaires est l'élément essentiel.

Type II: Suite d'activités sexuelles sans expression de sentiments entre les partenaires.

Type III: L'agression sexuelle est le thème principal par exemple: viol, ligotage ou encore contraintes pour adopter certaines positions sexuelles.

Donnerstein et Malamuth ont démontré que:

les sujets exposés au matériel sexuel du type I

  • étaient distraits, voire détournés de leur colère même s'ils avaient été préalablement agressés verbalement;
  • lorsque la provocation suivait l'exposition au matériel, plus le sujet avait été excité sexuellement, plus il était devenu agressif;

Le matériel sexuel de type I avait donc comme effet principal d'exacerber les sentiments, dans ce cas-ci, l'agressivité;

le matériel de type II développait de toute évidence des sentiments d'agressivité et ce, que la mise en colère précède ou suive l'exposition au matériel. Ainsi ces chercheurs remet­taient en cause fondamenta­lement l'idée que la pornogra­phie soit une soupape de sécurité;

le matériel de type III est quant à lui celui qui favorise le plus l'expression et l'augmen­tation de l'agressivité.

3.3 Une plus grande charge d'agressivité lorsque les femmes sont les cibles des expériences

Durant toute cette décennie, on a aussi montré, fait essentiel, que quel que soit le type de matériel utilisé, le niveau d'agressivité des sujets était différent si leur cible était un homme ou une femme : en effet, les sujets masculins donnèrent des chocs d'une plus grande intensité lorsque leur cible était une femme. Le cher­cheur Edward Donnerstein a tenté d'expliquer ce résultat. Il croit que parce que le matériel pornographique représente les femmes dans des rôles de sou­mission et de victime, il semble­rait que les sujets masculins de l'expérience associent les femmes à des victimes potentielles. Ils confondraient ainsi la femme cible et une victime potentielle. Comme le matériel sexuellement explicite a comme principal effet d'augmenter les sentiments d'agressivité, les hommes sujets dans l'expérience donnèrent donc des chocs d'une plus grande intensité aux femmes cibles.

Suite à ces conclusions, les cher­cheurs ont émis l'hypothèse que si les résultats de leurs recher­ches en laboratoire étaient trans­posés dans la société, la porno­graphie, puisqu'elle représente des scènes de violence sexuelle, pourrait amener des individus consommateurs à commettre des actes asociaux comme des agressions sexuelles.

4. Les recherches en laboratoire dans les années 80, une brèche importante

Les recherches des années quatre-vingt marquent un point tournant dans la mesure où les chercheurs commencent à s'inté­resser spécifiquement à la violence faite aux femmes. Ces recherches se fondent sur les hypothèses féministes et certai­nes d'entre elles s'inspirent directement de l'ouvrage de Susan Brownmiller sur le viol •. Ainsi, E. Donnerstein et L. Berkowitz se préoccupent des réactions de la victime dans les films pornographiques parce que ce sont souvent ces réactions qui justifient et rendent le viol légitime. En effet, dans la plupart des films pornographiques présentant une scène de viol, la victime commence par se débattre, puis elle ressent tout à coup une sensation incontrôlable, un plaisir d'une intensité extrême et inattendue. Les réactions de la victime entraîneraient donc les sujets masculins à associer souffrance et plaisir.

Dans la première partie de cette expérience, Donnerstein et Berkowtiz veulent mesurer les effets de la présentation de deux scénarios.

Scénario 1 : une scène de viol dans laquelle la victime atteint ultimement l'orgasme.

Scénario 2: une même scène où la souffrance de la victime est manifeste du début à la fin.

Les chercheurs feront visionner les deux différents scénarios à deux groupes de sujets qui seront préalablement mis en colère, chaque groupe ne visionnant qu'un seul de ces scénarios.

Les résultats indiquèrent:

•   que les sujets mis en colère donnèrent les chocs de la plus haute intensité, i.e. exprimèrent le plus d'agressivité lorsque la victime avait ressenti un orgasme.

Ceci signifierait que le recours au viol comme moyen de faire jouir une femme n'est pas con­damné par les sujets, puisqu'il fait augmenter l'excitation générale de ceux-ci en exacer­bant leur agressivité.

•   cependant, des chocs électriques presque aussi intenses furent administrés par les sujets ayant visionné la scène de viol dans laquelle la victime souffre continuellement.

Pour expliquer ce résultat, Donnerstein et Berkowitz émirent l'hypothèse qu'un indi­vidu en colère veut faire souffrir et qu'il convertit les signes de souffrance émis par la victime en stimulus d'agression.

Quand le sujet est prédisposé à l'agressivité, les indices de dou­leur feront augmenter cette pré­disposition. Les auteurs veulent vérifier cette dernière proposition dans la seconde partie de l'expé­rience. Dans cette seconde partie de l'expérience, les deux mêmes scènes de viol sont présentées à quatre groupes:

  • deux groupes de sujets mis en colère et visionnant chacun un des deux scénarios ;
  • deux groupes non provoqués, visionnant aussi chacun un des deux scénarios.

Les résultats indiquèrent que:

  • chez les sujets préalablement mis en colère, les réactions furent très agressives peu importe la scène visionnée;
  • chez les sujets non provoqués, l'agressivité était manifeste lorsque la victime jouissait durant le viol;
  • elle chutait de façon marquée si la victime souffrait pendant le viol.

4.1 Les résultats: le matériel pornographique est dangereux

Les auteurs concluent que, selon eux, ces données démontrent que le matériel pornographique est dangereux pour plusieurs raisons:

  • parce que la violence explicite y est de plus en plus présente,
  • parce que dépeindre une femme qui jouit pendant qu'elle se fait violer (comme c'est sou­vent le cas dans la production pornographique) revient à justi­fier la violence employée,
  • parce qu'exploiter le thème de la souffrance d'une femme vic­time de violence sexuelle afin d'exciter sexuellement les indi­vidus peut stimuler l'agressivité des hommes qui ont de faibles inhibitions envers l'agression contre les femmes,
  • parce qu'ils sont convaincus que l'addition de la violence explicite peut faire augmenter la violence d'un individu.4

Alors qu'auparavant on croyait qu'il était nécessaire de mettre les sujets dans un état de colère pour que leur agressivité s'exprime, on s'est rendu compte, dans bon nombre de cas, qu'il suffisait de les mettre en pré­sence de femmes, toutes des victimes potentielles.

Dans le cadre d'une autre expé­rience, on présente aux sujets (hommes et femmes) deux ver­sions d'un récit sado-masochiste tiré du magazine Penthouse.

  • Dans la version de type l dite érotique, les passages violents ont été éliminés.
  • Dans la version de type 2 qualifiée de violente, la victime éprouve une jouissance sexuelle alors qu'elle est violée.

Les résultats de cette recherche démontrent des réactions bien différentes chez les étudiants et les étudiantes.

Ainsi la version violente du récit

•   rend moins vive le degré de souffrance réel de la victime et provoque une plus grande excitation sexuelle chez les sujets masculins.

Les sujets femmes, par contre,

  • s'identifient davantage à la victime. Elles ne croient pas qu'elle ait ressenti du plaisir pendant le viol, et
  • elles ne minimisent pas le degré de responsabilité du violeur.

De plus, il semblerait que les sujets hommes croient à certains mythes sur le viol. En effet:

  • 25% des sujets croient que certaines femmes ressentiraient du plaisir à prendre la place de la victime.
  • Alors que les femmes sujets affirment que, quant à elles, elles ne ressentiraient aucun plaisir, sous aucune condition, à être à la place de la victime.
  • Une autre série de données indique que 51% des sujets masculins violeraient, s'ils étaient sûrs de ne pas être découverts.5

Selon les auteurs, ces résultats pourraient soutenir l'idée que le viol est le prolongement d'attitudes normales dans la société. Ils rejoindraient aussi la proposition de Susan Brownmiller, l'auteure d'un essai sur le viol, selon laquelle certaines formes de pornographie créent une image essentiellement masochiste des femmes et que la consommation de pornographie altère les réactions des consommateurs. Cependant les auteurs font une mise en garde: ce n'est pas parce qu'on ne rejette pas l'idée de violer un jour qu'on va réellement passer à l'acte. Ces données peuvent quand même être un indicateur d'une tendance qui, combinée avec d'autres facteurs, pourrait conduire au viol. De plus, ils sou­lignent que l'idée qu'on pourrait un jour violer une femme est en relation avec le fait de croire que les hommes sont enclins au viol, que c'est un comportement nor­mal et que les femmes éprouvent du plaisir à être attaquées sexuellement, message répété voire martelé dans la porno­graphie.

4.2 La pornographie banalise le viol

La pornographie renforce donc les mythes entourant le viol, comme par exemple quand une femme dit non, cela signifie oui; les femmes violées l'ont mérité, elles l'ont cherché; les hommes ont besoin de violer; les femmes jouissent lors d'un viol, etc. En présentant les femmes comme des êtres masochistes, la pornographie contribue à normaliser le viol et d'autres formes de violence sexuelle.

Enfin, mentionnons les conclusions de l'étude réalisée par Seymour Feshbach and Neil Malamuth démontrant qu'une seule exposition à de la pornographie violente peut influencer de façon significative les réactions érotiques face à la représentation du viol.6

5. À propos des recherches en laboratoire: quelques critiques

Ces recherches sont importantes car elles démontrent effective­ment que la pornographie violente encourage les attitudes de tolérance envers la violence faite aux femmes. Certaines cri­tiques s'imposent néanmoins quant aux problèmes éthiques soulevés par la méthodologie de ces recherches.

Les problèmes éthiques sont reliés au fait qu'on ne mesure pas les répercussions de ces expé­riences sur la vie privée des sujets qui y participent. Ces étu­diantes et étudiants sujets sont sans recours face aux trauma­tismes qu'elles-ils peuvent subir. Depuis 15 ans, on a examiné abondamment l'influence du matériel pornographique sur les comportements agressifs, mais ce n'est que depuis peu qu'on applique des procédés de décon­ditionnement afin que les com­portements suscités en labora­toire ne soient pas aussi repro­duits à l'extérieur. La recherche de la chercheuse Carol Krafka est exemplaire à ce titre. En plus de n'avoir sélectionné que des femmes comme sujets d'expérience afin d'avoir des données sur l'impact de la pornographie auprès des femmes (domaine jusqu'ici peu exploré), elle a mis une emphase unique sur le déconditionnement des sujets.

Les rapports de recherche font aussi montre d'une froideur objective que les femmes tolèrent difficilement face à un sujet comme le viol. Comme le souligne Diana Russel dans une critique pertinente de ces recherches, demander à une étudiante si elle aimerait être à la place de la vic­time dans un récit de viol équi­vaut à demander à un Noir s'il désire secrètement être battu par les Blancs! Dans ce genre d'études, le contexte social et le contenu politique de la violence faite aux femmes ont été trop longtemps évacués au profit d'une pseudo-objectivité scien­tifique.

Malgré l'évolution de la recherche par le biais de l'intégration des préoccupations féministes au début des années quatre-vingt, il convient de rappeler que ce sont les hommes qui contrôlent la science dans notre société par le biais des subventions de recher­ches. Ils ont ainsi privilégié l'ap­proche quantitative en laboratoire au détriment de l'approche visant à comprendre la pornographie à partir de l'expérience des femmes ou encore à partir de sujets ayant commis des agressions sexuelles, pour tenter d'actualiser les recherches en laboratoire. Ce sont ces nouveaux champs de recherches que les femmes ont le plus souvent investis.

6. Les ravages de la pornographie dans le quotidien des femmes

Parmi les recherches faites hors laboratoire et ayant comme principal objectif de tenter d'identifier le lien entre les actes de violence sexuelle commis et la pornographie dans la société en général, nous en mentionnerons cinq dont deux sont québécoises et sont le fruit d'une collaboration entre des chercheuses et des groupes de femmes impliquées quotidiennement dans la lutte contre la violence faite aux femmes.

6.1 Quand la société devient un véritable laboratoire

 La chercheuse Gladys Shultz a visité quelques prisons américaines et a interrogé des délinquants sexuels sur la pornographie et le rôle qu'elle aurait joué comme déclencheur d'un acte criminel. La moitié des hommes interrogés lui ont avoué que la pornographie avait joué un rôle très précis dans leurs crimes, soit en les excitant, soit en leur montrant quoi faire ou les deux.8

Micheline Carrier rapporte une expérience californienne menée auprès de sept groupes d'hommes, incluant des violeurs. Elle relève que 57% de ces derniers ont pratiqué sur leurs victimes les actes vus au préalable dans des films ; 77 % de ceux qui avaient molesté des garçonnets et 87% de ceux qui s'en étaient pris à des fillettes avaient tenté de mettre en pratique l'enseignement des films pornographiques.9

Plus près de nous, à Cowansville, un groupe de femmes, la collective Par et Pour Elle, a entrepris en 1985 une étude auprès de trois groupes d'hommes dont deux groupes étaient formés de détenus dans un pénitencier. Un de ces deux groupes était constitué de détenus reconnus coupables d'une agression physique ou sexuelle envers une femme. Leurs conclusions ne diffèrent pas de celles déjà connues. Il semble bien qu'il existe un lien entre la consommation de pornographie et le fait de commettre des actes violents, sexuels ou non, contre les femmes. Ainsi le groupe de détenus coupables d'agression sexuelle ou physique envers une femme était le groupe qui consommait le plus de matériel pornographique, avant l'incarcération. De plus, les hommes qui ont manifesté le plus de violence vis-à-vis leur conjointe étaient le plus souvent des consommateurs de pornographie. 10

6.2 La pornographie a des effets bien réels sur l'image que nous nous faisons de nous-mêmes

Un autre thème de recherche développé par les chercheuses porte sur l'étude des effets de la pornographie sur l'image que les femmes ont d'elles-mêmes.

En effet, l'idéologie qui sous-tend la pornographie joue un rôle im­portant dans le maintien de cer­taines attitudes chez les femmes même si généralement elles ne consomment pas ce type de matériel. La pornographie impose des stéréotypes quant à l'appa­rence physique et à la perfor­mance sexuelle qui génèrent des sentiments d'infériorité et qui empêchent les femmes d'avoir confiance en elles. Ainsi, Judith Bat-Ada, étudiant l'intériorisation par les femmes de l'image corpo­relle pornographique, constate que les mensurations de leurs propres corps, fournies sponta­nément par les femmes, font état de 3 à 5 cm de moins pour le tour de taille et de 3 à 5 cm de plus pour leur poitrine. Qui plus est, au cours de cette étude, les fem­mes avaient tendance à rentrer le ventre et à gonfler la poitrine afin de se conformer le plus possible aux fameuses mensurations idéalisées par Playboy (36"-24"-34" ou 96 - 55 - 90 cm). La pornogra­phie affecte donc aussi l'image que les femmes ont de leur corps:

...nous dissimulons la réalité de notre physique et ce que nous sommes réellement et nous mentons beaucoup pour être à la hauteur d'une illusion. En d'autres termes, nous nous détestons énormément.11

6.3 La pornographie comme source d'inspiration pour les agresseurs

La pornographie n'affecte pas seulement l'image que les femmes ont de leur corps; elle les atteint aussi par les comporte­ments qu'elle peut susciter chez les consommateurs comme l'ont démontré l'étude de Diana Russel et celle du Regroupement provin­cial des maisons d'hébergement et de transition pour les femmes victimes de violence.

6.3.1 Une enquête à San Francisco en 1978

 Une chercheuse de San Francisco a interrogé, en 1978, 933 femmes pour connaître leurs réactions et leur vécu au sujet de la pornogra­phie. Les femmes interrogées constituaient un échantillon re­présentatif des habitantes adul­tes de San Francisco. On leur de­mandait si elles avaient déjà été mal a l'aise parce que des hom­mes (un conjoint, compagnon ou amant) ayant consommé un quelconque matériel pornographi­que, avaient essayé de les ame­ner à faire ce qu'ils avaient vu. Diana Russel cherchait à savoir si les femmes pouvaient identifier dans leur vie quotidienne en quoi la pornographie était à l'origine d'une forme quelconque de coercition sexuelle:

  • 10% des femmes interrogées ont pu clairement repérer la porno­graphie comme la source d'une agression qu'elles avaient subie de la part d'un proche. Il est fort probable qu'un des nombreux éléments de la pornographie soit venu renforcer et légitimer ces actes dans l'esprit des agresseurs.
  • Dans certains cas, c'est le maté­riel pornographique qui a donné l'idée de certains actes.12

Ainsi, cette femme parlant de son conjoint relate une expérience répandue chez les femmes interviewées:

II allait voir des films porno, puis rentrait à la maison en disant: j'ai vu ça dans un film, on va l'essayer. Je me sentais vraiment exploitée, comme si on me mettait dans un moule.13

Une autre femme déclare qu'elle avait l'impression d'être utilisée comme un objet; plusieurs cons­tatent que les hommes leur ont demandé de se plier à des pra­tiques sexuelles violentes.14

Le pourcentage réel de femmes victimes de la consommation de pornographie est probablement plus élevé. Dans l'étude de Diana Russel, le 10% de victimes n'in­clut que les cas où les femmes étaient conscientes ou savaient que leur partenaire s'était inspiré de matériel pornographique.

6.3.2 Une enquête québécoise en 1986

L'étude la plus récente sur le sujet a été réalisée par le Regrou­pement provincial des maisons d'hébergement et de transition pour femmes victimes de violence; 38 des 44 maisons membres du Regroupement ont participé à cette étude permet­tant ainsi de recruter des répon­dantes pour l'ensemble des régions du Québec; 264 question­naires ont été retenus pour l'ana­lyse et de ce nombre, 99 avaient été remplis par des résidentes de ces maisons, les autres par des ex-résidentes choisies au hasard. Le questionnaire, en plus de rassembler des données socio-démographiques comme l'âge, le nombre d'enfants, inclut des données rarement comprises dans une étude sur la violence sexuelle telles que l'état de santé de la répondante, ses opinions sur la sexualité, ses antécédents familiaux face à la violence ainsi que ceux de son conjoint, le contexte d'apprentissage de la sexualité ainsi que son vécu sexuel, la fréquence de consom­mation de matériel pornogra­phique et le rapport entre cette consommation et la coercition sexuelle. Une attention particu­lière a été portée aux réactions exprimées par les femmes suite à leur participation à l'enquête de même qu'un service de garde a été proposé à celles qui le désiraient.

Cette enquête a révélé que la consommation de matériel à contenu pornographique s'avère fort répandue chez les conjoints de l'ensemble des répondantes (63,7%). Il ressort aussi que 83% des répondantes ont été mal­traitées sexuellement par leur conjoint et que 60,5% des hom­mes qui maltraitent sexuelle­ment leur conjointe pensent ou alimentent leurs fantasmes sexuels d'images ou de pra­tiques véhiculées parla porno­graphie. 15 Enfin, en moyenne, trois hommes sur quatre qui ont recours à la violence sexuelle consomment fréquemment de la pornographie.

Ces études démontrent concrè­tement, à partir du vécu des femmes, que la pornographie a des effets réels sur les attitudes et les comportements des consommateurs, effets qui vont se répercuter éventuellement sur les femmes qu'ils côtoient. De manière plus intéressante encore, ces études mettent en relief que bon nombre de femmes sont capables d'identifier la source de ces attitudes et de ces actes de violence.

7. Conclusion

Les recherches concernant l'im­pact de la pornographie démon­trent sa nocivité. Le matériel pornographique n'a pas que des effets sur les consommateurs en augmentant leur agressivité. Il fait agir cette agressivité sur les conjointes ou les femmes plus généralement. Certes, la porno­graphie ne peut être considérée comme la seule responsable des actes décrits car elle fait partie d'une politique sexiste et patriar­cale plus globale. Elle ne peut être responsable de toutes les violences mais elle permet d'en­tretenir le climat de tolérance générale face à la violence faite aux femmes.

D'autres recherches seront néces­saires pour démontrer encore la complexité des réactions psycho­logiques suscitées par la porno­graphie, bien sûr auprès des consommateurs mais aussi auprès des victimes. Il sera aussi essentiel de poursuivre les pistes qu'ont commencé à explorer les groupes de femmes qui travaillent auprès des femmes de tous âges battues, violées et victimes d'inceste.

Références bibliographiques

1.  Comité spécial d'étude sur la pornographie et la prostitution.

Ottawa, 1985, tome 2, pp. 110-111.

  • CARRIER, MICHELINE. La Danse macabre. Apostrophes, Sillery, 1984, p. 34.
  • CODERRE, CÉCILE ET RICHARD POULIN. La Violence pornographique. Hull, Asticou, 1986, p. 98.
  • CODERRE, CÉCILE ET RICHARD POULIN. La Violence pornographique, Hull, Asticou, 1986, p. 101.
  • RUSSELL, DIANA. «La pornographie et la violence: les recherches récentes», in Laura Lederer, éd., L'Envers de la nuit, Montréal, Éditions du Remue-Ménage, 1983, p. 254.
  • RUSSELL, DIANA. «La pornographie et la violence: les recherches récentes», in Laura Lederer, éd., L'Envers de la nuit, Montréal, Éditions du Remue-Ménage, 1983, p. 262.
  • KRAFKA, CAROL. Texte miméo.
  • JONES, ANN. «Une certaine connaissance des choses», in Laura Lederer, éd., L'Envers de la nuit, Montréal, Éditions du Remue- Ménage, 1983, p.202.
  • CARRIER, MICHELINE. La Danse macabre, Apostrophes, Sillery, 1984, p. 28.
  •  COLLECTIVE PAR ET POUR ELLE. Pornographie, Cowansville, 1986, pp. 126-127.
  • JUDITH BAT-ADA. «Playboy ne joue pas! » in Laura Lederer, éd., L'Envers de la nuit, Montréal, Éditions du Remue-Ménage, Montréal, 1983, p. 141.
  • RUSSELL, DIANA, «La pornographie et la violence: les recherches récentes», in Laura Lederer, éd., L'Envers de la nuit, Montréal, Éditions du Remue-Ménage, 1983, p. 260.
  • RUSSELL, Ibid., p. 257.
  • RUSSELL, Ibid., p. 266.
  • REGROUPEMENT PROVINCIAL DES MAISONS D'HÉBERGEMENT ET DE TRANSITION POUR FEMMES VICTIMES DE VIOLENCE. La sexualité blessée. Étude sur la violence sexuelle en milieu conjugal, Montréal, 1987, p. 74.

IV. Les lois régissant la pornographie

1. Introduction

 Dans cette fiche, nous ferons un bref exposé des lois auxquelles il est possible de recourir pour s'attaquer à certains aspects de la pornographie. Dans la première partie, nous concentrerons notre attention sur l'analyse de l'article 159.8 du Code criminel cana­dien, article dont l'analyse demeurera pertinente même après l'adoption d'une nouvelle loi sur la pornographie. Il est en effet toujours utile d'avoir une perspective globale sur le déve­loppement du droit dans un domaine comme celui-ci. Nous résumerons ensuite le nouveau projet de loi sur la pornographie déposé au printemps 87 par le ministre fédéral de la Justice. Enfin, nous aborderons les autres recours susceptibles d'être utili­sés pour s'attaquer à la pornogra­phie sur le plan juridique. Un document abordant la question en matière de pornographie a été produit par le Conseil du statut de la femme sous le titre Pornographie: passons à l'action. Nous le recommandons à ceux et celles qui veulent fouiller davantage la question.

2. La juridiction fédérale

Le principal recours en matière de pornographie L'article 159(8) du Code criminel (C.cr) canadien: rôle et éléments constitutifs

Rôle

L'intérêt premier de cet article réside dans le fait que c'est celui dans lequel le législateur fédéral définit l'obscénité. Le mot por­nographie n'est pas utilisé dans la définition du Code criminel ; le législateur lui a préféré le mot obscénité. C'est donc ce dernier mot que nous devons utiliser dans le cadre de l'étude de l'article 159(8) C.cr., même si en fait nous visons un autre concept.

Cette définition de l'obscénité joue un rôle clé dans le contrôle de la pornographie parce que c'est celle sur laquelle les pour­suites intentées en vue d'obtenir des sanctions pénales ont été fon­dées jusqu'à maintenant.

En effet, l'obscénité fait partie des matières qui, par leur essen­ce même, se rattachent au domai­ne criminel. Or, c'est le gouverne­ment fédéral qui a juridiction exclusive sur ces matières, ce qui a pour effet, entre autres, d'empêcher les gouvernements provinciaux (par ailleurs respon­sables de l'application du Code criminel), d'adopter des lois pénales sur la pornographie et d'élaborer leur propre définition de celle-ci.

Ceci démontre jusqu'à quel point il est essentiel que la définition du Code criminel soit aussi claire et précise que possible.

Éléments constitutifs

L'article 159(8) du Code criminel se lit comme suit: Aux fins de la présente loi, est réputée obscène toute publica­tion dont une caractéristique dominante est l'exploitation indue des choses sexuelles, ou de choses sexuelles et de l'un quelconque ou plusieurs des sujets suivants, savoir: le crime, l'horreur, la cruauté et la vio­lence.

Les éléments qui doivent être  prouvés pour qu'une publication soit jugée obscène sont donc:

  • l'exploitation indue des choses sexuelles ou des choses sexuelles et du crime, de l'horreur, de la cruauté ou de la violence;
  • le fait que cette exploitation indue soit une caractéristique dominante de l’œuvre.

Remarquons au préalable que l'article 159(8) C.cr. ne vise explicitement que les publications. Cela n'a cependant pas eu pour effet d'en limiter l'application aux seuls imprimés. Mais toutes les personnes intéressées aux amen­dements à apporter à l'article 159(8) C.cr. préconisent quand même une formulation incluant tous les médias.

C'est à l'idéologie qui se dégage de l'article 159(8) C.cr. que nous devons nous arrêter en premier lieu car c'est sur ce plan que se situent les enjeux les plus importants.

3. Considérations idéologiques relatives à l'article 159(8) C.cr., approche du législateur à l'égard du contrôle de la pornographie

 Dans la première partie de cet article, c'est-à-dire dans celle qui réfère à l'exploitation indue des choses sexuelles, nous pouvons constater à quel point le législa­teur a adopté une perspective moraliste à l'égard de la porno­graphie. Cette perspective, qui se traduit au niveau du langage, risque fort d'être retrouvée au niveau des concepts mêmes. Il est assez évident que dans cette loi, les choses sexuelles sont perçues, de par leur nature même, comme étant synonymes de mal, de répugnant. De là, évidemment, découle la nécessité de ne pas en permettre la représentation au-delà de certaines limites. Le législateur s'attaque en fait à l'immoralité sexuelle; le titre de la section du Code criminel qui contient l'article 159(8), Infractions tendant à corrompre les mœurs, est assez éloquent.

Courants jurisprudentiels

La majorité des jugements rendus jusqu'à maintenant se sont conformés a la philosophie mora­liste de l'article 159(8) et, en met­tant l'accent sur la dépravation et l'immoralité, ont en général maintenu le débat à un niveau où la discrimination dont les femmes sont victimes dans la pornogra­phie n'a pas été mise en lumière ni dénoncée. Cependant, un cer­tain nombre de décisions récentes J tendent heureusement à établir un courant jurisprudentiel beaucoup plus sensible au message anti-femmes diffusé par la pornographie.

Quant à nous, nous ne nous opposons pas à la représentation des choses sexuelles; nous croyons que celle-ci ne devient répréhensible que si les choses sexuelles sont associées à la violence, à la dégradation ou à l'infériorisation des sujets en cause.

4. L'interprétation de l'exploitation indue et de la caractéristique dominante

 L'exploitation indue

Dans la preuve qui doit être faite de l'exploitation indue des choses sexuelles, ce n'est pas dans l'interprétation de ce qui est considéré comme choses sexuelles que les difficultés sur­gissent, mais plutôt dans l'inter­prétation de ce qui est indu.

L'angle des normes sociales

La notion même de ce qui est indu présuppose un jugement de valeur, donc une appréciation forcément subjective des faits. C'est un terme qui en soi ne fait pas appel à un cadre précis de réfé­rence. Pour se situer dans une perspective aussi objective que possible, les tribunaux ont donc dû développer des critères qui ne font pas appel à la seule appré­ciation des juges. Ils se réfèrent, entre autres, à ce qu'il est conve­nu d'appeler les normes sociales, desquelles ils exigent qu'elles soient représentatives de l'opinion de l'ensemble des Canadiens et Canadiennes.2 II faut en arriver à quelque chose qui se rapproche de la moyenne générale des opinions et des sentiments de la société, disait le juge Friedman de la Cour d'appel du Manitoba.3

Sous une apparence d'objectivité, cette recherche des normes sociales de tolérance demeure donc hautement subjective. L'addition d'opinions indivi­duelles peut permettre de rendre une décision démocratique mais elle n'offre pas, de ce seul fait, une garantie d'objectivité. La juge Wilson a très bien compris la fragilité de ce procédé lorsqu'elle affirme:

.. la norme sociale elle-même comporte nécessairement un élé­ment de subjectivité puisqu'il s'agit d'objectiver les points de vue subjectifs de toute la société sur la question de savoir quel degré d'exploitation des choses sexuelles est acceptable.4

Une société sexiste a toujours du mal à reconnaître les manifestations de discrimination sexuelle qu'elle engendre et on ne peut s'attendre à ce qu'elle condamne ce qu'elle ne reconnaît même pas.

L'angle de la nocivité

Heureusement, le caractère indu d'une oeuvre ne se prouve pas uniquement par les normes sociales de tolérance. D'autres avenues s'offrent au juge; c'est du moins l'espoir que fait naître l'opinion exprimée par le Juge en chef de la Cour suprême dans le jugement précité:

Même si parfois il y a coïnci­dence entre ce qui n'est pas tolé­ré et ce qui est nocif pour la société, il n'y a pas nécessaire­ment de lien entre ces deux concepts. Ainsi, la définition du mot indu doit viser également les publications nocives pour les membres de la société et, par conséquent, pour l'ensemble de la société. Les publications qui ont trait aux choses sexuelles et qui représentent des personnes d'une manière dégradante, com­me faisant l'objet de violence, de cruauté ou d'autres formes de traitement déshumanisant, peu­vent être indues au sens du par. 159(8). 5

Il est permis d'espérer que le développement d'une telle pers­pective donnera plus de crédibili­té à la présentation en preuve devant les tribunaux des études qui concluent à la nocivité du matériel pornographique. On ne se demande pas ce que les Canadiens pensent chaque fois qu'un meurtre est commis, ainsi devrait-il en être de toute la por­nographie qui propose comme divertissement sexuel la violence et la dégradation.

La caractéristique dominante

Une fois la preuve constituée quant au caractère indu de l'exploitation sexuelle dans une publication, il faut ensuite prou­ver que cette exploitation indue constitue une caractéristique dominante de l’œuvre. Bien que cette partie de la preuve ne soit pas dépourvue d'intérêt, elle ne présente pas un ordre de difficul­tés dont nous devons largement débattre. Qu'il suffise de dire que les tribunaux évaluent l'ensemble d'une oeuvre pour déterminer si l'exploitation sexuelle en consti­tue une caractéristique dominan­te, mais que lorsqu'il s'agit de revues, il est possible, selon la Cour d'appel de l'Ontario, de faire ce test sur une partie seulement de la revue, c'est-à-dire sur des extraits.

5. Conclusion

 Malgré le développement récent de perspectives moins moralistes et davantage axées sur les véri­tables enjeux de la pornographie, les critiques relatives à l'impréci­sion du sens et de la portée des termes utilisés dans l'article 159(8) restent à propos. Tant que la substance de l'article 159(8) du Code criminel ne sera pas profon­dément modifiée, cet article risque d'être interprété comme signifiant que la représentation des choses sexuelles associées à la violence est permise en autant que les Canadiens ne s'y objectent pas.

 Connaissant la tolérance de notre société vis-à-vis la violence faite aux femmes, on peut entretenir la certitude que l'article 159(8) demeurera, tant qu'il ne sera pas abrogé ou amendé, un faible outil de contrôle.

6. La réforme du Code criminel en matière de pornographie

Introduction

Le dépôt de deux projets de loi sur la pornographie en moins de deux ans a soulevé et continue à soulever énormément de débats. Le premier projet (G. 114) est mort au feuilleton et le second (C-54) n'a pas encore, en février 88, fran­chi l'étape de la deuxième lec­ture.

Nous ne connaissons pas le sort réservé à ce projet de loi, mais il nous apparaît nécessaire de le commenter brièvement.

Le contenu du projet de loi C-54

Laissant de côté le terme obscé­nité, le législateur propose une définition de la pornographie qui inclut tout matériel visuel qui représente:

  • une conduite sexuelle décrite ci-dessous et mettant en cause des enfants ou les organes sexuels d'un enfant, dans un contexte sexuel;
  • des blessures ou des lésions réelles infligées à une personne dans un contexte sexuel (films de meurtres sexuels et représentations analogues);
  • conduite sexuelle violente (viol, douleurs physiques, ...);
  • actes dégradants dans un contexte sexuel (personnes traitées comme des animaux ou attachées, scènes de miction ou de défécation sur une autre personne ...);
  • bestialité, inceste ou nécrophilie;
  • masturbation, éjaculation ou relations sexuelles vaginales, anales ou orales.

Le projet de loi propose égale­ment une définition de document érotique à des fins de contrôle de l'étalage et d'accès aux mineur-e-s. Cette définition vise essentiellement la représentation, dans un contexte sexuel, des organes sexuels humains, des seins de la femme ou de la région anale de l'homme ou de la femme.

Commentaires

Le point le plus litigieux du projet de loi C-54 est l'alinéa VI de la définition de la pornographie. On imagine mal comment la repré­sentation d'activités qui n'ont en elles-mêmes rien de répréhensible peut devenir criminelle. La Fédération des femmes du Qué­bec n'a jamais pris position con­tre la représentation d'activités sexuelles explicites. Nous avons cependant déploré le fait que dans les revues et les vidéos à ca­ractère pornographique, les acti­vités et relations sexuelles soient présentées de façon mécanique, répétitive, comme un jeu d'orga­nes sexuels qui ne met pas en cause les sentiments et les émo­tions des individu-e-s impliqué-e-s. Nous avons également déploré le fait que des milliers de jeunes fassent leur éducation sexuelle à travers ce matériel qui répond peut-être à certaines pul­sions sexuelles mais reste totale­ment étranger à leurs besoins de tendresse, de rapprochement et de respect.

Les arguments des détracteurs du projet de loi reposent presque uniquement sur la liberté d'ex­pression. Certains, par principe, sont contre toute atteinte à la li­berté d'expression. D'autres, tout en étant plus pondérés, refusent toutefois que l'expression de la sexualité puisse, pour sa part, être en quoi que ce soit limitée. D'autres encore, croient que la liberté d'expression bien que fon­damentale, s'arrête là où elle nuit à l'exercice d'autres droits fonda­mentaux, et la sexualité n'échap­pe pas à ce principe.

Les personnes qui demandent des contrôles sur le matériel por­nographique sont aussi des personnes soucieuses du respect de la liberté d'expression. Les préju­gés, les stéréotypes et les fausse­tés que l'industrie de la pornogra­phie véhicule à propos des fem­mes leur apparaissent cependant comme une atteinte aux droits de celles-ci, susceptible de nuire à la réalisation de leurs objectifs d'é­galité. Un exemple: la pornogra­phie véhicule l'idée que les fem­mes jouissent de la violence qu'on leur inflige, ce qui risque d'avoir pour effet que le droit à l'intégrité physique des femmes soit menacé dans la vraie vie. C'est ce que le législateur a expli­citement reconnu d'ailleurs car l'article 4 du projet de loi vient amender le tarif des douanes de sorte que ce qui est pornographi­que au sens de la loi constitue de la propagande haineuse au sens des dispositions du Code criminel qui traitent de cette question.

Dans le feu du débat sur le projet de loi C-54, il ne faudrait pas per­dre de vue que le législateur s'at­taque à la violence, à la dégrada­tion et à l'exploitation sexuelle des mineur-e-s. Les failles de la définition de l'érotisme et l'alinéa VI de la définition de la pornogra­phie ne devraient pas entraîner le retrait de tout le projet de loi. Après tant d'années de travail et de luttes pour faire amender les dispositions du Code criminel re­latives à la. pornographie, ce serait faire fausse route. Nous croyons que le projet de loi C-54 peut être amendé de façon satis­faisante.

7. Les autres recours

Introduction

Dans notre première série de fiches sur les lois fédérales visant le contrôle de la pornographie, nous avons vu que ce sont les articles du Code criminel relatifs à l'obscénité qui fondent, en pre­mier lieu, les poursuites judi­ciaires qui portent sur du matériel pornographique. En effet, en dehors du chapitre qui traite des infractions tendant à corrompre les mœurs, le Code criminel n'offre pas quantité de moyens de contrôle à l'égard de la pornogra­phie. Le code ne s'attaque, en principe, qu'à des actes ou comportements qui atteignent un niveau de désapprobation sociale suffisant pour être qualifiés de criminels. Il va sans dire que tout ce qui est nocif ou répréhensible n'y est pas d'emblée objet de contrôle. Ainsi l'élimination de ce que nous appelons le sexisme ordinaire ne se fera jamais par le biais du Code criminel. Il n'en demeure pas moins, toutefois, que le contrôle sur la prolifération du matériel pornographique pour­rait s'appuyer sur certains autres articles du Code criminel, ainsi que sur d'autres lois fédérales. C'est ce que nous aborderons dans les fiches suivantes.

8. L'article 281 du Code criminel

L'analyse de la pornographie nous conduit immanquablement à constater que son fondement idéologique en est un de haine et de mépris des femmes. Ce message très puissant, et amplifié proportionnellement à la quantité de matériel qui entre dans le commerce et à la quantité de per­sonnes qui le consomment, peut,  sans hésitation, être qualifié de propagande. Pouvoir s'attaquer à la pornographie par ce biais per­mettrait de s'en prendre à ses fondements mêmes.

Ces éléments ont donc amené plusieurs groupes de femmes à réclamer que l'article 281.1(4) du Code criminel soit amendé pour ajouter le sexe aux groupes proté­gés par l'article 281.2(1) et (2), lequel se lit comme suit:

281.2(1) Quiconque, parla com­munication de déclarations en un endroit public, incite à la hai­ne contre un groupe identifiable, lorsqu'une telle incitation est susceptible d'entraîner une vio­lation de la paix, est coupable

  • d'un acte criminel et passible d'un emprisonnement de deux ans; ou
  • d'une infraction punissable sur déclaration sommaire de culpabilité.

(2) Quiconque, par la communi­cation de déclarations autrement que dans une conversation pri­vée, fomente volontairement la haine contre un groupe identi­fiable est coupable

  • d'un acte criminel et passible d'un emprisonnement de deux ans; ou
  • d'une infraction punissable sur déclaration sommaire de culpabilité.

 Notons également que plusieurs réclament la suppression du mot volontairement dans l'article pré­cité.

Certains croient que l'élargisse­ment de l'expression groupe identifiable pour inclure le sexe ne produirait pas de résultats tan­gibles. Les personnes qui y sont favorables croient pour leur part que même si l'article n'était que peu utilisé, il aurait une valeur éducative que nous ne saurions sous-estimer. Le comité Fraser et les récents projets de loi sur la pornographie ont reconnu le bien-fondé de cette dernière position puisqu'ils proposent des amendements à l'article 281 C.cr. qui vont dans le sens des principales revendications.

9. L'article 163 du Code criminel

 Cet article traite des représenta­tions, divertissements ou spectacles immoraux, indécents ou obscènes, offerts dans un théâtre. Il permet de s'en prendre aux  personnes responsables de la présentation de telles représenta­tions ainsi qu'à celles qui partici­pent à titre d'exécutant-e-s.

10.  La Loi sur les douanes et le Tarif des douanes

 Alors que la Loi sur les douanes contient les pouvoirs conférés à la Direction des douanes, le Tarif des douanes comprend, entre autres, la liste des marchandises dont l'entrée est interdite au Canada. Jusqu'à l'hiver 85, le matériel pornographique était contrôlé au titre des marchan­dises ayant un caractère immoral ou indécent. Depuis l'adoption par le gouvernement fédéral de la loi C-38, la définition de l'obscéni­té du Code criminel s'étend au Tarif des douanes. Le principe est en soi excellent, mais souvenons-nous que le Code criminel lui-même contient de graves lacunes. Les résultats au niveau des douanes ne seront positifs qu'en autant que le Code criminel pro­posera une définition adéquate de la pornographie.

La Fédération des femmes du Québec a recommandé non seule­ment une amélioration du conte­nu législatif mais également une meilleure formation pour les agents de douanes affectés à l'examen des marchandises. Elle a de plus réclamé l'élimination de la période de 60 jours d'essai  accordée aux films commerciaux avant qu'on en retire les scènes pornographiques, cette période donnant amplement le temps de reproduire la version originale.

Un autre problème vient du fait qu'il n'y a pas de mécanismes, présentement, qui permettent d'uniformiser le travail des agents de douane. Ainsi le numé­ro d'octobre 86 de la revue Playboy a été interdit dans plu­sieurs provinces canadiennes mais pas au Québec, entre autres, ni en Colombie- Britannique. À  l'automne 84, il a fallu faire appel au ministre responsable des douanes pour que l'entrée au Canada du numéro de décembre de la revue Penthouse soit inter­dite.

Évidemment, quand le ministre intervient, sa décision s'applique partout au Canada; mais il s'agit là d'une intervention peu couran­te. Comme la loi en cause est une loi fédérale, il y aurait intérêt à ce qu'elle soit appliquée avec plus d'uniformité à travers le pays.

11. Lois relatives aux médias électroniques

 La télévision et la radio ne sont pas à l'abri de l'invasion de la pornographie. Il suffit de se rap­peler la programmation proposée par la chaîne de télévision payante First Choice/Premier Choix et qui a fait l'objet de tant de protes­tations à travers tout le Canada, au début des années 80. Qu'on songe aussi au sexisme dans la publicité et dans bon nombre d'émissions et nous compren­drons que malgré certaines amé­liorations, il existe encore un terrain propice à la prolifération d'une image négative des femmes. Un glissement progressif vers la pornographie serait donc relativement facile.

Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes - CRTC

Le CRTC est un organisme dont le rôle est de première importan­ce à l'égard du contrôle du sexisme et de la pornographie dans les médias électroniques.

À première vue, ce rôle peut paraître restreint surtout si on s'attarde au fait que le CRTC n'a pas le pouvoir d'exiger d'exami­ner les émissions avant leur diffu­sion. Il ne faut pas en déduire pour autant que le CRTC est impuissant à l'égard des contenus. Qu'il suffise de se rappeler que le CRTC est responsable de l'octroi, du renouvellement et de la suspension des permis de dif­fusion, qu'il peut subordonner l'octroi de ceux-ci à des condi­tions diverses et exiger des radio-diffuseurs qu'ils se dotent de leur propre réglementation. Il peut même prévoir des sanctions en vertu du Code criminel ou de la Loi sur la radiodiffusion.

La Loi sur la radiodiffusion

Cette loi contient la politique de radiodiffusion pour le Canada. L'article 3, alinéa C, est d'un inté­rêt particulier pour ce dossier. Il énonce la responsabilité des entreprises de diffusion vis-à-vis les émissions qu'elles diffusent, en parallèle avec le droit à la liberté d'expression et le droit de capter les émissions.

En novembre 83, lors de la pré­sentation d'un mémoire aux audiences du Sous-Comité sur les émissions à tendances sexuelles abusives du Comité permanent des communications et de la cul­ture, la Fédération des femmes du Québec a recommandé que l'article soit reformulé de façon à faire prévaloir la responsabilité des diffuseurs. Elle a réclamé d'ajouter à l'article 3, alinéa C, une disposition interdisant la dif­fusion de commentaires abusifs ou d'images abusives quant à la race, la religion, la croyance ou le sexe. La FFQ appuyait en cela la démarche amorcée par madame Lynn McDonald, membre du Parlement, et proposée par le pro­jet de loi C-675 en mars 83.

En octobre 84, les règlements de la radiodiffusion (MA et MF), de la télédiffusion et de la télévision payante ont été amendés pour interdire la diffusion de propos et d'images offensants pour un motif fondé sur la race, la religion, le sexe, l'âge ou la déficience mentale ou physique.

C'est dans le projet de loi C-20 que l'approche la plus intéressan­te a l'égard de la représentation des femmes avait été développée. On y proposait d'ajouter à l'arti­cle 3, alinéa C, un paragraphe sti­pulant que la programmation devrait respecter et promouvoir l'égalité et la dignité de toute personne, groupe ou catégorie de personnes, sans égard à la race ...au sexe. Le projet de loi C-20 est cependant mort au feuilleton, et c'est à regret que nous constatons que le rapport du Groupe de travail sur la poli­tique de la radiodiffusion n'endosse pas ce principe de la promotion de l'égalité (Rapport Sauvageau-Caplan). Selon le Groupe de travail, ce principe serait trop contraignant pour les radiodiffuseurs et il lui préfère un concept qui vise à refléter équita­blement les groupes en présence. L'Institut canadien d'éducation des adultes (ICEA) a suivi de près toute la démarche de ce dossier et déplore avec la FFQ la position développée dans le rapport du Groupe de travail.

12. Le Comité spécial d'étude sur la pornographie et la prostitution Comité Fraser.

 Face à l'ensemble des problèmes soulevés par le contrôle de la por­nographie et aux revendications de plus en plus nombreuses des groupes de pression, le gouverne­ment fédéral a formé, en 1983, un Comité spécial d'étude sur la por­nographie et la prostitution, mieux connu sous le nom de Comité Fraser.

Lors des audiences publiques tenues à travers le Canada en 1984, les féministes ont été nom­breuses à soumettre des mémoi­res réclamant l'adoption d'une définition de la pornographie qui tienne compte de l'essence même de ce phénomène, c'est-à-dire du fait que la pornographie est un des plus amples systèmes d'exploitation et de discrimina­tion des femmes. Les femmes ont réclamé que le respect de leurs droits fondamentaux à l'intégrité physique, à la sécurité et à la vie soient enfin jugés plus impor­tants que le respect de la liberté de produire et de consommer du matériel pornographique.

C'est dans cette perspective fémi­niste que la FFQ a soumis un mémoire dans lequel elle récla­mait une loi complète sur la por­nographie ou, à défaut d'une telle loi, des amendements substan­tiels au Code criminel. Nous demandions une définition qui s'attaquerait clairement et direc­tement à la violence sexuelle et à la dégradation.

Malheureusement, le rapport Fraser n'a répondu que partielle­ment à nos attentes. La perspecti­ve féministe développée par les groupes de femmes trouve sa place dans la partie descriptive du rapport mais n'inspire que par­tiellement les recommandations. Le rapport a l'avantage de s'en prendre sans équivoque à la pornographie dont la production a impliqué l'imposition de sévices aux participant-e-s et à la porno­graphie à caractère violent et avi­lissant. Mais il y a encore confusion entre pornographie et représentation d'activités sexuelles;

de plus, la violence exercée envers une personne adulte (il s'agit presque toujours de femmes), fût-elle réelle, manifeste et grave, est sanctionnée moins sévèrement que l'exploitation sexuelle des mineur-e-s) alors qu'elle nous apparaît tout aussi répréhensible.

13. La Loi sur les permis d'alcool (LRQ, chapitre 9.1)

 Bien que non directement reliée au contrôle de la pornographie, la Loi sur les permis d'alcool est quand même d'une certaine utili­té pour ceux et celles qui veulent s'opposer à l'octroi de permis de spectacles à caractère pornogra­phique. Ces dernières années, quelques groupes de femmes ont réussi à faire assortir l'octroi de permis de spectacles d'un enga­gement à ne pas présenter de spectacles à caractère pornogra­phique alléguant que ceux-ci seraient, dans leurs municipali­tés, contraires à l'intérêt et à la tranquillité publics.

Dans l'ouvrage du Conseil du sta­tut de la femme (CSF) intitulé Pornographie: passons à l'action, différents facteurs susceptibles d'être invoqués pour prouver que l'octroi d'un permis serait contrai­re à l'intérêt public et nuisible à la tranquillité sont énumérés : taux de criminalité, milieu vio­lent, proximité d'écoles, etc.6. La suspension, la révocation ou le non-renouvellement d'un permis peuvent également être réclamés pour les mêmes motifs.

Cependant, un jugement de la Cour supérieure du Québec 7 est venu, au printemps dernier, semer le doute sur la validité des restrictions aux permis de spec­tacles, lorsque ces restrictions portent sur les spectacles de danseurs-euses nu-e-s. Le jugement affirme que la simple nudité à l'occasion d'un spectacle n'étant pas prohibée par le Code crimi­nel, il n'appartient pas à la Régie de l'interdire. Laissons la parole au juge Paul Corriveau:

Prétextant s'appuyer sur les notions d'intérêt et de tranquilli­té publics, la Régie veut, en fait, faire respecter certains principes de moralité publique, (p. 1369) Et encore: Il faut donc conclure que la simple nudité à l'occasion d'un spectacle n'est pas prohi­bée au sens des articles perti­nents du Code criminel. Si le législateur fédéral, qui détient l'autorité absolue de légiférer sur cette question de mœurs, n'inter­dit pas catégoriquement un spectacle où apparaissent des danseurs ou danseuses nus, la législature provinciale ne peut se donner l'autorité de le faire et, à plus forte raison, en l'espèce, la Régie des alcools qui ne peut évidemment s'arroger plus de pouvoirs ou de compétences qu 'en a la législature provinciale elle-même... La Régie a donc considérablement outrepassé sa compétence lorsqu'elle s'est per­mis d'exiger la production d'un engagement à ce qu'il n 'y ait pas de spectacle de danseuses nues avant d'émettre l'autorisation de spectacles, (p. 1373)

Le juge a aussi accueilli l'argument basé sur la liberté d'expression, allégué par les Entreprises Claude et Hughes Marquis.

Toutefois, un autre jugement, plus récent encore, et provenant du plus haut tribunal au Canada 8, vient donner une autre couleur au dossier et nous permet de croire que le jugement de la Cour supérieure du Québec ne fera pas jurisprudence. Ce juge­ment de la Cour suprême déclare valide la loi du Nouveau-Brunswick qui impose des restric­tions aux permis de danseurs-euses nu-e-s dans les bars. La Cour a indiqué que les spectacles offerts dans les clubs sont un ins­trument de marketing et qu'à ce titre, la réglementation de ce gen­re de spectacles relève des droits civils et de propriété et, par conséquent, est de juridiction provinciale.

Sans entrer dans les détails des points de droit soulevés dans ce jugement, voici deux extraits qui répondent à nos préoccupations:

En appliquant ces principes aux circonstances de l'espèce, je conclus que la législature du Nouveau-Brunswick avait com­pétence pour adopter la loi pro­vinciale autorisant la condition de licence attaquée. La Loi en cause, je le répète, se rapporte à première vue à la propriété et aux droits civils dans la province et à des matières d'une nature purement locale. Le législateur ne cherche qu'à réglementer les formes de divertissement dont les propriétaires d'établisse­ments titulaires d'une licence peuvent se servir comme instru­ments de commercialisation pour augmenter les ventes d'alcool Malgré qu'il y ait un certain che­vauchement de la condition de licence interdisant les spectacles de nudité et de différentes dispo­sitions du Code, il n'y a pas de conflit direct. Il est tout à fait possible de se conformer aux deux lois provinciale et fédérale. (p. 65)

Les conditions dont la licence est assortie en l'espèce ne consti­tuent qu'une partie d'un régime global de réglementation de la vente de boissons alcooliques au Nouveau-Brunswick. Il n'y a aucun empiétement déguisé sur un chef de compétence fédérale. (p. 66).

Voilà deux interprétations fort dif­férentes de causes en apparence semblables, l'une s'appuyant sur la moralité publique, l'autre sur les techniques de mise en mar­ché.

Si la loi du Québec ne diffère pas sur le fond de celle du Nouveau-Brunswick, cela signifie que nous pouvons prendre appui sur le jugement de la Cour suprême. Il faut comparer les deux lois et agir en conséquence.

14. La Loi québécoise sur le cinéma et l'audiovisuel (LOI 109)

C 'est lors de la commission parle­mentaire sur le projet de loi 109 que furent remis en cause les cri­tères et le processus de classe­ment des films au Québec. La tenue des audiences publiques de cette commission, à l'hiver 83, a suscité un débat vigoureux sur la pornographie.

Un front commun, appuyé par une centaine d'organismes repré­sentant près de 600 000 per­sonnes, a proposé des recomman­dations visant, entre autres, la démocratisation du fonctionnement de la Régie du cinéma. Malgré cette offensive, le législa­teur a ignoré la quasi totalité de ces recommandations. Il a cepen­dant proposé et adopté un critère selon lequel les films qui encouragent ou soutiennent la violence sexuelle doivent être rejetés, ce qui rencontre partiellement nos objectifs.

À l'hiver 85, le règlement rendant la catégorie 14 ans et + purement indicative a également été adop­té. Les enfants de moins de 14 ans ont donc désormais accès aux films 14 ans et +. Ce règlement vise, paraît-il, à responsabiliser les parents à l'égard des films qui conviennent à leurs enfants. Mais, même en prenant pour hypothèse que les parents sont prêts à assumer une telle respon­sabilité, où se procureront-ils l'in­formation nécessaire à une décision éclairée? À ce propos, la Régie du cinéma n'a pas encore mis en place les mécanismes nécessaires et nous devons insister pour qu'elle le fasse le plus rapi­dement possible. Voilà un champ d'action intéressant.

En décembre 87, le projet de loi 59 est venu modifier la Loi sur le cinéma et la Loi de la Société de développement des industries de la culture et des communications. Dans son allocution à l'Assem­blée nationale le 16 décembre dernier, Madame Lise Bacon, ministre des Affaires culturelles, admettait que : La prolifération de la location des vidéocassettes a engendré une situation qui préoccupe de plus en plus les différentes couches de la popula­tion. Les regroupements de fem­mes ont manifesté leurs inquié­tudes et ont demandé un contrô­le de l'exploitation du matériel vidéo. 9

Le gouvernement n'a pas opté pour le classement du matériel vidéo destiné à la consommation privée. La solution qu'il a retenue consiste en la création d'un per­mis de commerce au détail qui permettra d'encadrer les activi­tés de ce secteur. 10

Les conditions d'obtention d'un permis et d'exploitation des acti­vités seront déterminées par règlement.

Dans le but d'assurer un meilleur encadrement du classement des films, l'Institut québécois du ciné­ma pourrait être mandaté à for­mer des comités afin de tenir des audiences publiques sur le clas­sement des films. 11 Ce ne serait donc plus la Régie du cinéma qui serait responsable de ces audiences, ce qu'on ne peut accueillir qu'avec contentement puisque, comme l'affirme la ministre elle-même: La Régie du cinéma ... est actuellement, en quelque sorte, juge et partie de ses propres activités. 12 Ce qui est intéressant dans la nouvelle mesure, c'est qu'il est prévu que les comités formés par l'Institut du cinéma seront composés de représentants des milieux inté­ressés par la matière choisie 13 et que la composition sera soumise à l'approbation du ministre qui s'assure de son caractère repré­sentatif.14

Ces amendements marquent certes un pas dans la bonne direction. Ils ne créent pas de modifications à l'égard du classement lui-même mais ils permet­traient au moins un certain con trôle sur le commerce de la vidéo, ce qui est infiniment souhaitable.

15. La juridiction municipale

 Les règlements municipaux

Au Québec, le Code municipal (art. 403 A) et la Loi des cités et villes (art. 416) confèrent aux municipalités le pouvoir d'adop­ter des règlements sur l'étalage et l'affichage du matériel dit érotique et ce, dans un but de pro­tection de la jeunesse. La Charte de la Ville de Montréal contient également une disposition à cet effet. La formulation de ces articles est, par la référence à l'érotisme plutôt qu'à la pornogra­phie, le résultat direct et justifié de la crainte du législateur provincial d'empiéter sur la juridic­tion exclusive du fédéral en matière de pornographie.

Au printemps 85, les entreprises de distribution Benjamin News ont d'ailleurs intenté des poursuites contre la ville de Châteauguay et le gouvernement du Québec dans le but de faire déclarer inconstitutionnels les règlements de Châteauguay sur  l'étalage du matériel dit érotique. Le tribunal n'a cependant pas reconnu à Benjamin News un intérêt juridique suffisant pour poursuivre et le requérant a abandonné la poursuite à l'automne 86, sans qu'il n'y ait eu, par con­séquent, de jugement sur le fond.

Il faut souligner que pour plusieurs d'entre nous, l'intervention au niveau municipal présente un intérêt certain. Mais il faut garder à l'esprit que les règlements municipaux, bien qu'ils rendent la pornographie moins visible, n'ont pas pour objet de l'éliminer. Les actions à ce niveau sont donc complémentaires à d'autres types d'interventions.

Il est évident qu'une clarification des pouvoirs des provinces et des municipalités s'impose. Le fédéral doit viser un tel objectif.

16. Les chartes ou la perspective de défense des droits et libertés fondamentales

 La Charte canadienne

Jusqu'à maintenant, la Charte canadienne des droits et libertés, adoptée en 1982, a été utilisée comme fondement des attaques aux lois visant le contrôle de la pornographie.

C'est ainsi qu'on a tenté, devant les tribunaux, de faire valoir que l'article 159(8) du Code criminel, constituait une atteinte déraison­nable à la liberté d'expression et devait, de ce fait, être déclaré inconstitutionnel. 13

La constitutionnalité de l'article 159(8) du Code criminel a été confirmée dans la majorité de ces causes. Il y a été affirmé qu'au Canada, l'article 159(8) est une règle de droit considérée comme une limite raisonnable à la liberté d'expression, et justifiée dans une société libre et démocratique. Dans le jugement de R.V. Red Hot Video 14, il est ressorti clairement que la protection accordée par la Charte canadienne à la liberté d'expression n'est pas illimitée; elle est contrebalancée par le droit des femmes à l'égalité inscrit dans la Charte.

La constitutionnalité de l'article du Tarif des douanes auparavant utilisé pour interdire l'entrée au Canada de marchandises porno­graphiques (obscènes) a également été attaquée, comme nous en faisons mention dans la partie de cette fiche qui traite du Tarif des douanes. Cet article a été jugé inconstitutionnel parce que trop vague et imprécis et par le fait même non raisonnablement limitatif à l'égard de la liberté d'expression.

La Charte canadienne des droits et libertés n'a cependant pas encore été utilisée, à notre connaissance, pour prouver que le matériel pornographique va à l'encontre des droits des femmes: droit à l'égalité, droit à l'intégrité, droit à la sécurité, etc. Évidemment, le fait que la porno­graphie fasse l'objet de contrôles par le biais du Code criminel, constitue une reconnaissance implicite de ces droits. Pour le moment, la question spécifique des droits des femmes n'a été débattue qu'une seule fois et, comme nous le verrons à l'ins­tant, la poursuite était fondée sur une charte provinciale.

17. Les chartes provinciales

 Bien que les chartes provinciales des droits et libertés aient été adoptées et mises en vigueur depuis beaucoup plus longtemps que la Charte canadienne, leur potentiel à l'égard de la pornogra­phie n'a guère été plus exploité que celui de cette dernière. À notre connaissance, comme nous le mentionnions précédemment, un seul jugement basé sur une loi de cette nature a été rendu au Canada. Il s'agit d'un jugement émanant d'un tribunal de la Saskatchewan et dans lequel un journal étudiant est déclaré cou­pable d'avoir enfreint la charte de cette province. Le journal en question, par son caractère por­nographique, constituait, selon le tribunal, une discrimination à l'égard des femmes et enfreignait leur droit de profiter également de l'éducation, de l'accès au travail et de la sécurité de la personne.17 Le Rapport Fraser semble pour sa part souhaiter que les chartes provinciales jouent un plus grand rôle. La recommandation 35 se lit  comme suit:

Les commissions des droits de la personne devraient examiner avec diligence la possibilité d'appliquer leurs lois actuelles et leur jurisprudence en matière de pornographie, notamment à l'exposition des citoyens à la pornographie sur les lieux de tra­vail, dans les magasins et dans les autres services publics. Toutefois, nous ne recomman­dons pas, pour le moment, que l'on ajoute aux codes des droits de la personne une nouvelle infraction distincte concernant la pornographie.

Nous ne saurions trouver meilleu­re conclusion que cette réflexion tirée du jugement précité de la Commission des droits de la per­sonne de la Saskatchewan: Tolérer la libre expression d'un tel matériel ne répond à aucun intérêt social (notre traduction). 18

Références bibliographiques

  • R.bc. Rankine et al. (1983), 9 c.c.c.(3d) 53 R.bc. Ramsingh et al. (1984), 14 c.c.c.(3d) 230 R.bc. Wagner R.bc. Red Hot Video (1985), 45 C.R. (3d) Towne Cinéma Théâtres Ltd., Bc.R. (1985), 45 C.R. (3d) 1.
  • Towne Cinéma Théâtres Ltd. c La Reine, Cour Suprême du Canada- 1985.
  • Dominion News & Gifts (19962) Ltd. v. The Queen, (1964) R.C.S. 251 - rapporté dans la version française des motifs de Towne Cinéma Théâtres Ltd. c La Reine R.C.S. 1985, p. 16.
  • Towne Cinéma c La Reine C.S.C. 1985 - version française des motifs du juge Wilson, p. 3.
  • Towne Cinéma - version française des motifs du Juge en chef, pp. 13-14.
  • CSF, Pornographie: passons à l'action, p. 33.
  • Entreprises Claude et Hughes Marquis Inc. c. Régie des permis d'alcool du Québec - Cour supérieure, Québec, 200-05- 000194-873, 1987-05-06.
  •  Rio Hôtel Limited (appelante) c. La Commission des licences et permis d'alcool (Nouveau-Brunswick) et le procureur général du Nouveau-Brunswick. Cour Suprême du Canada. Juillet 1987.
  • Madame Lise Bacon - Chambre - R 13291 - p. 1.
  • Idem
  • Idem-p.2
  • Idem-p.2
  • Loi sur le cinéma, article 36.1 - par. 2.
  • Loi sur le cinéma - article 36.1 - par. 2.
  • R.V. Wagner et R.V. Ramsingh et al. (1984), 14 c.c.c. 230.
  • (1985)45C.R. (3d).
  • Saskatchewan Human Rights Commission V. The Engineering Student's Society, University of Saskatchewan et al, 7 mars 1984 (décision Red Eye).
  • Canadian Human Rights Reporter -- Paragraphe 17724 du jugement, Volume 5, Décision 360.

La pornographie DÉCODÉE 2

V. Sensibilisation et éducation

1. Introduction

Au coeur même de la lutte contre la pornographie, les actions de sensibilisation et d'éducation visent à faire comprendre le rôle négatif que joue cette industrie dans notre société. En fait, sans ce travail de base, les meilleures lois risquent d'être mal interpré­tées et les actions en justice sans grande répercussion.

Sensibiliser et éduquer, c'est à la fois simple et difficile à entre­prendre. Simple, facile, parce que les occasions sont fréquentes d'exprimer pourquoi nous ne sommes pas d'accord avec l'ima­ge des femmes projetée par la pornographie. Facile aussi parce qu'une telle forme d'action peut assez souvent être entreprise sans moyens techniques et finan­ciers importants. Difficile cepen­dant, parce que les conversa­tions, discussions ou animations qui ont pour sujet principal la por­nographie sont parfois très éprouvantes. Il arrive fréquem­ment que des gens sensibilisés à la situation des femmes dans la société, se révèlent incapables de remettre en cause leurs idées sur la pornographie. Ils continuent de la percevoir comme une simple représentation de la nudité ou d'activités sexuelles acceptées par l'ensemble de la population, ou encore comme une manifesta­tion dont la valeur artistique ou informative doit être protégée par le droit fondamental à la liberté d'expression. La solidité de nos arguments n'est pas à tout coup garante de notre succès. Quand la mauvaise foi s'en mêle, la tâ­che est, avouons-le, ardue. Nous n'apprécions pas de passer pour prudes, d'être associées aux bien-pensants (Moral Majority) ou per­çues comme favorables à la cen­sure. Mais dans la mesure où nous nous sentons d'attaque, allons-y et parlons-en.

2. Sensibiliser qui? et comment?

L'ENTOURAGE IMMEDIAT Famille et ami-e-s

La sensibilisation des personnes avec lesquelles nous partageons notre quotidien est utile à plus d'un titre. Il est évident, d'une part, que les personnes ainsi rejointes auront leur propre rayonnement et nous alimente­ront à leur tour sur les réactions et opinions auxquelles elles font face. D'autre part, cette sensibi­lisation est à toute fin pratique indispensable pour se sentir appuyée et plus à l'aise dans les autres types d'action contre la pornographie.

C'est parfois avec les proches que les échanges s'amorcent avec le plus de difficultés. Il faut savoir profiter des occasions qui se pré­sentent et l'actualité en fournit de multiples. Les résultats d'un son­dage sur les habitudes de consommation de matériel vidéo chez les jeunes, une émission de télévision qui traite d'un sujet connexe, la présence de matériel pornographique à la portée de tous chez le dépanneur, un film au cinéma de quartier, une agres­sion sexuelle rapportée dans les médias sont en effet autant d'occasions de déclencher uneconversation au cours de laquelle on pourra exprimer ses opinions sur la sexualité et sur les rela­tions hommes/femmes. Ces ques­tions intéressent particulièrement les adolescent-e-s et les jeunes adultes qui n'hésitent pas en général à remettre en cause les idées reçues. Les amener à avoir une attitude critique par rapport à la pornographie ou du moins à se questionner sur les messages qui en ressortent constitue un premier pas très important. Nous avons avantage, face aux jeunes surtout, à faire ressortir que selon l'analyse féministe, la représenta­tion d'activités sexuelles n'est pas en soi répréhensible et que même l'expression d'une saine sexualité est favorisée.

Collègues de travail

On n'aime pas aborder avec nos collègues de travail des sujets qui ne semblent pas les préoccuper. Mais, dans un premier temps, on peut exprimer beaucoup de choses par nos attitudes mêmes, par exemple en ne nous montrant pas de connivence avec ceux et celles qui font des blagues sexistes. Sans se lancer directe­ment dans le dossier de la porno­graphie, on peut s'attaquer à des sujets qui ont des liens avec celle-ci, comme les agressions et le harcèlement sexuels. Il deviendra ainsi plus aisé de repérer des allié-e-s, c'est-à-dire ceux et celles qui se rallieront plus facile­ment à notre point de vue lors-qu on discutera ouvertement de pornographie. Il n'y a pas de recette miracle, mais c'est comme ça que commence la sensibilisa­tion.

L'ENTOURAGE MOINS IMMÉDIAT MAIS QUI AFFECTE NOTRE QUOTIDIEN OU CELUI DE NOS ENFANTS

Les propriétaires de dépanneurs

La sensibilisation auprès des marchands de quartier se com­plique souvent du fait que la bon­ne foi de ces personnes s'affaiblit proportionnellement aux rentrées d'argent entraînées par le com­merce de la pornographie. La désapprobation de plusieurs clientes ou clients risque évidem­ment d'avoir de l'effet et l'idée d'un éventuel boycott fait réflé­chir. Les marchands auront ten­dance à se défendre en affirmant que la marchandise qu'ils vendent est légale; plusieurs le croient d'ailleurs fermement même lorsque ce n'est pas le cas. Ils estiment que les contrôles exercés aux douanes leur permet­tent de ne pas se questionner sur la légalité de la marchandise qu'ils offrent au public. D'une cer­taine manière, il devrait d'ailleurs en être ainsi, mais les agents de douanes peuvent se tromper. Mis à part le matériel illégal au sens du Code criminel, il y a quantité de matériel qui peut être considé­ré comme pornographique et qui ne devrait pas être rendu aussi facile d'accès et disponible que le lait et le pain. Un propriétaire de magasin d'alimentation, aussi soucieux qu'il soit d'attirer la clientèle, manque totalement de jugement lorsqu'il amène ses clientes et clients de tous âges à consommer involontairement du matériel pornographique. C'est pourquoi des règlements sur l'étalage s'avèrent nécessaires. D'ailleurs, de nombreux groupes de femmes ont déjà fait des pres­sions auprès de leur municipalité pour obtenir l'adoption de tels règlements, et sont intervenus auprès des dépanneurs pour les sensibiliser. À Châteauguay, à Matane et dans bien d'autres villes, des actions très concrètes ont été menées. Les commerçants doivent cependant en com­prendre le bien-fondé et y voir un geste de respect de la clientèle plutôt que la volonté imposée d'une minorité.

Il n'y a pas que les dépanneurs ou les petits commerçants auprès desquels des interventions sont nécessaires. Les grands magasins comme Eaton ou Simpson, par exemple, créent parfois des vitrines ou des publicités dont les caractéristiques sexistes s'apparentent à la pornographie. Des appels et des lettres à la direction de ces établissements peuvent entraîner les changements sou­haités. Des actions de ce genre ont été entreprises par le Y des femmes, dont le comité contre la pornographie est très actif au centre ville de Montréal.

Mentionnons que si l'action est collective, il vaut mieux écrire plusieurs lettres qu'écrire une seule lettre signée par plusieurs personnes. De plus, que l'on s'adresse aux gouvernements ou à des établissements commer­ciaux, nos commentaires ont plus de poids lorsqu'ils sont person­nels. La même lettre reçue en grande quantité finit par dimi­nuer l'impact recherché au lieu de l'amplifier.

Le milieu scolaire

La sensibilisation dans ce milieu est tout à fait essentielle car elle rejoint ceux et celles qui, avec les parents, jouent un rôle détermi­nant dans la formation et l'éduca­tion des jeunes. Les ensei-gnant-e-s, conscient-e-s du fait que la majorité des adolescent-e-s reçoivent leur éducation sexuelle par le biais du matériel pornogra­phique, sont particulièrement bien placé-e-s pour aborder le sujet en classe, susciter la discus­sion et offrir les pistes de réflexion appropriées. Ils-elles peuvent soutenir les revendica­tions des parents pour des pro­grammes d'éducation sexuelle et appuyer leurs pressions auprès des commerçants dont les établis­sements sont situés à proximité des écoles. Les comités d'école peuvent servir d'intermédiaires entre les groupes qui luttent contre la pornographie et la direc­tion de l'école. Pourquoi ne pas s'y faire élire? Pour rejoindre plus directement les enseignant- e-s, on peut offrir de leur présenter le dossier lors d'une journée péda­gogique et on peut solliciter l'appui des instances syndicales. La Centrale de l'enseignement du Québec (CEQ) a déjà offert à ses membres des ateliers sur la pornographie. L'expérience pourrait certainement être reprise pour rejoindre un plus grand nombre de personnes.

VI. Les pressions politiques

1. La persuasion: une force

 L'action politique recouvre un éventail très large d'actions; elle comprend le lobbying proprement dit, et aussi toute une gamme d'interventions qui ont pour but de diffuser l'information, d'attirer l'attention et de créer la con­certation nécessaires pour atteindre des objectifs de chan­gements politiques, législatifs ou administratifs.

Cependant, comme les domaines de l'éducation, de la sensibili­sation et des recours légaux (qui eux aussi peuvent servir des fins politiques) sont spécifiquement discutés dans cette série de fiches, nous nous limiterons ici à parler de pressions politiques directes plutôt que d'action politique au sens large du terme.

Les pressions politiques sont nécessaires et même indispen­sables quand on veut que les gouvernements s'engagent véri­tablement à l'égard de situations que nous dénonçons, particulière­ment; lorsque le bien-fondé de nos revendications, loin de sauter aux yeux de nos dirigeants, est forte­ment contesté dans certains milieux. On peut ainsi viser l'adoption de lois ou de règle­ments comme on peut aussi viser l'élaboration et l'application de politiques, de directives et de programmes susceptibles de compléter l'intervention législati­ve.

Peu importe l'objectif poursuivi auprès du législateur, il s'agit de convaincre, c'est-à-dire de rallier les député-e-s et les ministres à notre cause. Il faut savoir vendre nos idées, au moyen de présenta­tions orales ou écrites plus ou moins officielles selon les circons­tances, ou au moyen des jeux de coulisses auprès de ceux et celles qui ont de l'influence sur les élu-e-s. Cela peut aussi se faire en provoquant un débat sur la place publique tout en s'assurant que les médias n'escamoteront pas notre point de vue ou ne le simplifieront pas à l'extrême. Il est donc aussi utile d'avoir l'appui de certains journalistes que l'appui de certains politi­ciens.

2. Les interventions auprès des gouvernements

 Introduction

Quand on intervient dans un do­maine qui n'apparaît pas avoir soulevé l'intérêt du législateur (ex.: le classement de la vidéo), il faudra dans un premier temps vérifier à quel palier de gouver­nement il faut s'adresser. Parallè­lement, il sera capital de monter un dossier aussi complet que pos­sible sur le sujet qui nous intéres­se et démontrer que l'interven­tion sollicitée répond à des inté­rêts collectifs. Pour faire ressortir ces intérêts collectifs, il s'avérera utile et habile de rechercher l'appui du plus grand nombre de personnes ou de groupes pos­sible.

Les interventions à carac­tère formel

Le travail de sensibilisation qu'on engage, par le biais de communi­cations informelles, auprès de député-e-s, de ministres et de leur entourage politique, est sou­vent le point de départ d'une action visant une intervention législative. C'est une étape préa­lable dont l'importance est consi­dérable. Nous avons tout intérêt à outiller les élu-e-s pour que leurs implications aient les répercus­sions que nous visons. Tout en apprenant à mieux connaître nos porte-parole auprès du gouverne­ment, nous nous faisons aussi mieux connaître. La constitution et l'entretien de ce réseau sont extrêmement utiles.

Il faut donc savoir repérer les per­sonnes les plus susceptibles de comprendre les enjeux du dossier qu'on leur présente et choisir ceux et celles dont l'influence va être des plus déterminantes au sein du gouvernement.

Les comités et commissions parlementaires

Le processus d'adoption des lois permet quelquefois des représen­tations à caractère formel. Le gouvernement peut décider de consulter la population sur une matière donnée; il est possible que la consultation ait lieu avant même qu'un projet de loi ne soit rédigé ou que des recommanda­tions ne soient formulées, auquel cas un document de travail sera généralement rendu public au préalable et situera le cadre d'intervention.

 La consultation peut également avoir lieu après le dépôt d'un pro­jet de loi dans le but de prendre connaissance du type de réaction qu'il provoque. Dans ce cas, c'est le projet de loi lui-même qui sera commenté ou critiqué.

La tenue d'une commission ou d'un comité parlementaire appel­le donc la présentation écrite d'un mémoire, complétée générale­ment par une défense verbale du mémoire en présence des per­sonnes qui composent la commis­sion ou le comité. Avant de se présenter aux audiences, il est prudent et utile de s'informer des personnes qui siégeront et d'essayer de prévoir le type de questions qu'elles pourront nous adresser. Il est également profi­table de se faire une idée des dif­férences d'opinions qui seront exprimées en consultant les listes de personnes ou groupes inscrits aux audiences et en sollicitant leurs mémoires. Cela permet soit d'apporter des informations com­plémentaires, soit de préparer l'argumentation en réponse à des opinions opposées aux nôtres.

Une expérience à tenter

Parfois pénible, parfois encoura­geante, la comparution devant une commission ou un comité parlementaire est presque tou­jours une expérience enrichis­sante. Cependant, la crainte que plusieurs ressentent face à ce type d'action est très compréhen­sible. Plus la matière est com­plexe par elle-même ou par la façon dont elle est traitée dans le projet de loi, plus il apparaît diffi­cile de la cerner d'une manière non simpliste et de défendre publiquement notre point de vue. Mais ces difficultés ne devraient pas faire perdre de vue qu'il s'agit là d'occasions uniques de faire valoir nos arguments. Quand les enjeux sont importants, le jeu en vaut la chandelle. Par exemple, il était essentiel que les groupes qui luttent contre la por­nographie se présentent aux audiences de la Commission par­lementaire sur le projet de loi 109 (cinéma et audio-visuel 1983) ain­si qu'aux audiences du CRTC, etc. Même si l'on ne tient pas compte de toutes nos revendica­tions, il sera également fonda­mental que nous intervenions sur le projet de loi fédéral visant à amender le Code criminel en matière de pornographie.

Un mémoire n'a pas à être un tex­te volumineux, il peut même n'avoir que quelques pages. L'important, c'est qu'il traite clai­rement et précisément le coeur du sujet tant par l'exposé des faits que par l'analyse et les recommandations qui y sont soumises.

Quand il n'est vraiment pas pos­sible de s'engager dans la rédac­tion et la présentation d'un mémoire, on peut toujours appuyer celui d'un groupe ou d'une personne qui partage nos opinions. Cette solidarité est tou­jours bien accueillie. C'est une autre façon d'être dans le coup.

Les groupes de travail et commissions d'étude

Soulignons que l'occasion de sou­mettre un mémoire ne se présen­te pas qu'en commission ou en comité parlementaire. Diverses commissions d'étude appellent la soumission de textes de même nature et des présentations orales semblables à celles qui sont faites en commissions parle­mentaires. Qu'on se rappelle, entre autres, les audiences, en 1984, du Comité Fraser sur la prostitution et la pornographie qui nous ont permis de diffuser l'analyse féministe de la porno­graphie et de mettre en relief l'idéologie devant fonder une future loi.

3. Les médias et les appuis à rechercher

 Les médias: un outil d'action politique

Lorsqu'on connaît le rôle impor­tant des médias dans le façonne­ment des idées dans notre socié­té, il va sans dire que leur utilisa­tion représente un outil privilégié de sensibilisation de l'opinion publique et par ricochet augmen­te les chances d'influencer le législateur.

L'expérience vécue par celles et ceux qui luttent contre la porno­graphie dans leurs relations avec les médias a mis en lumière la difficulté de faire passer l'essence même de notre analyse. En effet, bien que le dossier ait été à cer­taines périodes très présent dans la presse écrite et les médias électroniques, la perspective féministe n'a pas toujours été clairement dégagée. Au contrai­re, elle a plus d'une fois été asso­ciée au mouvement moraliste de droite.

Comme le dossier de la pornogra­phie ne fait pas souvent la nou­velle au sens où les médias l'entendent, il est d'autant plus crucial de profiter des circons­tances particulières qui nous sont offertes (commissions parlemen­taires, projets de loi, colloques, procès) et de cibler, ici aussi, nos allié-e-s.

 Les appuis à rechercher

Dans toutes les actions auprès du législateur, rappelons qu'il vaut mieux ne pas négliger les orga­nismes susceptibles d'intervenir dans le même sens que nous, comme les commissions scolaires, le Conseil du statut de la femme, le Conseil consultatif canadien sur la situation de la femme, les CLSC, le Comité de protection de la jeunesse, etc. Il ne faut pas oublier non plus de s'adresser aux partis d'opposition, lesquels, rappelons-nous, ont aussi leur vote au Parlement ou à l'Assem­blée nationale.

Conclusion

Nous ne saurions passer sous silence le fait que plusieurs s'interrogent sur l'efficacité de notre action politique. Les résul­tats étant parfois lents à se pro­duire ou carrément insatisfai­sants, nous remettons souvent en question nos façons de procéder. Nous constatons qu'il n'est pas facile d'avoir de la visibilité et que sans elle, la portée de notre action est grandement réduite. C'est pourquoi, tout en travaillant a développer nos outils de pres­sion, nous devons aussi avoir recours aux autres moyens d'action.

Au moment de finaliser ces fiches, les articles du Code criminel relatifs à la porno­graphie n'ont pas été amendés. C'est pourquoi nous faisons référence aux articles en vigueur en février 88, au risque, principalement, que tout ce qui se rapporte à l'article 159 du Code criminel ait besoin d'être mis à jour d'ici quelque temps.

VII. Les actions en justice et celles qui visent l'application des lois

Introduction

L'action à caractère judiciaire effraie, par son caractère formel, la majorité d'entre nous. Mais dans ce domaine comme dans celui de l'action politique et de la sensibilisation, il y a différents paliers d'intervention: certains sont, c'est vrai, assez éloignés du quotidien; d'autres, par contre, se rapprochent des démarches qui nous sont plus familières.

Cette fiche ne se veut pas un manuel de procédures judiciaires. Notre objectif est d'offrir une base d'information qui permette d'identifier rapidement de quel niveau de juridiction une matière relève, ainsi que les lois qui s'appliquent à la matière en ques­tion et les lieux d'intervention.

Nous avons tenté d'inclure tout ce qui a trait à l'application des lois et des règlements qui ont pour effet d'assurer, directement ou indirectement, le contrôle du commerce de la pornographie. Ce tableau s'inspire en partie d'un document de travail produit pour le CSF (Conseil du statut de la femme) par Me Anne Potvin et Me Marc Rochette.1

Les films

Matière visée: les films destinés à être présentés en public

Objet: le classement d'un film Niveau de juridiction: provincial

Loi mise en cause: Loi sur le

cinéma et l'audio-visuel (loi 109)

Lieu d'intervention: Régie du cinéma Québec

Commentaires et informations

La Loi 109 n'accorde pas au public la possibilité de demander la révision du classement d'un film. Cette possibilité n'est accor­dée qu'aux personnes représen­tant l'industrie du cinéma qui ont initialement soumis le film à la Régie pour classement. Cepen­dant, avec les amendements apportés à la Loi 109 en décem­bre 87, la possibilité d'exprimer notre point, de vue sur le classe­ment s'améliorera quelque peu •. L'action, dans cette matière, gar­de un caractère politique.

Matière visée: les films

Objet: contenu pornographique (obscène)

Niveau de juridiction: fédéral

Loi mise en cause: Code criminel, articles 159, 160, 163

Tribunal concerné: cour de juri­diction criminelle

Commentaires et informations

Tel que mentionné précédem­ment, la Régie n'est pas, selon la loi actuellement en vigueur, habi­litée à réviser le classement d'un film. Elle n'est pas davantage habilitée, cela va de soi, à rejeter un film déjà classé et mis en cir­culation. Cependant, si la Régie fait erreur en apposant une cote de classement à un film que vous considérez obscène au sens du Code criminel, il est alors pos­sible de porter plainte pour que le cas soit jugé par un tribunal. On porte plainte en déposant une dénonciation auprès d'un juge de paix. Le Code criminel indique, à l'article 455, que quiconque croit, pour des motifs raison­nables et probables, qu'une per­sonne a commis un acte criminel (dans le cas présent, il s'agirait de la présentation d'un film por­nographique) peut faire une dénonciation par écrit et sous serment devant un juge de paix... Cependant, le plaignant (citoyen) prive devra s'esquiver des que le procureur général ou l'un de ses substituts intervien­dra. Il est donc possible que toutes les procédures entamées sur la foi d'une dénonciation déposée par un citoyen soient menées par un plaignant privé jusqu'au procès. C'est à ce stade que survient la procédure «d'acte d'accusation» et ce n'est que le procureur général, ou l'un de ses substituts ou une person­ne autorisée par écrit par le pro­cureur général, qui sera habilite à présenter ce dit acte. En pra­tique, il est très rare que le pro­cureur général donne par écrit à un plaignant privé cette autori­sation, il agit lui-même.2 Si toutes ces procédures vous appa­raissent trop compliquées, com­muniquez tout simplement avec le corps policier en autorité dans votre localité et l'on vous indique­ra, de façon très concrète, com­ment procéder.

Il est aussi utile de savoir que l'article 165 du Code criminel nous indique ce dont la personne qui a commis l'infraction qui nous intéresse ici, est coupable: soit d'un acte criminel, soit d'une infraction punissable sur déclara­tion sommaire de culpabilité.

 Ces infractions sont ce qu'il est convenu d'appeler dans le jargon juridique des infractions mixtes. Essentiellement, cela veut dire que:

  • Une personne accusée d'une infraction punissable par voie de déclaration sommaire de culpabi­lité comparaît devant un juge de la Cour provinciale et le procès est instruit par «voie sommaire», c'est-à-dire sans délai.
  • - Un acte criminel est habituelle­ment une infraction plus grave et l'accusé peut ordinairement choisir d'être jugé par un juge de la Cour provinciale, par un juge de la Cour supérieure ou par un juge d'une Cour supérieure et un jury,3

3 La vidéo

 Matière visée: la vidéo

Objet: le classement

Niveau de juridiction: provincial

Loi mise en cause: Loi sur le

cinéma et l'audio-visuel (loi 109)

Lieu d'intervention: aucun pour le moment. Voir commentaires

Commentaires et informations

La Régie du cinéma classe le matériel vidéo pour protéger l'industrie en empêchant le pira­tage des bandes vidéo originales. Elle classe également les films enregistrés sur bandes vidéo lors­qu'ils sont destinés à des projec­tions publiques. La Régie ne clas­se cependant pas les films desti­nés à une consommation privée. Les amendements à la Loi 109, adoptés en décembre 87, assu­rent un meilleur contrôle de la vidéo par le biais d'une réglemen­tation visant les clubs vidéo et l'étalage du matériel mais n'assu­rent pas le classement. Les démarches demeurent donc poli­tiques pour ceux et celles qui ne sont toujours pas satisfait-e-s et  doivent être dirigées vers le ministère des Affaires culturelles.

Matière visée: la vidéo

Objet: contenu pornographique (obscène)

Niveau de juridiction: fédéral

Loi mise en cause: Code criminel, articles 159, 160, 163

Tribunal concerné: cour de juri­diction criminelle

Commentaires et informations

Le contenu d'une cassette vidéo peut être attaqué en portant plainte de la même manière que pour les films. Les commentaires que nous avons faits pour ceux-ci s'appliquent donc ici aussi.

La radio et la télévision

 Matière visée: télévision

Objet: contenu pornographique (obscène)

Niveau de juridiction: fédéral

Loi mise en cause: Code crimi­nel, articles 159, 160, 163

Tribunal concerné: cour de juri­diction criminelle

Commentaires et informations

À notre connaissance, aucune cause relative à une émission de télévision n'a été débattue devant les tribunaux. Ce serait là une procédure plutôt exception­nelle. Il est plus simple de porter plainte auprès du CRTC pour manifester sa désapprobation et tenter ainsi d'influencer le renou­vellement des permis. •

Matière visée: télévision, radio

Objet: contenu sexiste, discrimi­natoire

Niveau de juridiction: fédéral

Loi mise en cause: la loi du CRTC (Loi du Conseil de la radio - télé­diffusion canadienne)

Lieu d'intervention: le CRTC Commentaires et informations

Nous rappelons que le CRTC n'a pas de pouvoir au niveau de l'approbation des émissions, mais qu'il peut suspendre ou refuser

 Références bibliographiques

  • Me MARC ROCHETTE ET Me ANNE POTVIN, dans Présentation des lois fédérale et provinciale permettant une intervention en matière de pornographie.
  • Me MARC ROCHETTE ET Me ANNE POTVIN, dans document pré­ cité. Annexe 6, p. 4.
  • Tiré de Guide relatif à la réponse du gouvernement fédéral aux rapports sur les infractions sexuelles à l'égard des enfants et sur la pornographie et la prostitution

Gouvernement du Canada. Juin 86, p. 9.

VIII.  Comment se donner des arguments pour répondre aux lieux communs sur la pornographie?

1. Introduction

 Pour faciliter les échanges quand la pornographie devient le sujet d'une conversation, il faut faire face aux arguments qui nous sont le plus fréquemment servis. Voici donc quelques-uns de ces argu­ments et les réponses qu'on peut leur apporter.

2. Les lieux communs sur le rapport des femmes à la pornographie

 Acheteuses

Les femmes aussi achètent des revues pornographiques et louent des vidéo cassettes pornographiques. Elles aiment ça.

Quatre-vingt-quinze pour cent (95%) des consommateurs de revues pornographiques sont des hommes.

Même les revues qui étaient des­tinées aux femmes ont surtout été achetées par des hommes. L'image de la sexualité véhiculée par la pornographie n'est pas celles que s'en font les femmes. Ce sont des hommes qui présentent à des hommes leur percep­tion de ce qu'est la femme.

Modèles

Si les femmes refusaient de ser­vir de modèles, il n'y aurait plus de pornographie.

D'une certaine manière c'est vrai. Mais la question qu'il faut se poser, c'est: pourquoi les femmes acceptent-elles de faire ce métier? Plusieurs ne choisissent pas librement d'en arriver là: mineures, elles n'ont pas accès au marché du travail; majeures, elles y ont accès théoriquement mais nous savons à quel point les

 choses ne sont pas si simples dans la pratique.

Nous n'ignorons pas que les dan­seuses nues se recrutent facile­ment chez les adolescentes en fu­gue ou ayant besoin d'argent pour diverses raisons. Il n'y a qu'un pas à franchir pour devenir modèle de pornographie. On sait aussi que les films pornographi­ques sont souvent faits sous la contrainte. Linda Lovelace, vedet­te du film Deep Throat, a avoué avoir tourné certaines scènes à la pointe du revolver. Avait-elle le choix? Quant à la prétendue liber­té des autres, elle n'est que le ré­sultat d'une scolarisation qui a appris aux femmes à se confor­mer aux désirs des hommes et à accepter d'être des objets de con­sommation sexuelle. On ne peut pas blâmer ces femmes de ne pas avoir fait une réflexion dans ce sens et de continuer à confondre libération sexuelle et exploitation sexuelle. S'il y a de la pornogra­phie, c'est surtout parce qu'il y a des producteurs et des consommateurs.

Frustrées

Les femmes gui sont contre la pornographie sont des frustrées qui n'aiment pas les hommes.

C'est parce qu'elles recherchent l'égalité dans l'expression même de la sexualité que les femmes sont contre la pornographie. Leur action ne tend pas à créer de l'animosité envers les hommes; au contraire, elle vise à faire per­cevoir l'activité sexuelle comme devant être source d'épanouisse­ment, non pas de contrainte. Ce n'est pas une question d'aimer ou de ne pas aimer les hommes ; c'est une question d'égalité et d'équilibre dans la sexualité.

Dépendantes économiquement

La pornographie ne devrait pas être prioritaire dans les dossiers de condition féminine. Ce qui est important, c'est l'autonomie économique des femmes. Quand les femmes seront auto­nomes, il n'y aura plus de por­nographie. La véritable obscé­nité, c'est la pauvreté des femmes.

Si obscène veut dire immoral, oui, c'est vrai que la pauvreté collecti­ve et individuelle des femmes est grandement immorale. Mais l'autonomie économique des femmes ne se réalisera pas sans une volonté collective et sans une promotion bien orchestrée. La pornographie, qui représente actuellement une immense indus­trie, répète à tous, à coups de mil­lions, que les femmes sont des êtres inférieurs. On y ridiculise les femmes dans leur démarche d'égalité. Toutes les femmes, autant celles qui étudient que celles qui travaillent à l'extérieur ou celles qui restent au foyer, y sont à tour de rôle dépeintes com­me étant d'abord et avant tout des objets de consommation sexuelle. Nous voyons cette industrie comme un frein à l'auto­nomie économique des femmes ; c'est pourquoi, tout en visant l'accès des femmes au travail rémunéré et leur promotion sur le marché du travail, nous luttons aussi contre la pornographie. La pornographie, c'est comme un programme anti-accès à l'égalité.

3. Les lieux communs sur la nature de la pornographie

 Pornographie et nudité

Face à la pornographie dite dou­ce (ex. Playboy): Y a rien là - ce sont des photos de femmes nues. C'est beau une femme nue.

Oui, c'est beau un corps de fem­me. Un corps d'homme aussi d'ailleurs. Mais ces photos de femmes nues répétées a des millions d'exemplaires ne font que perpétuer l'idée que le corps des femmes n'est qu'objet de con­sommation sexuelle et qu'objet de commerce. Ces revues ne visent pas à célébrer la beauté du corps des femmes; elles ne sont qu'une autre manifestation d'ap­propriation de ce corps, qu'une réduction des femmes à leur corps.

Pornographie et art

II y a des revues et des films pornographiques bien faits. C'est de l'art.

Au-delà de la forme, il faut voir la nature du contenu. Il ne faut sur­tout pas confondre valeur artis­tique et oeuvre d'art. Une revue, un film, une affiche, peuvent avoir une valeur artistique sans être des oeuvres d'art. Le propos de l'artiste, témoin de la société, est certainement différent de celui du pornographe qui ne vise que le divertissement sexuel. Ce qui est à condamner, ce n'est pas le fait de représenter, par exemple, la violence sexuelle, c'est plutôt le fait d'encourager ou de soutenir explicitement ou implicitement cette violence.

Pornographie douce

Les revues comme Playboy, c'est bien moins pire que les revues avec des enfants ou que les revues avec des femmes attachées ou d'autres affaires comme ça.

C'est vrai que le contenu des revues où la violence est manifes­te et où des mineur-e-s sont exploité-e-s, est indéniablement répréhensible. Mais c'est une erreur de croire que la pornogra­phie douce est inoffensive. Dans la pornographie dite douce, le dommage est peut-être moins apparent mais il est là quand même. Les femmes y sont com­plètement dépersonnalisées et décrites comme constamment avides de sexe, peu importe le partenaire. Elles sont soumises et davantage esclaves des désirs des autres que libérées sexuelle­ment. Les revues de pornogra­phie dite douce introduisent d'ailleurs de plus en plus des images de violence physique. En fait, il n'y a pas de pornographie douce.

4 Les lieux communs sur l'utilité de la pornographie

Un besoin

Si la porno existe, c'est parce que ça répond à un besoin.

S'il y a un besoin de montrer et de voir les femmes comme des êtres inférieurs, est-ce qu'on doit encourager la satisfaction d'un tel besoin? Dans une société qui se veut égalitaire, pourquoi est-ce qu'on ne répondrait pas plutôt au besoin des femmes (52% de la po­pulation) d'être traitées avec dignité, d'être respectées? Présen­tement, les gens qui veulent acheter du matériel érotique ne peuvent se procurer que de la pornographie. Pourtant, c'est loin d'être pareil.

Un exutoire

Si la pornographie n'existait pas, il y aurait encore plus d'a­gressions sexuelles: plusieurs hommes satisfont leurs désirs sexuels et leurs impulsions violentes en consommant de la pornographie.

La pornographie nourrit d'abord et avant tout les fantasmes de la majorité de ceux qui la consom­ment. Elle n'assouvit pas, elle attise.

La pornographie à caractère vio­lent et avilissant propose une image de la sexualité où la vio­lence apparaît normale et même désirée par les femmes. Elle inci­te à croire que les femmes aiment être agressées sexuellement. Comment peut-elle alors conduire à une diminution des agressions? C'est le contraire qui est plus pro­bable.

Juste des fantasmes

Oui, mais justement la porno­graphie n'est pas un produit nocif. C'est juste des fantasmes.

Prétendre que la pornographie n'est que des fantasmes, c'est prétendre qu'elle n'a pas de lien avec la réalité. On a déjà cru d'ailleurs que la pornographie n'était pas nocive, n'avait pas de liens avec la réalité. C'est la conclusion à laquelle les pre­mières études sont arrivées. Mais le matériel étudié à la fin des années 60 est bien différent de celui d'aujourd'hui. Les études des années 70 et 80 ont montré une désensibilisation, chez les consommateurs de pornographie, à l'égard de la violence faite aux femmes. Le fait de banaliser le viol et de faire croire que les femmes aiment être violentées est déjà en soi nocif. La violence faite aux femmes n'est pas un fantasme.

5. Les lieux communs sur la liberté d'expression

 Négation de la liberté d'expression

Quand on veut interdire la por­nographie, on nie le droit à la liberté d'expression.

La liberté d'expression n'est pas illimitée; elle s'arrête là où son exercice menace l'exercice d'autres droits. Les droits à la sécurité, à la vie, à l'intégrité, à l'égalité sont aussi importants pour les femmes que le droit à la liberté d'expression. La liberté d'exprimer du mépris et de la hai­ne est déjà limitée quand ce sont des groupes religieux, raciaux ou ethniques qui sont visés. Si on ne reconnaît pas les mêmes limites à l'égard d'un sexe, c'est qu'on admet comme société que la dis­crimination sexuelle est accep­table.

L'argument de la liberté d'expres­sion ne sert souvent qu'à mas­quer les véritables enjeux. Ce qui compte pour les pornographes, c'est de pouvoir faire le commer­ce de leurs marchandises. S'ils pouvaient les produire mais qu'il soit interdit de les vendre, ça ne les intéresserait plus de les pro­duire. C'est donc la liberté de commerce qui est véritablement en jeu.

C'est ça, dès qu'il s'agit de com­merce ou de l'idée de faire de l'argent, tout le monde s'objec­te. Qu'est-ce qu'il y a de mal à vouloir faire de l'argent?

Ce n'est pas tellement le fait qu'il y ait de l'argent en cause qui est important. C'est surtout le fait que si on accepte que ce sont d'abord des enjeux commerciaux qui prédominent, on ne refusera pas de se poser, à l'égard de la pornographie, les questions qu'on se pose à l'égard des autres com­merces. Le produit est-il sans danger? S'il est nocif, il l'est pour qui? etc. etc. Alors on va accepter de le contrôler comme on contrôle le commerce des armes, des médicaments, des jouets, de l'ali­mentation, etc.

Tolérance et droit à l'information

Même si on n'aime pas la por­nographie, il faut la tolérer. Personne n'est obligé d'en acheter. Ça regarde chacun-e. Un adulte qui en veut a le droit d'en avoir. Il exerce son droit à l'information.

On pourrait tenir ce raisonne­ment-là, si la pornographie était inoffensive. On vient de le voir, la pornographie est nocive. Le droit à l'information se voit donc impo­ser les mêmes limites que le droit à la liberté d'expression. Peut-on d'ailleurs parler de droit à l'infor­mation quand on sait que le mes­sage véhiculé est faux et répres­sif; le droit au mensonge existe-t-il? Or la pornographie ment au sujet des femmes, au sujet de la sexualité, au sujet des relations hommes/femmes.

IX. Ressources

1. Introduction

 La lutte contre la pornographie est exigeante à plus d'un égard. Pour comprendre en profondeur ce phénomène et s'y attaquer, il faut se donner un certain nombre d'outils. Nous vous proposons ici les ressources écrites et audio­visuelles qui nous apparaissent les plus pertinentes et accessibles.

Les livres recensés ici apportent tous des informations et des analyses qui nous aident à étayer nos arguments sur des bases solides. Il faut se rappeler que la pornographie s'appuie sur la force de l'image et que la lutte contre celle-ci s'appuie sur la force des mots.

Notre bibliographie témoigne aussi de la profondeur de la réfle­xion suscitée par le questionne­ment féministe sur la pornographie depuis 10 ans. Bien que non-exhaustive, elle classe dans les trois catégories suivantes les livres que nous jugeons fondamentaux:

Livres essentiels: livres de base, accessibles et intéressants que nous recommandons à toutes celles qui veulent s'informer. (2)

Sources secondaires: livres qui contiennent des renseignements utiles et des analyses pertinentes pour celles qui veulent approfondir davantage le sujet. (3)

Sources complémentaires: livres qui traitent de sujets liés à la pornographie sans que celle-ci soit leur sujet principal: ils servent donc à replacer ce phénomène dans un contexte social plus général. (4)

Outre les livres et les publications, il existe de nombreux documents audio­visuels qui constituent par ailleurs d'excellentes bases de discussion. (5)

Certains de ces documents sont plus accessibles que d'autres et vous devrez les choisir en fonction de vos objectifs, de vos moyens et du public que vous voulez rejoindre. Nous vous recommandons par conséquent de les visionner d'abord dans votre groupe avant d'organiser une présentation publique. Les centres communautaires et les établissements scolaires de votre quartier ou de votre localité peuvent souvent prêter les locaux  et l'équipement nécessaires pour organiser une projection publique.

Nous vous rappelons que la plupart des documents mentionnés ici contiennent des images pornographiques parfois très violentes. Il est donc important de faire suivre la projection de ce matériel d'une discussion soigneusement préparée pour éviter que les femmes ne retournent chez elles avec une sensation d'isolement ou un sentiment d'impuissance. Lorsque les projections s'adressent à un public mixte d'hommes et de femmes, il est souhaitable d'organiser des discussions séparément. Les femmes peuvent ainsi s'exprimer avec plus de liberté et si elles désirent se joindre aux hommes par la suite, elles seront de ce fait mieux préparées à participer à une discussion mixte.

2 Livres essentiels

LEDERER, LAURA (éd.) L'Envers de la nuit: les femmes contre la pornographie,

Montréal, Remue-ménage, 1983. Traduit de l'américain Take Back the Night, New York, William Morrow and Go., 1980.

Ce recueil de trente-cinq textes constitue sans doute l'ouvrage le plus important sur la pornographie. La qualité des analyses ainsi que la variété des thèmes abordés font de ce livre un outil fondamental. Il comprend des données sur: » la différence entre la pornographie et l'érotisme

  • le vécu des femmes dans l'industrie de la pornographie
  • les liens entre la pornographie et la violence faite aux femmes
  • la loi américaine et la pornographie
  • le racisme dans la pornographie
  • les consommateurs de la pornographie
  • la pornographie dans d'autres pays

 • les stratégies de lutte contre la pornographie

Livre-choc qui saura provoquer la colère face à l'accumulation de preuves incriminantes contre la pornographie. Il nous montre clairement ce qu'est la propagande pornographique et il nous pousse à développer les stratégies appropriées pour la combattre. Bien que publié en 1980, ce livre est d'une actualité brûlante. Une excellente bibliographie à lire absolument.

CARRIER, MICHELINE, La Pornographie: base idéologique de l'oppression des femmes,

Québec, Apostrophes 1, 1983. La Danse macabre: violence et pornographie,

Québec, Apostrophes 3, 1984.

(Disponibles aux Publications Apostrophes, 3414, rue Iberville, Suite 9, Montréal, H2K 3E2.)

Ces deux recueils sont parmi les meilleurs exemples de la recherche féministe engagée produite au Québec. Recherche profondément personnelle qui a pour fil conducteur le lien entre le vécu des femmes et l'industrie de la pornographie. Dans La Danse macabre, qui réunit des articles publiés en 1980 et des analyses plus récentes, l'auteure nous fait explorer le monde des cabarets, des bars et les revues pornographiques de la ville de Québec, nous amenant ainsi à partager sa rage et sa douleur. Ce contact avec la réalité lui fournit des arguments contre les défenseurs de cette industrie (pornocrates, politiciens et journalistes). Sa thèse est claire et son argumentation convaincante: Les hommes, collectivement, haïssent les femmes et leurs institutions approuvent, normalisent et alimentent cette haine (Carrier 1983: 55-56). Dans La Pornogra­phie: base idéologique de l'oppression des femmes, l'auteure nous démontre comment la pornographie agit en tant que moyen de contrôle social des femmes, les empêchant d'acquérir la confiance nécessaire pour riposter. Elle se situe au cœur des débats actuels au Québec et elle répond à une série de questions importantes : quel rôle jouent les enfants dans la pornographie? Qui peut-on taxer de moralistes : les féministes ou les pornocrates? Les danseurs nus jouent-ils le même rôle social que les danseuses? Les pouvoirs politiques et judiciaires ont-ils vraiment la volonté de freiner le développement de l'industrie? L'auteure met également en lumière les liens entre la pornographie et la publicité sexiste, entre la pornographie et la dépendance économique des femmes.

Deux recueils provocants et pertinents.

DWORKIN, ANDREA, Pornography: Men Possessing Women,

New York, Perigree, 1981.

Voilà une analyse rigoureuse et innovatrice du pouvoir des hommes sur les femmes et de la forme particulière qu'il prend dans la pornographie. Cette auteure militante féministe s'oppose énergiquement au libéralisme qui défend la pornographie au nom de la liberté d'expression et elle nie toute valeur littéraire aux œuvres consacrées comme celle de Sade. Sa méthode consiste à opposer le discours libertaire à celui de haine que véhicule la pornographie réellement.

On termine la lecture de ce livre accablées par la force de ses arguments, mais plus déterminées à combattre tout ce qu'elle dénonce avec tant d'éloquence.

POULIN, RICHARD et CÉCILE

CODERRE,

La Violence pornographique ou

la virilité démasquée,

Hull, Asticou, 1986.

Ce livre est le fruit d'une recherche collective entreprise au cours de l'année 1983 par un groupe d'étudiantes, de professeur-e-s et de militant-e-s contre la pornographie à Hull et Gatineau. Le rapport de recherche réalisé au cœur de l'été ainsi que les travaux d'un séminaire en sociologie ont été les bases de la réflexion de ce livre. Il tente d'analyser la double origine de la pornographie à travers une analyse du patriarcat et du capitalisme. Le livre comprend sept chapitres dont un consacré à l'industrie de la pornographie enfantine. Cet ouvrage se veut une synthèse des travaux déjà réalisés à travers le prisme de la pornographie comme instrument d'appropriation des femmes.

3. Les sources secondaires

DARDIGNA, ANNE-MARIE, Les Châteaux d'Eros,

Paris, Maspero, 1980.

Une étude fort intéressante du roman français dit érotique qui inclut des auteurs tels Georges Bataille, René Klossowski et Pauline Réage. L'auteure déconstruit les effets de mises en scène où le désir des femmes n'est envisagé qu'en miroir de désir masculin (p. 15). Elle démontre comment la soumission des femmes et la violence exercée contre elles sont inhérentes aux structures mêmes de ces romans qui prétendent détenir la vérité sur la sexualité féminine.

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME, La Pornographie et l'érotisation de la violence: questions entourant la revendication de mesures légales, Gouvernement du Québec, novembre, 1981. (Disponible au 1255, carré Phillips, Suite 708, Montréal, H3B 3G1 ou 8, rue Cook, 3e étage, Bureau 300, Québec, G1R 5J7.)

Ce document de travail rédigé par Lise Dunnigan est une réflexion sur la pornographie dite violente et les possibilités d'en interdire la circulation au Québec. La première partie offre un résumé critique des études sur les effets de la pornographie dite violente, alors que la deuxième partie discute des possibilités d'interventions légales et des limites de ces interventions. Celles qui veulent s'engager dans la lutte contre la pornographie y trouveront plusieurs renseignements utiles.

GRIFFIN, SUSAN, Pornography and Silence: Culture's Revenge against Nature,

New York, Harper and Row, 1981.

Un regard critique sur la pornographie dans le contexte d'une culture fondée sur la domination de la nature et la dénigration de la connaissance du corps. Le langage à la fois poétique, théorique et politique qu'emploie Griffin et son analyse de la pornographie - particu­lièrement les parallèles qu'elle établit avec l'idéologie fasciste -innovent et développent plus avant la réflexion féministe. Un livre qui offre aussi de l'espoir: l'espoir d'Eros, l'espoir que les femmes ne seront pas toujours divisées entre la vision d'elles-mêmes qui leur est imposée par la pornographie et ce qu'elles sont réellement. Fortement recommandé pour celles qui lisent l'anglais.

HUSTON, NANCY, Mosaïque de la pornographie: Marie-Thérèse et les autres, Paris Denoël/Gonthier, 1982.

Comme l'indique le titre, il s'agit bien d'une mosaïque,construite autour d'une étude comparative des mémoires d'une prostituée (que l'auteure qualifie d'amorale) et des livres pornographiques (qu'elle qualifie d'immoraux). L'auteure s'inspirant de la théorie psychanalytique voit dans la jalousie des hommes quant à la maternité une des sources de la pornographie. Refusant les explications faciles d'un phénomène complexe, l'auteure invite ses lectrices à s'engager dans une réflexion personnelle. Un livre stimulant.

Les cahiers du socialisme, numéro spécial sur «La violence faite aux femmes et aux enfants», numéro 16, 1984.

Ce numéro est presque entière­ment consacré à la pornographie. On y trouve des articles sur les liens entre la pornographie, le patriarcat et le capitalisme, sur l'utilisation de la pornographie par des sexologues, sur les stra­tégies de lutte contre la porno­graphie dans le mouvement gai, sur la violence domestique et l'inceste et, enfin, quelques réflexions nouvelles à propos des motivations qui animent les consommateurs de la pornogra­phie. Les analyses ne sont pas toutes d'égale valeur mais la revue mérite d'être lue dans son ensemble.

HANS, MARIE-FRANÇOISE ET GILLES LAPOUGE, Les Femmes, la pornographie, l'érotisme,

Paris, Seuil, 1978.

Un recueil de témoignages et d'interviews auprès des femmes (quelques-unes célèbres, la plupart inconnues), sur leurs sentiments face à la pornographie et à l'érotisme. Malheureusement, l'analyse des auteur-e-s tourne court. Il n'est qu'à voir comment ils entretiennent la confusion entre les deux termes (pornographie et érotisme), ce qui les prive de toute vision conséquente et les amène a cautionner la pornographie dans certains cas. Heureusement, quelques interventions, comme celles de Luce Irigaray et de Anne-Marie Dardigna viennent court-circuiter la démarche des auteur-e-s et éclaircir le débat.

4. Sources complémentaires

BARRY, KATHLEEN, L'Esclavage sexuel de la femme,

Pans, Stock, 1982. Traduit de l'américain Female Sexual Slavery, Englewood Cliffs, N.J., Prentice Hall, 1979.

Une recherche fouillée et courageuse de la réalité peu connue de l'esclavage sexuel des femmes qui, selon l'auteure, est présent dans toutes les situations où les femmes et les jeunes filles ne peuvent changer leurs conditions d'existence dans l'immédiat, où, quelle que soit l'origine de leur servitude, elles ne peuvent plus y échapper, où elles sont soumises à des violen­ces sexuelles et exploitées. La pornographie est analysée comme une forme de sadisme culturel et son rôle dans le main­tien des attitudes et comporte­ments violents est clairement démontré. De plus, on trouve des renseignements importants sur le vécu des victimes de l'esclavage sexuel, sur la traite internationale des femmes et sur la colonisation sexuelle du Tiers Monde, sur la collusion entre le crime organisé, la police et les gens qui détiennent le pouvoir ainsi que sur les luttes féministes contre cet esclavage au XIXe siècle. Un livre très important pour comprendre l'étendue de l'exploitation sexuelle des femmes.

RUSH, FLORENCE, Le Secret le mieux gardé, Paris, Denoël/Gonthier, 1983. Traduit de l'américain, The Best Kept Secret, New York, McGraw Hill, 1980.

Ce livre est sans doute la meilleure source d'information et l'analyse la plus rigoureuse des abus sexuels dont les enfants sont victimes. Il retrace l'évolution des mœurs et des coutumes concernant la sexualité infantile en remontant avant même le début du christianisme. Statistiques et témoignages à l'appui, l'auteure répond à ceux qui défendent la pédophilie et l'inceste au nom de la libération sexuelle. Un livre qui encourage les femmes à briser le silence qui entoure les abus qu'elles ont subis pendant leur enfance.

BROWNMILLER, SUSAN, Le Viol, Montréal, Opuscule, 1980. Traduit de l'américain, Against Our Will: Men, Women and Rape, New York, Simon and Schuster, 1975.

Maintenant un des classiques de la littérature féministe, ce livre constitue la première analyse d'envergure du viol; le viol y est dénoncé en tant que crime politique. Par des témoignages, par sa recherche historique et par sa critique du système judiciaire, l'auteure démontre la fausseté des vieux mythes qui rendent les femmes responsables de ce crime alors qu'elles en sont les victimes. Elle dénonce la propagande pornographique et certaines revues féminines pour leur rôle quant à la normalisation du viol.

BERGER, JOHN, Ways of Seeing,

London, BBC and Penguin Books, 1972.

Un livre écrit à partir d'une série d'émissions de télévision produite en Angleterre qui comprend sept essais, dont trois composés exclusivement d'images. L'auteur nous amène à questionner notre façon de voir, et plus particulièrement à comprendre le processus par lequel la publicité et l'art transforment les femmes en objets. Bien que l'approche soit loin d'être féministe, ce livre nous aide à replacer la pornographie contemporaine dans un contexte historique.

COLLECTIF D'ÉCRITURE DU CENTRE.DES FEMMES DES

CANTONS en collaboration avec Henri Lamoureux OSER. Quand des femmes passent à l'action.

1987

Le point de départ de la Collective a été une assemblée publique d'information tenue sur le thème de la violence envers les femmes. Cette collective mettra sur pied, en quelques années, le Centre de femmes des Cantons, montera une pièce de théâtre sur le harcèlement sexuel, s'engagera dans la lutte contre la pornographie. Dans cette lutte, ses moyens seront nombreux: réponses à des éditoriaux dans le journal régional, pressions auprès de la municipalité, pétitions de plus de 2000 signatures. Les objectifs du Comité de lutte anti-porno étaient triples :

Réussir premièrement à faire adopter par la ville de Cowansville un règlement municipal en vertu duquel l'étalage des revues pornographiques serait réglementé; deuxièmement, faire enlever une affiche, présentant une femme nue. qui ornait la devanture d'un «bar topless» (...) juste en face d'une école primaire; troisièmement, réaliser un travail d'éducation populaire large sur la question de la pornographie et de ses conséquences et amorcer une réflexion sur les conséquences de la pornographie.

Certains compromis ont dû être faits mais somme toute, ce fut, selon elles, une excellente école de confiance en soi, ainsi que d'apprentissage de la solidarité. Elles ont aussi acquis une légitimité comme groupe parce que la lutte qu'elles ont menée contre la pornographie, elles l'ont menée avec la voix de la raison et celle du cœur:

Nous avons persuadé les gens que la pornographie était contraire à leur éthique personnelle et à ce qu'ils désiraient comme éthique collective (...) Les gens de notre milieu n'aiment pas se voir considérés comme des impuissants ou des victimes consentantes (p.95).

En plus de leurs pressions politiques, elles ont mis sur pied un projet de recherche-terrain. Ce rapport fut largement diffusé. Fortes de leurs expériences, ces femmes ont investi le champ de l'économie. Il faut mentionner que ce livre a été aussi une entreprise d'écriture collective et il servira d'autofinancement pour le Centre.

5. Films, vidéos et pièces de théâtre

C'est surtout pas de l'amour

Films ou vidéos

Durée: 68 minutes et 40 secondes

Public cible: général

Langues: anglais (Not a Love Story, version originale) et français.

Réalisé par Bonnie Sherr Klein et produit par Dorothy Henaut du Studio D de l'Office national du film (ONF), cet exposé accablant sur l'industrie de la pornographie en Amérique du Nord constitue probablement le meilleur outil de sensibilisation existant sur le sujet. Il nous fait voir et entendre quelques femmes qui travaillent dans cette industrie, des hommes qui tirent profit de cette production et des féministes qui expliquent pourquoi elles s'y opposent. En dévoilant la haine des femmes que véhicule la pornographie, ce film provoque une prise de conscience et nous incite à agir pour contrer ce phénomène. À voir absolument.

Vous pouvez commander gratuitement C'est surtout pas de l'amour en contactant le bureau de l'ONF le plus proche de chez vous :

Chicoutimi: (418) 543-1711 Montréal: (514) 283-4823 Ottawa: ((513) 996-4259 Québec: (418) 648-3852 Rimouski: (418) 722-3086 Sherbrooke: (819) 565-4931

Pornography: A Woman's Survey of the Issue

Vidéos 3/4" ou 1/2" VHS ou Beta

Durée: 3 vidéos d'environ une heure chacun

Public cible: élèves des écoles secondaires et post-secondaires. Accessible à tout le monde. La deuxième partie s'adresse surtout à un public féministe.

Langue: anglais seulement

Cette série de trois vidéos est tirée d'une conférence sur la pornographie organisée à Kingston, Ontario, en février 1984. Chacune des trois parties traite d'un thème spécifique:

Première partie :

Cultural Lies/Women 's Lives:

élaboration d'une perspective

 féministe sur la pornographie.

Deuxième partie:

Stratégies for Change: comment,

en tant que féministes, proposer

des alternatives à la culture

pornographique.

Troisième partie: Their Obscenity Is Not Our Pornography: quels recours légaux alternatifs les féministes peuvent-elles envisager? Entrevues avec des avocates canadiennes et avec Catharine MacKinnon qui, avec Andréa Dworkin, est à l'origine d'un projet de règlement très controversé contre la pornographie soumis à la Ville de Minneapolis aux États-Unis dans le cadre d'un règlement fondé sur les libertés civiles.

On peut louer ou acheter des copies de ces trois vidéos. Pour plus d'informations, contacter:

Pornography Project Collective c/o Jennifer A. Stephen 25 Tyndall Avenue Toronto, Ontario M6K 2E8

Tel: (416) 537-3888 3

Mini -vidéos tirés du Symposium on Media Violence and Pornography,

Toronto, Février 1984

Vidéos 3/4" ou 1/2" Beta ou VHS

Durée: 4 vidéos de 12 à 30 minutes chacun

Public cible: général

Langue: anglais seulement

Cette série de quatre mini-vidéos fut produite lors du Colloque international sur la violence dans les médias et sur la pornographie, tenu à Toronto en 1984. Parmi les intervenant-e-s présent-e-s, on trouve des féministes, des chercheur-e-s, des avocat-e-s et des représentant-e-s des divers niveaux de gouvernements. Chaque vidéo explore un thème précis:

Pornography and the Law:

12 minutes

Rock Videos: 30 minutes Télévision Violence: 12 minutes

Women and Pornography:

12 minutes

On peut en obtenir copie en défrayant les coûts d'envoi auprès de la Coalition canadienne contre les divertissements à caractère violent,

1 Duke Street, Suite 206 Hamilton, Ontario L8P 1W9

Tél: (416) 524-0508 4

Vidéo-fiction sur les représentations de la sexualité

Vidéos 3/4" et 1/2" VHS Durée: 30 minutes

Public cible: les femmes entre 16 et 20 ans

Langue: français

Sandra et Lucie. Deux jeunes femmes explorent leur sexualité et découvrent parallèlement les différentes représentations de la sexualité que leur propose la société. Chacune à sa manière recherche l'épanouissement et le plaisir mais elles auront toutes deux à surmonter plusieurs obstacles.

Location: 50$ par jour plus frais de transport.

Contacter le

Groupe Intervention-vidéo

718, rue Gilford Montréal, Québec H2J 1N6

Tel: (514) 524-3259

Hey You Woman!

Diaporama avec bande sonore synchronisée

Durée: 14 minutes

Public cible: les femmes et les hommes qui ne sont pas familiarisés avec le sujet

Langue: français

Ce diaporama produit conjointement par le Comité de condition féminine de Sherbrooke et le cégep de Sherbrooke cher­che à montrer les liens existant entre deux formes d'exploitation de la sexualité et du corps des femmes: la pornographie et la publicité sexiste. La bande sonore se compose de musiques et de chansons, incluant Hey You Women! (du groupe Aut'Chose), Strip-Tease (de Diane Dufresne) et Travesti (Nanette Workman).

Ce diaporama est distribué gra­tuitement par le Conseil du statut de la femme

8, rue Cook

3e étage, Bureau 300

Québec, Québec GIR 5J7

On peut téléphoner sans frais de toutes les régions du Québec en composant le 1-800- 463-2851

Pornography Is Propaganda

Diaporama Durée: 40 minutes Public cible: général Langue: anglais seulement

Produit par Elena Medicoff, une féministe engagée dans la lutte contre la pornographie à Montréal, ce document cherche à montrer les similitudes entre la pornographie dure (hard-core) et la pornographie dite douce (soft-core), ainsi que les liens entre la pornographie et d'autres formes de propagande haineuse. On y aborde également le caractère sexiste ou pornographique de certaines caricatures et bandes dessinées.

Le coût de la location peut varier selon les moyens dont dispose votre groupe. Pour plus d'informations, contacter

Elena Medicoff

1356 Hampton, app. 2

Montréal, Québec

Tél: (514) 484-9645

Violence et Pornographie

Diaporama Durée: 20 minutes

Public cible: la population en général, mais surtout les groupes de femmes qui travaillent le dossier de la pornographie

Langue: français et anglais

Produit par le groupe Women Against Pornography de New York, ce diaporama montre la violence et la déshumanisation des femmes promue par la pornographie. Les images sont tirées de pochettes de disques, de revues de mode féminine et de revues pornographiques. On devra informer les spectatrices, avant le visionnement, du contenu très violent de certaines images et il est essentiel d'organiser une discussion après la projection. On peut utiliser ce diaporama comme complément à Hey You Woman!. Disponible gratuitement auprès du Conseil du statut de la femme.

Conseil du statut de la femme

8, rue Cook

3e étage, Bureau 300

Québec, Québec G1R 5J7

Ça crève les yeux, ça crève le cœur

Pièce de théâtre

Durée: version pour adultes:

Ihl5

version pour adolescent-e-s: 45

minutes

Public cible: selon la version Langue: français

Le Théâtre Parminou cherche à travers cette pièce à nous faire découvrir les effets de la pornographie sur la vie quotidienne: vie de couple, sexualité et violence faite aux enfants. Le sujet est abordé par le biais du rire et les personnages nous entraînent dans un tourbillon d'émotions où la tragédie se mêle à la comédie.

Prix fixe (incluant transport et publicité): 1225$ pour une représentation unique et 1050$ par représentation pour deux séances ou plus.

Pour plus d'informations, contacter

Le Théâtre Parminou

G.P. 158

Victoriaville, Québec G6P 6S8

Tel: (819) 758-0577

Mademoiselle Auto-Body

Pièce de théâtre Durée: Ih30

Public cible: la population adulte en général

Langue: français

Les Folles Alliées nous reviennent avec une comédie musicale flash en chansons, danses et émotions avec, pour enrober le tout, leur fameux humour. Cette création collective traite du commerce du sexe à tous les niveaux ainsi que du harcèlement sexuel. À noter qu'il n'y a pas de discussions prévues après le spectacle.

Prix par représentation: 2200$

Pour plus d'informations, contacter les Folles Alliées

À Montréal: 4061, rue St-Denis Montréal, Québec H2W 2M7

Tel: (514) 844-2928

À Québec: 526, rue St-Patrice Québec, Québec G1R 1Y8

Tel: (418) 524-0327