LES PRATIQUES DE PRÉVENTION ET DE LUTTE DANS LES CENTRES D'AIDE ET DE LUTTE CONTRE LES AGRESSIONS À CARACTÈRE SEXUEL (CALACS) DU QUÉBEC: UN MONDE À DÉCOUVRIR

MAI 1997

Rédaction:
Chantai Robitaille

Coordination:
Marie Drouin

Comité de lecture:  
Marie Drouin

Ginette Naud
Ginette Paiement
Christine Pruneau

Ce document a été réalisé grâce à la contribution du Programme Promotion de la femme de Condition féminine Canada.

Le contenu n'engage que l'organisme.

Dépôt légal, 2e trimestre 1997 Bibliothèque Nationale du Québec

Dépôt légal, 2e trimestre 1997 Bibliothèque Nationale du Canada

ISBN: 2-9803350-8-8

Merci infiniment à toutes celles qui ont participé à l'élaboration de ce document. Un merci spécial à toutes les travailleuses des centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel qui nous ont consacré du temps et qui nous ont fait part de leur grande expérience. Cette générosité fut grandement appréciée et contribue certes, à la qualité de cette publication.

TABLE DES MATIERES



INTRODUCTION

Le présent document porte sur les pratiques de prévention et de lutte des Centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (CALACS) du Québec.

Comme résultat d'un premier effort de systématisation en la matière, suite à une collecte de données auprès de tous les centres membres du Québec, ce document vise principalement à faire connaître les pratiques de prévention et de lutte des CALACS. Aussi s'adresse-t-il à tous les intervenants-es qui, de près ou de loin, s'intéressent à la fois aux pratiques liées à la thématique de la violence faite aux femmes et à tous ceux et celles pour qui le travail de prévention et/ou de lutte marque le quotidien. Évidemment, les curieux et curieuses sont toujours invités à jeter un coup d'oeil...

Pour les personnes intéressées, «Les pratiques de prévention et de lutte dans les Centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (CALACS) du Québec: un monde à découvrir» s'inscrit dans une série de trois publications, les deux autres s'intitulant respectivement «L'intervention de groupe dans les Centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (CALACS) du Québec» et «L'intervention féministe dans les Centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (CALACS) du Québec». Allant de l'avant, les centres ont priorisé trois thèmes, lesquels représentent probablement le mieux l'ensemble des volets façonnant leurs pratiques ou ce qui les rend particulièrement uniques soit l'intervention féministe, les groupes de soutien auprès des femmes victimes d'agressions à caractère sexuel et la prévention et la lutte contre la violence sexuelle.

Question d'offrir une meilleure vue d'ensemble aux personnes s'initiant aux pratiques des CALACS et/ou à la problématique des agressions à caractère sexuel, ce document est divisé en deux parties. La première partie, plus théorique celle-là, propose d'abord une brève présentation des CALACS à savoir un court historique et quelques informations sur leur mode de fonctionnement; puis, un tour de piste de la problématique des agressions à caractère sexuel (ampleur, définition, formes, consé- quences) au terme duquel on présente un résumé de l'analyse et de la philosophie d'intervention des CALACS en lien avec celle-ci et en dernier lieu, un saut dans la conceptualisation théorique des notions distinctes de «prévention» et de «lutte».

Pour sa part, la deuxième et dernière partie répond à l'objet central du document et offre ainsi le portrait détaillé des pratiques de prévention et de lutte des CALACS. Afin d'en parfaire les pourtours, cette section aborde également les outils nécessaires à l'actualisation des pratiques «calacoises», les résultats que donnent certaines des activités ou des actions entreprises par les centres et enfin, l'évaluation comme moyen de faire ou refaire ses devoirs.

En guise de conclusion, quelques questionnements sont posés. Le reflux causé par la réorganisation des services de santé et des services sociaux invite à la réflexion...

PREMIERE PARTIE : PRÉSENTATION DES CALACS, DE LA PROBLÉMATIQUE ET DES CONCEPTS THÉORIQUES

1.       LES CALACS: PLUS QU'UN SIMPLE SIGLE...

1.1      Bref historique et mode de fonctionnement

C'est devant les nombreuses barrières érigées autour de la question des agressions à caractère sexuel et une importante lacune à combler en terme de services à offrir aux femmes victimes d'agressions à caractère sexuel que sont mis sur pied, dans les années 70, les CALACS.

À ce moment-là, nous constations que le système judiciaire n'assurait ni la protection ni le droit à la sécurité et à la liberté des femmes, qu'il ne reconnaissait aucunement toute la gravité de ce crime et encore moins les conséquences psychologiques et physiques subies par les femmes agressées sexuellement. La police [quant à elle] jugeait trop souvent les «cas de viol» comme non-fondés; des hôpitaux refusaient des femmes ayant été violées; les services sociaux percevaient les femmes agressées sexuellement comme s'il s'agissait d'une clientèle marginale. Enfin, la population en général entretenait de nombreux préjugés à l'égard des agressions à caractère sexuel mais également à l'égard des femmes qui en sont les principales victimes. (Regroupement québécois des CALACS, 1993a)

Plus précisément, c'est en 1975 qu'apparaît à Montréal le premier centre d'aide aux victimes de viol. Successivement, six autres centres se mettent sur pied à travers la province. Il s'agira de la première vague d'implantation des CALACS. Leur mission: aider les femmes et les adolescentes victimes d'agressions à caractère sexuel, sensibiliser et conscientiser la population à la problématique et lutter pour obtenir des changements sociaux, légaux et politiques.

Souhaitant à la fois collectiviser leurs luttes, réduire l'isolement géographique et composer une force de pression, les centres déjà en place se réunissent. Riche de leurs rencontres, naît en 1979 le Regroupement québécois des CALACS. Son mandat: constituer un lieu d'échange et d'information, mobiliser des individues et des groupes dans la lutte contre la violence faite aux femmes et susciter des changements sociaux. Marquées par cette nouvelle alliance de niveau provincial, les années 80 font alors place à la deuxième vague d'implantation des CALACS. Au tournant du millénaire, 17 centres membres composent les rangs du Regroupement.

Par rapport à la norme institutionnelle prévalant au moment de leur instauration, les CALACS se sont définis, se définissent toujours d'ailleurs, comme des groupes alternatifs et féministes: «alternatifs au sens où les services et les activités offerts proposent des solutions nouvelles aux problèmes et se situent en marge des services [...] mis en place par les diverses structures du système (sans pour autant les ignorer); féministes au sens où leur analyse des agressions à caractère sexuel se fonde sur une critique de la société patriarcale* et sur la reconnaissance de l'oppression spécifique des femmes» (Racine, 1996: 20). Clairement, pour la plupart des centres, être féministe:

C'est d'abord être une femme et vouloir un changement pour soi et pour toutes les femmes. Changement qui mène à l'action et ce dans un but d'égalité sociale, politique et économique. Par ce mouvement, notre but ultime est de mettre fin au système patriarcal et de le remplacer par une société de «coopération». (Regroupement québécois des CALACS, 1993a)

Conjointement à leur caractère alternatif et féministe, les CALACS se présentent comme des groupes autonomes de femmes dont la gestion repose sur un fonctionnement en collective. Brièvement, ce type de fonctionnement privilégie des rapports non-hiérarchiques entre les femmes qui travaillent et qui gèrent l'organisme; favorise la prise de décision par consensus; porte attention au processus autant qu'au résultat et fait en sorte que chaque membre partage la responsabilité du groupe, encourageant ainsi des communications claires. (Regroupement québécois des CALACS, 1993a)

Voilà donc, en peu de mots, ce qu'il faut savoir sur la raison d'être et la structure des CALACS. La présentation de la problématique des agressions à caractère sexuel suit...

* Société patriarcale: c'est le pouvoir des pères: un système socio-familial, idéologique, politique dans lequel des hommes, par la force, par pression directe, ou à travers des mythes, la tradition, la loi, le langage, les habitudes, l'étiquette, l'éducation et la division du travail, décident du rôle que jouera la femme ou qu'elle ne jouera pas et dans lequel la femme subit partout le joug du mâle (Rich, 1980 In Regroupement québécois des CALACS, 1991, partie I: 5). 2.         LES AGRESSIONS À CARACTERE SEXUEL: DES CHIFFRES, DES MOTS

(MAUX), UNE FAÇON DE FAIRE...

Avant d'y aller plus à fond de la définition, des formes, de l'explication ou de l'analyse sociale des agressions à caractère sexuel et de la philosophie d'intervention des CALACS, un portrait sur la réalité de la problématique s'impose.

2.1       Ampleur du problème

De plus en plus dénoncées, les agressions à caractère sexuel voient leur caractère tabou et secret se dissiper. Bien que l'ampleur des agressions à caractère sexuel ne puisse se mesurer uniquement à partir de statistiques, les indicateurs suivants permettent de jeter un certain éclairage sur l'étendue du problème:

  • Une large part des études démontrent qu'une proportion importante de femmes sont victimes de violence sexuelle: la majorité des taux de prévalence * chez les femmes victimes d'une agression à caractère sexuel se situent entre 35% et 50% (Tourigny & Lavergne, 1995: 5).
  • À l'échelle du Canada, deux études d'incidence * établissent que chaque année de 1% à 5% des femmes sont agressées sexuellement (Statistique Canada, 1994 In Tourigny & Lavergne, 1995: 5).
  • Suivant l'enquête menée par Statistique Canada (1993), on estime qu'environ 86 952 Québécoises âgées de 15 ans et plus seraient victimes d'agressions sexuelles chaque année. Selon les résultats de cette même enquête, 34% des Québécoises ont été victimes d'au moins une agression sexuelle depuis l'âge de 16 ans. (Groupe de travail sur les agressions à caractère sexuel, 1995: 26).

* La prévalence est définie comme la proportion de personnes d'une population donnée ayant été agressées sexuellement au moins une fois dans leur vie ou depuis une certaine période. * L'incidence, pour sa part, est définie comme le nombre de nouvelles personnes reconnues par différentes sources (policiers, services sociaux) comme ayant été agressées sexuellement sur une période donnée, habituellement une année (Tourigny & Lavergne, 1995: 4).

• L'agression sexuelle constitue l'un des crimes les moins rapportés: seulement 6% des agressions sexuelles sont déclarées à la police (Statistique Canada, 1993: 7). Tous les sondages et les enquêtes établissent une relation étroite entre le taux de dévoilement et le lien entre la victime et l'agresseur: plus les liens sont étroits entre eux, moins il y a de chance que la victime ne dévoile l'agression à la police (Tourigny & Lavergne, 1995: 37). Il s'agit pourtant de la situation la plus commune: 70% à 85% des femmes connaissent leur agresseur (Tourigny & Lavergne, 1995: 11).

2.2       Definition et formes

Plusieurs changements ont marqué la définition et par le fait même, l'appellation donnée aux agressions à caractère sexuel. Un des changements importants, influencé par les analyses féministes américaines des années 80, fut l'élargissement de la définition du «viol» à celle d'agression sexuelle ou d'agression à caractère sexuel -cette terminologie mettant encore plus d'emphase sur l'aspect violent de l'acte commis. Mûrs des réflexions faites par leurs prédécesseures, les CALACS définissent ainsi ce qu'ils entendent par «agression à caractère sexuel»:

L'agression à caractère sexuel est un acte de domination, d'humiliation, d'abus de pouvoir, de violence principalement commis envers les femmes et les enfants. Agresser sexuellement, c'est imposer des attitudes, des paroles, des gestes à connotation sexuelle contre la volonté de la personne et ce en utilisant l'intimidation, la menace, le chantage, la violence verbale, physique ou psychologique.

Les agressions à caractère sexuel peuvent prendre différentes formes. L'exhibitionnisme, le harcèlement sexuel, l'inceste, la pornographie, le viol, le voyeurisme en sont toutes des manifestations. (Regroupement québécois des CALACS, 1993a).

Plusieurs facteurs accusent la propension des agressions sexuelles dans notre société. Parmi ceux-ci, les CALACS identifient le patriarcat comme principal responsable des oppressions subies par les femmes.

Les agressions à caractère sexuel sont au coeur même d'une société patriarcale, qui perdure depuis des siècles. Une société à l'intérieur de laquelle les structures

sociales, politiques et économiques sont érigées par des hommes, pour des hommes qui détiennent le pouvoir et en abusent, maintenant ainsi les femmes dans la vulnérabilité et la dépendance. [...] La violence des hommes envers les femmes est l'une des manifestations et l'un des symptômes les plus révélateurs d'une société valorisant la suprématie des hommes. Les agressions à caractère sexuel constituent une arme des plus efficaces pour maintenir [les femmes] dans la peur, neutralisant toutes tentatives de contestation du pouvoir et de l'autorité accordés aux hommes. (Regroupement québécois des CALACS, 1993a)

2.3      Des conséquences... souvent très lourdes

Peu importe les formes que prennent les agressions à caractère sexuel, elles entraînent de graves conséquences sur le plan individuel. Pour les femmes agressées sexuellement, les referents sociaux de sécurité et de plénitude physique et morale ne sont plus, du moins plus les mêmes. Atteintes dans leur intimité et leur dignité, elles ont perdu confiance en leur capacité de vivre en société sans atteinte à leur intégrité. Pour plusieurs, les plus petits gestes de la vie courante, comme manger et dormir, deviennent difficiles. Il en va de même pour les tâches familiales (épicerie, garderie) et/ou encore les activités sociales.

Depuis quelques années, de plus en plus d'adultes ayant été victimes d'agressions à caractère sexuel dans l'enfance sortent de l'ombre. Selon le Groupe de travail sur les agressions à caractère sexuel (1995), le fait d'avoir vécu dans le silence aggrave souvent les conséquences de cette situation à l'âge adulte. Plusieurs conséquences, tels les «flash back», la panique, l'amnésie, la dissociation affligent ces adultes qui sont également souvent perturbés dans leurs émotions, leur identité et leur sexualité. De plus, le rappel de l'inceste à l'âge adulte conduit fréquemment à des mécanismes d'adaptation (fuite, toxicomanie) et à vivre des relations inter-personnelles teintées de méfiance (57).

La violence sexuelle est à l'origine de plusieurs problèmes sérieux de santé mentale. Les femmes qui ont été agressées sexuellement sont ainsi huit fois plus susceptibles que les «non-victimes» de faire des tentatives de suicide et cinq fois plus susceptibles de faire une dépression nerveuse (Gordon et Riger, 1989 In Groupe de travail sur les agressions à caractère sexuel, 1995: 58). Selon Langley et O'Neal (1991), elles sont également susceptibles de consommer davantage de somnifères et de sédatifs (Groupe de travail sur les agressions à caractère sexuel, 1995: 58).

Outre les lourdes conséquences sur les victimes même, les conséquences sociales des agressions à caractère sexuel sont énormes. Clairement, les femmes craignent beaucoup plus ce crime que les hommes. Le danger et la peur, exacerbés par l'imposante réalité des agressions à caractère sexuel, font partie intégrante de la vie des femmes et créent des dilemmes pour les parents qui craignent pour la sécurité de leurs enfants. «La crainte dans laquelle vivent les femmes est peut être la conséquence la plus profonde et la plus répandue de la violence. Plus de 50% des femmes des régions urbaines ont peur de marcher dans la rue le soir». (Comité permanent de la santé et du bien être social..., 1991 In Groupe de travail sur les agressions à caractère sexuel, 1995 : 60).

2.4       Une philosophie d'intervention globale...

Dans le but de répondre aux besoins nommés par les femmes victimes d'agressions à caractère sexuel, de défaire les préjugés et les mythes entretenus et propulsés par les valeurs souvent phallocrates de la société sur les agressions sexuelles et les femmes qui en sont les principales victimes et de forcer l'avènement de changements sociaux, légaux et politiques, les CALACS se sont dotés d'une structure tripartite, c'est-à-dire à trois niveaux ou à trois volets. Les trois volets sont l'aide directe, la prévention-éducation et la lutte.

Imbriquée d'une critique féministe de la société et de ses institutions, le travail d'aide des CALACS se démarque par le fait qu'il vise la croissance personnelle des femmes et qu'il cherche à susciter une prise de conscience par les femmes, à savoir «que les agressions à caractère sexuel sont la manifestation de comportements liés au système patriarcal. [Pour les centres] ne pas tenir compte de ce cadre signifie la non-résolution des agressions à caractère sexuel. En ce sens, l'approche préconisée est l'intervention féministe.» (Regroupement québécois des CALACS, 1993a)

Partie prenante de leur analyse, les CALACS soutiennent plus spécialement quatre grands principes, lesquels représentent autant de valeurs importantes à conjuguer dans leur intervention au quotidien:

1-        Les problèmes vécus par les femmes ne sont pas d'ordre intrapsychique (dans la tête) mais plutôt d'ordre économique, social et politique;

  • Les femmes doivent reprendre du pouvoir sur les situations extérieures dans lesquelles elles ne se sentent pas bien plutôt que de s'adapter et de subir ces situations opprimantes;
  • Nous devons permettre aux femmes de se regrouper, de se donner du support, d'échanger et de devenir elles-mêmes des personnes-ressources plutôt que de les placer en situation «thérapeutique» où un expert règle leurs problèmes;
  • Nous devons conscientiser les femmes relativement à l'oppression sociale qu'elles subissent et les amener à s'engager activement pour que des changements sociaux s'opèrent. (Regroupement québécois des CALACS, 1993a).

Bien que fondamentaux, les services d'aide directe offerts par les CALACS ne sauraient exister sans une approche ou une philosophie plus globale d'intervention. Aussi, les changements à long terme et la recherche d'alternatives adaptées aux besoins des femmes font partie intégrante de leur philosophie.

Les éléments essentiels aux orientations qu'un centre d'aide se donne vont au-delà du service d'aide directe aux femmes agressées sexuellement. La lutte et la prévention figurent au menu quotidien de tous les centres membres du Regroupement québécois des CALACS. Difficile à dissocier, ces deux termes traduisent déjà la volonté qu'ont les militantes «calacoises» de s'inscrire dans une démarche de changement en profondeur» (Regroupement québécois des CALACS, 1993a).

Fidèles à leur analyse, les CALACS se dissocient de la prévention dite «traditionnelle». Au coeur de stratégies qui obligent les femmes à troquer leur liberté pour leur sécurité personnelle, la prévention «traditionnelle» «vise essentiellement à contrôler les femmes en leur enseignant comment éviter les agressions sexuelles» (Regroupement québécois des CALACS, 1993e: 20). En plus de ne pas réduire la menace des agressions sexuelles, cette approche accroît de manière importante l'impuissance des femmes, perpétue leur vulnérabilité et les invite à mener une vie de contournements.

Développée en marge de cette façon de faire, l'approche préventive des CALACS s'articule à partir de l'expérience et du vécu des femmes. Les stratégies de prévention développées visent donc à :

1-        Informer adéquatement sur les agressions sexuelles et faire saisir la réalité du problème;

  • Susciter des changements dans les rapports sociaux, politiques, économiques,émotifs entre les hommes et les femmes;
  • Changer la socialisation des hommes et des femmes;
  • Favoriser l'échange du vécu entre les femmes;
  • Favoriser l'émergence d'alternatives face aux situations de violence (Regroupement des CALACS, 1993e: 20)

Enfin, toujours en concordance avec leur analyse, les pratiques de lutte «calacoises» s'effectuent dans le but d'apporter des changements durables au plan social, légal, politique, médical, etc. Le mariage des trois paliers d'intervention constitue la seule façon de lutter signifïcativement contre les agressions à caractère sexuel.

3.         LA PREVENTION ET LA LUTTE: APRES UNE TENTATIVE DE SYSTEMATI- SATION DES CONCEPTS...

Les paramètres qui définissent la prévention et la lutte sont souvent flous. Pour plusieurs, il s'agit de notions aussi générales que celles de «culture» et de «communauté». L'effort de conceptualisation suivant n'est pourtant pas vain pour expliquer ou pour donner un sens nouveau aux pratiques de prévention et de lutte des CALACS. La prévention d'abord...

3.1       La prévention

En terme de prévention, le modèle le mieux connu, issu du domaine de la santé publique, distingue différents types ou niveaux de prévention: primaire, secondaire et tertiaire. Cité par plusieurs auteurs et utilisé entre autres dans le contexte de la prévention du crime, ce modèle gagne en popularité depuis quelques années parce qu'il offre une vision nouvelle, trilatérale du concept de prévention. Actuellement, il s'agit du modèle de référence par excellence en la matière, en fait, du seul modèle existant ou presque. Il importe donc d'en faire mention. Bien qu'au fait de l'apparition de ce nouveau modèle, les CALACS ne définissent pas leurs pratiques de prévention en ces termes. Après plus de 15 ans, les pratiques de prévention «calacoises» se dissèquent difficilement en trois paliers aussi catégoriques, quoiqu'il soit possible d'en repérer les particularités, en continuité et en rupture, dans certaines activités. Pour en savoir plus sur les différents stades de prévention...

3.1.1    La prévention primaire, secondaire et tertiaire

Suivant le principe de l'entonnoir, la prévention primaire s'adresse à un plus large réseau (population générale) et poursuit des visées globales. Selon Low (1979), la prévention de type primaire «vise à faire en sorte que tel trouble, tel processus ou tel problème ne se produisent pas» (Groupe de travail sur les agressions à caractère sexuel, 1995: 126). Avec une portée moins large (population à risque), la prévention secondaire, pour sa part, «vise à découvrir et enrayer ou à modifier pour le mieux un trouble, un processus ou un problème le plus tôt possible» (Organisation mondiale de la santé In Groupe de travail sur les agressions à caractère sexuel, 1995: 126). De manière restreinte et très spécifique, la prévention tertiaire, quant à elle, «vise à retarder ou arrêter la progression d'un trouble ou d'un problème même si l'affection de base persiste» (Ibid.). Elle s'adresse à une population très à risque ou déjà aux prises avec le problème concerné. À noter, les trois niveaux de prévention sont spécifiquement «définis en fonction du moment et du stade d'évolution d'un problème» (Groupe de travail sur les agressions à caractère sexuel, 1995: 126).

3.2       La lutte

En ce qui a trait à la lutte, les CALACS inscrivent leurs pratiques dans ce qu'il est théoriquement convenu d'appeler la lutte «classique» et la lutte «émancipatoire» ou, dans un jargon plus familier pour les centres, la lutte «alternative». À l'opposé l'un de l'autre, ces deux modèles poursuivent néanmoins plusieurs objectifs communs comme le changement social, l'évolution, le combat contre l'oppression et la domination (Dupuis et al., 1982 In Racine, 1996 : 7). Mais qu'entend-on concrètement par lutte «classique» et par lutte «émancipatoire» ou «alternative»?

3.2.1    La lutte «classique»

Succinctement, d'après la littérature, les pratiques de lutte «classique» s'organisent prioritairement à partir du besoin de corriger les injustices, de libérer les populations opprimées et de prendre la défense des droits individuels et collectifs non reconnus des gens (Racine, 1996: 12). Comportant des paramètres précis et un caractère peut être plus strict que les pratiques «alternatives» de lutte, les pratiques de lutte «classique» ont pour principaux objets la revendication et l'action consciente de contestation. Autre point à noter, elles se déploient généralement en réponse à des conflits spécifiques ou à un adversaire particulier. En bref, selon Jean-François René et Jean Panet-Raymond (1984), ces pratiques s'inscrivent dans:

[...] tout un processus en vue de défendre des droits ou d'en revendiquer. Il inclut le travail d'enquête, de service, de formation, d'information et de fonctionnement, en vue d'obtenir gain de cause. [...] des gestes concrets, posés collectivement, avec un objectif de revendication, par des personnes issues de la base des groupes (manifestation, occupation, assemblée publique, etc.) (In Racine, 1996: 7).

Trêve de théorisation, pour les CALACS, la lutte «classique» prend forme par le biais d'une grande variété d'actions. Les manifestations organisées dans le cadre de la Journée d'action contre la violence faite aux femmes ou en réponse à certains événements d'actualité, l'envoi de pétitions, de fax et/ou de lettres d'approbation ou de dénonciation à des députés-es, à des ministres, à d'autres organismes communautaires ou à des entreprises privées sont autant de façon de faire de la lutte «classique». Certaines pratiques «classiques», comme les marches dans les rues, peuvent s'inscrire à la fois dans les pratiques dites «alternatives» puisqu'elles revêtent, à l'occasion, un caractère unique et original.

3.2.2   La lutte «émancipatoire» ou «alternative»

Développées en parallèle aux luttes plus conservatrices, les pratiques de lutte «émancipatoire» placent l'individu au centre du changement. Pour Racine (1996), il s'agit essentiellement de «pratiques novatrices, en rupture avec les normes sociétales, qui, pour conserver leur caractère émancipatoire [ou alternatif], doivent être transférables verticalement (au privé) et horizontalement (au public)» (11). En clair, ces pratiques doivent pouvoir faire le pont entre les luttes menées individuellement et les luttes menées collectivement ou socialement pour une même cause. Du côté des CALACS, les pratiques de lutte «alternative» peuvent s'actualiser par certains gestes de désobéissance civile c'est-à- dire en marge de la loi. Bien que novateurs, ces gestes «délinquants» ne sont toutefois pas monnaie courante. On sait se tenir...

DEUXIEME PARTIE LES PRATIQUES DE PRÉVENTION ET DE LUTTE DES CALACS

Avant de passer officiellement à la présentation des pratiques de prévention et de lutte des CALACS, il appert important de souligner que chaque centre d'aide est un organisme indépendant et qu'il s'inscrit dans une démarche unique de prévention et de lutte. Ainsi, bien qu'elles s'inscrivent dans une philosophie commune, ces pratiques représentent un large éventail de méthodes et de moyens tantôt susceptibles de s'actualiser dans l'ensemble des centres, tantôt non. Cela dit, les nuances apportées devraient suffisamment préciser les pratiques attribuables à la majorité des CALACS et celles qui sont le fruit de quelques centres ou d'un seul centre.

Dernière chose à souligner, certaines des activités mises de l'avant par les centres peuvent se retrouver, à la fois, dans le contexte des pratiques de prévention et dans le contexte des pratiques de lutte. La distribution de feuillets ou de tracts, par exemple, s'inscrit dans les deux volets: en termes de prévention, les feuillets servent davantage la sensibilisation tandis qu'en matière de lutte, ils sont essentiellement utilisés pour dénoncer des situations injustes ou oppressantes. De façon plus large, la production de documents et l'utilisation des médias, bien que fort différentes dans leur application en ce qui concerne la prévention et la lutte, ont été rassemblées en un seul bloc et ce, afin d'éviter le dédoublement d'informations. Afin d'alléger le texte, les titres de programmes de même que les types et les titres de documents produits par les CALACS sont présentés en annexe de la présente publication. Sans plus attendre...

1.         LES PRATIQUES DE PRÉVENTION

Dans le but de faire progresser les réflexions sur les phénomènes liés à la violence faite aux femmes, les CALACS préconisent diverses stratégies de prévention. À ce titre, on retrouve l'animation de rencontres auprès d'étudiants-es de niveau secondaire, collégial et universitaire, d'adultes, de divers professionnels-lés et de groupes sociaux; la formation d'intervenants-es provenant du réseau de la santé et des services sociaux, du milieu scolaire, communautaire et judiciaire et à l'interne, des militantes; la concrétisation de projets spécifiques; la mise en branle d'une grande diversité d'activités; la production de documents; la diffusion d'informations et enfin, l'utilisation des médias.

1.1       Les animations

Qu'elles s'adressent aux étudiants-es, aux adultes ou aux divers professionnels-lés concernés, les animations réalisées par les CALACS portent fréquemment, ou essentiellement, sur la présentation de la problématique des agressions à caractère sexuel, à savoir sur les formes, les causes et les conséquences du problème, sur les mythes et les préjugés entourant la victime, l'agresseur et/ou les lieux potentiels d'agression, sur les explications sociales du phénomène et sur la façon de les prévenir le plus adéquatement possible. À noter, les animations offertes aux adultes et aux intervenants-es peuvent prendre différentes formes. Les rencontres, les consultations, les ateliers de sensibilisation, les conférences et les café-rencontres en sont toutes des expressions concrètes. Mise à part la problématique globale des agressions à caractère sexuel, les animations peuvent traiter plus spécifiquement d'un sujet ou d'un thème, par exemple, l'histoire de la socialisation des sexes, le dépistage des enfants victimes d'abus, le harcèlement sexuel et la pornographie.

Cela dit, la plupart des animations données par les CALACS, tant auprès des étudiants-es que des adultes et des différents intervenants-es, sont le résultat d'une demande préalable de l'école ou de l'organisme nommé. La constante augmentation des demandes d'animations de même que le manque de ressources humaines et financières obligent, plus souvent qu'à leur tour, les centres à répondre, à la pièce, aux organismes qui désirent en connaître davantage sur la problématique des agressions à caractère sexuel.

1.2       Les formations

De plus en plus sollicités, les CALACS dispensent également des formations aux intervenants-es intéressés. Les demandes proviennent de partout soit du milieu scolaire, i.e. des différents corps professoraux et des intervenants-es en milieu scolaire (travailleuse sociale, personnel de soutien), soit du réseau de la santé et des services sociaux, i.e. des médecins en urgence, des infirmières, des intervenants-es en CLSC et en Centre jeunesse, du milieu judiciaire, i.e. des policiers, des procureurs-es et finalement du milieu communautaire, i.e. des intervenants-es y oeuvrant. Offertes de façon similaire aux animations, les formations proposent d'abord un tour de piste de la problématique puis quelques lignes-guide sur la façon d'aider et de supporter les femmes victimes d'agressions sexuelles. Certaines formations peuvent aussi porter sur des aspects plus particuliers comme l'utilisation de la trousse médico-légale.

1.2.1    Les formations aux militantes

En ce qui concerne les formations aux militantes*, elles sont offertes en grande partie par tous les CALACS. On en retrouve généralement deux types: la première, la formation «de base» (théorique) à travers laquelle on présente, entre autres, son organisme, un état de la situation, le fonctionnement en collective et l'analyse inhérente des CALACS en regard de la problématique des agressions à caractère sexuel et la deuxième, la formation en «intervention» (pratique) où on traite plus spécifiquement des outils d'intervention, de l'intervention de crise, de l'intervention de groupe, de l'intervention auprès des femmes victimes d'inceste et de l'intervention féministe. Dans le cadre de cette formation, la plupart des CALACS présentent aussi d'autres approches spécifiques comme la thérapie radicale*. Enfin, en parallèle aux deux formations nommées, certains centres offrent de la formation continue soit par le biais de thématiques s'adressant à toutes les membres, de rencontres pour les militantes qui font de l'intervention ou de rencontres ponctuelles en réponse à des besoins d'informations.

1.3      Les projets spécifiques de prévention

Parmi tous les projets d'envergure dirigés par les CALACS, une grande partie visent la prévention chez les jeunes du secondaire. À cet effet, plusieurs se sont mis sur pied au cours des dernières an-

  • Militantes-Militantisme: représente le «don» de temps à une cause particulière. Le militantisme diffère du bénévolat au sens où il s'accompagne d'une analyse et d'une prise de conscience de la problématique (Racine, 1996: 105).
  • Thérapie radicale: elle soutient que les problèmes des gens ne sont pas uniquement de source personnelle mais qu'ils prennent leur racine dans les inégalités sociales créées par le système capitaliste et patriarcal dans lequel nous vivons. Son but est de redonner du pouvoir aux personnes en les aidant à combattre l'oppression intériorisée (Vandal, 1997: 131).

nées. À quelques nuances près, l'ensemble des projets ou des programmes de prévention «calacois» ont pour objectif central de sensibiliser les jeunes à la problématique des agressions à caractère sexuel. Par cette voie, on leur confirme entre autres leur droit de s'affirmer, leur droit de dire non à des attouchements non désirés, leur droit, ou plutôt leur devoir, de ne pas accepter ni de cautionner les attitudes ou les gestes qui ne sont pas acceptables et aussi l'importance de respecter le choix des autres. D'un même élan, certains programmes visent à sensibiliser les intervenants-es scolaires. Pour ce faire, on propose généralement une formule similaire à celle offerte dans le cadre d'animations ou de formations auprès d'intervenants-es ou de professionnels-lés. Quelques programmes de prévention vont aussi plus loin soit en visant la formation de groupes de pairs aidants ou la constitution de groupes de soutien. Par ces moyens, on vise entre autres à ce que les jeunes se prennent en main collectivement et qu'ils développent des qualités de pairs aidants.

Bien qu'ils n'expérimentent pas tous les mêmes programmes ou projets, l'ensemble des CALACS chérit la prévention auprès des jeunes et pour cause. Des études récentes démontrent que les femmes plus jeunes, et plus spécialement celles ayant entre 15 et 24 ans, sont nettement celles qui risquent le plus d'être agressées (Tourigny & Lavergne, 1995: 9) et que les taux d'agressions sexuelles chez les jeunes femmes de 18 à 24 ans sont trois fois supérieurs à la moyenne (Statistique Canada 1993: 4).

Parmi les autres grands projets de prévention en milieu scolaire, cette fois au niveau primaire, certains CALACS ont mis beaucoup d'énergie, dans les années 80, à l'implantation du programme ESPACE (programme de prévention des abus commis envers les enfants). La prise en charge du programme visait alors à répondre au nombre croissant de demandes adressées par le milieu scolaire de niveau primaire. Depuis ses débuts, le programme a permis à des dizaines de milliers d'enfants et d'adultes d'améliorer leurs connaissances et leurs habilités en matière de prévention et de dépistage des abus commis envers les enfants. Depuis 1990, le programme ESPACE a mis sur pied un regroupement provincial autonome ce qui n'a pas empêché certains CALACS d'offrir, au moment de la transition, support et supervision.

1.4        Les activités diverses

En ce qui a trait aux autres moyens de prévention, les CALACS tiennent un large inventaire. On retient, un peu pêle-mêle, la tenue de kiosques de sensibilisation en milieu scolaire ou dans le contexte particulier de festivals ou de forums; la distribution de feuillets de sensibilisation dans les écoles, les centres commerciaux et les stationnements; la participation ou les appuis donnés à divers projets de sensibilisation d'autres CALACS ou organismes affiliés; l'organisation de cours d'auto-défense; la tenue de spectacles ou de pièces de théâtre, que ce soit dans un but strictement de sensibilisation et/ou de levée de fonds; le placardage d'affiches dans des lieux stratégiques et la participation, comme invité et/ou personne-ressource, à des colloques, forums, etc.

De manière plus spécifique, on note parmi un vaste choix la création d'un casse-tête géant, en lien avec la violence faite aux enfants; la mise en branle d'une campagne de sensibilisation dans le contexte de la «Journée internationale de l'enfance» où il y a eu distribution d'une affiche et d'un poème en lien avec le rôle de l'adulte dans la prévention des agressions à caractère sexuel; l'organisation d'un concours de bande dessinée s'adressant aux jeunes de 12-17 ans en milieu scolaire; l'organisation d'échanges internationaux avec des femmes de différentes cultures dont le but est la sensibilisation aux vécus mutuels et la constitution d'un comité «vigilance» dont le mandat est de sensibiliser la population et de diminuer les mythes et les préjugés en regard de la problématique.

1.5        La production de documents

La production de documents fait également partie des stratégies de prévention utilisées par les CALACS. Il en va de même dans le cadre de leurs pratiques de lutte. Dans ce contexte, les centres étayent majoritairement leur espace documentaire en réponse à des situations précises. On retrouve ainsi la contribution de quelques centres dans la production de rapports, de mémoires ou de brochures dénonçant certaines injustices ou émettant des points de vue particuliers, sur la régionalisation, par exemple. Dans une optique similaire, certains CALACS collaborent étroitement, soit à titre d'expert ou de partenaire, à des recherches.

1.6       La diffusion de l'information

Avec la double vocation d'informer et de prévenir, plusieurs CALACS ont mis sur pied un centre de documentation. Pouvant varier d'un centre à l'autre par son contenu et son volume, il n'en demeure pas moins qu'il s'inscrit comme une précieuse mine d'informations et d'outils d'intervention pour les travailleuses, les militantes, les membres ainsi que pour la population, particulièrement pour les étudiants-es qui l'utilisent fréquemment aux fins de leurs travaux scolaires.

1.7       L'utilisation des médias

Enfin, qui dit prévention dit besoin d'une présence accrue dans les médias. Et pour les CALACS il s'agit d'une stratégie préventive de choix. En réaction aux nombreux mythes et préjugés qu'entretient toujours la population à l'égard de la problématique des agressions à caractère sexuel, l'ensemble des centres favorisent la parution occasionnelle d'articles et/ou de communiqués de presse dans les journaux, les bulletins de liaison d'organismes, les revues, etc. Certains CALACS participent également à la tenue d'entrevues radiophoniques ou télévisées se déroulant au niveau local et régional. Comme autre médium intéressant de diffusion, quelques CALACS produisent, à un rythme variable, un journal ou un bulletin interne. Ce dernier est généralement distribué aux membres de l'organisme et aux organismes locaux. En terminant, l'utilisation des médias pour émettre points de vue, opinions ou répliques à des situations particulières d'actualité sert aussi constamment la lutte menée par les CALACS afin de faire bouger les choses.

2.        LES PRATIQUES DE LUTTE

Considérant que les agressions à caractère sexuel sont un problème d'ordre social et non individuel et qu'il est impératif de contribuer à des changements significatifs en la matière, les CALACS cherchent à être présents dans les diverses activités pouvant avoir une incidence réelle sur la problématique et les femmes qu'ils représentent. C'est cette préoccupation de tous les instants que l'on transpose aux pratiques de lutte «calacoises» dont les manifestations sont nombreuses et variées. Pour bien y voir clair, les pratiques de lutte ont été répertoriées suivant une large catégorisation, par types d'activités, accordant la première place aux événements spéciaux, puis sans égards, aux projets spécifiques, aux pratiques de lutte «classique» et «émancipatoire» ou «alternative» et aux pratiques indirectement associées à la lutte.

2.1      Les événements spéciaux

2.1.1     La Journée d'action contre la violence faite aux femmes

De tous les événements spéciaux, les CALACS identifient la Journée d'action contre la violence faite aux femmes comme étant un moment privilégié de lutte et pour cette raison, lui accordent une attention toute particulière. Reprise annuellement depuis le début des années 80 à chaque 3 ième vendredi de septembre, cette journée, dont la visée est de dénoncer la violence faite aux femmes, s'inscrit néanmoins dans une plus longue traversée historique. Brièvement, on dit que les premières manifestations de cette action ont commencé aux États-Unis dans les années 70, sous le thème «Take back the night» pour peu de temps après, se transporter au Québec sous l'appellation «la rue, la nuit, femmes sans peur». C'est en 1985 que telle qu'on l'a connaît, cette activité a été rebaptisée Journée d'action contre la violence faite aux femmes. Ce changement s'avérait important: «afin de correspondre davantage à la réalité des agressions à caractère sexuel et de combattre le préjugé voulant que les agressions n'arrivent que la nuit, dans une ruelle, etc» (Racine, 1996: 49).

Depuis plus de 15 ans maintenant, les CALACS organisent donc plusieurs activités dans le cadre de cette journée, en vertu de laquelle on met volontiers l'accent sur les notions d'action et de visibilité.

Pour l'ensemble des CALACS, les premières activités liées à cette journée ont surtout, sinon exclusivement, consisté à organiser des marches sous le thème «la rue, la nuit, femmes sans peur». Avec le temps, les CALACS ont grandement diversifié leurs pratiques ce qui explique qu'aujourd'hui chaque centre organise une activité différente, ou presque, à saveur locale. Bien qu'elles prennent forme différemment, plusieurs activités ont retenu et retiennent toujours l'attention de l'ensemble des CALACS. À cet effet, on retient la distribution de feuillets ou d'auto-collants dans les centres commerciaux et dans les stationnements; les manifestations à pied ou en automobile dans les rues ou autres endroits stratégiques comme les bureaux de députés-es; le port du ruban blanc; la présentation de pièces de théâtre, de théâtre-forums et/ou de films sur divers thèmes; l'envoi de pétitions, de fax ou de lettres en grand nombre aux groupes ciblés; la participation à des tables rondes ou aux rassemblements de divers groupes pour mettre en lumière la spécificité des différentes formes de violence; l'organisation d'activités ou d'actions parallèles à certaines situations d'actualité et enfin, la tournée de dépanneurs ou de centres de vidéos pour vérifier l'application d'une réglementation municipale en rapport avec l'étalage de matériel pornographique.

Malgré une certaine uniformité dans les activités de cette journée nationale, certains CALACS se démarquent par le choix d'actions plus «alternatives». Ainsi, frôlant les limites du possible et du légal, un centre a déjà fait des graffitis sur les murs et les trottoirs, collé de grandes phrases clés sur les viaducs de sa municipalité et ouvert une marche avec un défilé de cavalières composé de dix femmes à cheval. Un autre CALACS, suite à la création d'une nouvelle piste cyclable, s'est empressé de publiciser, de sensibiliser et de former certains intervenants-es en lien avec les risques potentiels de cet endroit. Un tout autre centre a également mis en branle un comité dont la tâche est de créer un symbole permanent de non-violence. Pour y arriver, un concours de dessin s'adressant à la population a été lancé. Le ou la gagnante du dessin représentant le mieux le symbole en question verra son oeuvre reproduite sur un drapeau qui sera éventuellement placé dans un endroit de choix.

2.1.2   Le 6 décembre ou le drame de Polytechnique

Tout comme dans le cadre de la Journée d'action contre la violence faite aux femmes, certains éléments marquants de l'actualité poussent les CALACS à agir. L'exemple le plus frappant de cette

autre façon d'étaler la lutte est la tuerie de l'école Polytechnique où 14 jeunes femmes ont été tuées froidement par un «tireur fou», drame que l'on nomme désormais, subtilement, les événements du 6 décembre. Pour quelques centres, cet autre moment fait désormais partie des pratiques annuelles de lutte.

2.1.3   La Journée internationale des femmes

Malgré le fait qu'on lui attribue, en grande partie, une connotation plus sociale, la Journée internationale des femmes ou le 8 mars revêt pour la plupart des centres une importance marquée. À titre de collaborateurs, participants ou initiateurs de l'événement, les CALACS s'inscrivent dans l'organisation et/ou la tenue annuelle de cette journée adressée à l'ensemble des femmes, ce qui explique le fait que les activités touchent de manière plus générale le thème de la condition féminine. Associés à la sensibilisation et à la lutte, l'humour, la détente et le plaisir font bon ménage dans le déroulement de cette journée.

2.2       Les projets spécifiques de lutte

Depuis quelques années, la sécurité des femmes dans les villes est de plus en plus au coeur des préoccupations d'intervenants-es de toutes sortes. Les CALACS ne font surtout pas exception à la règle. Conscients de la peur suscitée par l'appréhension des manifestations de violence, du sentiment d'insécurité que vivent les femmes ou les autres groupes «à risque» (enfants, personnes âgées...) en milieu urbain et des nombreux moyens de contournement pris par ceux-ci au quotidien, plusieurs CALACS, en fonction de leur étalement géographique ou régional, ont joint les rangs du projet «Aux portes des cités sûres» initié par le Développement québécois de la sécurité des femmes en milieu urbain s'adressant plus particulièrement aux organismes en périphérie des grandes métropoles. Un seul centre, avec son pied-à-terre à Montréal, s'est joint aux projets lancés par le Comité d'action femmes et sécurité urbaine (CAFSU) de Montréal s'adressant spécifiquement aux organismes montréalais. Composées de groupes de femmes, d'organismes communautaires et d'institutions publiques, ces deux entités visent essentiellement le même objectif central soit celui de promouvoir la sécurité et la qualité de vie des femmes en milieu urbain. Les actions entreprises dans ce contexte cherchent d'abord à sensibiliser les acteurs concernés (administrations municipales, polices, services de transport en commun, urbanistes, intervenants-es, population) puis à susciter des changements concrets en terme, par exemple, d'aménagement urbain et paysager et d'installations plus sécuritaires du réseau de transport en commun.

2.3       Les pratiques de lutte «classique» et «émancipatoire» ou «alternative»

Sorties du contexte d'événements spéciaux, certaines activités plus «classiques» constituent depuis toujours le noyau des pratiques favorisées par les CALACS. Les manifestations et les pétitions demeurent au top 5 du palmarès «calacois», viennent ensuite les prises de positions, les appuis donnés aux causes ou aux luttes connexes (le financement des organismes communautaires, par exemple) et les dénonciations à l'égard de situations injustes ou illégales. Concrètement, à travers les années, quelques centres ont dénoncé la tenue d'événements «machistes» et exercé des pressions pour la fermeture ou le démantèlement d'organismes bidons ou à caractère «erotique» (restaurant, lave-auto, boutique). À l'inverse, certains centres ont participé et contribué d'arrache-pied à la création ou à la consolidation de nouvelles ressources communautaires.

Parce qu'il s'agissait d'un des plus grands rassemblements de femmes au Québec depuis longtemps, l'ensemble des centres ont aussi participé, conjointement avec la Coalition nationale des femmes contre la pauvreté et d'autres organismes, à la marche «Du pain et des roses» tenue au printemps 1995. Des suites de cet événement, certains centres ont emboîté le pas l'année suivante, à la remise de miettes de pain à leurs députés-es et ce, dans le cadre d'actions parallèles à une autre marche contre la pauvreté se tenant sous le thème «On vaut plus que des miettes». Voilà une des façons plus «alternative» ou «émancipatoire» de faire passer un message ! !

2.4       Les pratiques indirectes de lutte

Indirectement associées à l'ensemble des pratiques de lutte des CALACS, les représentations peuvent offrir, dépendamment des instances présentes et de la nature du groupe de travail ou du comité, un terrain plus ou moins fertile à la lutte. Par comparaison, certaines représentations permettent de réunir des intervenants en un lieu commun, propice à l'échange d'expertise ou d'information, tandis que d'autres contribuent subtilement mais directement à l'avènement de changements importants. Quelques représentations auprès de députés-es ou de ministres, par exemple, ont donc permis de faire valoir la spécificité de la problématique des agressions à caractère sexuel dans le cadre de projets ou de l'élaboration de politiques sociales. Certaines représentations ont également provoqué, tentent toujours de provoquer, la révision de documents législatifs. La réforme en 1983 du code criminel canadien au chapitre des articles de loi sur le viol et les délits sexuels et les récentes propositions de modifications législatives sur la tenue de dossiers et le contre-interrogatoire des victimes par les accusés en sont des exemples probants. De révolutionnaire à débonnaire, chaque représentation porte ainsi un potentiel différent. Pour en connaître davantage sur le travail de représentation...

2.4.1    Les représentations

Les changements sociaux et politiques se faisant rarement seuls, les CALACS s'impliquent activement au sein de plusieurs comités ou tables de concertation de différents organismes ou associations. Aussi, pour la plupart des centres, il n'est pas rare de participer à des tables de concertation en matière de violence faite aux femmes et aux enfants, au niveau de la jeunesse et en lien avec la prévention du crime. Plusieurs centres se retrouvent parallèlement sur divers comités en lien, par exemple, avec la régionalisation, le financement des organismes communautaires et l'organisation d'événements particuliers, comme le 8 mars. D'un même élan, on retrouve aussi la participation de deux centres sur des comités d'action concertée en matière de violence sexuelle, par le biais desquels on s'active à la production d'un mémoire et à la formulation de protocoles d'entente avec certains intervenants des secteurs de la santé et de la justice. En vrac, les CALACS participent également à plusieurs groupes de réflexion et/ou d'action dont les thématiques (agresseurs, milieu carcéral, sécurité des femmes) et les visées (implantation de nouvelles ressources, identification des besoins) varient.

À l'instar de toutes les représentations exigées par une participation aux tables, comités ou groupes formés par d'autres ou conjointement, les centres mettent également sur pied leurs propres comités à «l'interne», comme celui nommé précédemment par exemple, dont la tâche est de créer un symbole permanent de non-violence. Naturellement, les divers comités peuvent prendre plusieurs directions différentes, une seule leur est commune, la lutte. En bout de piste, faut-il mentionner que la plupart des CALACS sont membres de diverses organisations ou de coalitions luttant, entre autres, pour l'amélioration de la condition de vie des femmes et le financement des organismes communautaires.

2.4.2   L'aide directe

Tout comme les représentations, certaines pratiques alternatives d'aide directe sont perçues par quelques CALACS comme faisant partie de la lutte. Cela dit, le fait pour certains centres d'appuyer une femme victime d'agression sexuelle dans ses démarches auprès d'un procureur, par exemple, constitue de là lutte. Dans ce contexte particulier, le travail des centres peut consister à faire avancer le dossier d'une femme ou à obtenir quelques gains ou droits pouvant aider la femme à passer à travers le processus judiciaire sans trop de heurts. La confrontation* comme mesure alternative au système judiciaire s'inscrit également dans cette double optique d'aide directe et de lutte.

* Confrontation: démarche au cours de laquelle une victime de viol, accompagnée d'autres femmes, va rencontrer publiquement son agresseur pour lui dire qu'elle juge son comportement inacceptable, qu'il doit changer immédiatement et remettre en question les attitudes qui l'ont mené à poser ces gestes. C'est la victime qui se défend elle-même, plutôt que d'avoir recours au système judiciaire (Association canadienne des centres contre le viol, 1981: 22).

3.        LES OUTILS NECESSAIRES

Pour arriver à actualiser leurs pratiques de prévention, les CALACS utilisent divers moyens ou courroies de transmission. Dans le cadre d'animations en milieu scolaire et/ou de formations auprès de divers professionnels-lés (professeurs, intervenants sociaux, infirmières, policiers, etc.) et militantes, les centres, selon les demandes qui leurs sont faites et leur préférence «personnelle», font, parmi un vaste éventail de possibilités, l'utilisation de jeux de sensibilisation -celui sur les «mythes et préjugés» est particulièrement apprécié-, de mises en situation écrites ou orales, de techniques liées à l'imagerie et à la visualisation et la distribution de brochures d'informations et de textes de réflexion.

Pour arriver aux fins souhaitées, les CALACS utilisent donc plusieurs outils complémentaires, principalement de type didactique et audiovisuel. Mise à part la multitude d'outils dont ils se sont eux-mêmes dotés d'une part, pour répondre aux demandes ponctuelles ou spontanées des écoles et des autres milieux intéressés et d'autre part, pour consolider une pratique préventive unique en la matière, les CALACS s'inspirent aussi, en partie, du matériel d'autres organismes et/ou de programmes de prévention déjà mis en place et jugé efficace.

Ceci dit, parmi les outils privilégiés pour les animations et les formations offertes, on retient prioritairement le guide d'animation et/ou de formation et la vidéo. Depuis les dernières années, plusieurs CALACS ont contribué signifïcativement à l'apport de nouveaux outils d'animation dans le contexte de la prévention des agressions à caractère sexuel.

En processus de création, certains centres prévoient présenter sous peu de nouvelles productions audiovisuelles et de nouveaux outils d'animations en prévention. À suivre...

4.   LES PRATIQUES DE PREVENTION ET DE LUTTE DES CALACS: DES RETOMBÉES INTÉRESSANTES

Après plusieurs années d'implication dans leurs milieux respectifs, les CALACS ont le sentiment d'obtenir, par la plupart de leurs collaborateurs et collaboratrices, la reconnaissance de leur expertise en matière de prévention et de lutte contre les agressions à caractère sexuel. En fait, tous les centres estiment entretenir de bons liens, sinon améliorés, avec les divers intervenants-es du réseau de la santé et des services sociaux, des organismes communautaires, du système judiciaire, du milieu scolaire, des instances politiques et des médias de leur région. Grâce à leurs nombreuses activités de prévention et de lutte, les CALACS ont également l'impression d'être plus visibles dans leurs communautés soit d'être mieux connus par l'ensemble de la population mais aussi par l'ensemble des professionnels-lés ou intervenants-es, desquels, par ailleurs, ils sentent beaucoup plus d'ouverture. De ce fait, plusieurs centres sont à même de constater que certaines de leurs activités de prévention et/ou de lutte provoquent une augmentation significative des références faites par ces personnes, de même qu'une augmentation des demandes d'aide et des sessions de formation.

Partie prenante du mouvement des femmes depuis plus de 15 ans, les CALACS sont particulièrement fiers d'avoir participé à l'émergence de nouvelles solidarités féminines. D'autre façon, les CALACS sont également heureux d'avoir contribué signifïcativement, bien qu'en toute humilité, à l'évolution de l'analyse des agressions à caractère sexuel. Comme on peut en juger d'une part, par l'augmentation du niveau de compréhension ou de connaissances générales de la population par rapport à la problématique et d'autre part, par les changements concrets survenus en regard, par exemple, du traitement des victimes par les divers acteurs du système de la santé et des services sociaux et du système judiciaire. Bien qu'ils affirment avec justesse que les choses ont changé de manière importante depuis 15 ans, les CALACS sont néanmoins conscients que le travail est loin d'être terminé comme l'indique encore les taux élevés d'incidence et de prévalence des agressions à caractère sexuel, présentés dans la première partie du document. Aux sceptiques, les résultats suivants démontrent quelques-unes des réalisations ou des retombées liées aux pratiques de prévention et de lutte des CALACS.

4.1        Impact de la prévention

Suivant l'étendue des animations et des formations en milieu scolaire, plusieurs centres ont dû répondre à une augmentation des références d'intervenants-es et par ricochet, à une multiplication des demandes d'aide. Cette situation n'est pas sans avoir eu d'impact sur les services offerts par les centres. Ceux-ci, en réponse aux besoins, on procédé dans la mesure du possible à la formation de nouveaux groupes de soutien pour adolescentes. Par ailleurs, à la suite d'animations ou de la tenue d'autres activités en milieu scolaire, quelques centres ont eu l'agréable surprise de susciter l'implication des jeunes dans leur milieu. Ainsi, dans certaines polyvalentes, on a vu se former des groupes de soutien et des groupes de pairs aidants. Du même souffle, certains jeunes ont également fait appel aux CALACS pour mettre sur pied des cours d'auto-défense dans leurs écoles, ce qui n'est pas négligeable. Du côté des enseignants-es, on a dit se sentir mieux équipés pour aider les jeunes lorsqu'ils dévoilent une situation d'abus et aussi mieux comprendre la problématique.

Dans le cadre des formations offertes aux intervenants-es du réseau de la santé et des services sociaux et des organismes communautaires, on note une meilleure connaissance de la problématique. En corollaire, les intervenants-es disent se sentir plus aptes à reconnaître les indicateurs d'abus et à mesurer l'impact de l'intervention effectuée. Dans quelques cas, on avoue l'amorce d'un cheminement personnel passant par la sensibilisation de l'entourage et le retour du feu sacré pour la lutte.

4.2       Impact de la lutte

L'implication des CALACS dans les projets de sécurité des femmes en milieu urbain «Aux portes des cités sûres» et ceux liés au CAFSU a débouché sur des résultats concrets. Aussi, pour l'ensemble des centres, on a vu se mettre sur pied un éventail de petits et de grands projets dont les retombées se sont concrètement manifestées par le biais de réaménagements paysagers, par la mise en branle de structures ou comités permanents sur la sécurité des femmes en milieu urbain, par la sécurisation de lieux «à risque» et par la formation et la sensibilisation d'intervenants-es et/ou de représentants-es municipaux-ales concernés de près ou de loin par le projet.

Dans un tout autre ordre d'idée, les pressions faites par plusieurs CALACS pour fermer ou démanteler certains types de services à caractère «erotique» ou faisant de la fausse représentation ont largement porté fruit. Dans bon nombre de cas, hormis la fermeture des établissements ou la cessation des activités des groupes en question, on a vu certaines administrations municipales adopter une réglementation stricte contre l'implantation de types de commerces à caractère «erotique» et/ou contre l'étalage de revues et d'objets à caractère «erotique».

La participation des CALACS à de nombreuses tables de concertation ou comités rapporte aussi des dividendes. Par ces intermédiaires, l'ensemble des centres disent avoir établi des collaborations plus étroites de même que des liens professionnels plus solides. On y voit aussi une façon d'instituer un langage commun, plus ouvert aux échanges, comme le laisse entrevoir l'adoption, de plus en plus fréquente, de protocoles d'intervention ou d'ententes inter-sectorielles. Pour la plupart des centres, la présence à un comité ou une table permet d'influencer, plus ou moins directement, la tournure des événements.

De façon très particulière, certaines envolées «calacoises» suscitent plusieurs réactions ou questionnements profitables au changement. Récemment, quelques centres ont provoqué de grands débats d'intérêt public sur la question de la libération conditionnelle de pédophiles et sur la notion de sursis d'emprisonnement, de même que sur le caractère ridicule des sentences imposées aux agresseurs sexuels. Suivant ces débats, certaines instances se sont penchées sur les sujets nommés afin de dégager de nouvelles pistes d'action et de réflexion, d'autres ont littéralement repris les arguments amenés initialement par les centres pour faire valoir leurs points de vue ou voire même, sentencer un individu.

Enfin, bien que l'on puisse dresser un portrait positif des résultats liés aux pratiques de prévention et de lutte des CALACS, certaines situations ou actions offrent moins de retombées intéressantes ou spectaculaires. Ainsi, dans certaines occasions, la tenue d'événements ou d'actions n'apporte pas toujours de résultats concluants, ceci en contrepartie de la somme importante de travail déployée pour que le projet se démarque. À d'autres moments, en ce qui a trait à la prévention, certains centres peuvent avoir l'impression de fournir davantage de l'information que d'effectuer un réel travail de prévention. Il en va de même dans le contexte de certaines activités de lutte où on avoue trouver quelquefois difficile le travail de mobilisation qui consiste à susciter la participation des gens. Ceci dit, les CALACS s'entendent pour dire que l'impact des pratiques préventives et de lutte est difficile à mesurer, particulièrement si on cherche à constater des changements de mentalité ou d'attitudes. Peu outillés pour faire l'évaluation des effets plus abstraits de leurs actions, les centres concentrent plutôt leur énergie sur l'évaluation de résultats à plus petite échelle, comme ceux disponibles à la suite d'une rencontre d'animation ou d'une session de formation. Pour en savoir plus...

5.         L'ÉVALUATION DES PRATIQUES: OUTIL DE MESURE OU DE TORTURE?

L'évaluation des pratiques de prévention et de lutte est importante, les CALACS le savent bien. Considérée comme un moyen privilégié pour se féliciter ou rajuster la formule d'une activité, l'évaluation fait de plus en plus partie des préoccupations et des efforts concrets des centres pour cerner les retombées de leurs pratiques. Concrètement, pour les CALACS, l'évaluation d'activités ou d'actions prend forme par le biais d'une appréciation écrite, orale et/ou moins formellement, par la prise en compte des commentaires et des recommandations apportés par les participants-es.

Par souci d'efficacité, question aussi de ne pas repartir à zéro dans l'organisation d'une activité ou d'une action, spécialement si elle s'est déjà tenue par le passé, la plupart des centres tiennent les dossiers spécifiques de toutes leurs pratiques de prévention et de lutte. À un autre niveau, certains centres évaluent légitimement, avant même leur tenue, les activités dans lesquelles il peut être hasardeux de s'embarquer ou de participer. Gros bon sens oblige, il en va de même pour évaluer si le budget disponible peut supporter l'actualisation d'un projet X.

CONCLUSION

Ce document, dont l'essence s'avère la somme de plusieurs heures d'entretien et de lecture, traduit et relève le plus fidèlement possible la diversité des pratiques de prévention et de lutte des CALACS. Relativement peu connues et plus ou moins visibles, ces pratiques n'avaient jamais fait l'objet d'une démarche de systématisation. Ce document est donc le fruit d'un premier effort en ce sens. La générosité et l'ouverture témoignées par chacune des intervenantes rejointes ont contribué, de manière significative, à l'acuité de l'auto-portrait réalisé. Au terme de la démarche, voici ce qu'il importe de retenir...

Mis sur pied il y a maintenant plus de 15 ans, par et pour les femmes victimes d'agressions à caractère sexuel, les CALACS ont largement contribué à développer des pratiques novatrices qui répondent à leur triple objectif d'aide, de prévention et de lutte. Avec les années, ces pratiques se sont raffinées mais aussi fortement diversifiées d'où une moins grande stigmatisation des femmes victimes d'agressions à caractère sexuel, une plus grande sensibilité de la population et des divers professionnels-lés concernés à la problématique et l'apport de changements importants. Le véhicule offert spécifiquement par les pratiques de prévention et de lutte est sans contredit un atout important. Bien que poussés par le vent, les centres questionnent tout de même leurs pratiques, particulièrement dans le contexte actuel...

Traversés, comme plusieurs, par la régionalisation des services et la reconfiguration du réseau de la santé et des services sociaux découlant du virage ambulatoire, certains CALACS trouvent de plus en plus difficile de maintenir à part égale, leurs services d'aide, de prévention et de lutte. En effet, la constante augmentation des références venant d'intervenants-es et, par effet boomerang, la hausse des demandes d'aide, rendent parfois difficile les choix à faire ou les priorités à établir. La multiplication des rencontres et des représentations découlant d'une nouvelle ère de concertation et de partenariat ne facilite pas davantage la tâche des centres. Affectés par ces chambardements, les CALACS se questionnent donc sur la place des pratiques de prévention et de lutte dans le contexte présent et dans l'avenir et ce, particulièrement devant le plafonnement du financement ou des subventions accordés. En fait, ce qui inquiète davantage les CALACS, c'est à la fois la perte du caractère prioritaire des pratiques de prévention et de lutte mais aussi leur cachet original ou typique.

Question de préserver et de maximiser le potentiel de leurs diverses pratiques de prévention et de lutte dont ils évaluent périodiquement les retombées, les centres souhaitent, dans un futur rapproché, arriver à développer des outils d'évaluation dans l'intention de mieux connaître l'impact à moyen et à long terme de celles-ci. Les évaluations d'impact, on le sait, exigent plus de ressources humaines et financières, ressources dont les CALACS ne disposent malheureusement pas actuellement. La venue de nouveaux projets ou de nouvelles subventions permettra peut être la réalisation de ces dites évaluations et ainsi, l'estimation d'un travail de prévention souvent difficile à mesurer. Au bout du compte, malgré un contexte social instable et une période «trouble» de remise en question, peu de choses viennent affaiblir le désir des CALACS de faire en sorte qu'un jour plus aucune femme n'ait à craindre pour sa sécurité, son intégrité et sa vie ! !

BIBLIOGRAPHIE

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REGROUPEMENT QUÉBÉCOIS DES CALACS. 1993e. Les agressions sexuelles: dépasser le statu quo. Québec, 43 p.

STATISTIQUE CANADA. 1993. «L'enquête sur la violence envers les femmes». Le Quotidien, 18 novembre, 10 p.

TOURIGNY, Marc et LAVERGNE, Chantai. 1995. Les agressions à caractère sexuel (ACS): état de la situation, efficacité des programmes de prévention et facteurs associés à la dénonciation. Laboratoire de recherche en écologie humaine et sociale (LAREHS), Université du Québec à Montréal, Québec, 72 p.

VANDAL, Claudette. 1997. Les pratiques d'intervention féministe dans les centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (CALACS). Comme exigence partielle de la maîtrise en intervention sociale, Université du Québec à Montréal, Québec, 201 p.

EN GUISE DE CONSULTATION:

COMITÉ CANADIEN SUR LA VIOLENCE FAITE AUX FEMMES. 1993. Un nouvel horizon: éliminer la violence-atteindre l'égalité. Gouvernement du Canada, p.3-44.

DESLANDES, Pierrette. 1993. «Pour la sécurité des femmes dans les villes... une alliance entre les groupes communautaires et les institutions». Par le trou de la serrure, Ville de Montréal, Tandem Montréal, vol. 3, novembre, p. 10-11.

DÉVELOPPEMENT QUÉBÉCOIS DE LA SÉCURITÉ DES FEMMES. 1993. L'autre sécurité... Document préparé à l'intention des intervenants et intervenantes des administrations municipales. 11 p.

DÉVELOPPEMENT QUÉBÉCOIS DE LA SÉCURITÉ DES FEMMES. 1995. Esquisses de la sécurité des femmes dans les espaces publics. Québec-Rimouski-Chicoutimi-Sherbrooke. 81p.

ANNEXE 1 LISTE DES CALACS MEMBRES

CALACS COTE-NORD C.P. 2232

BAIE-COMEAU (Québec) G5C 2S9

(418)589-1714

CAPAS CHÂTEAUGUAY C.P. 47030

CHÂTEAUGUAY (Québec) J6K 5B7 (514)699-8258

LA MAISON ISA C.P. 1551

CHICOUTIMI (Québec) G7H6Z5 (418) 545-6444

LA PASSERELLE

C.P. 93

DRUMMONDVILLE (Québec)

J2B 6V6

(819)478-3353

CALACS LA BOME C.P. 1907 GASPÉ (Québec) GOC1RO (418)368-6686

CALAS HULL

C.P. 1872, Succ. B

HULL (Québec)

J8X 3Z1

(819) 771-6233 info. (819) 771-1773 urg.

CAPAS GRANBY C.P. 63

GRANBY (Québec) J2G 8E2

(514)375-3338

TRÊVE POUR ELLES

C.P. 51119 3365 Granby MONTRÉAL (Québec) H1N3T8

(514)251-0323

CALACS LANAUDIERE C.P. 31

JULIETTE (Québec) J6E 3Z3

(514)756-4999

CALACS RIMOUSKI

115 Ste-Thérèse RIMOUSKI (Québec) G5L 4C3 (418)725-4220

POINT D'APPUI - ROUYN C.P. 1274

ROUYN-NORANDA (Québec) J9X 6E4 (819)797-0101

CALACS CHAUDIÈRE-APPALACHES 11980, 2 ième Avenue ST-GEORGES-DE-BEAUCE (Québec) G5Y 1X3

(418)227-6866

CALACS LAURENTIDES CALACS SHERBROOKE

C.P. 202 C.P. 1594

ST-JÉRÔME (Québec) SHERBROOKE (Québec)

J7Z 5T9 J1H 5M4

(514)565-6231 (819)563-9999

CALACS TROIS-RIVIERES ASSAUT SEXUEL SECOURS

C.P. 776 C.P. 697

TROIS-RIVIERES (Québec)                                        VAL D'OR (Québec)

G9A 5J9 J9P 4P6

(819)373-1232 (819)825-6968

LA VIGIE C.P. 295

VALLEYFIELD (Québec) J6S 4V6 (514)371-4222

REGROUPEMENT QUÉBÉCOIS DES CALACS

C.P. 267, Succ. De Lorimier

MONTRÉAL (Québec)

H2H2N6

(514)529-5252

48

ANNEXE 2 LISTE DES PROGRAMMES ET DES DOCUMENTS

PROGRAMMES DE PREVENTION

Programme de prévention «Riposte» VIGIE VALLEYFIELD

Programme de prévention «Sentinelles» CAPAS GRANBY

Programme de prévention/intervention «J'AVISE» CAP AS CHÂTEAUGUAY

PRODUCTIONS DOCUMENTAIRES

GUIDES D'ANIMATION

«Si tu savais...» Jeu questionnaire sur les agressions à caractère sexuel CALACS CHAUDIERE-APPALACHES

Guide d'animation «Sentinelles»

Guide d'animation scolaire secondaire I à V

Guide d'animation «Le harcèlement sexuel, c'est pas des farces»

CAPAS GRANBY

Guide d'animation pour sessions de formation à l'intention d'employés de soutien Plan d'animation «Mieux connaître et s'outiller, pour mieux prévenir» (10 ateliers) CALACS LAURENTIDES

Fiche d'animation sur les agressions à caractère sexuel pour étudiants-es secondaire I Fiche d'animation sur le harcèlement sexuel Rapport du théâtre forum 1995; guide et scénarios CALACS RIMOUSKI

Canevas d'animation pour les étudiants-es du secondaire Canevas d'animation pour groupes divers CAP AS CHÂTEAUGUAY

Guide d'animation «Riposte»

Guide d'animation d'un atelier sur le harcèlement sexuel

VIGIE VALLEYFIELD

Syllabus pour sensibilisation auprès des adolescentes CALACS SHERBROOKE

Canevas d'animation pour adolescents sur la violence TRÊVE POUR ELLES - MONTRÉAL

Canevas d'animation pour les étudiants-es du secondaire Canevas d'animation sur le harcèlement sexuel CALAS HULL

GUIDES OU KITS DE FORMATION

Kit pour formation de base des militantes

Kit pour formation en intervention des militantes

CAP AS CHÂTEAUGUAY

Kit de formation sur la problématique des agressions à caractère sexuel

Kit pour formation de base des militantes

Kit pour formation en intervention des militantes

Kit de formation pour les femmes désirant s'impliquer

CAPAS GRANBY

Plan de formation pour intervenants-es «jeunesse» sur la problématique des agressions à caractère sexuel CALACS LAURENTIDES

Guide de formation pour les bénévoles de La Vigie sur les agressions à caractère sexuel VIGIE VALLEYFIELD

Kit de formation aux militantes

ASSAUT SEXUEL SECOURS - VAL D'OR

Kit pour formation aux infirmières en salle d'urgence et en psychiatrie

Kit pour formation sur le harcèlement sexuel

Kit pour formation de base des militantes

Kit pour formation pour les aidants-es naturels-lés dans les écoles secondaires

CALACS TROIS-RIVIÈRES

Kit de formation sur le pardon

Kit de formation sur les agressions à caractère sexuel pour les intervenants du réseau

CALACS CÔTE NORD - BAIE-COMEAU

Kit de formation sur les agressions à caractère sexuel pour jeunes pairs aidants

Kit de formation sur le fonctionnement en collective

Kit de formation sur les agressions à caractère sexuel pour jeunes intervenants-es

Kit de formation des militantes

CALAS HULL

51

Kit de formation de base des militantes

Kit de formation sur l'intervention féministe

Kit de formation: «Agression à caractère sexuel et intervention féministe»

Kit de formation sur l'inceste

Kit de formation sur le harcèlement sexuel

Kit de formation sur le lesbianisme

Kit de formation sur le suicide

Kit de formation sur la santé mentale

Kit de formation sur la sexualité

Kit de formation: «Système judiciaire, lois et trousse médico-légale»

Kit de formation: «Alternatives au système judiciaire»

Kit de formation sur multitude d'autres sujets

TRÊVE POUR ELLES - MONTRÉAL

AUTRES GUIDES OU DOCUMENTS GÉNÉRAUX

Guide d'information à l'intention des victimes d'agressions à caractère sexuel et des intervenantes; comprendre, connaître et réagir CALACS CHAUDIÈRE-APPALACHES

Guide d'accueil pour militantes et utilisatrices CALACS RIMOUSKI

Brochure «Le harcèlement sexuel au travail doit cesser» CALACS TROIS-RIVIÈRES

Brochure sur la pornographie

POINT D'APPUI - ROUYN-NORANDA

Bande dessinée «Les ripostes de Camille...» VIGIE VALLEYFIELD

Sondage «Aux portes des cités sûres»

Recueil de textes et allocutions «Marche de solidarité contre la violence faite aux femmes»

CALACS SHERBROOKE

Guide d'accueil pour militantes «Être et devenir militante à Trêve pour elles» TRÊVE POUR ELLES - MONTRÉAL

PRODUCTIONS AUDIOVISUELLES

Vidéo «Arrête de me prendre, essaie de me comprendre» et guide Vidéo «Toujours vivantes»et guide CALACS TROIS-RIVIÈRES

Vidéo «La violence conditionnée» VIGIE VALLEYFIELD

PRODUCTIONS DIVERSES

Pièce de théâtre «Frissons au corps» CALACS TROIS-RIVIÈRES

PRODUCTIONS EN COURS*

Guide de formation «As-tu 5 minutes?» PASSERELLE - DRUMMONDVILLE

Guide d'animation «J'AVISE» CAPAS CHÂTEAUGUAY

Livret d'implication pour militantes CALACS TROIS-RIVIÈRES

Il s'agit de documents en cours de préparation et dont les titres sont, pour l'instant, provisoires.